Le ministre des Affaires étrangères malien Abdoulaye Diop a estimé que les tensions entre Paris et Bamako étaient dues au fait que la junte malienne a "touché" aux intérêts de la France en excluant des élections en février
Selon lui, les partisans d'élections le 27 février, la date initialement prévue, souhaitent que "les mêmes personnes reviennent prendre le pouvoir". M. Diop, qui s'exprimait vendredi lors d'un déplacement à Bruxelles, a fustigé les récentes critiques de la France envers la junte, "tout ça parce qu'on a touché à leurs intérêts".
Dans une vidéo dont l'authenticité a été confirmée dimanche par les autorités maliennes, le ministre a accusé la France d'avoir applaudi des coups d'Etat par le passé: "La France, qui dit qu'elle défend la démocratie, elle est allée dans d'autres pays, elle a installé des chefs d'Etats qui ont fait des coups".
Les relations entre la France et son ancienne colonie sont tendues depuis que l'armée a pris le pouvoir à Bamako en août 2020. Depuis six mois, la France a entamé une réarticulation de son dispositif militaire au Mali, en quittant ses trois bases les plus au nord. Ses effectifs, de plus de 5.000 militaires au Sahel l'été dernier, ont décru, avec l'objectif affiché de n'en garder que 2.500 à 3.000 d'ici 2023.
Depuis janvier, la tension a augmenté avec l'adoption par la Communautés économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) d'une batterie de sanctions sévères, fermant les frontières avec le Mali et mettant le pays sous embargo. Les sanctions - prononcées après l'annonce par la junte de son intention de rester au pouvoir jusqu'à cinq années supplémentaires, malgré un engagement antérieur à conduire des élections le 27 février - ont été soutenues par la France, les Etats-Unis et l'Union européenne.
Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian a estimé cette semaine que la junte est "illégitime et prend des mesures irresponsables". Dans la vidéo, M. Diop répond que le Mali, en reportant les élections, "veut bâtir quelque chose de solide, pour demain et après-demain". Le Mali est plongé dans une grave crise sécuritaire et politique depuis le déclenchement d'insurrections indépendantiste et jihadiste en 2012, et a connu deux coups d'Etat récents, en août 2020 et mai 2021.
La junte a invoqué l'insécurité comme raison du report des élections. Paris accuse également les mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner de "soutenir" la junte au pouvoir au Mali sous couvert de lutte anti-jihadiste. M. Diop a rétorqué que le Mali et la Russie ont longtemps été partenaires, notamment dans le domaine de la coopération militaire.
VIDEO
LES LIONS FILENT EN DEMI-FINALE
Le Sénégal a disposé de la Guinée équatoriale (3-1), ce dimanche. Famara Diedhiou, Cheikhou Kouyaté et Ismaïla Sarr sont les buteurs sénégalais. Le hommes d'Aliou Cissé affronteront le Burkina Faso pour une place en finale
Le Sénégal a mis fin au rêve de la Guinée équatoriale (3-1) et poursuit le sien, Sadio Mané et ses "Lions" se qualifiant pour les demi-finales de la Coupe d'Afrique des nations quelques heures après l’Égypte de Mohamed Salah, dimanche à Yaoundé.
Toujours à la poursuite de leur première CAN, les Sénégalais retrouveront dans cette même enceinte le Burkina Faso, mercredi, pour une place en finale.
Et après un début de tournoi souffreteux, ils commencent à jouer vraiment comme les favoris annoncés, même s'ils ont encaissé leur premier but de la compétition.
L'épatant "Nzalang Nacional" a en effet vendu chèrement sa peau, Jannick Buyla (57e) annihilant le but inscrit en première période par Famara Dhiédiou (28e) sur un service de Mané.
Mais les "Lions de la Teranga" ont imposé leur supériorité, par Cheikhou Kouyaté (68e) et Ismaïla Sarr (78e), tous les deux sortis du banc du stade Omnisports Amadou Ahidjo.
L'enceinte a vu bien des stars africaines depuis sa construction en 1972, François M'Pelé (Congo), Roger Milla, Georges Weah (au Tonnerre Yaoundé) ou Samuel Eto'o. Dimanche soir il a eu droit au duo de Liverpool Mohamed Salah-Sadio Mané.
Après le numéro de l’Égyptien - un but et une passe géniale contre le Maroc deans le premier quart de finale de la journée (2-1 a.p.) -, le Sénégalais a régalé à son tour les spectateurs de Yaoundé, mais avec plus de parcimonie.
