À Buenos Aires, deux Sénégalais jouent au théâtre l'histoire de leur vie. "Les amis", une pièce pour briser les clichés sur l'immigration africaine en Argentine.
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, ALMAMY MAMADOU WANE
UN TRAIN PEUT EN CACHER UN AUTRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Ni Senghor, ni Diouf n’ont pu offrir à ce pays une relève politique respectable - Macky sorti des flancs du wadisme à bout de souffle est un malheureux mélange de tout cela
L’attitude de neutralité affichée par les chefs religieux à l’approche de l’échéance présidentielle du 24 février 2019 donne une idée de la réelle désaffection du peuple sénégalais envers le pouvoir politique. Cela montre aussi l’extrême fragilité de la démocratie sénégalaise vantée ici ou là. La situation politique du Sénégal est en effet minée par une montée des périls qui contrecarrent les plans des partisans les plus optimistes du pouvoir actuel. C’est une sorte de peur soudaine qui s’est emparée de la coalition Benno Bokk Yakaar poussée malgré elle à décréter à l’avance une victoire au premier tour de l’élection présidentielle après presque sept années d’une gestion en roue libre. La génuflexion politique à l'endroit de la classe maraboutique n’étant plus automatiquement porteuse de suffrages, alors on se cabre en adoptant la stratégie du forcing : Macky Sall, donc, « gagnera sans combattre ». Pour certains, Dieu le voudrait ainsi. Les Sénégalais, qui ont beaucoup souffert de la gestion de ce pouvoir élu pour changer définitivement la façon de faire de la politique, ne sont pas contents. Ce qui se déroule sous nos yeux constitue une innovation en matière politique, car elle met en lumière une gestion autiste du pouvoir fondée en apparence sur l’État de droit qui piétine sans rechigner les libertés individuelles et les droits de l’homme. Une démocratie pour les autres et non pour les Sénégalais : le « Yakaarisme », où lorsque les effluves, d’un pétrole enfoui, titillent les narines intéressées d’opportunistes en tous genres. Des contrats nébuleux qui ne tiennent pas compte des intérêts du pays. Quid du Yakaarisme ?
Une sorte de suffisance qui, avec un cynisme chevillé au corps, s’esclaffe sur des sujets divers et variables avec une certaine haine des règles que l’on contourne, modifie et travestit afin d’arriver à ses fins. Toute loi devient élastique et tout partisan « bénévoleur » est grassement rétribué avec les rares deniers de l’État. Faire de la vraie politique au service des populations n’est pas dans leurs projets. Ils ont une particularité, car pour eux on peut s’approprier le bien public en toute impunité. Il suffit de le vouloir et d’avoir recours à la force du droit qu’ils peuvent tordre à leur convenance. Comme si le Sénégal était né en mars 2017. Allons ! L’histoire c’est pour les doux rêveurs et la continuité de l’État un délire intellectuel. Cette attitude contraire à une démarche de construction nationale est une insulte à notre imaginaire sénégalais, à notre histoire et surtout à notre passé politique récent. Dans un contexte mondial qui aiguise les appétits tout en alimentant les nationalismes les plus abjects, une telle désinvolture au sommet de l’État est en définitive dangereuse. Évidemment, le peuple est spectateur, il est surtout tétanisé, trahi, emmailloté comme dirait l’autre. Mais il s’en souviendra. Confisquer le suffrage des Sénégalais constituera l’ultime erreur de ce régime.
Dans ce contexte, le slogan « le Sénégal émergent » sonne comme une provocation. Lorsque les idées sont détestées, raillées et rangées aux oubliettes le danger s’installe. Ainsi des universitaires de tous bords et autres experts en arrivent à tout accepter sans rechigner. La morale ne devrait pas s’incliner devant la politique. On veut modifier la constitution et voilà que les candidats se bousculent. Il faut mettre Khalifa Sall en prison et c’est la ruée vers les prétoires et la fin de l’État impartial. Et les Sénégalais stoïques comme chloroformés devant l’innommable sont pris au dépourvu. C’est un esprit « agresseur » qui sous-tend la culture politique de ce pouvoir. On est blanchi de tout soupçon d’enrichissement illicite parce que l’on a proclamé, aux aurores d’un quinquennat devenu septennat (sic), être les apôtres de la bonne gouvernance. Ce conglomérat Benno Bokk Yakaar aux multiples wagons interconnectés et déconnectés de la réalité a un crédo ancien : c’est la revanche sociale. Obnubilés qu’ils sont à se remplir les poches sur le dos d’un peuple parmi les plus pauvres au monde. Et c’est une culture politique bien sénégalaise que de se faire élire pour écraser le peuple au profit de l’étranger. Les politiques cauteleux issus d’un senghorisme puis d’un dioufisme libéré de la poésie, experts à ce jeu antinational ont été conviés très tôt à cette foire philistine. Ce sont les petites mains du système. Ni Senghor ni Diouf n’ont pu offrir à ce pays une relève politique respectable, le président Macky Sall sorti des flancs du wadisme à bout de souffle est un malheureux mélange de tout cela.
