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17 juillet 2025
ÉDITORIAL DE L'OBSERVATEUR
À LA MENACE, NOUS OPPOSONS NOTRE MÉTIER
Depuis plusieurs années, le leader de Pastef s'emploie à faire plier le Groupe futurs médias. À nous faire taire. À nous disqualifier. La mécanique est aussi vieille que les populismes qu'elle recycle : stigmatiser pour mieux régner
Il faut appeler les choses par leur nom : hier soir, le Premier ministre Ousmane Sonko n'a pas simplement exprimé un désaccord, il a lancé un appel explicite, péremptoire et dangereusement populiste au boycott du Groupe futurs médias. Ce n'était ni un écart d'humeur, ni une parole de trop. C'était un acte politique calculé. Une stratégie de mise à l'écart. Une entreprise méthodique de discrédit. Ou, selon ses propres mots : une « déclaration de guerre ». Dont acte. Et ce n'est nullement un fait isolé.
Depuis plusieurs années, le leader de Pastef s'emploie, avec une opiniâtreté quasi obsessionnelle, à faire plier le Groupe futurs médias.
À nous faire taire. À nous disqualifier. Il érige notre existence en menace, et nous érige, nous, en ennemis à abattre. Son grief ? Nous aurions, selon ses termes martelés avec la régularité d'un mantra, « pactisé » avec ce qu'il désigne, dans un lexique accusatoire savamment huilé, comme le « Système ». Il nous. attribue la trahison comme nature, la connivence comme posture, la compromission comme méthode. Le refrain est connu, et d'autant plus lassant qu'il se donne les apparences du courage, alors qu'il n'est bien souvent que l'expression d'un ressentiment mal digéré. À chaque contrariété, un coupable désigné. À chaque critique, une intention perverse prêtée. La mécanique est aussi vieille que les populismes qu'elle recycle : stigmatiser pour mieux régner, essentialiser pour mieux exclure.
Et depuis que le tribun est devenu chef d'État, cette animosité chronique s'est muée en stratégie assumée de mise sous pression. L'arme n'a pas changé : elle vise à délégitimer, non à dialoguer, à réduire au silence, non à interroger.
Soyons lucides, et n'esquivons pas la vérité : GFM n'est pas un sanctuaire d'infaillibilité. Comme toute rédaction digne de ce nom, nous avons connu nos manquements, nos angles morts, nos silences, certains lourds, d'autres regrettables. L'affaire Tullow 01 relève de ces épisodes où notre responsabilité a été engagée. Nous l'avons reconnue, discutée, assumée.
Cette critique, oui, est légitime. Mais elle ne saurait être érigée en faute originelle ni servir d'argument perpétuel à notre disqualification. Répéter inlassablement cette séquence comme un totem expiatoire, en faire le pilier d'une entreprise de mise au ban, c'est céder à une paresse intellectuelle ou à une mémoire délibérément sélective. Ce n'est plus une critique : c'est une posture. Ce n'est plus une interpellation : c'est une diversion. Un procédé rhétorique dont l'objectif n'est pas la vérité, mais l'intimidation, et dont le ressort n'est pas l'éthique, mais la disqualification par culpabilisation.
Qu’Ousmane Sonko se le tienne pour dit, et qu'ille comprenne une bonne fois pour toutes : GFM ne boycottera pas Pastef. Pas plus que nous ne boycotterons l'APR, le FDR, l'opposition ou le pouvoir. Nos colonnes, nos antennes, nos plateformes resteront ouvertes à tous : à vos exploits comme à vos fautes, à vos victoires comme à vos égarements. C'est le prix et l'honneur, d'une presse libre. Une presse qui ouvre, qui interroge, qui résiste, parfois avec maladresse, mais jamais avec servilité. Parce que c'est cela, au fond, une presse libre : elle n'obéit à personne, sinon à sa conscience professionnelle. Elle ne parle ni sous la menace ni sous la commande. Elle creuse, elle révèle, elle dérange. Non par goût de l'affrontement, mais par éthique.
Le Groupe Futurs Médias est composé d'hommes et de femmes libres. Libres de penser, de douter, d'adhérer ou de s'opposer. Il s'y trouvera des journalistes et des techniciens qui voteront Pastef, d'autres qui ne le feront pas, et d'autres encore qui choisiront la « neutralité », en toute lucidité, parce qu'ils en ont le droit et l'exerceront, quoi qu'il vous en coûte. Pour mémoire, l'un des nôtres, feu Ibrahima Diakhaby, fut votre tout premier collaborateur en communication, peut-être même le premier à croire sincèrement que vos idées méritaient d'être portées et vulgarisées. Ce n'est pas un détail anodin, c'est un symbole fort.
Seule la mort a pu vous en séparer : il incarnait cette vérité profonde qui fait que, chez nous, on peut appartenir à une rédaction tout en assumant pleinement ses convictions, sans jamais compromettre sa dignité, son éthique ni le respect de la déontologie qui fait l'honneur de notre métier. Sans jamais renier son droit inaliénable à exister.
Les autres continueront de faire ce pourquoi ils sont là : chercher, interroger, questionner, éclairer. Non pas pour plaire, mais pour comprendre. Parce que, n'en déplaise, la démocratie n'est pas un alignement de têtes obéissantes. Elle est un désaccord vivant, un bruit de voix, un tumulte d'idées. Elle n'a rien d'une caserne. Rien d'un cénacle d'endoctrinement. Et certainement rien d'un comité de soutien. Nous ne sommes pas une filiale médiatique d'un parti, ni un bataillon de propagande, ni un instrument de validation. Nous sommes une rédaction.
