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7 août 2025
WASHINGTON FAIT PRESSION SUR DES PAYS AFRICAINS POUR FAVORISER LES INTÉRÊTS COMMERCIAUX D'ELON MUSK
Une enquête révèle comment l'administration Trump exerce des pressions sans précédent sur plusieurs pays africains pour qu'ils accordent des licences à Starlink, allant jusqu'à menacer implicitement de couper l'aide étrangère à la Gambie
(SenePlus) - Dans une enquête publiée le 15 mai 2025, le média d'investigation américain ProPublica révèle comment la diplomatie américaine, sous l'administration Trump, s'est mise au service des intérêts commerciaux de Starlink, l'entreprise d'internet par satellite d'Elon Musk.
L'enquête, menée par les journalistes Joshua Kaplan, Brett Murphy, Justin Elliott et Alex Mierjeski, détaille notamment le cas frappant de la Gambie, petit pays d'Afrique de l'Ouest, où l'ambassadrice américaine Sharon Cromer a multiplié les interventions auprès des autorités pour accélérer l'octroi d'une licence à Starlink.
Début février, Cromer a rencontré Lamin Jabbi, ministre gambien des Communications, pour évoquer l'approbation réglementaire que Starlink tentait d'obtenir depuis plusieurs mois. Selon des témoins présents lors de cette réunion, l'ambassadrice aurait implicitement lié l'aide américaine à la coopération du gouvernement gambien.
"Elle a énuméré les façons dont les États-Unis soutenaient le pays, notant que des initiatives clés - comme un projet de 250 millions de dollars pour améliorer le système électrique - étaient actuellement en cours d'examen," rapporte ProPublica.
Hassan Jallow, adjoint de Jabbi, a confié aux journalistes avoir perçu ce message comme "une menace voilée" : "L'implication était qu'ils étaient connectés," a-t-il déclaré, faisant référence à l'aide américaine et à la licence de Starlink.
En mars, face à l'impasse, l'ambassadrice a encore intensifié la pression en écrivant directement au président gambien pour lui demander de "faciliter les approbations nécessaires pour que Starlink commence ses opérations," contournant ainsi le ministre des Communications. Selon ProPublica, Jabbi aurait confié à ses proches qu'il sentait que "l'ambassadrice essayait de le faire licencier."
La Gambie n'est pas un cas isolé. Depuis l'investiture de Donald Trump, "le Département d'État est intervenu au nom de Starlink en Gambie et dans au moins quatre autres pays en développement," précise l'enquête.
Une stratégie mondiale au service de Musk
Alors que l'administration Trump a réduit considérablement l'aide étrangère, les diplomates américains ont fait pression sur plusieurs gouvernements pour qu'ils accélèrent l'octroi de licences à Starlink et ont organisé des rencontres entre des employés de l'entreprise et des dirigeants étrangers.
Dans un câble diplomatique concernant Djibouti, un employé de Starlink aurait même décrit la stratégie de l'entreprise en ces termes : "Nous poussons par le haut et par le bas pour faire passer cela en force."
Kristofer Harrison, ancien haut responsable du Département d'État sous l'administration George W. Bush, est catégorique : "Si cela était fait par un autre pays, nous appellerions absolument cela de la corruption. Parce que c'est de la corruption."
Cette situation soulève d'importantes questions éthiques. Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, occupe un poste influent au sein de l'administration Trump après avoir dépensé "au moins 200 millions de dollars pour l'élection de 2024," tout en continuant à diriger ses entreprises privées, dont Starlink.
Kenneth Fairfax, diplomate américain à la retraite et ancien ambassadeur au Kazakhstan, estime que cette mobilisation mondiale pour Musk "pourrait donner l'impression que les États-Unis se livrent à une forme de capitalisme de connivence."
La Maison Blanche a réfuté ces accusations dans un communiqué, affirmant que Musk "n'a rien à voir avec les accords impliquant Starlink" et que chaque responsable de l'administration suit des directives éthiques.
Ces pressions diplomatiques interviennent à un moment stratégique pour Starlink. Face à la concurrence émergente, notamment celle de Project Kuiper de Jeff Bezos, l'entreprise de Musk cherche à s'implanter rapidement sur de nouveaux marchés.
L'Afrique, avec sa population en forte croissance et son manque d'infrastructures internet fiables, représente "un prix lucratif" pour Starlink. Selon le média américain, depuis la victoire électorale de Trump, "au moins cinq pays africains ont accordé des licences à Starlink : la République démocratique du Congo, la Somalie, la Guinée-Bissau, le Lesotho et le Tchad."
Ces manœuvres diplomatiques soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à l'utilisation de l'appareil d'État américain pour servir les intérêts privés d'un conseiller présidentiel. Comme le résume un responsable du Département d'État cité par ProPublica : "Je ne pensais honnêtement pas que nous étions capables de faire cela. C'est mal à tous les niveaux."
L'IPRES SOUS HAUTE TENSION
Le Syndicat Autonome des Travailleurs de l'Ipres dénonce une gestion catastrophique de l'institution de retraite, gangrenée par le népotisme et une désorganisation structurelle délibérée qui menace son avenir
(SenePlus) - Selon un communiqué du Syndicat Autonome des Travailleurs de l'IPRES (S.A.T.I), daté du 10 mai 2025, l'Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (Ipres) traverse actuellement une grave crise de gouvernance.
