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18 juin 2025
A KOLDA, LA RUÉE VERS LES SALONS DE BEAUTÉ AVANT LA KORITÉ
Les salons spécialisés dans le henné et autres soins associés sont les plus convoités, surtout que certains de ses établissements proposent les maquillages les plus à la mode
Les préparatifs de la Korité, fête célébrant la fin du jeûne musulman, vont bon train depuis quelques jours à Kolda (sud) où les femmes prennent d’assaut les salons et autres espaces de beauté pour se retaper après un long mois d’abstinence.
Les salons spécialisés dans le henné et autres soins associés sont les plus convoités, surtout que certains de ses établissements proposent les maquillages les plus à la mode.
En même temps que les marchés sont courus pour leurs approvisionnements de fête, les salons de beauté à la mode sont aussi assaillis que les ateliers de couture les plus recherchés, célèbres pour leur savoir-faire dans le dernier habit à la mode.
"J’ai déjà récupéré mes habits chez le tailleur et j’ai effectué mes achats de denrées pour les besoins de la fête, confie Aby Diao, trouvée dans un salon de beauté. Je suis venue pour me faire tatouer avant de rentrer au village".
Comme Aby, de nombreuses femmes et jeunes filles sont prêtes à patienter des heures s’il faut devant les salons de beauté de la capitale du Fouladou, pour se faire tatouer au henné, s’offrir des soins des mains et des pieds.
Binta Sabaly assure que le tatouage au henné offert par son salon de beauté préféré est tout simplement "simple et très joli. Il diffère du tatouage traditionnel réalisé avec la poudre de feuille de baobab", dit-elle.
"Ici, on utilise du matériel plus moderne, des crayons, bics, etc. et c’est plus rapide", déclare cette jeune femme.
De fait, les propriétaires de salons croulent certes sous le travail. Mais au rythme où ces établissements sont fréquentés, leurs tenanciers ne sont peut-être pas les plus à plaindre, compte tenu des recettes à engranger.
"Nous avons beaucoup de clientes comme vous le constatez et chacune choisit son modèle’’, se félicite Mme Diop, en faisant observer que ses services sont toujours très sollicités pendant les périodes de fête comme la Korité ou la Tabaski, la grande fête musulmane également appelée Aïd-el-kébir ou fête du mouton.
Elle dit proposer ses soins entre 1000 et 3000 francs CFA en fonction du type de service voulu par le client, les tarifs devenant plus chers pendant les mariages, anniversaires et baptêmes, des occasion nécessitant un déplacement.
Pour ce genre de sollicitations, elle facture ses services 5000 FCFA pour les clients résidant dans la commune de Kolda, un barème qui peut monter parfois jusqu’à 8000 FCFA en fonction de la distance, indique-t-elle.
Toujours est-il que la demande est telle que les propriétaires de salon de beauté se frottent les mains, la plupart d’entre elles étant installés au centre-ville où elles peuvent profiter d’une bonne exposition.
L'USINE DE DESSALEMENT DE LA DISCORE
Près du phare de Dakar, le bâtiment devrait se situer sur le flanc sud de la colline et ses tuyaux installés en contrebas sur la plage des Mamelles
Au bout d’un sentier qui descend le long de la colline du phare de Dakar, des petits restaurants construits en bois recyclés bordent la petite plage des Mamelles. Saliou et ses amis y viennent s’y détendre tous les week-ends, depuis le quartier populaire Médina. « C’est ouvert à tout le monde, que tu aies de l’argent ou non. Ailleurs, tout le littoral est privatisé maintenant, et on n’a pas de quoi y accéder », explique le jeune Sénégalais. Mais les plagistes pourraient bientôt devoir céder la place aux ingénieurs.
Dans ce recoin de la pointe des Almadies, la construction d’une usine de dessalement est à l’étude depuis 2015. Financée par un prêt de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) de 27,5 milliards de yens (quelque 200 millions d’euros), elle devrait atteindre une capacité de 50 000 m3 par jour pour faire face à l’expansion démographique des pôles de Dakar, Thiès et Mbour, où les besoins en eau devraient presque doubler entre 2020 et 2035.
