Samedi dernier, le Sénégal est davantage entré au panthéon du football continental après le sacre des Lions locaux au Chan disputé en Algérie. Retour sur la performance historique d’une équipe à la détermination et à la force de caractère impressionnantes
Ils l’ont fait ! Les hommes de Pape Bouna Thiaw ont bravé tous les obstacles qui se sont dressés devant eux durant cette 7e édition du Championnat d’Afrique des nations (Chan) pour inscrire, pour la première fois de l’histoire, le nom du Sénégal au palmarès de cette compétition. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas usurpé leur titre de rois d’Afrique. Les « Lions » locaux ont su convaincre, avec la manière, ceux qui ne croyaient pas en cette équipe ou même aux aptitudes du football local sénégalais à performer sur la scène continentale. Au début, l’objectif de l’équipe du Sénégal était d’aller le plus loin possible dans ce tournoi. Une ambition on ne peut plus réaliste, si l’on prend bien sûr en compte que les « Lions » locaux ont raté les 4 dernières éditions du Chan. Mais, comme l’appétit vient en mangeant, dit-on, ils ne se fixaient plus aucune limite au fil des matches. En effet, les protégés de Pape Thiaw se sont montrés très solides durant le premier tour, disputé à Annaba, en jouant les premiers rôles dans la poule B. Après avoir lancé leur campagne par une victoire (1-0) contre la Côte d’Ivoire, ils s’étaient fait surprendre par l’Ouganda (1-0) lors de la deuxième journée. Mais les « Lions » locaux ont eu assez de ressources pour rectifier le tir lors de leur dernière sortie en phase de groupes face à la Rd Congo avec un large succès (3-0) pour ainsi terminer en tête.
Ensuite, tout est allé très vite pour Moutarou Baldé et ses coéquipiers. Toujours à Annaba, ville désormais fétiche pour le football sénégalais, l’équipe nationale locale a accueilli et battu, en quarts de finale, son homologue de la Mauritanie (1-0) au terme d’un derby âprement disputé. Ils accédaient ainsi au dernier carré, 14 ans après leur demi-finale perdue lors de la première édition du Chan en 2009 face au Ghana (1-1 ; 7 tab 6). Après cette performance de haut vol, le défi qu’il fallait désormais relever était de briser enfin le plafond de verre des demies, loin de leur zone de confort. Mais, l’ambition en bandoulière, les « Lions » locaux ont disposé des fringants « Barea » de Madagascar (1-0) au stade Nelson Mandela (Baraki) d’Alger pour décrocher leur ticket pour la finale. Pape Bouna Thiaw et ses protégés venaient d’écrire une belle page de l’histoire du football local. Jamais le Sénégal n’était parvenu à se hisser à ce stade de la compétition. Il ne restait donc plus qu’à prolonger le rêve fou et battre le pays hôte, l’Algérie, devant 40 000 supporters acquis à sa cause et remporter le trophée du Chan. Pourquoi pas, surtout que, on ne le dira jamais assez, les planètes sont alignées pour notre football et les dieux du foot nous tendent les bras. Gonflés à bloc par 17 millions de Sénégalais, les « Lions » locaux prennent le dessus sur les « Fennecs » à la séance fatidique des tirs au but (5 tab 4), après avoir fait dos rond pendant 120 minutes (0-0).
Après presque 12 ans d’absence, les partenaires de Mamadou Lamine Camara ont réussi un retour fracassant avec ce retentissant exploit qui permet au Sénégal de réussir le grand chelem après la Can 2022 à Yaoundé (Cameroun) et la Can de Beach Soccer en 2022 au Mozambique.
Lions sublimés durant le tournoi : Mamadou Sané et Papi Sy, symboles des choix forts de Pape Thiaw
Ils ont surgi de nulle part pour survoler la 7e édition du Chan, remportée, samedi dernier, par le Sénégal. Préférés aux cadres El Hadj Moutarou Baldé sur le côté droit et Aliou Badara Faty dans les buts, le latéral Mamadou Sané et le gardien de but Pape Mamadou Sy ont fait une très bonne impression durant le tournoi. Ils ont disputé toutes les minutes des six matches de l’équipe du Sénégal dans ce Chan. Et à chaque fois, ils ont livré une copie parfaite avec à la clé une prestation de haute facture.