Le document, intitulé "L'Ipres en péril", critique sévèrement la direction actuelle de l'institution, notamment le président du Conseil d'Administration et le Directeur Général, accusés de manquer à leurs devoirs de bonne gestion et de transparence.
Le syndicat dénonce particulièrement "le recrutement massif de leurs parents, militants et obligés" aux postes de direction, au détriment des compétences et de l'expérience des employés déjà en poste.
Les employés du "Point E", qui abrite les directions techniques de l'Ipres, signalent des conditions de travail "lamentables" et une surcharge opérationnelle due à un effectif insuffisant. Le syndicat évoque également une "désorganisation structurelle" délibérée, orchestrée par le PCA pour favoriser ses proches.
La situation serait particulièrement préoccupante dans les bureaux du Point E et au Centre Médico-social, ainsi que dans différentes localités du pays, où la gestion des effectifs est qualifiée d'"inacceptable et suicidaire".
Face à cette "frénésie de recrutements" qui aggrave une situation déjà chaotique, le S.A.T.I interpelle les autorités gouvernementales, déplorant leur inaction qui met en péril cette "Institution sociale stratégique".
LE LAC ROSE REVIT, POUR COMBIEN DE TEMPS ?
Après avoir viré au vert suite aux inondations de 2022, le célèbre plan d'eau reprend vie, ramenant avec lui touristes et paludiers. Mais alors que les amas de sel réapparaissent, un projet de 18 000 logements menace déjà son équilibre précaire
(SenePlus) - Après deux années et demie de couleur verte, le lac Retba, plus connu sous le nom de "lac Rose", a retrouvé sa teinte caractéristique en mars dernier. Ce changement marque un tournant pour l'économie locale, fortement dépendante du tourisme et de l'exploitation du sel.
Située à une trentaine de kilomètres à l'est de Dakar, cette étendue d'eau a été rendue célèbre par le rallye Paris-Dakar, qui y faisait son arrivée finale pendant près de trois décennies, jusqu'à sa délocalisation en 2009 en raison de l'insécurité au Sahel.
Selon Ibrahima Mbaye, président de l'association environnementale Ar lac Rose et gérant du Gîte du lac, le retour de la couleur emblématique s'est produit précisément "le 8 mars". Cette réapparition a fait sensation à Niague, principal village bordant le lac, dont l'économie dépend largement des visiteurs.
La disparition de la teinte rose remonte à août 2022, quand "les autorités ont ouvert les vannes des bassins de rétention pour éviter une catastrophe dans des zones densément peuplées", explique M. Mbaye. Ces inondations dans la grande banlieue de Dakar ont doublé le volume d'eau du lac, faisant disparaître sa couleur caractéristique qui dépend de la forte concentration de sel sédimenté au fond.
Les conséquences ont été immédiates : les touristes ont déserté le site et "les milliers de paludiers venus du Mali, du Burkina Faso et de Guinée sont repartis en un claquement de doigts", se souvient Ibrahima Mbaye.
La coloration particulière du lac est due à des algues vertes (Dunaliella salina) qui "libèrent des pigments rouges sous l'effet de fortes chaleurs et lorsque la salinité est suffisamment élevée", explique El Hadji Sow, enseignant-chercheur à l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, cité par Le Monde. Inversement, "lorsque la salinité de l'eau baisse, la coloration vire au vert".
Face à cette situation, les riverains se sont mobilisés pour sauver leur gagne-pain. "On a réussi à faire retomber la profondeur de six à trois mètres", se félicite Ibrahima Mbaye, en utilisant des motopompes activées jour et nuit. Des analyses chimiques réalisées fin avril ont confirmé un retour de la salinité à environ "300 g par litre", un niveau suffisant pour reprendre l'exploitation du sel.
Une reprise progressive de l'activité économique
Aujourd'hui, les amas de sel réapparaissent sur la rive sud du lac. Toutefois, "seule une poignée d'exploitants sont revenus", note Maguette Ndiour, président de la coopérative des exploitants de sel, qui attend encore les fortes chaleurs nécessaires à une production plus importante.
Parmi eux, Ousmane Dembélé, originaire de Mopti au Mali, témoigne des changements : "Avant, c'était beaucoup plus facile. Je n'avais pas besoin d'aller aussi loin dans le lac. Sur les berges, nous n'avions qu'à nous pencher pour récolter le sel." Maguette Ndiour rappelle qu'auparavant, le site accueillait "3 000 exploitants pour près de 60 000 tonnes de sel vendues" dans les meilleures années.
Du côté du tourisme, "la reprise est palpable", affirme Hassan Ndoye, 38 ans, patron d'une entreprise de location de quads, qui attend désormais l'été "avec impatience, puisque c'est le pic de [son] activité". Il souligne l'importance de préserver ce lac pour l'économie locale, notant que "dans cette zone, il n'y a eu aucun départ en mer de jeunes pour émigrer".
Malgré cette reprise, une inquiétude plane sur l'avenir du lac : un projet de ville nouvelle comprenant 18 000 logements, porté par le groupe égyptien Orascom. Selon Amath Wade, membre du conseil départemental de Rufisque, "si ce mégaprojet voit le jour, le lac va mourir".