« Ce projet contribuera à améliorer le réseau d’approvisionnement en eau de la ville, à diversifier les sources locales et à renforcer la capacité d’approvisionnement », selon le site officiel de l’usine de dessalement, dont la Société nationale des eaux du Sénégal (Sones) est le maître d’œuvre. Et le projet accélère : après quatre ans de statu quo, les restaurateurs ont été de nouveau convoqués début avril par la préfecture des Almadies, pour discuter de leur départ.
Au bord de la plage où elle grille ses poissons, Khadija Wade fait partie de ceux qui pensent que l’usine est un mal pour un bien. « A la maison, l’eau coupe pendant des heures ou des jours. Quand elle coule, elle est d’une couleur marron ou beige, avec beaucoup de saletés. Et je n’ai pas les moyens d’acheter de l’eau minérale », témoigne, résignée, la restauratrice qui travaille avec son frère au pied de la colline des Mamelles depuis plus de vingt ans.
Une plage réduite comme peau de chagrin
« Ce projet nous arrange, car on espère avoir un dédommagement intéressant qui nous permettra d’ouvrir autre chose », précise-t-elle, dans l’espoir que les populations locales soient aussi recrutées pour le chantier ou pour le fonctionnement de la station de dessalement.
Selon les plans, l’usine sera plantée sur le flanc sud de la colline du phare et la station de pompage et les tuyaux seront installés en contrebas sur la plage des Mamelles, qui sera encore en partie accessible. « Mais la plage a déjà été réduite de 800 à 20 mètres de longueur en quelques années à cause de projets immobiliers ou hôteliers. Avec cette installation industrielle en plus, il ne restera plus rien », s’inquiète Mohamed Lamine Souma, doyen et chargé de la communication du collectif Tefesu Bir pour la protection du littoral des Mamelles, qui regroupe les restaurateurs concernés.
Il n’y a pas eu viol dans l’affaire Sweet Beauté. En résumé, c’est ce qu’a confié hier le médecin gynécologue de l’hôpital Idrissa Pouye (Ex Cto) au Doyen des juges lors de son audition comme témoin.
Doc Alfousseyni Gaye a confirmé qu’aucune lésion n’a été décelée dans les parties génitales de la victime supposée dans les heures qui ont suivi le viol allégué, c’est-à-dire entre le jour des faits à 21 heures et le lendemain à 16 heures 15 mn, heure à laquelle Adji Sarr s’est rendue chez le médecin. Le gynécologue a aussi constaté une «déchirure ancienne de l’hymen».
En effet, dit-il, il avait reçu un appel de Me Papa Samba Sow dit « Gaby » et gendre de Mamour Diallo lui demandant s’il ne comptait pas bouger de Dakar.
Me Sow lui a demandé si cela le gênait pas de récupérer la fille, à hauteur de Liberté 6 pour l’amener à l’hôpital CTO pour la consulter.
Lors de la consultation, la victime semblait sereine et ne présentait aucune trace de violence, a confié le médecin au juge. Il dit avoir constaté une déchirure ancienne de l’hymen.
LE SÉNÉGAL ANÉMIÉ
Le sang n’est presque plus disponible au niveau des établissements de santé, une grosse information d’alerte véhiculée dans les hôpitaux au Sénégal.
Le sang n’est presque plus disponible au niveau des établissements de santé, une grosse information d’alerte véhiculée dans les hôpitaux au Sénégal.
Plusieurs médias ont fait l’alerte ce matin suite à l’annonce d’une rupture de sang au niveau du centre de transfusion qui doit en effet ravitailler en sang tous les hôpitaux du pas. Selon nos sources, les hôpitaux sont en dessous du seuil de sécurité depuis plusieurs jours. Les frigos sont quasi vides. Les malades attendent d’être perfusés. Il y a une pénurie de sang, alerte le journal. Il n’y a plus de stock de sang disponible à Thiès et et à Diourbel. Dans la capitale du Baol, pas une goutte de sang depuis 15 jours.