Le latéral droit de Guédiawaye Fc a réussi une brillante performance dans ce Chan en se montrant très solide défensivement. Teigneux malgré sa petite taille, Mamadou Sané a même étonné les observateurs du football africain de par sa combativité sur les duels aériens et sa belle pointe de vitesse. Ses retours défensifs et son bon alignement ont annihilé beaucoup d’offensives des équipes adverses. Dans le jeu également, le jeune joueur a été très précieux, notamment dans les dédoublements sur le côté avec l’attaquant excentré Malick Mbaye. Comme sur le but de Papa Amadou Diallo en demi-finale contre Madagascar (1-0 pour le Sénégal) où il déposait un centre en mouvement millimétré sur la tête de son partenaire.
Pape Mamadou Sy de Génération Foot a, lui aussi, régalé dans ce Chan avec des arrêts venus d’ailleurs. Le longiligne gardien de but des « Lions » locaux a confirmé tout le bien qu’on pensait de lui. Maître dans les airs grâce à sa rallonge et sa belle détente, le portier originaire de la région de Louga a éclaboussé de son talent cette compétition. D’où le trophée du meilleur gardien de cette 7ème édition du Chan qu’il a amplement mérité.
Lamine Camara, le foot local tient son « Nianthio »
Ça n’aurait pas fait scandale s’il était désigné meilleur joueur du Chan par la Caf, tellement il a brillé dans ce tournoi. Masterclass sur masterclass, les férus de foot en ont eu plein les yeux ! En Algérie, ils sont presque tous tombés sous le charme du milieu de terrain Mamadou Lamine Camara. En témoignent notamment les demandes d’autographes et photos des Algériens à l’aéroport d’Alger, dimanche à l’heure où l’équipe devait rentrer sur Dakar. Avec ses trois trophées d’Homme du match à la main, le virtuose de Génération Foot a posé plusieurs dizaines de fois avec des fans. Ses prestations réussies dans cette compétition ont ébloui plus d’un.
Celui qui a fait ses premières armes à l’académie Galaxy Foot de l’ancien international Salif Diao, avant de se sublimer avec le Casa Sports où il a été repéré par Génération Foot, a enchaîné des matches très aboutis dans ce tournoi. Il est sans conteste l’un des grands artisans du premier sacre de l’équipe nationale locale en Chan. Originaire de Diouloulou (Ziguinchor), Mamadou Lamine Camara a été le dépositaire du jeu des « Lions » locaux. Sa riche palette technique avec des passes lumineuses et des feintes qui laissent dans le vent ses adversaires a fait de lui le meilleur joueur côté sénégalais. À l’image de Sadio Mané avec l’équipe A, le petit « Nianthio » a porté cette formation en le hissant sur le toit de l’Afrique.
LE TOUT SAUF SONKO S'EMBALLE
S’il promet d’user de tous les moyens à sa disposition pour résister aux tentatives de musellement, le leader Pastef/Les patriotes voit l’étau se resserrer autour de lui
De l’histoire politique du Sénégal, rarement un homme a été persécuté comme Ousmane Sonko. De sa radiation comme agent de l’État aux procès qui menacent de le rendre inéligible aux prochaines joutes électorales, le leader de Pastef/Les patriotes est dans le collimateur d’un régime dont les tentatives de musellement contre sa personne l'ont plus renforcé. Face à l’incertitude des affaires juridiques, politiques et morales qui le vise, d’autres alliances se nouent pour parer à toute éventualité de voir le maire de Ziguinchor accéder à la fonction présidentielle en 2024. L’important, pour ses adversaires, connus et masqués, reste une vérité immuable : le tout sauf Sonko. Même si, pour cela, il faut renouer des relations que l’on pensait perdues à jamais.
Ce n’est peut-être pas sous Macky Sall que l’on voyait Karim Wade et Khalifa Sall revenir dans le jeu électoral. Mais c’est bien le chef de l’État, lors du premier Conseil des ministres du gouvernement d’Amadou Ba, qui a demandé au ministre de la Justice ‘’d’examiner dans les meilleurs délais les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote’’.