Prévu pour s'étendre sur "trois kilomètres le long de la plage et deux du côté du lac", ce projet signé en 2018 sous la présidence de Macky Sall devrait débuter ses travaux début novembre, d'après un cadre d'Orascom cité par Le Monde.
Pour Amath Wade, "c'est une aberration écologique de faire une telle ville dans cette zone fragile et menacée de toutes parts, déjà, par la bétonisation". Les tensions sont palpables, au point que le préfet de Rufisque aurait menacé certains habitants d'interpellation s'ils s'opposaient à une opération de reboisement menée par Orascom.
Si le lac Retba a retrouvé sa couleur rose, l'horizon semble ainsi s'assombrir pour les communautés qui en dépendent.
Par Mamadou THIOR
IDRISSA DOUCOURE, UN VISIONNAIRE AFRICAIN HONORÉ POUR SON INFLUENCE MONDIALE
La Haye, 16 mai 2025 - L'Ambassadeur Dr Idrissa Doucouré a été distingué par le titre prestigieux de Docteur Honoris Causa, décerné conjointement par l'Université Santander et la Fédération Internationale Honoris Causa.
La Haye, 16 mai 2025 - L'Ambassadeur Dr Idrissa Doucouré a été distingué par le titre prestigieux de Docteur Honoris Causa, décerné conjointement par l'Université Santander et la Fédération Internationale Honoris Causa. Cette reconnaissance, dans la catégorie des affaires internationales et du secteur public, met en lumière un parcours exceptionnel et une contribution significative à l'échelle mondiale.
Né au cœur du Sénégal, Dr Doucouré a grandi dans une famille de onze enfants, où l'éducation était la clé pour transformer des rêves modestes en réalités grandioses. Son parcours, guidé par une détermination inébranlable, l'a conduit à devenir un "Agent de Changement" reconnu, un titre qu'il a accepté avec une profonde gratitude lors de la cérémonie.
Dans son discours inspirant, Dr Doucouré a souligné l'importance de l'éducation comme source de transformation et de possibilités infinies. "Dans un monde où les défis semblent intimidants, chaque obstacle est une opportunité de croissance et de changement," a-t-il affirmé. En tant que Président Exécutif du Conseil Mondial des Investissements et des Affaires, il a collaboré avec des leaders visionnaires pour libérer le potentiel illimité du continent africain, illustrant ainsi ce que l'on peut accomplir en rêvant audacieusement et en agissant avec détermination.
Inspiré par Nelson Mandela, Dr Doucouré a réaffirmé son engagement à faire une différence tangible dans la vie des autres. "Ce qui compte dans la vie, ce n'est pas seulement d'avoir vécu, mais la différence que nous avons faite dans la vie des autres," a-t-il déclaré, appelant à construire des ponts d'espoir et à inspirer les leaders de demain.
Cette distinction est non seulement un hommage à un parcours individuel exceptionnel, mais aussi une célébration des rêves partagés et des efforts collectifs. En honorant Dr Doucouré, le monde reconnaît l'impact profond de son travail et l'espoir qu'il incarne pour un avenir meilleur.
Pour les décideurs et le grand public, cet hommage est une invitation à s'engager dans une voie de coopération et de progrès, inspirée par l'exemple d'un homme dont la vie est un témoignage de résilience et de vision. Ensemble, nous pouvons bâtir un avenir où chaque rêve a la possibilité de se réaliser.
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LA MÉTHODE MOUSSA SEYDI
Refuser l'ingérence étrangère, transformer un service délabré en centre de renommée, tenir tête aux Big Pharma... Celui qui était destiné à la médecine avant même la naissance partage sa philosophie de réussite et sa vision d'une santé pour tous
Dans une interview révélatrice, le Professeur Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de Fann à Dakar, dévoile sa vision de la santé en Afrique et partage son parcours remarquable.
"Le jour de ma naissance, mon père a remis une blouse à ma mère en lui disant de me la remettre le jour où je démarrerais mes études en médecine", raconte le Professeur Seydi. Cette prédiction s'est réalisée avec une détermination sans faille - lors de son baccalauréat, il avait inscrit "médecine" comme unique choix pour ses trois filières possibles.
Aujourd'hui, le professeur dirige le plus grand service de maladies infectieuses au monde, une structure moderne comprenant 72 chambres, développée en 6 ans après avoir trouvé des financements auprès de partenaires internationaux. "Quand je suis devenu chef de service, l'un de mes premiers objectifs était de construire un nouveau service. Je n'ai jamais eu le moindre doute que j'allais le réaliser", affirme-t-il.
Face aux collaborateurs étrangers qui tentaient d'imposer leurs conditions, le Professeur Seydi a toujours défendu l'indépendance de son service. "Personne ne viendra de l'étranger pour me donner des instructions chez moi", déclare-t-il avec fermeté. Cette posture lui a permis d'établir des partenariats respectueux avec des institutions prestigieuses comme Harvard, l'Université de Boston et Northwestern University de Chicago.
La Covid-19 : science contre désinformation
Le professeur Seydi, figure de proue de la lutte contre la Covid-19 au Sénégal, aborde les controverses entourant la pandémie. "Nous sommes dans un monde un peu fou et faux", observe-t-il, dénonçant les manipulations politiques ayant entouré la crise sanitaire.
