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18 mai 2025
LA QUÊTE DE FINANCEMENTS EXTÉRIEURS NE DOIT PAS COMPROMETTRE LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER L'INTÉRÊT DE NOTRE PAYS
Dans cette interview, le nouveau directeur général de l’Autorité de régulation de la commande publique décline sa feuille de route pour plus d’efficience dans les marchés publics et contrats de partenariat public-privé.
Dans cette interview accordée concomitamment avec le quotidien national ‘’Le Soleil’’, le nouveau directeur général de l’Autorité de régulation de la commande publique (Arcop, ex-ARMP) décline sa feuille de route pour plus d’efficience dans les marchés publics et contrats de partenariat public-privé.
Vous avez été porté à la tête de l'Arcop dans un contexte marqué par l'adoption d'un nouveau référentiel économique et social. Pour vous, quel devrait être le rôle de l'Arcop dans la mise en œuvre de ce nouveau référentiel ?
D'abord, permettez-moi de remercier le président de la République et le Premier ministre de leur précieuse confiance et cette opportunité qui m'est offerte pour participer à la construction de notre pays. La commande publique, telle la monnaie, est devenue un instrument d’intervention économique très important. Par la commande publique, il est possible de participer et d’impacter, de façon très sensible, le développement économique et social de notre pays.
Comme vous le savez, les nouvelles autorités ont inscrit leur action dans le sens de construire un Sénégal souverain, juste et prospère. L'ambition est donc de placer notre action sous le sceau du souverainisme économique. Et sur ce terrain, la commande publique a un rôle très important à jouer. Il faut faire en sorte que la commande publique soit d’abord et avant tout l’affaire du secteur privé national. C’est vrai qu’il y a beaucoup de mécanismes qui ont été adoptés dans ce sens, mais il faudra aller très rapidement vers leur opérationnalisation pour un Sénégal souverain.
L'autre volet, c'est la prospérité, c'est-à-dire qu'il faudra faire en sorte que la commande publique contribue au développement du secteur privé national. C'est là, quelques illustrations, juste pour montrer que nous avons un slogan qui cadre parfaitement avec les orientations assignées à la commande publique. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, je compte inscrire la perspective de mon action autour d’un certain nombre d’axes stratégiques qui renvoient à la nécessaire modernisation de la commande publique qui doit s'adapter à l’ère du numérique. L'autre axe stratégique sur laquelle je compte articuler mon action, c'est l’optimisation des ressources publiques.
Quand les ressources sont limitées, il faut en faire une utilisation rationnelle et essayer de compléter les besoins en financements avec les partenariats public-privé. Je dis souvent à mes collaborateurs que l’extension des compétences, qui nous a permis de quitter l’ARMP pour aller vers l’Arcop, doit avoir un sens. Avec cette extension, on a ouvert à notre institution un boulevard qui doit être exploré. Aujourd’hui, c’est rester sur une perspective réductrice en comprenant que l’intervention de l'Arcop dans le cadre des PPP doit se résumer à la formation. Nous devons aller au-delà.
Il résulte du décret portant organisation et fonctionnement de l'Arcop que, dans le cadre de notre mission d’appui et de conseil, nous devons accompagner toutes les administrations à réaliser leurs projets. C’est là où nous devons trouver l’articulation qui nous permet d’être beaucoup plus présents sur la question des PPP en encadrant les autorités administratives sur les secteurs les plus porteurs dans lesquels il est possible de développer des PPP capables de participer au développement de notre pays.
Vous parlez de souveraineté, mais on sait que beaucoup de ces projets sont financés avec l’appui des partenaires multilatéraux et bilatéraux qui ont également leurs conditionnalités. N’est-ce pas là un obstacle face à cette quête de souveraineté dans la gestion de la commande publique ?
Tout est dans la structuration du contrat. Quand bien même certains projets sont financés par des partenaires, il reste que l’État a la possibilité, à travers ces contrats, de souscrire un certain nombre de dispositions qui sont de nature à préserver son intérêt. Le plus important c’est de conclure des contrats qui préservent l'intérêt de notre pays. Je pense qu’avec le nouveau cadre qui a été mis en place, avec le schéma de préparation des projets, il est difficile d’arriver à des contrats qui ne soient pas de nature à préserver nos intérêts. La quête de financements extérieurs ne doit pas compromettre la nécessité de préserver l’intérêt de notre pays. C’est là où nos États doivent être un peu plus vigilants et compter sur les administrations comme l’Arcop, comme l'Unapp pour que l’accompagnement nécessaire en termes de structuration financière et technique puisse être apporté.
Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour matérialiser cette volonté politique ?
D’abord, il faudra analyser l’arsenal juridique et renforcer les mécanismes incitatifs destinés à susciter une meilleure implication du secteur privé dans l’exécution de la commande publique. À l’heure actuelle, la plupart des incitations aménagées ne sont pas opérationnelles, parce que les principaux bénéficiaires n’en sont pas informés. Il faudra donc sensibiliser le secteur privé par rapport à ces mécanismes aménagés dans les différents instruments juridiques qui organisent la commande publique. Dans d’autres cas, les mesures et diligences nécessaires à leur mise en œuvre n’ont pas été entreprises. Il devient alors impératif de définir les modalités adéquates pour permettre à ces mécanismes généreux de donner leurs pleins effets.
À titre illustratif, dans le domaine des PPP, la loi prescrit l’obligation à tout opérateur étranger attributaire d’un projet de PPP d’intégrer, dans le capital social de la société de projet qui nécessairement doit être créée, le secteur privé national jusqu’à concurrence de 30 % au moins. Hélas, dans aucun des projets PPP entrepris depuis la loi de 2021, ce puissant instrument de domestication de la commande publique n’a connu une application. Devant cette situation, il nous revient la responsabilité d’informer, de sensibiliser, de regarder les contraintes, de les adresser et de mettre en place un dispositif organisationnel permettant d’encadrer le secteur privé et d'aider les acteurs à capter ces parts de marchés qui leur reviennent de droit. En résumé, il faut d'abord renforcer les mécanismes qui existent ; ensuite, les opérationnaliser en relation avec les vrais acteurs. Tout se fera donc avec eux dans le cadre de larges concertations inclusives qui n’oublient aucun pan du secteur privé national.
Quid de votre méthode pour l'optimisation des ressources ?
On devra aller très rapidement vers une stratégie globale arrimée aux nouveaux enjeux de la commande publique qui arrive à construire les synergies intelligentes entre un secteur à la recherche de nouvelles et la puissance publique tournée vers la réalisation de projets publics inclusifs et durables. C’est là toute la pertinence de l’option des nouvelles autorités d’aller vers une centrale d’achat qui permet de mettre fin commandes disparates. Dans un contexte marqué par un resserrement des ressources budgétaires, leur utilisation rationnelle pour une meilleure optimisation des achats publics apparaît comme un impératif absolu. Cette solution suppose la mise en place d’une entité qui passe de grosses commandes qu’elle garde dans des magasins de stockage. Et à chaque fois qu’une administration particulière exprime un besoin, une commande, les équipements sont livrés dans les meilleurs délais. Finalement, elle favorise des acquisitions organisées en toute célérité et au meilleur rapport qualité/coût.
