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28 août 2025
NIGER : INCERTITUDES SUR UNE INTERVENTION MILITAIRE À QUELQUES HEURES DE LA FIN DE L'ULTIMATUM
imanche matin, les rues de la capitale Niamey étaient calmes, mais de nombreux résidents de la capitale - fief de l'opposition au président déchu - espèrent éviter une intervention militaire
L'incertitude demeure dimanche au sujet d'une éventuelle intervention militaire du bloc ouest-africain au Niger, après des critiques émises dans deux pays voisins, au Nigeria et en Algérie, à quelques heures de l'expiration de l'ultimatum de la Cedeao.
Dimanche dernier, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest avait donné sept jours aux putschistes pour rétablir le président élu Mohamed Bazoum dans ses fonctions, sous peine d'utiliser "la force".
L'ultimatum arrivera à échéance en fin de journée et pour l'heure, la junte qui a pris le pouvoir le 26 juillet à Niamey n'a montré aucune volonté de céder la place.
Mais la perspective d'une intervention militaire des pays ouest-africains est encore loin d'être acquise.
Si ses contours ont été "définis" vendredi par les chefs d'Etat-major de la Cedeao et certaines armées comme le Sénégal se disent prêtes à participer d'autres voix, critiques, s'élèvent.
Samedi les sénateurs du Nigeria, poids lourd de la Cedeao avec ses 215 millions d'habitants et qui partage une frontière de 1.500 km avec le Niger, ont appelé le président Bola Tinubu à "renforcer l'option politique et diplomatique".
- "Menace directe" -
Selon la presse nigériane, une majorité de sénateurs ont exprimé leur opposition à une opération militaire, lors d'une réunion à huis-clos.
Or selon la Constitution du pays, les forces de sécurité ne peuvent combattre à l'étranger sans l'aval préalable du Sénat, sauf exception en cas de "risque imminent ou danger" pour la sécurité nationale.
Samedi soir l'Algérie, qui n'est pas membre de la Cedeao mais partage près de 1.000 km frontière avec le Niger, a également émis des réserves.
Le président Abdelmadjid Tebboune a estimé à la télévision publique qu'une intervention serait "une menace directe" pour son pays. "Il n'y aura aucune solution sans nous (l'Algérie)", a-t-il ajouté, craignant que "tout le Sahel (ne) s'embrase" en cas d'intervention.
Les putschistes de Niamey ont de leur côté promis cette semaine une "riposte immédiate" à "toute agression".
Et ils pourraient compter sur le soutien de deux voisins: le Burkina Faso et le Mali qui ont prévenu qu'ils seraient solidaires du Niger et que toute intervention armée serait considérée comme une "déclaration de guerre" à leur encontre.
Ces pays dirigés par des juntes militaires sont toutefois confrontés, comme le Niger, à des violences jihadistes récurrentes qui mobilisent leurs troupes.
"Il faut empêcher le scénario catastrophique d'une guerre", a alerté de son côté un collectif de chercheurs, spécialistes du Sahel, dans une tribune publiée samedi soir dans le quotidien français Libération.
"Une guerre de plus au Sahel n’aura qu’un vainqueur : les mouvements jihadistes qui depuis des années construisent leur expansion territoriale sur la faillite des Etats", écrivent-ils.
- "Aggraver la situation" -
Dimanche matin, les rues de la capitale Niamey étaient calmes, mais de nombreux résidents de la capitale - fief de l'opposition au président déchu - espèrent éviter une intervention militaire.
"Si la Cedeao intervient, ça va encore aggraver la situation.Mais les gens sont prêts et la population va soutenir les nouveaux dirigeants, parce que nous voulons du changement", assure Jackou, commerçant dans le textile, à l'intérieur de sa boutique.
La Cedeao et les pays occidentaux réclament un retour à l'ordre constitutionnel et la libération du président Bazoum, retenu prisonnier des putschistes depuis le coup d'Etat.
La France a notamment indiqué samedi appuyer "avec fermeté et détermination" les efforts de la Cedeao pour faire échouer la tentative de putsch, estimant qu'il en allait "de l'avenir du Niger et de la stabilité de toute la région".
Les relations entre la junte et l'ancienne puissance coloniale se sont dégradées ces derniers jours.