A Kolda, il n’y a que 12 poches de sang disponibles, seules 10 à Tamba. Dakar en est à 72 heures de réserves. Dans la capitale, les malades cherchent eux-mêmes du sang. Des donneurs ont été même payés mais ils n’ont pas répondu à l’appel. A Louga, les poches de sang sont très loin de satisfaire la demande. A Saint-Louis, on craint pour l’après-ramadan.
FLAMBEE DES PRIX, LE FMI ALERTE SUR LES TROUBLES SOCIAUX EN AFRIQUE
La flambée des prix alimentaires engendrée par la guerre en Ukraine accroît "les risques de troubles sociaux" en Afrique, a alerté, jeudi, le Fonds monétaire international, quatorze ans après les "émeutes de la faim".
La flambée des prix alimentaires engendrée par la guerre en Ukraine accroît "les risques de troubles sociaux" en Afrique, a alerté, jeudi, le Fonds monétaire international, quatorze ans après les "émeutes de la faim". Les graines de nouvelles "émeutes de la faim" sont-elles plantées en Afrique sub-saharienne ? Un peu tôt pour le dire, mais la flambée des prix alimentaires fait craindre au Fonds monétaire international des "troubles sociaux" sur le continent.
"Les craintes à l'égard de la sécurité alimentaire se sont nettement accentuées" avec la guerre en Ukraine et l'explosion des prix des denrées alimentaires, accroissant "les risques de troubles sociaux" au sein des pays vulnérables, a alerté, jeudi 28 avril, l'institution de Washington dans un rapport régional. "Nous sommes très inquiets de la récente flambée des prix des aliments et du carburant" sur le continent, a commenté auprès de l'AFP le directeur du département Afrique au FMI, Abebe Aemro Selassie, relevant des risques de "protestations sociales". …
La progression des prix du blé est "particulièrement préoccupante", écrit le FMI dans son rapport intitulé "un nouveau choc et une faible marge de manœuvre". Car l'Afrique sub-saharienne importe 85 % de sa consommation de la céréale, avec des montants particulièrement élevés en Tanzanie, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, et au Mozambique.
PLUS DE 3000 MORTS SUR LE CHEMIN D'UNE VIE
Plus de 3.000 migrants sont morts l'an dernier en mer alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Europe, soit le double du bilan enregistré en 2020, a indiqué l'ONU vendredi.
Plus de 3.000 migrants sont morts l'an dernier en mer alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Europe, soit le double du bilan enregistré en 2020, a indiqué l'ONU vendredi.
« Sur ce total, 1.924 personnes ont été déclarées mortes ou disparues sur les routes de la Méditerranée centrale et occidentale, tandis que 1.153 autres ont péri ou ont été portées disparues sur la route maritime de l'Afrique du Nord-Ouest vers les îles Canaries », a déclaré une porte-parole de l'agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR) à Genève, Shabia Mantoo.
En 2020, 1.544 décès avaient été signalés pour les deux routes.
« Fait alarmant, depuis le début de l'année, 478 personnes supplémentaires ont péri ou ont été portées disparues en mer », a relevé Mme Mantoo.
Selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, la pandémie de Covid-19 et les fermetures de frontières qui en ont découlé ont eu un impact sur les flux migratoires, de nombreux réfugiés et migrants se tournant vers des passeurs pour tenter de rejoindre malgré tout l'Europe.
La plupart des traversées en mer se font à bord de bateaux gonflables bondés et en mauvais état, indique le HCR. Nombre de ces embarcations se dégonflent ou chavirent, entraînant le décès des occupants.
« Le voyage en mer depuis les Etats côtiers d'Afrique de l'Ouest, tels que le Sénégal et la Mauritanie, et les îles Canaries est long et périlleux et peut durer jusqu'à 10 jours », a souligné la porte-parole du HCR, lors d'un point de presse régulier des agences de l'ONU à Genève.