Malgré les nombreux efforts et les rapports, nous avons vu une récurrence des violations dans les commandes publiques. Cela ne traduit-il pas des insuffisances dans le dispositif coercitif ?
Le dispositif répressif aménagé pour dissuader les acteurs est à mon avis très efficace. Quand il y a des actes posés en marge des prescriptions légales et réglementaires, les acteurs qui en sont informés ont la possibilité de porter l’affaire devant le régulateur qui se réunit dans le cadre de sa formation disciplinaire. D’abord, une enquête est ordonnée dans le respect strict des principes du contradictoire par des agents assermentés.
En effet, toutes les parties sont entendues par les enquêteurs et tous les documents communiqués. Je rappelle que nous avons une commission d’enquête composée de hauts cadres de l’Administration qui ont prêté régulièrement serment devant les tribunaux. À l’issue de cette procédure, si les conclusions montrent que des acteurs ont posé des actes en porte-à-faux avec la réglementation, la formation disciplinaire de l’Arcop applique des sanctions appropriées qui peuvent être administratives ou financières. Cela peut aller jusqu’à l’exclusion du candidat de la commande publique pour une période paramétrée en fonction de la gravité des faits retenus, sans préjudice de la possibilité d’appliquer des sanctions financières.
Je pense donc que l'Arcop dispose de tous les moyens pour faire en sorte que les procédures ne soient pas viciées. Il reste que, sur le plan pénal, la pénologie, inversement proportionnelle aux enjeux de la commande publique, doit être révisée de manière à la rendre plus dissuasive.
Pourquoi alors la liste rouge qui, en principe, contient les entreprises exclues des marchés publics est presque vide pour le cas du Sénégal ?
L'Arcop a eu, à plusieurs reprises, à exclure des candidats des marchés publics. Seulement, cette mesure lourde de conséquences économiques et sociales ne peut être administrée que si les circonstances factuelles la justifient. Dans certaines hypothèses, des faits dénoncés se révèlent non établis après les investigations engagées ou bien alors ils ne sont pas suffisamment graves pour justifier une exclusion.
Il y a le cas des marchés de gré à gré qui nourrissent souvent suspicions et appréhensions. Quels mécanismes pour assurer la transparence dans ce type de marché ?
Permettez-moi d’abord de lever un biais. D’abord, en termes de terminologie, on ne parle plus de gré à gré, mais plus d’entente directe lorsque l’Administration conclut directement avec un opérateur privé sans une mise en concurrence préalable. Ensuite, contrairement aux idées reçues, ce n’est pas parce que l’Administration a fait une entente directe qu’elle a agi en marge de la loi. L’entente directe est une procédure régulière prévue par la réglementation en vigueur (77 du décret sur les marchés publics et 89 sur le décret relatif aux PPP). Maintenant, elle reste une procédure qui est strictement encadrée.
En effet, vous ne pouvez contracter une entente directe si les conditions prescrites ne sont pas réunies. C’est dire que l’entente directe, d’abord, n’est pas une procédure bannie. Seulement, comme elle peut exposer à des engagements difficilement maîtrisables, le législateur l'a strictement encadrée dans un régime juridique qui assujettit sa mise à des conditions rigoureuses parmi lesquelles l’urgence impérieuse figure en bonne place.
Vous avez cité parmi les conditions l'urgence impérieuse, mais on a souvent assisté à une sorte ''d'urgence impérieuse organisée'' avec des autorités contractantes qui, au lieu de lancer dans les délais les marchés, attendent le dernier moment pour invoquer l'urgence. Que faire pour lutter contre de telles pratiques ?
Quand le texte parle d’urgence impérieuse, il exclut l’urgence qui est artificiellement créée et qui ne peut pas être acceptée. C’est d’ailleurs pourquoi le législateur restreint les pouvoirs dans ces cas de figure. D'abord, il faut demander l’autorisation à l'organe de contrôle a priori pour que ce dernier regarde si l’urgence dont vous vous prévalez est impérieuse ou simplement artificielle. Il ne s’agit donc pas d’évoquer l’urgence impérieuse, il faut rapporter les circonstances de fait qui en établissent la réalité.
Outre les marchés par entente directe, il y a aussi les marchés classés ''secret défense''. Ne devrait-on pas mieux les encadrer pour éviter les dérives ?
Sur cette question, le Sénégal a connu une évolution qui, aujourd’hui, commande des réajustements. En effet, en 2020, un décret exclut les marchés classés ''secret défense'' dont la publicité serait contraire aux intérêts de l’État. À l’époque, le régulateur avait engagé des discussions en interne pour fixer un encadrement minimal pour éviter que cette brèche n’ouvre pas la voie à des procédures abusives dans la mise en œuvre de la commande publique. Cette ambition étant restée lettre morte, des dérives sont enregistrées dans la mise en œuvre de ces procédures.
Sous ce rapport, les exigences d’une gestion publique responsable postulent un recentrage pouvant concilier la nécessaire préservation des intérêts de l’État et l’optimisation des ressources budgétaires. À ce propos, l’expérience de certains pays comme le Niger peut constituer une riche source d’inspiration. Ce modèle est centré autour d’une commission rattachée à la présidence dont le rôle est de dresser chaque année une liste des marchés éligibles. Ensuite, on a mis en place une procédure parallèle par rapport à la procédure ordinaire. Le dispositif d’encadrement à mettre au point permettra d’apprécier les prestations éligibles et le niveau minimal de contrôle à aménager.
Pouvez-vous revenir sur les principales innovations du nouveau Code des marchés publics ?
Il y a beaucoup d’innovations dans le Code des marchés publics dont la plus spectaculaire reste sans doute le saut vers les achats publics durables. Des réajustements importants ont été administrés dans ce cadre pour créer les conditions d’une green commande publique.
Sur la question de l’accès à la commande publique, des aménagements particuliers sont introduits pour réussir une meilleure implication des jeunes et des femmes dans l’exécution de la commande publique. Avec ce mécanisme, la commande publique devient un instrument de résorption des inégalités sociales et de réduction du chômage.
La délocalisation des délégations de service connues aujourd’hui sous le vocable de PPP à paiement a contribué à créer de la lisibilité dans la gestion de la commande publique en distinguant le régime juridique des marchés publics regroupés dans le code correspondant de celui des PPP organisé par le décret y relatif. Cette belle uniformisation permet une préparation des projets de la même catégorie suivant des procédures identiques renforçant ainsi la prévisibilité dans la gestion des contrats.