Les putschistes ont dénoncé jeudi soir des accords de coopération militaire et sécuritaire avec Paris, qui déploie au Niger 1.500 soldats pour la lutte antiterroriste.
JUAN BRANCO EN PRISON
L'avocat franco-espagnol de Sonko recherché au Sénégal, a été inculpé et écroué dimanche matin à Dakar après son arrestation en Mauritanie. Il a refusé de boire et de s'alimenter, et a décidé de garder le silence et de n'autoriser personne à l'assister
L'avocat franco-espagnol Juan Branco, qui était recherché au Sénégal, a été inculpé et écroué dimanche matin à Dakar après avoir été arrêté en Mauritanie voisine, ont indiqué des avocats.
Me Branco a refusé de boire et de s'alimenter, et a décidé de garder le silence et de n'autoriser personne à l'assister, y compris devant le juge qui l'a inculpé et l'a fait écrouer, a dit dans un message transmis à l'AFP Me Ciré Clédor Ly, qui l'attendait avec un autre avocat à son arrivée dans la capitale après son transfert de Mauritanie.
Le juge l'a inculpé pour attentat, complot, diffusion de fausses nouvelles et actes et manoeuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, ont dit Me Ciré Clédor Ly ainsi que les avocats parisiens de Me Branco. Les actes d'attentat sont passibles de peines pouvant aller jusqu'à la réclusion à perpétuité, a ajouté Me Ciré Clédor Ly.
Juan Branco a été mis en détention dans une prison du centre de Dakar, a-t-il précisé. "Ces chefs d'inculpation trahissent la véritable nature de cette procédure, qui n'a pour autre but que de faire cesser les combats judiciaires de Juan Branco", ont dit ses avocats français. Ils ont annoncé la saisine immédiate du groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire contre "cette procédure gravement attentatoire aux libertés individuelles".
Me Branco s'est fait un nom au Sénégal en prenant part à la défense d'Ousmane Sonko, opposant engagé depuis 2021 dans un bras de fer avec le pouvoir et la justice qui a donné lieu à plusieurs épisodes de violences meurtrières. L'avocat franco-espagnol a particulièrement suscité l'attention en annonçant une plainte en France et une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye contre le président Macky Sall pour "crimes contre l'humanité" en juin, alors que le pays venait de connaître ses pires troubles depuis des années. Il est visé depuis mi-juillet par une enquête de la justice sénégalaise qui a annoncé la délivrance d'un mandat d'arrêt.
Après son entrée sur le territoire du Sénégal, où il est apparu aux côtés des avocats sénégalais de M. Sonko, Me Branco a été arrêté en Mauritanie après plusieurs jours de recherches, et remis aux autorités sénégalaises. Signe de l'importance accordée au sujet, le ministre de l'Intérieur Antoine Abdoulaye Félix Diome a annoncé son arrestation samedi soir lors d'un débat à l'Assemblée nationale.
Me Branco dit avoir été "kidnappé" à environ 100 km de la capitale mauritanienne Nouakchott par des hommes encagoulés sans aucun signe distinctif et qui l'ont blessé aux poignets, selon Me Ciré Clédor Ly.
L'opposant Ousmane Sonko, candidat à l'élection présidentielle de 2024, a lui été arrêté et écroué fin juillet à Dakar, pour différents chefs d'inculpation dont des appels à l'insurrection. Son parti a été dissous.
À NIAMEY, DES BRIGADES DE VEILLE CONTRE LA MENACE IMMINENTE
Vendredi soir, des partisans du coup d'état ont ainsi investi plusieurs ronds-points centraux de la capitale nigérienne.La veille, les putschistes avaient invité la population à "la vigilance" contre les "espions et les forces étrangères"
Une dizaine d'abord, puis une trentaine de personnes arrivent peu à peu une fois la nuit tombée au rond-point Francophonie à Niamey, répondant à l'appel des militaires qui ont renversé fin juillet le président Mohamed Bazoum.
Vendredi soir, des partisans du coup d'état ont ainsi investi plusieurs ronds-points centraux de la capitale nigérienne. La veille, les putschistes avaient invité la population à "la vigilance" contre les "espions et les forces étrangères" et à rapporter tout "mouvement d'individus suspects".