Et dans une rédaction digne de ce nom, le pluralisme ne se tolère pas à titre gracieux, il se cultive comme un principe cardinal. Il ne se quémande pas, il s'exerce, avec la conviction de ceux qui savent qu'ils tiennent là l'un des derniers remparts contre l'uniformisation des esprits.
Quant à la liberté de conscience, Monsieur le Premier ministre, ce n'est ni un argument de campagne, ni un privilège consenti aux docilités. C'est un droit. Un droit inaliénable, imprescriptible, non négociable. Ce droit, vous n'avez pas à nous l'octroyer. Et vos anathèmes, vos exhortations au boycott, vos fureurs rhétoriques n'en viendront jamais à bout. Qu'il vous en souvienne, non pas comme une bravade, mais comme une promesse : ce droit est durable, irréversible, constitutionnel. Et nous le tiendrons debout.
La rédaction.
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DES CONTRADICTIONS INTERNES AU PASTEF
Derrière l'unité de façade, le parti présidentiel se fissure. C'est le constat sans détour du sociologue Mamadou Wane dit Mao, qui a décrypté ce dimanche sur Sud FM les tensions croissantes entre les différents courants du parti au pouvoir
Les fissures commencent à apparaître au grand jour. Dans une analyse sans détour sur Sud FM ce dimanche 13 juillet 2025, Mamadou Wané dit Mao, sociologue et analyste politique, a mis en lumière les contradictions internes qui traversent actuellement le Pastef et menacent la cohésion du pouvoir exécutif. "Sa déclaration révèle des contradictions internes", affirme Mao en référence aux récentes sorties du président du Pastef.
L'analyste identifie même une "lutte de ligne entre un courant révolutionnaire incarné par le Premier ministre et un courant beaucoup plus réformateur". Cette fracture idéologique expliquerait en partie les tensions observées entre les deux têtes de l'exécutif.
Au cœur de ces contradictions se trouve une réalité préoccupante : "Ils se sont coupés de la base politique", diagnostique le sociologue. Après la victoire, "il y a eu une période de fuite" où les militants historiques se sont sentis délaissés tandis que "les portes ont été fermées" aux nouveaux sympathisants désireux d'adhérer.
Cette déconnexion avec la base s'accompagne d'un déficit organisationnel criant. "Depuis qu'ils ont pris le pouvoir, il n'y a pas de renouvellement d'instances, il y a pas de campagne d'adhésion. Il y a rien", constate amèrement Mao.
L'une des contradictions les plus saillantes relevées par l'analyste concerne la transformation du mouvement. "Pastef est arrivé au pouvoir avec une culture beaucoup plus d'opposition", explique-t-il. Désormais confrontés aux "tâches quotidiennes de l'État", les dirigeants risquent la "bureaucratisation" et une "coupure entre le parti et l'État".
Cette absorption par les responsabilités gouvernementales a créé un vide politique majeur : "Depuis un an et quelques mois, la politique est absente du côté de Pastef", observe le sociologue.
Deux visions du changement s'affrontent
Les contradictions internes révèlent également deux conceptions différentes du rythme et de la nature des réformes. D'un côté, un courant prône une approche révolutionnaire radicale, de l'autre, une démarche plus graduelle et institutionnelle.
"Il y a certains qui croient que la rupture c'est de faire comme avant", critique Mao, pointant une tendance au "politiquement correct" qui freine les transformations profondes attendues par la base.
Au centre de ces contradictions se pose la question cruciale du leadership réel. "Pour le Sénégalais, la majorité des Sénégalais, ce n'est pas les dispositions constitutionnelles" qui comptent, rappelle l'analyste. Dans l'imaginaire populaire, "le guide de la révolution, c'est Ousmane Sonko."
Cette réalité sociologique entre en tension avec l'architecture institutionnelle formelle, créant une ambiguïté que tentent d'exploiter les opposants au régime.
Contrairement aux formations politiques traditionnelles, Pastef souffre d'un déficit structurel qui aggrave les contradictions internes. "Le parti a été interdit, il y a eu un harcèlement, des arrestations", rappelle Mamadou Wane. "Ils n'ont pas eu le temps de développer l'appareil du parti, de le structurer."
Cette faiblesse organisationnelle explique en partie pourquoi "même certains ne veulent pas que les gens soient dans le parti. Des fois même tu ne trouves pas de porte pour aller dans le parti."
L'urgence d'une résolution
Face à ces contradictions croissantes, l'invité de Sud FM tire la sonnette d'alarme : "Il faut l'arrêter immédiatement parce que si ça continue comme ça, d'autres qui sont mal intentionnés, la 5e colonne de la contre-révolution va utiliser ça."
La solution passe selon lui par une redynamisation du parti et une clarification des rôles : "Il faut trouver aujourd'hui la juste solution des contradictions au sein du peuple", plaide-t-il, insistant sur la nécessité de "retrouver la dynamique" révolutionnaire initiale.
Si Mao reconnaît que ces contradictions doivent "trouver des solutions dans le débat démocratique", il n'en demeure pas moins que leur exposition publique révèle une fragilité jusqu'alors masquée du pouvoir.
"Vaut mieux les accomplir en ayant le pouvoir que de perdre le pouvoir", conclut pragmatiquement Mao, soulignant l'urgence pour Pastef de résoudre ses contradictions internes avant qu'elles ne deviennent fatales à son projet de transformation du Sénégal.
