Ils sont plus de 1200 migrants à être arrivés sur les îles Canaries depuis 10 mois. Les candidats à l'exil optent de plus en plus pour la côte espagnole, pour éviter la route de la Libye. Les départs depuis le Sénégal sont nombreux.
UN ARABISANT ENTRE PRESSE ET POUVOIR
PORTRAIT – Sidy Lamine Niasse, défunt Pdg du groupe Walfadjri
Décédé hier à l’âge de 68 ans, Sidy Lamine Niasse, fils de El Hadj Mohamad Niasse (1881-1959), grand savant, écrivain et homme de Dieu, a vécu pleinement sa vie. Homme de média, acteur dans la vie publique, il a été à lui seul un contrepouvoir.
A 68 ans, il n’avait pas pris sa retraite. Mais, elle a été décrétée par la grande faucheuse, toujours avide de vie humaine. Sidy Lamine Niasse est décédé hier à la suite d’un foudroyant arrêt cardiaque à l’hôpital Principal de Dakar. Fin de parcours d’un homme qui a donné un sens à sa vie. Il n’a que 34 ans et déjà l’assurance et l’énergie qui le caractériseront durant toute sa vie. En janvier 1984, il crée le bimensuel Walfadjri. C’est l’aurore de la presse privée parce que c’est la première fois qu’un journal privé apparaissait dans les kiosques. A travers cet acte, il impose naturellement son style percutant. Sidy Lamine n’a pas 40 ans, mais il a devant lui un avenir radieux. Il fait partie d‘une génération jeune et ambitieuse, qui doit booster les médias privés. En novembre 1997, les éléments de la postérité, qui se jouera dans les années suivantes, sont déjà en place. Le «patron idéal», comme on l’appelle, vient de grandir son entreprise de presse.
En novembre 1997, Walf Fm émet après qu’il a réussi à faire de Walfadjri l’Aurore un quotidien en 1993. La télé suivra. Ce patrimoine médiatique fait de Sidy Lamine, l’un des hommes les plus influents et controversés du Sénégal. C’est un arabisant, qui a toujours pensé que les médias permettaient de contenir la rage, les désillusions, la solitude du Peuple. Jusqu’au bout, Sidy a lutté pour la vérité. Ses idées. «La presse a perdu un homme de démocratie. Car Sidy avait choisi son camp, celui de la démocratie et il a eu la vie dure, car son combat était perçu comme un combat contre le gouvernement, ce qui était faux», témoigne Mbaye Sidy Mbaye, ancien directeur exécutif du groupe Walfadjri, à la naissance de Walf Fm. A travers la ligne éditoriale de son groupe, il entend s’approcher au plus près des «gens» et de leurs problèmes. Le style survitaminé de l’enfant de Kaolack ne se polit pas. Il conserve toujours son débit de religieux et arpente son plateau avec une assurance dogmatique. Mais l’empreinte de Sidy Lamine se retrouvera bien au-delà des émissions qu’il anime, des opinons qu’il donne sans fioritures. Il cristallise ainsi des critiques et son groupe subit parfois des attaques presque létales comme le saccage de Walf en 2009. Cet acte contraindra l’Etat à l’indemniser.
Dans sa vie, il se fait aussi médiateur et dénoue des crises comme en 2014 en obtenant auprès de Macky l’autorisation de la manifestation de l’opposition durant le sommet de la Francophonie à Dakar. Son succès l’a installé comme une figure marquante du pays. Il est présent lors des grands rendez-vous publics, marche pour la liberté de la presse, jouit aussi d’une certaine influence. Grâce à son influence dans le Golfe, le défunt Pdg de Walf permit à Abdou Diouf de raffermir les relations entre le Sénégal et les pays arabes. Sidy joue un grand rôle dans l’organisation du sommet de l’Oci en 1991. Me Wade a bénéficié aussi de son entregent pour renouer le fil… de la diplomatie avec Téhéran après la saisie d’un bateau iranien rempli d’armes à destination de Banjul. Pourtant, les contradictions étaient figées à l’époque.
