CONTINUER À PARLER EN 2021 DE FRANC CFA, C'EST UNE FORME D'ANOMALIE
L’économiste français Thomas Piketty donne son avis sur la question du Franc CFA qui cristallise les débats entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique
L’économiste français Thomas Piketty donne son avis sur la question du Franc CFA qui cristallise les débats entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique.
ÇA NE M'INTÉRESSE PAS D'AVOIR DES BASES DE TOUTE ÉTERNITÉ SUR LE SOL AFRICAIN
"La France n'a pas vocation à rester dans la durée au Mali", a déclaré le président Emmanuel Macron, interpellé vendredi par des jeunes Africains qui lui réclamaient le départ de l'armée française du Sahel
"Je pense que nous n'avons pas vocation à rester, c'est pour ça que nous sommes en train de fermer des bases. A Tessalit ou à Kidal (nord du Mali), notre travail n'est pas d'avoir des bases militaires. L'Etat malien doit avant tout revenir", a-t-il insisté, lors d'une table ronde avec des jeunes Africains au sommet Afrique-France de Montpellier, dans le sud de la France. "Ce que je veux, c'est qu'on retire les bases militaires le plus vite possible, mais ça suppose un retour d'un Etat fort et des projets d'investissement, pour que les jeunes ne se tournent pas, dès que les groupes terroristes reviennent, vers le pire". "Mon objectif, c'est bien celui-là. Ca ne m'intéresse pas d'avoir des bases de toute éternité sur le sol africain. Ce n'est pas la vocation de la France", a-t-il assuré. "La France n'est là que pour lutter contre le terrorisme, pas pour soutenir tel ou tel régime", a-t-il ajouté, en rappelant que l'armée française est intervenue depuis 2013 au Mali à la demande du gouvernement malien.
Paris a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire au Sahel, en quittant notamment les bases les plus au nord du Mali (Kidal, Tombouctou et Tessalit) et en prévoyant de réduire ses effectifs dans la région d'ici à 2023 à 2.500-3.000 hommes, contre plus de 5.000 aujourd'hui. Le président français discutait avec plusieurs jeunes Africains, dont le blogueur sénégalais Cheikh Fall, qui lui a lancé: "Cessez de coopérer et collaborer avec ces présidents dictateurs. Et programmez un retrait progressif et définitif de vos bases militaires en Afrique".
Il a aussi répondu aux nombreuses accusations des jeunes sur le soutien de la France à des "dictateurs" africains qui "tripatouillent la Constitution" pour rester au pouvoir. Les jeunes ont cité le Tchad, la Guinée et la Côte d'Ivoire. Dans chacun de ces pays, a-t-il dit, la France a réduit ses projets d'investissement de gouvernement à gouvernement pour passer davantage par des projets avec la société civile.
Il a aussi expliqué que dans chacun de ces cas, la France soutenait des projets de transition démocratique, comme au Tchad où le processus est guidé par l'Union africaine, après la prise de pouvoir du fils du président défunt Idriss Déby Itno, Mahamat. "Mais j'ai dit transition, pas transmission", a insisté le président le président français.
NOUS AVONS UNE DETTE ENVERS L'AFRIQUE
"On ne peut pas avoir un projet d'avenir pour la France si elle n'assume pas sa part d'africanité", a lancé vendredi Emmanuel Macron lors du sommet Afrique-France, soulignant que "près de sept millions de Français sont intimement liés à l'Afrique"
"Nous avons une dette envers l'Afrique", "un continent qui fascine le monde entier, qui parfois en effraie d'autres", a-t-il ajouté, allusion aux débats sur l'immigration qui marquent les débuts de la campagne présidentielle. Emmanuel Macron a défendu ce "nouveau sommet", où il est le seul chef d'Etat, puisque les dirigeants africains, prévus dans une version initiale du sommet en 2020, n'ont finalement pas été invités. En revanche, l'Arena de Montpellier, dans le sud de la France, accueillait 3.000 invités, dont environ 700 jeunes représentants de la société civile africaine. "Notre pays s'est construit dans ce rapport à l'Afrique. Nous avons près de sept millions de Français dont la vie est intimement, familialement, de manière directe, en première ou en deuxième génération, liée à l'Afrique", a insisté Emmanuel Macron.