En somme, la construction de la réputation démocratique du Sénégal repose sur cette stratégie. Point de patriotisme dans l’exercice du pouvoir. Il faut que le pays rayonne démocratiquement à travers le monde afin que les « serviteurs » de l’État, élus et spécialisés dans la captation financière, puissent organiser sa mise en coupe réglée. Cela permet au pays de demeurer un îlot précieux où l’on peut contourner le droit international en toute quiétude. Cela est valable pour le business et bien d’autres choses inavouables. La patrimonialisation de l’État en cours prouve qu’il faudra beaucoup plus que des femmes et des hommes qui aiment ce pays pour aborder des ruptures conséquentes. Les gouvernants actuels veulent se venger et ils en ont oublié leur passé, leur histoire par-delà l’histoire politique mouvementée de ce pays. Une telle cécité politique dans l’exercice du pouvoir a pu faire florès grâce à la bienveillance intéressée de la communauté internationale. Il fallait juguler les foules en saupoudrant de l’espoir. Et puis le Sénégal a une réputation de vitrine à conserver. Cette démocratie de vitrine, disons-le, si elle a pu survivre jusqu’ici, a volé en éclats.
Dans un autre registre plus palpable, les clignotants économiques du Sénégal sont au rouge. Une catastrophe budgétaire qu’un « train » médiatique conduit par un conducteur frappé de somnambulisme, ne masquera pas bien longtemps. Les projets cosmétiques se multiplient sans aucun impact sur la vie des populations. Dans ce contexte il est plutôt rare qu’un ministre des finances à la veille d’une élection cruciale se livre à des confidences pour confirmer l’état de déliquescence des finances publiques. En général, l’on découvre des fissures et des trous dans les caisses de l’État lorsque des équipes se succèdent, c’est dire que l’après « yakaarisme » a déjà commencé. Il faut préparer ses arrières surtout lorsqu’une défaite semble poindre à l’horizon.
Il ne s’agit plus pour ce régime de remporter l’élection présidentielle, mais surtout de ne pas la perdre pour ne pas avoir à rendre des comptes, car il existe désormais une jurisprudence « Karim » et une autre que l’on nommera « Khalifa ».
En définitive, il faut du doigté et de l’intelligence pour diriger un pays comme le nôtre, il faut aussi de la générosité qui ne saurait exclure ce goût pour l’homme que l’on voudrait servir.
Être un véritable dirigeant c’est être en mesure de faire le bien contre ses propres partisans.
Le train de vie d’un État prébendier ne peut que mener vers une destination inconnue...
Almamy Mamadou Wane est auteur du livre « Le Sénégal entre deux naufrages ? le Joola et l’alternance » et du recueil de poèmes « Le secret des nuages, poésie sociale », Editions l’Harmattan, novembre 2018.
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CLIP HOMMAGE À HABIB FAYE
Youssou Ndour a salué la mémoire de son compagnon de scène, le bassiste décédé en avril dernier, à travers une chanson baptisée "Habib Faye" dans son nouvel album
Découvrez le clip "Habib Faye" dédié à la mémoire du bassiste éponyme, directeur musical de Super Étoile de Dakar de Youssou N'dour, décédé le 25 avril 2018 à Paris.
PAR AMADOU TIDIANE WONE
L'ENVERS DU DÉCOR
Si pour bloquer la circulation au point de faire rater leur vol à plusieurs passagers se rendant au nouvel aéroport Blaise Diagne, il suffit juste d'un gros événement au Dakar Aréna, il y a de gros soucis à se faire
Le président sortant, Macky Sall, a été investi le samedi 1 décembre par la coalition Benno Bokk Yaakaar comme candidat à l'élection présidentielle du 24 février 2019. Félicitations !
A cette occasion, des chefs d'États de la sous-région, des personnalités de l'internationale libérale, entre autres amis et alliés, ont rehaussé de leur présence cette manifestation initiale entrant dans le cadre de la course vers la présidence de la République. L'événement s'est tenu à Diamniadio dans la salle du Dakar Aréna nouvellement inaugurée et... fermée depuis.
A l'intérieur de la salle, la fête fût certainement belle. En dépit de la nuée de pickpockets qui a sévit, même et jusque dans des poches ministérielles. Les goujats ! Téléphones portables et sommes d'argent importantes, selon la presse, ont changé de propriétaires...illicitement. Voilà ce que cela rapporte que d'inviter, sans distinction, des foules de « militants » à grands renforts de Ndiaga Ndiaye...
Mais là n'est pas le sujet de ce papier :
Je devais me rendre à Thiès ce jour-là... Ce qui m'a valu de tomber sur l'indescriptible envers du décor : plus de 20 kilomètres de bouchons...payants. Qui plus est. Incroyable ! En effet, pour « faciliter » les paiements de cette torture, la société concessionnaire de l'autoroute a même instauré un système de tickets pour accélérer la perception de son dû... Sans fluidifier la circulation pour autant. Les malins... Payer sans rouler n'est pourtant pas la vocation d'une autoroute à péage ! Et il va falloir se poser sérieusement quelques questions qui fâchent :
Si, pour bloquer la circulation au point de faire rater leur vol à plusieurs passagers se rendant au nouvel aéroport Blaise Diagne, il suffit juste d'un gros événement au Dakar Aréna de Diamniadio, il y a de gros soucis à se faire. A un point tel que, des personnes voulant se rendre à Kaolack pour prendre part à un enterrement prévu à 17h ont dû rebrousser chemin après avoir passé 4h25 entre Dakar et Diamniadio... Quels autres milliers de dommages collatéraux ont pu ainsi être causés à l'occasion ? Pendant ce temps, et de temps à autre, pour libérer le passage à une personnalité et son escorte, on nous comprimait sur un côté, avec le sourire cependant, des gendarmes en mission.