Dans sa trajectoire, l‘homme des médias bien sûr prend le dessus sur le religieux. Diplômé de droit et de jurisprudence islamique à l’université Al-Azhar du Caire, M. Niasse commence sa vie professionnelle par l’enseignement arabe. Il le fait de 1971 à 1975. Autant, il a été enseignant et homme de médias, il a été aussi essayiste. Il a publié Système islamique : dimensions et perspectives, Sharifou ou la fin de l’obscurantisme, Un arabisant entre presse et pouvoir, Abdoulaye Wade, un Président par défaut, L’étranger parmi les siens. Jusqu’au bout, il aura vécu sa vie pour le triomphe de ses idéaux. Jusqu’à livrer cette ultime bataille avant de sombrer dans le sommeil éternel. Cette fois-ci, c’est le crépuscule à Kaolack où il naît le 15 août 1950.
PAR MADIAMBAL DIAGNE
REPOS ÉTERNEL SAYYID, LE REBELLE
Anticonformiste, Sidy Lamine Niasse a eu à croiser le fer avec tous les régimes politiques au Sénégal - Il tire sa révérence en nous laissant le souvenir d’un homme qui a toujours voulu rester droit dans ses bottes
Le décès brusque de Sidy Lamine Niasse endeuille tout le Sénégal. Sidy Lamine Niasse fait partie de ces personnalités sénégalaises qui ont marqué leur temps et leur époque. «Sidy» ou «Sayyid», (on l’appelait ainsi familièrement,) a eu une vie utile à son pays. Sidy Lamine Niasse est le fondateur d’un des plus grands groupes de presse en Afrique francophone. Le groupe Walfadjri constitue une référence dans notre paysage médiatique et on ne peut visiter au Sénégal une salle de rédaction où on ne trouverait pas des journalistes, des techniciens ou autres professionnels des médias qui ont fourbi leurs armes ou fait leurs classes au sein du groupe Walfadjri. Il se trouve que la plupart des grands noms des médias sénégalais aujourd’hui sont passés par Walfadjri. C’est le meilleur hommage qui puisse être rendu à Sidy Lamine Niasse. Moi-même, j’ai eu la chance d’avoir fait mes «classes» dans le métier de journalisme au sein de Walfadjri. Tidiane Kassé (Directeur de publication), Abdourahmane Camara (Rédacteur en chef et chef du Desk politique), Ousseynou Guèye (Chef du Desk économie) Jean Meïssa Diop (Chef du Desk culture), Mademba Aas Ndiaye m’avaient mis le pied à l’étrier. Je ne leur serais jamais assez reconnaissant.
La disparition de Sidy Lamine Niasse constitue aussi une perte immense pour le débat public et démocratique au Sénégal. Sidy Lamine Niasse avait le courage de prendre position sur toutes les questions nationales et acceptait bien volontiers de confronter ses opinions à celles de ses détracteurs et pourfendeurs. Il a prôné le pluralisme d’opinions et aura donc incontestablement participé au renforcement de la démocratie sénégalaise. Sidy Lamine Niasse a été un patriote qui a même beaucoup payé de sa personne la défense des principes auxquels il croyait. Son engagement était sans équivoque et il avait le courage de ses idées. Sidy Lamine Niasse a été un rebelle de tout temps et de toujours.
Anticonformiste, il a eu à croiser le fer avec tous les régimes politiques au Sénégal. Il tire sa révérence en nous laissant le souvenir d’un homme qui a toujours voulu rester droit dans ses bottes.
Que Dieu lui ouvre les portes du Paradis !
«LA PRISE EN CHARGE DU VIH DOIT SE FAIRE AUTREMENT ET DIFFEREMMENT»
SIDA – Pr Papa Salif Sow aux journées scientifiques du Cnls
La réponse contre le Vih/Sida doit être mise sous le sceau de l’innovation. Pour le Professeur Papa Salif Sow, parrain de cette 2ème édition, le Sénégal doit encore explorer de nouvelles stratégies de dépistage et aller à la rencontre des communautés pour atteindre le premier 90, porte d’entrée de la prise en charge du Vih.
C’est un cours magistral que le Professeur Papa Salif Sow a offert au public nombreux, venu assister à la cérémonie d’ouverture des Journées scientifiques Sida (Jss) du Cnls. Le Professeur Sow, parrain de cette 2ème édition, n’a négligé aucun détail pour l’amélioration et l’accélération de la prise en charge du Vih. Il estime que pour atteindre les trois 90, il faut réexaminer le système de santé, car la «prise en charge doit se faire autrement et différemment». Pour ce faire, l’innovation doit être un leitmotiv, comme le recommande d’ailleurs l’Onusida.
