SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
24 juin 2025
MOHAMED DIOP D'AGL VEUT UN PLAN MARSHALL POUR LE RAIL AFRICAN
Le représentant d’Africa Global Logistics, fort de l’expérience de son groupe, a plaidé pour un «Plan Marshall» en vue de faire redémarrer le rail africain
Mohamed Diop estime que la «connectivité de l’Afrique passera par le rail». Le Directeur régional Afrique Atlantique d’Agl, qui prenait part à la session 4 du Forum international de Dakar sur le financement des projets ferroviaires, a demandé une sorte de «Plan Marshall» pour remettre les chemins de fer africains sur les rails.
Lors de ce forum ouvert avant-hier par le Premier ministre Amadou Ba, on a noté la présence des géants du rail africain que sont Agl Rail, Sitarail (Côte d’Ivoire) et Camrail (Came-roun), dont les délégations étaient composées de M. Arnould Cottin (Directeur général adjoint Agl Rail), M. Racim Lainceur (coordinateur opérations Agl Rail), M. Pascal Miny (Dg Camrail-Cameroun) et M. Simplice Essoh (Directeur central développement de Sitarail). Ce dernier a d’ailleurs souligné que «la participation de nos 2 filiales ferroviaires, à savoir Sitarail (Burkina Faso-Côte d’Ivoire) et Camrail (Cameroun), à cette importante assise sur le futur du rail africain témoigne de l’engagement ferme du groupe Agl (Africa Global Logistics) à œuvrer aux côtés des Etats de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso et du Cameroun pour le développement et la modernisation de leurs réseaux ferroviaires et de leur impact socioéconomique sur nos pays».
Le forum, organisé par la Société nationale Les chemins de fer du Sénégal, en partenariat avec l’Union internationale des chemins de fer (Uic), s’articulait sous le thème : «Le financement des projets ferroviaires en Afrique : le futur du rail en Afrique» et ambitionne, selon l’Ufs, d’«impulser et redynamiser le développement des chemins de fer en Afrique». Il avait pour objectif d’encourager la prise en main du développement du secteur ferroviaire en Afrique, de réunir et mobiliser les parties prenantes du secteur, les décideurs politiques, les représentants des compagnies ferroviaires et de l’industrie, les organismes techniques, les experts ferroviaires, les économistes, les acteurs-clés du financement, d’identifier les grands projets d’investissement aux niveaux national et international, d’identifier les mécanismes de financements, de renforcer le partenariat public-privé et de développer la coopération entre les Etats à travers le soutien stratégique des projets à vocation régionale et sous-régionale, selon les animateurs de l’événement.
Au cours des 4 sessions d’échanges tenues le jeudi après la cérémonie d’ouverture, on a particulièrement noté la session 4 dont le thème : «Comment mobiliser les financements pour les infrastructures ferroviaires ?», a été des plus instructives. Parmi les panélistes, on pouvait noter M. Pierre Pozzo Di Borgo, spécialiste d’industrie en chef, Société financière internationale (Sfi), M. Ibou Diouf, transport practice manager for West Africa, du Groupe Banque Mondiale, M. Mohamed Cherif, country manager-Sénégal, chef de division à la Banque africaine de développement (Bad), M. Mohamed Diop, M. José Cordovilla, director of infrastructure Advisory Services, de Typsa, et Pr Khumbulani Mpofu, de Tshwane University of Technology, en Afrique du Sud.
Et l’intervention de M. Mohamed Diop a été parmi les plus remarquées, surtout quand il a insisté sur le besoin d’appliquer un «Plan Marshall» au chemin de fer africain, pour enfin faire siffler le train du développement de l’Afrique.
«MIK, MAMADOU NDIAYE, BOUBS ET MOI…»
Alassane Samba Diop, Directeur général du groupe E-Media Invest, revient dans cet entretien sur les temps forts de la création du Groupe E-Media, les satisfactions et les défis.
Bés Bi le Jour |
Gnagna Diouf NIANG |
Publication 21/10/2023
C’est aujourd’hui que le groupe Emedia-Invest, notamment iRadio va souffler ses 4 bougies. Pour ce faire, la direction compte fêter cela avec le personnel à travers un spectacle show qui sera animé par deux talentueux artistes, Pape Diouf et Sidi Diop à la salle mythique du Théâtre Daniel Sorano. Le Directeur général Alassane Samba revient dans cet entretien sur les temps forts de la création du Groupe E-Media, les satisfactions et les défis.
Ce samedi 21 octobre, E-Media fête les quatre ans de iRadio. Que représente cette radio pour vous ?
iRadio, E-Media de façon globale, c’est une aventure lancée par quatre journalistes, un animateur et des associés. L’aventure a démarré en 2018 par la mise en place du Groupe EMedia. Il y avait Mamoudou Ibra Kane, directeur général d’alors, Mamadou Ndiaye, Boubacar Diallo et moimême, mais aussi d’autres associés qui ont cru à l’aventure et qui sont venus nous rejoindre. Nous pensons que le Sénégal est un pays de démocratie, il faut donc une plus grande diversité médiatique, une plus grande offre médiatique. Ensuite, nous avons voulu partager aussi notre expérience que nous avons acquise ailleurs. Après avoir bourlingué un peu partout, nous avons estimé qu’il fallait mettre en place un groupe de presse dans lequel les journalistes sont des actionnaires. C’est pour cela que nous avons créé une société des rédacteurs qui regroupe les journalistes et les animateurs avec des associés à qui nous voulons rendre hommage pour avoir cru à ce projet.
Pourquoi avez-vous choisi de fêter ces quatre ans par une soirée Pape Diouf et Sidi Diop ?
Nous pensons que Pape Diouf et Sidi Diop sont des jeunes musiciens talentueux de la banlieue et qui sont très populaires. Et ils sont des amis du Groupe E-Media, ils ont toujours été là à chaque fois que nous avons eu besoin d’eux. Ils ont compris le principe de ce groupe et ont décidé de nous accompagner dans cette soirée pour rendre hommage à tous nos auditeurs, téléspectateurs et lecteurs internautes, mais aussi à tous nos annonceurs pour qu’ils puissent comprendre que le Groupe E-Media est là pour tout le monde. Un groupe dont la ligne éditoriale est très claire : responsabilité, professionnalisme, équilibre, diversité. Alors, qu’est-ce qui a motivé la création de ce groupe de presse dans un marché aussi étroit ? Je pense que dans la vie il faut oser. C’est parce que c’est difficile qu’il faut y aller. «C’est le difficile qui est le chemin», comme on dit. C’est parce que justement le marché est étroit, difficile qu’il fallait oser se battre, et nous pensons que depuis bientôt 5 ans, le Groupe EMedia compte dans le paysage médiatique africain. Je reviens fraîchement de la Côte-d’Ivoire où je me suis rendu compte le Groupe est très connu, beaucoup de Sénégalais connaissent ceux qui travaillent dans le groupe, parce qu’ils les écoutent, ils les regardent et suivent ce que nous faisons et nous encouragent beaucoup sur ce chemin de la transparence, de la clarté et de la démocratie.
Dites-nous comment s’est faite la mise en œuvre opérationnelle de ce grand groupe ?
Nous avons estimé qu’il était venu le moment de s’affirmer, d’être des journalistes plus indépendants, des entrepreneurs. Et nous pensons que la presse doit davantage travailler dans l’entreprenariat parce que les journalistes aussi peuvent créer de groupe de presse, se battre pour ne plus être sous la responsabilité d’autres gens. L’ambition que les gens ont de créer un groupe de presse, les journalistes doivent l’avoir. Parce que si vous regardez bien le landerneau politique ou médiatique sénégalais, la plupart des groupes de presse appartiennent à des hommes d’affaires qui ne sont pas du métier. L’un des rares groupes qui appartenait entièrement à des journalistes, c’était le Groupe Sud Communication, avec Babacar Touré, Abdoulaye Ndiaga Sylla, Ibrahima Bakhoum et autres. Ce sont ces pionniers-là qui nous donné le courage d’y aller et de créer notre groupe de presse, de travailler comme tout le monde.
Quelles sont les stratégies mises en place pour qu’en un temps record E-Media se positionne dans le landerneau médiatique ?
Encore une fois, ce succès de E-Media est le fruit d’une équipe qui a fait de la solidarité sa boussole. Les stratégies, c’est de miser sur la jeunesse, sur des professionnels. Je pense que quand nous avons démarré ce groupe de presse, les promotions qui sont sorties du Cesti ont été directement recrutées. Nous sommes convaincus que ces jeunes sont capables de relever les défis. Nous aussi, on nous avait donné notre chance à notre sortie de l’école par le groupe Walfadjri. Donc, la jeunesse est un atout de groupe, mixer aussi avec des anciens qui sont là, qui ont de l’expérience. Je pense que l’osmose a pris, ce qui a permis au groupe de s’imposer. Ici, nous pensons que l’information doit être vraie, vérifiée, recoupée, retravaillée pour qu’elle soit crédible. La plupart des Sénégalais, quand l’information vient de E-Media, ont confiance. Alors, quels sont les difficultés que vous avez eu à rencontrer ? Les difficultés, il y en a beaucoup. Parce que la première année d’un groupe de presse, on ne peut pas la comptabiliser. C’est pourquoi d’ailleurs on parle de quatre ans, parce que le groupe, de façon formelle, a 5 ans. Mais, si vous regardez bien l’année première dans toutes les entreprises c’est l’année d’implantation. La deuxième maintenant, c’est en 2019, c’est la vraie année que nous avons commencé. Un an après, il y a eu le Covid-19 qui a pratiquement mis à terre beaucoup d’entreprises en général. Puis il y a eu la crise ukrainienne et cela a fait que l’envol du groupe a été freiné par ces deux crises. Mais nous avons été résilients en continuant à travailler en interne, en inventant des façons de faire, en misant beaucoup sur la digitalisation. Je peux même dire que c’est un groupe très digital et nous allons davantage le renforcer dans ce domaine. Parce que, les marchés aujourd’hui se trouvent dans la digitalisation.