Il défend l'efficacité des vaccins tout en précisant qu'aujourd'hui, la vaccination contre la Covid-19 devrait être ciblée sur les personnes à risque, notamment les plus de 60 ans. Il alerte également sur le "Covid long", qui affecte environ 6% des patients mondialement et jusqu'à 10% au Sénégal, avec des symptômes persistants pendant plusieurs mois.
Le Professeur Seydi dénonce la marchandisation de la santé. "Normalement, ça ne devrait pas être un business, mais c'est un business", déplore-t-il, citant l'exemple d'un médicament contre l'hépatite B initialement vendu 80 000 dollars aux États-Unis, alors qu'il peut être accessible pour 1 000 dollars dans certains pays.
"La santé, l'enseignement ou l'éducation ne doivent pas être des marchandises comme les autres", affirme-t-il avec conviction.
À la base de ses réussites, le Professeur Seydi partage sa philosophie : "Croire en soi, travailler sans relâche, servir la société sans calcul reste le plus beau et puissant viatique qui permet de cheminer et de réussir aisément dans la vie."
Pour lui, la réussite ne se mesure pas à la richesse ou aux titres, mais à l'accomplissement de ses rêves tout en maintenant un équilibre de vie. "Si vous avez toute la réussite alors que vous avez une vie familiale chaotique, est-ce que vous avez réussi réellement ?", questionne-t-il.
Aujourd'hui reconnu mondialement et sollicité par les plus grandes universités américaines, le Professeur Seydi continue de défendre une vision humaniste de la médecine et de former la prochaine génération de médecins africains.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
ABDOULAYE SADJI, ALLIANCE PLURIELLE ET RENAISSANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le roman "Nini mulâtresse du Sénégal" permet de ne pas oublier qu’il faut se méfier des préjugés éhontés, des représentations qui résistent à la modernité, de l’aliénation qui peut saisir à tout moment les êtres
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Nini mulâtresse du Sénégal d’Abdoulaye Sadji est un roman bien singulier dans la littérature sénégalaise.
L’histoire de Nini se déroule à Saint-Louis durant la période coloniale. Rien de mieux pour camper la problématique du métissage et éveiller la mémoire d’une histoire douloureuse. Même si l’interculturalité a beaucoup évolué tout au long des dernières décennies, le questionnement de la double appartenance reste un sujet entièrement d’actualité par ses aspects complexes et irrésolus.
Pour les besoins du récit, les situations décrites dans Nini sont légèrement décalées en raison du contexte colonial de l’époque mais l’ambigüité de l’esprit de l’héroïne est d’une grande justesse et peut parfois se poser encore en ces termes aujourd’hui.
En effet, Nini, jeune femme de vingt deux ans employée de bureau pour une entreprise française, possède un idéal destructeur : celui du monde blanc occidental dont elle se réclame car son apparence physique s’en approche au plus près. Or, elle est une mulâtresse et possède du sang noir pour lequel elle n’a que mépris. Nini veut désespérément appartenir à la race blanche alors que celle-ci la relègue à sa négritude. De l’autre côté du miroir falsifié, les Noirs à la peau « ébène » la raillent à cause de son travestissement.
Nini est comme une apatride car finalement elle n’appartient ni au monde blanc qui la méprise ni à l’univers de ses racines africaines qu’elle cherche par tous les moyens à effacer. Nini est entre deux races, entre deux couleurs, écartelée entre deux cultures, exacerbées dans le récit par l’histoire coloniale.
Pour autant ce type de distinction n’a-t-il plus court aujourd’hui ? Bien sûr et malheureusement oui ! Même si les lois de ségrégation cruelles et dévastatrices ont disparu, la hiérarchisation des races, hélas, existent encore dans la mémoire collective. Les sentiments confus de supériorité de race au sein de la société occidentale, l’ombre de subordination attribuée aux anciens esclaves, coexistent encore, d’une manière parfois inconsciente, comme un passé lourdement enfoui qui peut surgir à tout moment.
En cette période de mutation socioculturelle, des phénomènes de mondialisation, des schémas nouveaux de transculturalité, le métissage est en vedette dans la destinée humaine. Et c’est une excellente chose.
Le roman d’Abdoulaye Sadji permet de ne pas oublier qu’il faut se méfier des préjugés éhontés, des représentations qui résistent à la modernité, de l’aliénation qui peut saisir à tout moment les êtres, de la méfiance qui naît devant la différence alors que le regard ne peut que s’enrichir de la singularité de chacun.
Car c’est là tout le paradoxe, la destinée humaine est universelle mais la personnalité culturelle est à sauvegarder pour s’affirmer dans la connaissance de soi, sans pour autant s’enfermer dans les carcans d’une société qui retracerait d’elle-même des frontières artificielles, inutiles et arbitraires.
Le style du roman d’Abdoulaye Sadji est en cela très éclairant, voire pédagogique. L’auteur ne ménage aucune communauté. Avec une forme directe, il fait apparaître les défauts de chacun, sans les juger pourtant, comme un observateur avisé et attentif aux frémissements de sa société.
La tendresse qu’il éprouve pour son héroïne est évidente. La complexité qu’il construit autour du personnage de Nini est d’une grande pertinence, il porte son regard sur la nature humaine qui rêve, qui s’illusionne et qui lutte avec les armes dont elle dispose.