Imaginons alors, un seul instant, qu'un grand combat de lutte se tienne à l'Arène nationale à Pikine (nouvellement inaugurée et... fermée), la première sortie du péage serait bloquée. Et qu'un autre événement d'envergure se tienne à Diamniadio, que ce soit à Dakar Aréna ou au Centre Abdou Diouf. L'Aéroport Blaise Diagne serait-il inaccessible pendant des heures ? Dakar et sa banlieue seraient-elles paralysées ? Gouverner, c'est prévoir...
Au demeurant est-il raisonnable, dans ces conditions, de transférer autant de ministères en plus du nouveau Parc Industriel à Diamniadio ? Si près de Dakar ? Une ville nouvelle ayant pour vocation de tourner le Sénégal vers l'avenir en réduisant la macrocéphalie de Dakar ne pouvait-elle pas trouver un autre site ? Toutes les mesures d'accompagnement pour encadrer l'envol de l'AIBD et le succès du Parc Industriel envisagent-ils les contraintes liées au fait que l'autoroute à péage est presque obsolète au vu de la pression qui s'y exerce ?
Alors oui, nous espérons que lorsque le prolongement de la VDN deviendra une réalité, la tension actuelle sur l'autoroute à péage diminuera. Mais il faudrait en même temps penser à réhabiliter l'ancienne route nationale passant par Rufisque. Penser à élargir la route Dakar Thiès. Après tout, peut-être que tous ces projets existent mais ont souffert de l'ordre des priorités en faveur du TER...Ah Si on nous avait demandé notre avis !
L'autre plaie révélée par nos heures de stationnement sur l'autoroute, c'est le comportement des militants et militantes de Benno Bokk Yaakaar sur la voie publique. A l'image, d'ailleurs de celui de plusieurs de nos compatriotes : Fatiguées d'attendre dans les cars bondés les transportant vers Dakar Aréna, des femmes drapées dans des boubous flambants neufs à l'effigie de leur champion, n'ont pas hésité à descendre des voitures, en plein milieu de la route, pour enjamber le muret séparant les deux voies de l'autoroute et ainsi, rallier Dakar Aréna en marchant à contre-courant des véhicules ...
Je ne sais pas si vous voyez le topo ? En plus de cela, les vendeuses d'eau en sachet, semblent avoir été les seules à avoir fait de bonnes affaires. Sauf que les usagers les jettent après usage sur la chaussée en sus des autres détritus de restauration rapide. On pourrait les comprendre ces « militants » . Ils devaient être sur pied de guerre depuis l'aube...Des jeunes enfants, pas en âge de voter, mais qui ont pris part à cette excursion dominicale, se détendaient les jambes en courant entre les véhicules ou bien assis sur le muret. Au milieu de l'autoroute. Insouciants.
Trois heures de temps à observer ces clichés du Sénégal réel et sachant, d'expérience, le comment et le pourquoi de ce genre de « mobilisations », je me demande s'il ne faudrait pas inscrire à l'agenda du « dialogue national », dont personne ne parle plus d'ailleurs, la suppression de ces tragi-comédies dispendieuses... Faire foule de tout bois est inutile et mensonger : Depuis le dernier grand meeting socialiste en l'an 2000 au dernier grand rassemblement libéral version Wade 2012, nous savons tous que les foules ad hoc ne veulent rien dire... M'enfin, on se rassure comme on peut !
Pendant ce temps, et à l'intérieur de la salle, la cérémonie battait son plein. Les discours convenus se suivent et se ressemblent. On chante les infrastructures qui poussent comme des champignons... vénéneux pour nous usagers bloqués depuis des heures. Sans aucun choix de repli ni d'exfiltration. Ce qui pose des questions de sécurité publique et de protection civile majeures. Peut-on en débattre sereinement, et surtout donner la parole aussi à des hommes de l'art afin qu'ils nous éclairent sur les voies et les moyens de mettre l'avenir de ce pays en orbite ? Hors des clivages politiciens fragiles et factices ?
Car nous suivions la cérémonie en direct de nos téléphones portables ! Pour comprendre pourquoi nous devions subir un tel calvaire et aussi passer le temps. Ce faisant, nous avons constaté une bizarrerie : des pans entiers des gradins aux fauteuils rouges étaient vides alors même que des milliers de militants traînaient à l'extérieur... un problème manifeste d'organisation. A tout le moins. Cela a pour effet que des vidéos circulent sur les réseaux sociaux pour railler la salle archi...vide. Pour cette fois, j'atteste qu'il y avait foule...à l'extérieur ! Autre bizarrerie, le discours du candidat-président était en français... Pour un pays à moins de 30% francophone. A moins que la cible fût ailleurs...
Tout cela pour dire que les infrastructures doivent répondre à une vision globalisante ! Elles doivent servir une ambition collective partagée. Elles doivent suivre un ordre de priorités à déterminer selon des séquences à modéliser. Avant validation. Manifestement, beaucoup d'édifices sortent de terre. Cela suffit-il pour l'émergence ? Je pose cette question de manière abrupte, car il me semble que nos gouvernants sortent du sujet. Leur dire cela à la veille de la campagne présidentielle va les agacer. Certains vont encore me faire la fête dans des commentaires rageurs auxquels on a fini par s'habituer. Cela ne changera rien à la réalité telle que des milliers de sénégalais l'ont vécue hier sur l'autoroute à péage.