Pr Salif Sow a commencé par le dépistage, porte d’entrée de la prise en charge du Vih. En plus du test dans les structures classiques de santé, il a évoqué le test à domicile, les tests des ménages avec notifications aux partenaires, le partage des résultats, le test en milieu communautaire, et l’autotest qui est en train d’être introduit au Sénégal. Pour M. Sow, le Sénégal devrait se mettre à l’air du temps «comme il fait d’ailleurs» et aller encore plus à la rencontre des communautés et des populations, surtout des groupes clés qui éprouvent des difficultés à se rendre dans les structures de santé pour leur offrir le test et augmenter ainsi le nombre de personnes qui connaîtront leur statut. De nouvelles stratégies de dépistage du Vih «très innovantes» qui, selon le parrain, fournissent des résultats très prometteurs et aideront le pays à atteindre le premier 90. Jusque-là, 29% des Pvvih ne connaissent pas leur statut. Or notre pays n’est pas loin des échéances mondiales qui recommandent que 90% des Pvvih doivent savoir leur statut en 2020.
A côté du dépistage, il est important, une fois que le statut sérologique est connu, d’initier le traitement le plus tôt possible. Là aussi, l’infectiologue cite les innovations mises en œuvre au niveau mondial, notamment l’initiation immédiate du traitement après counseling et éducation thérapeutique. Et Sénégal s’est engagé à tester et à traiter aussitôt, mais certaines difficultés propres au système de santé et à l’environnement social empêchent sa réalisation. Pourtant, l’objectif est d’éviter de perdre du temps, «car il est établi que la personne mise sous Arv immédiatement après son test n’a plus de charge virale au bout de 12 mois de traitement», rappelle Professeur Sow. De nouvelles stratégies doivent être également focalisées sur l’amélioration et la dispensation des médicaments antirétroviraux. Il s’agit entre autres des «groupes communautaires, des regroupements de la prescription comme ça se fait en Ouganda ou la création de clubs d’observance aux traitements comme en Afrique du Sud», relève-t-il.
Autre point évoqué dans la prise en charge, la différenciation des soins. Cette innovation est proposée par les acteurs de la lutte comme une stratégie majeure. «La différenciation des soins vise à fournir un cadre pour de nouvelles prestations de services. Elle simplifie et adapte le paquet de soins en fonction des besoins du patient tout en réduisant les charges inutiles sur le système de santé en fournissant des soins différenciés», explique-t-il. Elle permet, estime Pr Sow, au système de santé de recentrer ses ressources sur ceux qui en ont le plus besoin «surtout que nous sommes dans un contexte de raréfaction des ressources». Pour le spécialiste, l’application WhatsApp devrait être mise à contribution dans la réponse. Selon lui, certains laboratoires ont utilisé WhatsApp pour rendre des résultats et d’autres structures sanitaires pour le rappel des rendez-vous. Alors que pour l’évaluation de la charge virale, fondamentale pour juger de l’efficacité du traitement, «il faudra mettre à la disposition et faciliter l’accès à la charge virale dans une approche décentralisée», conclut-il.
Pour la 2ème édition des Journées scientifiques Sida, 514 experts, venus des 14 régions du Sénégal, y ont participé et présenté 90 présentations orales. Une prouesse, selon Dr Safiétou Thiam, directrice exécutive du Cnls.
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POURQUOI SADIO MANÉ BRILLE MOINS AVEC LE SÉNÉGAL
Le journaliste sportif, Philippe Doucet s'est exprimé sur les performances de l'international de Liverpool et les choix d'Aliou Cissé
Si And gueusseum ne fait pas de compromis sur le régime indemnitaire, le secteur de la santé risque d’être bloqué, car le gouvernement n’entend pas négocier sur ce point de manière isolée. C’est un régime global des fonctionnaires qui sera proposé par l’Etat, a expliqué Abdoulaye Diouf Sarr, lors du vote de son budget. Qui, cette année, a connu une hausse de plus de 29 milliards, comparé à 2018.