"On ne peut pas avoir une France qui construit son propre roman national si elle n'assume pas sa part d'africanité, si elle ne regarde pas à travers ces pages sombres ou heureuses", a-t-il souligné. "Nous tous dans cette salle, n'avons pas choisi notre histoire et notre géographie". "Nous sommes les héritiers de tout cela", a-t-il développé, en appelant plutôt à choisir "comment bâtir l'avenir". "Un pays comme la France a un devoir de répondre aux demandes de la jeunesse africaine", a-t-il encore dit, estimant que ce sommet d'une nouveau type illustre une nouvelle relation entre la France et l'Afrique. Il est fait aussi pour "toute nos diasporas, les Français et Françaises binationaux qui font vivre cette relation".
Le chef de l'Etat prône une autre relation entre la France et l'Afrique mais est régulièrement interpellé sur le passé colonial. "L'Afrique est mariée avec la France, un mariage forcé depuis plus de 500 ans", lui a ainsi lancé une artiste africaine dans la matinée. Ce à quoi le chef de l'Etat a répondu: "si on reste dans le face-à-face ou le dos à dos, on n'avancera jamais".
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AU SOMMET DE MONTPELLIER, LES AFRICAINS NE MÉNAGENT PAS LA FRANCE
Sans complaisance derrière de grands sourires, ils ont fustigé le "colonialisme", "l'arrogance" ou le "paternalisme français": de jeunes Africains venus de tout le continent ont bousculé le président Emmanuel Macron lors du sommet Afrique-France
Sans complaisance derrière de grands sourires, ils ont fustigé le "colonialisme", "l'arrogance" ou le "paternalisme français": de jeunes Africains venus de tout le continent ont bousculé le président Emmanuel Macron lors d'un sommet Afrique-France vendredi à Montpellier (sud).
Lors d'une séance plénière électrique et sous des salves d'applaudissements, onze jeunes Malien, Kényan, Burkinabé, Kényan, Camerounais....ont bousculé les usages et interpellé le président français, hôte de cette rencontre sans chefs d'Etat africains, une première dans l'histoire des sommets entre la France et le continent.
Ce format inédit privilégiant la société civile a été voulu par la présidence française, mais pris à bras le corps par les jeunes participants.
"La rupture a été voulue par les Africains, il ne faut pas croire qu'elle se décide à Montpellier", dans le sud de la France, s'est exclamée une jeune Malienne, Adam Dicko."L'Afrique n'est pas un continent de misère ou de chômage, mais un continent jeune, optimiste, enthousiaste", a-t-elle poursuivi.
Sur scène, au milieu des participants, le président français écoutait attentivement, prenant des notes, avant une séance de réponses.
- Pas de "pardon" -
Le blogueur sénégalais Cheikh Fall a demandé à la France de "demander pardon au continent africain" pour les crimes de la colonisation."Et cessez de coopérer et collaborer avec ces présidents dictateurs.Et programmez un retrait progressif et définitif de vos bases militaires en Afrique!", a-t-il lancé à M. Macron.
Une jeune ressortissante du Kenya, pays anglophone, a sommé le président de s'engager à mettre "fin à la Françafrique" et ses pratiques opaques, et pointé les contradictions de la France.
"Elle est elle-même enlisée dans des questions de racisme, et elle vient nous donner des leçons de démocratie ? Nous trouvons ça un peu arrogant", a lancé Adèle Onyango.
Prenant la parole, le président Macron a reconnu "la responsabilité immense de la France car elle a organisé le commerce triangulaire et la colonisation", mais s'est refusé à demander pardon, privilégiant "un travail de vérité" et non de "honte de soi et de repentance".
Dans son discours liminaire, le président avait loué "la part d'africanité de la France".
"Nous avons une dette envers l'Afrique", "un continent qui fascine le monde entier, qui parfois en effraie d'autres", a-t-il ajouté, allusion aux débats sur l'immigration qui marquent les débuts de la campagne présidentielle française, et qui ont été pointés à plusieurs reprises par les participants au sommet.
Le panel de jeunes Africains qui ont interpellé le chef de l'Etat français a été sélectionné à l'issue des dialogues menés pendant des mois à travers le continent par l'intellectuel camerounais Achille Mbembe, chargé de piloter le sommet.
- Restitutions -
Dès le début de la matinée, les centaines de jeunes participants avaient déjà exprimé leurs attentes, leurs doutes et leurs frustrations lors de tables rondes consacrées à la démocratie, la culture, le sport ou l'entreprenariat.
Arrivé en fin de matinée, Emmanuel Macron a déambulé dans les stands et annoncé que la France redonnerait fin octobre au Bénin 26 œuvres d'art provenant du "Trésor de Béhanzin", pillé au palais d'Abomey en 1892 pendant les guerres coloniales.