« De nombreux bateaux ont dévié de leur route ou ont disparu sans laisser de traces dans ces eaux », a-t-elle poursuivi.
par Abdou Karim Diop
FÊTE DU TRAVAIL ET PESTE DU TRAVAIL
EXCLUSIF SENEPLUS - À tous les chômeurs que la société multiple par zéro, parce que sans travail. À tous ceux qui font du travail un sacerdoceTravaillons à entretenir l’espoir et la mystique du travail, en mangeant à la sueur de notre front
Mâle noir est un premier roman particulièrement abouti, puissant et souvent poignant par la quête de soi et de l’altérité qu’il met en scène. Elgas, retenez ce nom. Vous en entendrez parler
Produit de l’écurie Présence Africaine, tout comme son compatriote Mbougar Sarr, lauréat du prix Goncourt 2021, Elgas est journaliste, essayiste et romancier. Avec Mâle noir, son premier roman, ce primo-romancier talentueux livre une version troublante et sensible de L’Éducation sentimentale d’un jeune homme noir en ce début XXIe siècle post-racial et individualiste.
« Je suis un mâle noir. Rien d'autre. Un homme noir, infiniment comme tous les autres mâles de cette planète, infiniment différent d’eux. Un mâle indicible. (…) Je suis un homme noir, ma vie est une page vierge, ma famille, ma communauté y ont projeté leurs attentes. Le monde des réputations, les fantasmes. Entre les interstices étroits et écrasants, il reste une possibilité de vivre. Ce qu'ils m'ont pris, c'est mon insouciance. Un trésor à jamais perdu. Ce que je revendique, c'est le droit de partir sans revenir. Le droit de pleinement être, le droit de trahir. Regarder, en gros, la vie à hauteur des yeux. Dans ma quête d'amour, j'ai trouvé bien plus précieux, bien plus urgent, comme la condition de tout être libre. Être libre. »
Ainsi parle le personnage de Mâle noir, premier roman d’Elgas, de son vrai nom Souleyman Gassama. Le passage donne la mesure de la lucidité sur soi et sur le monde que dégage ce roman sous la plume de ce jeune auteur et essayiste, immensément prometteur. Né en 1988 à Saint-Louis au Sénégal et sociologue de formation, Elgas vit en France depuis une quinzaine d’années. Il s’est fait connaître en 2015 en publiant son premier livre Un Dieu et des mœurs, qui était un carnet de voyages au pays natal, dont l’auteur raconte les failles et les fuites en avant à travers des tranches de vie et des réflexions d’une grande acuité sur la culture et la religion.
Bildungsroman
Paru en 2021, Mâle noir est un premier roman particulièrement abouti, puissant et souvent poignant par la quête de soi et de l’altérité qu’il met en scène. Il s’agit d’un roman de formation ou d’éducation, ce que les Allemands appellent Bildungsroman. Le récit est bâti sur le modèle des classiques du genre, s’inscrivant dans la continuité des Souffrances du jeune Werther de Goethe, de L’Age d’homme de Michel Leiris, en passant par La Princesse de Clèves, La Nouvelle Héloïse ou encore L’Éducation sentimentale.
Philosophique sans être un roman à thèse, largement autofictionnel, le roman d’Elgas se présente comme un journal intime, composé de 39 chapitres ou entrées datées, avec une ampleur temporelle s’étendant sur toute une année, entre décembre 2017 et décembre 2018. Les notations ayant trait aux lieux renvoient à une errance entre Clamart et Nanterre, en passant par Nice, Lyon, Les Aubrais et bien sûr Paris. Ces indications brossent aussi la cartographie d’une errance intérieure.
