QUAND LES MUSCLES DE BALLA GAYE 2 ET DE TYSON CHASSAIENT LES TABLES DE MULTIPLICATION DES CAHIERS !
Ecole : les cahiers et sacs aux effigies de Mame Boye Diao et Néné Fatoumata Tall font désordre

Lors de la rentrée des classes, le candidat à la mairie de Kolda, le directeur général des Domaines, Mame Boye Diao, a offert des cahiers à son effigie aux potaches de cette ville du Fouladou. Tandis que Mme Néné Fatoumata Tall, ministre de la Jeunesse et candidate à la mairie de Golf-Sud (Guédiawaye), elle, a distribué des cartables avec sa frimousse aux élèves de sa commune. Ces images de propagande politique en milieu scolaire ont déclenché une véritable levée de boucliers de la part des acteurs de l’éducation. Cette « tragédie » pédagogique rappelle au « Témoin » celle perpétrée en 2013 par la défunte Sips (Société industrielle de papeterie au Sénégal) qui avait produit et commercialisé des cahiers à l’effigie des lutteurs comme Balla Gaye 2, Yékini, Mohamed Ndao Tyson etc. Devant la levée de boucliers, les cahiers avaient été retirés de la vente !
A quelques mois des élections locales, les supports de propagande politique se sont invités en milieu scolaire. Et deux politiciens se sont illustrés d’une bien triste manière dans ce registre. Il s’agit du candidat à la mairie de Kolda, Mame Boye Diao, qui a offert des cahiers à son effigie aux élèves de sa ville. Des photos qui barrent la couverture des fournitures scolaires que l’actuel directeur des Domaines a distribuées aux pauvres écoliers de sa commune. C’était lors de la rentrée des classes. Mme Néné Fatoumata Tall, ministre de la Jeunesse, elle aussi, a profité de la misère des élèves de Golf-Sud (Guédiawaye) pour les doter de cartables à son effigie. La transformation de ces fournitures scolaires en supports de propagande politique a suscité une vague de réactions hostiles de la part des acteurs de l’éducation. Parents d’élèves, enseignants, syndicalistes et inspecteurs de l’enseignement ont tous dénoncé et condamné ce que « Le Témoin » qualifie de crime éducatif. Par exemple, Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil, et Mouhamadou Ngouda Mboup enseignant-chercheur en droit public ont tous déploré ces « meetings » politiques en milieu scolaire. « D’ailleurs, le préfet de Kolda doit inviter Mame Boye Diao à retirer ses cahiers de propagande et interdire leur utilisation par les élèves au sein des établissements publics scolaires » a exigé l’universitaire en sa double qualité d’enseignant et de parent d’élèves.
Cette levée de boucliers nous rappelle celle provoquée par « Le Témoin », alors hebdomadaire, lorsque nous dénoncions, en octobre 2013 la défunte Société industrielle de papeterie au Sénégal (Sips) pour avoir produit et commercialisé des cahiers scolaires à l’effigie des lutteurs comme Balla Gaye 2, Yékini, Mohamed Ndao Tyson et autres. Certes, à l’époque, nous n’avions rien contre l’arène sénégalaise, la lutte étant subitement devenue un véritable phénomène de société à la faveur notamment de l’engouement des sponsors qui y avaient injecté beaucoup d’argent et aussi de promoteurs très doués en matière de business. Seulement voilà, aux yeux de nombreux acteurs de l’éducation — et des journalistes du « Témoin » ! — distribuer des cahiers avec des effigies de « mbeurs » à des élèves ne pouvait que les crétiniser ! Et, surtout, à les dévier des chemins de l’école pour ceux des arènes. Comme le faisaient valoir à l’époque les acteurs de l’éducation, quand les fabricants de cahiers scolaires comme la Sips s’invitaient dans les écoles à travers la confection de manuels à l’effigie de lutteurs, cela pouvait mettre en danger le fragile équilibre mental des jeunes écoliers. Lesquels, rappelons-le, risquaient d’abandonner cahiers et livres pour aller soulever des poids et des haltères, histoire de se muscler et de devenir des lutteurs. D’où la révolte sonnée par certains enseignants et parents d’élèves contre ces cahiers faisant la publicité des personnages de lutte dont les photos barraient la couverture des cahiers d’écoliers.
Bref, nos braves lutteurs avaient fini par chasser les cartes géographiques et autres « tables de multiplication » des pages de couverture des cahiers. Contrairement à l’époque des années Senghor et Abdou Diouf où les figures emblématiques de l’histoire du Sénégal comme « El Hadji Oumar Tall », « Lat Dior », « Le Cheval Malaw », « Les rizières de la Casamance », « La Place de l’Indépendance », « L’Armée Sénégalaise » etc ornaient les belles couvertures de nos manuels scolaires. Mieux cette célèbre page dite « table des multiplications » considérée comme étant un instrument de calcul ou de mesure pédagogique a eu à occuper, de tout temps et sur plusieurs générations, la dernière page de tous les cahiers d’écolier. Et toutes marques confondues !
Le mea-culpa de la Sips en 2013
Au lendemain de la publication de notre article condamnant ces cahiers faisant la promotion de lutteurs, des directeurs d’établissements privés avaient déconseillé les parents d’élèves d’acheter ces cahiers aux personnages « anti-modèles ». Et plus tard, « Le Témoin » avait appris que le ministre de l’Education d’alors avait fait sommer la direction de la Sips d’arrêter la production de ces cahiers déjà écoulés dans le marché. Interpellée par « Le Témoin » à l’époque, Mme Marie-Jo Badiane, responsable commerciale de la Sips, déclarait ceci : « Effectivement, on reconnaît avoir fait des photos de lutteurs sur nos différents produits. Mais c’était dans un autre contexte c’est-à-dire l’avènement de Mohamed Ndao « Tyson » dans l’arène sénégalaise. On avait fait « Tyson », « Yékini » et « Balla Gaye 2 » recadrait-elle avant de reconnaitre son erreur de marketing « C’est fini, on a arrêté la production ! La Sips ne fait plus des photos de lutteurs sur ses produits…» rassurait Mme Badiane, responsable commerciale de la Sips dans nos colonnes en 2013. Si les responsables commerciaux et marketing de la Sips avaient tourné cette sombre… page de couverture montrant les « stars » de la lutte sénégalaise, c’est parce qu’ils s’étaient rendu compte que cette stratégie commerciale consistant à attirer les élèves en leur faisant miroiter les photos de « Modou Lo », « Yékini » ou « Balla Gaye 2 » ne profitait pas au système éducatif. Souhaitons que Mame Boye Diao et Mme Néné Fatoumata Tall fassent, eux-aussi, leur mea-culpa. Ou soient contraints de le faire !