Imaginez qu'un institut de sondage qui se serait amusé à mesurer les indices de satisfaction et les intentions de vote entre Dakar et Diamniadio hier entre 11h et 18h donne les résultats aujourd'hui. Imaginez seulement...O stratèges de campagne !
Allons rekk .
PAR ALASSANE KITANE
QUI SE RESSEMBLENT S’ASSEMBLENT
Ceux qui s’étonnent de ce soutien apporté à Macky Sall par Ouattara n’ont qu’à chercher la solidarité qui les lie à travers la personne d’Adama Bictogo
Le président ivoirien, transgressant les règles de la diplomatie et de la retenue en ce qui concerne la politique intérieure des États amis, s’est permis d’exprimer à Dakar son vœu de voir son homologue sénégalais réélu ! Cette offense au peuple sénégalais est en réalité révélatrice de l’état d’esprit de certains dirigeants africains. Ils n’hésitent pas à sacrifier l’intérêt de peuples amis pour préserver des relations troubles avec leurs homologues au pouvoir. Comment M. Ouattara peut-il savoir ce qui est meilleur pour le peuple sénégalais ? Au nom de quelle valeur et de quel principe peut-il justifier son soutien ? La réponse à ces questions est à chercher dans les intérêts occultes qui lient les deux hommes.
Première chose que Ouattara et Macky Sall ont en commun : cette chose est un homme, et il s’appelle Adama Bictogo ex-ministre de l'Intégration africaine, impliqué dans un scandale qui a coûté la vie à beaucoup d’Ivoiriens. Il a été limogé suite à la scabreuse affaire des déchets toxiques le 22 Mais 2012. Son cabinet de consulting MBLA avait mené depuis 2010 une médiation entre les différentes parties pour laquelle il a été rémunéré par la Coordination nationale des victimes des déchets toxiques (CNVDT). Sa société SNEDAI s’est vue confier un nouveau marché public de rénovation d’établissements de santé de plusieurs villes du pays. Ce marché énorme est estimé à 100 milliards de Fcfa (la monnaie de la corruption). Le même Adama Bictogo rappelle aux Sénégalais le scandaleux souvenir des visas biométriques sous le magistère du ministre Youssou Ndour. De même que les voleurs dans chaque village ou ville ont un receleur, les chefs d’État affairistes ont leur homme d’affaire pour enrichir leur entourage. Ils se recommandent parfois des gens peu recommandables et agissent comme des frères d’un syndicat du crime.
Autre chose qu’ils ont en commun : Macky, un TER de plus de 1000 milliards et Ouattara une Tour de 64 étages à hauteur de 250 milliards FCFA. Quand le TER sera fonctionnel, son entretien sera assuré par les Français ; de même si par malheur la tour de Ouattara prenait feu, les services de sapeurs pompiers de la Côte-d’Ivoire à eux seuls ne réussiraient pas à l’éteindre. La sagesse fait vraiment défaut à nos dirigeants : les pays qui financent nos budgets doivent parfois rire sous le cap. Beaucoup de pays bailleurs de nos économies n’ont pas ce genre de projets de prestige. Tandis que les chefs d’État éthiopien et rwandais travaillent à enrichir leurs populations, les nôtres sont résolument tournés vers l’enrichissement des entreprises françaises et de leurs proches.
Autre chose qu’ils ont en commun : des exactions sont perpétrées par l’armée en Côte-d’Ivoire et la justice des vainqueurs est instituée contre d’anciens dignitaires du régime Gbagbo. Macky Sall ne fait pas autre chose au Sénégal : certes l’armée sénégalaise est très républicaine et professionnelle, mais ce que la police et les milices pro-gouvernementales ont fait lors du vote de la loi sur le parrainage doit nous inciter à la prudence et à l’esprit vif.
Ce n’est pas tout : ils accédé au pouvoir à la faveur d’un bain de sang, mais l’histoire (des vainqueurs du moment) a tout mis sur le dos de leur prédécesseur sans jamais enquêter sur les suspicions de complot et le cortège de corruptions qui accompagnent leur règne. Alassane Ouattara, avec le soutien de pays occidentaux, a asphyxié les finances publiques de la Côte-d’Ivoire avant de porter l’estocade armée le 28 Mars 2011 : arrestation le 11 avril de Laurent Gbagbo. Les chefs de guerre des forces républicaines que les organisations des droits de l’homme ont identifiés comme auteurs de crimes ignobles sont protégés par ce banquier ancien chef de maquis. C’est exactement ce que fait son homologue sénégalais avec évidemment moins de génie et de sagesse : il protège les criminels qui acceptent de rallier son parti et a fait de la CREI un instrument de transhumance forcée. Qui est assez aveugle pour voir que tous les leadeurs qui étaient ciblés par le procureur de la CREI ont tous rallié Macky ?
Ceux qui s’étonnent de ce soutien apporté à Macky Sall par Ouattara n’ont qu’à chercher la solidarité qui les lie à travers la personne d’Adama Bictogo. J’aurais été à la place du président ivoirien que je serais plus circonspect et je ferais mienne cette sagesse : la vérité peut mettre du temps à s’imposer mais elle finit toujours par briller par-delà les ténèbres. La riposte du peuple sera redoutable. Notre jardin est un labyrinthe.