Il met ainsi en oeuvre un engagement pris en novembre 2018, dans le cadre de cette "nouvelle relation" que la France entend nouer avec le continent et dont les restitutions constituent un des points saillants.
À l'issue du sommet, le président français, probable candidat à sa réélection dans sept mois, pourrait faire d'autres annonces, s'appuyant sur les propositions d'Achille Mbembe.Parmi elles, la création d'un Fonds destiné à soutenir les initiatives de promotion de la démocratie, des programmes permettant une plus grande mobilité étudiante, ou la mise en place d'un "forum euro-africain sur les migrations".
Le tout dans un contexte particulièrement délicat.L'influence de la France dans son ancien pré-carré est de plus en plus disputée, particulièrement par la Russie.Et Paris est en crise ouverte avec deux de ses anciennes colonies, le Mali et l'Algérie.
LE PRIX NOBEL DE LA PAIX ATTRIBUE AUX JOURNALISTES MARIA RESSA ET DMITRY MURATOV
Les deux professionnels de l'information ont été choisis parmi les 329 candidatures proposées pour succéder au Programme alimentaire mondial (PAM), nobélisé l’an dernier
Clou de la saison Nobel, le prix de la paix a été attribué ce vendredi 8 octobre aux deux journalistes Maria Ressa et Dmitry Muratov au terme d’une édition très ouverte parmi 329 candidatures proposées cette année. Tous deux ont été récompensés pour « leur combat courageux pour la liberté d’expression » dans leurs pays respectifs, aux Philippines et en Russie.
Maria Ressa et Dmitry Muratov « sont les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables », a déclaré la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, à Oslo. Maria Ressa avait notamment été honorée par le magazine Time aux côtés de Jamal Khashoggi en 2018.
La liberté d’information récompensée pour la première fois
Âgée de 58 ans, Maria Ressa a cofondé la plateforme numérique de journalisme d’investigation Rappler en 2012, un média qui a braqué les projecteurs sur « la campagne antidrogue controversée et meurtrière du régime (du président philippin Rodrigo) Duterte », a fait valoir le comité Nobel. D’un an son aîné, Dmitry Muratov a quant à lui été un des cofondateurs et un rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta, une des rares voix encore indépendantes en Russie où la dissidence se heurte à une féroce répression.
Le quotidien a notamment mis en lumière « la corruption, les violences policières, les arrestations illégales, la fraude électorale et les “fermes de trolls” et l’a payé au prix fort », a souligné le comité : six de ses journalistes ont perdu la vie, dont Anna Politkovskaïa, tuée il y a 15 ans quasiment jour pour jour. Dans un monde où, comme le veut l’adage, « la première victime de la guerre, c’est la vérité », il s’agit du premier prix Nobel de la paix, en 120 ans d’histoire, à récompenser la liberté d’information en tant que telle.
Moscou félicite le journaliste d’opposition
Le Kremlin a immédiatement salué le « courage » et le « talent » de Dmitry Muratov. « Nous pouvons féliciter Dmitry Muratov. Il travaille en continu en suivant ses idéaux, en les conservant. Il est talentueux et courageux », a déclaré aux journalistes le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Vendredi, à la suite de l’annonce du prix Nobel, Dmitry Muratov a annoncé dédier cette récompense au Novaïa Gazeta, et à ses collaborateurs assassinés pour leur travail et leurs enquêtes. « Ce n’est pas mon mérite personnel. C’est celui de Novaïa Gazeta. C’est celui de ceux qui sont morts en défendant le droit des gens à la liberté d’expression », a-t-il dit, cité par l’agence de presse publique TASS, listant les noms des six journalistes et contributeurs au journal assassinés. « Puisqu’ils ne sont pas avec nous, (le Comité Nobel) a visiblement décidé que je le dise à tout le monde (…) Voilà la vérité, c’est pour eux », a-t-il ajouté.
Un prix venant avec un chèque de près d’un million d’euros
Dmitry Mouratov a précisé ne pas avoir pu décrocher le téléphone lorsqu’il a reçu l’appel du Comité Nobel car il travaillait et ne pas avoir encore eu le temps de lire le texte de l’annonce. Son journal a précisé qu’une partie de la somme reçue pour son prix Nobel de la Paix sera versée à un fonds caritatif aidant les enfants qui souffrent de maladies rares. Cette organisation, Kroug Dobra (Le cercle de la bonté) a été fondée à l’initiative de Vladimir Poutine en janvier.