Avez-vous des satisfactions par rapport à vos attentes ?
Mais bien satisfait. La plupart des jeunes avec qui nous sommes sont lauréats de beaucoup de prix. En moins de quatre ans, je pense que jamais un groupe de presse n’a remporté autant de prix, journalistes et techniciens. Pape Ibrahima Ndiaye, Pape Alioune Sarr, Serigne Saliou Dème, Mamadou Dieng, Aliou Sow Adama Aïdara Kanté, Adama Anouchkaba, Babacar Guèye Diop, Boudal Ndiath tout récemment, nominé pour le Prix Norbert NZongo… Cette soirée est aussi une façon pour nous de les encourager, de les remercier et de leur dire que nous sommes fiers de ce qu’ils sont en train de faire, fiers de la jeunesse de E-Media qui fait un travail remarquable dans ce landerneau médiatique très difficile
Pourquoi subitement Bes Bi Mag, alors que d’autres magazines ont disparu des kiosques ?
Nous pensons justement que c’est parce que les magazines ont disparu qu’il faut en créer, qui s’occupent des sujets beaucoup plus en profondeur. Parce que, en général, la presse privée et la presse quotidienne survolent l’information. Je pense que le premier Mag que nous avons sorti à l’occasion du Magal de Touba et du Gamou de Tivaouane ont été très bien appréciés. Le public en redemande et nous allons continuer à travailler sur ces sujets-là avec des cahiers spéciaux, pour le moment en Hors-série.
Quels sont les défis pour les prochaines années à venir ?
Les défis sont énormes. Nous allons davantage travaille pour mettre les journalistes et les travailleurs à l’aise, que chacun puisse avoir un logement décent. Continuer aujourd’hui à les mettre dans de bonnes conditions. Et puis, travailler davantage la digitalisation du groupe, nous pensons à d’autres projets beaucoup plus importants dans le cadre de la formation parce que la formation est la pierre angulaire de ce métier. Je tiens aussi à rendre hommage à ceux qui nous ont quitté. Feus Alioune Diassé et Ramatoulaye Sall, deux excellents techniciens, de belles âmes. Que Dieu les accueille dans Son Paradis. A ceux qui ont tenté d’autres aventures aussi, merci pour leur contribution inestimable et bonne chance pour la suite de leurs carrières.
Par Pr Andrée-Marie DIAGNE-BONANE
AU NOM DE TOUS LES SEINS !
La contribution holistique de Pr AndréeMarie Diagne : «Presque partout dans l’Afrique traditionnelle, les seins nus ne choquent pas»
Bés Bi le Jour |
Pr Andrée-Marie DIAGNE-BONANE |
Publication 21/10/2023
Deux, comme les yeux, les narines, les oreillettes du cœur… Gémellité et féminité. Cependant, nous sommes loin d’être de vrais jumeaux, pour la simple raison que l’apparition et la croissance de l’un a pris une petite avance sur celles de l’autre. Et c’est là que commence notre histoire. Mais il ne faut pas perdre de vue notre originalité dans le corps humain : nous sommes un organe très complexe, voire composite. En nous, vous trouverez des nerfs, des vaisseaux sanguins et lymphatiques. Notre fonction principale est nutritive. Au-delà de la diversité de l’apparence physique (forme poire, citron, papaye ou pastèque), nous avons une durée de vie aussi aléatoire que celle des êtres vivants. Nous vieillissons, rétrécissons, et finissons, parfois flasques, aplaties comme des sachets d’eau vides. Ah ! Les seins… L’approche de notre naissance crée chez la toute jeune fille émois et frémissements, mais terreur chez la mère… Une surprise, tant attendue. C’est par nous que se marque la différence de genre : la petite ado connaît des modifications physiologiques qui l’éloignent de ses compagnons de jeu : les garçons. Ce changement de statut, ritualisé, est vécu comme une entrée solennelle dans la vie de la Femme. En Afrique par exemple, la naissance des seins ouvre la période de la pleine adolescence. La petite Maïmouna d’Abdoulaye Sadji éprouve un réel plaisir à prendre son bain, en regardant l’eau ruisseler sur sa jeune poitrine. Elle est enfin autorisée à laisser pousser ses cheveux, à les tresser... C’est donc par nous que la gent féminine accède à la féminité, c’est par nous, au plus infime de nos ébranlements que Cupidon montre son petit visage coquin :
«Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées. Et cela fait venir de coupables pensées.»
«Même cet hypocrite de Tartuffe avoue qu’il succombe (rait) à nos charmes, je ne dis pas à ‘’nos provocations’’ ! En d’autres circonstances, des Femmes- les Amazones du Bénin- n’ont pas hésité à se passer de l’une de nous, pour accroître leur chance de remporter la guerre en se rendant plus efficaces, au tir à l’Arc. Presque partout dans l’Afrique traditionnelle, les seins nus ne choquent pas. Ce ne fut pas le cas, lorsque Sophie Marceau, la célèbre actrice de La Boum, ahurit le public du Festival de Cannes par «un mamelon dénudé»… L’on sait que les Suffragettes qui ont quasiment ébranlé le Royaume Uni en 1903, ont été suivies des Femmes ouvrières qui combattirent pour imposer la Journée internationale des femmes. Elles ne sont pas étrangères à la nouvelle fonction qui nous est attribuée : la nudité des seins brandie comme arme révolutionnaire par «La Liberté guidant le Peuple» dans le magnifique tableau d’Eugène Delacroix... Vous voyez donc que nous n’avons pas qu’une seule fonction : fournir le lait nourricier aux nouveau-nés, assurer l’allaitement maternel durant des mois, et même servir de nourrice à des orphelins, à des princes dont les mères tiennent à préserver le galbe de leur poitrine. Alors que dans certaines régions d’Afrique, la coutume était d’empêcher le développement harmonieux des seins, pour «mater les velléités sexuelles des jeunes filles, aujourd’hui, dans le monde entier, la mode est à «La Bomba» ! La chirurgie esthétique met à la portée de toute jeune femme frustrée de sa poitrine trop plate, la possibilité de «gonfler» ses atouts et de ne plus passer inaperçue.»
LES SEINS SANS L’OMBRE DU CANCER
Pour Bes bi, c’est l’occasion de mettre la lumière sur cet organe pair dont l’importance va au-delà de la biologie. Les seins de la femme sont au cœur de l’enracinement culturel, de l’amour filial, de la religion et de la sexualité.
Bés Bi le Jour |
Marly DIALLO |
Publication 21/10/2023
Le cancer du sein ne fait pas que ronger le sein, il lui vole aussi la vedette en cette période d’Octobre Rose. Impossible de faire des recherches sur le sein sans tomber sur le mot cancer. Pour Bes bi, c’est l’occasion de mettre la lumière sur cet organe pair dont l’importance va au-delà de la biologie. Les seins de la femme sont au cœur de l’enracinement culturel, de l’amour filial, de la religion et de la sexualité.
Culture : Un abreuvoir de valeurs et d’amour filial
«Nourrices-mercenaires». Cette expression ne vous est peut-être pas familière. C’est normal parce que l’Afrique est le continent où cette pratique a le moins prospéré. Pendant longtemps en Europe, les enfants nés dans l’aristocratie étaient confiés à des femmes de conditions sociales inférieures. Celles-ci allaitaient et s’occupaient de l’enfant jusqu’au sevrage. Les femmes aristocrates pouvaient ainsi préserver leur corps et leur autonomie. Aussi, en Arabie pré-islamique, les enfants nés à la Mecque étaient confiés à des bédouines du désert. Cela permettait aux enfants de s’adapter à des conditions vie austère, de respirer l’air pur du désert et de parler un arabe authentique non dilué par le caractère cosmopolite de la Mecque. En Afrique, cette pratique était peu répandue. Et pour cause, donner le sein à son enfant est une tradition profondément ancrée. A travers ce geste, la mère ne fait pas que nourrir son enfant. Elle l’abreuve aussi de valeurs. La chercheuse Oumou Ly Kane l’explique ainsi : «Le nourrisson qui tète le sein de sa mère ne boit pas seulement du lait ; il absorbe aussi tout un système parental et social, une appartenance et un ensemble de valeurs, d’obligations et d’interdits». Aussi, ils prolongent et renforcent l’amour filial. Dans l’utérus, la mère nourrit son enfant au moyen du cordon ombilical. Une fois celui-ci sectionné, il y a la peur que le monde extérieur bien moins bienveillant éloigne l’enfant de sa mère. A ce moment-là, les seins prennent le relais et procurent nourriture, amour et réconfort à l’enfant. Donner le sein à un enfant va donc bien au-delà du fait de le sustenter. Ce geste influe sur son enracinement et sa psychologie. C’est l’une des raisons pour lesquelles en Afrique, l’allaitement est rarement délégué à une personne étrangère. Quand la mère tombe malade ou meurt, c’est à l’entourage proche que sera confié l’enfant. La nourrice choisie peut être assistée mais pas rémunérée.