Du point de vue institutionnel, les organes de contrôle a priori comme a posteriori ont vu leurs compétences étendues aux PPP pour une meilleure rationalisation de la commande publique.
Vous parlez de préoccupation d’ordre environnemental. Est-ce à dire qu'il faut mettre en avant le fait d’acheter mieux plutôt que le fait d'acheter plus cher ?
Par durabilité, il s’agit de comprendre qu’au lieu de préférer acheter un bien moins onéreux avec une durée de vie courte, il est recommandé d’analyser les biens et équipements en tenant compte de la durée de vie et de l’impact de son utilisation sur notre environnement. Ce critère nous amène à aller au-delà du simple pour tenir compte des caractéristiques intrinsèques de ces achats.
Depuis 2022, l'Arcop n'a pas présenté de rapport. Où en êtes-vous dans la production des rapports 2022, 2023 et 2024 ?
Quand je suis arrivé, j’ai trouvé sur la table le rapport 2022. Très rapidement, on va procéder à la finalisation de celui de 2023 pour organiser une publication simultanée. Les efforts vont être faits pour une publication plus régulière des rapports. On est aussi en train de voir comment l’adresser de manière structurelle internalisant l’exécution de cette mission de contrôle a posteriori avec un personnel propre. Cette option présente l’avantage de dérouler les audits sur l’année en toute sérénité et de produire les rapports dans les délais.
LE CAS BARTHÉLEMY DIAS, RUPTURE OU CONTINUITÉ DES MÉTHODES POLITIQUES AU SÉNÉGAL ?
Cette déchéance, perçue comme un écho au cas Khalifa Sall, soulève des interrogations majeures sur l’instrumentalisation de la justice, les vides juridiques et la stabilité politique du pays.
La révocation du maire de Dakar, Barthélemy Dias, a plongé le Sénégal dans une nouvelle crise politique. Officiellement déchu de ses fonctions le 13 décembre 2024, sur fond de condamnation judiciaire, l’opposant résiste avec détermination, dénonçant une décision précipitée et contestable. Cette déchéance, perçue comme un écho au cas Khalifa Sall, soulève des interrogations majeures sur l’instrumentalisation de la justice, les vides juridiques et la stabilité politique du pays.
L’affaire Barthélemy Dias continue de défrayer la chronique au Sénégal depuis plusieurs jours. Révoqué de ses fonctions de maire de Dakar le vendredi 13 décembre 2024, M. Dias, figure emblématique de l’opposition, résiste farouchement. ‘’Personne ne peut me démettre de cette fonction tant que mon droit de recours n’est pas exercé’’, a-t-il affirmé à la presse lors d’une conférence interrompue par les forces de l’ordre. La condamnation pour homicide, à l’origine de cette révocation, suscite des réactions vives au sein de la classe politique, de la société civile et des citoyens.
Une révocation controversée
La déchéance de Barthélemy Dias s’inscrit dans une série d’événements politiques houleux. Depuis le 6 novembre 2024, date à laquelle il a été déchu de son mandat de député par l’Assemblée nationale, la tension n’a cessé de monter. La décision, prise à la demande du ministère de la Justice, repose sur une condamnation judiciaire pour homicide datant de plusieurs années.
Dans une posture de défiance, Barth avait déclaré, le 9 décembre, qu’il résisterait à toutes tentatives visant à l’écarter de la mairie de Dakar. Sa réponse fut cinglante : ‘’Ils ne peuvent pas me démettre sans que la justice n’ait épuisé toutes les voies de recours.’’
Pour autant, les autorités administratives du département de Dakar ont prononcé sa révocation le vendredi 13 décembre.
La destitution de Barthélemy Dias rappelle étrangement celle de Khalifa Ababacar Sall, ancien maire de Dakar, condamné en 2018. Joint par téléphone depuis Paris, Khalifa Sall, aujourd’hui président de Taxawu Sénégal, n’a pas caché ses regrets. ‘’J’avais espéré, avec cette troisième alternance, que les actuels tenants du pouvoir, qui avaient été des opprimés, ne se transformeraient pas en bourreaux, surtout vis-à-vis d’une personne comme Barthélemy Dias qui a œuvré à l’unité de l’opposition’’, a-t-il déclaré.
Pour Khalifa Sall, l’attente prolongée avant la révocation de son allié fidèle de son mandat parlementaire soulève des interrogations. ‘’Pourquoi avoir attendu jusqu’à la fin de la deuxième élection pour acter sa radiation ?’’. Une réaction qui révèle un sentiment d’injustice partagé par nombre de sympathisants de l’opposition.
Les voix dissidentes : une solidarité politique à géométrie variable
La déchéance de l’ancien édile de Sicap Baobab a également suscité une vague de solidarité de la part de plusieurs figures politiques. Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre et leader de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT), a exprimé son indignation via sur Facebook. ‘’Je pensais très sincèrement que la méchanceté en politique était condamnée à disparaître avec l’avènement du nouveau régime. Mais la continuité est de mise’’, a-t-il fustigé, appelant le gouvernement à se concentrer sur les priorités sociales des Sénégalais.
De son côté, Samba Ndong, haut conseiller, a dénoncé un manque de cohérence de la part du nouveau régime. ‘’Cette révocation ne respecte pas la parole donnée. La loi doit être appliquée dans toute sa rigueur, mais encore faut-il que cela soit juste’’, a-t-il ajouté. Il met en avant le caractère équivoque des textes juridiques applicables à la situation du maire de Dakar.
L’affaire met en lumière un vide juridique, relevé par Ndiaga Sylla, expert en droit électoral. L’article L.277 du Code électoral stipule que la décision de déclarer un conseiller municipal démissionnaire devient exécutoire, sauf recours devant la Cour d’appel dans les dix jours suivant la notification. Or, selon Ndiaga Sylla, ‘’il fallait préciser le caractère suspensif du recours’’. Cette lacune rend l’interprétation de la loi sujette à controverse.
De plus, les conditions d’inéligibilité énoncées dans les articles L271 à L276 ne prévoient pas explicitement la situation de Barthélemy Dias. Cela pose un problème d’interprétation qui renforce les doutes sur la légalité de la décision prise par les autorités.
Élimane Kane, membre influent de la société civile, s’interroge : ‘’Après Khalifa Sall et Ousmane Sonko, à qui le tour ? Hier, c’était Khalifa Sall, aujourd’hui, c’est Barthélemy Dias. Demain, ce sera le tour d’un autre opposant redouté.’’ Pour lui, cette succession de cas montre une tendance inquiétante où des opposants politiques, souvent populaires, se retrouvent exclus du jeu politique, à la suite de condamnations judiciaires ou administratives.