Consistant en un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 10 millions de couronnes (980 000 euros), celui-ci est remis traditionnellement le 10 décembre, date anniversaire de la mort d’Alfred Nobel (1833-1896). Après celui de la paix, seul Nobel à être décerné dans la capitale norvégienne, la saison Nobel retournera à Stockholm pour un bouquet final avec le prix d’économie lundi.
AMADOU BA ENTAME SA MARCHE SUR DAKAR
Visite de proximité au Plateau, Amadou Ba a sa stratégie pour conquérir l’Hôtel de ville de Dakar
Amadou Ba a entamé hier sa marche pour la conquête de Dakar. Pour ceux qui en doutaient, sa première sortie sur l’avenue Georges Pompidou (Ex-Avenue Ponty), à Sandaga et à Niaye Thioker édifie sur les véritables ambitions de l’ex-argentier de l’Etat pour la capitale, qui a eu à échanger avec les commerçants évoluant dans ces parties du Plateau.
Amadou Ba a sa stratégie pour conquérir l’Hôtel de ville de Dakar. Et il n’avance pas masqué. Beaucoup de gens guettaient ses faits et gestes et attendaient sa première sortie. Jusqu’ici, l’opinion n’a eu droit qu’à un Amadou Ba accompagnant le chef de l’Etat successivement à Yoff et Thiénaba. Le Président Macky Sall s’était rendu dans ces cités religieuses au mois d’août dernier pour présenter ses condoléances au nom de la Nation, après les décès du Khalife général des Layènes, Serigne Abdoulaye Thiaw Laye, et celui de Thiénaba, Serigne Abdourahim Secfk.
A Yoff, l’ancien ministre des Affaires étrangères sera même accueilli par le maire de ladite commune, Abdoulaye Diouf Sarr, son actuel rival pour la candidature de la majorité présidentielle à la ville de Dakar. Hier donc, Amadou Ba a d’abord fait une descente en plein centre-ville. Après avoir rendu visite à ses anciens collègues de la Direction générale des impôts et domaines (Dgid), une structure de l’Etat qu’il a dirigée avant d’atterrir au ministère de l’Economie et de finances, Amadou Ba a ensuite effectué une visite de proximité au Plateau. Celle-ci l’a conduit tour à tour à l’avenue Georges Pompidou (Ex-Avenue William Ponty), au marché Sandaga et enfin au quartier Niaye Nioker.
Sans barrière, sans masque, l’ex-argentier de l’Etat s’est tapé un bain de foule et a pu, du coup, mesurer sa popularité au sein d’acteurs aussi importants que les commerçants. Ils étaient nombreux à s’approcher de l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise. Certains pour lui serrer la main, d’autres pour échanger avec lui. Amadou Ba, dans ses déplacements du jour, n’a pas manqué de s’introduire dans les cantines et autres échoppes tenues par ces acteurs du secteur informel, qui feraient partie de son programme pour la ville de Dakar. Même les vendeurs à la sauvette étaient un sujet intéressant pour l’ancien ministre de l’Economie, des finances et du plan. Ce dernier leur a prêté même une oreille attentive afin d’avoir une idée sur leurs préoccupations, doléances ou revendications.
L’étape de Sandaga, le cœur du Dakar économique, a dû certainement être un des temps forts de la visite de proximité du responsable de l’Alliance pour la république (Apr). Ce haut lieu d’échanges avait été démoli pour être rebâti. Ce chantier n’avait pas manqué de faire l’objet de vives polémiques entre les commerçants, privés de leur cadre de travail, et les autorités de l’Etat.
NIBEL DE LITTÉRATURE, LE ROMANCIER TANZANIEN ABDULRAZAK GURNAH COURONNÉ
Le Prix Nobel de littérature a été décerné par l’Académie suédoise à l’écrivain tanzanien, Abdulrazak Gurnah, 72 ans, ce jeudi 7 octobre à Stockholm
Le Prix Nobel de littérature a été décerné par l’Académie suédoise à l’écrivain tanzanien, Abdulrazak Gurnah, 72 ans, ce jeudi 7 octobre à Stockholm. Dans l’histoire de la littérature, ce n’est que le deuxième écrivain d’Afrique noire à avoir reçu le prix littéraire le plus prestigieux au monde. Né en 1948 sur l’île de Zanzibar, Abdulrazak Gurnah est arrivé en Grande-Bretagne en tant que réfugié à la fin des années 1960.