Sexualité : Une érotisation lucrative
Au Cameroun, il existe une tradition appelée «le repassage des seins». Des objets chauffés sont utilisés pour masser la poitrine et empêcher son développement. Cette mutilation moins connue que l’excision vise aussi à entraver la sexualité des femmes. Cette pratique dangereuse reconnait et rejette le caractère sexuel des seins. Bien que largement répandue dans le monde, la sexualisation des seins restait, jusqu’à un passé récent, une réalité taboue confinée à la sphère privée. L’émergence des médias et du divertissement (magazines, films, publicités, pornographie) va s’accompagner d’un recours au corps de la femme comme argument marketing à partir des années 1960. Tout d’un coup, les seins de la femme ont commencé à se retrouver dans l’espace public et dans les foyers par la magie des affiches et de la télévision. Les seins sont affichés de façon suggestive dans des décolletés de plus en plus plongeants. A partir de là, la fonction nourricière du sein est ouvertement concurrencée par sa fonction sexuelle.
Place à la chirurgie d’augmentation mammaire
L’industrie de la lingerie fine en profite pour créer des produits qui embellissent et érotisent la poitrine et réalisent au passage des chiffres d’affaires aussi vertigineux que leurs décolletés. Rien qu’aux États-Unis, le marché des sous-vêtements a rapporté près de 18 milliards de dollars en 2022, rapporte Statista, un organisme spécialisé dans la compilation de données. Peu de données sont disponibles concernant l’Afrique mais on sait que la sexualisation mammaire est aussi répandue sur le continent. De même, la chirurgie d’augmentation mammaire devient de plus en plus populaire. Elle est aujourd’hui la chirurgie esthétique la plus répandue au monde devant la liposuccion, la rhinoplastie, le lifting et l’augmentation du fessier. Toutefois, il persiste en Afrique des peuples pour qui les seins ne sont pas un organe sexuel. Au sein de ces peuples, il n’est pas inhabituel que la poitrine de la femme ne soit pas voilée. C’est le cas chez les Bushmen et les Zoulous en Afrique australe et chez les Massai au Kenya.
Politique : Protester par la nudité
Le 15 février 1961, une femme a commencé à apparaitre torse-nu dans les rues de Léopoldville (Kinshasa). Son nom : Pauline Lumumba. Elle est la veuve de Patrice Lumumba assassiné un mois plus tôt. Elle espère, à travers ce geste, obtenir le droit d’enterrer le corps de son époux. Elle n’obtiendra jamais gain de cause car le corps en question a été délibérément dissout dans de l’acide pour mieux tuer le mythe Lumumba. Cette manifestation est un exemple du recours aux seins de la femme comme moyen de protestation. Cette stratégie mise sur la provocation pour attirer l’attention des médias et du public sur un sujet particulier. Ce phénomène est à la fois rare et redouté en Afrique à cause des croyances à la malédiction de la nudité des femmes. Dans certaines cultures, on pense que voir la nudité d’une femme, surtout si elle est âgée, est source de malédictions. Ainsi, en 2002 au Nigeria, des femmes Igbo ont menacé de se dénuder pour protester contre la pollution pétrolière. Cela a suffi à paralyser le secteur car les travailleurs locaux redoutaient de tomber sur des femmes dénudées. Enfin, deux femmes Prix Nobel de la paix ont eu recours à cette forme de protestation : La Kenyane Wangari Maathai pour s’insurger contre la brutalité policière et la Libérienne Leymah Gbowee pour lutter contre la guerre civile qui déchirait son pays.
Religion : Un trésor à dissimuler
«Est-il acceptable de peindre la Vierge Marie donnant le sein à Jésus ?» Cette question est au centre d’un clash entre la religion et l’art. La première invoque la pudeur tandis que le second prône la liberté d’expression. Le temps semble pencher pour la religion. Alors que la représentation en peinture de la Vierge Allaitant était très populaire au Moyen-âge et au début de la Renaissance, elle est aujourd’hui assez rare. Tout en célébrant les seins des femmes, les religions monothéistes appellent à les couvrir comme on dissimule un trésor. Pour ces religions la fonction nourricière des seins l’emporte sur les autres (sexuelle, politique, sensuelle, etc.). L’Islam comme le Christianisme considèrent l’allaitement comme une obligation morale aux bénéfices innombrables aussi bien pour l’enfant que pour la mère. La Science a donné raison à ces recommandations formulées des siècles plus tôt. L’Oms reconnait que le lait maternel participe à la nutrition, à l’immunité et au bien-être psychologique de l’enfant. Chez la femme, l’allaitement peut protéger contre les cancers du sein et de l’ovaire, le diabète, etc. Au-delà de son rôle nourricier, les seins peuvent aussi créer une relation de fraternité là où il n’existe aucun lien de parenté. C’est ce qu’on appelle la filiation par l’allaitement. En islam, téter d’un même sein suffit à faire de deux enfants étrangers des frères ou sœurs. De même, par l’allaitement, une femme peut devenir mère d’un enfant qu’elle n’a pas mis au monde.
LE SEIN DANS TOUTES SES REPRESENTATIONS
Organe important mais exposé, La journée mondiale contre le cancer du sein a été célébré ce mercredi 20 octobre 2023, en plein Octobre rose.
Bes Bi le Jour |
Marly DIALLO |
Publication 21/10/2023
La journée mondiale contre le cancer du sein a été célébré ce mercredi 20 octobre 2023, en plein Octobre rose. Cette maladie est durement ressentie par les femmes, beaucoup en perdent un ou les deux seins. Bés bi tente de voir cet organe dans toutes ses représentations. La douleur de le perdre, le bonheur de l’avoir, de le préserver. Le sein dans la sexualité, dans la famille, l’éducation, la santé de la mère et de l’enfant, la féminité, la société… Comment discuter des seins avec de parfaites inconnues ? C’est à cet exercice délicat que Bés bi s’est livré avec des étudiantes de l’Ecole supérieure polytechnique de Dakar (Esp). Ces jeunes scientifiques dont certaines sont voilées se livrent sur leurs relations avec cet organe essentiel. Que représente-t-il pour elles ? Prennent-elles des précautions pour le protéger ? Comment les inciter à pratiquer l’autopalpation ?
Octobre rime habituellement avec l’effervescence de l’ouverture des classes à l’Ecole supérieure polytechnique (Esp). Cependant, en cette matinée d’automne, les lieux sont plongés dans le silence et la torpeur d’une journée de canicule. Dans la cour de l’école spacieuse et propre, une végétation généreuse offre de l’ombre aux quelques rares personnes assises sur les bancs. Kadiata Diallo, Assiata Ba et Bineta Ba sont inscrites à un master de Mathématiques. Elles se sont rencontrées dans cet établissement quelques années plus tôt et ont fini par devenir comme des sœurs. Étant toutes les trois voilées, il n’est pas évident d’aborder le sujet qui nous intéresse : les seins. Les premières réactions sont réservées. Puis la dynamique de groupe aidant, la discussion devient plus animée. «Pour moi, les seins sont un magnifique don de Dieu qui va un jour me lier aux enfants que j’aurai InchAllah», déclare Kadiata. «Les seins nous identifient en tant que femmes et participent à notre féminité, qu’on l’affiche ou qu’on la dissimule», renchérit Bineta. Pour Assiata, c’est aussi un organe qui vaut aux femmes des remarques misogynes. «Quand tu as de gros seins, les gens parlent, de même que quand tu as de petits seins. Je trouve cela déplacé d’évoquer les seins des femmes et d’en faire un motif de complexes pour elles», s’indigne-t-elle. L’importance de cet organe étant établi, il est temps de s’enquérir des soins qu’on lui accorde.
L’oubli et la pudeur mis en cause
Toutes les trois se rejoignent sur un point : Elles pratiquent rarement l’autopalpation conseillée pour détecter toute anomalie. La principale explication est l’oubli. «Je n’y pense pas souvent, sauf en ce mois d’octobre avec les constants rappels, je me dis que je vais le faire», reconnait Assiata. «Comme on a des seins toute l’année et pas seulement en octobre, il serait bien de maintenir la sensibilisation pour que ça serve de rappel», intervient Kadiata avec un trait d’humour qui provoque des rires. En attendant, elles promettent de se rappeler entre elles de se livrer régulièrement à cet exercice simple mais crucial. Car, comme elles le reconnaissent à l’unisson, «notre santé et celle de nos proches doivent toujours être une priorité». Un avis que partage Awa Willane.
