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25 juin 2025
par Jean-Claude Djéréké
LES PAROLES SAINES DE PIERRE SANÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Alors que l’ennemi est sans état d’âme, l’Africain verse dans une sensiblerie frisant la stupidité. Une stupidité qui le conduit à faire l’éloge des liens soi-disant historiques avec la France au lieu de se demander si cela lui profite
Le Sénégalais Pierre Sané était au congrès constitutif du Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI). Le 17 octobre 2021, il y a prononcé une allocution qui a marqué les esprits, tant elle tranche par sa lucidité et sa franchise.
Ceux qui veulent du mal aux Africains, ceux qui leur pourrissent la vie depuis des décennies mais qui ont toujours avancé masqués et avec des paroles doucereuses, Sané n'a pas été tendre avec eux.
L’ancien secrétaire général d’Amnesty international commença par se présenter comme “membre dissident depuis que le Parti socialiste du Sénégal a trahi Laurent Gbagbo”. Il était important qu’il fasse cet aveu car Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Abdou Diouf et d’autres, quoique prétendant adhérer aux valeurs socialistes, n’avaient point hésité à dérouler le tapis rouge aux rebelles ivoiriens, à rigoler et à dîner avec eux, à hurler avec les loups français contre Laurent Gbagbo, à réclamer un châtiment exemplaire pour celui qui refusait de se soumettre à la France. Seul Amath Dansokho, qui n’appartient pas au Parti socialiste du Sénégal, s’abstint de tourner le dos au frère et ami ivoirien dont le seul crime était de défendre les intérêts de son pays.
Qui sont ceux qui n’ont jamais arrêté de nous rabaisser et de nous combattre ? Voici la réponse de Sané : “Ça fait 500 ans que la France et l’Occident nous font la guerre. Il faut qu’on identifie nos ennemis et qu’on puisse marquer sur le front de ces gens-là, E N N E M I S.” Il ajoute : “L’heure est venue ! Avec l’ennemi, on crée un rapport de force. Allons-y !”
Alors que l’ennemi est sans état d’âme, l’Africain, lui, verse facilement dans une sensiblerie qui frise la stupidité. Une stupidité qui le conduit à faire l’éloge des liens soi-disant historiques entre la France et son continent au lieu de se demander si cette relation lui profite vraiment. C’est cette stupidité qui a poussé des jeunes ne représentant qu’eux-mêmes à parler des problèmes du continent à Montpellier avec une France aux abois et en perte de vitesse dans ses ex-colonies. C’est la même stupidité qui fait que certains “intellectuels” africains invitent un jour les Africains à se détourner de la France parce qu’elle ne serait pas le centre du monde et, un autre jour, demandent à la même France de financer la démocratie en Afrique.
Tout se passe comme si nous avions peur de vivre sans l’ancien maître ou de nous affranchir de son étouffante tutelle. Pourtant, la manière dont nous avons été traités jusqu’à maintenant devrait nous ouvrir les yeux et nous faire adopter un comportement différent. Le massacre, au camp de Thiaroye (Sénégal) le 1er décembre 1944, des 300 tirailleurs africains après que ces derniers eurent contribué à libérer la France de l’occupation nazie, la fin tragique des Um Nyobè, Félix Moumié, Lumumba, Olympio, le génocide des Tutsis au Rwanda dans lequel des historiens français ont reconnu en mars 2021 la responsabilité de la France, l’assassinat de Mouammar Kadhafi, les bombes lancées sur la résidence qui abritait Laurent Gbagbo et sa famille, tout cela devrait nous rendre plus lucides et plus vigilants. En d’autres termes, les Africains se feront respecter, non en se résignant ou en se laissant faire, mais en sortant de la naïveté et de la superficialité. Ils deviendront forts, non en demeurant dans une relation qui ne leur apporte rien, mais en cheminant avec les peuples qui peuvent réellement les faire progresser.
Thomas Sankara le préconisait déjà le 4 octobre 1984 devant l’assemblée générale de l’ONU quand il déclarait : “Nous avons jusqu’ici tendu l’autre joue. Les gifles ont redoublé. Mais le cœur du méchant ne s’est pas attendri. Ils ont piétiné la vérité du juste. Du Christ ils ont trahi la parole. Ils ont transformé sa croix en massue. Et, après qu’ils se sont revêtus de sa tunique, ils ont lacéré nos corps et nos âmes. Ils ont obscurci son message. Ils l’ont occidentalisé cependant que nous le recevions comme libération universelle. Alors, nos yeux se sont ouverts à la lutte des classes. Il n’y aura plus de gifles.”
La République centrafricaine et le Mali ne veulent plus laisser personne les gifler. Ils sont en train de créer un rapport de force grâce à l’appui militaire de la Russie. Celle-ci est accusée par les autorités françaises de “captation de pouvoir” en Centrafrique via les mercenaires de force Wagner, ce qui peut prêter à sourire car les dirigeants français seraient incapables de prouver qu’ils n’ont jamais eu recours à des mercenaires pour renverser tel régime ou sauver tel autre régime en Afrique. Bob Denard et Paul Barril étaient-ils de nationalité russe ? La France peut-elle donner des leçons aux autres quand il est de notoriété publique que “tous les présidents de la Ve République ont laissé faire, sinon provoqué des opérations mercenaires” (cf. François Dominguez et Barbara Vignaux, “La nébuleuse des mercenaires francais” dans ‘Le Monde diplomatique’ d’août 2003, pp. 4-5) ? Le Mali n’a-t-il pas le droit de faire appel à un autre pays jugé plus efficace et plus sincère si la France s’est montrée complice des terroristes qu’elle était censée combattre ?
par l'éditorialiste de seneplus, demba ndiaye
VINGT-DEUX
EXCLUSIF SENEPLUS - Le pays n’est ni plus ni moins violent qu’hier. Mahmout Saleh a dit le week-end dernier tout haut ce qui se prépare dans les officines et cercles du pouvoir. Il faut toujours prêter une oreille attentive au théoricien des "coups d’État
À la page 1069 de Larousse (édition 2008), il y a la 22e lettre de l’alphabet : V. À la première colonne de cette page, il y a cette interjection familière et familiarisée par le cinéma : vingt-deux ! Juste à la colonne suivante de la même page, il y a un mot objet et sujet de tous les fantasmes malgré lui, de toutes les interprétations : violence. Pourquoi les onomatopées sont-elles révélatrices des grands mensonges de notre société ? L’actualité politique (les locales) veut faire de toi ; non ! de ton nom, le chiffon rouge anesthésique de ta vérité : tu es fondatrice et motrice de la vie...
Que l’on m’excuse (ou pas) des allers-retours autour desquels ce texte est construit, entre la « bible » Larousse, l’histoire mouvementée du mot « violence » et les interprétations multiples subies à son corps défendant.
Vingt-deux donc. De V, comme Violence. Si on en croit le Larousse, cette interjection (vingt-deux), familière et familiarisée dans notre quotidien par le cinéma, aurait rapport à « l’inopiné » et à la police. En effet, il indiquerait un « danger immédiat », « imminent » ; l’arrivée inopportune de quelqu’un, en particulier de la police. Acceptons pour le moment cette définition de « Vingt-deux ». Sa corrélation avec la violence et surtout la présence de la police dans la survenance de la violence. Même si, à notre avis, cette définition de la violence est très... contemporaine. La violence, comme on le verra plus loin, est plus vieille que la police dans la société dont elle semble faire le bras armé...
V comme violence ! Les respectables rédacteurs de Larousse, tout à leur pédagogie de ne pas faire peur ou d’enlever à ce mot sa charge de... violence, nous tendent une laisse : Violence donc : « caractère de de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, extrême, brutale ». Exemple : « tempête d’une brutalité extrême ». Cette définition semble renvoyer la nature de la violence à l’animalité, aux actes brutaux liés à la nature primale, première, primate, de notre humanité. De ce point de vue, elle met en pièces toutes les théories, voire les soupires désespérés d’un passé de paix, de sociétés de paix d’antan, de lustres (revenir au lustre d’antan, tu parles !) qui n’ont jamais existé...