L’Académie suédoise a, encore une fois, déjoué tous les pronostics en attribuant le Prix Nobel de littérature, jeudi 7 octobre, à un écrivain africain. Jusqu’ici, seulement quatre lauréats du plus prestigieux prix littéraire au monde étaient issus du continent africain, l’Egyptien Naguib Mahfouz (1988), les deux Sud-Africains Nadine Gordimer (1991) et John Coetzes (2003), et un seul auteur venait d’Afrique noire, le Nigérian Wole Soyinka, en 1986. Selon les dires du président du comité suédois, le lauréat Abdulrazak Gurnah était dans la cuisine lorsqu’il a été informé de la bonne nouvelle. Il a confié avoir cru à un «canular». Pour le jury à Stockholm, l’auteur notamment du roman Paradise s’est distingué pour son récit «empathique et sans compromis des effets du colonialisme et le destin des réfugiés pris entre les cultures et les continents». Les jurés ont également loué son «attachement à la vérité et son aversion pour la simplification». Dans une interview à la Fondation Nobel, Abdulrazak Gurnah a déclaré être «très fier» de son prix et a appelé l’Europe à voir les réfugiés venus d’Afrique comme une richesse, en soulignant qu’ils ne venaient pas «les mains vides».
Un Nobel moins «eurocentré»
La distinction d’un lauréat de Tanzanie peut être interprété comme signe de prendre au sérieux la promesse du président du comité Nobel de 2019 d’être dorénavant «moins eurocentré» et plus ouvert à la littérature «dans le monde entier». Jusqu’ici, sur les 118 lauréats, 95 écrivains sont issus de l’Europe ou de l’Amérique du Nord, soit 80%. L’œuvre de l’écrivain tanzanien, Abdulrazak Gurnah, se distingue particulièrement par son approche originale et globale des questions fondamentales de notre époque comme l’identité et la migration et le déchirement géographique et culturel de millions de gens dans le monde. Parmi ses livres les plus lus se trouvent Paradise, publié en 1994 et à l’époque présélectionné par le prestigieux Booker Prize, Desertion (Adieu Zanzibar en français, 2005) et By the Sea, publié en 2001 et également remarqué par les jurés du Booker Prize. Dans ses livres, il a fait preuve de sa capacité de transcender les effets du colonialisme et la tragédie vécue par les réfugiés à travers les tensions voire la perte de leur culture et leur identité. Près de la mer, paru en 2001, avait obtenu le prix RFI Témoin du monde.
Le colonialisme et ses conséquences
Afterlives, son dernier roman publié en 2020, est un manifeste contre l’oubli. Abdulrazak Gurnah y raconte l’histoire de Ilyas, un enfant enlevé à ses parents par les troupes coloniales allemandes et qui revient dans son village après avoir combattu pendant des années dans une guerre contre son propre peuple. Né le 20 décembre 1948 sur l’île de Zanzibar (son pays natal a fusionné en 1964 avec le Tanganyika pour former la République unie de Tanzanie), dans l’océan Indien, Gurnah a fait lui-même la douloureuse expérience de l’exil. Forcé de fuir l’oppression et la persécution exercées par le régime du Président Abeid Karume contre les citoyens d’origine arabe, il s’exile, à l’âge de 18 ans, au Royaume-Uni, car Abdulrazak Gurnah appartenait au groupe ethnique victime. Ce n’est qu’en 1984 qu’il a pu retourner à Zanzibar, ce qui lui a permis de voir son père peu avant la mort de ce dernier. Après avoir commencé à écrire en swahili, sa langue maternelle, l’auteur a publié depuis une dizaine de romans et plusieurs nouvelles en langue anglaise.
Entre 1980 et 1982, il a enseigné aussi au Nigeria, à l’université Bayero de Kano, avant de rejoindre l’université de Kent à Canterbury, où il a obtenu son doctorat en 1982 et où il a été, jusqu’à sa récente retraite, professeur d’anglais et de littératures postcoloniales. Parmi ses priorités figure son intérêt pour la littérature postcoloniale, surtout concernant l’Afrique, l’Inde et les Caraïbes. Dans ce cadre, il a coordonné plusieurs projets de recherche concernant les œuvres de Salman Rushdie, V.S. Naipaul, Anthony Burgess ou Joseph Conrad, écrivain majeur dont Gurnah s’est manifestement inspiré pour le personnage de Yusuf, jeune héros innocent, de son livre acclamé Paradise. «C’est une très bonne nouvelle pour la littérature africaine puisque Abdulrazak Gurnah est un de ces écrivains très secrets, très professionnels, très discrets...»