Le juriste Samba Ndong, tout en reconnaissant la nécessité d’appliquer la loi, pointe un paradoxe : ‘’Barthélemy Dias est élu au suffrage universel direct. Être élu par ce biais est différent des scrutins d’autrefois où il fallait être conseiller municipal avant de briguer le poste de maire.’’ Pour lui, le vide juridique actuel ne permet pas de trancher avec certitude la légalité de la révocation.
Un bras de fer aux enjeux politiques profonds
La révocation du maire de Dakar survient dans un contexte politique tendu où les relations entre le pouvoir et les figures emblématiques de l’opposition restent particulièrement houleuses. Ce cas cristallise des frustrations anciennes liées à l’usage de l’appareil judiciaire pour écarter des adversaires politiques.
Pour les partisans de Dias, cette révocation est perçue comme une nouvelle illustration de l’instrumentalisation de la justice. Ils rappellent les cas antérieurs de Khalifa Sall, Ousmane Sonko et d’autres figures politiques qui ont vu leurs carrières freinées par des condamnations controversées.
Proche de Dias fils, Thierno Bocoum va plus loin en pointant du doigt le ministre de la Justice et en le mettant en demeure d’assumer la logique de ses actes. "Si Barthélemy Dias est concerné, alors Ousmane Sonko doit aussi être radié. Mais soyons cohérents : la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar est seule compétente pour trancher dans ces affaires. L’amnistie et le droit ne peuvent être instrumentalisés au gré des rapports de forces politiques", a-t-il ajouté dans une pique adressée à l’actuel régime.
Cette intervention de l’ex-député de Rewmi met en lumière une réalité récurrente au Sénégal : la politique est souvent marquée par des alliances mouvantes et des revirements inattendus. En effet, naguère, l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko avait pris fait et cause pour Barthélemy Dias et Khalifa Sall, dénonçant leur "persécution judiciaire" sous le régime de Macky Sall. "La confiscation du suffrage des Sénégalais par l’incarcération de Khalifa Sall est une forfaiture qui ne se répétera plus jamais au Sénégal et certainement pas avec le nouveau maire de Dakar Barthélemy Dias", avait-il alors déclaré.
De compagnons d’armes à adversaires politiques
Les élections législatives de 2022 avaient marqué un tournant historique pour l’opposition sénégalaise. À l’époque, Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Barthélemy Dias avaient réussi à unir leurs forces sous la bannière de la coalition Yewwi Askan Wi. Ensemble, ils avaient fait vaciller la majorité présidentielle en équilibrant, pour la première fois, le rapport de force à l’Assemblée nationale. Ce succès avait redonné espoir à une opposition longtemps divisée.
Mais les ambitions présidentielles ont rapidement fissuré cette alliance. Le désaccord entre Khalifa Sall et Ousmane Sonko sur la stratégie à adopter pour la Présidentielle a été le point de rupture. Barthélemy Dias, fidèle à Khalifa Sall, a commencé à prendre ses distances avec le leader de Pastef. Une crise qui s’est aggravée à l’arrivée au pouvoir du duo Diomaye-Sonko, marquant un basculement des dynamiques politiques.
Aujourd’hui, beaucoup d’observateurs pointent un "manque de constance" dans les discours et les postures. "Les principes politiques changent au gré des circonstances et des ambitions", commente un analyste.
En effet, si Ousmane Sonko s’était farouchement opposé à toute tentative de Macky Sall de "forcer la main" pour contrôler la mairie de Dakar, il est désormais difficile de ne pas voir une continuité dans les méthodes, selon les partisans de Barthélemy Dias.
Un schéma politique déjà bien connu
Les revirements politiques ne sont pas nouveaux au Sénégal. Le régime de Macky Sall, pourtant arrivé au pouvoir avec la promesse d’une gouvernance "sobre et vertueuse", avait fini par enterrer ces principes. Son frère, Aliou Sall, avait été éclaboussé par le scandale des contrats pétroliers révélés par la BBC, marquant l’un des plus grands épisodes de contestation sous son magistère.
Abdoulaye Wade, surnommé le maître du "Wakh Wakhete" (se dédire), est également passé par là. En 2000, il verrouillait la Constitution pour limiter les mandats présidentiels avant de se représenter en 2012, provoquant des manifestations violentes et mortelles. "Au Sénégal, les promesses politiques sont souvent des lettres mortes", commente un politologue.
Ainsi, le cas Barthélemy Dias ne serait qu’une illustration supplémentaire de cette logique : les principes démocratiques et juridiques sont souvent tributaires des rapports de force politiques. Si aujourd’hui Barthélemy est la cible, demain, un autre leader de l’opposition pourrait subir le même sort, à en croire les craintes exprimées par une partie de la société civile.
Cette situation est symptomatique d’une polarisation croissante de la scène politique sénégalaise. Les alliés d’hier sont devenus des adversaires et les promesses de rupture semblent s’éroder face aux réalités du pouvoir. La déchéance de Barthélemy Dias pourrait redéfinir les lignes de fracture entre l’opposition et le régime en place, mais aussi au sein même de l’opposition.
Pour l’heure, les soutiens au maire de Dakar promettent de maintenir la pression. "Nous ferons face", a averti Thierno Bocoum. Une mobilisation qui pourrait bien marquer un tournant dans la relation entre le pouvoir et les figures contestataires du pays.
En attendant, une question demeure : jusqu’où ce bras de fer ira-t-il et à quel prix pour la stabilité politique du Sénégal ?
La déchéance de Barthélemy Dias ne se limite pas à un simple débat juridique. Elle soulève des questions fondamentales sur la démocratie sénégalaise, la séparation des pouvoirs et la stabilité politique du pays. La société civile et les figures de l’opposition continuent de dénoncer ce qu’ils considèrent comme des abus de pouvoir, tandis que les autorités défendent l’application stricte de la loi.
PAR PAPA MALICK NDOUR
MON OPINION SUR LES GRANDES LIGNES DE LA LFI 2025
"Pour la première fois dans l'histoire du Sénégal, aucun don budgétaire n'a été encaissé, bien qu'une prévision de 47 milliards ait été faite dans la LFI 2024. Quelle est le probleme avec les partenaires ?"
Comme promis je reviens sur quelques points essentiels figurant sur la loi de finance 2025 et qui nous renseignent bien sur le projet de LFR 2024.
Il est à noter, durant l'année 2024 :
I. Une contre-performances dans le recouvrement des ressources budgétaires.
1. Les ressources budgétaires ont diminué de 839 milliards, dont les 601 milliards sont imputables aux moins-values notées dans le recouvrement des recettes fiscales et non fiscales. Qu'est-ce qui explique le "gap fiscal de 600 milliards" malgré tout le terrorisme et les harcèlements fiscaux que nous avons notés ces derniers mois?