Depuis, Ismaïla Madior Fall s’est exécuté. Le garde des Sceaux a déjà livré le projet de loi de réintroduction, qui ne cite pas les deux ténors du paysage politique, mais dessine les schémas possibles pour le retour des bannis du fichier électoral.
Ancien conseiller puis ministre de son père l’ex-président de la République Abdoulaye Wade, Karim Wade a été condamné, en 2016, à 6 ans de prison ferme et à 138 milliards F CFA d’amende pour ‘’enrichissement illicite’’.
Quant à Khalifa Sall, ancien Maire de Dakar, il a été condamné à une peine de 5 ans de prison ferme, assortie d’une amende pénale de 5 millions F CFA. Tous les deux ont, par le biais de ces condamnations judiciaires, perdu leurs droits civiques et leur éligibilité.
Malgré des procès censés rendre justice au peuple sénégalais, aucun des deux n’a payé les sommes pour lesquelles ils ont été poursuivis. En lieu et place, ils ont bénéficié de grâces présidentielles, sans pour autant retrouver leur droit de participer à l’élection présidentielle de 2019. Des faits allant dans le sens de renforcer les visées politiques de leurs condamnations.
Il y a quatre ans, la situation avait profité au président de la République qui a obtenu sa réélection au premier tour, contre quatre candidats. Aujourd’hui, face à la menace Sonko, adulé au sein de la jeunesse, la réintroduction possible de Karim Wade et Khalifa Sall augure d’une redistribution des cartes parmi les forces en présence. Une manière plus subtile d’arriver à écarter le leader de Pastef des allées vers le palais de la République par des manœuvres politiques.
En effet, ce plan a l’avantage de porter un grand coup à l’intercoalition électorale qui a fait vaciller le pouvoir lors des deux dernières élections (Locales de janvier et Législatives de juillet 2022). Karim Wade et Khalifa Sall se sont alliés à Ousmane Sonko pour gagner la majeure partie des grandes villes du Sénégal et imposer une quasi-cohabitation parlementaire à l’Assemblée nationale. Le retour en selle des premiers nommés viendra réveiller les ambitions personnelles et partisanes, grâce au mirage d’accéder au fauteuil présidentiel.
Cette prémonition est d’autant plus à considérer qu’avec ses anciens camarades libéraux, Macky Sall a habitué les Sénégalais à des surprises. Ce fut le cas lors de la grâce accordée à Karim Wade et, plus récemment, avec la nomination d’Idrissa Seck à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese). L’ancien Premier ministre sous Abdoulaye Wade entérinant ainsi sa décision de rejoindre la majorité, après avoir terminé deuxième à l’élection présidentielle de février 2019.
Rapprochement entre BBY et Wallu
Selon certaines indiscrétions, le président de la République a envoyé des émissaires au candidat annoncé pour le Parti démocratique sénégalais (PDS), leader de la coalition Wallu Sénégal. Beaucoup de choses vont dans le sens d’une possible collaboration entre Wallu Sénégal et Benno Bokk Yaakaar autour du pouvoir. Bien qu’ayant réitéré son ancrage dans l’opposition dure, au lendemain des bonnes performances lors des Législatives, la coalition a pris ses distances avec ses alliés de Yewwi Askan Wi. Deux faits pour en témoigner sont le refus de voter la motion de censure introduite par Yewwi contre le gouvernement d’Amadou Ba et l’adhésion à la déchéance d’Aminata Touré de son mandat de député lancée par la majorité.
Reste que pour éviter la perte du pouvoir par les libéraux, le rassemblement de la grande famille libérale est toujours dans un coin de la tête du pouvoir. Souleymane Ndéné Ndiaye, Pape Samba Mboup, Serigne Mbacké Ndiaye, Abdoulaye Baldé, Oumar Sarr, Pape Diop. Il ne reste pratiquement plus que les leaders du PDS, Abdoulaye Wade et Karim Wade, pour une recomposition des libéraux autour de Macky Sall. Une réelle possibilité au cas où une troisième candidature du président de la République ne passerait pas auprès du Conseil constitutionnel.