PAR OUMOU WANE
UN PRÉSIDENT DEVRAIT TOUJOURS DIRE ÇA
Ne soyons pas toujours injustes avec Macky - Ne boudons pas notre plaisir de rencontrer dans son livre une personnalité charismatique avec une capacité à susciter l'attention du pays
« Plus loin, plus haut, plus fort », c’est le message en substance qu’a voulu faire passer notre président « écrivain » lors de son investiture de ce samedi 1er décembre pour l'élection présidentielle de février prochain.
Le "Dakar Arena" affichait complet ce samedi à l’occasion de la tenue de ce congrès auquel assistait un parterre prestigieux de présidents africains entre autres soutiens de marque.
Certes, un bon candidat doit rassembler dans son camp, mais tout cela reste de la politique et nous aurons le temps d’en reparler jusqu’à la prochaine élection. En fait, ce dont il me brûle les lèvres de vous entretenir ce dimanche, c’est de littérature.
Oui, car il s’agit bien d’autobiographie, de mémoires ou de confessions, dans l’ouvrage de Macky Sall « Le Sénégal au cœur », dont le style satisfait à la fois l’oreille, l’esprit et la raison.
Ne soyons pas toujours injustes avec Macky Sall et ne boudons pas notre plaisir de rencontrer dans ce livre une personnalité charismatique avec une capacité à susciter l'attention du pays pour créer ce fameux lien entre un homme et la nation.
Il y bien sûr les choses que nous savions déjà sur notre président, nous attendons tous d’un chef d’État qu’il ait de l'expérience, de l’ambition, du courage, alors qu’apprend t-on réellement dans ce livre ?
Je retiendrai 3 choses qui me frappent à la lecture de cet ouvrage.
Le respect des Sénégalais
Le respect, je pourrais dire l’amour des Sénégalais. « Le pouvoir ne m’a pas changé et ne pourra plus le faire ». C’est lui qui le dit. « Le Sévère » ! « C’est un surnom que j’ai peut-être mérité. Comme certains ont pu s’en rendre compte, je ne suis pas particulièrement souple ».
Tout au contraire, à mieux connaître l’homme derrière la fonction, on lui découvre une compréhension qui se mesure à sa capacité de bienveillance et de don.
L'intégrité repose sur le respect et nous n’avons jamais entendu Macky en s’adressant à un Sénégalais lui promettre de lui trouver un travail en traversant la rue, ni d’ailleurs s’adresser avec mépris à qui que ce soit, y compris ses adversaires politiques. Attention cependant, s’il ne déclenche pas les combats, il n’hésitera pas à les terminer.
Par ses origines « modestes » et son éducation au milieu des Sénégalais, il semble être conscient de la réalité de leur quotidien.
Plus qu’un homme providentiel, ce géologue de formation s’impose par ses qualités de technicien et de tacticien. Pour que la vie soit belle, il faut engranger les réussites. Depuis l’enfance, les rêves de Macky Sall sont ambitieux mais il garde les pieds sur terre. Une chose semble certaine, s’il ne parvient pas à rassembler les électeurs autour des idées qui lui tiennent personnellement à cœur, il ne s‘accrochera pas au pouvoir.
L’amour des siens
« Marème a le rire et l’humour communicatifs », peut-on lire dans ce livre. Leur vie semble une comédie romantique. Chère première dame, moi qui ai la chance de vous connaître, pourquoi m’en cacherai-je, je sais que vous, en tout cas, vous ne le laisserez surtout pas partir ! Car ce que nous lisons dans « Le Sénégal au cœur », c’est un peu ce dont toutes les femmes sénégalaises rêvent en secret. Un mari prêt à battre en retraite pour préserver la paix dans le couple. À chaque fois que vous avez besoin d’aide, il est toujours là pour vous. Quelle femme ne voudrait pas d’un homme à la fois humble et réaliste, qui travaille dur et est un père de famille responsable des siens ?
Si ce livre rend un bel hommage à son enfance, ses parents, sa famille, ses amis, mais c’est à sa femme Marème, que Macky Sall fait une déclaration officielle dans ces pages.
« J’ai la chance d’avoir à mes côtés une épouse admirable, dévouée et dotée d’un sens extrêmement aigu des réalités et des situations. Elle me bouscule, elle aime user de moquerie avec moi, mais elle est mon plus grand soutien. Avec humour et joie de vivre, elle me tient debout… Elle me semble le témoignage le plus émouvant et le plus éloquent de la pureté de ses sentiments et du sens qu’elle a de son rôle d’épouse et de mère ».
La place du père
Ce livre, bien sûr, c’est l’histoire d’une endurance et d’une ténacité, c’est 20 ans d’Histoire politique faite de rencontres, d’intrigues, d’humiliations et de règlements de compte.
À bien lire entre les lignes, on découvre surtout l’histoire d’un père et d’un fils et de leur combat pour un idéal et pour le pouvoir. Oui je prétends qu’il y a un lien familial spirituel entre Macky Sall et Abdoulaye Wade. Un héritage, une reconnaissance.
Bien entendu le livre parle du Père biologique : il était un homme grand, affectueux, courageux et fier. « On peut perdre une bataille, mais il faut toujours garder l’arme au poing pour gagner la suivante », aimait-il à me répéter (…).