2. Les recettes non fiscales issues du secteur pétrolier ont chuté de 14,4 milliards par rapport à la LFI 2024, indiquant l'absence de recettes exceptionnelles provenant du pétrole. Quelle est la raison d'autant plus qu'on nous a fait croire ces derniers jours qu'on a eu plus de petrole et de gaz que prévu ?
3. Pour la première fois dans l'histoire du Sénégal, aucun don budgétaire n'a été encaissé, bien qu'une prévision de 47 milliards ait été faite dans la LFI 2024. Quelle est le probleme avec les partenaires ?
II. Un renforcement des depenses de fonctionnement et des coupes budgetaires sur les depenses d'investissement.
1. Les dépenses budgétaires ont augmenté de 681,6 milliards, principalement en raison de l'augmentation des dépenses de fonctionnement, qui ont progressé de 636,9 milliards par rapport à la prévision initiale. Pourquoi vous n'avez pas baissé les depenses de fonctionnement comme promis lors du Conseil des ministres du mercredi 28 Aout 2024 où, le Premier Ministre avait "informé le Conseil de la poursuite de la matérialisation de la directive présidentielle sur la rationalisation des dépenses publiques, par une lettre circulaire portant sur la réglementation de l’usage des consommables informatiques et des appareils électroniques dans les bâtiments administratifs"? (lire communiqué du Conseil du mercredi 28 Août 2024)? Quel a été l'effet de la circulaire primatoriale portant sur la réduction des depenses de l'Etat ?
2. Les dépenses d'investissement financées par les ressources intérieures ont subi des réductions budgétaires de l'ordre de 234 milliards. Pourquoi vous avez préféré cibler des depenses d'investissement à la place des depenses de fonctionnement ?
In fine
En 2024, des pertes de recettes de plus de 600 milliards ont été constatées, malgré le terrorisme fiscal de ces derniers mois. Cependant, le nouveau gouvernement a choisi d'augmenter grossièrement ses dépenses de fonctionnement, de réduire ses investissements et d'aggraver ainsi son déficit qu'il va maintenant imputer à l'ancien régime qui n'est pourtant ni responsable de la moins-values, ni de la hausse des dépenses de fonctionnement.
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L'ANALYSE DE DAOUDA MINE SUR LE PROJET DE SUPPRESSION DE LA LOI D'AMNISTIE
Suppression ou non de la loi d'amnistie : l'analyse tranchante de Daouda MINE
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UN PAS DÉCISIF VERS LA TRANSPARENCE AU SÉNÉGAL
Le docteur Alassane Guèye, directeur de la promotion de la bonne gouvernance, a détaillé, au micro de Migui Maram Ndiaye sur Radio Sénégal, les avancées liées à la relance du processus d’adoption de la loi sur l’accès à l’information.
Le docteur Alassane Guèye, directeur de la promotion de la bonne gouvernance, a détaillé, au micro de Migui Maram Ndiaye sur Radio Sénégal, les avancées liées à la relance du processus d’adoption de la loi sur l’accès à l’information. Cet atelier, organisé avec des acteurs clés, vise à renforcer la transparence, élément fondamental dans la lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance.
Pour le Docteur Guèye, le contexte actuel est favorable à l’adoption de cette loi. « Le président de la République, très engagé dans la lutte contre la corruption, a hérité d’un dossier en attente. Aujourd’hui, nous avons une nouvelle Assemblée nationale, et il est déterminé à faire avancer les réformes essentielles pour la transparence et le développement. C’est pourquoi cet atelier a rassemblé médias, société civile et administration pour informer et mobiliser autour de cette proposition de loi. »
Entamé il y a plusieurs années, le processus d’adoption de la loi sur l’accès à l’information avait été freiné. « Rien n’empêchait son adoption si ce n’est un manque de volonté politique de l’ancien régime, qui refusait que les citoyens et les médias accèdent à certaines informations. Avec l’actuel président, doté d’un véritable courage politique, cette barrière a été levée », a souligné le directeur.
L’accès à l’information est un pilier incontournable de la bonne gouvernance. Selon le Dr Guèye, « pour lutter efficacement contre la corruption et promouvoir la transparence, il est essentiel que les citoyens, les médias et les acteurs de la société civile aient accès aux informations nécessaires. Sans transparence, il ne peut y avoir de développement durable. Cette loi représente un outil clé pour aider l’administration et la société civile à soutenir les efforts du président dans cette lutte. »
Interrogé sur la prise en compte des intérêts des médias dans ce processus, le Dr Guèye a été clair : « Tout le monde a été représenté, y compris les médias, la société civile et l’administration. Chacun a apporté sa contribution à l’élaboration du texte. Nous pouvons affirmer avec certitude que les médias ont bien été pris en compte dans ce projet. »
Le texte, désormais prêt, attend sa validation en conseil des ministres avant d’être présenté à l’Assemblée nationale. « Le président de la République est très motivé pour que cette loi soit adoptée rapidement. Ce qui est sûr, c’est qu’elle figure dans son calendrier. Après cette loi, nous attaquerons un autre dossier crucial dans la lutte contre la corruption : celui des lanceurs d’alerte. Ces derniers auront besoin d’un cadre juridique pour opérer efficacement, et cette loi sera un soutien majeur », a conclu le Dr Guèye.v
ALIOUNE SALL DÉSAVOUÉ
Des collaborateurs du ministre n'hésitent plus à exprimer leur opposition à sa politique de régulation des médias. Le CNRA, de son côté, a adressé un courrier cinglant au ministère, exigeant le retrait ou la suspension d'un arrêté jugé illégal
Au sein de son ministère, comme au Cnra, les décisions du ministre de la Communication de ne pas reconnaître des entreprises de presse ne font pas que des heureux. Il lui est reproché de passer outre les dispositions du Code de la presse en privant le Cnra de son pouvoir de décision en la matière.
La mise en place de la Commission d’examen et de validation de la Déclaration des entreprises de presse du Sénégal, qui est en train de bousculer le paysage médiatique au Sénégal, menace de créer des dissensions entre le ministère de la Communication, des télécommunications et du numérique (Mctn), le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) et au sein du personnel du Mctn, en particulier certains proches collaborateurs du ministre Alioune Sall.
En effet, des collaborateurs du ministre ont, semble-t-il, commencé à exprimer leur mécontentement quant à la manière dont le processus de régularisation des organes de presse est mené par leur département. Ils trouvent que l’autorité de tutelle serait en train de s’arroger des droits qui ne lui seraient pas reconnus, notamment par le Code de la presse. Ces personnes se disent confortées par des remarques qu’aurait faites le président du Cnra, dans un courrier adressé à son ministre de tutelle. Ledit courrier aurait également pointé le fait que «l’arrêté n° 024462 du 1er octobre 2024 portant création et fixant l’organisation et le fonctionnement de la Commission d’examen et de validation de la Déclaration des entreprises de presse du Sénégal viole le Code de la presse».