Dans une opposition qu’il avait promis de réduire à sa plus simple expression, Macky Sall n’a jamais fait face à un candidat aussi dangereux qu’Ousmane Sonko pour la prochaine élection présidentielle. Ce qui a peut-être marché pour les cas Khalifa Sall et Karim Wade ne marchera peut-être pas pour le maire de Ziguinchor. Son arrestation, en mars 2021, a provoqué l’une des émeutes les plus violentes de l’histoire du Sénégal, avec 14 morts enregistrés.
Malgré cela, les soucis judiciaires ne sont toujours pas évacués pour le leader de Pastef/Les patriotes. Son procès pour des accusations de viol a été renvoyé devant la chambre criminelle, au moment où un autre procès pour une accusation de diffamation l’oppose à un des hommes forts du régime, Mame Mbaye Niang. À chaque étape de son opposition avec le pouvoir, les Sénégalais retiennent leur souffle.
Une seule question reste valable : jusqu’où pourrait mener le pays l’invalidation de la candidature de l’idole de toute une jeunesse ? Le seul adversaire politique du régime pour lequel le peuple s’est mis sur la route des institutions judiciaires.
CONFESSIONS DE VICTIMES
Alors que les principaux protagonistes de l'affaire Sonko-Adji Sarr préparent leur défense à grand renfort médiatique, les innocents, dépourvus de protection, craignent pour leurs personnes. Des victimes de mars 2021 reviennent sur leur calvaire
Plus de deux ans après son éclatement, l’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko continue de tenir en haleine le peuple sénégalais. Alors que les principaux protagonistes préparent leur défense à grand renfort de gros bras, les innocents, dépourvus de protection, craignent pour leurs personnes et leurs biens. Des victimes de mars 2021 alertent et reviennent sur leur calvaire.
Le ‘’gatsa-gatsa’’ se prépare activement dans les états-majors politiques. Depuis quelque temps, les attaques fusent de tous bords, majorité comme opposition. Si les derniers promettent ouvertement de casser du dirigeant, les partisans du pouvoir promettent cette fois-ci des ripostes à la hauteur des attaques. Chez les populations, l’inquiétude est déjà à son paroxysme.
Président de l’Association des gérants de stations-services, Ibrahima Fall alerte : ‘’On a eu à limiter les dégâts pour une première fois (lors des évènements de février-mars 2021), mais un autre mars serait catastrophique. Non seulement au plan social, mais aussi aux plans humain et sécuritaire. Que les gens manifestent s’ils le veulent, mais qu’ils épargnent nos fonds de commerce. Il faut nous aider à faire comprendre aux gens que ces stations appartiennent à des Sénégalais comme eux. Nous sommes juste en location-gérance avec Total. Quand on pille ces stations, nous sommes les seuls à perdre nos sous, nos sources de revenus.’’
Lors des événements de mars 2021, elles étaient une quarantaine de stations caillassées, en partie ou totalement. Des coffres-forts emportés, des boutiques totalement pillées…
Au total, les dégâts sont évalués à 1 milliard 102 millions F CFA. Et les gérants n’avaient que leurs yeux pour pleurer.
Depuis, certains peinent à se relever. D’autres ont définitivement fermé boutique. Malgré les nombreuses sollicitations, l’État n’a rien fait. Ibrahima Fall regrette : ‘’Aucun acte n’a été posé. On a eu à rencontrer toutes les autorités qui tournent autour du secteur. En l’occurrence le ministre du Commerce, le ministre du Pétrole avec son staff, tout le monde. On nous avait demandé de constituer un dossier avec le constat d’huissier et l’évaluation des dégâts. Tout a été fait et déposé au niveau du ministère du Commerce. Des séances de travail ont eu lieu, mais depuis lors, rien n’a été fait. Nous avons vraiment été laissés en rade.’’
Une occasion rêvée pour les malfaiteurs
A ceux qui seraient tentés de se demander pourquoi l’assurance n’a pas pris en charge les dégâts, il explique : ‘’Toutes ces stations ont souscrit des assurances certes, mais en période d’émeute, l’assurance ne prend pas en charge. L’État devrait pouvoir se substituer aux assureurs et aider les citoyens à reprendre leurs activités. Ce qui n’a pas été fait. Nous espérons seulement que de tels actes seront évités à l’avenir. Nous répétons que nous n’avons rien à voir avec ces compagnies. Il faut vraiment que les gens le comprennent une fois pour toutes.’’