Accélérations foudroyantes, passes de l'extérieur du pied, crochets diaboliques, Mané a joué une première demi-heure de haut vol.
- La ressource de la Guinée équatoriale -
Touché dans un choc à la tête contre le Cap-Vert (2-0) en 8e de finale, il a ensuite un peu perdu en acuité, mais toujours ordonné le jeu de son équipe.
Ses partenaires ont parfois négligé ses offrandes, mais Famara Dhiédiou a parfaitement exploité son service dans la profondeur pour ouvrir le score d'une frappe sur le petit côté du gardien.
Mais cette équipe de Guinée équatoriale a décidément de la ressource et du talent et s'est bagarrée jusqu'au bout.
"El Picaro" ("le Filou") Iban Salvador a bien essayé d'obtenir un penalty, sa passe allant vers la main de Kalidou Koulibaly, collée à son short.Mais après avoir consulté la vidéo, l'arbitre sud-africain Victor Miguel de Freitas est revenu sur sa décision.
Les représentants de Bata et Malabo, voisines du Cameroun, ont égalisé au bout d'un épatant triangle fermé par la frappe de Jannick Buyla, déclenchant la folie dans le virage de ses supporters, de nombreux Équato-Guinéens vivant à Yaoundé.
Le superbe parcours du "Nzalang Nacional" s'arrête là, après avoir battu l'Algérie et éliminé le Mali, mais sa touche espagnole a embelli la CAN.
Il est malheureux, après toute cette bravoure, qu'elle soit éliminée sur une mauvaise défense, le capitaine Carlos Akapo et Saul Coco se gênant pour servir bien involontairement Cheikhou Kouyaté, plus rapide que le gardien Jesus Owono.
Mais c'était le soir d'autres "Reds", Mané et Salah, qui peuvent toujours se retrouver en finale, avant de se disputer en mars une place en Coupe du monde dans un barrage électrique.
par l'éditorialiste de seneplus, emmanuel desfourneaux
AUDIO
LA RÉVOLUTION YAW
EXCLUSIF SENEPLUS - Les Sénégalais connaissent dorénavant la mécanique de l’alternance ; ils réclament à bon droit la bonne gouvernance. Et ce sont les jeunes, vierges en politique, qui sont les mieux placés pour réussir ce virage à nul autre pareil
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 30/01/2022
La démocratie sénégalaise, c’est un peu comme le Thiéboudiène, qui y goûte n’est jamais rassasié. En tant qu’observateur extérieur, je me suis pris d’affection pour cette « petite » démocratie aux allures de grande, dans une région si prompte aux régimes autoritaires.
Bien que sa céréale de riz fût importée, le palais fin des Sénégalais a fini par s’y habituer et ériger le Thiéboudiène en plat national. Pour la démocratie d’inspiration occidentale, c’est le même phénomène : la longue file des électeurs sénégalais, ce dimanche 23 janvier, montre que celle-ci a été approuvée. Elle est dans le cœur des Sénégalais. Ils l’aiment bien finalement leur démocratie.
Parfois, cette démocratie joue un peu avec nos nerfs lorsqu’elle nous donne l’impression de basculer dans la violence. Des scènes de Far West à la sénégalaise rendraient presque jaloux Quentin Tarantino. Les balles ricochant sur les murs du Régal lors de l’agression au marteau de Talla Sylla, le duel surnaturaliste en pleine rue entre le chérif Barthélémy Dias et le hors-la-loi nervis, et plus récemment l’incendiaire vengeresse à Keur Massar, sont des moments tragi-comiques de la vie politique sénégalaise.
La démocratie sénégalaise finit par se rétablir par effet de balancier, comme dans un mouvement de mécanisme d’horlogerie suisse. La démocratie sénégalaise est bien huilée. La désescalade est codée comme en mai 68, en juin 2011 ou encore en mars 2021.
Cependant, les composantes de cette démocratie, made in Sénégal, décontenancent le non-initié. Ces élections locales, initialement prévues en décembre 2019, n’ont pas dérogé aux règles pittoresques : un soudain redécoupage de Dakar, un petit détournement du mandataire Djibril Ngom par le président en personne, des distributions seigneuriales de petits cahiers d’école à l’effigie du Directeur général-candidat, et j’en passe des meilleurs !
Je m’y suis fait comme des millions de Sénégalais au Wax Waxet, aux alliances contre nature, à l’achat des consciences et plus généralement à l’hypocrisie politique ambiante. Après tout, je savoure cette comédie politique qui nourrit mes éditoriaux depuis des années. Semblable au Thiéboudiène, la démocratie sénégalaise est pimentée.