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LE MOUVEMENT, ESSENCE DE LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE
Du pays qui accueillait Yasser Arafat au "pays de France dégage" : Hamidou Anne dresse un portrait contrasté du Sénégal contemporain, mettant en garde contre les dérives d'un "mouvement" démocratique qui peut aussi régresser
Lors de la cérémonie de présentation des nouveaux ouvrages de Yoro Dia samedi 12 juillet, Hamidou Anne, politiste, écrivain, a livré une analyse profonde et nuancée de l'évolution démocratique sénégalaise, plaçant le concept de "mouvement" au centre de sa réflexion.
Dès l'entame de son intervention, Anne a établi le mouvement comme fil conducteur de sa pensée, s'appuyant sur les écrits de Yoro Dia pour développer cette thématique. "L'histoire n'est jamais finie. Elle est toujours à faire, elle est toujours à refaire", a-t-il déclaré, citant Jean Jaurès pour illustrer que "c'est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source".
Cette vision dynamique de la démocratie trouve son illustration la plus frappante dans l'évolution du paysage politique sénégalais. Anne a rappelé qu'en 1998, la création du 34e parti politique était considérée comme "un événement extraordinaire", tandis qu'aujourd'hui, le pays compte plus de 300 formations politiques et a connu 19 candidats à la dernière présidentielle.
Le membre de l'APR a particulièrement insisté sur la transformation profonde des mentalités politiques sénégalaises. Évoquant ses "premières émotions politiques" lors du retour de maître Abdoulaye Wade en 1999, Anne a confessé qu'il était alors "inimaginable" pour sa génération qu'Abdou Diouf perde le pouvoir démocratiquement. "Pour moi, c'était impossible. Pour moi, le pouvoir ne pouvait pas se transmettre démocratiquement", a-t-il témoigné.
Cette révolution des consciences s'est confirmée avec le temps. Vingt ans plus tard, "l'alternance est devenue la respiration naturelle de la démocratie sénégalaise", selon les termes d'Anne, qui cite régulièrement Yoro Dia sur cette question.
L'orateur a trouvé dans les événements de février-mars 2024 une illustration saisissante de ce mouvement perpétuel. "Des personnes qui étaient entre les liens de la détention 10 jours plus tôt sont élues, une semaine plus tard aux fonctions les plus hautes dans la plus grande démocratie d'Afrique", a-t-il souligné, qualifiant cette transition d'extraordinaire.
Cette capacité de transformation rapide témoigne, selon l'intervenant, de "la puissance de la démocratie, mais aussi la force du mouvement qui est finalement la forme de l'existence dans le matérialisme dialectique", reprenant les mots de Babacar Sine cités dans l'ouvrage de Yoro Dia.
Cependant, l'analyse d'Hamidou Anne ne se limite pas à une vision optimiste du mouvement. Il met en garde contre les possibles régressions, rappelant que "le mouvement, comme la jeunesse, n'est pas toujours porteur d'espoir". Il a utilisé le terme "mouvement" plutôt que "progrès" pour souligner cette ambivalence.
L'exemple le plus frappant de cette régression concerne la politique d'accueil du Sénégal. Anne rappelle que sous Senghor, le pays "était la terre qui a accueilli les bureaux du SOAP, du FRIMAU de l'OLP" et avait "donné un passeport diplomatique à Yasser Arafat". Aujourd'hui, il déplore qu'un "ami mauritanien, combattant pour les droits et les libertés, ait été prié gentiment de cesser ses activités" dans le pays.
Cette transformation illustre, selon Anne, comment le Sénégal, historiquement "pays de synthèse, pays des compromis dynamiques", est "devenu finalement malheureusement le pays de France dégage". Cette évolution témoigne d'un mouvement qui peut se faire "dans le sens inverse" du progrès démocratique.
Pour Anne, la solution à ces défis réside dans la "praxis" - l'alliance entre pensée et action - qu'il observe chez les intellectuels interviewés par Yoro Dia. Il cite notamment Babacar Sine, qui "fait un pas de côté" pour rejoindre le socialisme démocratique, illustrant cette capacité d'adaptation nécessaire au mouvement démocratique.
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YORO DIA DÉNONCE LES EXCÈS DE SONKO
"Sonko va vers ses deux plus grandes défaites." L'ancien ministre de Macky Sall prédit l'échec du Premier ministre dans ses "combats" contre la presse et la magistrature, évoquant ses tendances dictatoriales
L'ancien ministre Yoro Dia a livré une analyse cinglante des déclarations récentes du Premier ministre Ousmane Sonko, dénonçant ce qu'il qualifie de "comportement dictatorial" et de "menaces" contre les institutions démocratiques sénégalaises.
Yoro Dia, qui a servi sous le régime de Macky Sall, s'est montré particulièrement critique face aux récentes sorties du Premier ministre. "Regarde ces déclarations, ces excès, ces menaces. Je vais effacer les gens. Tu menaces les magistrats, tu menaces les journalistes, tu réduis le pays à ta personne", a-t-il déclaré.
Le journaliste de formation a notamment relevé les propos de Sonko à l'Assemblée nationale, où ce dernier avait affirmé qu'il n'y a "pas matière à s'opposer" et qualifié l'opposition de "résidus". "Dans un pays comme le Sénégal, la pluralité démocratique du Sénégal, on a un premier ministre qui qualifie l'opposition de résidus [...] ça veut dire que le gars est un dictateur", a-t-il fustigé.