Le gouvernement ne va pas négocier un régime indemnitaire de manière isolée. L’Alliance And gueusseum est avertie, car le ministre de la Santé et de l’action sociale ne compte pas bouger d’un iota sur ce point. Par conséquent, la ponction de salaire annoncée sera maintenue si les fonctionnaires de la santé ne reprennent pas le travail. En résumé, c’est comme ça qu’il faut comprendre la réponse de Abdoulaye Diouf Sarr à l’interrogation d’un député, lors du vote du budget de son ministère. Qui, faut-il le mentionner, a connu une hausse de 29 milliards 368 millions 921 mille 930 Cfa. Ainsi, pour 2019, Abdoulaye Diouf Sarr devra gérer 198 milliards 856 millions 033 mille 250 Cfa qui seront répartis comme suit : Les dépenses de personnel sont arrêtées à 44 milliards 527 millions 602 mille 481 Cfa, soit une hausse de 5 milliards 207 millions 896 mille 161 Cfa, comparé à 2018. Les dépenses de fonctionnement, en 2019, vont connaître une augmentation de 4 milliards 913 millions 647 mille 916 Cfa. Ainsi, elles sont évaluées à 14 milliards 344 millions 513 mille 916 Cfa. Cette hausse significative, a expliqué Abdoulaye Diouf Sarr, va permettre de renforcer le budget des directions et services aussi bien au niveau central que déconcentré, mais aussi l’accessibilité et la qualité des soins avec le renforcement du budget de l’unité mobile.
Ce vote du budget a été marqué, comme d’habitude, par des sollicitations isolées. En effet, entre demande d’aide formulée par la mouvance présidentielle et reproche de l’opposition, Abdoulaye Diouf Sarr a eu largement le temps d’exposer le bilan «positif» du gouvernement. De ses dires on retiendra qu’«en 2012, seuls 20% des Sénégalais avaient une assurance maladie. Maintenant, 49% ont une couverture maladie. L’objectif est d’atteindre 75%, et certaines zones l’ont atteint. 176 bourses de spécialisation ont été octroyées aux médecins en 2012 contre 540 bourses avec une multiplication par 2 du taux en 2018. En 2019, le Sénégal va démarrer la construction du Centre national d’ontologie. Les hôpitaux de Touba, Sédhiou, Kaffrine et Kédougou sont en chantier. De 3 centres de dialyse en 2012, on en est aujourd’hui à 12 et on s’apprête à livrer 4 autres. En 2012, nous n’avions qu’une machine de radiothérapie. Aujourd’hui, nous avons 3 accélérateurs de particules», dit-il. A ce rythme-là, il «faut (vraiment) être myope pour ne pas voir une différence de visons» entre l’ancien et l’actuel régime, a expliqué Diouf Sarr. Qui a été égratigné par l’opposition avec des arguments peu commodes.
C’est le député Cheikh Abdou Mbacké qui a ouvert les hostilités : «Les revendications traduisent votre incompétence. Depuis Eva Marie Colle Seck, la santé est malade et tu en es la cause. Je te connais assez pour savoir que le secteur de la santé sous tes ordres ne va pas avancer. Il faut dialoguer avec les syndicats. Toutes les filles (il fait allusion aux jeunes députées, Ndlr) qui ont demandé des ambulances les ont reçues. Maman, je vais t’en offrir une si le ministre ne le fait pas.» Cette dernière phrase n’a pas été du goût de la députée Amy Ndiaye. «Il faut préciser en donnant des noms. Tu fais pression sur les ministres pour ensuite passer au bureau pour des commissions, on se connaît tous», a-t-elle déclaré.
Le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) a tenu une conférence de presse pour entretenir l’opinion de la situation des universités qui ne paraît pas assez reluisante.
Les enseignants du supérieur s’indignent de la décision de la France d’augmenter les frais d’inscription des étudiants africains dans les universités françaises. Malick Fall et ses camarades suggèrent ainsi au gouvernement du Sénégal et aux pays africains de prendre toutes les dispositions pour garantir à leurs enfants l’accès à un enseignement supérieur de qualité, capable de prendre en charge les véritables problématiques pour un développement souverain du continent. M. Fall a aussi dénoncé les retards accusés par le consulat de France sur la délivrance des visas.
Face à la presse, le Saes constate avec regret la situation sociale qui prévaut actuellement dans les campus sociaux avec la fermeture ou la menace de fermeture de la quasi-totalité des restaurants universitaires.
