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5 août 2025
VIDEO
LE SHOW ACCUSATEUR DE TRUMP FACE AU PRÉSIDENT SUD-AFRICAIN
Mercredi, Donald Trump a éteint les lumières du bureau Ovale pour projeter des vidéos accusatrices devant Cyril Ramaphosa. Objectif : lui prouver l'existence d'un prétendu "génocide" d'agriculteurs blancs en Afrique du Sud. Une confrontation gênante
(SenePlus) - Dans une scène aussi inhabituelle que gênante, Donald Trump a transformé mercredi le bureau Ovale en salle de projection pour confronter le président sud-africain Cyril Ramaphosa à ses accusations de "génocide" d'agriculteurs blancs. Cette rencontre diplomatique atypique, retransmise en direct sur le site de la Maison Blanche, illustre l'escalade des tensions entre Washington et Pretoria sur la question raciale sud-africaine.
L'ambiance détendue du bureau Ovale a brutalement basculé lorsque Donald Trump a demandé d'éteindre les lumières pour diffuser des vidéos sur écran. Selon Le Monde, le président américain a montré à son homologue sud-africain des images censées étayer ses accusations de persécutions contre la minorité blanche du pays.
Parmi les vidéos diffusées figurait un extrait de Julius Malema, leader du parti d'opposition de gauche radicale Economic Freedom Fighters (EFF), entonnant "Kill the Boer", un chant hérité de la lutte anti-apartheid. Ce slogan controversé vise les agriculteurs descendants des premiers colons européens et fait l'objet de vives critiques en Afrique du Sud, notamment de la part de l'Alliance démocratique, membre de la coalition au pouvoir.
"Ils sont tués", a commenté Trump devant une autre vidéo montrant, selon ses dires, des dizaines de voitures transportant des "familles entières" d'agriculteurs blancs fuyant leurs terres, rapporte Le Monde. Le président américain a ensuite brandi des copies d'articles de presse relatant des meurtres de citoyens sud-africains blancs, répétant "Mort, mort" en passant d'une feuille à l'autre.
Ramaphosa tente la résistance diplomatique
Face à cette offensive médiatique, Cyril Ramaphosa a tenté de maintenir sa dignité présidentielle. "Non, non, non, non, personne ne peut prendre de terres", a-t-il rétorqué quand Trump l'a accusé d'autoriser des expropriations d'agriculteurs blancs, selon Le Monde.
Le président sud-africain, resté "globalement impassible durant la diffusion de cette vidéo", a déclaré n'avoir jamais vu de telles images auparavant, demandant des précisions sur le lieu exact du tournage. Tentant à plusieurs reprises de prendre la parole, il a même sollicité de pouvoir aborder le sujet "calmement".
Dans un appel à l'apaisement, Ramaphosa a invoqué l'héritage de Nelson Mandela : "Nelson Mandela nous a appris qu'en cas de problème, les gens doivent s'asseoir autour d'une table et en parler", rapporte Le Monde.
La présence d'Elon Musk dans le bureau Ovale n'est pas anodine. Le milliardaire, né en Afrique du Sud et proche conseiller de Trump, est décrit par Le Monde comme "un chantre très actif des accusations de 'lois racistes' qui viseraient la minorité blanche dans son pays natal". Cette influence pourrait expliquer l'acharnement de l'administration Trump sur ce dossier.
Les relations entre les deux pays se sont considérablement dégradées depuis le retour de Trump au pouvoir en janvier. Washington a officiellement accueilli la semaine dernière 49 Afrikaners reconnus comme "réfugiés", une initiative très mal reçue par Pretoria. Trump a également menacé de boycotter le premier sommet du G20 sur le continent africain prévu en novembre à Johannesburg et a fait expulser l'ambassadeur sud-africain en mars.
Au-delà de la polémique, des enjeux économiques majeurs
Malgré cette confrontation publique, Ramaphosa a déclaré à la presse en quittant la Maison Blanche que sa rencontre avec Trump s'était "très bien" passée. Il a même réitéré son invitation au président américain pour le G20 de Johannesburg : "J'espère qu'il viendra en Afrique du Sud", selon Le Monde.
Cette volonté d'apaisement s'explique par les enjeux économiques considérables. Les États-Unis constituent le deuxième partenaire commercial de l'Afrique du Sud derrière la Chine. Selon le porte-parole de la présidence sud-africaine Vincent Magwenya, cité par Le Monde, Pretoria cherche en priorité à "maintenir ses relations commerciales avec les États-Unis face aux droits de douane, afin notamment de protéger ses exportations".
Pour donner des gages à son interlocuteur, Ramaphosa était accompagné de deux champions de golf afrikaners, Ernie Els et Retief Goosen, ainsi que de Johann Rupert, l'homme d'affaires le plus riche d'Afrique du Sud, tous trois issus de la communauté blanche.
Cette composition de délégation illustre la volonté sud-africaine de rassurer Washington sur le sort de la minorité blanche, qui ne représente que 7,3% de la population mais possède encore la majorité des terres agricoles selon les statistiques officielles citées par Le Monde.
Au-delà de cette polémique raciale, les tensions sont également alimentées par la plainte de l'Afrique du Sud contre Israël pour génocide devant la Cour internationale de justice, une initiative qui exaspère l'administration Trump. Cette rencontre diplomatique sous tension révèle ainsi les multiples fractures entre les deux pays, mêlant questions raciales, géopolitiques et économiques dans un cocktail explosif qui complique considérablement les relations bilatérales.
LE COMMUNIQUÉ DU CONSEIL DES MINISTRES DU MERCREDI 21 MAI 2025
Le chef de l'Etat a demandé au Premier Ministre de veiller à une bonne préparation du débat d’orientation budgétaire, notamment la finalisation concertée du document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle.
Le Chef de l’Etat, Son Excellence, Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar FAYE a présidé, ce mercredi 21 mai 2025, la réunion hebdomadaire du Conseil des Ministres, au Palais de la République.
A l’entame de sa communication, le Président de la République a lancé un vibrant appel à tous les acteurs politiques et à l’ensemble des forces vives de la Nation pour une participation inclusive et un succès du dialogue national consacré au Système politique dont il présidera la cérémonie d’ouverture le 28 mai 2025. Il a demandé au Ministre de l’Intérieur, en relation avec son cabinet et le Facilitateur général, de veiller à l’invitation des représentants de toutes les parties prenantes (partis politiques, société civile, centrales syndicales, organisations d’employeurs, notabilités religieuses et coutumières, organisations de jeunes et de femmes…) et à la bonne organisation des travaux.
Le Chef de l’Etat a évoqué le rôle fondamental que la diaspora sénégalaise doit jouer dans la mise en œuvre de l’Agenda national de Transformation. Il a adressé ses chaleureuses félicitations aux Sénégalais de l’extérieur pour leur contribution significative à la vie politique, économique et sociale, ainsi qu’au rayonnement culturel de notre pays.