Selon Yoro Dia, professeur de sciences politiques, le leader de Pastef se dirige vers ses "deux plus grandes défaites" : "le combat contre la presse et le combat contre les magistrats". Il établit un parallèle avec les régimes totalitaires qui "utilisent la violence, l'insurrection, la menace et la manipulation pour arriver au pouvoir" avant de s'attaquer à "la presse et le droit".
L'ancien ministre dénonce particulièrement les tentatives de "destruction de la presse" menées depuis 15 mois et affirme que "le grand combat c'est museler la presse et domestiquer la magistrature".
Yoro Dia souligne une contradiction majeure : Sonko doit sa carrière politique aux magistrats qui l'ont "sauvé de 2021 jusqu'à 2024". "C'est un magistrat qui l'a remis dans le jeu", rappelle-t-il, faisant référence aux diverses procédures judiciaires favorables au à l'ancien opposant de Macky Sall.
L'ancien ministre défend vigoureusement la magistrature sénégalaise, rendant hommage aux "brillants magistrats de l'histoire du Sénégal" et appelant l'Union des Magistrats du Sénégal (UMS) à "se lever et défendre les magistrats".
Dans une perspective plus personnelle, Yoro Dia analyse les déclarations de Sonko comme relevant d'un "problème psychologique". "Jusqu'à présent, Ousmane Sonko ne digère pas le fait de ne pas être président", estime-t-il, suggérant que le Premier ministre aurait besoin d'un "bon psychanalyste".
Dia conclut en défendant l'état de droit comme fondement de la démocratie sénégalaise. "La justice est le seul service de l'État qui porte le nom d'une vertu", rappelle-t-il, soulignant que "la Cour suprême a montré que nous sommes dans un état de droit" et qu'elle "montre carrément au premier ministre que vous n'êtes pas au-dessus des lois".
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
NAFISSATOU DIA DIOUF, UNE POÉSIE ÉPRISE DE DOUCEUR ET DE JUSTESSE
EXCLUSIF SENEPLUS - Simple dans le style mais riche d'images poétiquement choisies, la poésie de l'auteure impose une harmonie où les rimes sonnent justes. Ses textes sont des invitations au voyage qui nous rendent plus fort
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
La poésie qui est l’art d'évoquer et de suggérer les sensations, les impressions, les émotions les plus vives par l'union intense des sons, des rythmes, des harmonies, en particulier par les vers, est toujours une expérience littéraire singulière qui s’accompagne d’une lecture aventureuse, sensible et unique.
Et cette précision est inscrite dans la poésie de Nafissatou Dia Diouf qui est une véritable échappée littéraire, raffinée et éclectique qui laisse une large part au champ de l’intime. Sans compromission mais sans trivialité non plus, sa poésie navigue avec talent sur des voiles gonflées d’innocence et de lucidité. Elle impose une esthétique de l’instant qui murmure à chaque oreille.
Le style est simple mais les vers riches d’images poétiquement choisies. Les rimes sonnent en harmonie avec les textes, florissantes, douces mais jamais ostentatoires.
Si ce que tu as à dire
N'est pas aussi beau que le silence
Alors, tais-toi
Car il n'y a rien de plus beau
Que ta bouche entrouverte
Sur une parole arrêtée
Et si les textes demeurent étroitement parsemés de romantisme, il n’y a aucune mièvrerie car la pureté du verbe éclate en une réelle justesse. Nafissatou Dia Diouf est une authentique poétesse qui cherche le son, le rythme et qui, de manière habile, construit son univers personnel.
Je voudrais t'écrire
Page après page,
Mot après mot.
En un conte infini
Des mille et une nuits,
Dont je réécrirai l'histoire
Chaque matin.
Sa force poétique provient de sa capacité à nous faire partager ses émotions, sans aucune facilité hésitante mais dans une aventure poétique que l’on suit car elle nous concerne amplement. Le lecteur est au centre des mots, car il est incarné par la bouche de la poétesse qui invente une grandeur esthétique naturelle comme une poésie prodigue. Le talent de l’auteur est dans ces belles respirations où chacun peut se nicher au creux d’un galbe de lune.
Les textes de Nafissatou Dia Diouf sont des invitations au voyage poétique qui nous rendent plus fort, plus beau, plus passionné.
Écrire ta bouche,
Écrire tes mains,
T'inventer, te coucher
En des lettres appliquées,
Écrire de mes doigts
Sur ta peau nocturne.
Au détour de ces caresses humaines, il y a aussi des textes engagés mais là encore, le poing n’est pas seulement levé pour bien faire, l’auteur nous accompagne dans ce qui la révolte, l’émeut, la bouleverse. Ainsi cette empathie poétique nous submerge avec force.
La Place des martyres est un vibrant hommage aux guerres fratricides qui ne fauchent que de jeunes innocents. Avec le texte La complainte du Tirailleur, nous sommes soudainement transportés dans cette Drôle de guerre. Tout comme le soldat, nous avons froid, nous pataugeons dans la boue, nous sommes seuls, sans reconnaissance et notre sang anonyme s’écoule au nom de la liberté.
C’est peut-être parce que la poésie de Nafissatou Dia Diouf est tout simplement généreuse, elle est une ronde humaine couronnée de beauté et de compassion qui nous enchaîne à ses mots comme une bouée de sauvetage. Elle ne nous laisse jamais sur le rivage et nous nageons avec elle avec force et survie.
Ainsi, cette disposition littéraire et poétique sonne comme une promesse de douceur, de révélation magique et de fragments de paradis.
Les reflets que la poétesse nous offre sont des traversées océanes, utilisant les éléments terrestres pour dire l’amour, l’injustice, la mort rebelle, la beauté des choses et les battements de la vie.