"On s'est installé sur les ronds-point stratégiques pour faire des piquets de nuit avec la population", explique Boubacar Kimba Kollo, coordinateur du Comité de soutien au Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, qui a pris le pouvoir), créé au tout début du putsch le 26 juillet, et dont les premières déclarations reprises par la télévision d'Etat datent du 29.
"Tout le monde tourne autour de (ces ronds-points) pour avoir accès à la capitale", décrit-il en expliquant avoir déployé des membres du Comité sur plusieurs de ces ronds-points centraux de Niamey.
L'objectif, explique-t-il, est de "surveiller les allers et venues de toute personne suspecte, qu'on essaie d'arrêter nous mêmes". Pour lui, "c'est un combat du peuple!"
Qui sont ces suspects?"Ce sont des informations que nous avons, mais que nous ne pouvons que taire", dit-il."Nous avons des informations réelles qui nous poussent à dire qu'il y a une menace imminente sur la capitale, nous ne pouvons pas rester" sans rien faire.
Fait-il référence à une possible intervention militaire prochaine des pays ouest-africains voisins qui font monter la pression avant la fin, dimanche, de l'ultimatum qu'ils ont donné aux putschistes pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions?
Il y a certes cela, reconnaissent plusieurs personnes rassemblées, mais pas seulement: "C'est même pas la Cedeao (Communauté économique des Etats ouest-africains) qui nous inquiète, mais une intervention française", affirme le coordinateur Kimba Kollo en évoquant pêle-mêle légion étrangère, ennemis du peuple, et plus généralement, "tous ceux qui essaient de nous attaquer".
Devenue la principale harangue populaire des manifestations pro-putsch organisées depuis le 26 juillet, un "A bas la France!" est lancé par un jeune alentour.
Un autre passe en voiture autour du rond-point avec un drapeau nigérien à la fenêtre."C'est un patriote ça, un vrai!", dit Alassane, un jeune du quartier venu, plus par curiosité que par soutien politique, voir d'où venait la musique.
- "On restera tous les soirs" -
Le conducteur voit l'attroupement, se penche vers le siège passager, en sort un drapeau russe, met le frein à main au milieu de la route, sort de sa voiture, et brandit les deux drapeaux vers le ciel.
Ce comité de soutien fait partie, avec le mouvement de la société civile du M-62, des fers de lance du soutien aux militaires putschistes.
Ils organisent et assurent la sécurité des rassemblements pro-militaires depuis le coup d'Etat, et sont les voix de putschistes qui contrôlent à l'extrême leurs prises de parole.
A certains égards, ils ressemblent aux mouvements Yerewolo et au Collectif de défense des militaires à Bamako, deux plateformes figures de proue de la rhétorique du régime militaire malien, et aux comités de vigilance populaire proches des putschistes à Ouagadougou.
Dans les rues de Niamey, nombreux sont ceux qui, tout en soutenant ce nouveau coup de force, le cinquième de l'histoire du Niger, appellent aussi à la désescalade.
Sur la place de la Francophonie, au coeur d'un des nombreux quartiers populaires de la capitale, les voitures passent sans trop faire attention à ce rassemblement auquel se sont rapidement greffés des dizaines d'enfants talibés des écoles coraniques.
Vendredi soir, la vigilance semblait encore en rodage mais, promet le coordinateur adjoint Tassirou Issa, "on va bientôt contrôler tous les camions, tous les véhicules, nous sommes 25 millions de policiers au Niger, 25 millions de soldats", référence au nombre d'habitants du pays.
Il a une casquette floquée du général Abdourahamane Tiani, le chef des putschistes, vissée sur le crâne.
Mahamat Bachir, couturier, passe par là: "C'est important de soutenir mon pays, les militaires. Je suis venu soutenir ce qu'il se passe ici!".
Passés 22h00, l'hymne nigérien sort des enceintes. L'ambiance est joyeuse et Boubacar Kimba Kollo prévient : "On restera tous les soirs jusqu'à la fin de la menace!".