Il a demandé au Gouvernement d’accorder une attention particulière aux doléances administratives (délivrance des cartes nationales d’identité, de passeports et autres documents consulaires et sociales, paiements des pensions, assistance et suivi de leurs droits sociaux) ainsi qu’aux suggestions et propositions des Sénégalais de l’extérieur. Il a invité le Ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères et le Secrétaire d’Etat aux Sénégalais de l’extérieur à prendre toutes les dispositions afin d’assurer un service de proximité à nos compatriotes vivant à l’étranger par une mobilisation soutenue de nos missions diplomatiques et consulaires.
Le Président de la République a, par ailleurs, demandé au Gouvernement de valoriser davantage les compétences, l’expertise et le savoir-faire multisectoriels des Sénégalais de l’extérieur et d’accompagner leurs projets et investissements en cohérence avec les priorités de l’Agenda national de Transformation.
C’est tout le sens de la montée en puissance de la plateforme numérique Tabax Sénégal (www.tabaxsenegal.sn) qu’il convient de mieux vulgariser auprès de nos compatriotes établis à l’étranger.
Dans cette dynamique, il a engagé le Premier Ministre à restructurer, pour plus d’efficacité, les dispositifs d’orientation, d’encadrement, d’accompagnement et de financement des projets et activités économiques des Sénégalais de l’extérieur, notamment le Fonds d’Appui aux Sénégalais de l’Extérieur (FAISE). Au regard de l’importance primordiale qu’il accorde à nos compatriotes vivant à l’étranger, il a demandé au Gouvernement de prendre les dispositions appropriées en vue d’assurer l’organisation, en décembre 2025, à Dakar, de la première édition de la Journée nationale de la Diaspora. Cette grande rencontre nationale sera l’occasion de valoriser et de capitaliser toutes les initiatives de la Diaspora dans la consolidation d’un Sénégal souverain, juste, prospère et arrimé aux valeurs fortes de solidarité, d’inclusion et d’unité nationale.
Le Chef de l’Etat a insisté sur l’importance qu’il accorde à la préparation du prochain débat d’orientation budgétaire prévu à l’Assemblée nationale avant fin juin 2025. Ce rendez-vous devant la représentation nationale doit être l’occasion pour le Gouvernement de présenter la nouvelle stratégie économique, budgétaire et financière de l’Etat, mais également d’accélérer la mise en œuvre des réformes et programmes visant la transformation soutenue du pays dans tous les secteurs.
Il a demandé au Premier Ministre de veiller, en relation avec le Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération et le Ministre des Finances et du Budget, à une bonne préparation du débat d’orientation budgétaire, notamment la finalisation concertée du document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle, marquant une étape fondamentale dans la consolidation de la transparence dans la gestion des finances publiques. Par ailleurs, il a indiqué au Premier Ministre la nécessité de veiller à la supervision des activités liées au forum « Invest in Sénégal » prévu les 07 et 08 octobre 2025 en cohérence avec notre stratégie de coopération internationale et de promotion de partenariats gagnant-gagnant.
Le Président de la République a évoqué la question du repositionnement stratégique de la filière anacarde dans l’économie nationale, particulièrement dans la région naturelle de Casamance où la commercialisation des récoltes d’anacarde constitue une activité économique majeure. Il a demandé au Gouvernement, au Ministre en charge du Commerce notamment, de prendre toutes les dispositions administratives, logistiques et sécuritaires en vue du bon déroulement de cette campagne. Il a aussi rappelé au Gouvernement l’impératif de renforcer les initiatives privées de transformation locale de la production d’anacarde afin de repositionner cette filière dans la stratégie nationale d’industrialisation.
Enfin, au titre de son agenda diplomatique, le Chef de l’Etat a informé le Conseil qu’il visitera, le jeudi 22 mai 2025, avec son homologue de la République islamique de Mauritanie, la plateforme Grand tortue Ahmeyim (GTA).
Dans sa communication, Monsieur le Premier Ministre a rappelé le statut d’événement religieux d’importance nationale que revêt la fête de la Tabaski. C’est à ce titre qu’un Conseil interministériel a été consacré à sa préparation et à l’issue duquel des directives ont été formulées pour garantir des conditions optimales d’approvisionnement du marché national en moutons.
Auparavant, par une lettre-circulaire adressée aux membres concernés du Gouvernement, Monsieur le Premier Ministre, avait pris des mesures relatives à l’assouplissement du contrôle des camions et véhicules transportant des moutons, à l’exonération des droits et taxes et à l’autorisation de la présence, à bord de chaque camion, de trois (03) bergers commis à la surveillance des animaux transportés, au renforcement de la sécurité publique et de la sécurité sanitaire sur l’ensemble des points de vente et le long du circuit de commerce de moutons.
Le Premier Ministre, après s’être réjoui de la bonne application de ses directives, a invité les Ministres chargés des Forces armées, de la Sécurité publique, des Finances et des Collectivités territoriales à s’assurer d’une application conforme et en tous lieux du territoire national, des prescriptions gouvernementales.
Le Premier Ministre a indiqué qu’à la date du 18 mai 2025, le marché des moutons présente un nombre de 406 592, pour un objectif national de 830 000 têtes de bétail, soit un taux de 48,99% à trois semaines de la fête. La situation est également satisfaisante sur l’aménagement fonctionnel des points de vente, avec un objectif de 278 points officiels fixés par les Gouverneurs de Région. Il a souligné les tendances actuelles favorables des marchés de l’oignon et de la pomme de terre.
En définitive, le Premier Ministre a demandé aux Ministres de veiller, jusqu’au terme fixé, à l’effectivité de toutes les mesures arrêtées. Sur le registre de la Solidarité nationale, le Premier Ministre suit, avec beaucoup d’attention, le déploiement des instruments publics d’assistance aux groupes vulnérables, pour leur permettre de pouvoir fêter la Tabaski dans la dignité.
Le Premier Ministre a rendu compte de sa visite d’amitié et de travail au Burkina Faso sur invitation de son homologue burkinabé le Premier Ministre Rimtalba Jean Emmanuel OUEDRAOGO. A cette occasion, il a été reçu par le Président Ibrahim TRAORE à qui il a transmis un message de fraternité de son homologue sénégalais, le Président Bassirou Diomaye Diakhar FAYE. Il a également participé à la cérémonie d’inauguration du mausolée du Président Thomas SANKARA, figure emblématique du panafricanisme. Le Premier Ministre a enfin remercié le peuple burkinabé pour l’accueil chaleureux qui lui a été réservé.
AU TITRE DES COMMUNICATIONS DES MINISTRES :
– le Ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires a fait une communication sur le bilan à mi-parcours des concertations sur le déploiement des pôles territoires.
AU TITRE DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES,
Le Conseil a examiné et adopté :
– le Projet de décret portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Institut national du Pétrole et du Gaz (INPG) ;
– le Projet de décret portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil national des Transports aériens (CNTA).
