LES INCONGRUITEÉS DE LA PROPOSITION DE LOI DE PAPE DJIBRIL FALL PORTANT GRATUITÉ DU TRANSPORT DES ÉTUDIANTS
Les meilleures réponses aux défis de l’amélioration des conditions sociales des étudiants sont exclusivement internes à l’université et ne se trouve pas dans la gratuité des tickets du TER, du BRT et de la société DDD

La proposition de loi du député Pape Djibril Fall déposée sur la table du président de l’Assemblée nationale, ce 27 août 2025, recèle une aberration et des incongruités.
Les grands projets d’infrastructure de transport sont, le plus souvent, source d’endettement public en raison de leur coût très élevé. Au-delà du grand budget de leur réalisation, ils sont majoritairement sous perfusion de la subvention de l’État pour fonctionner. Les récentes infrastructures de transport innovantes, notamment le TER et le BRT concernés par le projet de loi du député Pape Djibril Fall, ont coûté environ 1 300 milliards de F CFA. Ces ressources sont majoritairement issues d’emprunts. De plus, la subvention de l’État comble le gap de leur budget de fonctionnement. C’est la raison pour laquelle leur réalisation soulève toujours un débat sur leur urgence, leur pertinence et leur rentabilité. Pour toutes ces raisons financières et le caractère de pays aux ressources limitées qui définit le Sénégal, il est légitime de considérer que proposer une gratuité du transport pour une quelconque catégorie de la population est une pure une aberration.
Toutefois, la proposition idoine pour accompagner les étudiants serait d’initier des abonnements spécifiques plus adaptés à leur niveau de revenu, aux fins de promouvoir l’utilisation de ces moyens de transport collectifs bas carbone. Cela constituerait en même temps un allègement de la difficile situation de logement de l’Université de Dakar et une réduction des dépenses de transport des étudiants habitant dans la banlieue. De même, une telle mesure aurait des avantages sur le plan environnemental, avec une réduction de l’utilisation des véhicules personnels, des moyens de transport traditionnels vétustes, lesquels produisent des externalités négatives sur la mobilité à Dakar.
En effet, la congestion, la pollution de l’air, la pollution sonore et les accidents de la circulation coûtent 897,6 milliards à la population de la métropole de Dakar soit 10,7% de son PIB (selon le rapport du CETUD portant Étude sur les externalités du transport de Dakar en 2021).
Au-delà de cette aberration d’une gratuité du transport des étudiants sénégalais sur tout le territoire national, on note également dans la proposition de loi de l’honorable député une incongruité entre la carte universitaire nationale et la couverture de la desserte des moyens de déplacement cités, notamment le TER, le BRT et la société DDD.
Une incongruité entre la carte universitaire et la couverture de la desserte des moyens de déplacements concernés par le projet de loi
L’une des incongruités qui sautent aux yeux dans le projet de loi est l’incohérence entre la couverture de la carte universitaire du Sénégal et celle des moyens de déplacement concernés par la proposition de gratuité des transports pour les étudiants. Une telle mesure favoriserait sans doute une discrimination des étudiants des établissements hors de la région urbaine de Dakar ; ce qui opposerait l’objectif visé par ce projet de loi notamment la réduction des inégalités et la promotion de l’inclusion sociale. Elle pourrait également rendre plus attractives les universités et écoles de formation de Dakar, au détriment des autres universités du pays. Cela entraînerait sans doute une surpopulation à l’université de Dakar, alors même que l’ambition de la désengorger est déjà manifestée par la création de nouvelles universités dans les autres régions du Sénégal. Ce projet de loi semble donc aller à contre-courant de la politique universitaire nationale.
Les défis réels de l’enseignement supérieur pour le mieux-être de l’étudiant sénégalais
Face à l’augmentation continue du nombre d’étudiants dans les universités sénégalaises, les défis réels pour une meilleure performance des étudiants tournent autour des points suivants. Il s’agit, en premier lieu, de l’augmentation des capacités d’accueil par la réalisation de nouveaux logements, de nouveaux restaurants, d’un élargissement des services médicaux, ainsi que d’une augmentation des infrastructures et équipements pédagogiques en réponse à l’explosion de la population des étudiants. En deuxième lieu, il est impératif de respecter les engagements relatifs au délai de paiement des bourses des étudiants. En effet, le retard du paiement des bourses constitue la principale source des grèves étudiantes. En troisième et dernier lieu, il faut une normalisation et une harmonisation du calendrier académique, ainsi qu’un renforcement du personnel enseignant et administratif.
En somme, les meilleures réponses aux défis de l’amélioration des conditions sociales des étudiants sont exclusivement internes à l’université et ne se trouve pas dans la gratuité des tickets du TER, du BRT et de la société DDD. Toutefois, une réduction des tarifs de ces infrastructures innovantes pour les étudiants pourrait améliorer leurs conditions de déplacement d’une partie d’entre eux quittant la banlieue quotidiennement.
Hamat Seck est géographe.