L’humanité ne s’est pas construite par des tapes amicales, encore moins par une paix (« pax ») naturelle qui serait propre à l’humain. Toute l’histoire de l’humanité atteste une vérité fondamentale : elle s’est construite sur la violence, faite de violences brutales et...pacificatrices. Qu’elle soit animale dans l’évolution de notre longue humanité ou humaine, quand nous basculons après un long processus, dans notre humanité que nous connaissons aujourd’hui, les violences ont balisé notre évolution. Toute notre histoire humaine hurle de violence, expulse des laves de violences. Et son moteur depuis n’a jamais varié pour son but : la survie. Parce que la vie cohabite, s’accommode mal avec la rareté, l’insuffisance, voire l’accaparement, l’usurpation des moyens de vie, de vivre (des vivres donc) par une partie (la minoritaire) du groupe de la meute, de la société. La survie, la lutte pour la survie, du groupe, de la meute et plus largement du plus grand nombre, implique et impose la violence contre les prédateurs. D’hier à aujourd’hui...
Kaleidescope
Essayons maintenant de voir s’il y a corrélation entre 22, ses modes de manifestation et V, la Violence et ses formes multiples de manifestations ; celles qui sont dites « légitimes », voire « légales » et celles sauvages, inacceptables, parce n’étant pas frappées du sceau légitimés et légalisés par les usurpateurs du pouvoir, des pouvoirs (économique, politique, social) par moult manipulations et tours de passe-passe institutionnels, légalisés par des institutions qui souffrent de forts liens de dépendance de tous ordres, avec les classes dominantes...
Disons le net : les rapports de forces seuls, légitiment et légalisent la violence et la justifient. Et les formes et manifestations des rapports de forces sont aussi diverses que leurs interprétations.
Un taxi renverse et tue un gamin au détour d’une ruelle mal entretenue ; un pneu d’un car rapide explose, fait des tonneaux et occasionne des morts et des éclopés à vie ; un camion fou percute une maison ou les étals d’un marché avec bien sûr des dégâts humains et matériels ; un marché brûle et emporte les économies et espoirs de centaines de vies ; Modou dort et se réveille chaque matin avec ses deux épouses et leurs .. (?) enfants dans la même case ; au petit matin il fuit la « maison » parce qu’il n’a rien à donner à manger à sa famille… Un citoyen veut exprimer sa colère contre son patron, son gouvernement en usant d’un d’hôpital que lui reconnaît (croit-il) le texte fondamental de son pays : il est roué de coups de crosses de fusils des « gardiens de l’ordre », piétiné dans le panier à salade en route pour le cachot du commissariat ou de la gendarmerie : il y meurt sur la route de l’hôpital ou au service des urgences...100, 200, 550 travailleurs, chefs de famille ou célibataires en attente de fonder un foyer voient leur outil de travail fermé par un patron qui a dilapidé les ressources de la boîte et les jette, non pas sur la paille qui est somme toute douce, mais sur le chaud macadam des rues dont du reste, les « forces de l’ordre » lui interdisent l’usage pourtant légitime. Alors de quoi toutes ces violences-là parlent ? En quoi sont-elles illégitimes et illégales ? Qui en décide ? Qui les justifient ?
Liberté, égalité..abus de pouvoir
Il y a une propagande insidieuse, mensongère, idéologiquement envahissante qui se distille à longueur de journée, de commentaires de commentateurs et autres analystes, généralement bien appointés : certains hommes, politiques notamment, seraient foncièrement violents, antirépublicains, voire terroristes et rebelles le couteau entre les dents, ou le kalach entre les mains durant leurs manifestations. Ils seraient des nihilistes obtus ignorants des lois et règles de la République et de la démocratie. Une mauvaise engeance à extirper du paysage politique, avant que l’occasion se présente pour les exterminer...
Ainsi donc, l’opposant X n’aurait pas le droit d’aller rencontrer qui il veut, en l’occurrence une association légalement reconnue (ni rebelle ni terroriste) étant légalement domiciliée dans une rue d’un quartier, en face de la maison familiale de monsieur le DG... Ainsi donc, garer leurs véhicules dans cette rue, devant (coïncidence) le siège de l’association et le domicile du DG seraient une « provocation », un casus belli et donnerait le droit aux jeunes partisans du DG habitant le quartier de venir expulser manu militari ces indésirables, avec des armes blanches... Que l’on sache, il n’y a pas encore de panneaux signalant « interdiction de stationner, de se réunir ici, devant le domicile du DG X ». « Toute contravention fera subir au contrevenant, acté comme terroriste, violent, avec des connexions (fantasmées) avec des rebelles », la bile des courtisans et leurs baves assassinées, avant de subir le sabre sélectif de la loi...
On peut se boucher les yeux, les oreilles, la bouche, les puanteurs qui émanent de notre société franchiront toujours nos narines pincées, pour se loger dans les limbes de notre cerveau. Faisons en sorte que cela n’altère pas les circuits de notre cerveau pour nous permettre de circonscrire V, vingt-deux, dans leur champ conjoncturel de leur manifestation : une campagne électorale. Et les circonscrire dans cette zone de toutes les convoitises, légitimes des ambitions : un moment de la vie d’un pays.
Le pays n’est ni plus ni moins violent qu’hier. Aujourd’hui n’est pas plus dangereux qu’hier ; un hier qui n’a jamais été un havre de paix ni un lustre perdu et qu’il faudrait retrouver.
Et ceux qui profitent de ça pour appeler au retour de la peine de mort sont le produit de manipulations de groupements d’intérêts occultes qui luttent contre l’évolution de notre pays et de notre société...
On ne peut terminer ces réflexions sur la violence sans rappeler certaines violences qui ont accompagné la marche de notre « humanité », qui a été tout sauf paisible ni...morale.
Des guerres des religions aux conquêtes coloniales, des deux boucheries de 14-18, 39-45, en passant par l’intermède de la révolution soviétique de 1917, la guerre froide et le partage du monde, aux dictatures afro-latinos, et autres guerres de densité différente, notre histoire est celle de violences dont le fil conducteur semble être : la survie. Survie de féodalités, survie de religions aux visées évangélisantes ou islamisantes ; de lutte de classe entre ceux qui ont le plus ou tout et qui veulent le garder, ou ceux qui ont peu, si peu, ou rien, et qui veulent en avoir, pour sortir de leur état d’infra-humain. Chaque camp avec ces alliés et ses idéologues, ses vérités et ses mensonges. Les jurés armés. Et comme toujours dans l’Histoire, seuls les rapports de forces en détermineront l’issue. Les vainqueurs écriront, réécriront l’Histoire, l’histoire de ces odyssées.
Et pour terminer sur ...une ouverture périlleuse, mais combien vraie, du directeur de cabinet politique du président Macky Sall à Mbour le week-end dernier : les élections à venir ne sont pas des élections comme les autres, elles ne sont pas locales, elles détermineront le futur immédiat du pays. Et la candidature ou non pour le troisième mandat. Il fait bien allusion aux fameux rapports de forces dont on parlait plus haut. Si la majorité est vaincue, à plus forte raison défaite, ils n’auront aucune légitimité populaire pour affronter les vagues contestataires qui s’opposeront au troisième mandat. S’ils gagnent par contre, même sans raz-de-marée, ils tenteront un passage en force. Il faut toujours prêter une oreille attentive au théoricien des coups d’État, rampants, debout, etc. Il vient de dire tout haut ce qui se concocte, se prépare, dans les officines et cercles du pouvoir et sa périphérie. Aussi, je suis étonné du traitement à minima de ce pavé par la presse (la presse dite significative), et encore plus par le silence bruissant de l’opposition qui semble engluée dans la confection de ses listes.
