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17 juillet 2025
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UN QUATRIÈME CHEF D’INCULPATION SURPREND LES AVOCATS DE GADIAGA
Ils dénoncent l’ajout de l’accusation de réception, sollicitation ou acceptation de dons en vue de mener une propagande susceptible de compromettre la sécurité publique.
Badara Gadiaga a été placé sous mandat de dépôt ce lundi. Ses avocats, stupéfaits à la sortie des locaux du juge d’instruction, dénoncent l’ajout inattendu d’un quatrième chef d’inculpation : la réception, la sollicitation ou l’acceptation de dons, présents ou subsides en vue de mener une propagande susceptible de compromettre la sécurité publique.
DES HEMORRAGIES PEUVENT MEME ENTRAINER LA MORT PAR PERTE DE SANG INCONTROLEE
Dr Mouhamadou Moustapha Seck, gynécologue parle des conséquences de la pratique de l’excision
L’excision a encore de beaux jours au Sénégal. La pratique est de plus en plus récurrente au sein de nos communautés. Elle n’est pas sans conséquences sur le plan physique mais aussi psychologique. dans cet entretien accordé à «L’as », le gynécologue Dr Mouhamadou Moustapha Seck indique que des hémorragies peuvent même entraîner la mort par perte de sang incontrôlée.
Quelles sont les conséquences de l’excision sur le plan de la santé ?
Les conséquences sont de deux ordres; on peut avoir des complications aigues par exemple au cours de l’acte d’excision, il peut y avoir une douleur très vive et les parties génitales sont très vascularisés et ce sont des douleurs syncopales qui peuvent même entraîner une perte de connaissance. Il peut y avoir aussi des hémorragies qui peuvent même entraîner la mort par perte de sang incontrôlée. Quelques jours après, il peut y avoir une infection au niveau de la plaie. Il peut y avoir des complications urinaires. La nouvelle excisée peut avoir des problèmes pour faire sortir normalement ces urines
Quels sont les problèmes rencontrés par une excisée ?
Ce sont des problèmes au niveau des rapports sexuels parce qu’il faut que l’infibulation soit réparée. Les parties qui ont été cousues peuvent être décousues pour que l’acte sexuel puisse être fait pendant le mariage sinon plus tard il peut y avoir des problèmes de frigidité, perte de désir et plaisir pendant l’acte sexuel. Il y a les complications psychologiques parce que les séquelles psychologiques sont non négligeables et elle peut poursuivre l’excisée durant toute son existence.
Est-ce qu’une femme excisée peut avoir des difficultés pour avoir un enfant ?
Pendant l’accouchement, si toutefois, il y a une grossesse, il peut y avoir des déchirures lors du passage du fœtus parce que l’orifice vulvaire et vaginal sont réduits. Donc, il peut y avoir des problèmes lors de l’expulsion du fœtus avec l’installation de déchirure qui peuvent être à tous les niveaux de la partie génitale et être très difficile à réparer avec toutes leurs complications comme l’hémorragie, perte de sang, infection, difficulté pendant les rapports sexuels si toutefois ces déchirures ont été mal ou insuffisamment réparées. Il nous arrive de voir des excisées qui ont été opérées tout simplement parce qu’il n’y a pas une possibilité d’admettre une voie basse lors de leurs accouchements parce que l’orifice est extrêmement réduit et ne permet pas un accouchement par voie basse. C’est un type de malade que l'on doit opérer de façon préventive.
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LE GRAND MENSONGE DE LA DÉMOCRATIE À L’AFRICAINE
Dans un essai incisif, Ousmane Ndiaye démonte les idées reçues sur la démocratie en Afrique. De la fable du "discours de La Baule" aux prétendues "valeurs africaines incompatibles", l'auteur dénonce les mythes qui alimentent la crise démocratique actuelle
Le journaliste Ousmane Ndiaye vient de publier un essai critique intitulé "L'Afrique contre la démocratie, Mythes, déni et péril" aux éditions Riveneuve, qui promet de faire débat sur le continent. Dans un entretien accordé à France 24, l'auteur déconstruit les idées reçues sur la démocratie en Afrique et dénonce les dérives autoritaires actuelles.
Ousmane Ndiaye s'attaque frontalement aux discours comme celui du colonel Mamady Doumbouya, dirigeant de la junte guinéenne, qui déclarait à l'ONU en septembre 2023 que "ce modèle de démocratie" imposé "après le sommet de la Baule ne marche pas" et n'est pas adapté aux valeurs africaines.
"Postuler que la démocratie n'est pas adaptée aux valeurs africaines, c'est dire implicitement que l'Afrique, les valeurs africaines sont antidémocratiques", rétorque le journaliste. Il rappelle que l'histoire du continent témoigne de l'existence de formes démocratiques traditionnelles : "L'Europe n'a pas inventé la démocratie. La démocratie n'est pas une invention occidentale."
L'auteur dénonce également un autre mythe tenace : celui du discours de François Mitterrand à La Baule en 1990 comme déclencheur de la démocratisation africaine. "Les processus démocratiques ont été bien enclenchés avant la Baule", affirme-t-il. Selon le journaliste de TV5 Monde, ce discours était plutôt "un discours d'opportunisme qui embrasse un mouvement déclenché par les africains, les syndicats, les partis clandestins".
Face à la vague de coups d'État militaires au Sahel, Ousmane Ndiaye introduit le concept de "péril kaki". Il conteste la propagande selon laquelle "les civils ont échoué, il faut essayer les militaires". Au Mali, par exemple, "les militaires l'ont plus longtemps dirigé que les civils" depuis l'indépendance - 36 ans au total.
L'auteur souligne que "l'ingérence des militaires dans les processus politiques" constitue l'un des principaux obstacles à la démocratisation, ces armées étant "ultra-politisées depuis les indépendances".