Les élections locales ne s’annonçaient donc pas sous d’heureux auspices. Pourtant, comme pour la grande alternance en 2000 et la petite alternance en 2012, la démocratie fût au rendez-vous. En dépit de ses couacs ordinaires (transport d’électeurs…), l’élection locale du 23 janvier livra un verdict clair : le rejet sans appel de Macky Sall par le peuple sénégalais.
J’avoue avoir une lecture plus profonde qui va au-delà de la personne du président actuel et de la bataille de communication pour savoir qui aurait gagné ou pas. Ces élections locales signifient le changement de cap pour le Sénégal, c’est ce que j’appelle la Révolution YAW.
Ousmane Sonko se présente, depuis des années, comme la figure de proue de l’antisystème. À vrai dire, tout relève de la doctrine d’un système, y compris lorsqu’on critique un autre système que le sien. Ma préférence va plutôt pour la description de l’affrontement entre forces contradictoires dans l’arène politique sénégalaise. Imaginez des lutteurs à la corde, placés à l’extrémité de celle-ci, chacun exerçant une force contraire. Dans la politique sénégalaise, les forces gouvernantes et opposantes peuvent faire partie d’un même groupe de tireurs de corde, à l’exemple de l’APR et du PDS. Ce qui est en l’espèce déterminant, ce n’est pas le critère classique majorité-opposition, mais les visions antithétiques portées par les uns et les autres.
Ma théorie de forces contradictoires apparaît avec l’émergence d’Ousmane Sonko et de nouveaux leaders dans son sillon, Barthélémy Dias, Déthié Fall, Bara Gaye, Seydina Issa Laye Samb, Khadija Mahécor Diouf et tant d’autres. À juste titre, c’est la génération Sonko. Leurs discours patriotiques mettent au pilori la gestion des affaires publiques par les gouvernants actuels et les opposants anciennement gouvernants. Ils constatent un développement trop lent. Qui plus est, profiterait aux intérêts étrangers et à une classe politique embourgeoisée au détriment du peuple en survie perpétuelle.
Ce 23 janvier, en dépit des offrandes pharaoniques, plus de 3 milliards de Fcfa entre les mains de l’APR, cela n’a pas eu l’effet escompté, la démocratie a remporté la victoire. Les Sénégalais ont voté en leur âme et conscience. À la différence des années 2000, ce n’est pas le changement de gouvernants qui est en question, mais bel et bien l’idée d’une autre République, plus égalitaire, plus respectueuse de l’intérêt général. Jusqu’alors la démocratie sénégalaise était une coquille vide, orpheline d’une République réelle.
C’est là où la Révolution YAW s’opère. Les Sénégalais connaissent dorénavant la mécanique de l’alternance ; ils attendent davantage, ils réclament à bon droit la bonne gouvernance. Et ce sont les jeunes politiciens, vierges en politique, qui sont les mieux placés pour réussir ce virage à nul autre pareil dans la vie politique sénégalaise.
Ce n’est pas une révolution au sens étymologique du terme, renversement d’un régime par la violence. La Révolution YAW, c’est la rupture radicale avec un ancien régime et une façon de gérer la cité. C’est une révolution soft qui se fait par les urnes. C’est une révolution qui se fait dans le temps. En effet, la bataille entre les forces contradictoires en présence n’a pas encore révélé son gagnant. L’ancien régime contrecarrera jusqu’en 2024. Mais ce dernier ne pourra plus instrumentaliser la justice dans les affaires Dias et Sonko. La souveraineté populaire a rendu son jugement.
Ces jeunes politiques étaient accusés d’alimenter l’instabilité au Sénégal. Ils parviennent au pouvoir par les urnes, par la démocratie. La Révolution YAW, c’est un exemple de résistance dans la rue comme en mars 2021, mais c’est aussi la conquête du pouvoir de façon légale. Cette nouvelle génération devra prendre garde à ne pas se désunir sinon la Révolution YAW n’aura été qu’une désillusion.
Je termine par le PDS que j’ai suivi de nombreuses années. À l’exemple de l’APR qui aurait gagné à 80 %, le PDS tente de se rassurer avec Pikine et l’absence de leur leader exilé. Malheureusement, le PDS est mort électoralement. Ce parti a montré son vrai visage électoral. Politiquement, ce parti peut exister, néanmoins pas du côté de l’opposition. Il vient de se faire sortir du jeu de l’opposition par l’alliance YAW.