Admiration, nostalgie, souvenirs, respect… sont souvent revenus de la bouche du parterre d’invités venus assister, samedi, à la cérémonie de lancement du livre de l’auteur Souleymane Elgas, paru sous le titre «Fadilou Diop, un juste»
Admiration, nostalgie, souvenirs, respect… ces mots sont souvent revenus de la bouche du parterre d’invités venus assister, samedi, à la cérémonie de lancement du livre de l’auteur Souleymane Elgas, paru sur le titre «Fadilou Diop, un juste». Le livre revient sur le parcours de l’avocat Me Fadilou Diop (1919-1986), ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Sénégal. Les témoignages quasi unanimes ont fini de montrer l’exemplarité qu’incarnait cet homme de valeur, pourtant peu connu de la génération présente.
La cérémonie de lancement du dernier livre de Souleymane Elgas qui revient sur le parcours de l’avocat Me Fadilou Diop a rassemblé samedi, au sein du Musée des civilisations noires de Dakar des sommités autant politiques, universitaires, membres du barreau que des connaissances amicales ou des membres de la famille. Tous ont unanimement salué la mémoire de l’illustre Me Fadilou Diop «homme de droiture, de synthèse, de talent, d’élégance, d’éloquence, de foi…». Et c’est dans la ferveur que l’auditoire a suivi et bu goulûment et avec volupté les différentes interventions ponctuées parfois de croustillantes anecdotes. Même la longueur des interventions n’a pu émousser l’attention des uns et des autres. De la brève présentation du livre, on retient qu’il constitue un pèlerinage dans le passé du principal personnage, retraçant son cursus, ses combats, ses convictions et principalement son patriotisme. L’auteur dira s’être évertué à transmettre, à travers des témoignages, cette trajectoire qui revivifie la dynamique d’une époque où l’ascension se faisait à la force des idées. Au fil des pages, il plonge le lecteur dans «la photographie d’une période charnière, avant et après les indépendances, avec les enjeux, les batailles, les péripéties. Toutes choses que Fadilou Diop a connu, avec une place privilégiée d’acteur de premier plan».
Parmi les témoignages celui de Cheikh Sourang aura retenu l’attention. Il décrit en la personne de Me Diop «un homme carrefour qui maitrise avec la même aisance les langues, les gestes, les mots. Un éducateur fini autant dans la parole que dans le comportement». Selon lui, comme avocat, Me Diop imposait admiration autant «dans les arguments que dans la conduite».
Le Professeur Abdoulaye Bathily évoque «un avocat patriote» qu’il a d’abord suivi de loin avant de le découvrir de plus prés. «Toutes les fois où nous avons été confrontés à des déboires judicaires, dans le cadre de combats politiques, Me Diop était toujours présent, de manière volontaire. Son action se confond incontestablement à l’émancipation et à l’expression de la liberté démocratique dans notre pays», dira t-il. Pr Abdoulaye Bathily encourage la nouvelle intelligentsia sénégalaise à davantage mener ce genre d’enquêtes, pour revenir sur le parcours des figures marquantes qui ont joué un rôle majeur, dans l’histoire de leur nation. Ne pas revenir sur le parcours de certains patriotes constitue un déni d’un important pan de l’histoire de notre pays.
Des témoignages, il ressort également que Me Fadilou Diop aura d’une manière ou d’une autre, de prés et de loin participé à la défense d’un Sénégal des valeurs assujetti à un Etat juste et respectueux des règles établies. Son humilité déconcertante était égale à sa fermeté dans le travail bien fait. Sa disponibilité pour les causes justes en faisait un homme de commerce facile. Me Diop était par-dessus tout, et au-delà de tout, un fervent croyant et un ténor du barreau, diront deux de ses anciens stagiaires.
MOHAMED MBOUGAR SARR PARMI LES QUATRE FINALISTES DU PRIX GONCOURT
L’écrivain sénégalais figure parmi les quatre finalistes du prix 2021 dont la liste a été rendue publique ce mardi
L’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr figure parmi les quatre finalistes du prix Goncourt 2021 dont la liste a été rendue publique ce mardi.
Ces quatre finalistes sont Christine Angot pour son roman ‘’Le Voyage dans l’Est’’, Sorj Chalandon avec ‘’Enfant de salaud’’, Louis-Philippe Dalembert et son ’’Milwaukee Blues’’ ainsi que Mohamed Mbougar Sarr pour ‘’La plus secrète mémoire des hommes’’.
Le prix Goncourt sera remis le 3 novembre prochain, au restaurant Drouant.
Cette prestigieuse distinction a été attribuée l’année dernière à Hervé le Thellier pour ‘’L’Anomalie’’ publié aux éditions Gallimard.
’’La plus secrète mémoire des hommes’’ est le quatrième roman de Mohamed Mbougar Sarr. L’ouvrage de 448 pages se présente comme ‘’un chant d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel. Un roman étourdissant, dominé par l’exigence du choix entre l’écriture et la vie, ou encore par le désir de dépasser la question du face à face entre l’Afrique et l’Occident’’, écrit l’auteur.
Coédité par les ‘’Éditions Philippe Rey‘’ France et ‘’Jimsaan’’, la maison d’édition de l’écrivain Felwine Sarr, Boubacar Boris Diop et Nafissatou Dia (Sénégal), le roman raconte l’histoire de Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, qui, en 2018, découvre à Paris un livre mythique ‘’Le labyrinthe de l’inhumain’’ paru en 1938.
’’Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T.C. Elimane, se confrontant aux grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par Amsterdam et l’Argentine, quelle vérité l’attend au centre de ce labyrinthe ?’’.
Diégane est un ancien d’un lycée militaire d’excellence au Sénégal et étudiant en lettres à Paris, ce qui n’est pas loin du parcours de l’auteur Mohamed Mbougar Sarr.
’’La plus secrète mémoire des hommes’’, roman de la rentrée littéraire, est en lice pour le ‘’Prix littéraire Le monde’’ et pour le ‘’Prix du roman news’’, ‘’Prix Renaudot’’, etc.
Mohamed Mbougar Sarr a déjà publié trois romans : ‘’Terre ceinte’’ (Présence Africaine 2015), qui a obtenu le Prix Ahmadou Kourouma et le Grand Prix du roman métis.
Il a aussi écrit le livre ‘’Silence des chœurs’’ (Présence africaine 2017) qui a été récompensé par les prix Littérature Monde et Etonnants Voyageurs en 2018 et ‘’De purs hommes’’ (Philippe Rey/Jimsaan 2018).
L’Académie du Goncourt a introduit quelques changements dans son règlement. Elle fait ainsi savoir que les ouvrages des conjoints, compagnons ou proches parents des membres du jury ne pourront pas être retenus.
Pour respecter le secret du vote, l’Académie a estimé que les 10 jurés du prix Goncourt "qui tiennent une rubrique littéraire dans un média s’abstiennent de chroniquer les ouvrages qui figurent dans la sélection aussi longtemps que ces ouvrages y figurent".
«UBBI TEY, JANG TEY» : QUAND LE DERNIER MOT REVIENT AUX ELEVES !
«Monsieur le Président de la République, Monsieur le Ministre de l’éducation Nationale, prochainement, veuillez recueillir l’avis des élèves avant de fixer une quelconque date pour l’ouverture des classes».
Pour la petite histoire, le concept «ubbi tey, jang tey» a été lancé en 2014/2015 par le régime du Président Sall, afin de mobiliser tous les moyens ainsi que tous les acteurs du système éducatif, avec pour objectif final de démarrer les cours dès le premier jour de rentrée. Personnellement, je suis mal à l’aise avec un tel concept parce que, comme l’assène souvent un collègue et à juste raison, dans un système normal, l’ouverture des classes est faite pour et seulement pour débuter les enseignements apprentissages.