Mais la déchirure, la blessure profonde, l’humiliation, vient de son autre père ! C’est lui qui l’écrit « Celui qui fut mon mentor, mon guide, cet Abdoulaye Wade qui a tant marqué mon pays a déclaré : « Macky Sall est un descendant d’esclaves. […] Ses parents étaient anthropophages. […] Ils mangeaient des bébés et on les a chassés du village. […] Jamais mon fils Karim n’acceptera que Macky Sall soit au-dessus de lui. Dans d’autres situations, je l’aurais vendu en tant qu’esclave ! »
Bien au delà de la politique des couloirs et des chuchotements, celle des petits meurtres entre amis, la petite soupe qui ne sent pas très bon, c’est : « La rupture avec Abdoulaye Wade fut très dure à vivre. Cela faisait presque vingt ans que je combattais à ses côtés. Du jour au lendemain, j’étais devenu, pour le Président et son entourage, le paria, l’ennemi à abattre, un effronté à détruire. Les gens vous évitent ».
« Tu cherches des histoires ? Tu seras servi ! », lui aurait dit Abdoulaye Wade, avant d’ajouter dans un murmure : « Tu l’auras voulu ! ».
Il aura cependant le courage d'aller jusqu'au bout pour remporter avec l’aide des jeunes de ce pays la victoire que l’on sait en 2012.
Aujourd’hui, les cartes ont été rebattues et les sénégalais attendent un discours qui prenne en compte leurs souffrances. Les mots sont formidables, mais ils ne tiennent pas la comparaison face aux actes, car ce sont les actes qui transforment le quotidien.
Macky Sall sera t-il l’homme de la situation ? Je ne peux pas me prononcer à la place des Sénégalais. J’ai eu cependant personnellement l’occasion de rencontrer notre président et je le confirme ici, quand il vous regarde, il vous regarde droit dans les yeux, il scrute votre âme.
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, ALMAMY MAMADOU WANE
MULTIPLE PHOTOS
LE SECRET DES NUAGES
EXCLUSIF SENEPLUS - Les nuages sont identiques d’un continent à un autre - Ils sont la preuve vivante que les hommes compartimentent le monde à des fins mercantilistes
Le "Secret des nuages" est un nouvel ouvrage, une poésie sociale, publiée aux Editions L'Harmattan par Almamy Mamadou Wane, poète, écrivain et éditorialiste de SenePlus. Le texte ci-dessous est une présentation de l'oeuvre.
Les nuages sont au-dessus de nos têtes, ils nous épient et nous promettent un beau ou un mauvais temps selon la météo des « âmes ». Les nuages sont immortels, leurs reflets qui se dessinent sur la mer forment des ombres. Cependant ils sont identiques d’un continent à un autre et ils sont la preuve vivante que les hommes compartimentent le monde à des fins mercantilistes. Ainsi le ciel se couvre de barbelés, tandis que le cri du militant à la recherche de ses semblables est étouffé dans un cachot secret.
Terre unique menacée par un océan de pauvreté. Des guerres qui violent l’insouciance des hommes et des bombes intelligentes qui pleuvent pour satisfaire des stratégies. Pendant que des récifs tranchants accueillent sans cesse des corps désarticulés. Partir pour survivre ou lorsque les yeux de l’errance se referment pour toujours.
La terre gronde et des hommes se lèvent pour chanter des lumières ressuscitées...
"JE NE SOUTIENS PAS MACKY SALL..."
Invité de l’émission “Grand Jury” de la RFM, Abdoulaye Baldé a soutenu que son ralliement au camp présidentiel, n’a rien à voir avec les déboires judiciaires dans le cadre de la traque des biens mal acquis
Invité de l’émission “Grand Jury” de la RFM, le président de l’Union des centristes du Sénégal et maire de Ziguinchor, Abdoulaye Baldé, a soutenu que s’il a décidé de rallier le camp présidentiel, c’est pour soutenir son pays, jurant que sa décision n’a rien à voir avec es déboires judiciaires dans le cadre de la traque de bien mal acquis.
« Je ne soutiens pas Macky Sall, je suis venu pour soutenir mon pays pour construire le Sénégal et mon ralliement n’a rien à voir avec mon problème judiciaire», déclare-t-il au micro de Babacar Fall.
Il explique que depuis 2012, Macky Sall ne cesse de l’appeler à ses côtés. Après une “période de résistance” et après avoir écouté les conseils de proches, il a décidé de différer ses ambitions pour les cinq prochaines années, le temps de permettre à Macky Sall de terminer son mandat.
Il précise, toutefois, qu’il n’est pas venu quémander des postes.
Baldé explique que son soutien à Macky Sall ne peut pas être vu sous l’angle de la trahison. « Je n’ai trahi personne, je suis dans un parti et Karim est dans un autre parti. Il reste et demeure un mai et un frère, mais chacun de nous à son agenda politique», fait-il savoir.
AUDIO
DIANO BI AVEC IDRISSA DIALLO
Le maire de Dalifort, coordinateur national du parrainage pour le candidat Khalifa Sall, ait le tour de l'actualité au micro de Maodo Faye, dans l'émission dominicale en Wolof
Idrissa Diallo est l'invité de Maodo Faye dans l'émission dominicale "Diano-bi" (Wolof) sur Sud FM.