L'essai n'épargne pas les figures emblématiques du panafricanisme. Ousmane Ndiaye dénonce le "détournement de l'idéal panafricain" par des dirigeants qui, "au nom du panafricanisme et de la lutte anti-impérialisme, ont fait une sorte de régime d'exception de dictature".
Il rappelle que le panafricanisme originel était "totalement lié à la démocratie" et constituait "une aspiration à la liberté" de la diaspora noire. "Le panafricanisme ne s'est jamais épanoui dans des espaces antidémocratiques et dictatoriaux", insiste-t-il.
Ousmane Ndiaye analyse également l'évolution des régimes post-indépendance. Selon lui, les conférences nationales des années 1990, censées rompre avec le parti unique, ont été détournées. Les anciens régimes ont compris qu'il fallait "faire une révolution de palais" en mettant en place des "fictions démocratiques".
Ces régimes disposent d'institutions en apparence démocratiques - "commissions nationales électorales indépendantes qui ne sont pas indépendantes", constitutions favorisant le pouvoir en place - mais sans fonctionnement réellement démocratique. Le Cameroun de Paul Biya illustre parfaitement cette "fiction démocratique" : malgré plusieurs élections, "le fonctionnement de l'État en soi n'est pas démocratique".
Par Mamadou Mbakhé NDIAYE
OSER LES CHANTIERS DE LA DISCIPLINE
Les Sénégalais sont « amoureux » de Sonko. Il doit être à la hauteur de cet élan populaire dont peu d'hommes dans l'histoire peuvent se targuer
«Tooñ ken du ko fàyoo tooñ», rappelle souvent le grand soufi Cheikh Mahi Cissé pour dire qu'on ne répare pas une injustice par une autre injustice. En effet, le Premier ministre et leader du Parti Pastef Ousmane Sonko, en voulant marquer sa désapprobation contre les attaques médiatiques sur sa vie personnelle, a laissé éclater toute sa colère contre quasiment tous les pans de la société.
Traitant dans la foulée certains acteurs de «fumiers». Une dérive verbale inacceptable pour quelqu'un qui, dans la même déclaration, se plaignait d'une vague d'insultes et d'invectives médiatiques orchestrée contre lui.
Soulignant même qu'il est un père de famille avec des épouses et des enfants. Il doit comprendre aussi que ces «fumiers» sont de valeureux pères de famille au même titre que lui. Ces personnes respectables qui dans un passé récent ont fait face avec véhémence à la dérive autoritaire de Macky Sall, alors même que le Premier ministre était en prison. Universitaires, société civile, journalistes..., ils ont tous signé des tribunes et fait des manifestations pour endiguer les velléités autocratiques d'un Président déclinant. Il faut savoir raison garder.
Dans sa croisade contre Macky Sall, le peuple sénégalais a vite tranché en sa faveur. Ousmane Sonko a eu droit à tous les honneurs dans ce pays. Les Sénégalais sont «amoureux» de cet homme. Il doit être à la hauteur de cet élan populaire dont peu d'hommes dans l'histoire peuvent se targuer. Et force est de dire aussi que ces dernières années, dans le dédale des soubresauts politiques, le Sénégal a vécu une situation exceptionnelle. L'insulte était devenue une arme révolutionnaire pour certains militants, qui à tort ou à raison pensaient qu'il fallait passer par cette étape pour vaincre le «Système».
Tout le monde en a pris pour son grade, autorités politiques comme autorités coutumières et religieuses. La vindicte populaire était une arme de destruction massive. Et l'atmosphère médiatique ambiante n'est que manifestement la survivance de cet écosystème électrique qui a prévalu depuis 2021.
Notre système de valeurs fait de discipline, de courtoisie et de respect dans nos relations humaines a été «infecté» par des dérives verbales sans précédent. Il urge maintenant de revenir à de meilleurs sentiments pour construire ce pays, la seule querelle qui vaille finalement. Chacun doit y mettre du sien, mouvance présidentielle comme opposition.
Pour arriver à servir l'intérêt général, il faut sortir de soi-même, il faut sortir de ses égoïsmes, il faut sortir de ses désirs personnels, il faut sortir de ses ambitions. Et être à la hauteur de cet intérêt-là. Le pays ne peut plus se permettre le luxe d'une crise politique. Le tandem Diomaye-Sonko doit réussir. L'opposition doit apporter sa contribution avec des critiques constructives. La presse doit jouer objectivement son rôle de contre-pouvoir. Mais surtout le Sénégal doit être au-dessus de toutes les aspirations. Le Pape François a dit que la politique est une des formes les plus élevées de la charité parce qu'elle cherche le bien commun. Revenons tous à des meilleurs sentiments pour la quête de ce «bien commun». Nous sommes plus que ces mauvaises humeurs. Ousmane Sonko est un leader attachant certes mais perfectible.
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ERNEST COLE DE RETOUR D'ENTRE LES MORTS
Il avait 26 ans quand son livre photo sur l'apartheid l'a condamné à l'exil à vie. Mort oublié en 1990 à New York, ce photographe sud-africien ressuscite 27 ans plus tard grâce à ses archives miraculeusement retrouvées dans un coffre-fort suédois
(SenePlus) - Un coffre-fort oublié en Suède, des milliers de négatifs retrouvés par hasard, et voilà qu'Ernest Cole, le photographe sud-africain qui avait immortalisé la brutalité de l'apartheid, refait surface 27 ans après sa mort. Le réalisateur Raoul Peck lui consacre un documentaire saisissant qui révèle l'ampleur du travail de cet artiste en exil, mort dans l'anonymat à Manhattan en 1990.
Ernest Cole n'avait que 26 ans quand son livre photo "House of Bondage" l'a condamné à l'exil en 1967. Publié cette année-là, l'ouvrage rassemblait ses clichés en noir et blanc dénonçant le système d'apartheid. Comme le rappelle le New York Times dans sa critique du documentaire, cette publication "garantissait alors le bannissement du jeune homme de sa patrie".