Les enseignants du supérieur pointent du doigt la Primature, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ministère de l’Economie, des finances et du plan. Pourquoi ? «Ils n’ont pas mis en place une politique d’anticipation. Le Mesri aurait dû analyser, en accord avec les directeurs des œuvres universitaires, les repreneurs des restaurants universitaires et le Mefp, la situation financière et s’accorder sur les modalités pratiques de paiement des arriérés avant la rentrée universitaire», explique M. Fall.
Le syndicat des enseignants du supérieur a déploré l’application «aveugle» faite par le ministère de l’Economie, des finances et du plan des clauses du programme «Sica-star», conclu avec le Fmi. Il considère cette mesure comme une violation flagrante de l’autonomie financière des universités publiques consacrée par la loi n°2015-2 du 6 janvier 2015, relative aux universités publiques.
Par ailleurs, le Saes accable le Trésor public qui n’a pas appliqué les termes du protocole d’accord conclu entre le Saes et le gouvernement sur la retraite, notamment sur les fonds de solidarité, «malgré les cotisations versées par les universités».
PAR MOÏSE DOSSOUMOU
PATRICE TALON CHANGE LES PARADIGMES
Très peu intéressé par l’aide au développement, le président béninois demande à ses interlocuteurs de voir la réalité en face - Les pays développés qui donnent l’impression d’être préoccupés par l’épanouissement des pays pauvres n’agissent que par intérêt
Il l’avait martelé l’année écoulée au sommet du G20 en Allemagne. Ces jours-ci à Cotonou, il est revenu à la charge. La 36ème session de l’assemblée parlementaire paritaire Afrique Caraïbes Pacifique et Union européenne (Acp-Ue) a offert l’opportunité à Patrice Talon d’exposer une énième fois sa vision du développement. Face aux députés en provenance de plusieurs continents, le chef de l’Etat a remis en cause l’un des postulats qui caractérisent depuis des lustres la gouvernance de plusieurs pays du Sud. « L’aide au développement a montré ses limites », estime le chef de l’Etat qui refuse d’en faire une priorité. En déplacement à Oslo en Norvège il y a tout juste quelques semaines, le chef de l’Etat avait déclaré que son voyage ne s’inscrivait pas dans la démarche d’une quête de l’aide au développement. Un discours atypique plutôt osé qui avait fait dresser des cheveux sur la tête à nombre d’africains qui ne jurent que par l’aide occidentale.
Voilà que devant les 78 députés de l’Assemblée parlementaire paritaire Acp-Ue, Patrice Talon s’est fait plus incisif. Pour lui, il n’est pas question de donner priorité à la politique de la main tendue. En interpellant les députés venus de plusieurs horizons pour se retrouver à Cotonou, le président de la République les convie à un changement de paradigme. Très peu intéressé par l’aide au développement, il demande à ses interlocuteurs de voir la réalité en face. Les pays développés qui donnent l’impression d’être préoccupés par l’épanouissement des pays pauvres n’agissent que par intérêt. En réalité, aucune nation n’aide une autre à aller de l’avant. Pour qu’un Etat émerge, cela dépend essentiellement de la volonté de ses ressortissants de travailler d’arrache-pied. La charité ne donne le sourire que pendant un temps. C’est en cela qu’une sagesse africaine enseigne qu’il vaut mieux apprendre au nécessiteux à pêcher plutôt que de lui donner du poisson.
Patrice Talon est convaincu que « le développement de nos pays respectifs passe par l’outil de développement économique qu’est l’investissement privé, l’implantation, le développement des Petites et moyennes entreprises (Pme) ». Etant lui-même un acteur du secteur privé, il sait mieux que quiconque que la richesse créée à une certaine hauteur impacte beaucoup plus la vie d’une nation qu’une hypothétique aide qui ne fait que l’enfoncer dans la fange du sous-développement. Si cet instrument conçu par les puissances étrangères était réellement destiné à tirer les Etats pauvres vers le haut, il y a bien longtemps que le Bénin aurait vaincu la pauvreté. Le chef de l’Etat, au vu de plusieurs constats, invite à une autre conception de la coopération et de la solidarité. C’est pour cela qu’il ne jure que par l’accompagnement des Pme. Encore qu’il faudra créer les conditions de promotion de ces entreprises dont la vocation est d’étoffer le tissu économique en le rendant davantage dynamique.