Une application et des tutoriels sur la pratique de l’autopalpation
Avec une voix bienveillante et une gestuelle posée, la jeune étudiante en Biologie accepte de se joindre à la discussion malgré son apparent empressement à retourner à ses travaux. Pour elle, les seins sont une part importante de la féminité : «Les femmes qui subissent une ablation mammaire sont quelque peu privées d’une partie de leur identité. Ça doit être une grande épreuve». Par mesure de prévention, elle pratique l’autopalpation plus souvent mais pas autant qu’elle le devrait. Elle préconise la poursuite de la sensibilisation tout en soulignant un point important : la pudeur. «Peut-être que la pudeur héritée de notre éducation est la raison pour laquelle on peine à adopter l’habitude de se toucher les seins», suggèret-elle. Sur un ton plus sérieux, Bineta propose l’idée d’une application qui va alerter les femmes à la fin de leurs règles pour leur rappeler de pratiquer l’autopalpation. Une suggestion qui fait consensus à en juger par les réactions d’acquiescement. Aussi, Bineta souligne l’importance d’inclure dans les campagnes de sensibilisation des tutoriels pour savoir exactement comment pratiquer cet exercice pour ne pas passer à côté d’un signe qui aurait dû alerter.
Restaurer la féminité spoliée des survivantes
Quelques instants plus tard, c’est d’un pas résolu que Woré Cissé se dirige vers la sortie. Elle était venue à l’Esp pour se renseigner sur le concours de Génie électrique auquel elle souhaite participer. A tout juste 18 ans, elle affiche une assurance qui lui fait tout de suite adhérer à l’idée de parler des seins. «Par le lait maternel qu’ils procurent, les seins sont d’une importance capitale pour la survie des bébés. Donc, les seins des femmes sont importants pour toute la société», déclare-t-elle. Est-elle une assidue de l’autopalpation ? «Non», répond-elle avec honnêteté. Elle s’empresse de proposer une solution : «Il y a beaucoup trop de contenus inutiles sur les réseaux sociaux. On devrait mettre en avant des informations et rappels plus profitables à la santé et au bien-être.» Si le cancer est détecté suffisamment tôt, il est possible de le guérir sans ablation mammaire. Malheureusement, alors que le cancer du sein est plus rare en Afrique qu’en Europe ou en Amérique, il y est aussi plus dommageable et plus mortel à cause d’un diagnostic plus tardif. L’ablation d’un ou des deux seins devient nécessaire lorsque la tumeur atteint un stade avancé. «Une mastectomie est vécue comme une atteinte à la féminité et à l’estime personnelle des femmes», explique Mme Diarra Guèye Kébé, survivante du cancer et présidente de l’Association Cancer du sein Sénégal. En plus d’être active dans la sensibilisation, cet organisme lève des fonds destinés à l’achat de prothèses mammaires pour des femmes ayant subi une ablation. Pour cette année, l’objectif est fixé à au moins 500 prothèses. Cela ne suffira peut-être pas pour effacer les ravages du cancer sur le corps et l’esprit des survivantes. Cela peut cependant les aider à recouvrer une partie de leur féminité spoliée et de reprendre goût à la vie.
MANE VA FETER SEUL SES 100 SELECTIONS
Sénégal-Soudan du Sud, au Stade Abdoulaye Wade. Un match spécial pour Sadio Mané qui bouclera ses 100 sélections avec les Lions, mais qui devra «différer» la communion avec le public, car la rencontre devant se jouer à huis clos
Le Sénégal débute les éliminatoires du Mondial 2026 le mois prochain, avec la réception du Soudan du Sud, à Diamniadio. Un match spécial pour Sadio Mané qui bouclera ses 100 sélections avec les Lions, mais qui devra «différer» la communion avec le public, car la rencontre devant se jouer à huis clos.
Après une qualification en poche pour la prochaine Can ivoirienne, le Sénégal débute les éliminatoires de la Coupe du monde 2026, avec deux matchs pour le mois prochain, contre le Soudan du Sud à domicile et le Togo à l’extérieur, durant la fenêtre Fifa comprise entre le 13 et le 21 novembre.
Mais pour la réception des Sud Soudanais au Stade Abdoulaye Wade de Diamniadio, ce sera sans public. En effet, Le Quotidien a eu confirmation que ce premier match des champions d’Afrique sur la route du prochain Mondial va se jouer à huis clos. Et cela suite à la sanction infligée par la Commission de discipline de la Fifa à la Fédération sénégalaise de football (Fsf), le 2 mai 2022.
Pour rappel, la Fsf a été sanctionnée pour les incidents survenus lors des qualifications au Mondial 2022 face à l’Egypte. C’est ainsi que la sélection du Sénégal a écopé d’un match à huis clos et la Fédération d’une amende. Des sanctions infligées par la Fifa pour les incidents survenus lors du barrage retour des qualifications pour le Mondial 2022, Sénégal-Egypte, le 29 mars 2022 à Dakar. Un succès obtenu grâce aux tirs au but (3 à 1), et qui avait ouvert les portes du Mondial qatari à la bande à Kalidou Koulibaly.
Dans son communiqué, l’instance mondiale avait précisé «que l’amende s’élève à 170 866 euros (environ 112 millions Cfa)». Outre une entorse générale «aux règles de sécurité» et au maintien de l’ordre dans le Stade Abdoulaye Wade de Diamniadio», la Fifa ayant relevé «le jet d’objets, l’utilisation de lasers et de fumigènes dans les tribunes, ainsi qu’une banderole offensante».
D’ailleurs, réagissant à cette sanction, le président de la Fsf, Me Augustin Senghor, a invité les Sénégalais à en tirer une leçon pour l’avenir, notamment les jets de projectiles au match retour, en déclarant : «Nous devons veiller à ce que tout se passe bien au plan du fair-play et qu’on ait rien à nous reprocher, même si le public doit supporter son équipe.»
Le public pourrait ne pas revoir les Lions avant la Can
Cette sanction va donc entrer en vigueur lors du match aller Sénégal-Soudan du Sud, prévu mi-novembre. Un huis clos qui tombe mal pour le public sénégalais qui, avant le début de la Can, aurait aimé revoir ses Lions après leur victoire de prestige face au Cameroun (1- 0), lundi à Lens.
Mais ce match sans public sera encore beaucoup plus regrettable pour Sadio Mané. En effet, et comme écrit dans notre édition de mercredi dernier, le bourreau des Lions Indomptables va boucler ses 100 sélections en Equipe nationale lors de ce match. Il va ainsi rejoindre son compagnon de toujours, Gana Guèye, premier footballeur sénégalais à atteindre la barre des 100 capes. C’était en mars dernier, à Diamniadio, à l’occasion de la rencontre contre le Mozambique (3ème journée des éliminatoires de la Can 2023).
Pour rappel, l’actuel meilleur buteur sénégalais de tous les temps en est à 38 réalisations, après son penalty victorieux face au Cameroun de André Onana. L’enfant de Bambali (31 ans) ayant fêté sa première sélection contre le Maroc, le 25 mai 2012, et son premier but face au Liberia, le 2 juin 2012.
Double Ballon d’Or africain, Sadio Mané, a tout gagné. D’où un centenaire qui devrait être fêté par une haie d’honneur de ses coéquipiers. En attendant la prochaine partition du 12e Gaindé.
Par Moustapha CAMARA
CE QUE LES SENEGALAIS ATTENDENT DU PROCHAIN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
En 2012, peu de temps après l’accession de Macky Sall à la tête de l’Etat du Sénégal, le journaliste - politologue , Babacar Justin Ndiaye, disait dans une télévision de la place que «les Sénégalais ont davantage chassé Wade qu’élu Macky».
En 2012, peu de temps après l’accession de Macky Sall à la tête de l’Etat du Sénégal, le journaliste - politologue , Babacar Justin Ndiaye, disait dans une télévision de la place que «les Sénégalais ont davantage chassé Wade qu’élu Macky». Il avait tout à fait tort, car c’était en toute lucidité que le Peuple sénégalais avait porté son choix sur le candidat Macky Sall en raison, précisément, de sa proximité des basses couches de la société, mais surtout à cause de son parcours politique exceptionnel lui conférant des aptitudes techniques et des connaissances politiques capables de changer l’orientation du pays sur les plans politique, institutionnel, économique et social.
A cela, venait s’ajouter la pertinence de son programme de campagne, le fameux «yoonu yokkuté», une propédeutique à l’émergence économique dont l’objectif primordial n’était point les réalisations tous azimuts d’infrastructures non prioritaires, mais plutôt de donner au Sénégal une «santé politique et sociale» qui puisse le rendre apte à la marche sur le chemin ô combien difficile qui mène au développement. L’engagement de Macky Sall en faveur d’une gouvernance sobre et vertueuse et sa ferme volonté de restaurer l’Etat de Droit, en mettant fin à l’impunité et en combattant l’injustice sous toutes ses formes, s’inscrivait dans cette perspective. Il s’agissait, comme disait Abdoul Mbaye, «de mettre fin à l’arrogance et à la gabegie pour que règnent en maître l’éthique, l’humilité et le sens des responsabilités dans la gestion publique».
Toutefois, une fois installé, le Président Sall lance la Plan Sénégal émergent (Pse) qui abandonne l’esprit «yoonu yokkuté» et définit de nouvelles stratégies qui, à terme, devraient permettre de faire du Sénégal un pays émergent. Et aujourd’hui, malgré ses réalisations jugées importantes, tant sur le plan matériel qu’immatériel, les Sénégalais se plaignent toujours et font à Bby les mêmes reproches au régime libéral du Président Wade dont on sait que le magistère avait été pourtant un déclic par rapport à l’«état stationnaire» économique et social de la période socialiste de Abdou Diouf. En effet, le Peuple reproche au régime actuel son incurie face à la situation socioéconomique délétère dans laquelle baigne le pays et au désespoir de la jeunesse. Il considère que le nonrespect par le Président Sall du compromis susmentionné qui le liait aux Sénégalais est à l’origine de toutes les difficultés que le pays traverse aujourd’hui.