Le photographe sud-africain avait "tourné son regard vers ses compatriotes noirs vivant avec les outrages quotidiens et les éclats de violence d'un système qui contrôlait leurs mouvements mais pas leur sens", selon la critique de Lisa Kennedy publiée dans le quotidien américain.
Cole avait quitté l'Afrique du Sud en 1966 pour ne jamais y revenir. Il est mort en 1990 à Manhattan, à l'âge de 49 ans, après avoir vécu 24 années d'exil. Sa disparition était passée largement inaperçue, ses archives semblant perdues à jamais.
C'est en 2017 qu'un trésor photographique refait surface de manière inattendue. "Un trésor du travail de Cole fut découvert dans un coffre-fort en Suède", relate le New York Times. Cette trouvaille contenait notamment les images en noir et blanc qui avaient fait le succès de "House of Bondage".
Ces archives révèlent l'étendue du travail d'Ernest Cole au-delà de l'Afrique du Sud. Le photographe avait aussi saisi "la vie de rue à Harlem et la vie rurale lors d'un voyage routier vers le Sud dans les années 1960 et 1970", selon le journal américain.
Raoul Peck, déjà auteur du remarqué "I Am Not Your Negro" sur James Baldwin, s'empare de cette redécouverte pour créer "Ernest Cole: Lost and Found". Le réalisateur haïtien "fait usage d'observations perspicaces extraites des écrits de Cole et navigue avec fluidité entre les images fixes (compatissantes envers leurs sujets, condamnant les oppresseurs)", analyse Lisa Kennedy.
Le documentaire mélange les mots du photographe avec les réflexions du cinéaste, à l'image de son précédent film sur Baldwin. L'acteur LaKeith Stanfield prête sa voix aux écrits de Cole, notamment cette phrase révélatrice : "L'homme total ne vit pas une seule expérience."
Pour le New York Times, ce documentaire de 1h45 "réussit le tour de force de laisser les spectateurs satisfaits tout en leur donnant envie d'en savoir plus". Peck livre selon la critique "une biographie indispensable, mais aussi un hommage personnel : la réponse d'un artiste politiquement conscient à l'appel d'un autre".
Le film révèle les "triomphes créatifs et les épreuves" de Cole, qui fut "pendant un temps, sans domicile fixe". Cette reconnaissance tardive permet de redécouvrir un photographe qui avait su capter avec une rare intensité les contradictions de son époque, de l'apartheid sud-africain aux tensions raciales américaines.
Trente-quatre ans après sa mort, Ernest Cole retrouve enfin la place qui lui revient dans l'histoire de la photographie documentaire, grâce à ces archives miraculeusement préservées et au regard sensible de Raoul Peck.
À QUAND LA FIN DE L'EXCISION AU SÉNÉGAL ?
rès de 13% des filles de moins de 15 ans en sont encore victimes, avec des taux atteignant 83% dans certaines régions comme Matam. Témoignages de femmes qui se battent pour briser ce fléau
Les mutilations génitales féminines (MGF) constituent une pratique profondément ancrée au Sénégal, qui touche généralement les filles à un très jeune âge. Malgré́ les efforts de l’Etat pour éradiquer le fléau, le taux de mutilations génitales féminines stagne depuis au moins deux décennies.
Ce n’est pas demain la fin de l’excision au Sénégal. Juriste en droits humains et originaire d’une localité dans le nord du pays, cette jeune dame du nom d’Aïssatou Ngom a été excisée à l'âge de 12 ans. «J’étais avec ma petite sœur. On nous a demandées d’aller voir une tante qui était dans le village à qui on devait nous présenter et on ne nous avait rien dit. Quand je suis arrivée, il y avait une dame dans une pièce où il y avait une natte, beaucoup de sable, une calebasse avec des lames et là, j’ai compris que ce n’était pas une visite de courtoisie. Quand j’ai voulu ressortir ma tante qui nous avait accompagnées m’a tiré vers elle. Elles ont fermé la porte et elles m’ont mise par terre car elles étaient trois», rapporte cette victime. «Quand je me suis réveillée, j’avais beaucoup de sang et j’avais une douleur au bas ventre que je ne comprenais pas», narre Aïssatou Ngom. Après avoir subi l’excision, la petite Aïssatou s’était évanouie. «Je me suis évanouie non pas à cause de la douleur ressentie lorsqu’elles ont commencé, mais je n’arrivais plus à respirer parce que je n’avais que 12 ans et je pesais 40 kg, et une dame de 80 kg était assise sur ma poitrine pour me maîtriser. Je me suis évanouie. Il s’y est ajouté une hémorragie mais personne ne m’a amenée à l’hôpital parce que c’était interdit et les personnes qui étaient identifiées comme ayant pratiqué l’excision seraient emprisonnées», affirme-t-elle.
A l’en croire, sa famille a choisi de rester à la maison et de prier pour qu’elle aille mieux. «Des jours plus tard, l’hémorragie s’est arrêtée et je me suis battue pour survivre. Cela a été une période extrêmement difficile. Je suis sortie de cela très colérique, énervée et sur la défensive. Je n’avais plus confiance en personne et j’en voulais au monde entier», se désole Aïssatou Ngom.
Interpellée sur sa vie après ce passage sombre, Aissatou Ngom soutient qu’elle n’est pas sortie indemne de cette épreuve «parce qu'elle a fait place à une autre personne. La petite fille joyeuse et innocente a disparu et a laissé la place à une jeune fille méfiante de sa société, de sa tante et de tout le monde», rapporte-t-elle. Conséquences des douleurs abdominales. «Je ne peux pas me coucher sur le dos. Dès que c’est fait, je sens qu’il y a une pression, je ne dors que sur le ventre car je sais que personne ne va m’exciser dans mon sommeil», avoue Aïssatou Ngom.
