LA JEUNESSE DOIT ABANDONNER LE MYTHE DE PARIS DÉCISIONNAIRE SUR LES DESTINS AFRICAINS
Las des surenchères identitaires et du recours perpétuel au fait colonial dans le débat intellectuel entre l'Afrique et la France, Elgas dénonce une époque qui cultive le ressentiment et entérine ainsi auprès des africains un statut de victime éternelle
Yves Thréard reçoit Elgas, journaliste et écrivain sénégalais, auteur de l'ouvrage « Les bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial ».
Las des surenchères identitaires et du recours perpétuel au fait colonial dans le débat intellectuel entre l'Afrique et la France, Elgas dénonce dans cet entretien une époque qui cultive le ressentiment comme une vertu et entérine ainsi auprès des africains un statut de victime éternelle, freinant, dès lors, la création de ressources et le développement de l'esprit d'initiative sur le continent. Selon lui, ce dévoiement du processus de décolonisation séduit une jeunesse africaine désoeuvrée dont le réflexe de la réaction plaintive l'empêche de se détacher de son bourreau et d'abandonner le mythe selon lequel Paris est encore décisionnaire sur les destins africains. S'il considère qu'il est essentiel de traquer les survivances de la colonisation, Elgas regrette l'absence de paradigme émancipateur réel pour le continent et invite à réhabiliter la nuance et la complexité, pour l'instant écrasées par les débats actuels.
Soixante ans après la vague des indépendances, l'Afrique, berceau de l'humanité, est présentée aujourd'hui comme celui de l'avenir, le continent du XXIème siècle. Pourquoi cet engouement soudain, souvent motivé par des motifs économiques ?
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LE RÉGIME N'EST PAS TRÈS POPULAIRE DANS LA DIASPORA
Dame Babou, journaliste basé aux États-Unis, commente l'actualité sociopolitique marquée par des violences meurtrières consécutives au verdict dans l'affaire Sonko-Adji Sarr
Dame Babou, journaliste basé aux États-Unis, commente l'actualité sociopolitique marquée par des violences meurtrières consécutives au verdict dans l'affaire Sonko-Adji Sarr.
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REDONNER UN SENS À LA PAROLE DONNÉE
L'ancien ministre et candidat à la présidentielle de 2024, Alioune Sarr, évoque l'actualité sociopolitique nationale au micro de l'émission Objection de Sud FM ce dimanche 11 juin 2023
L'ancien ministre et candidat à la présidentielle de 2024, Alioune Sarr, évoque l'actualité sociopolitique nationale au micro de l'émission Objection de Sud FM ce dimanche 11 juin 2023.
par Abdoulaye Ndiaye
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UN BARIL DE POUDRE SOUS MACKY SALL ?
EXCLUSIF SENEPLUS - L'État de droit semble dépendre fortement des cycles politiques du pays. Cela est un signe d'instabilité et témoigne d'une immaturité de son pouvoir judiciaire. Le pays est à un carrefour crucial de son histoire
Le Sénégal est-il prêt à exploser sur un baril de poudre politique ? Avec cent mille barils de pétrole en jeu chaque jour, c'est la question qui fait plus de bruit.
Avant de tenter de répondre à cette question, il convient de noter que la mesure de l'instabilité politique à travers le prisme des émeutes et des manifestations peut présenter certaines limites.
Les émeutes et les manifestations ne sont que deux manifestations (sic!) parmi d'autres de l'instabilité politique. En outre, leur fréquence et leur intensité peuvent varier considérablement en fonction du contexte socio-politique spécifique.
Il est donc essentiel de considérer ces informations dans le cadre plus large de la dynamique politique du Sénégal et de la sous-région africaine.
Examinons quelques données de l'ACLED et de la Banque mondiale visualisées par José Luengo Cabrera pour les besoins de cet article.
2010 - 2021: Une relative stabilité dans un contexte régional tumultueux
Au cours de cette période, le Sénégal a montré une relative stabilité malgré la présence de quelques pics d'instabilité, à l'instar des émeutes de juin 2011 et février 2012 contre la proposition d'un troisième mandat pour le président Wade.