Je me souviens d’une conversation entre Karim Wade et moi. Il me soutenait qu’il aurait pu créer son propre parti politique, l’argent ne lui faisant pas défaut. Il voulait coûte que coûte le PDS car ce parti était très structuré. Il comptait s’appuyer sur ses Fédérations « immuables ». Mais qu’en a-t-il fait de ce joyau de la démocratie pluraliste ?
Karim Wade l’a sacrifié : le seul programme du PDS a été la révision de son procès. Sans doute un parti en son sein n’a-t-il jamais compté autant de spécialistes juristes en révision judiciaire. Ils ont oublié les électeurs ! Aucune réunion stratégique significative n’a été organisée. Ce parti n’exerce aucune influence sur les réseaux sociaux. Sans parler que tout le monde craint Karim Wade. Une fois, au cours d’un entretien avec une députée du PDS, je l’avais invitée à torpiller le gouvernement de questions après l’affaire de Genève. L’impassibilité fut choisie de peur de la réaction imprévisible du chef !
Plus important encore, le PDS n’a pas réussi sa mue après sa défaite en 2012. Ce parti s’est arc-bouté sur le président Wade qui était une relique du passé.
Le PDS n’a jamais réellement travaillé sur son avenir. Paresseux, ils se sont contentés de vivre de nostalgie. Ce parti n’a fait aucune rétrospective sur sa gouvernance de 12 ans de pouvoir, de sorte que ce parti est inaudible sur les questions de 3ème mandat et de corruption. La conséquence ? Dans ma théorie des forces contradictoires, le PDS est classé par le peuple parmi l’ancien régime, du côté du système de l’APR. Et il en paye un lourd tribut électoral, et ne fera pas partie de la Révolution YAW.
Les Pharaons d’Egypte se sont qualifiés dimanche pour les demi-finales de la Coupe d’Afrique des nations en battant, 2-1, les Lions de l’Atlas du Maroc, durant les prolongations au Stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé.
Yaoundé, 30 jan (APS) - Les Pharaons d’Egypte se sont qualifiés dimanche pour les demi-finales de la Coupe d’Afrique des nations en battant, 2-1, les Lions de l’Atlas du Maroc, durant les prolongations au Stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé.
Soifiane Boufal avait inscrit le but marocain sur penalty.
Mohamed Salah a égalisé à la 53-eme mn et Trezeguet a marqué le deuxième but à la 100-eme mn.
Les Pharaons retrouvent en demi-finale les Lions indomptables du Cameroun.
La rencontre est prévue jeudi à partir de 19 heures.
CAN 2021, PROBABLE 11 DE DEPART
Ce soir, à Yaoundé, à 19h GMT, l'équipe du Sénégal affronte la Guinée équatoriale pour une place en demi-finales de la CAN 2021.
iGFM (Cameroun) Ce soir, à Yaoundé, à 19h GMT, l'équipe du Sénégal affronte la Guinée équatoriale pour une place en demi-finales de la CAN 2021. Aliou Cissé devrait aligner Sadio Mané dès le coup d'envoi puisque ce dernier est désormais apte après son choc contre le Cap Vert.
CAN 2021, MBOUGAR SARR PAS TROP SATISFAIT D'ALIOU CISSE
Dans un entretien accordé à L’Équipe, l’écrivain sénégalais, Mohamed Mbougar Sarr, évoque sa passion débordante pour le football et la CAN qui se dispute actuellement au Cameroun.
Dans un entretien accordé à L’Équipe, l’écrivain sénégalais, Mohamed Mbougar Sarr, évoque sa passion débordante pour le football et la CAN qui se dispute actuellement au Cameroun. "Je ne fais que regarder ça depuis quelques jours, confie-t-il. Je passe parfois toute la journée, de 14 heures à 22 heures, à regarder les matches. J’ai une passion pour le jeu, pour les équipes, y compris les plus inconnues. Je me suis abonné à Beinsports juste pour cela".
Le lauréat du Prix Goncourt déplore toutefois le jeu peu spectaculaire des lions : "Pas très flamboyant. Avec les joueurs dont on dispose, on serait en droit d’attendre plus. Je ne veux pas trop accabler le sélectionneur Aliou Cissé, mais il a quand même une part de responsabilité. C’est un groupe avec lequel il a travaillé depuis très longtemps, ce n’est pas juste sur cette compétition".
