L'IMPÔT NE SUFFIT PAS AU DÉVELOPPEMENT
Alors que le gouvernement mise sur l'augmentation des recettes fiscales, l'économiste Ndongo Samba Sylla tire la sonnette d'alarme. Sans souveraineté monétaire, le Sénégal restera prisonnier d'une "économie coloniale"

Pour l'économiste Ndongo Samba Sylla, la souveraineté monétaire est consubstantielle au développement du SénégalInvité au Débat de fond sur la 2Stv, le chercheur rappelle que l'impôt et les taxes ne peuvent pas financer le développement de l'État.
Le Premier ministre Ousmane Sonko, lors de sa Déclaration de Politique Générale (DPG) prononcée le 27 décembre 2024, a fixé pour objectif de porter le taux de pression fiscale à 20%, contre moins de 18% actuellement. « Nous enregistrons un taux de pression fiscale légèrement inférieur à 18%, ce qui reste en deçà du critère de convergence de 20% fixé par l'UEMOA. Notre engagement est d'atteindre ce seuil et de le maintenir durablement », avait fait savoir le chef du gouvernement.
Mais pour Dr Ndongo Samba Sylla, les taxes et l'impôt sont insuffisants pour le développement d'un pays. « L'impôt et les taxes ne peuvent pas financer le développement de l'État », note l'économiste. À l'en croire, ils ont des fonctions essentielles. Mais, insiste-t-il, ils ne peuvent pas financer le développement de l'État.
Connu pour son militantisme en faveur de la souveraineté monétaire, il trouve que cette souveraineté monétaire est un pilier indispensable et nécessaire. « On ne contrôle pas notre économie. Nous avons toujours une économie coloniale. Pourquoi ? Parce que pour se séparer de la Banque mondiale et du FMI, il est indispensable d'avoir une souveraineté monétaire », explique l'auteur de L'arme invisible de la Françafrique, Une histoire du franc CFA non sans signaler que la monnaie est un instrument de souveraineté avant d'être un instrument d'échange.
Avec sa propre monnaie, d'après Dr Sylla, le Sénégal n'aura plus de contrainte financière. « Mais sans sa monnaie, le Sénégal va tourner en rond et ne va jamais se développer », alerte-t-il. De son avis, l'agenda de transformation du nouveau régime a une ambition souverainiste. « Mais sans la souveraineté monétaire, l'État ne peut avoir les moyens de son ambition », se désole-t-il.
Dans le même ordre d'idées, l'économiste estime que l'État doit avoir un secteur privé fort. « Mais notre secteur privé est trop faible parce qu'un secteur privé en pleine capacité crée le plein emploi. Mais notre secteur privé national, même s'il fonctionne en pleine capacité dans les conditions actuelles, ne peut empêcher le chômage », fulmine-t-il.
S'exprimant en outre sur les actions de l'État en matière de transparence, Ndongo Samba Sylla pense que la démarche de l'État est salutaire. « La transparence est nécessaire », renchérit-il. Néanmoins, il pense que le déficit est nécessaire pour un État qui veut se développer. « L'essentiel est que cet argent serve à la transformation du pays comme le plein emploi, la protection sociale. Il faut regarder le déficit à travers ce prisme mais pas à travers la lorgnette de critères arbitraires et sans fondement économique », renseigne le chercheur.
« Le secteur informel n'est pas une anomalie »
Interpellé aussi sur le secteur informel, Dr Ndongo Samba Sylla déclare que ce secteur n'est pas une anomalie. « On veut nous faire croire que le secteur moderne est la norme et que le secteur informel est une anomalie. Cependant, force est de constater que notre réalité économique est en phase avec le secteur informel », analyse-t-il. Soulignant dans la foulée que le défi, c'est juste de transformer qualitativement le secteur informel.