PAR ACHILLE MBEMBE
LA VÉRITÉ EST QUE L'EUROPE NOUS A PRIS DES CHOSES QU'ELLE NE POURRA JAMAIS RESTITUER
Restituer ne saurait être ni un geste de charité, ni un geste bénévole - C'est une obligation, le point de départ d’un nouveau régime de circulation sur l’ensemble de la planète, du patrimoine général de l'humanité
Le Monde Afrique |
Achille Mbembe |
Publication 02/12/2018
Bénédicte Savoy et Felwine Sarr ont finalement remis au président Emmanuel Macron un rapport concernant la restitution des objets africains aujourd’hui conservés dans les musées de France. Pour des raisons historiques fort compréhensibles, Emmanuel Macron avait limité le champ de la mission aux anciens territoires sur lesquels la République exerça des responsabilités. On peut difficilement lui faire le reproche de ne pas l’avoir étendu au-delà du périmètre colonial africain.
La mission n’avait pas non plus pour tâche de s’occuper des captations de patrimoines résultant des conflits intra-africains précoloniaux. Là où ils existent, la résolution de tels différends incombe entièrement aux Africains et à eux seuls.
Le rapport de Sarr et Savoy propose une série de recommandations honnêtes, raisonnables et réalistes, dont la mise en œuvre, étalée dans le temps, requiert un dialogue critique soutenu entre les institutions muséales françaises et africaines. Sans a priori ni préjugés, un tel dialogue pourrait ouvrir la voie à un nouveau moment culturel franco-africain de portée mondiale.
Comme n’ont eu de cesse de le souligner les auteurs du rapport, au-delà de la restitution matérielle des artefacts, l’objectif est de recréer les conditions d’une relation faite de réciprocité et de mutualité. Il ne s’agit pas, comme l’insinuent certaines critiques malveillantes, de vider les musées de France. Il s’agit de réparer un tort historique et d’offrir à la France la chance de fonder sur d’autres bases sa relation avec l’Afrique, aux fins de ce qu’il faut appeler le bien du monde.
Régurgiter des préjugés
Alors que la tonalité du rapport et ses conclusions ont été favorablement accueillies par les Africains, premiers protagonistes dans ce différend historique, celles-ci suscitent d’ores et déjà d’innombrables débats et controverses hors du continent. La traduction du rapport en anglais aidant, la dispute ne se limite plus à l’Hexagone.
Si la plupart de ces critiques sont feutrées, voire paternalistes, d’autres sont acerbes et d’autres encore simplement opportunistes, même lorsqu’elles sont parées d’un léger vernis académique. Les plus stridentes viennent des Etats-Unis et du monde anglo-saxon. Elles sont, pour l’essentiel, de nature idéologique, teintées du mépris habituel pour l’Afrique et les choses africaines. Dans chacun de ces cas, la démarche est à peu près la même. Elle consiste à soutenir du bout des lèvres le principe de la restitution, mais toujours dans le but d’en neutraliser la portée transformatrice.
Génuflexion faite, on se hâte de relever longuement toutes les conséquences putativement négatives qu’entraînerait toute restitution pour les musées d’Occident érigés, à l’occasion, en derniers remparts de ce que le philosophe Souleymane Bachir Diagne appelle un « universalisme de surplomb ». Le dommage, déjà subi par l’Afrique en conséquence de la confiscation de ses objets et celui encouru en cas de non-restitution, est prestement passé sous silence.
Par ailleurs, dans leur défense du statu quo, nombre de critiques se contentent de régurgiter des préjugés que le rapport a pourtant minutieusement réfutés. Ainsi en est-il du préjugé juridique au nom duquel, prétend-on, le droit – en l’occurrence diverses variantes du droit patrimonial européen – n’autoriserait guère de rendre ces artefacts à leurs ayants droit. Nul n’ose nier que ces objets aient été créés par des Africains. On fait néanmoins comme si la réponse à la question de savoir à qui ils appartiennent ne dépendait absolument pas de celle préjudicielle de savoir d’où ils viennent et qui en sont les auteurs.
Pillage, extorsion, prédation
En droit fil du cynisme colonial, on introduit en revanche une césure entre le droit de propriété et de jouissance d’une part, et l’acte de créer et le sujet qui crée de l’autre. On fait notamment valoir qu’il ne suffit pas d’avoir créé quelque chose pour en être automatiquement le propriétaire. Et tout comme créer une œuvre n’est pas l’équivalent de la posséder, l’origine d’une œuvre n’est pas une condition suffisante pour en réclamer le droit de propriété.
On fait également comme si les conditions dans lesquelles ces objets furent acquis n’étaient guère problématiques. A cet effet, on minimise les faits pourtant avérés de pillage, d’extorsion et de prédation et on fait comme si, du début jusqu’à la fin, il s’était agi de transactions d’égaux à égaux, sur un marché libre où la valeur des objets fut déterminée par un mécanisme objectif de prix.
On en conclut qu’ayant subi l’épreuve du marché, ces objets seraient effectivement « inaliénables », la propriété exclusive soit de la puissance publique en tant que telle (qui les gère par le biais des institutions muséales), soit des individus privés qui, les ayant achetés, seraient qualifiés, en vertu précisément du droit, pour en jouir pleinement, sans entrave. D’un point de vue légal, le débat sur la restitution des objets africains serait donc sans objet, leur présence dans les musées d’Occident ne relevant guère de la confiscation et ne requérant, à ce titre, aucun jugement moral ou politique.