L’apprentissage du monde est le sujet de Mâle noir. L’éducation sociale et morale se double ici de l’initiation sentimentale et sexuelle. Pour le narrateur, jamais nommé, débarqué en France au sortir de l’adolescence, cette éducation passe par la rencontre. D’où une galerie de personnages dans ces pages, hommes et femmes, au contact desquels le personnage prend conscience de sa place dans le monde en tant que « mâle noir » et en tant qu’homme tout court. Un récit qui se situe résolument au carrefour de la quête identitaire et l’impératif de l’universel, comme le rappelle l’auteur.
« Le titre est, explique-t-il, plus une expression de sarcasme, plus l’inversion de la perspective, qu’une revendication raciale. J'ai voulu dire mal noir pour justement contourner le cliché. Il y a un cliché qui est attaché au mâle noir. Dans l'homme noir, très souvent, on voit le mal, son animalité, sa performativité. Justement en posant le mal noir, en faisant le récit, la démarche, c'est placer le mal noir pour qu'on puisse voir à travers l'homme noir, dans ce qu'il a d'infiniment fragile, ce qu'il a d'infiniment plus universel avec les autres. Ce n'est pas un titre qui est dans la revendication, mais qui n'est pas dupe. C’est que l'histoire colore encore beaucoup de nos rapports. »
iGFM - (Dakar) À quelques heures de la fin du mois béni du ramadan, l’heure est, à présent, à l’observation du croissant lunaire.
Le ramadan tire vers sa fin. Les fidèles musulmans s’apprêtent à scruter le ciel pour pouvoir définir le jour de la Korité. De son côté, la coordination des musulmans du Sénégal indique qu'elle procèdera à cet exercice ce samedi. Ce, pour voir sir le croissant lunaire est apparu.
De son côté, l'Association pour la promotion de l'Astronomie (Aspa) a annoncé qu'elle organisera, elle, sa séance d’observation publique le Dimanche 1er Mai à partir de 19h sur la corniche ouest, en face de la Bibliothèque Universitaire.
Dans son communiqué de presse, elle avait déclaré que ce samedi 30 avril, la conjonction se produisant à 20h29, soit 1h après le coucher du Soleil à 19h26, "la lune se couchera avant le soleil quasiment partout à travers le monde et ne sera pas observable dans ces conditions."
Mais dimanche 1er Mai, la lune se couchera à 20h09, soit 45mn après le Soleil qui se couche à 19h26. "Elle sera alors âgée de 23h et sa surface éclairée sera de 0.95%. Le croissant sera très faible mais observable à l’œil nu (assez difficilement) partout à travers le Sénégal où le ciel est bien dégagé", ont déclaré les scientifiques.
par Seydou Ka
SOULEYMANE BACHIR DIAGNE, UNE PHILOSOPHIE DE LA TRADUCTION
Le travail de traduction est une des réponses aux conséquences de la domination linguistique. Cette conviction est au cœur de l’ouvrage que vient de publier Souleymane Bachir Diagne intitulé "De langue à langue"
Le travail de traduction est une des réponses aux conséquences de la domination linguistique. Cette conviction est au cœur de l’ouvrage que vient de publier Souleymane Bachir Diagne intitulé « De langue à langue. L’hospitalité de la traduction » (Albin Michel, 175 p., 2022). Le philosophe sénégalais, en humaniste convaincu, y déploie une « éthique de la réciprocité » et un « optimisme de la traduction » qui ne signifie toutefois pas naïveté.
La question de la traduction, de l’universel et du pluriel, est au cœur de la démarche philosophique de Souleymane Bachir Diagne. Depuis son premier ouvrage, « Boole, 1815-1864. L’oiseau de nuit en plein jour » (Bélin, 1989), il ne cesse de faire dialoguer différentes traditions philosophiques (africaine, islamique et chrétienne). Un intérêt qui s’explique peut-être par le parcours de l’auteur qui revendique une triple culture – africaine, française et américaine – et parle plusieurs langues. L’ouvrage qu’il vient de publier, intitulé « De langue à langue. L’hospitalité de la traduction » (Albin Michel, 175 p., 2022), constitue ainsi une sorte de synthèse de cette réflexion philosophique qui traverse en filigrane toute son œuvre. Comme il l’explique lui-même dans l’introduction, cet ouvrage présente « une réflexion sur la traduction et sur sa capacité, son pouvoir de créer une relation d’équivalence, de réciprocité entre les identités, de les faire comparaître, c’est-à-dire paraître ensemble sur un pied d’égalité, en faisant que de langue à langue on se parle et se comprenne ». Il s’agit là de l’essence de la traduction (la mise en rapport) pour reprendre l’expression d’Antoine Berman.