Sept ans après son lancement, la concrétisation du concept demeure un défi majeur pour le ministère de l’Education nationale. Si dans certains établissements, du public en particulier, ce sont les table-bancs ou des salles de classes qui font défaut, dans d’autres, c’est le manque d’enseignants qui fait obstacle au démarrage effectif des enseignements. Ailleurs, ce sont des écoles où il n’y a ni désherbage ni nettoyage. En somme, c’est l’insalubrité totale. A ces problèmes listés plus haut, s’ajoute surtout l’absence des apprenants.
Dix jours après leur rentrée (14 octobre), la plupart des élèves brillent toujours par leur absence. Les enseignants, à qui je rends un vibrant hommage mérité, présents depuis le 11 octobre pour répondre à l’appel du devoir, se tournent toujours les pouces, pour la plupart d’entre nous. Quelques fois, s’ils arrivent à avoir des élèves, ils ne font cours que très timidement. Nous attendons toujours les nouveaux patrons du système éducatif qui définissent quand est-ce que les cours doivent réellement débuter. Si ma mémoire est bonne, c’est un Inspecteur de l’Education et de la Formation à Ziguinchor qui a récemment sorti une circulaire ordonnant aux enseignants de faire cours, même avec un seul élève présent. Ceci est une illustration parfaite de la situation en ce début d’année scolaire. Une image peut valoir mille mots/maux. Le changement comportemental ne s’est pas encore réalisé, du moins chez certains acteurs, pour que le «ubbi tey, jang tey» ne soit pas un slogan creux.
Par la seule volonté des élèves, le quantum horaire risque d’être entamé. Ce qui est inacceptable. C’est la raison pour laquelle, je pense qu’il est grand temps que la fin de la récréation soit sifflée pour les années à venir. Comment auraient réagi le ministère de l’éducation, les parents et même les médias, si d’habitude, les élèves en majorité, étaient présents les premiers jours et que ce soient les enseignants qui prolongeaient leurs vacances ? Bonne année scolaire 2021/2022 à tous les enseignants du Sénégal !
Saliou YATTE
Professeur d’anglais au lycée de Dodel Podor département
Email : yatmasalih@gmail.com
Par Arouna BA
COMMENT J’AI VECU (ET VAINCU) MON BEGAIEMENT, DU SCOLAIRE AU MONDE PROFESSIONNEL
Je me suis débrouillé seul pour trouver des stratégies plus ou moins efficaces afin de faire face à des situations difficiles de prise de parole durant tout mon parcours scolaire
Mon bégaiement a commencé dès le bas âge. Je ne me souviens pas d’avoir eu une parole fluide durant mon enfance. Je n’ai subi aucun traumatisme et personne ne bégaie dans mon entourage immédiat. Je n’ai jamais été suivi par un orthophoniste ou un psychologue. Je me suis débrouillé seul pour trouver des stratégies plus ou moins efficaces afin de faire face à des situations difficiles de prise de parole durant tout mon parcours scolaire. Aujourd’hui, j’ai dépassé la trentaine, je suis dans le monde professionnel et je suis toujours contraint de composer avec le bégaiement, mais avec une toute autre mentalité.
École primaire : lire à haute voix était difficile
Mes premiers souvenirs remontent à l’école élémentaire, au CI précisément. Je me rappelle avoir eu beaucoup de difficultés à lire à voix haute. J’avais du mal à prononcer correctement les mots et à finir des phrases. Bafouillages, répétitions, hésitations, blocages... étaient caractéristiques de ma parole. Répéter une phrase aussi simple que ‘’Sidy va à l’école’’ me prenait beaucoup plus de temps, comparé aux autres élèves. Je ne me sentais pas différent par rapport aux autres enfants, mais j’étais surpris de ne pas pouvoir parler comme eux. Je rappelle que notre maîtresse d’école, madame Ndao, était bienveillante à mon égard. Elle ne me faisait aucune remarque sur ma façon de dire les mots et ne me forçait pas à lire. Ce fut le cas durant presque tout mon parcours au primaire. Personne ne se moquait de moi en classe, même s’il y avait quelques petites railleries des camarades dans la cours de récréation.
Collège et lycée : stratégie de l’évitement
C’est au collège que j’ai eu le plus de mal à accepter mon bégaiement. Quand je me suis entendu parler pour la première fois, je me suis senti ridicule. J’avais une élocution saccadée, un débit rapide, beaucoup d’hésitations... Alors j’ai essayé de masquer mon bégaiement du mieux que j’ai pu. Je fuyais systématiquement toutes les situations de prise de parole en classe. Je parlais peu ou pas. Les tours de table pour se présenter en début d’année et les présentations d’exposés étaient un véritable calvaire. Je vivais un stress permanent lors des cours d’anglais où il y avait beaucoup d’exercices oraux. Je butais beaucoup sur les voyelles, en particulier la lettre A. Et cela a longtemps conditionné ma vie jusqu’à dicter mes choix alimentaires. Je préférais par exemple acheter du pain thon plutôt que le pain acara (beignets haricots) juste pour éviter le A de acara.
Et comme je l’ai expliqué à l’Association bégaiement communication du Canada, il y a quelques mois, mon prénom Arouna me posait encore plus de problème puisqu’il n’y a pas d’autre mot équivalent. Pour contourner la difficulté, je place une consonne devant pour le dire plus facilement : C Arouna, T Arouna... Malgré toutes ces difficultés, mon bégaiement n’a pas vraiment impacté ma scolarité. Mis à part les exercices oraux, j’ai beaucoup aimé les études et toujours eu de bonnes moyennes. J’ai même été, quelques fois, premier de ma classe. Au lycée, j’avais un peu plus confiance en moi et j’étais moins angoissé à l’idée de prendre la parole, surtout en public. C’est ainsi que j’ai été volontaire pour être responsable de classe et président du club scientifique pour encore plus me confronter à ces situations.
Monde professionnel : internet m’a sauvé
Mon bégaiement a toujours été en courbe sinusoïdale. Je suis capable d’enchainer une très bonne période avec d’autres plus compliquées. En classe de 3e au collège et en 1ère au lycée, je me souviens d’avoir eu des années très fluides. Pareil, durant quelques années à la fac. Pendant la période de formation professionnelle, par contre, tout était bien plus difficile. Parler était devenu un vrai supplice. Je déployais des efforts importants, voire extrêmes, avec peu de satisfaction. Et cela m’a fortement porté préjudice lors de mon tout premier entretien de stage qui finalement, restera le dernier. Je me rappelle encore de cet après-midi du mois de juin. J’avais rendez-vous avec l’entreprise à Dakar. J’avais parcouru une distance assez longue pour être sur les lieux à 15h. Il faisait chaud. J’étais fatigué. Je venais d’enchainer deux années de formation dans un contexte social très difficile. Et pour ne rien arranger, la peur d’être jugé sur ma façon de parler me tétanisait. Je vous passe les détails de l’entretien, mais je peux vous dire que j’ai fait pire que le rater, c’était une catastrophe. Et depuis lors, je me suis juré de ne plus passer des entretiens d’embauche. Sauf si c’est le président de la République qui m’appelle peut être. C’est ainsi que j’ai quitté ce secteur pour retourner à mes premiers amours : le web et internet de façon générale.