AU TITRES DES MESURES INDIVIDUELLES,
le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Au titre du Ministère des Finances et du Budget :
– Monsieur Abdou Karim SOCK, Planificateur, matricule n°616 020/M, est nommé Directeur du Contrôle budgétaire, en remplacement de Monsieur Bakar FAYE, admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite ;
– Monsieur El Hadji Amadou COULIBALY, Administrateur civil principal, matricule n°603 929/G, est nommé Directeur du Matériel et du Transit administratif, en remplacement de Monsieur Amadou Tidiane FALL appelé à d’autres fonctions ;
– Madame Stéphanie Ange Pélagie DIOUF, Administrateur civil, matricule de solde n°661 349/G est nommée Directeur des Pensions, en remplacement de Monsieur Abou AW appelé à d’autres fonctions ;
– Monsieur Abou AW, Conseiller en Planification, matricule n°516 574/H, est nommé Directeur de la Solde, en remplacement de Madame Stéphanie Ange Pélagie DIOUF, appelée à d’autres fonctions.
Au titre du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture :
– Monsieur Hugues Diaz, Conseiller aux affaires culturelles, matricule n° 515165/I, est nommé Directeur des Arts, en remplacement de Madame Khoudia Diagne ;
– Monsieur Ibrahima Barry, titulaire d’un Master en développement, Spécialité Gestion des Industries culturelles, matricule n° 662022/B est nommé Secrétaire général du Grand-Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose, en remplacement de Madame Fatou Gueye Sidibé Diallo ;
– Madame Oumy Diakhaté, Professeure de lettres, matricule n° 610 904/H est nommée Directrice générale de la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano, en remplacement de Monsieur Ousmane Barro Dione.
Le Ministre de la Formation professionnelle et technique,
Porte-parole du Gouvernement
Amadou Moustapha Njekk SARRE
LA GUERRE D'IMAGE DE MACKY SALL DEPUIS MARRAKECH
Entre think tanks prestigieux et conférences climatiques, l'ancien chef d'État cultive son statut de défenseur de l'Afrique, s'appuyant sur un réseau de communicants français pour contrer les attaques du nouveau régime
(SenePlus) - Plus d'un an après avoir quitté le pouvoir, l'ancien président Macky Sall mène une existence que beaucoup d'anciens dirigeants africains pourraient lui envier. Installé à Marrakech, il multiplie les voyages, conférences et responsabilités internationales, cultivant son image de défenseur de l'Afrique sur la scène mondiale. Mais cette hyperactivité diplomatique irrite profondément les nouvelles autorités sénégalaises, qui n'hésitent pas à l'attaquer publiquement tout en faisant face aux conséquences de la dette cachée héritée de son mandat.
Comme le rapporte Jeune Afrique, Macky Sall enchaîne les rendez-vous prestigieux depuis son départ du pouvoir. Le 6 mai, il prenait la parole à Berlin lors du Global Solutions Summit aux côtés du ministre des Finances allemand Jörg Kukies et de la commissaire européenne à l'Environnement Jessika Roswal. En décembre 2024, c'était Riyad qui l'accueillait pour la Saudi and Middle East Green Initiative, où il a développé ses positions sur l'adaptation climatique, devenu l'un de ses sujets de prédilection.
Son influence s'étend également aux think tanks internationaux. En février, il intégrait le Conseil consultatif international de l'Atlantic Council, prestigieux cercle de réflexion américain spécialisé dans les relations internationales. Ce même mois, il siégeait au jury du Prix Zayed pour la fraternité humaine à Abu Dhabi, avant de prendre en avril la tête du Centre mondial pour l'adaptation climatique basé à Rotterdam, succédant à l'ancien secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon.
Cette reconnaissance internationale s'appuie sur des années de construction d'une légitimité diplomatique, comme l'explique Abdou Karim Fofana, son ancien ministre du Commerce, cité par JA : « Ce qui fait son succès à l'international, c'est l'équilibre qu'il a dans ses positions, mais aussi la qualité de ses interventions. Sur les dix dernières années, Macky Sall s'est construit une légitimité naturelle sur des questions internationales comme la réforme de la gouvernance du Conseil de sécurité pour laquelle il a plaidé, le financement du développement ou la justice climatique. Son action a par ailleurs permis une avancée réelle en faveur de l'Afrique, notamment l'attribution d'un siège pour le continent au G20. »
Un activisme qui exaspère Dakar
Cette exposition internationale contraste brutalement avec l'accueil que lui réservent les nouvelles autorités sénégalaises. Le président Bassirou Diomaye Faye ne cache pas son agacement, déclarant lors d'un entretien télévisé le 4 avril : « Il mène ses activités. Cela n'empêche pas le Sénégal d'avancer. Même si je sais qu'il fait des choses en sourdine. »
Les attaques sont encore plus virulentes du côté du porte-parole du gouvernement Moustapha Ndjekk Sarré, qui n'hésite pas à franchir la ligne rouge. Toujours selon Jeune Afrique, ce dernier a déclaré qu'il était « inévitable » que Macky Sall finisse par faire « face à la justice », ajoutant : « Il est le premier responsable d'actes extrêmement graves. On peut même le considérer comme le chef de gang qui a commis des actes criminels. Des poursuites judiciaires ne sauraient être évitées. »
Sa nomination au conseil de la Fondation Mo Ibrahim en avril a particulièrement irrité le pouvoir en place. L'ancienne Première ministre Aminata Touré, désormais haute représentante du président Faye, a dénoncé ce choix avec véhémence, estimant que « la Fondation Mo Ibrahim ne connaît absolument rien de la situation de la gouvernance sous Macky Sall, ce qui serait une faute grave dans son processus de "due diligence" et de vérification préalable. Ou alors, tristement, il s'agit du fameux service-camarade entre riches qui porte sérieusement atteinte à la crédibilité de l'indice de bonne gouvernance Mo Ibrahim. »
Une guerre de communication orchestrée depuis la France
Face à ces attaques répétées, plusieurs communicants français ont pris fait et cause pour l'ancien président, selon Jeune Afrique. Erwan Davoux, président de LMD Conseil et membre des Républicains, défend régulièrement Macky Sall dans les médias français. Le 21 mars, il publiait une tribune dans Marianne dénonçant « le désir de vengeance [des nouvelles autorités] à l'égard de l'ancien pouvoir », qualifiant le nouveau régime d'« autoritaire et liberticide ».
Contacté par Jeune Afrique, Erwan Davoux, qui connaît Macky Sall depuis 2010, justifie son engagement : « Il porte les intérêts de l'Afrique en n'ayant pas une approche idéologique et populiste qui serait clivante. C'est un homme de consensus qui a l'expérience du haut niveau et qui est en parfaite harmonie avec les principes et les valeurs des Nations unies. À mon avis, le Pastef commet une grosse erreur en lui cognant dessus. En faisant cela, c'est plutôt l'image du Sénégal à l'international qu'ils ternissent. »
Bernard Chaussegros, dirigeant du cabinet Smart Consulting, mène également une campagne de réhabilitation sur LinkedIn et dans les médias français. Selon Jeune Afrique, ce proche de Frédéric Lefebvre, ancien secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy, affirme : « La perception de l'ancien président sénégalais qu'essaie de donner le gouvernement en place n'est pas la bonne pour moi. Il y a des contre-vérités. Il a été l'un des rares présidents à dialoguer tant avec la Russie qu'avec l'Ukraine. Il a une stature internationale reconnue par ses pairs. »
Cette bataille d'image se déroule dans un contexte judiciaire tendu. Le 8 mai, l'Assemblée nationale, dominée par le Pastef, a adopté des résolutions renvoyant cinq anciens ministres de Macky Sall devant une cour spéciale, notamment pour des soupçons de détournements d'un fonds anti-Covid. Parmi eux figure Mansour Faye, beau-frère de l'ancien président.
