SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
30 mai 2025
PAR Fatou Warkha Sambe
JE NE ME MARIERAI PAS
Je n’y vois ni protection, ni épanouissement, ni reconnaissance. Ce refus est un acte politique. Dire non à une institution qui échoue à nous protéger, c’est refuser de normaliser le danger dans l’espace domestique
On nous enseigne très tôt à rêver du mariage. Mais personne ne nous dit qu’on peut y mourir.
Je suis une fille du Sénégal, un pays riche de ses traditions, mais aussi modelé par des normes sociales profondément inégalitaires qui conditionnent le quotidien des femmes. C’est depuis cet endroit précis que je parle. Mon regard est celui d’une femme sénégalaise, ancrée dans une société où les structures du pouvoir reproduisent des hiérarchies de genre, perpétuant ainsi l’infériorisation des femmes à travers des institutions, des coutumes et des discours profondément enracinés.
Et dans ce contexte, je peux le dire avec fermeté : je ne me marierai pas, parce que je n’en vois pas la raison. Pas tant que le mariage reste ce lieu de déséquilibre où les femmes risquent davantage leur vie que d’y trouver un véritable refuge. Je n’y vois ni protection, ni épanouissement, ni reconnaissance. Juste un système qui, trop souvent, nous prend sans jamais nous rendre ce qu’on y a mis. Mon refus n’est pas une fuite, c’est une prise de position radicale : je refuse de risquer ma vie dans une union qui, pour beaucoup de femmes, se termine dans la douleur ou dans une tombe.
Non pas parce que je ne crois pas à l’amour ou à la beauté du lien conjugal, mais parce que la réalité autour de moi me dit autre chose : elle me dit que dans ce pays, trop de femmes n’en sortent pas vivantes. Que le mariage, ce lieu censé être de sécurité, peut aussi devenir un piège. Je n’ai aucune raison de me précipiter vers une institution dont la société elle-même ne garantit pas la sécurité. Mon refus de me marier aujourd’hui n’est pas un rejet de l’amour, c’est une réponse à un contexte d’insécurité, d’impunité et de déni. C’est un acte de lucidité.
Alors que l’on me pousse à «faire vite», à «me caser», à «fonder une famille», tout en m’assurant que le mariage est mon salut, moi je n’entends que les noms des femmes assassinées. Et je m’interroge : qu’est-ce qui protège une femme aujourd’hui ?
Ce refus est un acte politique. Dire non à une institution qui échoue à nous protéger, c’est refuser de normaliser le danger dans l’espace domestique. C’est dire que nous ne voulons pas être les prochaines.
Je ne peux pas détourner mon attention de ces drames : les féminicides captent davantage mon regard que les défilés de célébration, les sommes colossales dépensées en guise de dot ou les conventions pour marier les femmes à moindre coût. Malgré les morts, malgré l’horreur, la société s’acharne à repeindre le mariage comme une promesse de bonheur et de sécurité, enjolivant l’arnaque pour séduire encore plus de filles en quête d’avenir. Mais moi, je vois l’envers du décor. Je vois les tombes. Je vois le sang. Je vois l’absence totale de réaction. Et je refuse.
Au Sénégal, les féminicides continuent d’augmenter, un phénomène alarmant que l’on peine à enrayer face à l’indifférence persistante des autorités. De janvier à mai 2025, au moins sept femmes ont été brutalement assassinées dans des contextes familiaux ou conjugaux, souvent par leurs maris ou compagnons, dans des espaces où elles aspiraient à être protégées, aimées et respectées. Ces drames, parmi lesquels les meurtres de Souadou Sow, Yamou Ndiaye, Sadel Sow, Kindy Bah, Marie-Louise Ndour ou encore Fatou Guèye, ont profondément choqué l’opinion publique. Pourtant, la réponse institutionnelle reste en deçà de l’urgence. Malgré cette hécatombe, aucune parole forte n’a été prononcée par le président de la République, le Premier ministre ou encore la ministre de la Famille. Aucune réaction non plus de la part des chefs religieux ou coutumiers, ni même de ceux qui s’autoproclament «gardiens de la morale» dans l’espace public.
Ce mutisme généralisé, alors que les violences s’accumulent, contraste violemment avec la promptitude avec laquelle ces mêmes figures s’expriment pour condamner un slogan ou une tenue vestimentaire. Cette inégalité flagrante est une gifle infligée aux victimes et un message désespérant pour toutes celles qui espèrent encore une justice ou une reconnaissance de leur souffrance. Ce silence est une preuve accablante que la souffrance des femmes ne pèse pas sur l’agenda politique national.
C’était hier la fête des mères au Sénégal. Il y a eu des pleurs. Pourquoi le passé de nos mères est-il plus souvent synonyme de douleur que de joie ? Parce qu’elles ont tant donné, souvent sans retour. Parce qu’elles ont souffert en silence. Parce qu’elles ont cru que leurs enfants les sauveraient d’une vie de sacrifices. Combien ont vu leurs enfants réussir, d’autres mourir, d’autres encore devenir les bourreaux qu’elles redoutaient ? Et personne ne leur dit qu’elles peuvent partir. On préfère les chanter, les honorer, plutôt que de les libérer.
Aujourd’hui, je désobéis. Mon refus du mariage, c’est un acte de désobéissance civile. Comme les citoyens·nes qui refusent de se soumettre à un Etat injuste, je refuse de me soumettre à une institution patriarcale qui ne me protège pas. Le mariage, tel qu’il est, est un contrat de renoncement pour les femmes, et je ne le signerai pas.