D’autres – ou parfois les mêmes –prétendent que l’Afrique ne disposerait pas d’institutions, infrastructures, ressources techniques ou financières, personnel qualifié ou savoir-faire nécessaires pour assurer la préservation et la conservation des objets en cause. Le retour de ces collections dans de tels environnements inhospitaliers les exposeraient, assure-t-on, à des risques de destruction, de vandalisme ou de spoliation.
Des stratégies de diversion
En d’autres termes, les Africains seraient incapables de prendre soin des objets qu’ils ont pourtant fabriqués et qui ont accompagné leur vie collective des siècles durant avant la pénétration européenne. La sauvegarde du patrimoine universel exigerait donc que l’on s’oppose au principe de restitution. La meilleure manière de le faire serait de conserver les objets africains dans les musées d’Occident, quitte, de temps à autre, à les prêter aux Africains pour des manifestations ponctuelles.
Cette manière de poser le problème de la restitution fait partie des stratégies de diversion et d’escamotage utilisées par ceux qui sont convaincus que le vainqueur a toujours raison et que c’est la force qui crée le droit. L’opposition au projet de restitution préconisé par le rapport est tantôt sournoise, tantôt frontale. Dans les deux cas, il s’agit bel et bien, à travers une stratégie d’étouffement, de vider le concept de sa force opératoire en en neutralisant les effets disruptifs.
Il s’agit aussi, notamment pour la critique outre-Manche et outre-Atlantique, voire de celle venant des milieux institutionnels et racistes dans des pays comme l’Allemagne et la Belgique, d’étouffer dans l’œuf l’impact international que l’initiative d’Emmanuel Macron risque d’avoir tant sur le marché de l’art que sur le plan conceptuel, juridique et social, voire épistémologique.
Comment empêcher qu’une cause aussi éminemment politique et morale soit ainsi trivialisée, sinon en tournant le dos à une conception aussi cynique du droit et en revenant à l’essentiel ? En effet, dans ce cas comme dans d’autres, la fonction du droit n’est pas de sacraliser les rapports de force et d’extorsion. Il est de servir la justice. Il n’y a guère de droit qui soit complètement détaché de toute obligation de justice. Là où le droit ne sert pas la justice, il doit être amendé.
Une perte pratiquement incalculable
Par ailleurs, toute politique authentique de restitution est inséparable d’une capacité de vérité, honorer la vérité devenant, par le fait même, le fondement incontournable d’un lien nouveau et d’une nouvelle relation. La vérité est que nous aurons été, sur un temps relativement long, l’entrepôt du monde, à la fois sa source vitale de ravitaillement et l’abject sujet de sa ponction.
Au demeurant, de tous les êtres humains sur la Terre, nous sommes les seuls à avoir été, à un moment donné de l’histoire moderne, réduits au statut d’objets marchands. Qui peut honnêtement nier que ce qui fut pris, ce ne furent pas seulement les objets mais, avec eux, d’énormes gisements symboliques, d’énormes réserves de potentiels ?
Qui ne comprend pas que l’Afrique aura payé un lourd tribut au monde et, qu’au passage, il y a quelque chose de colossal, presque sans prix, qui aura été perdu pour de bon, et dont aura témoigné la vie de tous nos objets en captivité, tout comme celle de tous les nôtres dans le paysage carcéral d’hier et d’aujourd’hui ?
Qui ne voit pas que l’accaparement sur une échelle élargie des trésors africains constitua une perte immense, pratiquement incalculable et, par conséquent, peu susceptible d’un dédommagement purement financier, puisque ce qu’il entraîne, c’est la dévitalisation de nos capacités à faire naître des mondes, d’autres figures de notre commune humanité ?
Un indécrottable complexe raciste de supériorité
En dépit des apparences, l’histoire n’a jamais été qu’une simple affaire de force et de puissance. Au demeurant, il n’y a pas force plus puissante et plus pérenne que la vérité. La vérité est que l’Europe nous a pris des choses qu’elle ne pourra jamais restituer. Nous apprendrons à vivre avec cette perte. Elle, de son côté, devra assumer ses actes, cette partie ombreuse de notre histoire en commun dont elle cherche à se délester. Mais pour que des liens nouveaux se tissent, elle devra honorer la vérité, car la vérité est l’institutrice de la responsabilité. Cette dette de vérité est ineffaçable.
Le temps n’est donc ni au louvoiement, ni à la procrastination, ni à une politique schizophrène. Car on ne peut pas, d’un côté, vouloir tourner la page, fermer un chapitre douteux et passer à autre chose dans la relation avec l’Afrique et, de l’autre, confisquer ses œuvres en soutien à un indécrottable complexe raciste de supériorité qui, partout dans le monde contemporain, semble reprendre du poil de la bête.
Par ailleurs, on ne peut pas, d’un côté, confisquer ces œuvres tout en prétendant qu’elles encombrent les musées, que leur préservation coûte chère, et que de toutes les façons elles n’intéressent pas grand monde.
Il faut donc trancher.
Restituer ne saurait être ni un geste de charité, ni un geste bénévole. Restituer les œuvres africaines aux Africains est une obligation, le point de départ d’un nouveau régime de circulation, sans condition et, sur l’ensemble de la planète, du patrimoine général de l’humanité.