Plus personnellement, son fils Amadou Sall fait l'objet d'une enquête pour soupçons de blanchiment d'argent. Ces poursuites s'inscrivent dans un contexte plus large de révélations sur la dette cachée du Sénégal, qui prive désormais le pays des programmes d'aide du Fonds monétaire international et complique la situation économique des nouvelles autorités.
En représailles à ces procédures, l'Alliance pour la République (APR), l'ancien parti présidentiel de Macky Sall, a décidé de boycotter le dialogue politique national organisé par le gouvernement et prévu pour s'ouvrir le 28 mai prochain.
Cette tension permanente entre l'ancien et le nouveau pouvoir illustre les difficultés du Sénégal à tourner la page de l'ère Macky Sall, tandis que ce dernier continue de cultiver son influence internationale depuis son exil doré marocain, espérant peut-être décrocher un jour un poste de premier plan dans une organisation internationale.
par Mohamed Gueye
MACKY SALL A EU 12 ANS AVANT L’USURE DU POUVOIR
Un an après l'arrivée de Pastef, les contradictions s'accumulent : suppression des machines à café dans l'administration et serrage de ceinture pour les fonctionnaires, mais missions à l'étranger en classe affaires et véhicules de luxe pour les élus
Un litre de carburant Super revient à 990 Cfa au Sénégal, et celui du gasoil à 775 francs. A Bamako, le même litre est passé de 800 à 775 Francs Cfa. A Ouagadougou, l’essence revient actuellement à 850 francs le litre, et le gasoile est à 675 francs Cfa. Le carburant du Mali, comme d’ailleurs tous les hydrocarbures raffinés destinés à ce pays enclavé, passe par le Port de Dakar, tandis que celui du Burkina arrive à travers la Côte d’Ivoire et le Togo. Ah ! A ce propos, à Abidjan, l’essence coûte 855 francs Cfa et le gasoil 700 Cfa.
Les automobilistes du Sénégal et d’autres usagers se posent encore la question de savoir pourquoi les prix de ces produits raffinés sont si chers chez nous, alors que, contrairement au Mali, au Burkina et au Niger, le Sénégal se targue de disposer d’une des plus anciennes raffineries de l’Afrique de l’Ouest, à côté de la Sir de Côte d’Ivoire. A l’international, le prix du carburant, tous produits confondus, est à la baisse, du fait d’une conjoncture internationale favorable. Quasiment tous les pays d’Afrique de l’Ouest ont été entraînés par ladite conjoncture internationale et ont baissé leurs prix. On peut parier que la majorité de ceux qui l’ont fait ne l’ont pas regretté. Exception des plus notables, le Sénégal du «Projet» porté par la Vision 2050 a décidé de maintenir les tarifs hérités du temps de Macky Sall, quand le contexte était à la guerre entre l’Ukraine et la Russie, qui a vu le prix du baril flamber. Dans ce pays, la taxation est particulièrement lourde sur les prix des produits pétroliers. Il y a plus de dix ans déjà, les pétroliers sénégalais se plaignaient de ce que la taxation pressurait les consommateurs et ne laissait quasiment pas de marge aux distributeurs. A ce jour, pas grand-chose n’a changé. Sur le litre payé à la pompe, les pétroliers assurent recevoir moins de 10% du prix, tandis que les caisses de l’Etat, à travers multiples taxes, encaissent l’essentiel. Cette situation a déjà fait l’objet de nombreuses analyses dans les médias sénégalais, depuis bien longtemps.
Pendant longtemps, les pouvoirs publics semblaient se mettre à l’écoute de leur opinion publique et s’arrangeaient, un tant soit peu, pour alléger les charges pesant sur les consommateurs du Sénégal. Bizarrement, dans ce régime qui s’est adjugé pour mission de créer un pays «souverain, juste et prospère», ce dernier terme de la profession de foi ne semble pas proche d’être réalisé, tant le confort relatif des citoyens commence à devenir un mirage. Le paradoxe est qu’aujourd’hui, le Sénégal se targue d’être devenu un pays producteur de gaz et de pétrole. Si l’on peut comprendre que l’Etat et ses partenaires veulent d’abord sécuriser leur retour sur investissement afin de pouvoir dégager des marges, on serait tout de même en droit de demander à ne pas payer plus cher notre combustible que les voisins moins bien nantis. Surtout que quand un pays a pour ambition d’enrichir ses citoyens, il ne met pas en œuvre des conditions pour les appauvrir encore plus.
Des voix commencent déjà à s’élever dans les couloirs du régime pour rappeler les exigences des partenaires financiers étrangers, en première ligne desquels se trouve le Fonds monétaire international (Fmi), qui ne cessent de demander à l’Etat une réduction de son train de vie, ainsi que la suppression de certaines subventions dont celles sur l’énergie est la plus symbolique, tellement elle est devenue récurrente depuis une vingtaine d’années. Ce serait vraiment le monde à l’envers que le régime dictatorial et antipopulaire du sanguinaire Macky Sall, dont les mains sont tachées du sang de 80 martyrs sénégalais, soit celui qui a le plus résisté face aux oukases de ses maîtres étrangers, et que le régime populaire le mieux élu de l’histoire du Sénégal puisse se plier à ces exigences indignes. Et il ne s’agit pas que de la seule question qui puisse choquer.
Ayant trouvé un pays au quatrième sous-sol de son niveau de développement, le pouvoir patriotique a demandé à tous les citoyens de se serrer la ceinture, au propre comme au figuré. Les fonctionnaires voient leurs avantages rognés -sauf, comme par hasard, ceux des services fiscaux de l’Etat-, des employés des secteurs public et parapublic se retrouvent au placard s’ils ont de la chance, quand ils ne sont pas radiés des services pour divers motifs. Le tout, dans l’optique de faire faire des économies. On a même vu notre Premier ministre faire la leçon à des agents de l’Administration sur l’efficacité énergétique dans les bâtiments de l’Etat. Les recommandations sont allées jusqu’à la suppression des machines à café dans certains bureaux. Une manière de souligner que même des économies de bout de chandelle sont bonnes à prendre.