Et ne venez pas me dire que les hommes aussi meurent. Oui, il y a des hommes tués. Mais ils ne sont pas assassinés dans leur lit par leurs femmes. Ils ne meurent pas dans des contextes où ils cherchaient l’amour et ont trouvé la mort. Comparer les féminicides à d’autres crimes, c’est invisibiliser ce que ces meurtres ont de systémique. C’est refuser de nommer ce que la société produit : des femmes tuées pour avoir aimé, pour avoir refusé, pour avoir existé.
Pourquoi alors devrais-je me marier ? Pour mon bonheur ? Il n’est pas garanti. Pour ma sécurité ? Elle est absente. Pour procréer et maintenir une lignée ? Et garantir au système qu’il perdure ? Non merci. Le mariage est une arnaque pour les femmes tant qu’il reste un espace de non-droit. On nous fait croire que nous y gagnerons tout, alors qu’on y perd souvent notre liberté, notre santé mentale, parfois même notre vie.
Je ne me marierai pas. Pas dans ces conditions. Pas avec ce risque. Pas avec ce mépris.
Lutter contre les violences faites aux femmes n’est pas un simple acte individuel, mais une révolte collective, une exigence politique et une solidarité radicale. Mon refus du mariage s’inscrit dans cette dynamique, comme un geste parmi tant d’autres dans un combat plus vaste.
Il est le reflet de mon refus catégorique d’une société patriarcale qui tolère l’inacceptable, qui ne daigne reconnaître la violence faite aux femmes que lorsqu’elle est trop tard, lorsqu’elle nous a détruites, qu’il n’y a plus rien à sauver. Mais cette lutte, elle est plus forte lorsqu’elle s’enracine dans nos consciences individuelles, quand chaque femme prend conscience de sa valeur et de son droit à la dignité. Elle prend vie dans les corps et les voix qui, ensemble, brisent le silence.
Ce n’est pas simplement une question de choix personnel, mais un acte politique : un refus catégorique de me soumettre à ces normes et de devenir une victime silencieuse d’un système qui nous tue lentement, mais sûrement. C’est mon choix conscient, celui de ne pas me laisser effacer, celui de participer à la construction d’un espace où l’assassinat des femmes ne sera plus un fait divers, une statistique ou un sujet de discussion à la marge. Là où chaque féminicide sera reconnu pour ce qu’il est : un crime systémique, un acte perpétré par un système défaillant, une société complice. Derrière chaque féminicide, il y a une femme, une vie, une communauté trahie. Et un système qui a failli.
LES ENNUIS JUDICIAIRES DE MANSOUR FAYE AU MENU DES JOURNAUX
La livraison de mardi de la presse quotidienne revient largement sur les ennuis judiciaires de l’ancien ministre Mansour Faye, en plus d’autres thématiques relatives au dialogue national par exemple.
La livraison de mardi de la presse quotidienne revient largement sur les ennuis judiciaires de l’ancien ministre Mansour Faye, en plus d’autres thématiques relatives au dialogue national par exemple.
“Mansour Faye, la chute”, affiche Le Quotidien en évoquant le placement sous mandat de dépôt de l’ancien ministre du Développement communautaire et de l’Equité sociale et territoriale. Il est poursuivi pour notamment détournement de deniers publics, association de malfaiteurs, concussion, corruption et prise illégale d’intérêt.
“Ses avocats sont passablement agacés par cette décision, après avoir déposé une ‘requête aux fins de contestations sérieuses’ devant la Commission d’instruction [de la Haute cour de justice]”, rapporte Le Quotidien.
Sud Quotidien, pour sa part, rappelle que M. Faye a été placé sous mandat de dépôt dans le cadre de la procédure judiciaire portant sur la gestion des fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Covid-19 (Fonds Force Covid-19).
Une affaire qui implique des ministres du régime de Macky Sall, Mansour Faye, par ailleurs beau-frère de l’ancien président, n’étant que le dernier de la liste des cinq qui avaient été mis en accusation devant la commission d’instruction de la Haute Cour de justice, signale la même publication.
“Après Sophie Gladima et Moustapha Diop, Mansour Faye devient le troisième ministre du régime de Macky Sall incarcéré dans l’affaire des fonds Covid-19, malgré une offre de cautionnement estimée à plus de 3 milliards FCFA”, relève à ce sujet L’Observateur.
WalfQuotidien rapporte que l’audition de Mansour Faye devant la Haute cour de justice a donné lieu à “un jeu de cache-cache […] Tous les plans pour obtenir un renvoi de l’audition de l’ancien ministre sous Macky Sall ont été déjoués par le juge”.
Mansour Faye “n’a rien fait”, ”conteste sérieusement” les faits
Ce dernier, au-delà de la menace d’un mandat d’amener, a rejeté toutes les requêtes introductives avant de le placer sous mandat de dépôt”, poursuit WalfQuotidien. “Tout a été jeté à la poubelle par les instructeurs qui ont préféré un mandat de dépôt, confirme Source A.
Libération précise que le cautionnement d’un terrain évalué à 5 milliards de FCFA a été rejeté. Situé à Sébikotane, à la sortie de Dakar, ce terrain à usage agricole appartient à l’ancien président Macky Sall, fait savoir le même journal.
