ALLURE DE RURALITÉ DANS LA CITÉ
Les vastes opérations de désencombrement pour embellir certaines artères de Dakar peuvent être considérées comme un coup d’épée dans l’eau. Faute de suivi, une anarchie totale prévaut dans des espaces qui ont été libérés

Le visage qu’affichent les deux voies de liberté 6, menant à la prison camp pénal est hideux, il n’est donc pas beau à voir. Les trottoirs sont encombrés par les vendeurs de divers produits : détergents, denrées alimentaires, jouets pour enfant… Un seul mot d’ordre y règne : tout écouler. Et à tout prix. Les marchandises sont étalées à même le sol, empêchant les piétons de se mouvoir correctement. Les vendeurs de moutons font également partie du décor. Présents sur les lieux depuis la fête de la Tabaski, certains d’entre eux ne sont jamais repartis. L’occupation temporaire tend vers l’installation définitive. Ils ont transformé la place en bergerie. Une anarchie dénoncée par Abdoulaye Diop, un électricien rencontré à Liberté 6. La quarantaine consommée, ce père de famille pense que cette situation est due au laxisme. « Cette place a été libérée il y a quelques mois. Tous ceux qui sont là ont été déguerpis mais, ils sont revenus parce que dans ce pays, on sait prendre les décisions mais, on ne fait pas de suivi après », regrette-t-il avant de s’engouffrer dans le car de la ligne 34 qu’il attendait depuis plus d’un quart d’heure.
C’est le même panorama qui se présente sous le pont de Hann et sur la route de Yarakh. Le désordre est total. La voie publique est occupée de façon anarchique. Des vendeurs d’accessoires d’automobiles sont visibles par-ci, des véhicules stationnés de manière irrégulière par-là. Les vendeuses de lait caillé ne sont pas en reste. Inhalant les gaz d’échappement des moteurs des voitures, elles sont installées presque sur la route. Ces actes d’incivilité et inciviques font partie de ce qui crée les embouteillages sur cet axe très emprunté par les automobilistes.
Les rues, les nouveaux marchés
Moustapha Mbaye ne cache pas son indignation face à cette situation qui, à son avis, défigure le visage de Dakar. « La situation est identique partout à Dakar. Les gens ont transformé toutes les rues et ruelles en marché. Tous les trottoirs sont occupés par les marchands et les mendiants », regrette-t-il avant de rejeter la responsabilité sur les agents municipaux qui, à l’en croire, cautionnent les actes inciviques en faisant payer aux occupants de ces artères des taxes. Une manière de légaliser leur présence sur les lieux. D’ailleurs, cet encombrement de l’espace public ne laisse pas indifférent le Chef de l’État, Macky Sall qui, lors de son discours à l’expo universelle Dubaï 2020 , a demandé aux Sénégalais d’être plus exigeants en propreté tout en annonçant le retour du « cleaning day ». «Nous allons reprendre les opérations de salubrité mais aussi de désencombrement des rues. On ne doit pas occuper la voie publique sous prétexte que l’on doit travailler pour gagner sa vie. On va y remédier avec l’aide des maires, pour que ceux qui y viennent aient envie de rester ou de revenir », avait déclaré le Chef de l’État.
Efforts d’embellissement
Tout n’est pas sombre au tableau cependant. Des efforts sont en train d’être faits pour donner à la capitale un visage radieux. Il existe, à Dakar, des lieux bien aménagés et entretenus au grand bonheur des populations. C’est le cas, par exemple, de l’espace aménagé à l’autopont sis à la cité Keur Gorgui. L’endroit est très propre. Il est bien entretenu. Ndèye Anta Mbaye, étudiante à l’Institut africain de Mangement (Iam) y passe souvent des heures pour se détendre. « Je viens souvent ici pour enlever le stress et prendre de l’air. C’est un milieu bien entretenu et on y respire un bon bol d’air frais », se réjouit-elle. Poursuivant, elle prodigue des conseils à ceux qui fréquentent l’endroit en leur demandant de s’impliquer dans l’entretien. Comment ? « En évitant de jeter les ordures par terre. Il faut déposer les sachets d’eau et les mégots de cigarettes dans les poubelles qui sont placés ici », affieme-t-elle. À quelques encablures d’elle, est assis Moussa Lèye, lui aussi étudiant à l’institut Confucius de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. « J’ai un rendez-vous à la cité Keur Gorgui mais, comme il n’est pas encore l’heure, je suis venu attendre ici. C’est un bel endroit, une belle place pour se reposer », apprécie-t-il, avant de plaider pour l’embellissement de tous les jardins et places publiques pour changer le visage de Dakar. Après l’autopont de la cité Keur Gorgui, cap sur celui de la technopole de Pikine. Ici, la sécurité est gérée par Pape Diockel Mbaye et son équipe. Ils surveillent les lieux pour qu’ils ne soient pas transformés en dortoir ou dépotoir d’ordures. « Nous surveillons la place afin qu’elle ne soit pas assiégée par les vendeurs et les vagabonds. Elle est interdite aux fumeurs de chanvres indiens et aux ivrognes. C’est un cadre pour se reposer mais pas pour vendre ou faire des actes qui importunent les gens », informe-t-il avant de regretter le manque de propreté de certains qui, malgré les poubelles placées sur les lieux, jettent les résidus par terre. « C’est nous qui les ramassons parfois. Il faut que les gens changent de comportements pour préserver ces lieux ».