Au moment où ces sacrifices sont demandés au commun des fonctionnaires, des directeurs se disputent avec leurs prédécesseurs sur l’acquisition de véhicules de fonction dont le montant avoisine les 100 millions de francs Cfa. Des ministres sont mis à l’index pour avoir échangé du mobilier de bureau en bon état contre un autre encore plus impressionnant, aux frais du contribuable. Tous ces comportements faisaient l’objet de critiques acerbes de la part des nouvelles autorités, à l’époque où elles se trouvaient dans l’opposition.
Aujourd’hui, le président de l’Assemblée nationale, en réponse aux critiques de son opposition qui l’accusait de se préparer à payer des véhicules 4X4 tout neufs aux députés de l’Assemblée, vient de répondre de manière défiante : «J’assume pleinement l’achat des véhicules pour les députés.» Il est allé jusqu’à ajouter : «Je n’accepterai pas de diriger une institution qui emprunte les taxis ou Jakarta.» Pour couronner les choses, M. Ndiaye vient de se rendre en mission aux Emirats arabes unis, avec une bonne délégation de parlementaires. On sait qu’un billet ordinaire en classe économique sur la compagnie Emirates ne coûte pas moins d’un million de Cfa. Il serait curieux de savoir combien de députés vont tenir compagnie au président de l’institution parlementaire en classe Affaires de l’avion, et à combien le séjour de la délégation va revenir aux caisses du Trésor.
Sans faire insulte aux élus du Peuple de croire que leur séjour dans ce pays ne serait pas utile au pays, on ne peut s’empêcher de se rappeler les directives émises dans une circulaire du chef du gouvernement, le 22 janvier dernier, en matière des voyages et missions à l’étranger. Si l’Assemblée n’est pas le gouvernement, elle n’en reste pas moins une institution de la République.
Le Premier ministre s’est, lui, rendu à Ouagadougou avec une bonne délégation ministérielle. Ayant été à l’origine des décisions de restriction de dépenses, on pourrait parier qu’il n’aura pas enfreint ses propres directives ; même si l’on peut se demander ce que faisaient certains fonctionnaires au sein de la délégation. Mais cela n’est pas le plus important.
Si un an et un mois après l’arrivée de Pastef au pouvoir, on en vient à vouloir comparer l’état de marasme de la population avec certaines dépenses somptuaires des tenants du pouvoir, c’est que l’on essaie de voir à quel point le chemin de nos espoirs semble encore éloigné.
Depuis 2000, c’est la première fois qu’un régime ne semble pas faire de l’emploi des jeunes sa priorité. Au-delà de nombreuses critiques portées sur sa gouvernance, on ne peut passer sous silence la priorité que Macky Sall a donnée à l’emploi des jeunes, auquel il a consacré un ministère et pas moins de 3 agences. Wade s’est rendu célèbre, entre autres, grâce à ses promesses sur l’emploi des jeunes. Or, maintenant que des jeunes dont certains ont moins de trente ans, se retrouvent aux affaires, ils semblent oublier les millions d’autres qui ne rêvent que de décrocher leur premier emploi. Il est vrai que les vrais militants ont pu, eux, se caser et caser leurs proches. Ils commencent à oublier le prix du loyer. Dès son arrivée au pouvoir, Macky Sall a pris la question à bras-le-corps. Quand l’inflation a ratatiné sa première baisse de loyers, l’ancien chef de l’Etat n’a pas hésité, en novembre 2022, à reprendre une nouvelle mesure pour imposer la baisse. Et il a voulu l’imposer par la force.
Si les décisions de l’ancien leader de l’Apr n’avaient plus un écho favorable après douze ans de règne, ses propres erreurs, ainsi que l’usure du pouvoir y ont contribué. Sans parler de l’action de son opposition et des erreurs de ses partisans. Mais il lui a quand même fallu douze ans pour que cette usure se fasse sentir. Le régime patriotique, lui, se convainc sans doute qu’avec sa belle manière de gérer sa barque, il pourra atteindre sans aucun écueil les rivages de la Vision 2050. Son navire est insubmersible.
LES MILLIARDS ÉCHOUÉS DE TAHIROU SARR
Le directeur de Sofico reste incarcéré en dépit d'une consignation record de 394 milliards FCFA, soit plus de quatre fois le manquant initial estimé à 91 milliards. Une situation juridique paradoxale
Si ses biens cautionnés ont été inscrits au livre foncier de l’Etat, ainsi qu’un chèque de 11 milliards F déposé au niveau de la Cdc, Tahirou Sarr n’est pas encore sorti de l’auberge, alors qu’il a déjà consigné 394 milliards 423 millions F Cfa.
Tahirou Sarr reste en prison en dépit de son cautionnement en nature de 11 milliards F Cfa et l’immaturation de certains de ses biens immobiliers entre Dakar et Mbane sur le livre foncier de Saint-Louis. Dans ses arrêts 20 et 21 rendus le 2 mai, la Chambre d’accusation financière du Pool judiciaire financier a confirmé que l’ordonnance aux fins de cautionnement a déjà produit tous ses effets pour avoir connu une exécution complète.
Elle a même admis que le cautionnement en nature du directeur de la société Sofico satisfait à l’article 140 du Code pénal après qu’il a consigné à hauteur de 394 milliards 423 millions F Cfa, «qui couvre largement la totalité du manquant initial fixé à 91 milliards F Cfa».
Aujourd’hui, Tahirou Sarr peut-il escompter une liberté provisoire déjà refusée ? Pour des raisons comme les risques de pression sur les témoins, notamment les fonctionnaires du Trésor, les concertations frauduleuses entre l’inculpé et ses coauteurs et complices présumés, les responsables des banques, les risques de trouble à l’ordre public ont été évoqués pour lui refuser sa mise en liberté provisoire. Dans son arrêt, la Chambre d’accusation assure qu’à propos des contestations relatives à l’évaluation immobilière, l’Agent judiciaire de l’Etat n’a pas fourni un motif bien défini, permettant de déterminer la nature des contestations, de manière à savoir si elles portent sur des incohérences dans le rapport lui-même ou sur la violation d’une règle de procédure, en soutenant en outre que l’irrégularité fondée sur l’absence de communication préalable de l’offre de cautionnement au Ministère public est devenue inopérante, surtout que, dit-elle, le Ministère public, encore moins l’Agent judiciaire de l’Etat n’avaient jugé nécessaire d’attaquer ladite ordonnance dans les délais.
La politique du Parquet
Il faut savoir que le Parquet judiciaire financier a déjà validé plusieurs offres de consignation depuis son entrée en action. La dernière en date est celle de Racine Sy, qui a mis sur la table plus de 797 millions F pour éviter un mandat de dépôt, ainsi que plusieurs personnalités dans le cadre de la reddition des comptes. Au Parquet de Dakar et au Parquet général, c’est la même stratégie qui semble être adoptée avec l’approbation de la politique de consignation au sein du Parquet qui reste un et indivisible.