Selon Vox Populi, Mansour Faye est poursuivi pour un préjudice présumé de 2,7 milliards de francs CFA, mais ses avocats, par la voix de Me Amadou Sall, affirment que leur client “n’a rien fait. S’il est retenu pour ce délit […], il ne fait l’objet d’aucun doute que c’est une commande politique”.
“On a fait une offre de cautionnement, elle n’a pas été acceptée. Nous avons fait des contestations sérieuses, elles n’ont pas été acceptées. Nous avons déposé une requête en inconstitutionnalité de la loi, elle a été rejetée”, déplore Me Amadou Sall dans des propos rapportés par Vox Populi.
Le quotidien L’As note que malgré tout, Mansour Faye continue “de contester vigoureusement les faits” qui lui sont reprochés. De fait, dès son placement sous mandat de dépôt, ses avocats ont contre-attaqué en déposant, auprès de la commission d’instruction de la Haute cour de justice, une “requête aux fins de contestations sérieuses”, indique le quotidien EnQuête.
Le quotidien Yoor-Yoor, de son côté, se fait l’écho de la réaction de l’Alliance pour la République. Le parti du président Macky Sall, auquel appartient Mansour Faye, ne s’est pas fait prier pour dénoncer une “énième forfaiture, qui fait suite à toutes celles précédentes, et dont le but est de ternir l’image d’un homme et de harceler [sa] famille politique et biologique”.
”L’heure de vérité” pour les candidats à la présidence de la BAD
Le dialogue national, dont les travaux s’ouvrent ce mercredi, n’est pas en reste dans l’intérêt des quotidiens. L’As, par exemple, annonce que l’opposition, “réunie en bloc pour la grande majorité, confirme sa participation à la grande concertation nationale avec toutes les forces vives de la nation”.
Mieux, les partis concernés promettent de “se faire entendre” sur plusieurs sujets lors de ces concertations, ajoute le journal. Il cite les libertés, la justice, les violences, entre autres thématiques. L’As note dans le même temps que la décision de l’opposition de prendre part aux discussions est “motivée par la gravité de la situation nationale, malgré des critiques su la portée des sujets inscrits à l’ordre du jour”.
WalfQuotidien inscrit tout cela dans une certaine tradition, soulignant que les présidents qui se sont succédé à la tête du Sénégal se sont toujours prêtés chacun au jeu du dialogue. ”Du président Senghor à Diomaye [Faye], initiateur du dialogue national de demain, on discute, arrondit les angles et propose des recommandations. Cela aura permis au Sénégal de solutionner, à bien des égards, des tensions”, ajoute le journal.
D’après Vox Populi, la société civile attend de ce dialogue national devant porter sur le système politique qu’il arrive à “corriger tous les dysfonctionnements constatés lors des dernières élections”. Aussi les organisations en question ont-elles formulé des recommandations pour assainir le champ politique marqué par une ”floraison” de partis.
Le Soleil se projette sur l’élection à la présidence de la Banque africaine de développement, le 29 mai, et pose une question à sa une : ”Qui à la place de Adesina ?”, le président sortant. Le journal donne la parole à Magatte Wade, ancien cadre de la BAD, selon lequel le Sénégalais Amadou Hott, ”est crédité comme étant [le candidat] le plus sérieux, le plu concis”.
Il va faire ”face à son destin et à ses 4 concurrents au poste de président de la BAD”, indique le quotidien L’info à sa une. ”L’heure de vérité pour Hott et Cie”, affiche le journal à ce sujet.
LA COLÈRE MONTE À L'UGB
Wifi défaillant, insécurité, chantiers à l'arrêt : les étudiants de l'Université Gaston Berger de Saint-Louis crient leur ras-le-bol. Ils pointent du doigt le ministre de l'Enseignement supérieur, accusé de ne pas tenir ses engagements
Les étudiants de l'Université Gaston Berger de Saint-Louis ne décolèrent pas. Ils se sont regroupés hier sur l'esplanade de cette université pour tenir un point de presse dans le but d'alerter l'opinion publique sur la situation difficile à laquelle ils font face. Ils ont dénoncé avec véhémence l'indifférence dont ferait montre leur Ministre de tutelle par rapport aux chantiers de cette université de Sanar.
À en croire le Président de Séance de la Coordination des étudiants de Saint-Louis, Ousmane Kâ, le Ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation serait l'unique responsable de toute conséquence qui découlerait de cette situation jugée critique.
Pour rappel, cette Coordination des Étudiants de Saint-Louis avait décrété la semaine dernière 24 heures de cessation de toutes activités pédagogiques renouvelables et 24h de journée sans tickets renouvelables, puis 48h de cessation de toutes activités pédagogiques et 48h de journées sans tickets pour alerter.
En effet, le motif de ce mouvement d'humeur reste le non-démarrage des travaux de la plateforme du village O et du chapiteau du restaurant n°2 ; la non-effectivité du wifi et l'insécurité régnante du campus. Une manière pour ces étudiants de Saint-Louis d'alerter et rappeler à l'autorité ses engagements.
Car, pour eux, le Ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation s'était engagé à livrer les chantiers de l'UGB au mois de juillet. Aujourd'hui, le Ministre Diouf est invité à assumer pleinement ses responsabilités quant aux conséquences qui pourraient s'aggraver. Car, selon Ousmane Kâ, la Coordination des Étudiants de Saint-Louis n'est pas prête à abandonner ce combat.