LES DEUX K RÉHABILITÉS
Les députés ont adopté samedi une réforme du code électoral rendant leur éligibilité à Khalifa Sall et Karim Wade, sept mois avant la présidentielle où ils devraient figurer parmi les principaux candidats
Le texte adopté par 124 voix pour, 1 contre et 0 abstention permet à une personne condamnée et ayant bénéficié ensuite d'une amnistie ou d'une grâce - ce qui est le cas de MM. Sall et Wade - de figurer sur les listes électorales et donc de se présenter aux élections.
Si le texte défendu par le gouvernement est promulgué, M. Sall, ancien maire de Dakar, et M. Wade, héritier de l'ex-président Abdoulaye Wade, s'annoncent parmi les principaux candidats à la présidentielle de février 2024. Ils avaient été empêchés par leur condamnation dans des affaires financières distinctes de concourir à celle de 2019 contre le sortant et futur vainqueur Macky Sall (sans lien de parenté avec Khalifa Sall).
Leur réhabilitation électorale est considérée comme susceptible de contribuer à atténuer les vives tensions au Sénégal ces derniers mois.
LE COACH MUSTAPHA GAYE DÉMISSIONNE
L’entraîneur de l’équipe féminine du basket du Sénégal a annoncé, samedi, s’être retiré de la tête de la sélection pour se consacrer à ses tâches de directeur technique national
L’entraîneur de l’équipe féminine du basket du Sénégal, Moustapha Gaye a annoncé, samedi, s’être retiré de la tête de la sélection pour se consacrer à ses tâches de directeur technique national.
« Pour moi c’était décidé avant l’Afrobasket.C’etait mon dernier match avec l’équipe nationale féminine.Nous allons évaluer. Un autre sélectionneur sera nommé dans les mois à venir pour préparer le prochain Afrobasket, en 2025 », a-t-il dit en conférence de presse, après la défaite en finale du Sénégal, contre le Nigeria, 84-74.
Le coach Moustapha Gaye a dit qu’il allait se « consacrer à ses tâches » de directeur technique national pour être dans la formation et dans les commissions de jeunes où il y a beaucoup de choses à faire ».
« C’était un plaisir pour moi de servir mon pays à travers le basket que je connais plus ou moins. Un autre va continuer. Je souhaite bon vent à mon successeur. Je félicite les joueuses avec qui j’ai travaillé pendant plusieurs années », a-t-il soutenu.
LE SÉNÉGAL S'INCLINE EN FINALE DE L'AFROBSKET FÉMININ
Les Lionnes ont été battue samedi par leurs homologues du Nigeria (74-84)
L’équipe nationale féminine de basket du Sénégal a été battue samedi par celle du Nigeria (74-84) en finale de l’édition 2023 de l’Afrobasket abritée par le Rwanda, a constaté l’envoyée spéciale de l’APS.
VIDEO
SONKO-ADJI SARR : MBIIR BI
Traduction en wolof du livre-événement : « Ousmane Sonko – Adji Sarr : l’histoire » par Madiambal Diagne. Le livre-audio se décline en une mini-série en 4 parties (1/4)
La première partie revient sur la genèse de l’affaire, les réactions des premiers protagonistes, l’emballement judiciaire et pose le contexte autour du fait-divers qui a brûlé le Sénégal. Les chapitres abordés dans cette vidéo par l’auteur sont : Une bouche en feu ; l’affaire tombe sur le bureau de Macky Sall ; Ousmane Sonko et moi : la ronde des visiteurs du soir.
L'ACCOUCHEMENT DOULOUREUX
A BBY, la recherche du candidat idéal se révèle être une gageure. L’accouchement est lent et difficile. Les discussions pour rechercher le consensus sur le candidat unique n’ont pour l’instant rien donné, alors que le temps presse
Comme cela avait été annoncé, le Président de la République Macky Sall a reçu, hier, les candidats à la candidature de Benno Bokk Yaakaar (BBY). Jusqu’ici, il a surtout cherché à gérer les états d’âme et frustrations. Le temps est venu de se décider et un pas décisif a été franchi, hier, avec la rencontre entre le chef de l’Etat et tous les candidats à la candidature de BBY.