A l’en croire, il y a des séquelles qui n’ont pas disparu. « Des années plus tard, je me suis rendue compte que j’avais des séquelles parce que je ne peux pas me coucher sur le dos. Dès que c’est fait je sens qu’il y a une pression, je ne dors que sur le ventre car je sais que personne ne va m’exciser dans mon sommeil. J’ai été voir un spécialiste car c’est un traumatisme. Je ne peux pas accoucher par voie basse. Je ne peux accoucher que par césarienne sinon je risque une fistule. Ce sont des séquelles qui sont sorties de l’excision, la peur de l’intimité. Je survis et j’essaie de me battre pour que personne ne soit excisée», a déclaré Aïssatou Ngom.
« L’association est créée en 2008 et 17 ans plus tard, nous sommes à 95% de filles qui n’étaient pas excisées »
Malgré la souffrance qu’elle a vécue, Aïssatou n’a pas baissé les bras. Elle s’est battue pour mettre en place une association qui lutte contre l’excision. «Trois ans après, j'ai décidé de créer mon association et de mettre ma colère ailleurs. J'ai mis ma colère dans les études, j'étais une très bonne élève et studieuse mais j’ai été très réservée. Parce que les 3 dernières années qui ont suivi mon excision personne ne me reconnaissait, je ne parlais plus à personne et je manquais de respect à tout le monde», se souvient-elle avec tristesse. «Je me suis battue pour que les filles ne soient pas excisées. Quand j’ai créé l’association pour le maintien des filles à l’école (AMFE), nous étions 7 et toutes des victimes. L'année qui a suivi, nous étions plus de 20. L’association est créée en 2008 et 17 ans plus tard nous sommes à 95% de filles qui n’étaient pas excisées», se réjouit-elle.
Les filles qui mènent le plaidoyer et qui parlent aux chefs de village ne sont pas excisées, selon elle. Ces dernières ont réussi à enrôler d’anciennes exciseuses, les chefs de villages, les préfets, les sous-préfets, les médecins chefs. «Moi je m’en suis sortie mais aujourd’hui, bon nombre de mes copines et parents souffrent de fistule à cause de l’excision. Nous accompagnons énormément de femmes qui souffrent de fistule car elles n’ont pas eu la chance d’avoir un gynécologue qui leur dit que vous ne pouvez pas accoucher par voie basse. Elles ont accouché dans leurs cases, dans la pirogue en pleine traversée ou sur la charrette parce qu’elles essayaient de se rendre au poste le plus proche», se désole-t-elle. Elle ajoute qu’il faut que cela cesse parce que trop de personnes meurent à cause d’un ego surdimensionné d’une communauté patriarcale. «Je pense que ce combat n’est pas seulement celui des femmes, les hommes doivent être impliqués et au premier rang. Il faudrait qu’on leur explique parce que mon expérience m’a montré qu’il faut en discuter de manière plus posée avec les religieux et les hommes de culture et cela peut avoir un impact», dit-elle. Awa a connu également l’excision à l’âge de 9 ans et ce jour ne l’a jamais quittée. «Elles m’ont coupée au couteau sans anesthésie. Avec juste un morceau de tissu dans la bouche pour étouffer mes cris», raconte-t-elle les larmes aux yeux.
Aujourd’hui, âgée de 25 ans et résidant à Kolda, Awa est devenue une activiste contre l’excision et les mutilations génitales féminines (MGF) en général. «Une de mes plus grandes fiertés est d’avoir pu faire changer d’avis ma grand-mère, celle qui nous a excisées ma sœur et moi. Aujourd’hui elle a déclaré officiellement son abandon des mutilations génitales féminines», confie-t-elle. En effet, l'excision consiste à enlever une partie du clitoris. Selon les cultures, on coupe une partie du clitoris ou le clitoris en entier ou encore en plus du clitoris les petites et grandes lèvres. Cette pratique est considérée comme une violence dans de nombreux pays, car ses conséquences sur la santé des femmes sont très graves. La principale raison avancée par les acteurs de l’excision est la sexualité, c’est-à-dire qu’elle doit réduire la libido de la femme et se garantir qu'elle n'aura pas de rapports sexuels avant le mariage et qu'elle restera fidèle à son mari pendant sa vie d'épouse. Un point de vue partagé par certains qui pensent que l'excision renforcerait le plaisir sexuel des hommes. Cependant, cette pratique est condamnée au Sénégal par des lois. La première législation au Sénégal à interdire expressément les MGF a été l'article 299 bis introduit en janvier 1999 dans le Code pénal 2 de 1965 (Article 299 bis).
C'est la principale loi au Sénégal qui incrimine et punit la pratique des MGF. Article 299 bis : «Sera puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans quiconque aura porté ou tenté de porter atteinte à l’intégrité de l’organe génital d’une personne de sexe féminin par ablation totale ou partielle d’un ou plusieurs de ses éléments par infibulation, ou par tout autre moyen. La peine maximum sera appliquée lorsque ces mutilations sexuelles auront été réalisées ou favorisées par une personne relevant du corps médical ou paramédical. Lorsqu’elles auront entraîné la mort, la peine des travaux forcés à perpétuité sera toujours prononcée. Sera punie des mêmes peines, toute personne qui aura par des dons, des promesses, influences, menaces, intimidations, abus d’autorité ou de pouvoir, provoqué des mutilations sexuelles ou donné les instructions pour les commettre», lit-on sur le texte.
« Il y a 19 condamnations avec des peines prononcées depuis l'adoption de la loi en 1999 »
Selon le coordonnateur du programme de lutte contre les mutilations génitales féminines (Mgf), Mamadou Ndoye, les disparités notées sont liées aux déterminants que sont l'ethnie, la géographie et même la religion. A l’en croire, les régions frontalières qui polarisent les ethnies pratiquantes sont les zones les plus pratiquantes contrairement aux régions du centre. «Il y a donc des groupes ethniques chez qui la pratique est plus répandue.Dans ces régions, la pratique est intégrée dans les mœurs et coutumes et souvent même la religion sert de prétexte pour la légitimer», fait-il remarquer. Interpellé sur les localités qui ont abandonné, M. Ndoye cite les régions frontalières comme Ziguinchor, Matam, Sédhiou, Kolda, Tambacounda, Kédougou et même dans les régions de Kaolack et Fatick. «On est à plus de 7 000 communautés qui ont fait des déclarations publiques d'abandon de l'excision au Sénégal depuis 1999 avec la déclaration de Malicounda», indique Mamadou Ndoye.