FINI L'ANARCHIE DANS LA RESTAURATION DE RUE
Deux guides de bonnes pratiques viennent d'être validés pour encadrer un secteur vital mais encore largement informel, responsable de nombreuses intoxications alimentaires en milieu urbain
Le lundi 26 mai 2025, le Sénégal a validé deux guides de bonnes pratiques d'hygiène et d'inspection pour encadrer la restauration de rue. Ces documents ont été réalisés dans le cadre du projet GCP/SFW/517/LUX, financé par le Grand-Duché de Luxembourg et mis en œuvre par la FAO, en partenariat avec le ministère de la Santé.
Le secteur de la restauration de rue, vital pour l'alimentation urbaine mais encore largement informel, est confronté à de nombreux risques sanitaires. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 91 millions de personnes tombent malades chaque année en Afrique à cause de maladies d'origine alimentaire, entraînant 137 000 décès.
Les deux documents validés, l'un à destination des services d'inspection, l'autre pour les vendeurs, sont le fruit d'un travail participatif basé sur un diagnostic dans une ville pilote. Ils visent à « harmoniser les pratiques d'inspection » et à « permettre aux différents acteurs de disposer d'outils qui leur permettent de travailler de sorte à ce que les aliments ne rendent pas malade », a expliqué Dr Amadou Ndiaye, vétérinaire consultant à l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), une agence spécialisée de l'ONU chargée de la lutte contre la faim, la malnutrition et la pauvreté rurale dans le monde.
Un secteur à formaliser
Lors de l'atelier de validation organisé à Dakar, hier lundi, Pr Amadou Diop, président du CODEX, a insisté sur la nécessité de structurer le secteur : « C'est un secteur vital qui mérite d'être encadré. Malheureusement, ça se fait de manière informelle. Il s'agit de formaliser non seulement du point de vue du contrôle, mais également harmoniser les pratiques des acteurs ».
Les guides prennent en compte la diversité des vendeurs, dont « le niveau de compétences ne sont pas les mêmes », précise Dr Ndiaye, vétérinaire consultant de la FAO. Ils abordent des aspects essentiels comme la maîtrise de l'eau, l'hygiène, les outils, les infrastructures et les types de produits. Quatre catégories d'aliments ont été ciblées : « la viande, les plats cuisinés, les jus locaux, les boissons chaudes » ; ce sont notamment les aliments les plus consommés et les plus exposés aux risques.
Une approche coordonnée et régionale
Le projet s'inscrit dans une dynamique régionale, impliquant également le Burkina Faso et le Mali, avec un Plan National de Réponse aux Urgences de Sécurité Sanitaire des Aliments (PNRUSSA) comme modèle. « Le CODEX est une plateforme multisectorielle ; c'est cette plateforme qui a la charge de coordonner cette activité », a expliqué Pr Diop.
Il a aussi évoqué la gestion des crises, comme celle liée récemment à la consommation de viande de chat. « Le travail que nous faisons, c'est un travail de coordination (...) pour prendre en charge ces aspects », a assuré le président du CODEX.
Aussi, une stratégie de formation des formateurs est prévue pour vulgariser les guides. « La phase qui va suivre, c'est une formation des formateurs (...) pour démultiplier ces informations vers les services de contrôle, mais également vers tous les acteurs de la restauration des rues », a indiqué Dr Ndiaye, le consultant de la FAO.
SAINT-LOUIS MOBILISÉE POUR L'ÉNERGIE VERTE
Entre taxis au gaz et centrale solaire de Bokhol, la région nordique du Sénégal expérimente déjà la transition énergétique que le pays veut généraliser avec 40% de renouvelables d'ici 2030
Le Partenariat pour une Transition Energétique Juste (JETP) vise à intégrer au moins 40% d'énergies renouvelables dans le Mix-énergétique du Sénégal d'ici 2030. Cela est fondamentalement transformateur pour notre économie et c'est également important pour le développement durable de notre pays et l'amélioration des conditions des populations, de l'avis de Docteur Fatima Diallo. Elle est la Directrice du Centre de Recherche et d'Action sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels (CRADESC). Un forum a réuni les acteurs communautaires de la région en vue de leur appropriation du JETP.
L'objectif de ce forum est de sensibiliser les acteurs communautaires sur le Partenariat pour une Transition Energétique Juste (JETP) afin qu'ils s'en approprient à la base, à en croire Dr Fatima Diallo, Directrice du Centre de Recherche et d'Action sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels (CRADESC).
« Il s'agissait de réunir les différents acteurs et créer un espace de dialogue pour recueillir leurs avis et leurs propositions en vue d'élaborer une feuille de route qui permettrait une prise en compte de leurs préoccupations », a fait savoir Mme Diallo.
Elle rappelle que le JETP vise à intégrer au moins 40% d'énergies renouvelables dans le Mix-énergétique du Sénégal d'ici 2030. « Cela est fondamentalement transformateur pour notre économie et c'est également important pour le développement durable de notre pays et l'amélioration des conditions des populations », a-t-elle expliqué.
Pour sa part, le chef de la Division régionale de l'Environnement et des Établissements Classés (DREC) de Saint-Louis, Khadim Niasse, a dit que le Sénégal s'est engagé à réduire l'empreinte du carbone dans son Agenda 2050 et particulièrement dans la région de Saint-Louis où, a-t-il rappelé, des initiatives dans ce sens sont à signaler, citant comme exemple notamment les taxis qui fonctionnent au gaz, récemment mis en circulation. Il s'y ajoute aussi la centrale solaire de Bokhol.