Pendant mes années de fac, j’avais développé des compétences dans ce domaine, notamment grâce à des formations avec Radio France International (Rfi) et avec des entrepreneurs du web sénégalais comme Basile Niane et Moustapha Sarr (bègue comme moi) qui m’ont fait découvrir le monde de l’entrepreneuriat web. Mais j’ai surtout eu la chance de rencontrer l’un des plus grands consultants Seo français, qui m’a proposé de travailler avec lui, sans m’embêter avec des entretiens ou des réunions en ligne, juste sur la base de ce que je savais faire. Et cela dure depuis des années maintenant. Aujourd’hui, ma posture professionnelle, le fait d’être jeune chef d’une petite entreprise (et d’une petite famille)m’aide à penser positivement et à me convaincre que je n’ai rien à prouver ni à craindre.
Mon bégaiement n’a pas disparu (même si j’ai l’impression de m’être bien amélioré), mais je l’ai vaincu puisque je ne crains plus de buter sur les mots face à n’importe qui et à n’importe quel auditoire. Sortir du bégaiement, c’est sortir de la peur de bégayer, comme disait l’autre.
La journée mondiale du bégaiement a été célébrée au Sénégal ce 23 octobre par l’Association pour la prise en charge du bégaiement au Sénégal (Apbs) avec comme thème ‘‘Parlons pour créer le changement’’. Sur ce, je partage cette réflexion de Stéphane Laporte, chroniqueur québécois : «J’aimerais dire à tous les petits culs qui bégaient de ne pas s’enfermer dans le silence. Bien sûr, il y aura toujours des cons pour rire de vous. Mais ce n’est pas grave. Eux n’expriment que leur bêtise. Vous, vous avez de belles choses à dire. Et ce n’est pas parce qu’elles prennent plus de temps à être transmises que vous devez les taire. Aristote, Isaac Newton, Jean-Jacques Rousseau, Winston Churchill, Albert Einstein bégayaient, et ils ont tous été entendus. Pour le bien de tous. Alors, parlez-nous. Pour le bien de vous. Pour le bien de nous. »
MARATHON EIFFAGE : TOUR DE PISTE AVEC SENAC ET BADIANE
Après la 2e édition tenue en mars 2019, le Marathon Eiffage de Dakar de cette année, dont le lancement s’est fait jeudi dernier, sera effectif pour sa 3e édition, les 20 et 21 novembre prochain, après un léger décalage dû à la pandémie du Covid-19
Après la 2e édition tenue en mars 2019, le Marathon Eiffage de Dakar de cette année, dont le lancement s’est fait jeudi dernier, sera effectif pour sa 3e édition, les 20 et 21 novembre prochain, après un léger décalage dû à la pandémie du Covid-19. Le Pdg d’Eiffage, Gérard Sénac, et son Dg-adjoint, Alioune Badiane, sont dans les starting-blocks. Entretien croisé.
La 3e édition du Marathon Eiffage de Dakar aura finalement lieu les 20 et 21 novembre prochain, Covid-19 oblige. Quel est le sentiment qui vous anime ?
Gérard Sénac : Si vous avez bien suivi le lancement d’hier (jeudi), Alioune (Badiane) a bien expliqué le pourquoi de cet engouement des équipes d’Eiffage pour ce marathon. Lorsqu’un gouvernement est représenté, la mairie de Dakar, le Cnoss (Comité national olympique et sportif sénégalais), de nombreux Sénégalais aussi présents au lancement, avec vous les médias, c’est que ça devient un événement important, international qui, je l’espère, à partir de la 3e édition, va devenir pérenne. Il faut souhaiter que tous les deux ans qu’on ne soit plus confrontés au Covid-19 ou autres.
Pour moi, c’est à la fois de la joie, un peu de fierté, un sentiment d’avoir réalisé un rêve parce qu’en 2016, on n’était vraiment pas sûrs de notre coup. Nous sommes entrepreneurs, nous ne sommes pas organisateurs de marathon. On travaille avec de jeunes entreprises, de jeunes médias, des structures existantes au Sénégal pour essayer, ensemble, de faire quelque chose pour le bien des Sénégalais. Une course comme celle-là, c’est avant tout la jeunesse. On va essayer de tendre la main à cette jeunesse qui a besoin de s’exprimer. On est restés bloqués, enfermés. Aujourd’hui, tout le monde a besoin de s’exprimer. J’espère que là aussi, comme lors du deuxième marathon, on sera accompagnés par les différentes régions du Sénégal au niveau du tourisme et que chaque région pourra mettre ses danseurs, son folklore, sa culture qui avaient plu énormément aux personnes venues d’Europe.
Contrairement à 2019 où l’évènement s’est tenu en mars, pour l’année 2021, vous avez été obligés de le décaler en novembre pour cause de Covid-19. Comment avez-vous vécu cette période difficile ?
Alioune Badiane : C’est vrai qu’on devait le faire en mars 2021. Mais comme vous le savez, avec cette pandémie, cela a été incertain pendant très longtemps. Actuellement, on est en train de constater une baisse notoire des cas. Cela veut tout simplement dire que les gens commencent à prendre confiance et que c’est faisable, malgré le fait qu’on y a toujours cru. On a été pugnaces.
A quel moment vous vous êtes dit que ça pouvait bien se tenir cette année ?
Alioune Badiane : On y a cru depuis le début. Même si on n’avait pas des éléments clairs qui pouvaient nous dire qu’on pouvait le faire à cette période-là. Mais on y a toujours cru. Ensuite, on s’est dit qu’il faut vivre avec ce virus. Il fallait, à ce moment-là, réfléchir pour mettre en place des dispositifs qui nous permettront de veiller à la santé des coureurs et de la population. On peut dire que c’était le plan B. Maintenant la pandémie est là, on va le faire, mais en prenant les mesures sanitaires qu’il faut. Mais il y a lieu de préciser que le Marathon est biannuel. Donc, cette troisième édition ne pouvait se faire qu’en 2021.
Avez-vous pris quand même le temps de tirer le bilan des deux premières éditions ?
Alioune Badiane : A chaque fois, on se rend compte de l’amélioration et de l’innovation. Ensuite, autour de l’équipe d’Eiffage, il y a un engouement et une solidarité de nos partenaires qui veut que ce marathon soit toujours une réussite. Dans le domaine des Btp, le challenge qu’on a, c’est toujours d’être le premier. On veut, dans d’autres domaines, être aussi les premiers, comme le marathon. Les retours qu’on a des gens qui ont participé, nous donnent encore le courage. C’est pourquoi le bilan ne peut être que positif pour les éditions passées. Nous pensons aussi qu’à chaque fois qu’un marathon est organisé, on aura toujours des bilans meilleurs.
Gérard Sénac : Il faut dire qu’on a toujours été en confiance, même s’il y a des moments où on en a douté. On s’est parlé à plusieurs fois. On ne pouvait pas imaginer que cela ne se fasse pas. Pas forcément pour nous, mais pour la jeunesse sénégalaise, pour la majorité de la population. On s’est donc dit qu’on le fera et qu’on précisera la date. On a eu des réunions avec le gouvernement, le Gouverneur et les différents services pour nous tenir prêts. En fait, on était sur le qui-vive : dès qu’une occasion se présente, on fonce. Ce qu’on a fait hier (jeudi dernier) avec le lancement. Alors que tous les marathons du monde sont, soit reportés soit supprimés, ce n’est pas le cas pour le Sénégal. Ensemble, nous avons essayé de travailler pour trouver la meilleure date. Aujourd’hui, il faut prier et se dire qu’il nous reste un mois. On espère que les coureurs pourront venir au Sénégal avec les règles mises en place par l’Etat du Sénégal.
Justement à un mois de cette troisième édition, est-ce que tout est fin prêt pour gagner le pari de l’organisation ?
Alioune Badiane : On a des prémices qui nous montrent qu’on est sur la bonne voie. Il ne faudrait pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. On ne peut pas dire qu’on a gagné déjà, mais on est sur une bonne lancée. Les inscriptions ont commencé, les gens commencent à communiquer. Il s’y ajoute que les cas (Covid-19) ont véritablement baissé. On est en train de prendre toutes les dispositions à notre niveau.