Pour ce qui est des condamnations, il révèle qu’il y en a 19 avec des peines prononcées depuis l'adoption de la loi en 1999. «La loi est appliquée même si la dénonciation pose problème parce que dans notre société, le fait de dénoncer quelqu'un est mal vu. C'est pourquoi nous avons privilégié la dénonciation anonyme à travers la ligne verte 116 du ministère de la Famille», renseigne-t-il.
L'implication des hommes constitue un facteur déterminant, selon lui, dans la promotion de l'abandon de la pratique et les données ont montré que les hommes sont plus engagés que les femmes dans l'abandon de la pratique. «La prise en compte des valeurs culturelles est aussi un levier important pour amener les communautés à abandonner», affirme-t-il. Il ajoute que la prévalence a baissé. «De 16%, on est à 12,9% pour les filles de moins de 15 ans en 2023 selon l'enquête démographique et de santé continue 2023. Pour les femmes de 15 à 49 ans, la prévalence est passée de 25 à 20,1 % en 2023. Mais la pratique persiste même si la tendance baissière continue», souligne-t-il.
Les différents types d’excision
Il y a plusieurs types d’excision. Il y a ce qu’on appelle clitoridectomie c'est-à-dire une ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce. Pour ce qui est du type deux appelé excision, c’est une ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres. La quantité de tissus enlevée varie fortement d'une communauté à l'autre. C’est une pratique principalement présente en Afrique. Seuls 3 pays n'ont pas encore adopté de loi contre ces pratiques. Il s’agit du Libéria, de la Sierra Leone et du Mali. La pratique de l'excision est également présente au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique Latine. Si ces violences persistent encore, c’est surtout en raison des inégalités entre hommes et femmes dans nos communautés, ainsi que des superstitions et valeurs patriarcales qui cristallisent les fantasmes autour du corps de la femme. En plus d’être une violation extrême de leur dignité et de leur liberté, les mutilations génitales impactent sur la santé mentale et sexuelle des femmes.
L’excision en chiffres
Coordonnateur du programme de lutte contre les MGF, Dr Mamadou Ndoye estime que la prévalence nationale des MGF est de 12,9% pour les filles de moins de 15 ans. A l’en croire, 16,4% des filles de 15 à 19 ans sont victimes de cette pratique et 20% pour celles âgées de 20 à 24 ans, 22,8% de celles agréées de 25 - 29 ans, 20,8% pour celles agréées de 30-39 ans et 22% des filles agréées de 40-49 ans. Dans la région de Dakar, le taux est de 13% ; Sédhiou 80,9% ; Kédougou 71,3% ; Matam 83% ; Kolda 68,4% et Ziguinchor 47,3%, selon l'enquête démographique et de santé continue 2023. Des stratégies sont mises en place par l’Etat ainsi que la publication régulière des données de l'EDS continue par l'ANSD, l'existence du comité technique national sur les MGF présidé par le ministère de la Famille et des Solidarités, la disponibilité des argumentaires religieux et sanitaires et les données avec la publication régulière des données de l'EDS continue par l'ANSD.
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L'AFFAIRE GADIAGA DEVANT LES NATIONS-UNIES
Les avocats du chroniqueur dont l'ancien ministre Me Oumar Youm, annoncent des recours devant l'ONU et la CEDEAO, dénonçant une "détention arbitraire" orchestrée par un parquet accusé de faire de la "police politique"
Placé sous mandat de dépôt ce lundi suite à une enquête de la division de cybercriminalité, le chroniqueur Badara Gadiaga peut compter sur un collectif d'avocats déterminé à porter l'affaire devant les instances internationales. Parmi ses conseils figure notamment Me Oumar Youm, avocat et ancien ministre, qui accompagne la défense dans cette bataille juridique.
Dans une déclaration empreinte d'émotion, les avocats de Badara Gadiaga ont annoncé leur intention de saisir le groupe de travail des Nations-Unies sur les détentions arbitraires ainsi que la Cour de justice de la CEDEAO. "Nous sommes dans un cas de détention arbitraire de catégorie 2", a martelé la défense, rappelant que "récemment, le Sénégal a été condamné par la CEDEAO" pour des faits similaires.
Cette stratégie internationale s'inscrit dans une volonté de "poursuivre le combat au-delà de nos frontières pour que la justice ne soit pas dans une manipulation permanente pour régler des problèmes politiques", selon les termes employés par les conseils du chroniqueur.
Les avocats n'ont pas mâché leurs mots pour dénoncer l'attitude du parquet. Ils accusent cette institution de "manquer à la fois de vigueur morale et de rigueur professionnelle" et de sortir de "son périmètre régulier, légal pour entrer dans un périmètre illégal, inique, injuste".
Selon la défense, le parquet "se transforme en police politique" avec pour dessein de "museler des acteurs politiques, des chroniqueurs, la presse, donc en bref toutes les personnes porteuses de liberté, acteurs de notre démocratie".
Des charges contestées
Badara Gadiaga fait l'objet de plusieurs chefs d'inculpation : diffusion de fausses nouvelles, discours contraire aux bonnes mœurs, offense à une personne exerçant les prérogatives du président de la République, réception et sollicitation de dons dans le dessein de troubler l'ordre public et attenter à la sécurité de l'État.