Pour rappel, la transition énergétique envisagée par le Sénégal se veut juste, inclusive et alignée sur les objectifs climatiques pour instaurer une économie verte propice à un développement durable effectif, condition essentielle à une justice sociale et inclusive.
La région de Saint-Louis, caractérisée par une prédominance des activités de pêche artisanale et d'agriculture, est particulièrement concernée par les enjeux inhérents à la transition énergétique, compte tenu de la vulnérabilité de son écosystème littoral, de la précarité énergétique observée dans les zones rurales et des transformations potentielles induites par les politiques de transition notamment l'exploitation du gaz, les énergies renouvelables entre autres.
LE PDS FAIT FAUX-BOND À L'APR
Coup de théâtre à moins de 48 heures du dialogue national. Le parti de Wade annonce sa participation, tournant le dos à son allié de l'opposition, qui boycotte l'événement. Une défection qui isole davantage Macky Sall et ses pairs
Le Parti démocratique sénégalais (PDS) met fin au suspense et prend officiellement position sur le dialogue national du 28 mai prochain. À moins de 48 heures de la cérémonie d'ouverture de ces premières concertations du régime en place, prévues au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio, Bachir Diawara, porte-parole du Pds a annoncé la présence de l'ancien parti libéral au pouvoir (2000-2012) à ce rendez-vous.
« Suite à de larges concertations au sein de ses différentes instances, le PDS a décidé de participer au dialogue national » a notamment annoncé le porte-parole du Pds.
Il faut dire qu'avec cette décision, le Pds vient tout simplement de faire faux bond à son principal allié lors des législatives anticipées du 17 novembre dernier et à l'Assemblée nationale au sein de l'unique groupe parlementaire de l'opposition « Takku-Wallu », l'Alliance pour la République (Apr) qui a décidé de boycotter ce dialogue.
D'ailleurs, l'ancien parti au pouvoir est le seul parti en termes de représentativité à prendre cette décision. Tous les partis traditionnels dont le Parti socialiste (Ps), la Ligue démocratique (Ld), l'Alliance des forces de progrès (Afp), le Parti de l'indépendance (Pit), le Rewmi d'Idrissa Seck, le Parti Africain pour la Démocratie et le Socialisme (And Jëf/PADS) dirigé par Mamadou Diop Decroix et sa branche Authentique proche de Landing Savané sont tous partants.
LE SÉNÉGAL VEUT INVERSER LA TENDANCE LITTÉRAIRE
Pour construire un "Sénégal souverain, juste et prospère", les autorités misent sur une révolution éducative. Objectif : détourner les jeunes des filières littéraires vers les sciences, technologies et mathématiques
Face à la prédominance des séries littéraires au Sénégal, les autorités comptent renverser la tendance en renforçant le capital humain par une réforme éducative orientée vers les filières Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques. Présidant hier, lundi 26 mai, l'atelier national de partage marquant le lancement du Baccalauréat 2025, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Abdourahmane Diouf, a fait savoir que plusieurs mesures doivent être engagées dans ce cadre.
Au Sénégal, les élèves tournent de plus en plus le dos aux séries scientifiques. Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Dr Abdourahmane Diouf l'a rappelé hier, lundi 26 mai, lors de l'atelier national de partage marquant le lancement du Baccalauréat 2025 qui enregistre 166 400 candidats.
« La répartition par série montre une prédominance marquée des séries littéraires avec 137 046 candidats, contre 26 630 candidats scientifiques. Cette situation reflète une croissance de 6 714 candidats dans les séries littéraires par rapport à 2024, contre seulement 125 pour les séries scientifiques. Malgré les ambitions nationales de développement, notamment à travers le renforcement du capital humain, le poids des profils orientés vers les Sciences et Techniques demeure encore insuffisant », a déclaré Abdourahmane Diouf.
Selon lui, « en 2023, les séries scientifiques et techniques représentaient 16,39 % des effectifs, en 2024, ce chiffre est passé à 16,62 %, en 2025, il retombe légèrement à 16 % ». Ce qui lui fait dire que « ces chiffres confirment une attractivité limitée des filières STIM (Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques), nécessitant une action stratégique renforcée pour inverser cette tendance ».
En effet, dans son discours, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation a souligné que « le renforcement du capital humain par une réforme éducative orientée vers les STIM est plus qu'une nécessité pour un Sénégal Souverain, Juste et Prospère, ancré dans des valeurs fortes ». Et c'est dans cette dynamique que l'Agenda national de Transformation de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (ANTESRI) sera bientôt lancé. « Il se veut inclusif car il impliquera les acteurs du monde universitaire et au-delà, permettra un alignement et une articulation des priorités de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et d'Innovation aux 8 Pôles économiques de la nouvelle vision Sénégal 2050 », a dit Abdourahmane Diouf.
Ainsi, pour opérationnaliser cette ambition, le ministre a annoncé plusieurs mesures dont la « mise en place d'un système intégré et de qualité d'éducation et de formation professionnelle et technique, adapté aux réalités nationales et aux besoins du marché de l'emploi » ; « la réorientation progressive des apprenants de l'enseignement général vers la formation professionnelle et technique, afin d'assurer une meilleure insertion professionnelle et une adéquation formation-emploi » ; la « réforme en profondeur des curricula, avec une articulation renforcée entre les différents cycles d'enseignement et une orientation plus marquée vers les compétences pratiques et technologiques ».