L'EXPOSITION QUI RAVIVE LES PLAIES DU SÉNÉGAL DE MACKY SALL
"Première ligne" fait œuvre de mémoire immédiate en capturant les moments les plus intenses des manifestations qui ont conduit à la chute de l'ancien président. Une plongée visuelle dans la genèse douloureuse du Sénégal d'aujourd'hui
(SenePlus) - Au Musée des Civilisations noires de Dakar, l'exposition « Première ligne » plonge les visiteurs dans les violentes manifestations qui ont secoué le Sénégal entre 2021 et 2024. Une immersion poignante dans les événements qui ont précipité la chute de Macky Sall et l'avènement de Bassirou Diomaye Faye à la présidence.
Nuages suffocants de gaz lacrymogènes qui enveloppent les silhouettes de manifestants, barricades enflammées bloquant des carrefours, visages marqués par les blessures et la détermination – l'exposition photographique « Première ligne » ne fait pas dans la demi-mesure. Elle capture, à travers l'objectif sensible d'Abdou Karim Ndoye, la chronique visuelle d'une période tourmentée qui a profondément marqué l'histoire récente du Sénégal.
Pour les Sénégalais qui ont vécu ces événements de l'intérieur, l'exposition provoque une onde de choc émotionnelle. « Ça me rappelle des moments très très difficiles que nous avons vécus ici au Sénégal. Plus jamais ça… C'était très difficile, j'en ai les larmes aux yeux actuellement », confie Fodé Mané, professeur venu avec ses élèves, comme le rapporte RFI.
Dans une petite salle dédiée, les photographies documentent méticuleusement les blessures infligées aux manifestants durant les affrontements avec les forces de l'ordre. Ces images-témoignages constituent une preuve visuelle de la violence qui a caractérisé la répression sous l'ancien régime.
L'exposition revêt également une dimension pédagogique essentielle, permettant à ceux qui n'ont pas directement vécu ces événements de comprendre l'ampleur de cette page cruciale de l'histoire politique sénégalaise. Éloïse, une jeune femme d'origine sénégalaise venue de France, reconnaît sa méconnaissance antérieure : « Je ne connaissais pas depuis la création du parti jusqu'à l'élection du président. Je connaissais juste le nouveau président, mais je ne savais pas tout ce qui s'était passé avant. »
L'œil du témoin au cœur de l'action
Derrière l'objectif se trouve Abdou Karim Ndoye, photographe de terrain devenu depuis conseiller à la présidence et photographe officiel de Bassirou Diomaye Faye. Présent quotidiennement sur le lieu de l'exposition, il contextualise chaque image pour les visiteurs, transformant l'expérience en une véritable leçon d'histoire contemporaine.
Parmi ses clichés, une image prise en mai 2023 à Ziguinchor le touche particulièrement : de jeunes militants assis sur des sacs empilés formant une barricade pour protéger le domicile d'Ousmane Sonko, alors figure de l'opposition. « Cette photo me parle bien parce qu'elle traduit parfaitement la première ligne », explique-t-il à RFI. « Quand vous regardez les postures, les cagoules, je trouve l'image assez iconique... J'avais trouvé extraordinaire ce que ces jeunes-là étaient en train de faire parce que ça, c'est du jamais vu dans l'histoire politique du Sénégal. »
Ce qui frappe le photographe, c'est la détermination sans précédent de cette jeunesse : « Pour moi, il fallait capturer ces instants-là. Les barrages, leurs stratégies... Ce sont des gens qui étaient prêts, déterminés à se battre coûte que coûte, au péril de leur vie. »
L'exposition ne se contente pas de documenter la répression. Elle retrace également l'ascension politique d'Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, jusqu'à leur arrivée triomphale au pouvoir en avril 2024. Ce parcours, de la répression à la victoire électorale, attire de nombreux sympathisants du nouveau régime, venus contempler les étapes de ce qu'ils considèrent comme leur combat.
De la contestation à l'alternance politique
« Ça nous a fait plaisir de voir comment les jeunes se sont battus pour le président Diomaye et Sonko. C'était vraiment intéressant », confie Mamie à la sortie de l'exposition, selon RFI.
L'exposition prévoit également un mur, encore vierge pour le moment, destiné à recenser les noms des victimes des répressions, dans une démarche mémorielle essentielle pour le travail de vérité et potentiellement de réconciliation nationale.
Le contraste entre la violence des événements documentés et la présence actuelle au pouvoir de ceux qui étaient alors pourchassés donne à cette exposition une dimension particulièrement symbolique – celle d'un cycle politique qui s'est achevé et d'une nouvelle ère qui s'est ouverte pour le Sénégal.
L'exposition « Première ligne » est visible au Musée des Civilisations noires de Dakar jusqu'au 31 octobre 2025, offrant aux Sénégalais et aux visiteurs étrangers l'occasion de comprendre les ressorts d'une mobilisation populaire qui a profondément transformé le paysage politique du pays.
LA DÉBÂCLE DES BOULANGERIES SOLAIRES
L'entreprise allemande Solar Baker, qui promettait de construire plus de 30 boulangeries solaires au Sénégal, fait face à une crise profonde après le licenciement controversé de son directeur général adjoint et la fermeture de sa boulangerie à Gossas
Après avoir mobilisé des millions d'euros pour un projet de boulangeries solaires à fort impact social au Sénégal, l'entreprise allemande Solar Baker est au bord de l'implosion.
Construire plus de 30 boulangeries solaires dans différentes localités du Sénégal. C'était, au début, l'ambition de l'entreprise allemande Solar Bakery. Les promoteurs avaient mis en avant l'aspect social pour mieux charmer les investisseurs qui ont fait montre d'un grand engouement pour ce projet d'entrepreneuriat social. Pour démarrer, une levée de fonds a été lancée sur un site de Fund Raising allemand et les réactions avaient largement dépassé les attentes. Près de 1,200 million d'euros a été mobilisé, alors que les besoins exprimés étaient estimés à seulement 250 000 euros destinés uniquement au financement de la boulangerie pilote qui devait être implantée à Gossas, dans la région de Fatick, à environ 180 km de Dakar, soit un taux de couverture de plus de 1000 %.
Par la suite, les promoteurs ont revu à la hausse leurs ambitions en portant le programme à 50 boulangeries solaires, à raison de 250 000 l'unité.
En attendant la mise en place de ce Solar Bakery de Gossas, un centre de formation a été implanté à Mballing, dans le département de Mbour, dans l'optique de former les agents qui doivent travailler sur toute la chaine. Un centre qui allie à la fois formation et pratique, et qui a commencé à fonctionner depuis le mois de septembre 2024.
Depuis quelques semaines, la construction de celui de Gossas a été terminée, selon nos sources, mais le centre n'a pu être ouvert à cause de certains problèmes de gouvernance.
En effet, la personne qui pilotait jusque-là l'affaire, un certain M. Tounkara, a été débarquée dans des conditions peu orthodoxes, selon des travailleurs avec qui nous avons discuté. “On l'a informé de son licenciement le 15 avril et ça devait prendre effet à partir du 30 avril. Trois jours après son départ, la boulangerie a été fermée, envoyant une vingtaine de travailleurs au chômage technique. Je pense que tout ça, c'est un plan ourdi pour saboter l'exploitation, je ne sais à quelles fins”, fulmine un de nos interlocuteurs.