Pour l’écrivain d’origine djiboutienne, Abdourahman Waberi, qui l’a rencontré et qui a écrit sur son œuvre, cette récompense n’est que justice pour un écrivain en marge des grands courants littéraires. Selon lui, il représente la mémoire de l’île de Zanzibar. «Il n’a pas toujours été Tanzanien, il est resté au Zanzibar avant la Tanzanie. Disons qu’il est dépositaire de cette mémoire de Zanzibar. Il est parti jeune, vers une vingtaine d’années, en Angleterre. C’est un écrivain de l’exil et de la mémoire et de la littérature. C’est une sorte de Proust, on pourrait dire, moderne, est-africain, swahili puisque sa langue maternelle est le swahili. C’est un univers qu’on connaît très mal, y compris à Rfi, c’est ce monde qui va d’Oman, du Yémen à Zanzibar, jusqu’aux rives du Mozambique. Et il a en mémoire cet univers-là.»
CULTURES URBAINES, LA RECONNAISSANCE DE NENE FATOUMATA TALL
16 ans d’existence, des milliers de jeunes formés aux disciplines des cultures urbaines
16 ans d’existence, des milliers de jeunes formés aux disciplines des cultures urbaines. Mais l’association Africulturban, dirigée par Matador, n’a jamais été soutenue par les autorités. Il aura fallu attendre la mise en place du Fonds de promotion des cultures urbaines (Fdcu) pour que les choses changent. Hier, une nouvelle phase a été franchie avec l’octroi par le ministère de la Jeunesse, d’une subvention à l’association.
Mme Néné Fatoumata Tall, ministre de la Jeunesse, n’est pas insensible à l’influence que les cultures urbaines exercent sur la jeunesse. «De nos jours, les cultures urbaines qui s’appuient sur les modes d’expression favoris des jeunes, notamment le Web, les réseaux sociaux, le graffiti, le hip-hop, sont de nouvelles formes d’engagement promues par les jeunes à partir de leurs organisations de base et qui renforcent leur appartenance au lieu de vie, de proximité communément appelé Goox en wolof», déclare la ministre. Intervenant hier au cours d’une remise de subvention à une soixantaine d’associations dont les cultures urbaines, Mme Néné Fatoumata Tall, ministre de la Jeunesse, de souligner que «l’intérêt qui s’attache à l’Initiative de développement communautaire recommande au ministère de la Jeunesse, de mobiliser tous ses efforts et ressources pour accompagner les associations de jeunes à travers des séances d’activités citoyennes spécifiques participant à la politique d’emploi initiée par le président de la République dénommée Xeyu ndaw ni».
A travers cette subvention, les «cultures urbaines y voient une reconnaissance» de la part du ministère de la Jeunesse pour n’en avoir jamais bénéficié, réagit Matador qui dirige l’association Africulturban. «Par rapport à notre expérience en culture urbaine, on a 16 ans d’existence. On travaille avec des jeunes, pour les jeunes surtout dans la formation professionnelle, on n’a jamais vu le ministre de la Jeunesse à côté de nous», soutient Matador, le représentant des cultures urbaines. «On a toujours eu ce sentiment d’être à l’écart de ce qui se passait dans ce pays en tant que jeunes. On avait des projets qu’on déposait un peu partout dans le monde, on reçoit des subventions qui viennent de l’extérieur pour des activités de formation en son et lumière», ajoute le rappeur qui reconnaît que «depuis un certain temps, avec le fonds de développement des cultures urbaines, on en est à 215 associations».
Selon le rappeur, ce fonds a permis aux jeunes de se formaliser. «Cette année, on a eu 215 projets qui seront subventionnés par l’Etat. Si on reçoit une subvention du ministère de la Jeunesse, moi je dis : Alhamdoulilah, ça commence à bouger. Pour construire, il faut se baser sur la jeunesse, tout ce qu’elle demande c’est d’être accompagnée. Si l’Etat nous accompagne, on va régler pas mal de problèmes en matière d’emploi», argumente le rappeur qui souligne que «la culture, les gens pensent que c’est juste chanter et danser. Mais il y a des métiers derrière.»
Au cours de cette cérémonie de remise symbolique de chèques, chaque association a reçu 650 mille francs