Ce Peuple, aujourd’hui très fatigué et désappointé, voudrait, après 2024, que rien ne soit plus comme avant sur les plans, notamment, politique et social. Le prochain président de la République aura l’obligation de trouver des solutions idoines et durables aux maux qui gangrènent la société sénégalaise, empêchant le pays de décoller. Il s’agit des «maladies de la société» comme le manque d’éducation de qualité et ses corollaires d’incivisme et d’indiscipline caractérisée, la dépravation des mœurs, le recul de la religiosité, la corruption, l’insécurité totale, le mensonge partout érigé en règle, la mollesse chez les jeunes et le culte de la facilité auxquels il faut ajouter le grand banditisme d’Etat et le pillage systématique et implacable des ressources publiques par les élites au pouvoir.
Les Sénégalais attendent du prochain président de la République qu’il mette fin à la «dictature politicienne» en démolissant l’Etat-politicien et en faisant disparaître cette race d’hommes politiques arrogants, incompétents et prédateurs. Ils attendent qu’il mette un terme à la transhumance vers le pouvoir, qui maintient le pays dans un éternel recommencement. Les pratiques mafieuses, scélérates et perfides auxquelles ces politiciens avaient recours pour réaliser leurs desseins et satisfaire leur clientèle politique, ont systématiquement dévalorisé le mérite dans ce pays, encouragé la facilité et répandu la médiocrité dans tous les domaines.
Les Sénégalais attendent du prochain Président de la République qu’il fasse en sorte qu’il ne soit possible à n’importe qui de devenir multimilliardaire, sans travailler, mais rien qu’en étant politicien. Le prochain Président doit mettre fin à cette situation et veiller à ce que personne ne puisse profiter de sa position de pouvoir pour s’enrichir et enrichir des proches. La politique ne doit plus être un moyen de promotion sociale, encore moins d’enrichissement personnel, mais plutôt une activité sacrificielle, un don de soi à la Patrie pour laquelle l’on se «tue» pour son développement et pour tout le bonheur de ses habitants
Le Peuple ne veut plus entendre parler de «lijënti» (terme wolof auquel on peut donner le sens de «bras long», magouilles, tricherie, etc. pour obtenir des faveurs.) : une pratique fortement ancrée dans les mentalités sénégalaises. Le Sénégalais d’aujourd’hui n’accorde plus assez d’importance aux études et ne trouve plus d’opportunité à travailler dur pour réussir. Il pense qu’il est possible de tout obtenir par le «lijёnti», soit en faisant de la politique soit en s’approchant des courtiers-politiciens «meune lëp» («omnipotent»). Le prochain Président aura l’obligation de faire comprendre aux jeunes que seul le travail paie, et qu’au bout de tout effort, il y a le succès.
Les Sénégalais ne veulent plus entendre parler de «quota» de tel ou tel politicien, ministre, Dg ou autres responsables dans les concours nationaux et recrutements «spéciaux». Dans un pays qui veut émerger, une telle pratique est inadmissible, car elle ne favorise pas l’émulation. C’est de la dévalorisation systématique du mérite et du travail au profit de la facilité et une promotion de la médiocrité.
Les Sénégalais veulent une police aseptisée de toute corruption et une Justice indépendante et impartiale. Les nombreuses bavures policières et les problèmes de Justice provoquent une psychose d’insécurité chez les populations. Ces deux institutions, capitales pour la stabilité nationale, malgré la qualité incontestable de ses ressources humaines, n’inspirent plus confiance. Le Sénégal est devenu le pays où un honnête citoyen peut être accusé à tort, arrêté et emprisonné pour une faute qu’il n’a pas commise. «Dès qu’on est livré au Parquet, on a de fortes chances de gagner son ticket pour la prison», se désole un ex-détenu, qui dit avoir été choqué par le cas d’un détenu qui a passé quatre années en prison avant d’être acquitté, car les faits qui lui étaient reprochés n’étaient pas fondés.
Le Peuple sénégalais attend du prochain Président qu’il apporte des solutions à la léthargie dans le système éducatif sénégalais. Il y a une école au Sénégal, mais la société sénégalaise est sans école. Et une chose est sûre, tant que les problèmes d’éducation ne trouveront pas de remèdes, aucune politique, quoique pertinente soit-elle, ne pourrait donner des résultats escomptés, car l’éducation est un facteur incontestable de changement social, de stabilité politique, de progrès économique et de rayonnement culturel. Un pays qui veut se développer, même regorgeant de ressources précieuses comme l’or, le pétrole et le gaz, s’il n’a pas un système éducatif de qualité, restera bloqué et exposé aux crises liées à ce qu’on appelle communément la «malédiction des ressources naturelles».
Un autre problème majeur auquel le prochain Président du Sénégal doit s’attaquer est le trop-plein démographique. La population sénégalaise s’accroît à un taux vertigineux de 2, 7% par an, alors que la production agricole ne cesse de diminuer. Ce déséquilibre pose de sérieux problèmes de développement : difficultés économiques, jeunesse exorbitante, problème d’éducation, de formation et d’emploi, pauvreté, insécurité et délinquance juvénile, misère sociale et désespoir. Des solutions doivent être trouvées, car la «bombe démographique», si elle n’est pas désamorcée, est une catastrophe en vue.
Depuis l’Antiquité, les hommes avaient conscience des dangers du nombre. Au IVème siècle av. J-C, le philosophe grec, Aristote (384-322 av. JC), dans Politique VII, 4, disait qu’«il est difficile pour un Etat dont la population est trop nombreuse d’être régi par de bonnes lois». A la suite de Malthus (1766-1834), les «néomalthusiens» insistent toujours sur la nécessité de limiter le nombre de naissances pour éviter les catastrophes liées au «boom démographique». Le Commandant Jacques-Yves Cousteau (1910-1997), dans une interview à Paris Match, s’écriait : «La population est le danger le plus grave ! » (in Le Point n°1030 du 13 juin 1992).
Donc si le prochain Président veut faire émerger le Sénégal, il doit y trouver des solutions. En quoi faisant ? De toute évidence, en lançant des politiques de limitation des naissances pour infléchir le taux de croissance. La baisse de la fécondité pourrait favoriser la croissance économique et permettre le mieux-être des populations. Le cas des pays d’Asie de l’Est peut, parfaitement, servir d’illustration à cette assertion. Pour la méthode, un marabout du nom de Cheikh M. M. Ségnane avait fait une proposition certes rigolote, mais que nous avions trouvée pertinente. Il invitait l’Etat du Sénégal à «être strict en imposant une autorisation de procréation à chaque couple suivant les moyens des deux partenaires. Ainsi, selon les capacités des conjoints, il sera défini le nombre d’enfants à mettre au monde pour chaque homme et femme en règle avec les conditions établies», poursuivait-il.
La paix en Casamance constitue également une surpriorité à laquelle le prochain Président de la République doit accorder une importance inégalée. La crise casamançaise est comme une épine vénéneuse dans le pied du Sénégal dont elle gêne la marche sur le chemin caillouteux qui mène au développement. C’est comme une tumeur cancéreuse qui ronge à petit feu le pays, dégradant sa santé économique, sociale et culturelle. La paix en Casamance doit être une préoccupation majeure pour le prochain Président car, de la résolution définitive de ce conflit et la pacification totale de la région, dépendra le succès de sa politique de développement national dans tous les domaines.
Il est vrai, ce conflit est atypique et assez complexe, mais il prendra fin tôt ou tard. Pour y parvenir le plus vite, il faudra véritablement négocier. Négocier certes, mais aussi privilégier des actions concrètes, sur le terrain, en termes de réalisations d’infrastructures de développement (ponts, routes, chemins de fer, pistes, universités et instituts de recherches, etc.). En plus, la région doit bénéficier d’un «Programme spécial» de développement, une sorte de «Plan Marshall spécial» pour la mise en valeur des énormes richesses matérielles et immatérielles dont elle regorge. De toute évidence, un tel programme «discriminatoire positif» pourraient, inéluctablement, contribuer à effacer carrément les motifs socioculturels, économiques, géographiques et psychologiques de la rébellion.
Bref, le Peuple sénégalais attend du prochain président de la République qu’il s’engage dans la voie des réformes, très profondes sur les plans politique, institutionnel, économique et social, pour stabiliser davantage le pays afin de le mettre à l’abri des «révoltes populaires» contre les élites au pouvoir qu’on voit partout en Afrique et contre la vague de coups d’Etat militaires qui sévit actuellement dans la sousrégion, déstabilisant les Etats et plongeant les populations dans la misère et le désarroi. Il doit comprendre que la fonction de chef d’Etat n’est pas une jouissance, encore moins une sinécure, destinée à faire «le bonheur des hommes». La présidence de la République dépasse la simple responsabilité étatique, c’est une «mission divine» de lutte permanente contre les malheurs.