Le ministre a également parlé de la « révision du cadre réglementaire, en conditionnant notamment les appuis publics (notamment au secteur privé) à une adhésion effective à la politique nationale de priorité aux filières STEM » ; de la « rationalisation de l'offre de formation, en lien avec les profils requis pour accéder à l'enseignement supérieur ou à la formation professionnelle post-baccalauréat, afin de réduire les redondances et d'optimiser l'allocation des ressources » ; de la « révision des conditions et modalités d'organisation du Baccalauréat conformément aux normes de qualité internationales et en tenant compte de la dynamique communautaire en cours au sein l'espace UEMOA » et de la « réforme du statut juridique de l'Office du Baccalauréat en le dotant d'une autonomie administrative et financière ».
ELON MUSK QUITTE LE GOUVERNEMENT TRUMP APRÈS L'ÉCHEC DU DOGE
Le patron de Tesla et SpaceX abandonne son poste de conseiller de Donald Trump, juste avant la date butoir qui l'aurait obligé à rendre des comptes au Congrès
(SenePlus) - Elon Musk a annoncé son départ du département de l'efficacité gouvernementale (DOGE) qu'il dirigeait depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump le 20 janvier dernier. Cette décision, survenue samedi 24 mai lors d'une panne massive du réseau social X, marque la fin d'une aventure politique qui s'est soldée par un échec retentissant.
"Retour au travail 24 heures/24 et 7 jours/7, et à dormir dans les salles de conférences, les serveurs et les usines. Je dois me concentrer sur X/xAI et Tesla (ainsi que sur le lancement de Starship la semaine prochaine), car nous déployons des technologies critiques", a posté le milliardaire sur son réseau social, comme le rapporte Le Monde.
Le timing de cette annonce n'a rien du hasard. "Cette décision intervient juste avant la date butoir du 28 mai, soit 130 jours après sa nomination, durée maximale qu'il pouvait passer au sein de l'équipe gouvernementale sans remplir des obligations de transparence et de contrôle du Congrès", indique le quotidien français.
Le patron de Tesla et SpaceX, qui avait investi près de 300 millions de dollars dans la campagne électorale de 2024, se retire également partiellement de la politique. "Je vais faire beaucoup moins dans le futur. Je pense que j'en ai fait assez", a-t-il confié à l'agence Bloomberg le 20 mai.
Un bilan désastreux pour le DOGE
L'aventure du DOGE, censée rapporter 1 000 milliards de dollars d'économies au budget américain, s'est transformée en fiasco. Jason Furman, économiste à Harvard, dresse un constat sans appel dans les colonnes du Monde : "créé un chaos microéconomique sans impact macroéconomique. C'est certes un désastre pour l'aide [américaine au développement avec notamment la fin des activités de l'agence Usaid] mais l'ampleur globale des dépenses n'a guère changé".
"Elon Musk n'a réussi selon les données de son propre site qu'à économiser 170 milliards de dollars, moins d'un dixième du déficit public américain", précise Le Monde. Pire encore, ses mesures pourraient paradoxalement alourdir le déficit, les licenciements dans les effectifs du fisc risquant d'entraîner une baisse de la collecte de l'impôt.
L'entrepreneur s'est heurté à quatre adversaires majeurs. Le premier fut Donald Trump lui-même, qui "l'a empêché de facto de sabrer dans les trois postes principaux de dépenses de l'Etat fédéral – la retraite par répartition (Social Security), la santé des personnes âgées (Medicare), et la défense".
Les tensions avec l'équipe gouvernementale ont également joué un rôle crucial. "Une altercation mémorable en réunion de cabinet le 6 mars a obligé Donald Trump à tempérer son conseiller", révèle Le Monde. Le désaveu fut patent quand Trump remercia mi-avril le favori de Musk nommé à la tête du fisc.
Un retrait qui fait écho à l'histoire
David Nasaw, professeur d'histoire émérite à l'université Cuny de New York, résume dans le New York Times : "Elon Musk pensait pouvoir changer le cours de l'histoire. Au lieu de cela, elle l'a brisé". Son parcours s'ajoute à la longue liste des entrepreneurs ayant échoué en politique, à l'image d'Henry Ford ou plus récemment de Rex Tillerson.
Malgré cet échec politique, Elon Musk se tourne vers l'avenir avec trois priorités. "Nous aurons probablement des centaines de milliers, voire plus d'un million, de Tesla autonomes aux Etats-Unis", a-t-il annoncé à CNBC le 20 mai, visant un lancement d'ici fin 2026.
SpaceX devait également tenter mardi 27 mai le lancement d'une nouvelle fusée Starship de 122 mètres pour accélérer le programme lunaro-martien. Selon Le Monde, citant le Wall Street Journal, "ces fusées pourraient être utilisées pour transporter du matériel sur le champ de bataille en une heure de l'autre côté de la planète".
Enfin, Musk se positionne dans la course à l'intelligence artificielle. "Son passage à Washington lui a permis de fusionner X avec sa société xAI, résolvant le problème de la dette accumulée lors du rachat de Twitter pour 44 milliards de dollars".
L'entrepreneur, qui s'affublait de pseudonymes sur son réseau social, a repris son patronyme d'Elon Musk, "faisant mine de tenter un retour aux affaires, comme si rien ne s'était passé", conclut Le Monde.