Le roman d’Abdoulaye Sadji est comme un tableau historique qui raconte des vies qui se cachent derrière le mensonge. Il pourchasse les causes, relate des faits et analyse les conséquences dont on peut encore tirer des leçons.
L’union interraciale ne doit plus être celle de la dépendance de l’un ou de l’autre, pour fuir une communauté, pour échapper à la misère ou pour alimenter le fantasme de la représentation de l’autre de manière erronée.
Le métissage est une communion magique qui doit laisser vivre les belles différences humaines sans renier les fondements des racines socioculturelles et laisser la place à un idéal pluriel pour une civilisation renouvelée.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Nini mulâtresse du Sénégal, Abdoulaye Sadji, Présence Africaine, Paris, 1988.
FOOTBALL, LE CAPITAINE DE L’US OUAKAM DÉCÈDE APRÈS UN MALAISE
Fadiouf Ndiaye, jouer de l’Union Sportive de Ouakam, est décédé samedi 17 mai 2025 après avoir été victime d’un malaise dans les vestiaires, à la mi-temps du match face à OSLO.
Le football sénégalais est frappé par une terrible perte. Fadiouf Ndiaye, capitaine emblématique de l’Union Sportive de Ouakam, est décédé ce samedi 17 mai 2025 à la suite d’un malaise survenu au stade Biram Ly des Parcelles assainies.
Le drame s’est produit en marge de la 24e journée de la Ligue 1 sénégalaise, remporté 2-0 par les « Lébous » devant OSLO. Mais cette victoire, aussi précieuse soit-elle sur le plan comptable — elle permet à l’USO de se hisser à la troisième place du classement avec 37 points, à quatre longueurs du leader Jaraaf (41 points) — restera à jamais entachée par la disparition tragique de son capitaine.
Présent au stade, le journaliste Demba Varore de Dsport, spécialiste de la Ligue 1, revient sur le drame : « Fadiouf a joué l’intégralité de la première période. Il a eu un télescopage durant le match avec un adversaire mais a poursuivi le match jusqu’à la pause. En regagnant les vestiaires, il ne s’est pas arrêté en zone mixte. il a confié qu’il ne se sentait pas bien. Après du haut des tribunes, on a remarqué qu’il n’est pas revenu sur le terrain pour la seconde période, remplacé par Mamadou Sylla. Personne ne doutait de rien sur son état de santé. Un quart d’heure après la reprise, on a vu le médecin de l’US Ouakam, Issa Mboup, monter précipitamment en tribune pour appeler un dirigeant. Lui qui est habituellement très calme semblait gagner par l’émotion…et c’est sûrement pendant ces moments que le drame s’est produit probablement dans le vestiaire», a raconté le journaliste.
Fadiouf Ndiaye aurait été victime d’un malaise dans les vestiaires. Transporté en urgence au centre de santé Abdoul Aziz Sy des Parcelles Assainies, son décès y a été constaté. Depuis l’instauration du professionnalisme en 2008, jamais un joueur n’était décédé ainsi en lien direct avec une rencontre officielle. Selon des sources proches du club ouakamois, Fadiouf Ndiaye ne présentait aucun antécédent cardiaque connu.
Communiqué de la Ligue pro
À l’annonce de la nouvelle, la stupeur a saisi le stade. Les joueurs de l’US Ouakam, qui n’étaient pas informés pendant la rencontre du drame, ont terminé le match. Mais au coup de sifflet final, la nouvelle est tombée. Les scènes de joie attendues ont été remplacées par des cris et des pleurs. La victoire n’avait plus de sens : leur capitaine venait de les quitter à jamais.
La Ligue Sénégalaise de Football Professionnel (LSFP) a publié un communiqué dans la soirée pour officialiser le décès et présenter ses condoléances : « La LSFP a le profond regret d’annoncer le décès de Fadiouf Ndiaye, capitaine de l’Union Sportive de Ouakam, survenu ce jour à la suite d’un malaise. En cette douloureuse circonstance, la Ligue Professionnelle présente ses sincères condoléances à la famille du défunt, au Président Alfred Bathily, ainsi qu’à toute la population de Ouakam. », a déclaré le directeur exécutif de l’instance.
En signe de deuil et de solidarité, les matchs initialement prévus dimanche et lundi ont été reportés aux mardi 20, mercredi 21 et jeudi 22 mai par la LSFP. Une nouvelle programmation sera communiquée dans les meilleurs délais. Fadiouf Ndiaye laisse derrière lui le souvenir d’un joueur engagé, d’un leader respecté et d’un homme profondément attaché à son club.
Que la terre lui soit légère.
MOUSTAPHA DIAKHATÉ, LE LION QUI FAIT TREMBLER LA CAGE
Quatre combats, quatre victoires, quatre TKO. En moins d’un an, Diakhaté s’est imposé comme l’un des combattants les plus redoutables de la scène européenne.
Quatre combats, quatre victoires, quatre TKO. En moins d’un an, Moustapha Diakhaté s’est imposé comme l’un des combattants les plus redoutables de la scène européenne. À seulement 25 ans, ce pur produit du Sénégal est en train de se faire un nom dans la cage, coup de poing après coup de poing.
Un début de carrière sans pitié
Chaque fois qu’il entre dans la cage, c’est un carnage maîtrisé. Jordan Nandor, sa dernière victime, a été stoppée net au Ares FC 30, ce vendredi à Paris. Une démonstration de puissance qui porte son bilan à 4 TKO en 4 sorties professionnelles.