Ces événements, bien que significatifs, n'ont pas perturbé la tendance générale de stabilité du pays contrastant avec l'évolution générale du continent africain.
En effet, sur la même période, l'Afrique a connu une tendance à la hausse des émeutes, culminant avec le mouvement EndSARS au Nigeria en 2020.
Ce mouvement de protestation massive contre la violence policière a marqué un pic dans la fréquence des émeutes sur le continent.
2021 à aujourd'hui : Une tendance stable en Afrique, des pics inquiétants au Sénégal
Depuis 2021, la fréquence des émeutes en Afrique est restée stable, avec une légère tendance à la baisse.
Cette évolution suggère que le mouvement EndSARS pourrait avoir marqué un point de rupture dans la tendance générale du continent, bien que de nombreux défis politiques et sociaux restent à résoudre.
Au Sénégal, la situation est différente. Il n'y a pas de tendance fondamentale à la hausse, mais des pics préoccupants lors de certains événements ont suscité l'inquiétude.
Les manifestations liées au procès de l'opposant Ousmane Sonko, accusé de viols, ont provoqué des vagues de troubles sans précédent dans le pays.
Les tensions autour de ce procès et son dénouement ont révélé des fractures profondes dans la société sénégalaise, alimentant les craintes d'une instabilité politique croissante.
Vers un Sénégal plus instable ?
Les signaux d'alarme sont là. Si le Sénégal a longtemps été considéré comme un havre de stabilité en Afrique de l'Ouest, les récents événements ont révélé une instabilité potentielle qui pourrait menacer cette réputation.
Le procès de Sonko n'est que la partie émergée de l'iceberg, révélant une frustration croissante face à la perception de la corruption, des inégalités croissantes et de la malgouvernance.
Dans un contexte mondial tumultueux, le Sénégal est également touché par l'inflation omniprésente, exacerbée par des tensions géopolitiques telles que le conflit entre la Russie et l'Ukraine.
Le taux de chômage, même en se concentrant uniquement sur le marché du travail formel au Sénégal, est en hausse. L'impact de ces forces mondiales ne doit pas être sous-estimé, mais il ne saurait à lui seul expliquer la situation complexe à laquelle le Sénégal est confronté.
Un État de droit qui suit les vagues des cycles politiques
Par ailleurs, l'État de droit au Sénégal semble dépendre fortement des cycles politiques du pays. Cette dépendance est un signe d'instabilité et témoigne d'une certaine immaturité de son pouvoir judiciaire.
En effet, l'État de droit a atteint son niveau le plus bas à la fin du mandat d'Abdoulaye Wade, s'est amélioré au début du premier mandat de Macky Sall, et semble maintenant être de retour à un niveau similaire à celui de la fin du régime de Wade.
La comparaison de l'État de droit au Sénégal avec d'autres pays tels que le Ghana, qui est un modèle de stabilité, et des pays voisins ayant connu des difficultés politiques comme la Côte d'Ivoire et la Guinée, est révélatrice.
Au début des années 2000, le Sénégal se trouvait au même niveau d'État de droit que le Ghana, mais semble depuis lors suivre une tendance à la baisse vers des niveaux similaires à ceux de la Côte d'Ivoire.
Ainsi, le Sénégal a longtemps été un bastion de stabilité relative dans un contexte Africain tumultueux. Cependant, des événements récents, en particulier les troubles entourant le procès de l'opposant Ousmane Sonko, ont révélé des fractures profondes dans la société sénégalaise.
Les causes de la fracture du Sénégal sont aussi variées que les vagues qui battent ses côtes. Des facteurs mondiaux comme l'inflation et le chômage, aux cycles politiques internes et à la dégradation de l'État de droit, tous contribuent à une situation complexe et en constante évolution.
Le Sénégal est à un carrefour crucial de son histoire. Cependant, les institutions du pays n'étant pas suffisamment fortes, le futur du pays semble reposer sur les épaules de deux hommes. Le moment est venu de naviguer avec prudence et discernement dans ces eaux agitées. Le sort du Sénégal et de son peuple en dépend.