Aussi, tient-il à alerter sur le danger sécuritaire que consiste l’attaque sur ces lieux très dangereux. ‘’Nous sommes dans des zones à fort taux d’explosion. Les gens qui y travaillent, on les a formés. Ce sont des stations qui ont des milliers de litres dans leurs cuves. Si ça explose, je n’ose pas imaginer la catastrophe que ça peut créer. Nous sommes aussi sénégalais qu’eux. Il faut que les gens le comprennent’’.
En vérité, il serait naïf de croire que tous ceux qui sont sortis dans la rue pour piller et voler les biens d’autrui l’ont fait pour défendre une cause quelconque.
En effet, à côté des militants et sympathisants, il y a eu également les voyous et autres délinquants qui sont sortis pour braquer tout ce qui pouvait l’être. Même des lieux de soins, censés être protégés, même en temps de guerre, en ont fait les frais. Le docteur Gazi avait une clinique à Pikine Icotaf, à côté d’Auchan. Il a tout perdu à cause des événements de février-mars. Patiente et amie du médecin, Mamy Diara Guèye témoigne : ‘’Cela m’avait fait mal. On a dilapidé tout son patrimoine en un rien de temps. Les investissements de toute une vie, alors qu’il n’a rien fait, rien à voir ni avec la politique ni avec la France. Comment des gens qui disent lutter pour la justice peuvent s’en prendre à un cabinet médical ? Ils ont tout emporté : les équipements médicaux, les meubles, même la chaise anglaise, ils l’ont emportée.’’
Des innocents qui ont tout perdu sans indemnisation
Un épisode inoubliable chez la famille Guèye, dont la demeure est située à un jet de la gare du Train express régional à Pikine. Non seulement parce que c’est un lieu médical qui a été attaqué, mais aussi parce que le médecin se trouvait être un bon samaritain. Mme Guèye : ‘’C’est quelqu’un qui faisait beaucoup de social. Je peux donner mon exemple. Au moment d’accoucher chez lui mes jumeaux, il y a eu une complication qui devrait rallonger la facture de 200 000 F. Il m’a dit de ne payer que la facture initiale. Le reste, il l’a pris en charge, parce que ce n’était pas dans le bilan de départ. C’est un homme formidable et on a bousillé comme ça tout son investissement. Et l’État n’a rien fait pour lui.’’
Depuis, Mamy et ses amies portent le combat, malgré la résignation du médecin qui s’est reclus dans son coin, obligé de travailler dans des cabinets d’autres collègues.
En décidant de s’installer dans la grande banlieue, le gynécologue avait notamment pour ambition de démocratiser les soins de qualité, d’offrir à des laissés pour compte les mêmes chances de prise en charge que leurs concitoyens des centres urbains. Son départ a rendu orphelines bien des femmes enceintes dans le voisinage immédiat. ‘’Avec lui, on avait non seulement l’assurance d’avoir accès aux meilleures prises en charge, mais aussi, il était à proximité. Avec ma première grossesse, il y avait quelques risques, mais grâce à son suivi, tout s’est très bien passé. Ici, il n’y avait que lui comme gynécologue. Aujourd’hui, pour trouver un gynéco, les femmes se voient contraintes de payer plus dans d’autres cliniques, en plus d’aller bien plus loin. Pour ma deuxième grossesse, j’ai été contrainte de me rabattre sur les postes de santé du coin où l’on se fait consulter par des sages-femmes’’, a rétorqué Fatou.
Embouchant la même trompette, Mme Diop, qui habite non loin du cabinet, exprime son amertume et demande à l’État de penser aux victimes de ces événements malheureux. ‘’J’étais vraiment choquée quand j’ai appris ce qui est arrivé au Dr Gazi. C’était très difficile. A Pikine, nous ressentons bien son absence. Aujourd’hui, on est obligé d’aller chercher ailleurs des spécialistes ou ne serait-ce que pour faire une bonne échographie. Il était non seulement compétent, empathique, mais avait des équipements très modernes. Mais ce que nous apprécions, c’est surtout son humanisme. Nous pensons que l’État devrait le soutenir à recouvrer ses biens’’.