Le courrier du Cnra portait principalement sur le volet des médias audiovisuels, mais les agents du ministère, qui ont exprimé leurs états d’âme, n’ont pas caché que la situation n’est pas meilleure en ce qui concerne la presse écrite, où des problèmes similaires se posent. Tout le monde constate que le ministère a voulu doter la commission de régulation de «pouvoirs exorbitants qui la placent au-dessus des organes de régulation de la presse que sont le Cnra et le Cored». S’il est manifeste que le Cored semble se désintéresser du sort des organes de presse et des journalistes qui y travaillent, le Cnra, lui, semble déterminer à ne pas laisser rogner le peu de pouvoirs que lui reconnaît la loi.
Ils mettent en charge notamment, l’art 2 de l’arrêté, qui dispose que les dossiers validés par la commission sont soumis au Mctn pour qu’il délivre une attestation avec un numéro d’identification unique, valant reconnaissance légale. Pour ces fonctionnaires, ce faisant, cet arrêté saute les pouvoirs du Cnra et viole les dispositions du Code de la presse. Le Cnra, dans le courrier cité plus haut, avait d’ailleurs tenu à rappeler lesdites dispositions en disant : «Le ministère chargé de la Communication et l’organe de régulation sont les seules structures habilitées à intervenir dans la reconnaissance légale des entreprises de communication audiovisuelle.
Au ministère, revient la prérogative d’accorder l’autorisation, après avis conforme de l’organe de régulation. Quant à l’organe de régulation, il est investi des missions d’instruire les demandes d’autorisation, de donner un avis conforme, d’élaborer les cahiers des charges des acteurs de la chaîne de valeur de la communication audiovisuelle et de préétablir et de signer les conventions avec les éditeurs, diffuseurs et distributeurs.»
Le courrier du Cnra, que les services du ministère ont fait fuiter, recommande donc à M. Alioune Sall «de rapporter l’arrêté n° 024462 du 1er octobre 2024 portant création et fixant l’organisation et le fonctionnement de la Commission d’examen et de validation de la Déclaration des entreprises de presse du Sénégal ou de le reprendre ou de surseoir à son application». En plus de cela, le régulateur de l’audiovisuel suggère «d’autoriser les entreprises de presse dont les conventions avec l’organe de régulation ont été signées, conformément à l’article 147 du Code de la presse», qui dispose : «Le ministre chargé de la Communication délivre d’office une licence d’exploitation aux éditeurs de services de communication audiovisuelle déjà existants, sous réserve de la signature d’une nouvelle convention avec l’organe de régulation». Il reste à savoir si le ministre de la Communication et ses services, qui sont allés déjà assez loin dans leur entreprise de destruction, sauront mettre la pédale douce avant que la bronca n’atteigne de fortes ampleurs.
BELLI DIALLO, VILLAGE DE LA RÉSILIENCE
Sinistré par la crue, ce village dans la région de Matam, incarne la résistance face à l'adversité. Relogés dans un site de fortune, ses habitants, entre espoir et précarité, s'efforcent de reconstruire leur quotidien
Le village de Belli Diallo, dans la région de Matam (nord), comme toutes les localités sinistrées de la crue du fleuve Sénégal, est un symbole de résilience. Ses habitants, relogés sur un site de recasement, tentent de retrouver une vie normale, avec l’espoir de retourner bientôt dans leurs maisons envahies par les eaux.
Situé à environ trois kilomètres de la commune de Matam, Belli Diallo ressemble toujours à un village fantôme. Et pour cause, en octobre dernier, la crue du fleuve Sénégal avait contraint ses habitants à quitter leurs habitats gagnés par la montée des eaux du fleuve Sénégal.
Trois mois plus tard, le décor n’a pas encore changé. Des vestiges de maisons détruites par la furie des eaux accueille le visiteur. Certaines éventrés, d’autres dépourvues de toit, d’autres encore totalement rasées.
Leurs anciens occupants vivent désormais de l’autre côté du village, sur la route menant vers les champs du Walo, sur les terres réservées à la culture de décrue. Ici, vingt-quatre familles vivent dans des conditions précaires, dans des cases qui ne protègent ni de la poussière, ni du vent, ni du froid.
»Depuis que les eaux ont envahi notre village, nous habitons ici, dans cet espace, avec nos familles. C’est ici que nous faisons tout. Nos habitations n’ont pas résisté », confie Mamadou Sy, un bûcheron qui essaie de retrouver tant bien que mal une vie normale.
Non loin de ce qui lui sert aujourd’hui de maison, il a timidement recommencé son travail. »Cela ne ressemble en rien avec notre maison en banco, où j’ai passé presque toute sa vie », dit Mamadou, multipliant les coups de hache appuyés contre de grosses branches de bois mort. Son fils de trois ans, lui, n’a que la conscience de son âge, est occupé à jouer à côté de la case. Un abri fait de bric et de broc : de paille, de bois, de morceaux de tissus, de toile et de nattes.
Mamadou Sy vit désormais, ici, avec sa petite famille. En attendant le retrait des eaux et la reconstruction de son ancienne maison, il s’agit d’un moindre mal.
Durant les premiers jours de la crue du fleuve, les maisons étaient littéralement envahies par les eaux et s’étaient totalement vidées de leurs occupants devenus des sans-abris en l’espace de quelques heures.
La famille de Mamadou Sy et les vingt-trois autres du village de Belli Diallo a été contraintes d’aménager des cases de fortune. Posté devant sa case de fortune, il symbolise toute la résilience des habitants de Belli Diallo. La plupart continue de vaquer à leurs occupations comme si de rien n’était, en attendant des lendemains meilleurs.
Une vie de village est en train de se créer. A côté de chaque case, des ustensiles de cuisine sont posés à même le sol ou accrochés. Des motos et charrettes, des sacs de ciment couverts par des bâches ajoutent un charme ordinaire à ce tableau familial.
Des promesses et un semblant de vie normale
A cette heure où presque toutes les femmes de ce site de recasement sont parties vendre du poisson au marché de Matam, une dame sort de sa case. Malgré sa petite taille, elle est obligée de se courber pour se retrouver dehors. Vêtue d’un boubou multicolore, le visage marqué par le froid qui sévit depuis quelques jours, Aminata Diallo désespère de voir perdurer la situation de précarité dans laquelle vivent les habitants de son village.
»Toutes les promesses qui nous avaient été faites ne sont toujours pas satisfaites. Depuis deux mois, nous vivons ici avec toutes nos familles », dit-elle. Le maire de Ogo, une commune voisine, avait promis de reconstruire tout le village de Belli Diallo, mais pour l’instant, rien de tel n’a été concrétisé, ajoute Aminata Diallo, aux yeux de qui le plus important est la reconstruction des anciennes habitations.