Si beaucoup avaient annoncé sa candidature comme du bluff, une candidature de négociation, Mme Awa Diop Mbacké a confirmé son intention de se positionner comme la porte étendard de Benno Bokk Yaakaar à la prochaine présidentielle. Outre la ministre conseillère qui a été de l’audience hier avec le Président et ses homologues leaders de Benno Bokk Yaakaar, l’autre grande surprise, c’est la candidature du maire de Sandiara Serigne Gueye Diop. Tous ont été reçus avec les ténors comme le Premier ministre Amadou Ba, le président du Conseil économique social et environnemental, Abdoulaye Daouda Diallo, le DG du FONSIS Abdoulaye Diouf Sarr, le ministre de l’Agriculture Aly Ngouille Ndiaye, l’ancien Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne, le ministre de l’Industrie Moustapha Diop et enfin le Président de l’Assemblée nationale Amadou Mame Diop.
Selon nos sources, les candidats à la candidature ont été reçus en présence de Moustapha Niasse, Aminata Mbengue Ndiaye, Abdou Fall, Aissata Tall Sall, Modou Diagne Fada, Cheikh Tidiane Gadio, Abdoulaye Baldé, Nicolas Ndiaye, Thierno Lo, Moustapha Niasse, Aymérou Gningue, entre autres. Après les avoirs auditionnés les uns à la suite des autres, le Président les a sommés de discuter pour trouver un consensus le plus rapidement possible. ‘’Le Président n’a montré de préférence pour aucun des candidats. L’idée même de primaires a été avancée, mais malheureusement, le temps ne nous le permet plus. Il faut donc discuter pour trouver une solution’’, confie la source.
Il faut noter, par ailleurs, la présence très remarquée de Mansour Faye qui s’est présenté pour, dit-on, laver la famille de la première dame des accusations de soutenir la candidature d’Amadou Mame Diop. Et pour convaincre de sa bonne foi, il a même déclaré, lors de la séance, se porter candidat, avant d’en être dissuadé par le chef de l’Etat, ont rapporté nos sources.
A en croire nos interlocuteurs, une charte a été élaborée pour amener tous les prétendants à se ranger derrière, si un des candidats est retenu, mais de sérieux doutes existent sur la volonté de certains prétendants à se soumettre.
EXAMEN AU PARLEMENT D'UNE RÉFORME DÉTERMINANTE AVANT LA PRÉSIDENTIELLE
Les députés ont ouvert samedi le débat sur une réforme qui pourrait rendre à nouveau éligibles deux figures de l'opposition, Khalifa Sall et Karim Wade, sept mois avant la présidentielle où ils figureraient parmi les principaux candidats
Les députés doivent se prononcer sur une modification du code électoral qui en l'état empêche MM. Sall et Wade de concourir en raison de leur condamnation passée dans des affaires financières distinctes. Cette condamnation les avait empêchés de concourir à la présidentielle de 2019 contre le sortant et futur vainqueur Macky Sall (sans parenté avec Khalifa). Le
texte appelé à être soumis au vote permettrait, selon les termes du débat samedi, aux personnes condamnées et ayant bénéficié ensuite d'une amnistie ou d'une grâce - ce qui est le cas de MM. Sall et Wade - de figurer sur les listes électorales et donc de se présenter aux élections.
Karim Wade, 54 ans, collaborateur et ministre de son père président de 2000 à 2012, a été condamné en 2015 à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite. Détenu plus de trois ans, il a été gracié en 2016 par le président Sall, mais a dû s'exiler. Khalifa Sall, 67 ans, maire de Dakar à partir de 2009, a été reconnu coupable du détournement d'environ 2,5 millions d'euros des caisses municipales, et condamné en 2018 à cinq ans de prison. Emprisonné en 2017, il a recouvré la liberté en 2019, lui aussi à la faveur d'une grâce présidentielle.
MM. Wade et Sall ont dénoncé les procédures menées contre eux comme une machination visant à les éliminer politiquement. Une réhabilitation électorale des deux hommes est présentée par le pouvoir et une partie de l'opposition comme susceptible de contribuer à atténuer les vives tensions qu'a connues le Sénégal. Le pays qui se distingue par sa relative stabilité dans une région troublée a vécu depuis 2021 plusieurs épisodes de contestation meurtrière liée au bras de fer entre l'opposant Ousmane Sonko et le pouvoir.