Dans les croyances traditionnelles de plusieurs peuples d’Afrique et d’Asie, le roi (ou le chef) est garant de l’ordre social. C’est lui qui accordait la prospérité du pays et le bonheur des populations en prévenant, de par sa pureté spirituelle et ses vertus intrinsèques, les malheurs en exerçant une influence favorable sur les réalités. Par conséquent, les calamités naturelles et humaines l’incombent de fond en comble. Détenteur du «mandat céleste», la misère sociale et les événements malheureux peuvent, en effet, le rendre illégitime aux yeux de ses sujets.
Le prochain Président du Sénégal doit accéder à ce niveau de «spiritualité» en se donnant le devoir sacro-saint de mettre son Peuple à l’abri des malheurs. Il aura l’obligation «divine» d’instaurer la justice sociale, la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat et d’instituer une gouvernance vertueuse en vue de mettre tout le monde dans un état psychologique et mental favorable au travail et à la production pour la construction d’un Sénégal réconcilié avec son Peuple dont chaque membre accepte de donner ce qu’il a de meilleur en lui pour son développement intégral.
Moustapha CAMARA
Professeur d’histoire et de géographie
Email : mcamara57@yahoo.fr
«BEAUCOUP D’ARTISTES AFRICAINS ESSAIENT DE COPIER CE QUI SE FAIT EN EUROPE»
Zulu Mbaye, un des peintres sénégalais les plus connus, a gagné le droit de partager sans fioriture son regard sur le monde. Au cœur du Village des arts où il nous reçoit, c’est un homme sage et riche de ses nombreuses expériences qui se livre
Au moment de célébrer ses 50 ans de pratique artistique, l’homme s’est entouré de grands noms de la peinture africaine. Abdoulaye Konaté, Siriki Ki ou encore El Anatsui, voilà quelques-uns des artistes qui occuperont les cimaises du Musée Theodore Monod, le 27 octobre prochain, pour «célébrer Zulu Mbaye». Reconnaissance pour un homme qui aime à se présenter comme un «Sénégalais artiste». Zulu Mbaye, un des peintres sénégalais les plus connus, a gagné le droit de partager sans fioriture son regard sur le monde. Au cœur du Village des arts où il nous reçoit, c’est un homme sage et riche de ses nombreuses expériences qui se livre.
Plus de 50 ans de pratique artistique, que retenir de cela ?
Un grand vécu. C’est en 1970 que j’ai commencé la pratique artistique. Donc, une vie d’artiste très chargée que j’ai vécue ici et ailleurs en Europe, aux Usa. Pendant 50 ans, je n’ai fait que peindre. Je ne sais rien faire d’autre dans ma vie que peindre. En 2019, j’ai eu l’idée de fêter mes 50 ans parce que Massamba Mbaye est venu me voir et m’a dit : «Grand, 50 ans, ça se fête.» J’ai voulu le faire en 2020, mais comme le Covid19 était là, j’ai dû le repousser à 2023. J’ai eu, en tant que président du Village des arts, l’honneur de recevoir ici, en novembre 2016, le Roi Mohamed VI. Et j’ai eu à passer deux journées avec lui pour visiter les ateliers des artistes. Et en mars 2017, Sa Majesté m’invite à l’exposition, L’Afrique en capitale, dans le musée qui porte son nom à Rabat. C’est comme ça que j’ai commencé à rencontrer les décideurs marocains, de grands artistes et depuis quatre ans, je vis entre le Sénégal et le Maroc. Il faut dire que Sa Majesté m’a ouvert les portes du Maroc artistique et culturel. En 2019, quand je suis allé au Maroc me soigner, j’ai parlé au directeur de l’Agence marocaine de coopération internationale (Amci), de mon souhait d’organiser mes 50 ans. Il me dit : «On peut vous soutenir en invitant dix pays africains à Dakar pour vous rendre hommage.» C’est comme ça que l’idée est née, mais quand je suis rentré à Dakar en janvier2020, j’en parle à mon ami Racine Talla de la Rts, qui me dit : «Non, on ne peut pas regarder un pays étranger venir célébrer notre fils. Je vais en parler au Président Macky Sall.» J’ai été reçu par le Président qui a gracieusement soutenu et accompagné cet évènement. Et le 27 octobre prochain, avec une dizaine de pays africains invités, je vais célébrer ces 50 ans de pratique artistique dans deux espaces simultanément. Le Musée Theodore Monod, le 27 octobre, et l’Espace Vema, le 28 octobre. 46 exposants qui vont célébrer Zulu Mbaye, je pense que c’est une marque de reconnaissance, une sorte de consécration que l’on m’offre de mon vivant. Beaucoup n’ont pas cette chance-là. Il y aura un panel intitulé : «L’art comme levier de rapprochement des peuples.» L’art, la culture on va dire, est d’ailleurs le plus grand vecteur de rapprochement des peuples. Et c’est donc l’occasion de se parler entre différentes cultures, différentes sensibilités artistiques. C’est le sens que je donne à ce panel qui va regrouper d’éminentes personnalités, de grands hommes de culture de plusieurs pays, le 28 octobre au Musée Theodore Monod. Le 3e jour aussi, il y aura un film que je suis en train de faire depuis 4 ans sur mon travail et qui s’appelle Zulu, l’Africain.
Vous vous voyez d’abord comme un Africain ?
Je suis africain de naissance, de cœur, culturellement, historiquement. Je le revendique. Tout le monde sait que je revendique cette africanité à travers ma peinture, mon attitude, mon comportement, ma vie. Et c’est le cas même en Europe où j’ai vécu plus d’une vingtaine d’années, et où je ne m’habillais qu’africain. Et c’est une fierté, une manière de montrer notre appartenance, notre spécificité d’Africain. On n’a rien à envier aux autres. Il faut s’affirmer. Quand je vois aujourd’hui que beaucoup d’artistes africains, pour se faire connaître à l’international, essaient de copier ce qui se fait en Europe, parler d’art conceptuel, machin truc, j’ai envie de gerber. C’est comme si on n’avait pas de génie. Et pourtant, notre imaginaire de négro-africain est très riche. Nous sommes chargés par une force qui a bouleversé le monde par la rencontre entre Picasso et la statuette négroafricaine. A partir de ce moment, au début du 19e siècle, toutes les expressions artistiques étaient bouleversées. Ça ne s’arrête pas seulement à la peinture, mais la musique, la danse.
Les Occidentaux en ont tiré profit, mais pas les Africains, c’est ce que vous voulez dire ?
Mais c’est parce que nous avons une haine de nous-mêmes. Nous nous sous-estimons, nous foulons aux pieds ce que nous sommes et ça, personnellement, je ne le supporte pas. Tahar Ben Jelloun, dans un de ses livres, Moha le Fou, Moha le sage, disait : «Autrefois, c’étaient les étrangers qui nous déshabillaient. Aujourd’hui, c’est nous qui ôtons nos haillons et les jetons dans les fosses de la honte.» Par exemple, ici au Sénégal, si tu portes un thiaya, c’est comme si tu étais… on préfère se mettre en costume, cravate, on se dit qu’on est dans l’air du temps. Nous avons des choses à montrer au monde, à proposer et il faut que nous croyions à ça, que nous arrêtions de nous regarder avec des yeux d’ailleurs. Nous sommes là à mimer, singer et copier les autres. C’est comme si nous avions peur de nous-mêmes. Et pourtant, nous avons une belle histoire, une belle civilisation qui a enfanté toutes les autres civilisations du monde. Mais par-là, sont passés les religions, l’esclavage, la colonisation. Ça nous a donné des complexes et les artistes doivent être là pour faire resurgir ces ruptures qu’on a créées en nous. Il faut les combattre et c’est tout le sens que je donne à ma pratique artistique, mon œuvre, ma vie artistique. Il faut déconstruire et il faut redéfinir l’art. Les autres sont venus voir nos statuettes et nous ont dit, c’est de l’art. Oui c’est de l’art ! Bien que, quand on va dans les académies occidentales, les canaux de beauté qu’on y enseigne, la composition, il y a une rencontre. Alors que nos sorciers africains qui sculptaient, sortaient naturellement ces règles que l’on retrouve dans des académies, mais ce n’est pas pour des questions esthétiques, c’était plus que ça. Nos œuvres étaient chargées, nos œuvres n’étaient pas des décorations que l’on mettait dans un salon, dans des musées, des cages de verre et de fer. Comment se fait-il qu’autrefois, quelqu’un portait un masque, quelqu’un d’autre tapait à coup de tambours codifiés, un troisième esquissait quelques pas de danse et il pleuvait. Voilà, ce qu’était fondamentalement notre art. Je pense qu’il faut que les Africains, par le biais d’évènements comme la Biennale, essaient de montrer leur génie. Etre là à montrer que nous sommes des élèves qui savent réciter leurs leçons … Les autres nous regardent et rient sous cape. Nous croyons que puisqu’on fait la même chose que ce qui se fait à Paris, on existe. On n’existe pas. Et c’est pour ça que je ne participe plus à la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar.
Vous avez une seule participation à cette biennale…
En 1992. En 1996, au Nietti Gouy à Almadies, j’ai organisé le premier Off qui n’était pas encore le Off, et que j’appelais un boycott intitulé Amour interdit. On voulait ghettoïser l’art africain, vivre en autarcie alors que nous devons nous ouvrir au monde, inviter les artistes du monde entier, faire la fête avec le monde à Dakar. Et comme l’Etat sénégalais avait d’autres préoccupations, moi j’ai fait ce boycott pour revendiquer cette ouverture de l’art africain au monde. Quand on nous a interdit ça, j’ai appelé l’exposition Amour interdit. Et aujourd’hui, je suis content que la presse parle du Off de la biennale et qu’à chaque édition, il y ait 300, 400 expositions.