Cependant, ses avocats dénoncent une "fabrication de toute pièce d'infractions" par le parquet. Ils soutiennent que la police elle-même, après avoir entendu Badara Gadiaga, "a considéré que dans ce dossier, il y avait rien à poursuivre à l'exception de l'infraction relative au discours contraire aux bonnes mœurs".
Concernant les accusations liées aux transferts financiers, la défense dénonce "une atteinte d'un droit constitutionnellement protégé, le droit de propriété" et "une atteinte au secret des affaires". Les avocats précisent que la plateforme GCI GSIE évoquée dans le dossier "appartient à un Sénégalais bien identifié" et non à leur client.
"Tout le monde a le droit d'avoir de l'argent dans son compte bancaire, sinon nous tous nous sommes en prison", ont-ils plaidé, dénonçant les raccourcis opérés par l'accusation.
Pour les conseils de Badara Gadiaga, cette affaire dépasse le cas individuel de leur client. "Ce qui se passe au Sénégal est gravissime. C'est inadmissible. On ne l'a jamais vu", ont-ils alerté, appelant "toutes les forces vives" à se mobiliser contre ces "manipulations".
Le chroniqueur, qui anime chaque vendredi le "conseil du peuple" sur la TFM, est présenté par ses avocats comme "un citoyen honnête dont le seul tort est de contribuer pour ne pas dire présider au conseil du peuple chaque vendredi pour dire ce qu'ils pensent de notre démocratie et de l'état de notre République".
par Mody Wassa
DÉCOLONISER POUR CONSOLIDER !
Chers jeunes d'Afrique, lisez l'histoire de l'Afrique par les voix africaines, explorez la richesse de vos cultures. Le moment est venu de reprendre le flambeau, de croire en vous et en votre continent
Dans un monde en constante mutation, l'Afrique est un continent d'une vitalité et d'un potentiel immenses. Vous, la jeunesse africaine, êtes le cœur battant de cette transformation, les architectes du présent et de l'avenir. Mais pour pleinement embrasser ce rôle, il est impératif d'entreprendre un voyage intérieur, un chemin vers la décolonisation de nos esprits.
Qu'entendons-nous par là ? Ce n'est pas une histoire figée dans le passé, mais un processus dynamique de réappropriation de notre identité, de notre histoire et de notre valeur. C'est le fait de briser les chaînes invisibles des narratives imposées, des doutes semés, une vision imposée et de se réapproprier notre propre récit. C'est comprendre que notre force ne réside pas dans l'imitation, mais dans l'authenticité de qui nous sommes et le courage dans l'exploration de nos propres chemins.
L'Afrique avant le récit colonial :
Pendant trop longtemps, l'histoire de l'Afrique a été racontée à travers le prisme de la colonisation, nous présentant souvent comme des peuples sans histoire, sans civilisation, attendant d'être "découverts". C'est un mythe qu'il est temps de déconstruire.
Avant l'arrivée des puissances coloniales, l'Afrique était le berceau de grands empires, de royaumes sophistiqués et de sociétés complexes. Pensez à l'Empire du Ghāna, du Mali et à sa légendaire ville de Tombouctou, centre intellectuel et commercial florissant. Pensez à l'Égypte ancienne, aux cités-états swahilies, aux royaumes du Bénin ou du grand Zimbabwe. Nos ancêtres étaient des bâtisseurs, des philosophes, des scientifiques, des artistes dont les contributions ont enrichi l'humanité bien avant que le reste du monde ne le reconnaisse.
Connaître et valoriser cette histoire riche n'est pas une simple nostalgie. C'est un acte de renforcement de l'estime de soi. C'est comprendre que nous venons d'un héritage de grandeur, de résilience et d'innovation. Cette vérité est le premier pas vers une confiance inébranlable en nos propres capacités à bâtir un avenir prospère.
Déconstruire les stéréotypes : Se libérer du regard extérieur.
La colonisation n'a pas seulement été territoriale ; elle a aussi opéré une profonde colonisation mentale. Elle a instillé l'idée que ce qui venait d'ailleurs était supérieur, que nos cultures étaient "primitives" et nos modes de vie "arriérés". Cette pensée a engendré des stéréotypes qui persistent parfois inconsciemment, nous poussant à douter de notre propre valeur ou à imiter des modèles qui ne nous correspondent pas.
Comment cela se manifeste-t-il aujourd'hui ? Peut-être dans le fait de privilégier des produits importés, de sous-estimer nos propres talents, ou de ne pas voir la richesse de nos langues et traditions comme des atouts. La décolonisation des esprits, c'est remettre en question ces préjugés intériorisés dans le conscient et le subconscient de notre fort intérieur. C'est reconnaître que la diversité de nos cultures, de nos langues, de nos modes de pensée est notre plus grande richesse.
Réappropriation culturelle et linguistique : Nos langues, nos voies de pensée
Nos langues africaines ne sont pas de simples dialectes. Ce sont des systèmes complexes qui portent en elles des philosophies, des sagesses ancestrales, et des manières uniques de percevoir le monde. Parler, écrire, et créer dans nos langues, c'est préserver et vivifier ces trésors. C'est aussi affirmer que nos modes de pensée sont valides et essentiels.
De même, nos arts, notre mode de vie, notre humanisme sont tant de vecteurs puissants de notre identité. En les valorisant, en les célébrant, et en les innovant, nous ne faisons pas que préserver un passé ; nous construisons un présent dynamique et un avenir où notre voix résonne avec fierté sur la scène mondiale. C'est par ces expressions que nous racontons nos propres histoires, et non celles que d'autres ont écrites pour nous.
Innover et prendre le leadership : Bâtir notre Afrique
La décolonisation des esprits n'est pas qu'un exercice intellectuel ; c'est un appel à l'action. Elle nous encourage à être des innovateurs, des entrepreneurs, des leaders qui puisent leur force dans leur contexte africain.