L'incertitude sur une candidature du président sortant à un troisième mandat et sur l'éligibilité de MM. Sall et Wade a contribué aux tensions. Le président Sall a annoncé début juillet qu'il ne briguerait pas sa succession. Après plus de deux ans de confrontation ouverte avec les autorités, Ousmane Sonko a été placé en détention lundi sous différents chefs d'inculpation, et sa candidature à la présidentielle semble désormais irréaliste.
Le président Sall a accepté que l'éligibilité de Khalifa Sall et de Karim Wade soit discutée lors d'un dialogue ouvert fin mai avec une partie de l'opposition et destiné précisément à faire baisser la température. Les participants au dialogue, boycotté par Ousmane Sonko, se sont accordés pour modifier le code électoral.
JUAN BRANCO AUX ARRÊTS
L'avocat français Juan Branco, recherché par le Sénégal en lien avec des troubles récents, a été arrêté en Mauritanie après plusieurs jours de jeu du chat et de la souris avec les autorités
Ces responsables, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat en l'absence de communication officielle sur un sujet transnational, n'ont pas fourni de précisions sur les circonstances de l'arrestation. Des médias sénégalais ont évoqué une arrestation entre Sénégal et Mauritanie, alors que Me Branco cherchait selon eux à quitter discrètement le pays où il était entré subrepticement quelques jours auparavant.
Une source proche du dossier a également rapporté son arrestation du côté mauritanien, mais la situation de l'avocat restait floue samedi en milieu d'après-midi. "Nous opposerons toutes les voies de droit pour faire échec à une éventuelle tentative d'extradition de Juan Branco vers le Sénégal", ont dit à l'AFP ses avocats français Luc Brossolet, François Gibault et Robin Binsard, laissant supposer qu'il se trouvait en Mauritanie. "Son combat judiciaire pour Ousmane Sonko ne justifie pas la persécution politique dont il fait l'objet à Dakar", ont-ils dit.
Me Branco s'est fait un nom au Sénégal en prenant part à la défense d'Ousmane Sonko, opposant engagé depuis 2021 dans un bras de fer avec le pouvoir et la justice. La confrontation a donné lieu depuis plus de deux ans à plusieurs épisodes de violences meurtrières. Me Branco a suscité beaucoup d'attention en annonçant une plainte en France et une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye contre le président Macky Sall pour "crimes contre l'humanité" en juin, alors que le pays venait de connaître ses pires troubles depuis des années.
Le parquet sénégalais a annoncé le 14 juillet avoir ouvert une enquête judiciaire et requis un mandat d'arrêt contre lui en s'appuyant sur ses écrits et ses propos. Me Branco a cependant causé la surprise dimanche en faisant irruption inopinément dans une conférence de presse des avocats sénégalais d'Ousmane Sonko à Dakar, deux jours après l'arrestation de l'opposant. Ce dernier a depuis été incarcéré sous différents chefs d'inculpation, dont appel à l'insurrection.
Me Branco avait été refoulé quelques mois auparavant à l'aéroport alors qu'il tentait d'entrer au Sénégal. La ministre sénégalaise des Affaires étrangères Aïssata Tall Sall n'a pas démenti jeudi devant la presse des informations selon lesquelles Me Branco était cette fois entré par la frontière terrestre avec la Gambie. Elle a indiqué que les autorités sénégalaises avaient évoqué le sujet avec leurs homologues gambiennes.
Me Branco avait donné lecture lors de la conférence de presse de dimanche d'un texte qui a décontenancé un certain nombre des personnes présentes, puis s'est éclipsé. Il était depuis recherché par les services de police sénégalais. L'ancien Premier ministre Abdoul Mbaye a estimé sur les réseaux sociaux que l'avocat avait "ridiculisé le Sénégal et mis à nu (ses) failles sécuritaires".
Le gouvernement sénégalais a décrit jeudi Me Branco comme un avocat avide de publicité et fuyant ses responsabilités. "Le Sénégal ne doit pas être la caisse de résonance d'un avocat qui est en mal de reconnaissance dans son pays" et qui "se rêve en Victor Hugo", a dit le ministre porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana. "Si vous avez le courage de défier un Etat, de défier une nation, vous devez faire face", a-t-il dit.