ÉCHEC ET MAT POUR LES DROITS DE DOUANE DE TRUMP
La justice fédérale vient de suspendre les droits de douane "réciproques" imposés en avril dernier. Cette victoire des milieux économiques chamboule les négociations internationales et remet en cause les pouvoirs présidentiels en matière commerciale

(SenePlus) - Un revers juridique majeur vient de frapper l'administration Trump. Mercredi 28 mai, la justice fédérale américaine a suspendu les droits de douane imposés par le président lors de son "jour de la libération" du 2 avril, remettant en cause sa stratégie commerciale agressive et ses pouvoirs présidentiels.
Le Tribunal du commerce international de New York, saisi par cinq entreprises et douze États fédérés menés par l'Oregon, a estimé que Donald Trump avait outrepassé ses prérogatives. Les trois juges ont annulé "les droits de douane contestés" qui frappaient l'ensemble de la planète d'un minimum de 10%, ainsi que les taxes spécifiques imposées au Canada et au Mexique (25%) et à la Chine (20%).
La décision judiciaire s'appuie sur l'International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) de 1977, que Trump avait invoqué pour justifier ses mesures. Selon Le Monde, "le tribunal n'interprète pas l'IEEPA comme conférant une telle autorité illimitée et annule les droits de douane contestés imposés en vertu de celle-ci."
Ces droits de douane, imposés lors du "jour de la libération" du 2 avril "Jour de la libération", visaient trois objectifs selon l'administration Trump : rééquilibrer la balance commerciale américaine, lutter contre le trafic de fentanyl et créer un effet de levier dans les négociations internationales.
Une victoire pour l'opposition et les milieux économiques
La réaction de l'entourage présidentiel a été immédiate et virulente. Stephen Miller, conseiller de Trump, s'est indigné : "Le coup d'État judiciaire est hors de contrôle", tandis qu'un porte-parole de la Maison Blanche, Kush Desai, a déclaré : "Il n'appartient pas à des juges non élus de décider de la meilleure façon de gérer une urgence nationale."
Paradoxalement, l'un des trois juges du panel avait été nommé par Ronald Reagan, et un autre par Trump lui-même, ce qui n'a pas empêché l'administration de crier au "coup d'État judiciaire".
Les marchés financiers ont salué cette décision avec enthousiasme. "Wall Street fêtait la nouvelle", rapporte Le Monde, avec des hausses de 1,6% pour le S&P 500 et de 2% pour le Nasdaq mercredi soir.
Les démocrates ont applaudi cette décision historique. Le sénateur de l'Oregon Ron Wyden a déclaré : "J'ai affirmé, dès le départ, que la déclaration de Donald Trump selon laquelle il pourrait simplement décréter de nouvelles taxes exorbitantes sur les produits importés requérait une déconstruction de la Constitution au point de la rendre méconnaissable."
La procureure générale de New York, Letitia James, y voit "une victoire majeure pour les familles de travailleurs, les entreprises et l'État de droit. Le président ne peut ignorer la Constitution et imposer des hausses d'impôts massives au peuple américain."
Les arguments juridiques du tribunal
Le tribunal a développé trois arguments principaux pour justifier sa décision. D'abord sur la séparation des pouvoirs : "Une délégation illimitée de l'autorité tarifaire constituerait une abdication abusive du pouvoir législatif au profit d'une autre branche du gouvernement", ont écrit les juges selon Le Monde.
Ensuite, ils ont récusé l'interprétation extensive de la loi IEEPA par l'administration Trump. "La Cour interprète l'expression 'réglementer les importations' comme l'octroi d'une autorité plus limitée afin de préserver 'l'exercice séparé et distinct des différents pouvoirs du gouvernement', essentiel à la préservation de la liberté."
Enfin, le tribunal a rejeté l'argument de l'urgence nationale invoqué pour justifier ces mesures exceptionnelles. "Les droits de douane mondiaux et de rétorsion ne respectent pas les limitations imposées par le Congrès au pouvoir du président de réagir aux déficits de la balance des paiements", ont tranché les magistrats.
Cette décision "chamboule les négociations en cours avec plusieurs pays, comme le Japon, le Vietnam ou l'Union européenne et elle ruine la tactique de menaces infligées puis retirées par Donald Trump", analyse Le Monde. Le représentant américain au commerce, Jamieson Greer, avait d'ailleurs averti qu'une décision de justice contre l'administration pourrait entraver les efforts de négociation.
L'administration Trump a immédiatement interjeté appel, ouvrant la voie à une bataille juridique qui pourrait remonter jusqu'à la Cour suprême. Le tribunal a donné dix jours au gouvernement pour suspendre ses droits de douane, selon le New York Times.
Cette décision ne concerne pas tous les droits de douane imposés par l'administration Trump, mais uniquement ceux relevant de l'IEEPA. Les taxes sur l'acier, l'aluminium et les automobiles, édictées sous d'autres autorités juridiques, restent en vigueur.
Il s'agit néanmoins d'un "tremblement de terre" politique et économique, selon Le Monde, qui rappelle que "le président agissait manifestement hors du cadre juridique américain" avec ces mesures d'urgence.