La promotion des Pme que Patrice Talon indique comme porte de sortie de la pauvreté impose au gouvernement d’adopter des comportements nouveaux. Il est vrai que le Conseil des ministres a adopté il y a peu le code des Pme. Reste à l’Assemblée nationale de jouer sa partition afin que notre pays soit doté de ce texte de loi. En outre, il faudra veiller à ce que les actes réglementaires qui en découleront facilitent véritablement l’implantation des entreprises. En termes clairs, il revient à l’Exécutif de mettre en place le cadre qui assure l’épanouissement à ceux qui prennent la lourde décision d’entreprendre. Lorsque tous ces jalons auront été posés, le suivi méticuleux et les réajustements qui s’en suivront sur la base de l’objectivité permettront au Bénin de nourrir la prétention de sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Patrice Talon a parlé. Vivement les actes !
BARA SYLLA ET AMADOU WOURY DIALLO ECOPENT DE 7 ET 5 ANS DE PRISON FERME
L’affaire des médicaments illicites à Touba Belel portée au tribunal de grande instance de Diourbel a connu son épilogue hier, mardi 4 décembre. Bara Sylla et Amadou Woury Diallo ont été condamnés respectivement à 7 et 5 ans de prison ferme avec une amende de 200 millions à payer à l’ordre des pharmaciens du Sénégal.
Le verdict est tombé sur l’affaire des faux médicaments confisqués à Touba Belel dans la localité de Touba en 2017. Le Tribunal de Grande Instance de Diourbel, a condamné Bara Sylla et Amadou Woury Diallo respectivement à 7 et 5 ans de prison ferme. Ces derniers poursuivis pour les chefs d’accusations d’association de malfaiteurs, contrebande, exercice illégal de la profession de pharmacien et complicité d’exercice, devront en plus de leur peine, verser à l’Ordre des pharmaciens du Sénégal ainsi qu’au syndicat de la même corporation une amende de 200 millions F CFA.
Le Tribunal de Grande Instance de Diourbel a aussi confisqué les deux véhicules qui transportaient les médicaments d’une valeur de plus d’un milliard de nos francs. Une nouvelle qui réjouit le ministère de la Santé qui considère cette sentence comme une victoire dans la lutte contre les faux médicaments. «Ceci témoigne encore de notre volonté de lutter contre le trafic de médicaments mais aussi contre ces contrefaits», a déclaré le ministre de la santé Abdoulaye Diouf Sarr. Et de renseigner : «nous avons le devoir de protéger la population et nous allons tout faire pour traquer les personnes qui s’adonnent à ce métier». Pour ce qui concernent les médicaments saisis, les acteurs de la santé ont renseigné, qu’ils seront détruire afin d’éviter qu’ils entrent dans le circuit. Du coté des professionnels du médicament, le verdict reste une victoire dans la lutte.
Cependant, le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens ainsi que le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal qui s’étaient constitué partie civile dans cette l'affaire de la saisie de médicaments appelée «Touba Belel», le 11 novembre dernier, demande à l’Etat de criminaliser le trafic et la fabrique de contre façon des médicaments. «Nous faisons le plaidoyer pour la ratification sans délai de la convention médicrime qui oblige les Etats signataires à ériger en infraction pénale la fabrication et le trafic de médicaments contrefaits», soutient l’ordre des pharmaciens lors de son dernier point de presse à Dakar le 11 mai dernier sur les faux médicaments saisis. Il faut souligner que la localité de Touba est considérée comme la plaque tournante du trafic de médicaments avec ses nombreux dépôts.
Ainsi, avant l’affaire Touba Belel, il y avait l’affaire «Darou Mousty» où des médicaments saisis avaient été restitués à leurs propriétaires. Des procédés qui ont amené les professionnels du médicament à dire non à la vente illicite de médicaments qui entrave la profession de pharmacien.
PAR OLIVIA NLOGA
UN PRÉSIDENT AFRICAIN PEUT-IL ÊTRE MALADE ?
Dix-huit présidents africains sont décédés dans l'exercice de leur fonction au cours des vingt-cinq dernières années - C'en est suivi une agitation qui révèle l'urgente nécessité de déconstruire un mythe : le chef n'est pas immortel
La Tribune Afrique |
Olivia Nloga |
Publication 05/12/2018
Parti assister à la Future Investment Initiative, le président gabonais Ali Bongo, victime d'un malaise le 24 octobre est resté plus d'un mois en soins à l'hôpital King Faisal de Riyad. C'est après quatre longs jours de silence que la présidence se décidait enfin à donner des informations sur le Chef de l'État. Sporadiques et contradictoires pour certains, les communiqués officiels n'ont pas suffi à éteindre la rumeur grandissante qui donnait Ali Bongo pour mort suite à un AVC. Alors qu'il est désormais en convalescence à Rabat au Maroc, la santé du président gabonais est toujours le sujet d'intenses spéculations. Peut-on, en ce type de circonstances, se fier à la communication officielle ?