C’est un sentiment fraternel, magnifiquement écrit et chargé d’un regard de renaissance, qui habite la poésie de Nafissatou Dia Diouf.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Nafissatou Dia Diouf, Primeur, poèmes de jeunesse, éditions Le Nègre International, 2003.
La Convergence pour la défense des Valeurs Républicaines interpelle directement le président sénégalais sur "sa responsabilité pour la stabilité du pays". L'organisation dénonce fermement les atteintes aux libertés fondamentales
La Convergence pour la défense des Valeurs Républicaines (CVR( interpelle directement le président sénégalais sur "sa responsabilité pour la stabilité du pays" dans un communiqué du 11 juillet 2025. L'organisation dénonce fermement les atteintes aux libertés fondamentales et réclame le respect de l'indépendance de la justice.
"Halte à la dérive autoritaire : les libertés individuelles ne sont pas négociables
L'opinion nationale et internationale assiste avec une profonde inquiétude à la multiplication des actes posés par le régime en place qui traduisent une volonté manifeste de remettre en cause les libertés d'opinion, d'expression et de presse.
La démocratie et l'Etat de droit sont menacés.
Les convocations et arrestations arbitraires se multiplient pour réduire au silence des citoyens dont le seul tort est d'avoir donné leurs appréciations de la conduite des affaires du pays.
Les attaques du gouvernement contre la presse, l'opposition, la société civile et les magistrats constituent des atteintes graves aux fondements de l'Etat de droit tels que garantis par notre Constitution et les conventions internationales ratifiées par notre pays.
La CVR dénonce fermement ces dérives. et appelle à un sursaut national de toutes les forces attachées à la démocratie, à la justice et aux droits humains.
La CVR exige la libération immédiate de toutes les personnes détenues pour délit d'opinion.
La justice, qui fait l'objet de toutes les critiques de la part d'autorités du pouvoir exécutif, doit rester debout et jalouse de son indépendance.
La CVR attire solennellement l'attention du président de la République sur sa responsabilité pour la stabilité du pays et la nécessité urgente de prendre les mesures idoines pour la décrispation de l'espace public."
par Chérif Salif Sy
LA DIPLOMATIE : L'EFFICACITÉ PAR L'IMPRÉVU ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Au-delà des polémiques, des clivages partisans et du tumulte médiatique, l'approche « transactionnelle » de Trump offre en effet un terrain de réflexion sur les ressorts possibles d'une diplomatie du choc constructif
Face à l'enlisement des processus diplomatiques traditionnels, la question mérite d'être posée : et si l'efficacité ne passait pas par la conformité aux conventions, mais par la transgression réfléchie des codes établis ? Cette hypothèse, que certains jugeront provocatrice, trouve une résonance singulière dans le style de Donald Trump. Au-delà des polémiques, des clivages partisans et du tumulte médiatique, son approche « transactionnelle » (brutale pour les uns, pragmatique pour les autres) offre en effet un terrain de réflexion sur les ressorts possibles d'une diplomatie du choc constructif.
Durant son mandat, Trump a surpris l’ordre international par des gestes inhabituels :
- une rencontre directe avec Kim Jong-un, sans condition préalable, alors que plusieurs décennies de diplomatie prudente avaient échoué ;
- les Accords d'Abraham entre Israël et plusieurs États arabes, négociés dans une logique de contrepartie économique.
- un repositionnement abrupt face à l’OTAN et à la Chine, révélateur d’un rapport de force assumé.
Ces exemples, inégaux dans leurs résultats, illustrent une constante : le choix de l'imprévu comme levier diplomatique. Cette approche rappelle des précédents historiques marquants :
En 1972, par exemple, Richard Nixon se rend à Pékin, mettant fin à deux décennies de guerre froide sino-américaine. Cet événement a redéfini les équilibres mondiaux ;
- en 1977, Anouar el-Sadate, président égyptien, prend la parole devant la Knesset israélienne : un geste audacieux qui amorce la paix entre Israël et l’Égypte ;
- en 1973, la conférence de l'avenue Kléber à Paris voit s'affronter Henry Kissinger et Lê Đức Thọ pour mettre fin à la guerre du Vietnam ;
- en 1989, Mikhaïl Gorbatchev fait tomber le Rideau de Fer, bouleversant la structure du monde bipolaire.
L’histoire montre que certaines ruptures, parfois initiées par des personnalités controversées, peuvent déboucher sur des avancées significatives. Ces moments ne naissent pas de la prudence, mais de l’audace diplomatique, voire de l’inconvenance stratégique.
Quelles implications pour l’Afrique ?
Dans le contexte africain, où les tensions persistent (du conflit entre la RDC et le Rwanda à la crise multidimensionnelle au Soudan), la diplomatie conventionnelle peine à provoquer des changements. Or, Trump a récemment reçu plusieurs chefs d’État africains pour discuter de la sécurité et des minerais stratégiques.
Certains y voient une diplomatie de deals, d'autres une tentative de repositionnement américain face aux puissances concurrentes (Chine, Russie, Turquie). Cette initiative pourrait créer des opportunités, notamment si l’approche transactionnelle permet de dépasser les blocages classiques.
Mais attention, l'audace ne garantit pas la durabilité. Elle exige des garde-fous, une compréhension fine des dynamiques locales et surtout le respect des souverainetés.
L’imprévu ne peut produire d’effets féconds que s’il est suivi d’un travail rigoureux, inclusif et adapté.