MACKY OU LA SOLITUDE D’UN AUTOCRATE
POINT DE MIRE SENEPLUS - Boubacar Boris Diop est plus pessimiste qu'optimiste. Il craint l'arabisation de la société sénégalaise. Il estime qu'en cas de référendum sur l'application de la charia, la majorité des Sénégalais voteraient en faveur
Dans une interview parue le 6 juin 2023 dans le journal espagnol El Pais, l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop a exprimé ses vues sur les protestations actuelles au Sénégal, la politique française en Afrique, et le sentiment anti-français.
Selon Diop, les manifestations actuelles au Sénégal, qui ont entraîné 16 décès, 357 blessures et 500 arrestations, sont la conséquence des dérives autoritaires d'un gouvernement "en panique". Il critique également l'intervention militaire française au Mali, arguant que l'histoire des djihadistes avançant sur Bamako était fausse et que la politique française en Afrique est archaïque et vouée à l'échec.
En ce qui concerne le sentiment anti-français en Afrique, Boris Diop voit un changement de génération qui remet en question son rapport au monde. Il parle des "sauvages des réseaux sociaux", des jeunes qui ne lisent pas les journaux, mais qui partagent leurs opinions entre eux. Selon lui, l'Occident a perdu sa crédibilité en raison de la guerre en Irak, du chaos en Syrie, etc., et le processus d'éloignement de l'Afrique est irréversible.
En ce qui concerne les coups d'État militaires en Afrique, Diop exprime son admiration pour Assimi Goita et la junte militaire au Mali, ainsi que pour Ibrahim Traoré au Burkina Faso. Il affirme qu'il faut soutenir les gens vertueux qui aiment leur pays et sont attachés à son indépendance, même s'ils sont militaires.
Diop souligne que la décolonisation effective est en cours, mais elle est diffuse et se heurte à la résistance de certains pays tels que le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Tchad.
L'éditorialiste de SenePlus, Boubacar Boris Diop, reconnu comme l'un des plus grands écrivains africains critique fortement l'intervention militaire française en Afrique et l'influence politique de la France sur le continent. Il accuse la France de ne jamais avoir voulu réellement décoloniser l'Afrique et d'employer une stratégie politique archaïque. Diop remarque que le sentiment anti-français est plus répandu que jamais en Afrique de l'Ouest.
Il aborde aussi la montée du djihadisme en Afrique, affirmant que ce phénomène est lié à la corruption et aux dérives autoritaires des gouvernements actuels. Il évoque notamment la situation au Sénégal, où des manifestations ont récemment fait 16 morts, 357 blessés et entraîné 500 arrestations. Selon lui, ces troubles sont le résultat direct des dérives autoritaires d'un gouvernement en panique.
Quant à la question de la liberté de la presse en Afrique, Diop estime que cette préoccupation n'est pas une priorité pour la majorité des Africains, dont beaucoup luttent simplement pour survivre. Il souligne également que le Rwanda, un pays qui n'est pas exactement une démocratie, est actuellement le plus performant en Afrique.
L'écrivain note également l'importance de la Russie dans l'histoire de la libération de l'Afrique et critique les tentatives occidentales de diaboliser la Russie sur le continent. Selon lui, la mémoire collective africaine reconnaît le rôle significatif des Russes dans leurs luttes de libération. Il mentionne également le rôle des mercenaires du groupe Wagner, notant que la pratique de recourir à des mercenaires n'est pas nouvelle.
Quant à l'avenir de l'Afrique, Boris Diop est plus pessimiste qu'optimiste. Il craint l'arabisation de la société sénégalaise et une orientation vers un "salafisme modéré", en lien avec la religion musulmane. Il estime qu'en cas de référendum sur l'application de la charia, la majorité des Sénégalais voteraient en faveur. Selon lui, la laïcité est en déclin et défendre cette valeur peut conduire à être accusé d'athéisme ou d'être proche des Blancs.