Il ne laisse aucune chance à ses adversaires. Ses combats sont courts, brutaux, et toujours spectaculaires. Diakhaté ne combat pas : il impose sa loi.
Des rues de Dakar à la cage d’Ares
Né au Sénégal, il a appris à se battre dans la rue bien avant de mettre un pied dans une salle. Son premier coach ? Sa tante. Une femme qui a vu en lui une énergie à canaliser, un instinct à affûter.
Ce sont ses racines, sa lutte, sa terre, qui forgent aujourd’hui ce monstre de concentration et de puissance. Installé en Belgique au sein du Team Valon, il s’est entouré des meilleurs pour travailler sa technique, sa défense, et devenir un combattant complet et dangereux.
Un style explosif
Ce qui impressionne chez lui, ce n’est pas seulement la victoire. C’est comment il l’obtient. Il frappe vite, fort, juste. Il prend l’espace, impose le rythme, et termine le combat avant même que son adversaire n’entre dans le sien.
C’est ce style agressif, tranchant, sans bavure, qui commence à faire trembler les futurs adversaires et attirer les regards des plus grandes organisations.
L’UFC en ligne de mire
L’objectif est clair : intégrer l’UFC, la ligue reine, et porter haut les couleurs du Sénégal dans la cage la plus médiatisée du monde. Mais Diakhaté ne se précipite pas. Il veut bâtir. Devenir solide. Grandir étape par étape. Et quand le moment viendra, frapper encore plus fort.
PAR CHEIKH TIDIANE MBAYE
POURQUOI LE SUCCÈS DES CONFRÉRIES AU SÉNÉGAL ?
Faire la sociologie du pouvoir maraboutique au Sénégal revient à interroger les conditions sociales de son émergence, les facteurs ayant favorisé son enracinement et les logiques qui ont contribué à sa légitimation durable.
Faire la sociologie du pouvoir maraboutique au Sénégal revient à interroger les conditions sociales de son émergence, les facteurs ayant favorisé son enracinement et les logiques qui ont contribué à sa légitimation durable. Depuis le XVIIe siècle, l’islam a été perçu par des populations opprimées comme une voie d’émancipation. Sa condamnation de l’esclavage, sa promesse d’égalité et de justice en ont fait une force d’espérance face aux pouvoirs locaux et aux conquêtes coloniales.
L’islamisation s’est d’abord faite sous l’impulsion de marabouts peuls, toucouleurs ou maures, animés par des logiques de résistance et de réforme. Ces figures, souvent mal comprises aujourd’hui, ont pourtant préparé le terrain à l’émergence des grandes confréries qui parachèveront l’islamisation des masses. Dès le XIXe siècle, l’implantation confrérique se structure autour de figures charismatiques dont le message mystique et la réputation de sainteté rencontrent un écho favorable dans la société.
Trois logiques majeures peuvent expliquer la réussite du modèle confrérique sénégalais :
1. Une opportunité historique et politique
La colonisation a mis fin aux royaumes traditionnels, provoquant un vide politique et symbolique. Ce contexte a favorisé l’émergence de nouvelles figures de légitimité : les marabouts. Proposant un cadre alternatif d’autorité spirituelle et sociale, ceux-ci ont su se rendre utiles dans un environnement marqué par l’incertitude. La transposition de certains éléments de la monarchie dans l’univers confrérique — notamment la filiation, la hiérarchie, la mise en scène du pouvoir — a facilité cette transition.
2. Une souplesse religieuse et une proximité affective
Contrairement à un islam plus juridique et dogmatique, l’islam confrérique valorise l’intercession, le compagnonnage et la grâce divine transmise par le guide. Ce modèle rend possible une conciliation entre engagement spirituel et vie quotidienne. Le salut n’est pas perçu comme uniquement lié à la stricte observance rituelle, mais aussi à la fidélité au cheikh. Cette proximité affective avec le guide a renforcé les logiques d’allégeance durable, souvent transmises de génération en génération.
3. Une continuité avec l’univers religieux africain
Le soufisme, cœur du modèle confrérique, est empreint de mysticisme, de croyance aux forces invisibles, à la protection spirituelle et aux symboles. Cette approche trouve un terrain favorable dans une société africaine déjà marquée par la croyance en l’au-delà, la force des ancêtres, la parole efficace et les rituels protecteurs. Les marabouts, à bien des égards, ont remplacé les anciens détenteurs du sacré, tout en islamisant leur fonction.
Les fondateurs de confréries ont également su adapter leur message à leur territoire. Ahmadou Bamba a structuré un modèle rural basé sur le travail et la soumission. El Hadji Malick Sy a développé un modèle plus intellectuel et urbain. La division du travail confrérique (Tijaniyya dans les villes, Mouridiyya dans les campagnes, Layènes chez les Lebous, etc.) a permis une insertion différenciée mais complémentaire des confréries dans le tissu social.
Des perspectives : un modèle sous tension générationnelle
Cependant, il serait sociologiquement imprudent de considérer le modèle confrérique comme figé ou inébranlable. Aujourd’hui, le prestige des marabouts tend à s’effriter à mesure que l’on avance dans les générations. L’hérédité biologique, longtemps perçue comme un gage de sainteté, ne suffit plus à elle seule à produire de la légitimité sociale. De plus en plus, l’opinion publique, notamment les jeunes, exige des figures religieuses compétentes, cultivées, humbles et en phase avec les enjeux du monde contemporain.