En fait, le 3 mai dernier, le nouveau directeur administratif et financier de Solar Bakery Sénégal s'est présenté dans les locaux de la boulangerie, pour payer les salaires. Seulement, cette fois, c'est avec des états dans lesquels il est mentionné que les travailleurs sont des prestataires, des agents qui, pour certains, travaillent dans l'entreprise depuis plus d'un an, sans aucun type de contrat. Constatant le terme ‘’prestataire’’ mentionné par le Daf qui vient d'être nommé, certains travailleurs refusent de signer, car pour eux ils sont des salariés et non des prestataires. Des altercations s'en sont suivies et la boulangerie a fermé ses portes depuis lors.
Pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme des “violations graves” du Code du travail, un groupe de travailleurs a saisi l'inspection du travail et en même temps le tribunal du travail pour “abus de confiance, travail dissimulé, tentative de requalification frauduleuse de contrat et entrave à l'accès au lieu de travail”, contre l'un des cogérants allemands et le Daf qui est sénégalais.
Du côté du top management, on essaie plutôt d'orienter les accusations vers Mamadou Tounkara, qui était le directeur général adjoint de Solar Bakery et qui pilotait sur place le projet. Selon des sources proches du dossier, le directeur administratif et financier a évoqué des investissements de deux millions d'euros dans ce projet, sans atteindre les résultats escomptés. Ce qui serait, selon lui, à l'origine de tout ce remue-ménage. Des accusations rejetées en bloc par certains travailleurs.
Interpellé, le responsable des opérations, M. Cissokho, apporte des précisions : “Après avoir parlé de deux millions devant les travailleurs, ils sont revenus pour présenter des relevés bancaires qui font état de 150 millions de francs CFA globalement.”
Mais pour Cissokho qui était aussi comptable de l'entreprise, ces accusations sont sans fondement. “C'est juste que, qui veut se débarrasser de son chien l'accuse de rage. Ils savent bien comment cet argent a été dépensé et toutes les preuves sont disponibles. Il s'agit de dépenses relatives à l'acquisition des machines, les travaux de la boulangerie de Gossas, les containers qu'on a achetés, le paiement des salaires depuis novembre 2024...”, se défend le responsable des opérations qui dénonce un dévoiement de l'objet initial du projet.
“Nous appelons les autorités sénégalaises à veiller au respect de la législation et les autorités allemandes à diligenter un audit sur l'utilisation des fonds participatifs qui ont été mis à la disposition, la conformité aux engagements qui ont été pris auprès notamment des investisseurs”, a-t-il poursuivi.
Pour les travailleurs, c'est une grosse désillusion qui arrive au pire moment, alors que la boulangerie commençait à prendre son envol. “Nous étions devenus autonomes. La boulangerie de Mballing qui fonctionne arrive à se prendre en charge toute seule et à faire des bénéfices. Rien que pour le mois d'avril, nous avons eu des entrées de l'ordre de plus de six millions de francs CFA”, a souligné le responsable des opérations. Raison pour laquelle les travailleurs ont initié une série de procédures aussi bien devant le juge pénal que devant le tribunal du travail.
Il faut noter que cette affaire est loin de révéler tous ses secrets, car les investisseurs allemands cités sont aussi mêlés à d'autres entreprises plus importantes qui mènent d'autres projets de plus grande envergure au Sénégal et dans d'autres pays de la sous-région comme le Mali. L'un d'eux est d'ailleurs sous le feu des projecteurs des médias allemands depuis quelques jours, pour différents scandales.
Pour rappel, le projet des boulangeries solaires vise à réduire la pauvreté, promouvoir l’égalité hommes-femmes, utiliser une énergie propre et abordable, offrir des emplois décents et contribuer à la croissance sociale tout en respectant la protection du climat.
Les griefs des travailleurs
Absence de contrats pour le personnel local, non-affiliation à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) et à la Caisse de sécurité sociale (CSS), rétention de salaires, intimidation, agression physique et usage de nervis… Voilà, entre autres, les griefs que le personnel reproche à la direction devant le tribunal du travail. Les parties ont été hier à l'inspection régionale du travail pour médiation. Les négociations se sont soldées par un échec et les parties vont se retrouver devant le tribunal pour régler leur différend. Selon des sources qui ont pris part à cette confrontation, aucun accord n'a pu être trouvé et l'inspecteur l'a constaté sur procès-verbal de non-conciliation.
Lors de cette rencontre, les travailleurs sont revenus sur leurs revendications, à savoir : des contrats de travail en bonne et due forme ; l'inscription à la Caisse de sécurité sociale et à I'IPM, les indemnités diverses, le primes de transport, entre autres.
Pour se dédouaner, la direction de l'entreprise a argué que les plaignants étaient en réalité liés à un prestataire et n'étaient pas des salariés de l'entreprise. “Il n'existe pas une relation de travail entre l'entreprise et ces travailleurs”, a défendu le représentant de la direction.
La prochaine manche se jouera devant le tribunal du travail qui va statuer sur ce litige.
TRAVAIL DOMESTIQUE, KANORA LANCE UNE PLATEFORME POUR SORTIR DE L’INFORMEL
La plateforme ambitionne de transformer en profondeur le quotidien des travailleuses domestiques au Sénégal. Portée par la vision de sa fondatrice Mame Awa Mbaye et soutenue par l’État, cette initiative se veut à la fois humaine, sociale et économique.
« Plus de 90 % des travailleurs domestiques évoluent dans l’informel. Ce manque de structuration entraîne une faible spécialisation et une précarité professionnelle. » C'est le diagnostic fait par Mame Awa Mbaye, fondatrice de KaNora Services. La plateforme KaNora Services ambitionne de transformer en profondeur le quotidien des travailleuses domestiques au Sénégal. Portée par la vision de sa fondatrice et soutenue par l’État et les bénéficiaires eux-mêmes, cette initiative se veut à la fois humaine, sociale et économique.
Tout a commencé par une prise de conscience intime. « Un jour, j'ai posé une question à une jeune femme qui travaille avec moi depuis plusieurs années. Je lui ai demandé de quoi tu rêves. Elle m’a regardée avec douceur et m’a répondu tout naturellement : je n’ai pas de rêve. Cette phrase m’a bouleversée », raconte Mame Awa Mbaye, fondatrice de KaNora Services. Derrière cette réponse simple, c’est tout un pan de la société invisible qui s’est révélé à elle : celui des jeunes femmes, souvent venues de milieux précaires, qui accomplissent les tâches essentielles au sein des foyers, sans droits, sans reconnaissance, et sans perspective d’avenir.
De ce choc est née KaNora, une plateforme de services à domicile, mais surtout un levier d’autonomisation pour ces travailleuses de l’ombre. « KaNora, c’est la volonté de changer ce récit. De faire en sorte que ces jeunes femmes puissent travailler dans la dignité, se protéger, apprendre, épargner, bâtir et surtout rêver », affirme-t-elle. L’initiative s’inscrit dans la dynamique portée par le ministère du Travail sénégalais, représenté lors du lancement par Mme Katy Sow, conseillère technique.