VIDEO
LES SÉNÉGALAIS PLÉBISCITENT LA RÉFORME POLITIQUE
"Le dernier dialogue sur les questions électorales" : c'est l'ambition de Cheikh Guèye. Fort de plus de 11 000 contributions via la plateforme "Jubbanti", le facilitateur général mise sur une participation inédite pour réformer durablement la démocratie
Une innovation technologique majeure marque le dialogue politique national prévu du 28 mai au 4 juin : la plateforme numérique "Jubbanti" permet aux citoyens de participer directement aux débats. Avec déjà plus de 11 000 contributions, les premières statistiques révèlent des tendances surprenantes sur les attentes des Sénégalais.
Le Dr Cheikh Guèye, facilitateur général nommé par le président Bassirou Diomaye Faye, n'a pas caché son enthousiasme lundi soir sur TFM face au succès de cette participation citoyenne inédite. "C'est une vraie innovation et également une vraie réussite", s'est-il félicité, dévoilant des chiffres qui témoignent de l'engouement populaire.
Les premières données issues de la plateforme "Jubbanti" dessinent un portrait saisissant des préoccupations citoyennes. 90% des contributeurs estiment que les partis politiques doivent être reconsidérés dans leur rôle au sein du jeu démocratique sénégalais - une statistique qui devrait faire réfléchir la classe politique.
Plus révélateur encore : plus de 90% des participants sont des jeunes âgés de 26 à 35 ans, confirmant l'appropriation de ce dialogue par une génération en quête de renouveau politique. "Ce dialogue leur appartient, ils doivent s'en approprier", souligne le facilitateur général.
L'innovation va au-delà des simples chiffres. La plateforme permet aux Sénégalais de contribuer en français et en wolof, mais aussi de poster des vidéos et des contributions téléchargées. Cette approche inclusive répond à une volonté d'élargir la participation au-delà des élites urbaines traditionnelles.
"On entre dans une révolution numérique qui va nous impacter tous", analyse le Dr Guèye, qui voit dans cette initiative un "préfigure de ce que sera notre démocratie demain". Le ministère de la Communication et de la Transition numérique mobilise toute une équipe pour traiter ces contributions et en extraire les grandes tendances.
Fort de cette participation populaire massive, le facilitateur général nourrit une ambition particulière : faire de ce dialogue "peut-être le dernier dialogue sur les questions électorales fondamentalement". L'objectif affiché est de "clôturer une période où il y a eu beaucoup de disputes politico-judiciaires".
Cette ambition s'appuie sur la richesse des contributions citoyennes qui alimenteront les débats dans les différentes commissions. Contrairement aux dialogues précédents où "les gens venaient à la cérémonie d'ouverture et repartaient après", ce format mise sur une participation active et continue.
Au-delà des questions électorales, le dialogue abordera la démocratie, les enjeux socio-économiques, les droits humains et la réforme institutionnelle. Malgré le refus de participation de certains partis comme La République des valeurs ou Les Serviteurs, l'organisation mise sur "une participation très élargie des forces vives de la nation".
PAR GILLES YABI
LE CAPITAINE-PRÉSIDENT, LES "DEEPFAKES" ET LE POISON DE LA DÉSINFORMATION
La désinformation à grande échelle joue un rôle important, peut-être déterminant, dans les dynamiques politiques à l’œuvre en Afrique de l’Ouest. Elle est une arme redoutable et, pour le moment, me semble-t-il, imparable.
Un ami médecin que j’ai revu récemment à Cotonou au Bénin m’a confié que les publications et les tables rondes de WATHI avaient fait évoluer sa perception de ce qui se passait dans les pays du Sahel. Il m’expliquait que la plupart de ses collègues étaient des admirateurs du capitaine Ibrahim Traoré. Avec un autre ami, médecin également étrangement, il est devenu impossible de discuter de la situation au Sahel. Pour lui, tout ce qui se passe dans la région est vu sous le prisme de la bataille entre ceux qui veulent se défaire de l’impérialisme occidental et de l’emprise particulière de la France, et ceux qui n’adhèrent pas à cette seule grille de lecture.
Nous sommes dans un moment où les faits et ce qu’ils nous disent sur les intentions des uns et des autres, sur leurs valeurs, sur la sincérité de leurs discours, n’intéressent plus grand monde. Un moment où les travaux des chercheurs qui essaient de rendre compte de la complexité des situations sont largement ignorés. Ce qui force l’admiration et garantit une immense popularité dans l’espace public, c’est la radicalité des positions, l’absence de nuances, de contextualisation, de toute distance critique par rapport à des opinions tranchées et des certitudes assénées.
La désinformation à grande échelle joue un rôle important, peut-être déterminant, dans les dynamiques politiques à l’œuvre en Afrique de l’Ouest. Elle est une arme redoutable et, pour le moment, me semble-t-il, imparable. Nous avons organisé le 30 avril dernier un dialogue en ligne « WATHI et vous » sur ce sujet, au cours duquel mon collègue Bah Traoré a exposé les différences entre mésinformation, désinformation, mal-information, donné plusieurs exemples de désinformation qui nourrissent la polarisation et de dangereuses passions dans les pays sahéliens et bien au-delà. Le fléau est mondial, on le sait. Dans le contexte de notre région, les conséquences sont potentiellement tragiques.