Les confréries ont donc intérêt à analyser en profondeur les causes de cette perte progressive de légitimité « biologique » : baisse du charisme, distance avec les préoccupations sociales, manque de formation, ou gestion paternaliste des relations avec les fidèles. Pour rester influentes et utiles, elles doivent se doter de structures internes modernes, d’une gouvernance plus inclusive, et d’une vision éthique plus affirmée. Il est également impératif de mieux préparer les descendants à leur rôle, à travers une formation spirituelle, intellectuelle, mais aussi sociale.
Autrement dit, le marabout du futur ne peut plus être seulement héritier de sang : il doit être formé, incarné et responsable. Faute de quoi, le modèle confrérique risque de perdre son pouvoir d’attraction, et de céder la place à d’autres formes de religiosité ou à des logiques marchandes du sacré, déjà visibles dans certaines dérives actuelles.
LES ROUTES DU PÉTROLE SÉNÉGALAIS
La Chine est devenue le principal client de l'or noir de Sangomar, engloutissant jusqu'à 103 000 barils par jour, soit davantage que la capacité théorique de production du pays. Une situation qui s'explique par l'insatiable appétit énergétique de Pékin
Malgré la distance, la Chine a déployé les gros moyens pour se payer le pétrole sénégalais de Sangomar, dont elle reste la principale destination. Pour certains mois, elle s'est même payée plus de 100 000 barils par jour, soit la quasi-totalité de la production sénégalaise.
Le déficit commercial du Sénégal envers la Chine s'est considérablement réduit, depuis l'avènement du pétrole et du gaz. Même si les principaux exploitants sont des compagnies issues de l'Occident, la principale destination du brut sénégalais reste la Chine. Pour donner une idée, au mois de février dernier, ce n'est pas moins de 2 901 583 de barils qui ont été expédiés vers l'empire du Milieu, soit en moyenne plus de 103 000 barils par jour, pour une valeur de 220 702 277 de dollars US. Pour les chiffres du mois de mars, on parle de 1 940 959, soit une valeur marchande de 145 184 384 US dollars.
Journaliste espagnol spécialisé sur les questions économiques, Jaume Portell analyse : “Si l'on tient compte du fait que le Sénégal produit environ 100 000 barils par jour, on peut voir que Pékin est le principal marché du pétrole sénégalais. Ces données montrent qu'au mois de février, ils ont acheté plus de 100 000 barils par jour. Selon les données de Woodside Energy, les autres marchés sont l'Espagne, les États-Unis et les autres pays européens.”
Les mêmes tendances sont observées depuis le démarrage de l'exploitation, au mois de juin 2024. Quelques chiffres illustrent parfaitement cette mainmise de la Chine sur le pétrole de Sangomar. En septembre 2024, 921 461 barils ont été vendus à la Chine pour une valeur de 75 729 351 US dollars. En octobre, c'était autour de 1 674 324 pour 126 675 968 US dollars ; en novembre 3 055 593 barils pour 231 581 958 de dollars ; enfin en décembre, 2 889 820 barils ont été expédiés vers la Chine pour une valeur de 218 642 533 US dollars. Selon des chiffres publiés par le ministère de l'Énergie du pétrole et des mines en début d'année, pour l'année 2024, la production annuelle s'est élevée à environ 16,9 millions de barils, dépassant ainsi l'objectif initial de 11,7 millions. En moyenne, on était donc autour de 80.000 barils par jour. À l'époque déjà, les exportations vers la Chine se chiffraient en moyenne entre 50.000 et 90.000 barils, avec des pics de plus de 100.000 barils au mois de novembre.
Évolution des importations vers la Chine
Mais pourquoi donc le marché chinois, deux fois plus éloigné que New York, plus de trois fois plus loin que certains grands marchés européens ? Selon cet expert, c'est les lois du marché qui gouvernent. “La distance est certes un élément important, mais il n'y a pas que cet aspect. On peut trouver dans un pays plus éloigné un prix plus rémunérateur que dans des pays voisins. Ce sont des aspects à prendre en considération”, explique une source à ‘’EnQuête’’. Elle ajoute : “C'est dire que le seul argument de la distance ne suffit pas. Il y a le prix, mais il y a aussi le fait que certains pays qui sont plus proches peuvent avoir leurs fournisseurs. Du coup, ils peuvent ne pas être trop intéressés.”
Aussi, note Jaume Portell, il y a la demande qui joue un rôle très important. “Il faut comprendre que la Chine ‘mange’ chaque jour 15 millions de barils de pétrole, alors qu'ils en produisent seulement 4 millions. Il leur faut alors importer 11 millions de barils supplémentaires par jour. C'est une demande très importante qu'il faut aller chercher”, analyse le journaliste spécialiste qui souligne la modicité des exportations sénégalaises par rapport à la demande chinoise. “Le Sénégal produit 100 000 barils par jour ; c'est globalement petit. Cela fait 3 millions le mois, alors que la Chine a besoin de 330 millions de barils par mois, si l'on considère qu'elle importe 11 millions par jour.