Après Haile Gebrselassie pour la première édition, Marie José Talou pour la seconde, Paul Tergat sera la guest-star pour l’édition 2021. Cela représente quoi d’avoir une légende à ce marathon ?
Alioune Badiane : C’est une stimulation. Cela veut dire que tous ceux qui sont intéressés par l’athlétisme, à travers ces figures qui l’ont marqué sur le plan mondial, voient que ce qu’on est en train de faire, ce n’est pas de la farce. Dès qu’on arrive à faire venir des gens de ce calibre, cela veut dire qu’Eiffage a mis les moyens nécessaires pour présenter à la population un marathon de dimension internationale.
Qu’en est-il de la collaboration avec la Fédération sénégalaise d’athlétisme ?
Gérard Sénac : La collaboration est d’abord effective entre les deux Etats, le Sénégal et la France, ainsi qu’avec les deux ministères des Sports. C’est un partenariat qui est en train d’être noué entre les autorités françaises et celles sénégalaises. Comme l’a dit le ministre Matar Ba, il veut profiter du marathon pour relancer l’athlétisme et que le président de la Fédération sénégalaise et son équipe se mettent demain à la recherche de talents. Et si nous, Eiffage, on peut contribuer à la recherche de jeunes talents sénégalais, lors de cette troisième édition, ce sera tout bénéf pour le Sénégal. Et j’espère qu’on va trouver de jeunes talents. Il ne faut pas oublier qu’il y a les Jeux Olympiques de la Jeunesse (Joj) dans cinq ans. Il y aura peut-être des jeunes qui vont se révéler maintenant. Et si quelques jeunes sont ciblés et sélectionnés par la Fédération, on pourrait peut-être les accompagner. Et je vois plus près avec les Jo de 2024 à Paris.
Alioune Badiane : A ce niveau, je crois que les autorités du Cnoss l’ont bien compris, d’autant plus que pour cette troisième édition, ils se sont impliqués considérablement et ils veulent en profiter pour commencer la sélection. Ils sont conscients que ce marathon peut servir de tremplin afin qu’ils puissent préparer l’organisation des Joj en 2026.
Est-ce qu’il serait possible d’avoir un ancien footballeur africain ou mondial ou dans une autre discipline que l’athlétisme ?
Gérard Sénac : Si des stars internationales nous font l’honneur de venir nous voir, on est prêts à les accueillir en leur offrant toutes les conditions. Pour l’instant, n’ayant pas ces compétences, nous avons Paul Tergat qui est quand même une star, un monsieur qui a été plusieurs fois champion du monde. On a vu l’effet Haile Gebrselassie. Quand il est arrivé à l’aéroport, tout le monde est allé lui serrer la main. Quand il est arrivé au niveau des stands, on a vu la réaction des jeunes sénégalais qui le connaissaient. Une belle image.
Alioune Badiane : C’est possible. On a eu des boxeurs comme Souleymane Cissokho, Souleymane Mbaye. A mon avis, ce n’est pas gênant d’avoir effectivement d’autres légendes du monde sportif.
Combien d’athlètes sont attendus pour la 3e édition ?
Alioune Badiane : Nous avons une option claire. On s’est rendu compte, tout le monde le sait, que les gens de l’Afrique de l’Est sont des professionnels. Et si on les met sur la même longueur d’onde que nos frères sénégalais, il y a de fortes chances que les professionnels kenyans ou éthiopiens soient meilleurs en termes de performances. On a donc préféré, pour cette édition-là, limiter le nombre. Une dizaine d’athlètes de haut niveau sont attendus. Par contre, aussi bien sur le plan des récompenses que des dotations, on va favoriser les Sénégalaises et les Sénégalais qui arriveront dans les premiers. Les voitures seront les primes les plus attractives réservées exclusivement aux Sénégalais qui seront devant. Il y a une enveloppe de 3 millions Cfa pour les premiers arrivants, des bourses pour les étudiants, des primes pour les handisports, mais aussi pour les plus âgés, les vétérans.
Qu’est-ce qui fera la particularité de cette 3e édition ?
Alioune Badiane : Il y a eu des événements qui se sont produits et qui ont fait qu’on était obligés, peut-être, de changer de fusil d’épaule. A cause des travaux de l’Etat du Sénégal, le Brt au niveau de la Place de l’Obélisque qui était notre base, il y a deux ans, on ne peut plus en disposer. Mais on n’a pas perdu au change, car on va s’installer au niveau du Musée des Civilisations et du Grand Théâtre. On a des infrastructures sur place et on envisage de les utiliser, les aménager pour que cela soit plus accueillant et conforme à ce qu’on veut faire, le sport et la culture.
Gérard Sénac : On a retenu les acquis des deux précédents marathons. Ce nouveau site va, en effet, nous permettre d’avoir une plus grande superficie. On a changé le mode de distribution des médailles et des tee-shirts pour améliorer les choses. Et à chaque marathon, on va innover. On va essayer d’éviter les petits soucis qu’on a eus. L’équipe aujourd’hui, c’est du changement dans la continuité, en prônant l’amélioration des acquis, les expériences. J’espère que les futures éditions seront encore meilleures.
Organiser un marathon demande énormément de moyens. Est-ce possible d’avoir le budget de cette édition 2021 ?
Gérard Sénac : Cela va être très difficile de donner un chiffre. Aujourd’hui, on est toujours en train de négocier les budgets des uns et des autres. Nous mettons tous les moyens techniques pour que ce soit un marathon réussi avec le budget le plus faible possible. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’on va limiter les choses, comme l’a dit Alioune, au lieu de faire venir 20 ou 30 spécialistes, on en fait venir que 10. Nous cherchons à faire des économies, sachant que la crise Covid-19 est passée par là. Elle nous a tous fatigués, aussi bien la société que les équipes et que nous allons devoir, avec nos partenaires, voir la juste mesure. Donc, aujourd’hui, on en est à un budget qui devrait être inférieur aux dépenses et investissements qui ont été faits lors des deux premières éditions. On n’aime pas annoncer des chiffres qui ne sont pas analysés. L’essentiel c’est de demander à chaque partenaire d’être compétent, d’être bon, mais avec un produit de qualité, en évitant de dépenser de l’argent, à part les investissements nécessaires. Disons que ce n’est pas un problème d’argent. La demande qui a été faite à Yacine (cheffe du projet), c’est qu’elle soit performante, qu’elle trouve les meilleurs partenaires, avec de meilleurs produits, de manière à assurer un marathon de qualité en toute sécurité. Après s’il faut dépenser 100 francs de plus, je pense qu’elle-même n’hésitera pas à les mettre. Et si on peut faire de l’économie pour réinvestir dans une association de la jeunesse ou de handicapés, c’est peut-être là-dessus qu’on va jouer.
Ce marathon, c’est surtout un investissement sur la jeunesse du pays. Un investissement qui va permettre au pays de gagner de l’argent par rapport au tourisme. L’objectif visé est que le Sénégal soit gagnant au final. On va avoir des gens qui vont arriver du monde entier pour découvrir le Sénégal et vouloir voir la ville de Dakar parce qu’en fait, le marathon va passer dans les beaux quartiers de la ville et ceux de la banlieue. Les gens vont tout découvrir. Et là, on pourra, peut-être, à la fin de l’année, se dire que les investissements, les recettes que le tourisme a générées, les hôteliers et tout cela, ont été équilibrés et le pays est content. Je pense que ce sera le bon budget.