LOCALES 2022, ALIOUNE TINE DECRYPTE LES RESULTATS
Le Jury du Dimanche a donné la parole à Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom. Sur les ondes de la 90.3 Iradio, il a fait sa lecture des résultats des élections locales de dimanche dernier.
Le Jury du Dimanche a donné la parole à Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom. Sur les ondes de la 90.3 Iradio, il a fait sa lecture des résultats des élections locales de dimanche dernier. "C’est une victoire électorale pour le camp du pouvoir de façon globale sur le plan quantitatif, note-t-il. Mais, c’est une défaite politique pour eux. Perdre Dakar c’est déjà une défaite politique. Parce que le pouvoir a beaucoup investi à Dakar. Ils ont gagné et c’est une victoire électorale sans bavure mais, il me semble que dans les zones urbaines il faut avoir une autre lecture. J’ai l’impression que les événements du mois de mars ont atterri dans les urnes".
"l’usure du pouvoir commence à se faire sentir au Sénégal"
Poursuivant son diagnostic, Alioune Tine analyse les causes profondes de la défaite de Benno dans les grandes villes : "Quand vous regardez un peu les zones qui ont le plus bougé c’est Dakar, Ziguinchor, Diourbel, Thiès. Donc, ma lecture c’est qu’il y a beaucoup de ressentiments, il y a beaucoup de bruits de fond dans ces élections qu’on n’a pas ressenti. Des gens qui ont nourri des frustrations depuis longtemps etc. Je dirai qu’il y a le désenchantement dans les zones urbaines, le ressentiment profond de beaucoup de couches sociales".
Selon l’invité du Jury du dimanche, l’usure du pouvoir commence à se faire sentir au Sénégal. "Il y a une nécessité absolue pour le pouvoir de bien lire le message et de savoir rebondir, observe-t-il. Le président de la République devrait lire le message et s’interroger pourquoi effectivement il a été sanctionné dans les zones urbaines. Et surtout à Dakar parce que l’écart entre Diouf Sarr et Barthélemy Dias est énorme. Il faut également mettre fin à la politisation de l’administration et la politisation tous azimuts. Il faut aussi investir sur la bonne ressource humaine. On a presque revu les mêmes attitudes d’arrogance qui avaient entraîné l’ascension de Wade."
"Nous avons un excellent système électoral"
Parlant toujours des élections locales, Alioune Tine pense que nous avons un excellent système électoral. Donc, insiste-t-il, il faut arrêter d’agiter l’épouvantail la fraude. "Il faut faire preuve de bonne foi qu’on soit de l’opposition ou du pouvoir. Nous connaissons les élections depuis 1993, il faut dire que nous avons un bon système électoral. Il faut qu’on arrête chaque fois de mettre en doute le système électoral. Sur le plan républicain il faut qu’on ait un consensus pour en faire un acquis définitif. Il est évident qu’il y a toujours des problèmes dans les élections mais on a un système qui, sur le plan universel, répond au standard des élections transparentes et démocratiques", relève-t-il.
POUR LES BURKINABÈ, LA CEDEAO N'EST PAS UNE CEDEAO DES PEUPLES
Alors que deux missions de la Cédéao vont se succéder au Burkina Faso, la crainte de potentielles sanctions économiques inquiète des populations aux vies déjà précaires. Une telle perspective serait catastrophique et très mal perçue
Une délégation ouest-africaine est arrivée samedi au Burkina Faso. Elle a pour objectif d’évaluer la situation sur place, à la suite du coup d’État qui a eu lieu le lundi 24 janvier. La veille, la Cédéao annonçait la suspension du Burkina Faso de ses rangs. La crainte de potentielles sanctions économiques inquiète des populations aux vies déjà précaires.
C’était une première sanction attendue par tous, ou presque. Le Burkina Faso a été suspendu de la Cédéao. La décision a été prise à l'issue d'un sommet virtuel de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, vendredi 29 janvier.
Pour Sarka Coulibaly, économiste au Centre ivoirien de recherche économique et sociale d’Abidjan, la décision prise par la Cédéao était évidente. « C’est arrivé et il fallait s’y attendre. En terme de répression, la Cédéao ne dispose pas de beaucoup d’outils», explique-t-il.
La sanction de la Cédéao sans surprise pour personne
Même son de cloche pour le sociologue et chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) Fahiraman Rodrigue Koné. Il qualifie de « classique », la suspension du Burkina Faso après le coup d’État. « Il s’agit de la démarche classique de la Cédéao, celle de systématiquement suspendre les coups de force et notamment les militaires. On le voit dans tous les autres cas, c’est la première sanction qui tombe automatiquement : le pays est exclu des instances décisionnelles ».