Mamadou Abdoulaye Camara, le chef du village, abonde dans le même sens. »La reconstruction de Belli Diallo est devenue urgente », au regard de la situation de précarité dans laquelle se trouvent ses habitants, lance-t-il.
Pour l’heure, les vingt-quatre familles installées sur le site de recasement essaient de retrouver leurs habitudes dans un nouveau cadre marqué par des scènes de la vie ordinaire. Les adultes poursuivent au quotidien leurs activités principalement axées sur la pêche, le commerce et l’agriculture de décrue.
Des groupes d’enfants, dans leur insouciance, continuent de courir partout et de sautiller, poussant des cris audibles à plusieurs mètres à la ronde. Une ambiance est joyeuse, signe que tout n’est pas perdu malgré les difficultés.
L’ECRITURE COMME UN DESTIN
Certaines passions s’imposent dès l’enfance, comme une évidence. Pour Gina Ndèye Fatou Goudiaby, l’écriture a toujours été un refuge et une vocation.
Certaines passions s’imposent dès l’enfance, comme une évidence. Pour Gina Ndèye Fatou Goudiaby, l’écriture a toujours été un refuge et une vocation. Dès son plus jeune âge, cette Sénégalaise aujourd’hui reconnue dans le paysage littéraire et scénaristique du pays, trouvait dans les mots une manière d’exprimer ses émotions et de se connecter au monde. Adolescente, elle écrivait des lettres à sa mère ou inventait des histoires dans des cahiers d’écolier que ses camarades lisaient avec admiration. Ce lien précoce avec l’écriture ne s’est jamais effacé, bien au contraire : il s’est transformé en une carrière prolifique, jalonnée de réussites.
L’écriture, pour Gina, n’a jamais été un simple passe-temps. « C’était un moyen d’exprimer ce que je ressentais profondément, un langage intime pour dire l’indicible », confie-t-elle. Pourtant, concrétiser cette passion en métier n’a pas été une évidence pour son entourage. Sa mère, soucieuse de lui garantir un avenir stable, lui a imposé de terminer son baccalauréat avant de s’engager pleinement dans cette voie.
Patiente et déterminée, Gina a respecté cette condition, se lançant ensuite avec une ardeur nouvelle dans l’écriture professionnelle. Sa première grande opportunité est survenue grâce à Feu Mansour Dieng, une figure influente dans le paysage médiatique sénégalais, qui l’a encouragée à écrire pour Icône, un magazine culturel. Ce premier tremplin a marqué le début d’un long chemin vers la reconnaissance.
Le concours interuniversitaire : tournant décisif
La consécration arrive lorsqu’elle participe à un concours de script radio interuniversitaire, organisé par l’ONU et le Bureau International du Travail. Son scénario, axé sur la lutte contre le travail des enfants, remporte le premier prix. Cette victoire lui ouvre les portes d’une collaboration prestigieuse : la coécriture du long-métrage, « Le Cheval Blanc », une œuvre poignante explorant le phénomène de la mendicité des enfants au Sénégal.
Ce projet marque un tournant dans sa carrière. Séduite par le pouvoir de l’image et des mots, Gina s’oriente résolument vers l’écriture scénaristique. « Écrire pour l’écran, c’est toucher directement les sensibilités, c’est donner vie à des idées qui résonnent chez le spectateur », explique-t-elle.
Une écrivaine engagée
Mais Gina ne se limite pas aux scénarii. Elle poursuit également une carrière littéraire, abordant des sujets profondément ancrés dans les réalités sociales. Sa nouvelle, « Le courage de vivre », en est une illustration. Dans ce texte, elle explore la question de la dépression, un sujet rarement traité dans la société sénégalaise. À travers une réflexion intime, elle cherche à briser les tabous : « La vie est faite de hauts et de bas. Il faut avoir le courage d’embrasser nos moments de faiblesse et de ne pas les fuir. Refouler nos conflits internes peut nous faire sombrer », souligne-t-elle avec force.
En 2024, Gina participe à une œuvre collective intitulée « Liées et Déchaînées », sous la direction de l’autrice Amina Seck, à l’occasion du Salon du Livre Féminin de Dakar. Ce recueil de nouvelles aborde un sujet sensible : la santé mentale. Gina y apporte sa plume, mêlant finesse et profondeur pour ouvrir le dialogue sur des problématiques souvent négligées.
Une carrière polyvalente
Outre ses activités littéraires, Gina est consultante en conception-rédaction chez Marodi TV, une société de production sénégalaise renommée. Elle y jongle entre scénarii, créations publicitaires et projets divers. Cette polyvalence témoigne de son aptitude à s’adapter à différents formats et publics, tout en restant fidèle à son objectif principal : raconter des histoires porteuses de sens.
Mon objectif est de toucher les cœurs, d’ouvrir des perspectives et de montrer qu’on peut transformer nos épreuves en forces », affirme-t-elle. Cette philosophie guide chacun de ses projets, qu’il s’agisse d’un script destiné au grand écran ou d’une nouvelle publiée.
L’écriture, un acte de résilience
Pour Gina Ndèye Fatou Goudiaby, écrire est bien plus qu’une vocation : c’est un acte de résilience et d’engagement. Elle puise dans son vécu, dans ses observations et dans les réalités sociales qui l’entourent pour créer des œuvres profondément humaines. Ses écrits reflètent une quête constante d’authenticité, que ce soit dans les thématiques sociales qu’elle aborde ou dans la sincérité de ses personnages
Aujourd’hui, elle est perçue comme une figure montante de la création littéraire et scénaristique au Sénégal. Son parcours inspire de nombreux jeunes, en particulier des femmes, qui voient en elle l’exemple d’une réussite bâtie sur la passion, le travail acharné et la foi en ses rêves.
Gina ne compte pas s’arrêter là. « Je veux continuer à explorer des sujets qui me touchent, tout en collaborant avec des talents qui partagent ma vision. L’écriture, qu’elle soit littéraire ou scénaristique, est un outil puissant pour provoquer des changements positifs », affirme-t-elle. Avec des projets en cours, dont une série télévisée et un nouveau roman, Gina Ndèye Fatou Goudiaby s’impose comme une voix incontournable du Sénégal contemporain. Par sa plume, elle construit un héritage qui, sans aucun doute, continuera de marquer les esprits.