Plutôt que d'attendre des solutions "clé en main" venues d'ailleurs, mais des solutions "clés en tête" pour une jeunesse mentalement décolonisée est celle qui identifie les défis locaux et propose des solutions adaptées, ancrées dans la réalité de nos communautés. C'est celle qui valorise les ressources locales, développe des technologies pertinentes, et crée des entreprises qui servent les besoins de nos populations dans notre identité économique et pratique. C'est comprendre que notre développement doit être authentiquement africain, guidé par nos propres visions et aspirations.
Notre appel à l'action : Devenez les architectes de votre destin
Chaque jeune d'Afrique a un rôle à jouer dans ce processus de décolonisation mentale. C'est un voyage personnel, mais aussi collectif.
Informez-vous : Lisez l'histoire de l'Afrique par les voix africaines. Explorez la richesse de vos cultures.
Questionnez : Ne prenez rien pour acquis. Remettez en question les narratives dominantes.
Créez : Utilisez votre créativité pour exprimer votre identité africaine, que ce soit par l'art, l'innovation, l'écriture ou l'entrepreneuriat.
Valorisez le local : Soutenez les initiatives africaines, les produits locaux, les penseurs d'ici.
Soyez fiers : Marchez la tête haute, conscients de la richesse de votre héritage et du potentiel illimité qui est en vous.
La décolonisation des esprits est le fondement sur lequel nous bâtirons une Afrique forte, autonome, prospère et respectée. Vous êtes la génération qui a le pouvoir de transformer cette vision en réalité. Le moment est venu de reprendre le flambeau, de croire en vous et en votre continent. L'avenir de l'Afrique est entre vos mains, et il commence dans votre esprit pour être là marque de fabrique de nos actions.
BADARA GADIAGA PLACÉ SOUS MANDAT DE DÉPÔT
Le juge d’instruction a ordonné ce mardi le placement sous mandat de dépôt de Badara Gadiaga, a annoncé l’un de ses avocats, Me Oumar Youm
Le juge d’instruction a ordonné ce mardi le placement sous mandat de dépôt de Badara Gadiaga, a annoncé l’un de ses avocats, Me Oumar Youm.
Selon la robe noire, le chroniqueur fait l’objet de quatre chefs d’accusation principaux : diffusion de fausses nouvelles, discours contraires aux bonnes mœurs, offense à une personne exerçant les prérogatives de chef d’État, ainsi que réception et sollicitation de fonds ou subsides. « En somme, ils disent qu’il reçoit des financements pour perturber le pays. Nous trouvons que ce dernier chef d’accusation est sans fondement… », a-t-il commenté.
Le chroniqueur de Télévision Futurs Médias (TFM), a été arrêté mercredi dernier, le 9 juillet, à la suite de la polémique qui l’a opposé au député du parti Pastef, Amadou Ba, lors de l’émission Jakaarlo Bi diffusée le 4 juillet sur TFM.
Par Fatou Warkha SAMBE
CE QUE LE FILM N’A PAS SU LIRE DANS LE LIVRE
Il y a des livres qui traversent les générations sans jamais perdre de leur puissance. Une si longue lettre de Mariama Bâ, publié en 1979, en fait partie.
Il y a des livres qui traversent les générations sans jamais perdre de leur puissance. Une si longue lettre de Mariama Bâ, publié en 1979, en fait partie. Ce roman épistolaire, écrit comme une confidence entre deux amies, Ramatoulaye et Aïssatou, demeure un pilier de la littérature africaine francophone. Il politise l’intime, parle d’amour, de trahison, de solitude, de courage, mais surtout de choix féminins dans un monde qui en laisse si peu aux femmes.
Ramatoulaye, veuve après le décès de son mari Modou, écrit à sa sœur de cœur pour déposer ses douleurs, ses espoirs brisés, ses réflexions. Ce faisant, elle livre bien plus qu’une lettre de deuil : elle fait l’autopsie d’un système. Elle revient sur leur jeunesse, leur formation, leurs choix de vie. C’est une voix de femme, de mère, d’intellectuelle africaine, de citoyenne lucide. Ce qui rend Une si longue lettre si essentiel, c’est la manière dont Mariama Bâ révèle, à travers plusieurs figures féminines, Ramatoulaye, qui décide de rester, Aïssatou, qui décide de partir, la petite Nabou, formatée dès l’enfance pour devenir la seconde épouse de Mawdo, ou encore Binetou, façonnée à accepter d’épouser le père de sa meilleure amie pour assurer sa survie et offrir un certain confort à sa mère, que la résistance peut prendre plusieurs formes. Cette pluralité de trajectoires fait toute la force du roman.
Adapter, c’est exercer un pouvoir de sélection, et chaque sélection est un geste politique. Une adaptation offre une liberté réelle, celle d’interpréter, de traduire, de déplacer l’œuvre dans un autre langage. Cette liberté est précieuse, mais elle rencontre ses limites lorsqu’on s’empare d’un texte aussi riche, sensible et engagé qu’Une si longue lettre. Car transposer Mariama Bâ à l’écran, ce n’est pas seulement raconter une histoire : c’est assumer une responsabilité vis-à-vis de sa mémoire, de ses silences, de ses résistances. Ce roman n’est pas une fiction ordinaire, il est traversé par des critiques sociales, des solidarités féminines, des visions alternatives du monde. Ainsi, chaque choix d’adaptation devient un choix de représentation. De la même manière que la réalisatrice a exercé sa liberté d’interprétation, nous, lectrices, spectatrices, féministes, avons aussi la liberté et même le devoir de formuler notre regard critique. Car il ne s’agit pas ici de goût personnel, mais de fidélité à l’intention politique et à la richesse sensible de l’œuvre. Adapter un tel roman, c’est accepter de dialoguer avec ce qu’il a de plus précieux.
Avant de m’engager dans cet exercice, je tiens à souligner les qualités indéniables du film : la beauté des décors, la justesse de certaines interprétations, la poésie visuelle de plusieurs plans. Et surtout, la persévérance de la réalisatrice, qui a porté ce projet avec conviction dans un contexte encore peu propice à l’adaptation d’œuvres littéraires féminines majeures. C’est un mérite qu’il faut pleinement reconnaître.