Même les cliniques n’ont pas été épargnées
Pour Alassane Seck, la crainte est surtout de devoir revivre des scènes de violence comme il en a connu au mois de mars 2021. Témoin de ce qui s’est passé au niveau du cabinet médical, il se rappelle comme au premier jour. ‘’Nous étions dans la boulangerie qui est mitoyenne au cabinet. On a dû s’enfermer dedans pour ne pas subir le même sort. Les manifestants ont essayé de défoncer la porte, mais n’ont pas pu. Le cabinet a eu moins de chance, parce que la porte était en aluminium. Ils ont dévalisé tout ce qui pouvait l’être’’.
Revenant sur le pillage de la clinique, il précise : ‘’Après avoir vidé Auchan, ils sont venus dans la clinique. Ils ont tout pris et ont brûlé les documents. C’était de la méchanceté gratuite.’’
Avec la montée actuelle de la tension, ils sont nombreux à craindre le syndrome de 2021. Les habitants de la banlieue plus que tout le monde. Récemment, un des lutteurs les plus populaires de la banlieue était d’ailleurs monté au créneau pour mettre en garde. Il disait : ‘’Quand vous ouvrez cette porte, vous voyez le péage. J’ai été témoin direct de comment les gens bloquaient l’autoroute pour venir prendre de force les biens des gens. La plupart de ceux qui venaient semer le bordel n’habitent pas ici. Personnellement, je me suis impliqué pour que les gens ne pillent pas la station de Demba Ka, EDK. Je prends à témoin Gris Bordeaux. On lui avait confié la garde de cette station, mais il a été contraint de se sauver et de faire appel à moi, puisque c’est mon secteur. C’est grâce à notre intervention, mes amis et moi, que nous avons sauvé la station.’’
Pour Siteu, il est hors de question de vivre à nouveau ces casses dans son secteur. ‘’Nous demandons à Sonko de continuer son combat. Il fait de bonnes choses, mais il faut éviter d’y mêler la violence. Nous sommes les seuls perdants. Nous, nous n’allons pas nous battre. Ici à Diamaguene, de Fass Mbao à Sips, je vais prendre mes responsabilités. Nous allons nous battre pour la paix dans notre quartier. On prendra toutes nos responsabilités. Ils n’ont qu’à faire leur politique et nous laisser en paix’’, lâchait le lutteur qui s’était attiré les foudres des partisans de Pastef.
SEISME EN TURQUIE, CHRISTIAN ATSU SURVIVANT
C'est un miraculeux serait-on tenté de dire. Alors que tout laissait croire que l'international ghanéen est mort dans le violent séisme qui a frappé la Turquie la nuit du dimanche au lundi, Christian Atsu a été retrouvé sous les décombres ce mardi matin.
Il est en vie. Alors que l’international ghanéen était porté disparu depuis ce lundi après le violent tremblement de terre qui ont touché la Turquie, Christian Atsu a été sorti vivant des décombres. Ce mardi matin, un porte-parole d’Hatayspor a révélé que le joueur de 31 ans a été secouru. Il a quand même subi plusieurs blessures.
Atsu n’était pas le seul joueur impliqué dans ce drame. Trois autres joueurs d’Hatayspor ont déjà été secourus lundi, mais le gardien de but de Malatyaspor, Eyup Türkaslan, par exemple, est toujours porté disparu.
LE MYTHE DU KANKOURANG À MBOUR
Les non-initiés connaissent peu de chose de ce personnage. A Mbour, même les responsables de la communauté Mandingue en charge de la conservation de ce rite culturel n’en savent pas davantage
Le mythe du Kankourang, un personnage qui désigne, à la fois, un masque et un rituel célébrant la circoncision parmi les Mandingues, continue à être jalousement préservé à Mbour, un des départements de la région de Thiès (ouest).
Les non-initiés connaissent peu de chose de ce personnage. A Mbour, même les responsables de la communauté Mandingue en charge de la conservation de ce rite culturel n’en savent pas davantage.
Seuls des membres d’un comité de sages regroupant des vieux âgés de plus 70 ans sont au contact de ce personnage qui apparaît habituellement en septembre, la période de la circoncision chez la communauté Mandingue de Mbour. Un mystère.
D’ailleurs, dire peu de chose à son père et ne rien révéler à sa mère, après la sortie de la case des circoncis, demeure le principal procédé ayant contribué à la préservation du mythe autour du Kankourang, introduit à Mbour au début du 20e siècle, précisément en 1904.