Alioune Badiane : Il faut comprendre que c’est notre engagement et notre politique Rse qui nous animent et qui font qu’on organise ce marathon. Les objectifs de ce marathon, c’est d’abord de faire plaisir à la population sénégalaise, à notre personnel, s’approprier ce marathon et se faire plaisir. Ensuite, il y a l’urgence de la compétition. Ce qui fait que si on se mettait à mettre l’accent sur l’argent, on ne va pas y arriver. Alors que le but est de mettre en place et d’organiser un marathon de haute qualité. La troisième chose, c’est la promotion de la destination Sénégal. En dernier ressort, ce marathon est un marathon sénégalais, au-delà du fait que c’est Eiffage qui organise. Il faut que tous les Sénégalais se sentent concernés. Et le soir de cette fête-là, que tout le monde puisse rentrer chez lui, vraiment très joyeux, en parlant des récompenses, des retrouvailles et des rencontres qui ont été faites. Ce sera le bilan très positif qui nous donnera entière satisfaction.
«LA CRIMINALITE TRANSNATIONALE ORGANISEE A POUSSE LE GOUVERNEMENT A REORIENTER SA STRATEGIE DE SECURITE PUBLIQUE»
Entretien avec… Joseph Denis, coordonnateur du Bureau des affaires internationales en matière de stupéfiants à l’ambassade des Usa
Joseph Denis, coordonnateur du Bureau des affaires internationales en matière de stupéfiants et d’application de la loi (Inl) à l’ambassade des Etats-Unis au Sénégal, annonce dans cet entretien, réalisé par téléphone, que l’Etat du Sénégal a réorienté sa stratégie de sécurité publique en renforçant davantage sa collaboration avec les populations, les organisations de la Société civile et avec les organisations communautaires de base. M. Denis dresse aussi les grandes lignes d’une coopération dont les retombées seront déclinées lors d’une conférence nationale sur la sécurité collaborative qui se tient aujourd’hui et demain à Dakar.
Pourquoi la tenue d’une conférence nationale sur la sécurité collaborative au Sénégal ?
Inl est une structure d’assistance technique du Département d’Etat des Etats-Unis, qui exécute et développe des programmes d’assistance pour promouvoir la réforme du secteur de la sécurité civile et de la justice pénale. Donc, les programmes d’Inl améliorent l’accès à la justice et promeuvent la stabilité et la réforme démocratique, professionnalisent les Forces de l’ordre, appuient les acteurs locaux du secteur de la justice et forment les systèmes pénitentiaires. Au Sénégal, nous travaillons à renforcer la stabilité et la résilience sur le long terme du Sénégal face à la criminalité transnationale organisée en améliorant la capacité du gouvernement sénégalais à fournir les services de justice et de sécurité efficaces et efficients. Compte tenu de la mutation socio-politique dans la zone, la criminalité transnationale organisée, non seulement au niveau international, mais aussi au niveau local, dans la région, a poussé le gouvernement sénégalais, dans sa stratégie sectorielle de politique publique en matière de sécurité, à penser à réorienter sa stratégie de sécurité publique en renforçant davantage sa collaboration avec les populations, les organisations de la Société civile et avec les organisations communautaires de base ; d’où la notion de sécurité collaborative. Donc, la sécurité collaborative est une approche d’application collaborative de la loi et de la gouvernance sécuritaire pour une meilleure collaboration et une prise en compte plus appropriée des prises en compte des citoyens tout en s’appuyant sur une stratégie de sécurité basée sur la transparence, la responsabilité, l’efficacité, l’anticipation et la prévention. Donc, cette conférence s’inscrit dans le cadre stratégique du gouvernement sénégalais visant à installer un climat d’assurance, de sécurité, installer la paix sociale et renforcer la cohésion sociale qui est au cœur des conditions préalables à l’émergence socio-économique du pays.
Que pouvez-vous dire sur la situation sécuritaire au Sénégal ?
La sécurité publique est placée au cœur de la stratégie de développement du Sénégal qu’est le Plan Sénégal émergent (Pse). Donc, les autorités ont compris qu’assurer un climat stable et la paix sociale comme conditions est un préalable pour l’émergence socio-économique. Dans ce contexte, le gouvernement a mis en place cette nouvelle stratégie pour livrer des services de sécurité, qui sont centrés sur les besoins de la population ; d’où ce qu’ils appellent la gouvernance sécuritaire de proximité, à travers un maillage national et aussi à travers un changement de paradigme, qui demande une approche préventive et de la sécurité. Donc, dans ce contexte, et avec l’aide de plusieurs partenaires incluant l’ambassade des Etats-Unis, nous avons appuyé le gouvernement avec trois programmes sur la sécurité collaborative. Et dans ce contexte, ils ont développé une doctrine de police de proximité ; ils ont mis en place l’Asp (Agence de sécurité de proximité). Ils ont établi des mécanismes au niveau départemental et des mécanismes collaboratifs pour rapprocher la population des Forces de l’ordre, bâtir la confiance et renforcer la cohésion sociale au niveau des communautés. Il y a tout un ensemble d’initiatives mises en place et tout un ensemble de résultats qui ont été atteints durant ces 5 dernières années et que vous aurez l’opportunité de découvrir demain (Ndlr : aujourd’- hui) à la conférence. Le gouvernement a mis, tout d’abord, en place le concept de quartier sûr et ils ont mis en place des plateformes collaboratives, par exemple on a eu des projets prioritaires, des projets dans les 5 communes du département de Guédiawaye où ils ont mis en place des comités consultatifs communautaires qui incluent toutes les forces vives de la population : les Ocb, les chefs religieux, les Badienu goxx, les Forces de défense et de sécurité, les maires, les préfets…Tout ce beau monde s’assoit ensemble autour de la table pour faire un diagnostic local de sécurité, la cartographie locale des problèmes de sécurité et, ensemble, ils ont développé un programme local de sécurité avec lequel ils décident, de façon collaborative, de comment résoudre ces problèmes de sécurité. Compte tenu des préoccupations et défis sécuritaires, le gouvernement est passé à un réajustement stratégique. Il reconnaît que la sécurité et la lutte contre l’insécurité demandent une approche inclusive.
Est-ce que vous sentez un engagement de la part des populations par rapport à ce que vous leur proposez ?
Vous aurez l’occasion de le découvrir pendant la conférence où les membres de comités consultatifs vont présenter les travaux qui ont été réalisés au niveau de leurs différentes communes. Au début de l’un de nos projets, il y a une enquête qui a été faite et, donc, le sentiment de satisfaction du travail des forces de sécurité était, avant le projet, à environ 42% ; et après le projet, ce sentiment de satisfaction était de 98%. Les rapports avec les Forces de défense et de sécurité étaient de 35% avant le début du projet ; et à la conclusion du projet, c’était à 98%. Et la coopération de la part des populations de cette communauté était avant le projet à 38%. 100% de ces gens-là contactés ont exprimé leur satisfaction à la fin du projet. C’est pour vous dire qu’il y a une dynamique qui s’est développée au niveau de ces différentes communautés. La police de proximité est un objectif stratégique, pour la Police nationale, dans son plan national de développement. Le ministère de l’Intérieur, dans sa stratégie sectorielle de sécurité publique, la gouvernance sécuritaire de proximité est maintenant stratégique. Et ça s’est traduit par la mise en place des communautés de brigade au niveau de la gendarmerie et au niveau de la police avec la police de proximité. Vous avez, peut-être, vu cette semaine que la Police nationale a inauguré un commissariat au niveau de Mbao qu’ils appellent commissariat de police de proximité. C’est un commissariat moderne où il est prévu des espaces pour que la police soit plus à l’écoute des citoyens, de la communauté. Il y a aussi des espaces pour recevoir, en toute discrétion, des personnes qui ont été victimes de crimes ou de violences sexuelles, qui demandent une sorte de confidentialité. Ce rapprochement entre les différentes strates de la société au niveau de la communauté est une dynamique qui existe dans plusieurs communes et départements. Il apparaît aussi qu’en dehors de ces communes, communautés où ces dynamiques sont en place, les populations, de manière générale, ne soient pas informées à propos de leurs rôles et responsabilités dans la lutte contre l’insécurité.