Dans une lettre ouverte adressée aux dirigeants de la Cédéao, le Mouvement Sauvons le Burkina Faso, qui réclamait ardemment la démission de M. Kaboré, reconnaît la suspension du pays des bancs de la communauté. Cependant, le groupe issu de la société civile demande la patience des différents chefs d'États des pays ouest africains.
« La Cédéao est dans son rôle de veille vis-à-vis du respect des textes fondateurs des différents pays qui la composent. C’est pourquoi nous disons qu’il faut adapter les textes en fonction des contextes du moment. (…)Nous exhortons nos excellences Messieurs les présidents membres de la délégation, (…) de donner aux nouveaux dirigeants, le temps de décliner les axes définis avec la nation pour relever les défis prioritaires de la sécurité nationale, condition sine qua non d’une paix durable», peut-on lire dans la lettre ouverte signée Valentin Yambkoudougou, porte-parole du mouvement de la société civile.
La mission des chefs d'état-major des armées de la Cédéao arrivée samedi sera suivie lundi d'une mission ministérielle. Un sommet de la Cédéao est prévu le 3 février à Accra et étudiera le compte-rendu de ces missions. L'organisation décidera alors d'imposer ou non d'autres sanctions comme elle l'a fait pour le Mali et la Guinée, où des militaires ont récemment pris le pouvoir.
De potentielles sanctions économiques pour une économie déjà précaire ?
Mais dans un pays à l’économie déjà précaire, les possibles sanctions économiques pourraient s’avérer catastrophiques. « Il s’agit d’un pays enclavé, frappé par une sécheresse et un climat qui n’est pas régulier, or l’économie est essentiellement agricole. Leur exposition à l’extrémisme violent a complètement laminé leur économie », explique le sociologue Fahiraman Rodrigue Koné.
Par ailleurs, le Burkina Faso souffrirait d’autant plus de son exclusion de la Cédéao et de possibles sanctions économiques, avec ses frontières, partagées avec des pays membres de la Cédéao.
« Comparé au Mali, le Burkina Faso souffrirait plus durement encore des sanctions économiques. Le Mali possède des frontières avec la Guinée, la Mauritanie, le Niger et l’Algérie. Le Burkina Faso, lui, est globalement encerclé par des pays de la Cédéao », précise le sociologue Fahiraman Rodrigue Koné.
Les relations commerciales fortes entre Abidjan et Ouagadougou seraient notamment les premières victimes des sanctions économiques.
"Nous aurions souhaité avoir une Cédéao plus solidaire avec le peuple burkinabè. Prendre des sanctions serait un acte criminel", a par ailleurs estimé Boubacar Sanou, premier vice-président du CDP, le parti du Congrès pour la démocratie et le progrès.
Un acte criminel, une vision partagée par de nombreux Burkinabé, habités par un profond sentiment d’injustice. « La situation socio-économique difficile et l’incapacité des leaders à répondre aux problèmes de fond a justifié le coup d’État, dans la réthorique des hommes qui ont pris le pouvoir, mais aussi dans ce que la population pensait », affirme Fahiraman Rodrigue Koné.
Interrogé sur le grand marché du centre Ouagadougou, Ousmane Zoungrana, quincaillier, est d’accord : "On ne veut plus de la Cédéao. Ils n’ont même pas envoyé de soldats pour aider le Burkina Faso contre les djihadistes".
Pour ces populations dans la précarité, la Cédéao n’est là que pour représenter les intérêts des chefs d’États. Un sentiment d’exaspération profonde face à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest s’est installé.
« Pour les populations, la Cédéao intervient comme si elle venait rétablir l’ordre ancien. La sanction décrédibilise davantage l’image de la Cédéao qui est perçue comme un clan de chefs d’États et une institution qui fait du deux poids deux mesures. Pour les Burkinabés, elle n’est pas une Cédéao des peuples », explique Fahiraman Rodrigue Koné.
Cinq jours après sa prise de pouvoir, le lieutenant-colonel Damiba n'a pris publiquement la parole qu'une seule fois, jeudi soir dans une allocution à la télévision nationale.
Il a notamment indiqué que son pays avait "plus que jamais besoin de ses partenaires".
Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés djihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique. Ils ont fait plus de 2.000 morts et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.
Plusieurs attaques récentes particulièrement meurtrières avaient suscité l'exaspération de la population qui reprochait à l'ex-président Kaboré de ne pas réussir à endiguer cette crise.