Selon Mme Mbaye, au-delà du simple placement de personnel de maison, KaNora propose un accompagnement global. Couverture maladie, retraite, formation continue, professionnalisation des agences de placement : tout un écosystème est mis en place pour sécuriser et valoriser ces jeunes femmes. « Notre ambition va au-delà de la plateforme. Nous espérons générer un effet de transformation en chaîne capable de toucher des centaines de milliers de jeunes femmes à travers le pays », explique la fondatrice.
L’approche est saluée par les premiers utilisateurs du service. Pour Mame Aby Seye, cliente de KaNora, la plus-value est évidente : « Ce qui m’a plu, c’est cette approche à 360 degrés. On ne s’occupe pas uniquement de ceux qui demandent le service, mais aussi de ceux qui travaillent. Ils ont des droits, des besoins, et cette plateforme y répond avec rigueur et humanité. »
Un prolongement de la politique publique
Présente à la cérémonie, Mme Katy Sow du ministère du Travail a tenu à souligner la convergence entre l’approche de KaNora et les réformes en cours au sein de l’État sénégalais. « C’est juste un prolongement de ce que l’État est en train de faire. On travaille sur la réforme du Code du travail, la protection sociale et l’intégration du secteur informel. Le ministère est très intéressé pour accompagner ce genre d’initiatives. »
Elle insiste aussi sur la nécessité d’un déploiement territorial : « J’aimerais bien voir KaNora dans les pôles de développement territoriaux. Ils font un travail remarquable, et leur impact peut s’étendre bien au-delà de Dakar. »
Avec KaNora, il ne s’agit pas seulement de créer de l’emploi. Il s’agit de restaurer une dignité, de construire un avenir, d’ouvrir un champ des possibles. « Aujourd’hui, nous lançons KaNora. Et avec elle, nous redonnons à des centaines de milliers de jeunes femmes le pouvoir de rêver et de réaliser leur rêve », conclut Mame Awa Mbaye.
SOPHIE GLADIMA PLACÉE SOUS MANDAT DE DÉPÔT
L’ancienne ministre des Mines et de la Géologie est poursuivie pour un présumé détournement d’un milliard de francs CFA dans le cadre de projets liés à la riposte contre la pandémie de Covid-19
L’ancienne ministre des Mines et de la Géologie, Aïssatou Sophie Gladima, a été placée sous mandat de dépôt ce mercredi 21 mai 2025, à l’issue de son audition par la Commission d’instruction de la Haute Cour de Justice. Cette mesure intervient dans le cadre de l’enquête sur la gestion des fonds alloués à la riposte contre la pandémie de Covid-19.
Selon des informations, Mme Gladima est mise en accusation pour un présumé détournement de deniers publics. L’enquête porte notamment sur l’utilisation controversée d’une enveloppe d’un milliard de FCFA destinée à divers projets. Parmi ceux-ci figure la construction d’un centre gravimétrique à Kédougou, un projet qui n’a jamais vu le jour malgré le décaissement partiel des fonds.
Cette arrestation s’inscrit dans la dynamique de reddition des comptes enclenchée par les nouvelles autorités sénégalaises, qui ont promis d’apporter des réponses concrètes aux soupçons de mauvaise gestion des ressources publiques liées à la crise sanitaire.
L’affaire pourrait connaître de nouveaux développements dans les jours à venir, alors que d’autres anciens responsables sont également visés par des procédures similaires.
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DES FOUILLES POUR FAIRE PARLER LES MORTS DE THIAROYE
Au cimetière militaire de Thiaroye, des archéologues sondent actuellement le sol à la recherche de preuves matérielles qui pourraient enfin révéler l'ampleur réelle du massacre de tirailleurs africains perpétré par l'armée coloniale française en 1944
(SenePlus) - Des recherches archéologiques sont actuellement en cours au cimetière militaire de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, afin d'élucider l'un des massacres les plus sanglants de la période coloniale française au Sénégal. Selon les informations rapportées par Le Monde avec l'AFP ce mercredi 21 mai, ces fouilles, qui ont débuté il y a une dizaine de jours, visent à faire la lumière sur de nombreuses zones d'ombre entourant le massacre de tirailleurs africains perpétré par l'armée française le 1er décembre 1944.
"De nombreuses zones d'ombre subsistent sur les circonstances du massacre commis le 1er décembre 1944, l'un des pires de la colonisation française au Sénégal : le nombre de tirailleurs tués, leur identité, le lieu de leur inhumation...", souligne le quotidien français.
Ces fouilles, dont l'accès est strictement contrôlé, interviennent dans un contexte où les autorités sénégalaises cherchent à établir "la manifestation de toute la vérité" sur ce drame. Le gouvernement avait annoncé le 19 février dernier le lancement de ces investigations archéologiques, réclamées depuis longtemps par des chercheurs.
L'ampleur réelle de ce massacre fait l'objet de vives controverses entre historiens et entre les gouvernements français et sénégalais. Si les autorités françaises de l'époque avaient reconnu la mort de 35 personnes, "plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé – jusqu'à 400 soldats", rappelle Le Monde.
Ce bilan contesté s'ajoute aux nombreuses interrogations concernant l'identité précise des victimes et la localisation exacte de leur sépulture. Les tirailleurs massacrés, qui ne venaient pas uniquement du Sénégal mais aussi d'autres pays africains, avaient été rapatriés des combats en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et réclamaient le paiement d'arriérés de solde.
Un responsable du cimetière, cité par le journal, a indiqué que l'accès au site est fermé "depuis deux mois en raison de travaux". De son côté, un membre du comité de commémoration a précisé : "Nous ne communiquons pas pour le moment sur cette question. Le gouvernement sénégalais le fera le moment venu."
Un enjeu politique et mémoriel
Ces fouilles s'inscrivent dans un contexte politique particulier, le gouvernement sénégalais reprochant à la France "de dissimuler des faits sur ce massacre en retenant notamment des documents d'archives permettant de connaître le bilan humain", précise l'article.
En novembre 2024, à la veille du 80e anniversaire du massacre, la France avait officiellement reconnu les faits comme un "massacre". Le Sénégal avait alors commémoré l'événement "avec une envergure inédite", rappelle Le Monde.
En avril 2024, les autorités sénégalaises, "qui se réclament du souverainisme", avaient mis en place un comité de chercheurs chargé de remettre un rapport sur le massacre. Prévu initialement pour le 3 avril, ce rapport n'a toujours pas été rendu public, et "aucune explication officielle n'a été fournie sur les raisons de ce report", selon le quotidien français.
Les résultats de ces fouilles archéologiques pourraient donc constituer une étape décisive dans la réécriture de cette page douloureuse de l'histoire coloniale française et dans les relations franco-sénégalaises, alors que la question mémorielle demeure un enjeu sensible entre les deux pays.