Mais ici, je m’exprime aussi comme une lectrice profondément touchée par ce texte, une féministe qui le relit sans cesse, y puisant un souffle vital. Et ce que je ressens, c’est un déplacement. Pas une trahison frontale, mais un glissement qui affaiblit la densité politique, la tendresse sororale, la profondeur critique du roman. Ce que le film a mis à distance, c’est une manière de raconter le monde entre femmes, de femme à femme.
L’adaptation passe à côté de la relation de soutien et de sororité entre Ramatoulaye et Aïssatou. Une relation que l’autrice elle-même place au-dessus de toutes les autres, y compris les amoureuses, en affirmant : «Tu m’as souvent prouvé la supériorité de l’amitié sur l’amour.» Ce lien, nourri de confiance et de fidélité entre femmes, constitue le cœur battant du roman. Dans le film, Aïssatou n’apparaît que brièvement. Pourtant, Une si longue lettre est d’abord un échange de confiance, un lieu de pensée féminine, un acte de solidarité. Réduire cette relation à une simple anecdote revient à écarter la colonne vertébrale du récit. Leur intimité, leur complicité, le respect mutuel malgré leurs choix différents, leur capacité à s’épauler sans se juger : tout cela méritait d’être mis en valeur. Aïssatou, qui part avec ses trois garçons malgré les doutes d’une société patriarcale, incarne une force discrète mais fondamentale. Son choix, loin d’être individuel, ouvre un autre modèle possible où une femme refuse l’humiliation et choisit sa dignité.
La sororité est un fil rouge dans l’œuvre de Mariama Bâ. Dans la dernière partie du roman, elle évoque aussi d’autres femmes solidaires, sa fierté à chaque réussite féminine, et ses discussions avec Daouda sur la place des femmes dans les espaces de décision. Ces thèmes, encore douloureusement d’actualité, sont parmi les plus politiques du livre. Ramatoulaye parle aussi de maternité, d’éducation, de normes religieuses, de foi, d’émancipation. Elle critique l’hypocrisie sociale, tout en assumant sa foi musulmane. Elle raconte une société, sans détour. L’autrice affirme également un positionnement féministe clair, notamment lorsque Ramatoulaye rapporte que Daouda, député, est traité de «féministe» en raison de ses prises de position. Cet échange, porteur d’une critique des structures patriarcales et d’un appel à une représentation équitable, est totalement absent du film.
A l’inverse, le film accorde une place démesurée à Modou Fall et aux figures masculines. Le regard porté sur la société n’est plus celui des femmes, mais celui des hommes, recentré sur la polygamie, les justifications culturelles et les conflits conjugaux. Modou Fall devient le point d’ancrage du récit. Ramatoulaye, quant à elle, semble réduite à une femme blessée, réclamant son tour, cherchant à séduire, exprimant sa colère de façon caricaturale. Ce n’est pas la Ramatoulaye du livre, celle qui observe, médite, écrit, pense. Cette réécriture affaiblit la portée politique de son personnage, et recentre le récit sur l’homme au détriment de l’analyse féminine de la société.
Le film élude aussi un moment crucial : le refus par Ramatoulaye d’une nouvelle demande en mariage. Dans le roman, ce refus est un acte de conscience, de mémoire, de solidarité. Ramatoulaye ne veut pas faire subir à une autre femme ce qu’elle-même a vécu. Elle refuse de se définir à travers un homme. Son geste est politique, éthique, plein de dignité. Dans le film, cette scène est traitée de manière secondaire, vidée de sa portée critique
Tous les passages du roman marqués par une prise de position affirmée sur la condition des femmes, les rapports de pouvoir, la maternité, l’éducation, la représentation ou la sororité ont été soit évacués, soit édulcorés, soit reconfigurés d’une manière qui affaiblit leur portée. Le souffle critique et féministe du texte s’est perdu. Pourtant, quarante ans plus tard, les enjeux soulevés par Mariama Bâ restent brûlants. Il est donc décevant que l’adaptation ne les ait pas mis au centre. Ce choix artistique semble avoir manqué de considération pour la portée politique de l’œuvre. Ma déception est à la mesure de mes attentes, nourries par un texte qui m’a accompagnée, inspirée, forgée.
Quelques figures comme Aline Sitoé Diatta ou Safi Faye sont évoquées, sans que leur présence n’ancre une véritable ligne de représentation féminine. Ces clins d’œil ne remplacent pas la cohérence d’un regard féminin fort dans le récit. Je me suis interrogée : comment a-t-on pu passer à côté de cette lecture politique pour nous livrer un film recentré sur la polygamie ? Ce questionnement m’a poussée à lire jusqu’au bout le générique, à chercher les noms derrière l’adaptation. Voir que la réalisatrice ne s’était entourée que d’hommes consultants m’a interpellée. Dans une œuvre qui porte la parole des femmes, l’absence de femmes dans les choix artistiques clés n’est pas anodine. Ce sont souvent les regards féminins qui perçoivent ce qui résiste, ce qui échappe à la norme, ce qui se tisse dans les silences. S’entourer de femmes, dans un tel projet, n’est pas symbolique : c’est stratégique. C’est préserver l’âme du texte. Ici, l’absence de regards féminins dans les rôles de conseil et de création a, selon moi, affaibli la restitution de la pensée de Mariama Bâ.
Je ne prétends pas détenir une vérité unique. Je suis simplement une lectrice, une féministe, une femme marquée par ce livre. Peut-être ai-je projeté sur le film l’attente immense que ce texte avait fait naître en moi. Mais ce que j’ai ressenti à la sortie de la salle, c’est une frustration sincère. Celle d’un rendez-vous manqué avec une parole fondatrice. Celle d’un effacement là où j’espérais une résonance.