Je formule ici une hypothèse stratégique. Cette analyse ne découle ni d'une sympathie ni d'une antipathie pour Donald Trump. Elle part du constat que certaines méthodes, même atypiques ou controversées, peuvent provoquer des ruptures diplomatiques salutaires. Dans un monde en quête de solutions, l’imprévu mérite qu’on l’interroge avec lucidité, sans complaisance ni dogmatisme.
Chérif Salif Sy est Économiste, politiste, analyste des politiques publiques et des stratégies internationales.
CES DUOS QUI FINISSENT MAL
De Senghor-Dia à Diomaye-Sonko, aucun duo président-Premier ministre n'a échappé aux tensions, aux méfiances et aux ruptures. L'histoire politique du Sénégal semble condamnée à répéter les mêmes schémas au sommet de l'État
Depuis l'indépendance, la structure bicéphale du pouvoir exécutif sénégalais a souvent donné lieu à des tensions, des confrontations, voire des ruptures brutales. Le tandem président de la République - Premier ministre, loin d'être un compagnonnage harmonieux, a généralement été un rapport de forces, de cohabitation forcée ou d’équilibre instable. De Senghor-Dia à Diomaye-Sonko, en passant par les duos Diouf-Thiam, Wade-Niasse, ou encore Macky-Soumaré, chaque binôme a porté en lui les germes d’une tension latente.
Le duo le plus récent, celui formé par Bassirou Diomaye Faye, président de la République, et Ousmane Sonko, Premier ministre, semblait être un exemple de fraternité politique rare. Compagnons de lutte, co-fondateurs du parti Pastef, passés par les mêmes prisons et porteurs d’un même projet politique, ils ont conquis ensemble le pouvoir en mars 2024.
Diomaye-Sonko : une fraternité fissurée ?
Mais, moins de quatre mois après leur accession aux affaires, le vernis de la complicité a commencé à craquer. Le Premier ministre a tenu, il y a deux jours, une allocution virulente dans laquelle il s’en est pris à peine voilée au chef de l’État. Il a dénoncé une campagne d’affaiblissement menée contre lui, tolérée voire orchestrée, selon lui, depuis le sommet de l’État. S’adressant directement à Diomaye Faye, Sonko a déclaré : « Je lui ai dit que si j’étais moi-même président de la République, ces gens ne parleraient pas ainsi de moi », avant de l’interpeller publiquement : « Qu’il règle ce problème ou qu’il me laisse le régler. »
Cette sortie tonitruante marque-t-elle un point de non-retour ? La méfiance semble s’être installée au sommet, ravivant les souvenirs de duels politiques historiques. Comme si l’histoire bégayait.
Senghor-Dia : l’archétype de la rupture fratricide
La première et la plus spectaculaire de ces confrontations fut celle entre le président Léopold Sédar Senghor et son Premier ministre Mamadou Dia. Entre 1960 et 1962, dans un contexte de bicéphalisme constitutionnel, Senghor se consacrait principalement à la politique extérieure, tandis que Dia gérait la politique intérieure. Les deux hommes, pourtant complices de longue date, se sont opposés sur l’orientation économique du pays : plus libérale pour Senghor, plus socialiste pour Dia.
Le conflit atteint son paroxysme en décembre 1962. Accusant Dia de préparer un coup d’État, Senghor le fait arrêter avec quatre de ses ministres. Ils sont condamnés à la déportation à perpétuité. Il faudra attendre 1974 pour que Dia soit gracié. Cette crise de 1962 est le premier épisode où le duo exécutif implose avec fracas, entraînant la suppression de la fonction de Premier ministre.
Diouf-Thiam : de la fraternité à la méfiance
Le poste de Premier ministre est rétabli en 1970, et confié à Abdou Diouf. Lorsque Senghor lui cède le pouvoir en 1981, Diouf désigne son ami Habib Thiam comme Premier ministre. Leur relation, commencée dans les années 50 en France, est faite d’admirations réciproques et de respect mutuel. Mais les tensions ne tardent pas à apparaître.
En 1983, en raison de désaccords sur les dérives présidentialistes du régime, Diouf supprime une nouvelle fois le poste de Premier ministre. Thiam est écarté et relégué à la présidence de l’Assemblée nationale. Huit ans plus tard, face à une crise économique et politique, Diouf le rappelle à la primature pour une seconde mission. Il y restera jusqu’en 1998, mais leur compagnonnage restera marqué par une certaine tension, éloignée de la fraternité des débuts.
Wade et ses multiples têtes de l’exécutif : méfiance généralisée
L’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir en 2000 ouvre une nouvelle période où le poste de Premier ministre devient presque un piège. Pas moins de six chefs de gouvernement vont se succéder : Moustapha Niasse, Mame Madior Boye, Idrissa Seck, Macky Sall, Cheikh Hadjibou Soumaré et Souleymane Ndéné Ndiaye. Presque tous finiront en conflit avec le président Wade, souvent accusé de centraliser le pouvoir et de torpiller l’autonomie de ses Premiers ministres.
Idrissa Seck, perçu comme dauphin putatif, sera accusé de complot, arrêté puis libéré après une longue affaire judiciaire. En 2008 Macky Sall, à son tour, subira l’ire du président pour avoir convoqué son fils Karim Wade (ministre) à l’Assemblée nationale. Il sera démis puis écarté du PDS. La leçon de Wade : aucun Premier ministre ne devait devenir trop ambitieux.