Vous n’aimiez pas le format dans lequel la Biennale s’inscrivait ?
Oui. La Biennale, à cette époque, aux deux tiers, était soutenue par la coopération française et par d’autres représentants de cette même coopération. Et ce sont eux qui donnaient des ordres aux organisateurs. On leur a dit d’africaniser la Biennale. L’édition de 2014 avec le Pr Babacar Mbaye Diop, il a initié une exposition parallèle au In, Regards croisés, dans laquelle il y avait d’autres nationalités occidentales. Ça, c’était une manière de s’ouvrir, mais depuis, ils sont repartis dans leur erreur et ont refermé la Biennale aux artistes étrangers. Il faut ouvrir la Biennale. Comme toutes les biennales, Sao Paulo, Venise, elles sont ouvertes au monde. Il n’y a pas de coloration raciale. Et tant que cette biennale est organisée dans cet esprit, je «m’excuse», je les laisse faire leur fête. Mais j’organise toujours des activités, je participe à ma façon en faisant des projets internationaux que tout le monde apprécie.
Sur la scène internationale, on a comme l’impression que l’art africain est perçu comme une case globale…
On est un peu considéré comme des artistes de seconde zone. Mais quand même, ça commence à s’ouvrir. Mais malheureusement, l’ouverture est pour les copistes, les bons élèves des Occidentaux. Mais pas ceux qui revendiquent leur appartenance négro-africaine comme moi. J’ai eu la chance qu’il n’y ait pas deux ou trois artistes sénégalais plus cotés que moi. Je suis sur le marché international, je n’aime pas en parler, mais je suis dans les galeries. Les gens confondent exposer à Paris et être sur le marché international. Ce sont deux choses différentes.
Vous êtes autodidacte comme on dit…
Comme tous les artistes. On apprend des choses à l’Académie comme on apprend des choses comme moi, dans l’atelier. L’académie, c’est pour connaître le rudiment. Mais le véritable apprentissage, c’est dans l’atelier. Et ça, même après 50 ans de pratique, dans l’atelier, tu apprends. Donc tout le monde est autodidacte. L’artiste est fondamentalement autodidacte parce que personne ne lui enseigne. J’ai fait les Ateliers libres de Pierre Lods pendant 7 ans, sans contraintes, sans qu’on me donne des notes, des sujets. A l’école des beaux-arts, les élèves font 4 ans. L’art n’aime pas le dirigisme. On doit laisser à l’artiste la liberté de faire son travail. Je ne crois pas aux professeurs d’art, mais plutôt aux conseillers d’art. Quelqu’un qui a la même expérience que moi et qui me conseille. L’esprit de l’enseignement des écoles, c’est copier ce qui se fait en Occident. Les élèves restent dans le même moule et je pense qu’au Sénégal, on ne peut plus parler d’une école des beaux-arts. Quand une école ne peut pas fournir à l’élève un pinceau ou un tube de peinture, c’est quand même grave. Et quand on met cette école des beaux-arts dans des petits appartements, il faut que l’Etat réfléchisse à cette situation. Les artistes, les apprenants en art méritent beaucoup plus que ça.
L’Ecole de Dakar est très renommée, en ce moment, quels sont les courants qui parcourent l’art sénégalais ?
Depuis l’avènement de l’Ecole de Dakar, il n’y a pas eu de, je n’ose pas dire nouveauté, mais le soubassement de ce qui se fait aujourd’hui, provient de cet Ecole de Dakar. Seulement, cette Ecole de Dakar, il faut la dépasser, lui apporter un plus, mais sans rupture. C’est ça ma démarche. Quand on regarde mon travail, on sent que je viens de cette Ecole de Dakar, mais j’apporte un plus, je suis ouvert aux autres souffles du monde et je sais ce qui se passe dans le monde. Je vis le 21e siècle et forcément, il y a des influences, des nouveaux souffles qui viennent vers moi. Mais j’essaie, avant de les pratiquer, de les digérer, les comprendre. Je ne prends pas tout simplement un concept qui vient d’ailleurs, qui n’a rien à voir avec moi, pour en faire mon discours artistique. Il faut toute une spiritualité, une religiosité et un regard clair. L’art ne traduit que ce que nous sommes. Nous avons des différences avec les autres, des différences civilisationnelles, historiques et même géographiques. Nous sommes en Afrique avec le soleil. Et ça déteint sur la palette chromatique des artistes. Ils font des couleurs vives, qui chantent. C’est l’environnement, mais ces spécificités, il faut savoir les décoder. Toute ma vie, j’ai réfléchi à ces questions et c’est pourquoi, beaucoup pensent que je suis difficile. Je ne suis pas difficile. Je ne veux pas me mentir tout simplement. En art, quand on ment, on ment sur son travail, son œuvre. C’est pour ça que quand je regarde l’œuvre de quelqu’un, même sans le connaître, je peux dire les caractéristiques de l’individu. S’il est timide, agressif, violent. Parce que l’art ne ment pas.
Il y a aussi le cas de ce Village des arts où nous sommes. Quelle est la situation en ce moment ?
Catastrophique ! On nous a offert une mine d’or, mais on est en train de cultiver des cacahuètes dessus. Quand des gens d’un autre pays arrivent ici et que je leur dis qu’on ne paie pas le loyer, l’eau et l’électricité, ils tombent par terre parce que ça ne se fait nulle part. Ailleurs, les artistes participent à la vie de leur village des arts. Mais ici, on nous a offert tout ça. Mais nous sommes en train de dormir et le village va à vau-l’eau. Par notre manque d’organisation, notre laxisme, l’incompréhension aussi de cet outil qui est la fenêtre de l’art sénégalais. Par exemple, à chaque fois qu’il y a une sélection nationale, 75% des sélectionnés sortent de ce Village des arts. Il y a de grands artistes, mais il y a aussi un manque terrible d’organisation. Alors que ce village peut accueillir le monde entier. Où est ce qu’il y a un village avec 52 signatures ? Si on était organisés, on aurait pu bénéficier de beaucoup de choses pour animer le village.
Il y avait un projet de rénovation sur le village…
C’est tombé à l’eau. On nous avait sommés de déguerpir un moment, mais les artistes se sont battus pour garder leur outil de travail. Parce que quand même, sortir de ce village serait un suicide collectif. Un artiste qui n’a que son atelier pour peindre, où les gens peuvent le trouver et acheter son travail, si on l’amène à Guédiawaye ou Mbadakhoune parce qu’il habite là-bas, il va mourir de sa belle mort parce que personne ne s’intéressera à son art là-bas. Ils ont eu raison de se battre pour garder cet outil parce que leur profession en dépend. Avec le ministre de la Culture, on est en train d’échanger. Il faut que le ministère s’implique dans ce village qui appartient à l’Etat sénégalais. Les artistes qui y vivent sont des Sénégalais et ce sont les ambassadeurs de l’art sénégalais dans le monde. Ce ne sont pas comme des menuisiers ou des mécaniciens qui gagnent leur pain. Nous ne sommes pas en reste dans l’œuvre de construction nationale. Un artiste qui vend une toile à 2000, 3000 euros, ça entre dans l’économie nationale. Nous participons à l’économie de ce pays. Nous apportons de la valeur ajoutée à l’économie de ce pays. Par exemple, le Roi du Maroc, en deux jours, a acheté 144 pièces dans ce village. Tous les artistes étaient devenus des millionnaires. Et cet argent va dans l’économie du pays. Il ne faut pas prendre les artistes pour des fainéants ou des dormeurs. Moi je suis polygame, j’ai 8 enfants. Je les nourris, je les mets à l’école, je paie leurs études, je paie mes loyers. Il ne faut pas penser que les artistes sont des gens en dehors de la société. Ils sont au milieu.
Par Serigne Saliou DIAGNE
L’ENFANT GATE DE LA REPUBLIQUE ET SON UNIVERS DYSTOPIQUE
Le Sénégal est un pays bien spécial où l’on pourrait, par moments, se croire plongé dans un univers dystopique, tellement les scénarios qui animent la vie publique peuvent laisser sans voix.