«Les informations sur l'état de santé du chef de l'État sont extrêmement rassurantes.» C'est par ces mots que la présidence gabonaise espérait mettre fin, le 11 novembre dernier, à la première saison d'une série à suspens qui tient les Gabonais et la presse internationale en haleine depuis plus d'un mois. Victime d'un malaise à Riyad où il se rendait pour prendre part au Davos du désert, Ali Bongo a été pris, selon les déclarations initiales de ses communicants, d'une fatigue qui se transformera au fil des semaines en « saignement justifiant une prise en charge médico-chirurgicale ». A l'inverse de rassurer l'opinion, ces déclarations discordantes n'ont fait qu'ajouter au doute qui habite les Gabonais quant à la gravité de l'état d'Ali Bongo. Faut-il croire ce que dit la présidence ?
Se taire ou mentir
Il est utile de rappeler que bien que s'exprimant le plus souvent dans un décor chargé des emblèmes républicains, le ou la porte-parole de la présidence quel que soit le pays dont il s'agit est avant tout celui ou celle du président. On peut l'observer aux États-Unis notamment où Sarah Huckabee Sanders, plutôt qu'à exposer les mesures de l'administration Trump, consacre l'essentiel de son énergie à la défense du commandant en chef. En France, on a aussi récemment vu Bruno Roger-Petit, à l'acmé de l'affaire Benalla, intervenir publiquement en en soutien d'Emmanuel Macron. Ces prises de position s'ajoutent aux nombreuses voix officielles et officieuses qui s'activent en temps de crise de coups de téléphone en rendez-vous nocturnes auprès de journalistes surchauffés.
Le porte-parolat de la présidence est une fonction physique. Par son corps dressé devant le pupitre face au public, le porte-parole interprète et personnifie la voix présidentielle qu'il relaye et aussi protège. Sa position l'institue à la fois comme canal et comme rempart, la seconde mission étant en pratique plus impérieuse que la première.
Doit-il dire la vérité ? Un bon communicant officiel est celui qui sait surtout quand il faut se taire sans toutefois mentir, et les oreilles averties savent déceler dans un bréviaire de circonvolutions consacrées quand la situation mérite qu'on s'en préoccupe.
Un président n'est jamais malade. Il travaille trop...
Ainsi, la présidence la République gabonaise quand il a fallu se décider à rompre un silence qu'il devenait risqué de prolonger a au départ adopté la dédramatisation comme ligne de conduite. Ali Bongo, comme la plupart de ses homologues n'est jamais malade, il est « fatigué » préfère-t-on toujours dire lorsqu'il s'agit du magistrat suprême. Victime de son hyperactivité, de sa vision, de son ambition, quand un président est souffrant c'est toujours parce qu'il travaille trop. Exception faite de l'Algérie, l'autorité reste associée à la validité, voire même dans de nombreux cas encore à une forme de bonne santé vigoureuse et virile. Il est de tradition en Afrique que le chef soit célébré au motif de ses qualités morales et physiques.
Se pliant à cet imaginaire, en Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara ne cesse de démentir depuis 2013 les rumeurs lui prêtant une maladie grave. Au Nigéria, la santé de Muhammadu Buhari n'a pas manqué de susciter elle aussi de vives polémiques. Absent du pays pendant près de trois mois cette année, l'homme politique âgé de 75 ans a dû rassurer sur sa condition physique avant d'annoncer sa candidature à sa propre succession en 2019. Il y'a quelques jours, il s'est encore vu contraint, en marge d'une réunion de la COP 24, de réfuter verbalement puis par un communiqué officiel, les rumeurs galopantes selon lesquelles il aurait été remplacé depuis plusieurs mois par un clone ! Sans pour autant livrer de détails sur la nature de sa pathologie. Car s'il est bien un secret scrupuleusement gardé, c'est le bulletin médical du président. Nul ne peut douter de son aptitude à diriger et il est fréquent de limiter les apparitions de dirigeants diminués ou de veiller à leur administrer auparavant quelque énergisant afin d'éviter une faiblesse en public.