À la vision de la traduction comme instrument de domination, de hiérarchie entre les langues, Souleymane Bachir Diagne, en philosophe humaniste, oppose une « éthique de la traduction » afin de créer de la réciprocité, de la rencontre dans une humanité commune. « Faire l’éloge de la traduction, écrit-il, n’est pas ignorer qu’elle est domination. C’est célébrer le pluriel des langues et leur égalité » (p. 19). Dans cet échange, qui n’est pas transaction, mais « charité », tout le monde gagne, parce que de manière générale, traduire est « faire communauté humaine avec les locuteurs de la langue qu’on traduit ». Ainsi, l’éthique de la traduction, c’est de « faire humanité ensemble ».
À travers l’expérience de la pensée de Willard Van Orman Quine (1908-2000), Diagne montre que si la traduction se montre de prime abord comme une situation d’asymétrie coloniale, elle se retourne en affirmation de l’égalité et en proclamation d’une identité humaine partagée. C’est l’une des leçons qu’on peut tirer de la scène de traduction qu’évoque Amadou Hampâté Bâ dans la biographie qu’il a consacrée à celui qui fut son tuteur, son maître et guide spirituel, intitulée « Vie et enseignement de Tierno Bokar. Le Sage de Bandiagara » (Paris, Seuil, 1980).
Traduire l’orature
La rouerie de l’interprète Oumar Sy pour éviter à Tierno Bokar la prison lors de son interrogatoire par le commandant de Cercle dans l’affaire opposant les « onze grains » au « douze », est un cas d’école. Censé être un simple truchement de l’administration coloniale, l’interprète s’est arrogé un rôle de médiateur (culturel). Pourtant, l’interprétation manipulatrice d’Oumar Sy ne fut pas pour autant une traîtrise ou une trahison de sens, nous dit S. B. Diagne, mais au contraire un acte véritable de traduction, parce que « traduire, c’est prendre en compte la totalité du contexte culturel dans sa complexité ».
D’ailleurs, à l’image d’Amadou Hampâté Bâ, toute une génération d’interprètes coloniaux devinrent tout simplement interprètes de soi et de leur culture donnant naissance à ce qu’on appellera « littérature de traduction ». En traduisant « l’orature », ils imposent à la langue impériale « la douce violence du métissage que crée le commerce de langue à langue ». Dès lors, l’essence de la traduction devient une « fertilisation croisée » pour reprendre l’expression du poète mauricien Edouard Maunick. L’auteur fait une lecture similaire à propos des traductions jadis effectuées par les artistes européens des avant-gardes, Picasso en particulier, en position de médiateurs, du langage visuel d’artefacts qui furent eux-mêmes des médiateurs et non des intermédiaires ou des truchements.
L’argument décisif de Souleymane Bachir Diagne dans cet ouvrage est le suivant : le philosophe est par essence un traducteur. Il rappelle que la « translatio studii », autrement dit le transfert, d’une culture à une autre, d’une langue à une autre, de la pensée grecque a fait du latin en Europe, et ce pendant des siècles, l’idiome par excellence de la philosophie. Le même mouvement a été observé dans le monde musulman (cf. Souleymane Bachir Diagne, « Comment philosopher en islam ? », Editions Panama, 2008). Contre « l’érection de barbelés » autour de la philosophie, supposée être le bien propre de l’Occident, le philosophe sénégalais s’inscrit plutôt dans un mouvement de décolonisation de l’histoire de la philosophie. Le mythe (moderne) faisant du logos le propre de l’Occident est « enfant du colonialisme », écrit-il.