Le Sénégal est un pays bien spécial où l’on pourrait, par moments, se croire plongé dans un univers dystopique, tellement les scénarios qui animent la vie publique peuvent laisser sans voix. Les récits dystopiques surfent entre la sciencefiction et des interprétations de la réalité. C’est un genre littéraire d’anticipation où le plus souvent, c’est une société imaginaire qui est régie par des forces et pouvoirs totalitaires, ayant un contrôle poussé voire total sur les individus. Depuis mars 2021, consécration par la violence aveugle de notre glissement en tant que société dans une séquence folle qui est le fruit d’un activisme sans limite d’entrepreneurs politiques, d’une passivité coupable et criminelle des services d’Etat et d’une abdication de la pensée critique chez les faiseurs d’opinions (intellectuels et médias) pour laisser place à la partisanerie primaire, l’absurde a pris le dessus sur tout. Le Sénégal ressemble au bout du compte à un univers dystopique où tout marche à l’envers. Rien de ce qui devrait se passer dans un pays normal, ne s’effectue maintenant dans les règles de l’art. Les agressions contre la Justice dont certains magistrats «encartés» s’accommodent ou les flagrants partis-pris dans la presse à la cause d’un homme qui devrait être poursuivi pour trahison et désigné ennemi domestique, après tous les actes qu’il a posés pour fragiliser la République, ont de quoi nous pousser à nous pincer pour nous sortir de ce fichu cauchemar. J’irai plus loin en disant que nous nous trouvons tous prisonniers d’une dystopie dont Ousmane Sonko est le metteur en scène. Il aura voulu par tous les moyens se faire roi, en usant de tous les stratagèmes, pour finir par se rendre omniprésent dans le débat public. Et cela, dans toutes les postures incongrues possibles. Il se sera imposé comme un Léviathan des consciences, une sorte de Big Brother boulimique quémandant sympathie et attention partout, en faisant de l’opinion le relais privilégié de toutes ses viles ruses. Beaucoup de monde, par mimétisme et effet d’entraînement, s’accommodent de tous ses caprices, pardonnent tous les abus à sa meute, se courbent face au poids de l’insolence de ses soutiens. Des juges qui se dégonflent, des intellectuels émasculés, des guides religieux conspués au moindre mot contre le Saint Patron des réelles alternatives au Sénégal dont on oublie qu’il se réfugiait dans les jupes de ses épouses pour fuir la case prison.
Une idéologie politique a voulu dans le sillage de la furie Sonko, faussement embarquer toute une jeunesse et diverses franges de la population dans le rêve d’une société parfaite avec tout ce qu’il faut en termes d’égalité, d’opportunités, de justice sociale, de respect des normes et de transparence. Face aux insuffisances des hommes qui ont voulu porter un tel projet et sous le poids de leurs nombreux errements, la machine aura fini par se gripper. Le porte-étendard du projet se révèle être un fieffé menteur qui, depuis son incursion dans le champ politique sénégalais, ne cesse de se contredire, de se dédire et de faire dans une surenchère dont seuls les lâches se voulant par la force de leur gueule des guerriers ont la clé. Tout dans le projet Pastef se révèle être d’une utopie malsaine qui arrive à bout de souffle. Il est donc très regrettable que, de tout ce que nous connaissons d’une telle machine et de ses acteurs, que l’Etat sénégalais s’entête à s’accommoder de gens qui font tout pour détruire le Sénégal et son idéal républicain. Le saut du récit dystopique vers un roman absurde risque d’être inévitable, si la complaisance criminelle et irresponsable que les dépositaires des pouvoirs publics font montre à l’égard de Ousmane Sonko se poursuit de plus belle, en le laissant mettre en œuvre tous les scénarios farfelus qu’il aura en tête avec ses sbires. C’est la première fois qu’on voit une personne en réanimation avoir le temps de s’agripper à une télécommande de télé pour imposer le choix des programmes à regarder à la télévision entre malades, tel un enfant gâté avec ses caprices. N’est-il pas aussi surprenant qu’un chantre du nationalisme qu’on voudrait vendre comme une réincarnation hybride d’un Thomas Sankara avec la poigne de Mamadou Dia déteste regarder les chaînes de télévision sénégalaises ? L’absurde est au contrôle, car dans aucun pays sérieux, un politicien comme Ousmane Sonko, après tous les forfaits qui lui sont reprochés, n’aurait trouvé de matière ou de soutien pour se rendre intéressant dans le débat public, même dans les liens de la détention. Ce qui s’offre à nos yeux a de quoi révulser et irriter. Un prisonnier bénéficie d’un traitement privilégié qu’aucun autre détenu sur le sol sénégalais ne saurait s’imaginer. De la simulation de fausses maladies à la mise en scène de fausses grèves de la faim, une suite royale aura été installée au détenu Sonko dans le Pavillon spécial de l’hôpital Principal de Dakar. Il y a toutes ses aises et toutes ses habitudes, peut recevoir comme bon lui semble, ne se gêne pas de communiquer avec tout le pays, tout en se permettant le luxe de doux intermèdes que sont des visites conjugales. Le plus grave dans tout cela est que le contribuable sénégalais est le payeur des notes salées de Sonko sur son lit de malade imaginaire. Il a fallu que des révélations du journal Le Quotidien mettent à nu cela, pour que les officines de manipulation qui encadrent l’ex-président autoproclamé de la rue se trouvent l’altruisme d’un Sangoku pour entamer une nouvelle grève de la faim, en guise de solidarité à ses frères de parti dans les mains de la Justice pour différents forfaits et crimes. Ce pays est-il devenu un royaume où carte blanche est donnée à Ousmane Sonko de tout faire ?
Insulter et menacer des magistrats, chahuter des officiers, appeler au meurtre d’anciens dirigeants, faire des appels à l’insurrection et maintenant s’assurer une détention hors de prison, on ne peut qu’être dans un univers dystopique où Sonko tient le contrôle de la trame narrative pour que tout lui obéisse ainsi. Quel mal la détention de ce vulgaire délinquant sexuel tel que reconnu par la Justice sénégalaise après l’avoir condamné et cet instigateur de troubles graves qui a fini par se casser les dents peut-il encore représenter ? Il est compréhensible qu’il puisse avoir des soutiens bruyants, mais il est irresponsable pour un quelconque Etat de faire le jeu de cet entrepreneur politique en s’accordant au rythme de son tango populiste. Tous les actes subversifs qu’il pose doivent être matés avec une force lucide, qui ne ploie pas et sans compromission. Il a pour le moment la télécommande de sa réalité, tel un enfant gâté que cette République a malheureusement enfanté, il la manipule sans vergogne. Orwell a offert au monde le récit dystopique par excellence avec 1984. Philippe Dick proposera avec Le maître du haut-château un imaginaire d’un monde où l’Allemagne aurait gagné la Deuxième guerre mondiale. Ray Bradbury esquissera dans Fahrenheit 451, un monde sans livre et où la pensée individuelle serait anéantie. Les matinées de détention de Ousmane Sonko, où il s’amuse à jouer au malade imaginaire lui seraient bénéfiques, s’il lui venait d’écrire une dystopie à succès. Il a de la sacrée matière entre ses mains. Le seul regret est qu’en tant que pays, nous soyons bloqués avec lui dans son univers dystopique.
BAMBILOR SOUS HAUTE TENSION
Hier, la commune de Bambilor dont le siège a été saccagé par des manifestants furieux, a connu une journée mouvementée. Ils voulaient s’opposer à l’occupation d’un site de 22 ha réclamé par un promoteur au niveau du village de Mbeye. La tension reste
Hier, la commune de Bambilor dont le siège a été saccagé par des manifestants furieux, a connu une journée mouvementée. Ils voulaient s’opposer à l’occupation d’un site de 22 ha réclamé par un promoteur au niveau du village de Mbeye. La tension reste toujours palpable dans la zone.
La journée d’hier a été chaude à Bambilor. Des habitants du village de Mbeye ont fait une descente au niveau de la mairie de cette localité pour exprimer leur colère s’y adonnant l’occasion à des actes de saccage. Pneus brûlés à la devanture de l’institution municipale, verrerie caillassée ... Tel a été le triste décor sur place.
A l’origine de ce mouvement, la descente d’éléments de la gendarmerie et d’engins pour la démolition de constructions et champs sur un périmètre de 22 hectares que réclame un supposé détenteur d’un bail. «Depuis ce matin (hier), il y a des engins qui sont escortés par des éléments de la Dscos qui sont venus et sont en train de ravager les champs et les habitations. Actuellement, ils ont presque démoli plus de 15 hectares et c’est sur une surface occupée par des citoyens qui ont acquis légalement ces terres-là», a expliqué Assane Bèye, 2ème adjoint au maire de la commune de Bambilor. «Il est venu en force pour, dit-il, récupérer ces terres soi-disant que ces surfaces lui appartiennent. Il dit qu’il a 22 hectares ici», a poursuivi M. Bèye, entouré par une foule surexcitée qui refuse tout simplement de céder ces terres sur lesquelles ont vécu leurs grands-parents. La descente des gendarmes ne s’est pas faite sans heurt et plusieurs blessés ainsi que des arrestations ont été notés du côté des populations. «Les éléments des Fds se sont dispersés dans le village et ont lancé beaucoup de grenades lacrymogènes. Ils ont arrêté des jeunes et torturé beaucoup de gens. Il y en a même certains qui sont actuellement dans des situations critiques, ils ont été conduits à l’hôpital», a fait savoir M. Bèye.
Le site en question avait été mis à la disposition du village en 2006 dans le cadre de son extension. «On avait formulé notre demande de régularisation au niveau de la Préfecture et de la mairie, a rappelé l’adjoint au maire, indiquant que le supposé nouveau propriétaire brandit un bail qu’il aurait acquis en 2011. Nous lançons encore un appel à toutes les autorités pour qu’elles interviennent le plus rapidement possible avant que l’irréparable ne se produise», a exhorté M. Bèye, assurant que les populations useront de tous les moyens dont elles disposent pour protéger leur propriété. «Il l’avait tenté en 2021, la population était sortie pour faire face à lui et il avait pris du recul, mais maintenant, il est revenu en force pour récupérer ça. On ne va jamais céder. On va se battre jusqu’à notre dernier souffle», a juré l’adjoint au maire Ndiagne Diop