Un article de l’unité de désinformation de la BBC, le média public anglais, publié le 15 mai dernier, examine la prolifération récente de contenus sur les réseaux sociaux à la gloire du capitaine Traoré. On peut y lire ceci : « Depuis la fin du mois d'avril, des centaines de vidéos générées par l'intelligence artificielle et présentant M. Traoré comme un héros panafricain, dont beaucoup contiennent de fausses informations, inondent les plateformes de médias sociaux dans toute l'Afrique subsaharienne. La tendance a une grande portée, avec des utilisateurs de médias sociaux sur X, Facebook, Instagram, TikTok, WhatsApp et Youtube de pays comme le Nigéria, le Ghana et le Kenya, vantant M. Traoré comme un exemple pour d'autres dirigeants africains. »
L’article donne plusieurs exemples de fausses informations et de vidéos réalisées par l’IA appelées « deepfake », comme des faux clips musicaux qui mettent en scène des célébrités comme Rihanna aux côtés du capitaine Traoré. Une vidéo qui montre ce dernier aux côtés du chanteur R. Kelly a été visionnée 1,8 million de fois. Cité dans l’article, l’auteur de ce clip, un Nigérian de 33 ans, explique qu’il est un fan du jeune président burkinabé mais confie aussi que la monétisation de la vidéo sur YouTube lui a rapporté 2000 dollars américains.
D’autres clips qui ont massivement circulé sur les réseaux sociaux montrent des images présentées comme étant celles de manifestations de soutien au capitaine Traoré en France, en Afrique du Sud ou ailleurs, des images qui sont en réalité celles d’une manifestation antigouvernementale à Belgrade en Serbie en mars 2025. Une vidéo qui m’a été transférée il y a quelques jours par un très proche parent du troisième âge décrit en 23 minutes accompagnées d’une voix off le plan « Opération Fantôme Rouge » qui aurait visé à éliminer le capitaine Traoré lors de sa visite officielle à Moscou le 9 mai dernier. Le récit est invraisemblable mais l’impact sur des milliers de personnes, est réel.
Il y a de bonnes raisons d’adhérer à certains des objectifs affichés par les néo-révolutionnaires sahéliens : la conquête d’espaces de souveraineté, la renégociation des rapports avec les acteurs économiques étrangers dans l’industrie minière, le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité, l’encouragement de la production locale et de la consommation de produits locaux. Mais d’une part, toutes ces bonnes intentions n’ont rien de nouveau pour ceux qui connaissent l’histoire politique du continent et la manière dont se sont terminées l’écrasante majorité des expériences de pouvoirs militaires révolutionnaires.
D’autre part, face à une situation sécuritaire extrêmement difficile, dans un pays dont les indicateurs économiques, sociaux, éducatifs, sont parmi les plus faibles de la région et du continent, la combinaison d’un pouvoir personnel absolu, d’une diabolisation de tous ceux qui ne soutiennent pas l’approche exclusivement militaire et brutale de tous les aspects de la gestion de l’État a peu de chances de conduire au meilleur résultat pour les populations.
Beaucoup de jeunes professionnels parmi les mieux formés, les plus entreprenants et les plus libres d’esprit partent ou sont déjà partis du Burkina Faso pour aller travailler et vivre ailleurs dans la région ou plus loin. Et cela concerne aussi le Mali et le Niger. Même les patriotes ont besoin de nourrir leurs familles, de se soigner, d’avoir un peu d’électricité, d’offrir une bonne éducation et des perspectives à leurs enfants. Je ne suis pas sûr que ce soit très utile pour un pays d’être souverain mais durablement détruit.
Le 17 mai, des personnalités politiques de plusieurs pays de la région, y compris le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, ont assisté à l’inauguration du mausolée dédié à Thomas Sankara à Ouagadougou. Il faut espérer que quelques invités ont au moins évoqué en privé le sort des dizaines de journalistes, d’acteurs de la société civile, d’acteurs politiques illégalement enlevés puis envoyés en prison ou au front et ceux qui sont portés disparus depuis des semaines ou des mois.
Il faut peut-être rappeler quelques noms cités dans une publication récente de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains : Guy Hervé Kam, avocat, défenseur des droits humains, coordonnateur du mouvement politique Sens, Rasmané Zinaba, Bassirou Badjo, Amadou Sawadogo et Miphal Ousmane Lankoandé, tous membres du Balai citoyen, les journalistes Guezouma Sanogo, Boukary Ouoba, Luc Pagbeguem, Kalifara Sere, Serges Oulon et Bayala Adama… La liste est loin d’être exhaustive. Les listes des victimes définitives des atrocités des groupes armés terroristes tout comme celles des forces armées et de leurs supplétifs qui ne semblent avoir aucune limite dans l’usage de la force contre les civils sont, quant à elles, interminables.
Il semble que ceux qui se réclament de l’héritage de Sankara ne se souviennent que du slogan « La révolution ou la mort, nous vaincrons ». Ils devraient méditer sur quelques autres déclarations fortes de ce dernier. Par exemple celles-ci : « Un militaire sans formation politique, idéologique est un criminel en puissance »; « Celui qui aime son peuple aime les autres peuples». Et cette dernière : « Une jeunesse mobilisée est dangereuse, une jeunesse mobilisée est une puissance qui effraye même les bombes atomiques. ». C’était bien avant les réseaux sociaux et les machines à produire et à disséminer massivement des fausses informations et à manipuler les opinions. Dans le contexte régional et mondial du moment, une jeunesse mobilisée par des gens dangereux et irresponsables est une bombe qui peut détruire profondément notre continent.