À titre d'exemple, il cite l'Espagne qui consomme 1,2 million de barils par jour. Le pays aurait importé, selon Portell, un million de barils du pétrole sénégalais en août 2024 ; un autre million en janvier 2025. Outre l'Espagne et la Chine, il y a aussi les États-Unis, les Pays-Bas, la Corée du Sud et l'Allemagne qui sont sur la liste des acheteurs. “L'autre pays qui consomme le plus de barils, c'est les États-Unis, avec 20 millions de barils par jour. Les deux pays accaparent 35 % de la consommation qui est de 100 000 barils par jour. Vient ensuite l'Union européenne, si on l'on considère ensemble les demandes de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie...”, explique le journaliste espagnol.
La Chine paie un prix jugé juste par rapport à ce qu'elle paie au Niger
Avant l'arrivée du pétrole sénégalais, la Chine, pour faire face à sa demande importante, s'approvisionnait dans plusieurs pays, dont le Niger en Afrique de l'Ouest. Dans ce pays en proie à l'instabilité, elle a dû faire des investissements très importants pour accéder à la ressource, compte tenu de l'enclavement du pays. Après la découverte d'importantes réserves de pétrole sur le site d'Agadem, au nord-est du Niger, en coopération avec le Bénin et la Chine, il a été entrepris la construction d'un oléoduc de près de 2 000 km, pour rallier le port de Seme Kpodji, dans le sud du Bénin, avec neuf stations de réservoirs le long du parcours. “Les travaux ont été financés et réalisés par la China National Petroleum Corporation (CNPC), l'une des principales compagnies pétrolières nationales de Chine, avec un coût estimé à 4,5 milliards d'USD. L'oléoduc a été opérationnel depuis le début de l'année 2024 et CNPC transporte actuellement environ 90 000 barils par jour, ayant des objectifs d'augmenter la production à 110 000 barils par jour”, informe le média ‘’Global Voice’’.
Au-delà de l'approvisionnement dans cette ressource précieuse, il faut noter que c'est aussi une question d'influence pour la Chine, qui a inscrit le projet dans le cadre de son projet ‘’Les routes de la soie’’. “Grâce à cet investissement, la Chine gagne sur plusieurs fronts, notamment l'accès à une grande réserve de ressources pétrolières, des revenus substantiels et une présence économique plus forte en Afrique”, renchérit le média. Néanmoins, elle doit faire face à un contexte géopolitique instable, marqué par la menace terroriste et des coups d'État militaires.
Pour Jaume Portell, ce business s'avère très lucratif pour l'empire du Milieu. Cela lui rappelle un peu ce qui est arrivé aux paysans sénégalais à l'époque coloniale. “On leur imposait des taux d'intérêt très élevés par le biais d'intermédiaires. À la fin de l'année, les Français avaient des arachides bon marché ; les Libanais percevaient les intérêts ; les Sénégalais se retrouvaient sans rien après avoir travaillé dur toute l'année. Et c'est le retour à la case départ”, caricature-t-il. “Dans le cas d'espèce, la Chine prête au Niger à 7 %. Ils paient avec ce qu'ils gagnent dans le pétrole”, a ajouté le spécialiste, qui estime que les Chinois disposent ainsi d'un pétrole bon marché. “Ils paient le pétrole nigérien à 65 dollars le baril - un prix bien en deçà de celui qu'ils paient au Nigeria ou au Tchad. Ensuite, ils récupèrent l'argent de leurs prêts. Ils ont également retenu la construction de l'oléoduc, qui a été réalisé par une entreprise chinoise”, souligne M. Portell. Finalement, “le Niger dispose d'une infrastructure lui permettant d'exporter du pétrole, mais à quoi cela va servir si l'argent qu'ils gagnent ne sert qu'à rembourser le prêt ?”, s'interroge le spécialiste des questions économiques.
EXPORTATION PÉTROLE
Une réduction drastique du déficit de la balance commerciale
En l’espace de douze mois, les exportations sénégalaises vers la Chine ont connu une hausse de 386 %, atteignant 306 millions de dollars en mars 2025, contre seulement 63 millions à la même période en 2024. “Cette progression est essentiellement portée par les ventes de pétrole brut, passées de 0 à 290 millions de dollars”, renseignent certaines sources, non sans rappeler les perspectives encore très prometteuses avec des prévisions de plus de 30 millions de barils pour l'année 2025.
Malgré cette embellie, la balance reste assez déficitaire avec des importations qui ne cessent de croitre. “Les importations suivent également la même courbe, quoique de manière plus modérée (+24,4 %). En mars 2025, Dakar a importé pour 444 millions de dollars de produits chinois : fer semi-fini (20,7 millions de dollars), barres de fer laminées à chaud (19,7 millions de dollars), chaussures en caoutchouc (14,6 millions de dollars), mais aussi costumes pour femmes non tricotés, en hausse de 308 %”, informent toujours les sources.
En dehors du pétrole, les exportations sénégalaises vers la Chine restent faibles. Il s'agit principalement de l'huile d’arachide : 6,78 millions de dollars, des minerais de niobium, tantale, vanadium, zirconium : 3,83 millions de dollars... Globalement, en mars 2025, le Sénégal a exporté 306 millions de dollars et importé 444 millions de dollars de la Chine , “ce qui a entraîné une balance commerciale négative de 138 millions de dollars”.