D’ordinaire interdit d’accès aux femmes pendant les périodes de circoncision, le local abritant les secrets du Kankourang dans le quartier Médine extension à Mbour a été exceptionnellement ouvert à une équie de journalistes de l’Agence de presse sénégalaise dans le cadre des préparatifs du Conseil des ministres que doit abriter jeudi Thiès, la capitale régionale.
L’isolement de l’endroit et son bosquet touffu que le visiteur est invité à découvrir ainsi que l’espacement de ses bâtiments sont à l’image du mystère qui entoure le Kankourang.
Démarche nonchalante, de loin identifiable par son bonnet rouge assorti de cauris, des gris-gris sur le corps et la corne entre les mains qu’il présente comme un de ses moyens de communication avec les anciens, Cheikhou Koté est le maitre des lieux. Il est le doyen d’âge de la communauté mandingue à Mbour.
Président du conseil des sages, organe délibératif de tout ce qui concerne le Kankourang, le vieux Koté s’exprime en langage codé, pour ne pas dire inaccessible aux non-initiés.
‘’Les anciens vous ont remis un tapis sur lequel ils étaient assis, tachez de le remettre intact aux générations futures’’, lance le vieux en langue mandingue, invitant avec autorité un de ses neveux présents sur les lieux à faire la traduction.
Durant les cases de circoncision, ‘’l’enfant est inculqué de valeurs qui vont le suivre durant toute sa vie’’, indique-t-il.
A sa sortie de cette retraite culturelle, l’enfant est invité ‘’à dire peu de chose à son père et à ne rien révéler à sa mère’’, ajoute le gardien du temple, devant les acquiescements de Fatou Faty. Comme pour confirmer les dires de son grand-père ou dénoncer ce procédé discriminant.
Né en 1936, Cheikhou Koté soutient que le Kankourang est arrivé au Sénégal en 1904 par l’entremise de notables mandingues établis à Mbour dont son père Mady Koté. Son introduction au Sénégal ferait suite à des fléaux marqués notamment par des morts d’enfants et de femmes en couches, rappelle Mamadou Aidara Diop.
Le secrétaire général de la Collectivité mandingue à Mbour ajoute que ses ancêtres, désemparés devant ces fléaux, avaient dépêché une délégation composée de mandingues pour retourner puiser dans les savoirs endogènes en vue de trouver un remède contre ces catastrophes naturelles.
La délégation partie à Gabu est revenue avec le kankourang, a-t-il poursuivi.
C’est depuis 1904 que le Kankourang est célébré à Mbour à des fins ‘’thérapeutiques’’ et ‘’protectrices’’, indique M. Diop.
Le secrétaire général de la collectivité note toutefois que sa structuration actuelle à travers le septembre mandingue remonte en 1990.
La convergence culturelle comme outil de diplomatie dans la sous-région
Le Kankourang est admis depuis 2005 au patrimoine immatériel de l’UNESO, l’organisme des Nations unies en charge de la protection des cultures, renseigne l’ancien cadre de la Sonatel.
Mamadou Aidara Diop note que l’activité se faisait traditionnellement après les récoltes. Mais avec le temps, le mois de septembre a été choisi pour la célébrer en période de vacances et pouvoir enrôler les élèves pendant un mois sans entrave sur le calendrier scolaire
Visiblement préoccupé par la sauvegarde de sa culture, Mamadou Aidara Diop n’a pas manqué de déplorer la ‘’profanation’’ du Kankourang dans certaines activités commerciales.
Cette pratique, déplore-t-il, n’est en aucune manière liée à une ‘’manifestation culturelle’’, mais constituerait une ‘’banalisation’’ de cet objet mystique chez les mandingues.
Parlant d’un modèle d’éducation qui devrait permettre de retourner à l’orthodoxie, le secrétaire général de la collectivité mandingue invite les Etats africains à davantage utiliser ‘’les ressources culturelles’’ dans les processus de résolution des conflits sur le continent.
Il faisait notamment allusion à la présence de la communauté Mandingue dans beaucoup de pays africains, à l’instar du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée, de la Guinée Bissau, de la Côte d’ivoire, entre autres.