Macky Sall et ses Premiers ministres : un compagnonnage à géométrie variable
À son tour, Macky Sall, président du Sénégal de 2012 à 2024, a nommé quatre Premiers ministres au cours de ses deux mandats. Dans un régime de plus en plus présidentialiste, marqué par une centralisation du pouvoir autour du chef de l’État, les tandems ont dû résister aux pressions sociales, aux ambitions politiques internes et à l’instabilité contextuelle.
Le premier à occuper ce poste sous Macky Sall fut Abdoul Mbaye, un technocrate respecté, ancien banquier et directeur de banque. Son profil rassurant avait séduit les milieux d’affaires et les partenaires techniques et financiers du Sénégal. Cependant, il ne résista pas longtemps aux aléas politiques : en septembre 2013, il fut remercié, officiellement pour divergences de vision, mais dans un contexte marqué par des tensions avec le cercle présidentiel.
Il fut remplacé par Aminata Touré, dite Mimi Touré, ancienne ministre de la Justice. Elle s’était faite remarquer par la traque des biens mal acquis. Nommée en septembre 2013, elle afficha une posture plus offensive que son prédécesseur. Cependant, son passage à la primature fut bref : elle quitta ses fonctions après la débâcle de la coalition présidentielle lors des élections locales de 2014 à Dakar. Cette mise à l’écart fut interprétée comme une sanction politique, révélant la sensibilité du poste de Premier ministre à l’épreuve électorale.
Le plus long compagnonnage de Macky Sall fut avec Mahammed Boun Abdallah Dionne, nommé Premier ministre en juillet 2014. Fidèle parmi les fidèles, discret et technicien de formation, Dionne accompagna le président dans la mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE) jusqu’en mai 2019. Son style consensuel et sa loyauté indéfectible contribuèrent à la stabilité du tandem. En 2019, dans une volonté affichée de rationaliser l’action gouvernementale, Macky Sall supprima le poste de Premier ministre, concentrant davantage le pouvoir entre ses mains.
Mais les circonstances politiques et la proximité de l’élection présidentielle de 2024 poussèrent Macky Sall à rétablir la primature. Amadou Ba, ancien ministre de l’Économie et des Finances puis ministre des Affaires étrangères, fut nommé à ce poste stratégique. Candidat désigné de la majorité présidentielle, il assuma la double casquette de chef de gouvernement et dauphin politique présumé. Toutefois, il n’échappa pas aux critiques internes ni aux soupçons de rivalités larvées au sein du camp présidentiel. Son mandat fut bref, marqué par des tensions croissantes jusqu’à la chute du régime en mars 2024.
Une fonction toujours en sursis
Ces différentes sagas révèlent la fragilité structurelle de la fonction de Premier ministre au Sénégal. Le poste a été supprimé à trois reprises (1962, 1983, 2019) et rétabli autant de fois pour des raisons souvent circonstancielles. Le retour de cette fonction en 2024, sous la présidence de Diomaye Faye, semblait porteur d’espoirs nouveaux. Mais la dérive actuelle laisse planer de nouveau le doute.
De Senghor à Diomaye, en passant par Diouf et Wade, l’histoire politique du Sénégal est rythmée par des duels au sommet de l’État. Les tandems président-Premier ministre ont rarement été des binômes harmonieux. Bien souvent, ils ont incarné des tensions structurelles, des ambitions concurrentes, et des visions parfois opposées de l’exercice du pouvoir. Le duo Diomaye-Sonko, issu d'une même lutte, réussira-t-il à échapper à cette malédiction institutionnelle ?
PAR CHEIKH TIDIANE MBAYE
COMPRENDRE LES DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES DES SÉNÉGALAIS
Quand on parle d’économie, on pense souvent aux chiffres du PIB, aux bilans budgétaires et aux déclarations officielles. Pourtant, c’est dans le quotidien des citoyens que se mesure le vrai visage d’une situation économique.
Quand on parle d’économie, on pense souvent aux chiffres du PIB, aux bilans budgétaires et aux déclarations officielles. Pourtant, c’est dans le quotidien des citoyens que se mesure le vrai visage d’une situation économique. Une enquête sociologique menée début juillet 2025, auprès d’une cinquantaine de Sénégalais, montre que derrière les grands indicateurs, une jeunesse instruite, urbaine et ambitieuse vit des difficultés économiques pesantes, presque banalisées.
Une jeunesse diplômée, mais économiquement fragilisée
Majoritairement âgés de 18 à 25 ans et titulaires d’un diplôme supérieur, les répondants de l’enquête forment cette jeunesse que l’on qualifie souvent de « moteur de demain ». Mais paradoxalement, elle se sent bloquée, faute de débouchés professionnels. Plus des deux tiers déclarent être insatisfaits de leur situation économique. Comme l’avait souligné Durkheim, il arrive que les structures sociales ne parviennent plus à intégrer correctement les individus, créant ainsi du désarroi social.
Le chômage et la précarité ne sont pas ici des concepts abstraits : ils sont vécus dans la difficulté à payer les études, à accéder à des soins de qualité ou à s’offrir un logement décent.
Chômage et vie chère : des difficultés partagées
Au premier rang des préoccupations exprimées dans cette enquête, le chômage et la hausse du coût de la vie. Ce constat rejoint les analyses de la Banque mondiale et de l’ANSD, qui pointent une croissance économique qui profite encore insuffisamment aux couches populaires et aux jeunes diplômés.
La jeunesse interrogée ne rejette pas frontalement l’action publique, mais exprime une attente forte de réformes économiques capables de changer concrètement la vie des Sénégalais. Elle ne demande pas des discours, mais des actes.
Quelles pistes pour sortir de cette impasse économique ?