Maintenir à tout prix le secret...
A la question « Le chef peut-il être souffrant ? », la réponse est le moins souvent, le moins longtemps et dans le plus grand secret possible. On découvrira à la mort d'Houphouët Boigny en 1993 qu'il était dévoré par le cancer depuis trois ans.
En effet, lorsque l'état du dirigeant est dans un état critique voire que le décès est survenu subitement, le réflexe naturel est d'abord de garder le secret. Un mutisme stratégique qui permet dans un premier temps d'évaluer la situation et de préparer le plan d'action pour la suite. Il s'agit pour le régime en place d'éviter à tout prix de créer une panique qui pourrait profiter à un coup d'État éventuel, ainsi qu'on a pu le voir en 2008 en Guinée, où quelques heures seulement après l'annonce de la mort de Lansana Conté, une junte dirigée par le tristement célèbre Moussa Dadis Camara s'empressait de prendre le pouvoir.
Cinq ans plus tôt, c'est à Sao Tomé que, profitant de l'absence du président Fradiquo de Menezes en visite au Nigéria, le commandant Fernando Pereira, surnommé « Cobo », dirige un putsch éphémère qui ne durera qu'une semaine. Scénario qui se répète en Gambie, où à la veille de la Saint Sylvestre 2014, des hommes armés tentent un coup d'État alors que Yaya Jammeh se trouve hors du pays.
... car la nature a horreur du vide
La nature a horreur du vide, surtout en politique. Aussi les canaux officiels de communication doivent-ils le combler par des formules et expressions se voulant rassurantes qui peinent parfois à convaincre. « Malaise » et « fatigue » sont les vocables les plus usités pour décrire une condition ayant nécessité une prise en charge médicale impliquant une hospitalisation. Lorsque l'épisode est présenté comme une fatigue « sévère » comme l'a d'abord qualifiée le porte-parole de la présidence s'agissant d'Ali Bongo, on peut soupçonner une intervention chirurgicale.
D'autres signes sont autant révélateurs pour apprécier l'état de santé du président : un temps trop long pour réagir aux rumeurs, l'annulation d'engagements internationaux ou les silences embarrassés du palais présidentiel par exemple, qui dans le cas gabonais est à présent remplacé par la Première Dame qui a pris le relais de la présidence sur la gestion de la communication de crise. C'est l'épouse du chef de l'État qui actuellement, sur Twitter et Facebook, informe sur l'évolution de la situation du président, une manière à la fois d'humaniser et de dépolitiser le sujet. Selon ses dernières publications, Ali Bongo en convalescence reste concentré sur les dossiers prioritaires et devrait tenir très prochainement une réunion avec le Premier Ministre et la garde rapprochée.
Heureux ceux qui auront cru sans avoir vu
L'absence d'images fait elle aussi figure d'indicateur sincère quant à la gravité de la situation. Donné pour mort en 2004, Paul Biya alors en Suisse n'avait pu dissiper les doutes qu'à son atterrissage à l'aéroport de Yaoundé, duquel il s'était fendu de la formule devenue célèbre « Le mort vous salue ! ». Tout aussi caustique, le leader cubain Fidel Castro, victime d'énièmes rumeurs, se moquait dans une vidéo diffusée à la télévision nationale de ses ennemis qui n'auraient, après avoir prématurément déclaré sa mort, d'autre choix que de le ressusciter.
Voulant attester de son bon rétablissement, les services de communication d'Ali Bongo ont amplement relayé les images du président gabonais aux côtés de celui qu'il aime appeler son « Frère », leroi du Maroc, Mohammed VI, venu lui rendre visite.
Les communiqués et tweets invitent à croire une nouvelle, les images y obligent. Faute de preuves irréfutables, visuelles et sonores, les spéculations vont bon train, nourries par ceux que les journalistes aiment à désigner « l'entourage proche » ou « plusieurs sources dignes de foi ».
Dix-huit présidents africains sont décédés dans l'exercice de leur fonction au cours des vingt-cinq dernières années. Dans la majorité des cas, cela a donné lieu à une agitation qui révèle l'urgente nécessité de déconstruire un mythe qui résiste : le chef n'est pas immortel.
Olivia Nloga est Experte en communication politique