LE FORUM CIVIL ENCOURAGE DES REFORMES FISCALES EQUITABLES
Le Sénégal n’exploite que 3% de sa capacité fiscale. Avec un taux aussi faible, l’Ong Forum Civil organise depuis ce lundi à Pointe Saréne une rencontre sur la problématique de la mobilisation des ressources domestiques et des réformes fiscales équitables
Etienne NDIAYE (Correspondant permanent à Mbour) |
Publication 17/12/2024
La fiscalité est un domaine sous exploité au Sénégal. En dessous des normes fixées par l’UEMOA, le Sénégal n’exploite que 3% de sa capacité fiscale. Avec un taux aussi faible, l’Ong Forum Civil organise depuis ce lundi à Pointe Saréne une rencontre sur la problématique de la mobilisation des ressources domestiques et des réformes fiscales équitables. L’objectif est d’encourager l’Etat du Sénégal à exploiter les niches fiscales pour lutter contre le sous-développement..
Le Sénégal classé parmi les 25 pays les plus pauvres de la planète fait face aussi a un service de la dette accablant de l’ordre de 3 milliards 855 millions en 2025 et une somme totale de 15 milliards 196 millions d’ici 2029.
Pour sortir notre pays de ce cercle vicieux de la pauvreté et de l’endettement, la transparence dans la gestion des deniers publics s’impose mais il faut aussi chercher de l’argent pour investir dans le domaine public et amoindrir la souffrance des populations.
Convaincu de la nécessité d’une telle option, le Forum Civil en phase avec le projet de renforcement de la justice fiscale au Sénégal, tient depuis hier à Pointe Sarène un atelier national sur les ambitions du référentiel «Sénégal 2050» relatives à la mobilisation des ressources domestiques et aux réformes fiscales équitables. Il s’agit pour les organisateurs de soutenir sans équivoque une politique fiscale nouvelle pouvant renflouer les caisses de l’État.
Coordonnateur national du Forum Civil, Birahim Seck estime que la fiscalité est le carburant qui peut faire fonctionner le moteur qui est le Sénégal. Sans fiscalité, explique-t-il, il ne peut pas y avoir de développement car c’est avec l’argent de la fiscalité qu’on construit les édifices publics, qu’on recrute des fonctionnaires etc... Autrement dit, un pays ne peut passe développer sans une fiscalité bien libellée. Cependant, il est d’avis qu’il faut une fiscalité moins lourde mais payée par tout le monde et ceci permettra à l’État de recouvrer beaucoup d’argent afin de satisfaire la demande des populations.
«Il faut une fiscalité simple, adaptée à notre environnement économique»
Pour réussir ce pari, Mamadou Ndao Inspecteur des impôts propose une réforme fiscale en perspective de l’élargissement de l’assiette, la réduction du taux d’imposition et la rationalisation des dépenses. Ainsi plusieurs pistes devront être exploitées comme l’impôt sur le revenu foncier, l’impôt sur le patrimoine bâti, a- t-il suggéré. Il faut une fiscalité simple adaptée à notre environnement économique, a-t-il indiqué. Ainsi, pour renflouer les caisses outre les impôts sur le patrimoine, il faut aussi selon lui régulariser le secteur primaire qui fait perdre par année 161 milliards. Toutefois à son avis, l’État du Sénégal devra trouver les voies et moyens pour faciliter aux entreprises le paiement d’impôts en dématérialisant la procédure. L’inspecteur des impôts et domaines plaide aussi une réforme de l’administration fiscale et en fin la rationalisation des dépenses fiscales. Sans compter la mise en place de mesures incitatives fortes comme une prime de régularisation pour encourager les PME PMI à venir se régulariser. Tous ces efforts ne pourront pas ne pas s’accompagner de sanctions contre les récalcitrants qui défieront la loi, a conclu le spécialiste.
Par Mbagnick DIOP
LA LONGUE MARCHE POUR LA SOUVERAINETE
L’année 2024 aura été une étape charnière dans l’histoire du Sénégal. S’en est fallu de peu pour voir le pays plonger dans un précipice creusé par un régime aux abois.
L’année 2024 aura été une étape charnière dans l’histoire du Sénégal. En effet, c’est en l’espace de neuf mois que le peuple sénégalais a pris son destin en main dans un contexte politique lourd de menaces et d’incertitudes. S’en est fallu de peu pour voir le pays plonger dans un précipice creusé par un régime aux abois.
Non content d’avoir été contraint à renoncer au troisième mandat qu’il a tant désiré et imposé, le Président Macky Sall a délibérément choisi d’entraîner le Sénégal dans la tourmente. Les nervis armés au moyen de procédures budgétaires nébuleuses, les grandes gueules qui, tels des dragons, ont craché du feu sur les plateaux de télévision, la calomnie pour bafouer l’honneur des juges constitutionnels, l’emprisonnement effréné de plus d’un millier de femmes et d’hommes accusés fallacieusement d’appartenir à une force spéciale sortie de l’imaginaire d’un ministre de l’Intérieur aux méthodes barbares, voilà le cokctail détonnant qui a angoissé le pays en 2024, prolongeant ainsi le malaise issu de la machination et de la répression sanglante enclenchée en 2021.
Face à cette situation, nous devons admettre que le salut du Sénégal est l’œuvre de la main invisible, celle du Seigneur, Dieu-Le Tout-Puissant.
Quant aux acteurs politiques il en est un, en l’occurrence M. Ousmane Sonko, dont la responsabilité et l’intelligence ont permis de transcender les équations qui ont émané de l’attitude exaspérante du Président Macky Sall. C’est en toute sérénité, dans les murs de la prison du cap manuel, que M. Ousmane Sonko a déjoué les coups fourrés juridiques et politiques enchaînés pour compromettre sa candidature à la présidentielle initialement programmée en février 2024.
En lieu et place d’une force organisée, une force citoyenne !
Pendant que Macky Sall menaçait les sénégalais en invoquant des forces organisées, M. Sonko constituait son ossature politique voire sa force citoyenne pour convaincre les sénégalais à envisager l’avenir avec sa carte de cœur en la personne de Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Ainsi fut décliné le bréviaire d’une alliance inoxydable « Sonko Moy Jomay » et « Jomay Moy Sonko ».
Le choix du cœur et de la raison a été donc consacré par 54 % des électeurs qui ont porté Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la victoire; celle d’une génération qui a sonné le glas politique des caciques. C’est aussi le début d’une ère politique qui substitue la souveraineté nationale aux rouages d’un système de gouvernance dont les sénégalais n’ont que trop souffert. En attestent les scandales économiques et financiers dont les auteurs ne doivent en aucun cas échapper à la justice. Et puisqu’on s’en remet légalement à la justice, il sied aussi de la rendre à la mémoire des martyrs de la révolution dont l’apogée s’est traduite par l’élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, sous l’égide de Ousmane Sonko
Au total, les 365 jours (2024) seront réécrits en 2025 sur le principe de la souveraineté nationale. Cependant, les sénégalais ne peuvent se soustraire aux sacrifices indispensables pour prendre éternellement leur destin en main. Il ne saurait en être autrement car la souveraineté est une longue marche inscrite dans l’agenda 2050.