Loin de toute posture critique ou partisane, l’analyse des réponses nous invite à réfléchir aux leviers possibles pour améliorer la situation économique et sociale du Sénégal, dans une approche constructive. Voici quelques pistes sociologiquement et économiquement fondées :
1. Optimiser la gouvernance économique
Réduire le train de vie de l’État, pour dégager des marges budgétaires destinées aux dépenses sociales et à l’emploi.
Améliorer la gestion des ressources naturelles et des entreprises publiques, souvent sources de gaspillage ou de faible rentabilité, afin qu’elles servent réellement le développement national.
Optimiser la collecte fiscale et douanière, sans étouffer le secteur privé formel et informel. Une fiscalité juste et efficace est un levier clé pour financer les services publics.
2. Développer durablement les secteurs économiques clés
Relancer l’agriculture, la pêche, l’artisanat et les industries de transformation, pour créer des emplois dans les zones rurales et semi-urbaines.
Stimuler les services (tertiaire) et préparer l’avenir avec l’économie numérique, les énergies renouvelables, et les industries créatives (quaternaire).
Soutenir l’entrepreneuriat local, notamment des PME sénégalaises, afin qu’elles deviennent des pourvoyeurs d’emplois et non de simples survivantes.
3. Renforcer l’État social et recruter dans les secteurs essentiels
Le Sénégal souffre d’un manque criard de personnel dans la santé, l’éducation, la sécurité, la justice, l’administration territoriale. L’État doit pouvoir recruter massivement, non par clientélisme, mais par nécessité structurelle.
Relever le salaire minimum, afin de redonner du pouvoir d’achat aux plus modestes.
Mettre en place des politiques sociales ciblées : aides au logement, bourses d’études élargies, subventions pour les ménages précaires.
4. Investir dans des services sociaux de base de qualité
L’accès à une éducation publique performante, à des hôpitaux accessibles et à un logement décent reste une condition de dignité économique. Ces services ne sont pas des charges, mais des investissements dans le capital humain du pays.
5. Associer le secteur privé local à la relance économique
Encourager le secteur privé national, souvent éclipsé par les multinationales ou fragilisé par la concurrence déloyale.
L’État doit dialoguer davantage avec les entrepreneurs locaux pour co-construire des solutions au chômage et à la précarité économique.
Écouter pour mieux agir
Cette enquête n’a pas la prétention de donner une photographie complète du Sénégal économique. Elle ne couvre qu’une petite portion, essentiellement urbaine et éduquée. Mais elle apporte un message clair : le malaise économique est profond, mais les solutions existent si l’écoute et l’action suivent.
Pour la sociologie, ce sont ces « faits sociaux » du quotidien qu’il faut observer pour comprendre où la société doit agir. Car comme le rappelait Durkheim, "la société ne peut subsister si elle ne cherche pas à harmoniser les intérêts individuels et collectifs".
Une contribution citoyenne, pas une critique partisane
Loin d’être une critique contre les pouvoirs publics, cette démarche se veut une modeste contribution citoyenne, une alerte pour inviter à une réflexion collective. Aucun pays ne peut résoudre seul ses crises, mais chaque société peut inventer ses propres solutions adaptées à ses réalités.
Les difficultés économiques vécues par les Sénégalais ne sont ni une fatalité, ni une spécificité sénégalaise. Elles sont le signe d’une société en transition, qui doit repenser son modèle de développement pour être plus inclusif, plus juste et plus efficace.
Ce diagnostic n’est pas un réquisitoire. C’est un appel à l’action, pour que derrière chaque statistique, il y ait un citoyen qui retrouve espoir.
AFFAIRE BADARA GADIAGA, L’ENQUÊTE S’ÉTEND À SES TRANSACTIONS FINANCIÈRES
Selon Libération, l’enquête s’oriente aussi vers les transactions financières du chroniqueur de la TFM, après la découverte de mouvements suspects sur le compte mobile money de sa société.
L’affaire impliquant le chroniqueur Badara Gadiaga prend une nouvelle dimension. Selon Libération, l’enquête ouverte contre lui s’élargit désormais à ses transactions financières, après la découverte de mouvements suspects sur le compte mobile money de sa société.
Placé en garde à vue mercredi par la Division spéciale de la cybersécurité (DSC), le chroniqueur a été déféré ce vendredi au parquet. Il est poursuivi pour discours contraire aux bonnes mœurs, diffusion de fausses nouvelles et offense à une personne exerçant tout ou partie des prérogatives du président de la République.
Le Parquet a requis l’ouverture d’une information judiciaire assortie d’un mandat de dépôt. Le dossier a été confié au doyen des juges, mais la première confrontation, initialement prévue, a été renvoyée à lundi à la demande de ses avocats. L’affaire fait suite à un extrait de l’émission « Jakaarlo Bi », diffusée sur la TFM, dans lequel il a tenu des propos jugés trop « déplacés » sur le Premier ministre, Ousmane Sonko. Entendu à ce sujet, il a expliqué leur signification dans le contexte juridique sénégalais, affirmant avoir respecté le cadre légal.
Toujours selon Libération, au cours de l’audition, M. Gadiaga a soutenu exercer son droit à la liberté d’expression et a dénoncé ce qu’il qualifie d’« enquête politique ». Toutefois, les investigations ont mis au jour un autre volet : entre mai et juin 2025, environ 9 millions de francs CFA ont transité via le compte Orange Money de sa société GSIE, domiciliée à la Banque Atlantique. Des réquisitions ont été émises à plusieurs structures financières et administratives afin d’approfondir ces vérifications.