Quel est le coût de ce programme et quelle est sa durée ?
Dans notre portefeuille de police de proximité, nous avons trois programmes complémentaires. Un premier programme qui s’appelle Dialogue sur la justice et la sécurité. C’est un programme mis en œuvre par l’Institut américain pour la paix. C’est un programme qui a porté sur les 5 dernières années et d’un montant de 1,2 million de dollars. Il y a un autre programme qui s’appelle stratégie de police de proximité, qui a travaillé surtout avec la police, la gendarmerie et l’Asp et visant à mettre en place des réformes institutionnelles que nécessite l’approche police de proximité. Ce programme qui porte sur les 5 dernières années est d’un montant de 1,4 million de dollars. On avait un autre programme, qui s’appelait Initiative pour la sécurité routière dans le Sahel. Il était exécuté dans les trois pays du Sahel. Donc, pour la partie sénégalaise, le montant a été de 2 millions de dollars. Ce programme a été mis en œuvre par l’Ong locale Partner’s West Africa, qui a travaillé sur des axes routiers tels que Dakar-Matam, Dakar-Ziguinchor, Dakar-Tambacounda et où le processus a été partout le même : mettre toutes les parties prenantes ensemble et diagnostiquer les causes principales des accidents de la circulation sur ces différentes routes. Nous savons que les accidents de la circulation constituent un lourd fardeau pour le Trésor public. Beaucoup de morts sont notés sur ces axeslà. Et la plupart de ces accidents sont liés au comportement humain. Donc, la collaboration et la coopération entre les populations et les organisations de la Société civile ont influé sur ces comportements pour réduire, un tant soit peu, ces accidents de la circulation. On voit aussi que les groupes criminels utilisent aussi les routes pour commettre leurs méfaits. Voilà pourquoi ce programme est approché sous l’angle de la criminalité transnationale organisée.
Par Hamidou ANNE
LES BLESSURES DE L’AILLEURS
L'Occident s’est arrogé le droit de circuler sur la planète en s’affranchissant des barrières, mais refuse ce droit aux Africains, exigeant d’eux qu’ils soient les hommes d’un seul coin du globe. C’est cette injustice que le Prix Nobel de Gurnah met à nu
Le prix Nobel de littérature 2021 a été attribué à un Africain. L’Académie a salué l’œuvre du Tanzanien Abdulrazak Gurnah «pour sa pénétration sans compromis et pleine de compassion des effets du colonialisme et du sort du réfugié dans le fossé entre les cultures et les continents». Après Wole Soyinka, Naguib Mahfouz, Nadine Gordimer et John Maxwell Coetzee, Gurnah est le cinquième Africain à recevoir ce prestigieux prix qui couronne, d’une certaine façon, la carrière d’un écrivain. Alors que le Kényan Wa Thiong’o est, comme à chaque année, cité comme grand favori, c’est un Tanzanien qui est récompensé, 18 ans après le dernier prix reçu par un Africain.
Abdulrazak Gurnah est né à Zanzibar. Il vit, depuis une quarantaine d’années, en Angleterre où il est arrivé en tant que réfugié fuyant la répression de sa communauté en Tanzanie. L’Académie récompense un réfugié dans une période où les blessures de ceux qui fuient leurs pays pour un mieux-être ailleurs sont aggravées par la stigmatisation des partisans d’une identité exiguë, exclusive et les racistes de tous ordres. Gurnah vit en Angleterre ; son prix est quelque part une récompense pour son pays d’accueil où il est devenu, dit-il, «écrivain par accident». La distinction apparaît comme une leçon d’une vieille académie aux pratiques et aux formes anciennes, donnée à une Europe engluée dans une spirale d’exclusion des autres et à la merci des racistes qui ne voient en l’autre – surtout un Noir ou un Arabe – qu’un problème à indexer, une créature à insulter ; un autre à qui il faut intimer l’ordre de rentrer chez lui, voire qu’il faut renvoyer à la mer au mépris de sa dignité et de sa vie. Aussi bien en Angleterre qu’en France, en Espagne ou en Allemagne, le discours identitaire explose et devient audible au-delà des frontières européennes. Les Noirs et les Arabes sont les acteurs, malgré eux, d’une série morbide qui fait la une des médias et renie toute tentative de recours à la raison.
Des hommes violents et dangereux comme Éric Zemmour sont crédités d’intentions de vote qui dépassent l’entendement, tellement leur discours est teinté de haine pour les réfugiés, les migrants, les étrangers, les musulmans, en somme, les autres qui ne sont pas blancs et chrétiens, et donc ne sont pas suffisamment bien pour cette Europe qui a passé des siècles à étendre ses tentacules loin de ses bases géographiques et culturelles.
L’Europe est injuste. Il n’y a pas un continent qui a autant exercé sa liberté d’aller voir ailleurs pour y imposer sa loi, souvent par la violence. L’esclavage, la colonisation, le néocolonialisme, l’impérialisme économique, culturel…L’Europe est encore très présente ailleurs, mais jamais on n’interroge la volonté de ses citoyens de toujours explorer d’autres horizons. Ils peuvent circuler ; il s’agit de leur liberté qu’ils ont réussi à imposer aux autres, pendant que ces derniers subissent humiliations et interrogations quand ils osent même imaginer partir.
Elle trouve en les différents ailleurs les ferments de sa puissance. Elle s’est arrogée le droit de circuler sur une vaste planète, la terre, en s’affranchissant de toutes les barrières, mais refuse ce droit aux Africains en exigeant d’eux qu’ils soient les hommes d’un seul coin du globe. C’est cette injustice que le Prix Nobel de Gurnah met à nu, peut-être sans le vouloir, mais c’est en tout cas le sens qu’il faut aussi donner à cette récompense.
Un président européen avait traité les réfugiés de «fuite d’eau». En Grande Bretagne, le Brexit, soutenu par l’extrême droite du pays, a accentué le discours raciste vis-à-vis des communautés étrangères, jugées désormais indésirables. La finale perdue par l’Angleterre lors du dernier Euro de football a été le prétexte pour des milliers de gens, de s’en prendre à trois Noirs de l’équipe qui ont eu le malheur de rater leur tir-au-but.C’est un membre de cette société qui, comme presque partout en Europe, fait face à la résurgence du racisme, qui a été récompensé par l’Académie du Nobel pour son œuvre qui tisse les fils du dialogue entre les peuples et défend l’apport des émigrés à la culture européenne.
Pourquoi les gens partent-ils ? Pourquoi décident-ils de quitter leur royaume d’enfance pour se soumettre aux rudesses de la vie ailleurs ? La guerre, l’indigence économique, les changements climatiques, l’exercice de la liberté sacrée de circuler sur une terre que rien ne devrait entraver, l’appel de l’ailleurs ou simplement le choix de rester dans le pays d’accueil car on s’y sent bien, au point de penser lui apporter une partie de soi.
Ainsi, Abdulrazak Gurnah a raison de dire que les réfugiés ne viennent jamais les mains vides, ils sont les dépositaires d’une histoire et d’une culture qui enrichissent les pays d’accueil. Les raisons du départ sont nombreuses et chaque émigré à sa propre réponse à la question «pourquoi êtes-vous parti ?». Mais pour tous, partir, au fond, est une blessure que le temps ne soigne presque jamais.
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UN BRÉVIAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT DU SÉNÉGAL
René Lake présente sur VOA, l'ouvrage "Enjeux 2019-2024: Sénégal, réflexions sur les défis d'une émergence" lancé par SenePlus dans la foulée de la dernière présidentielle. Le document de 528 pages lève le voile sur les freins à la bonne marche du pays