Traduire la parole de Dieu
Mais ce travail se heurte parfois à une sorte « d’ethno-nationalisme linguistique ». Ce qu’illustre la célèbre disputation publique qu’évoque Souleymane Bachir Diagne, qui eut lieu à Bagdad, à la cour du vizir, en l’an 932, et qui a opposé le philosophe logicien Abu Bishr Matta ibn Yunus au grammairien Abu Sai al-Sirafi, sur le sujet de l’universalité des catégories et de la logique aristotélicienne.
Face à la colère d’al-Sirafi dirigée contre les inévitables hybridations que la traduction impose à la langue de la Révélation (l’arabe), Abu Bishr Matta répond que le travail de traduction conserve l’universel, ou mieux : que l’universel est précisément ce qui se conserve dans la traduction. Pour S. B. Diagne, si la colère qu’il manifeste continûment dans le débat ne rend guère sympathique l’arrogant grammairien, elle ne l’aveugle cependant pas sur la vérité de la position qu’il soutient, « que l’universel doit faire fond sur le pluriel des langues, qu’aucune d’elles n’est le logos incarné sur lequel toutes doivent se régler » (p. 121). Diagne pose une autre question plus redoutable : comment traduire la parole de Dieu ? C’est au fond, relève-t-il, la question théologique et philosophique que pose la scène des premières pages de « L’Aventure ambiguë » de Cheikh Hamidou Kane que tous les lecteurs connaissent par cœur – quand la langue de Samba Diallo a fourché en récitant son verset… Cette scène pose la question de ce que S. B. Diagne appelle, d’une part, la « traduction verticale » de la parole de Dieu, qui est « descente » de l’infini et de l’éternel dans la finitude et la temporalité d’une langue humaine, d’autre part les « traductions horizontales » de cette parole, lorsqu’elle est rendue dans d’autres langues humaines. La Révélation, dit-il, est aussi « le temps de la traduction en langue arabe », pendant les vingt-trois années durant lesquelles elle s’est déroulée. À cette traduction « horizontale » s’insère ce que l’anthropologue sénégalais Fallou Ngom (Boston University) a appelé « l’ajamisation » de la parole de Dieu. En effet, l’expansion de l’islam a aussi eu pour conséquence une « mise en rapport » de l’arabe avec des « ajami » multiples, persan, turc, urdu, peul, mandé…, que manifestent les hybridations que ces langues ont connues en conséquences des traductions. « L’ajamisation manifeste la valeur du pluralisme en affirmant l’égale noblesse des langues humaines et leur ennoblissement continu par la traduction » (p. 157).
Pour que les langues « s’entre-connaissent »
Pour faire référence à un célèbre verset coranique, dans le travail de traduction, les langues « s’entre-connaissent ». C’est au nom de ce principe que Souleymane Bachir Diagne s’oppose à la démarche du philosophe rwandais Alexis Kagamé (1912-1981) sur la philosophie bantu-rwandaise de l’être, qui relève d’une « ethnologie de la différence », parce qu’elle est « relativiste et séparatiste ». Au modèle relativiste et séparatiste d’une décolonisation de la pensée, il oppose un modèle traductif qu’incarne le philosophe ghanéen Kwasi Wiredu (décédé en janvier 2022) qui, en même temps qu’il appelle les philosophes africains à travailler dans les langues africaines, montre aussi tout l’intérêt qu’il y a à aller et venir de la langue anglaise à la langue akan pour ainsi dire mettre « à l’épreuve de l’étranger » concepts et arguments philosophiques. « Parce que les langues ne nous enferment pas dans des philosophies grammaticales incommensurables, le philosophe en général, le philosophe africain en particulier, pensera en traducteur, de langue à langue ». Et, l’entre-deux langues permet de sortir de l’enfermement, parce que la traduction contribue à la tâche de réaliser l’humanité, et même mieux : elle s’y identifie.