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23 août 2025
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ILS ONT RENDU À L’AFRIQUE SA GRANDEUR
Réhabilitateurs de la véritable histoire de l’Afrique, les professeurs Barry et Bathily sont, de l’avis de Penda Mbow, les dignes continuateurs de l’œuvre de Cheikh Anta Diop, de Joseph Ki-Zerbo et de leurs pairs, qui en furent les pionniers.
Le département d'histoire de l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) a récemment rendu un hommage mérité aux professeurs Abdoulaye Bathily et Boubacar Barry, deux historiens engagés qui ont contribué non seulement à former des générations d’historiens, mais aussi à exhumer la véritable histoire de l’Afrique, loin des conceptions impérialistes européennes qui ont longtemps été imposées aux Africains sur ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été. Penda Mbow, historienne médiéviste, est un témoin privilégié du parcours de ces chercheurs aux patronymes assonants et rimant.
Ce n’est un secret pour personne : l’Occident a longtemps falsifié l’histoire de l’Afrique, sans laquelle celle de l’Occident n’existerait même pas, puisque, jusqu’à preuve du contraire, l’Afrique demeure le berceau de l’humanité et des vieilles civilisations, dont certains pans ont été appropriés par d’autres peuples du monde.
Il aura fallu qu’à une certaine époque, des Africains courageux et engagés s’investissent dans la recherche et déconstruisent ce tissu de mensonges (beaucoup trop répétés au point de sembler vrais) pour qu’on cesse de raconter l’histoire de la chasse uniquement du point de vue du chasseur. C’est à cette mission que se sont consacrés des géants comme Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo et bien d’autres historiens. En réhabilitant l’histoire du continent, ils ont posé les jalons sur lesquels les générations suivantes ont pris dignement le relais. Boubacar Barry et Abdoulaye Bathily s’inscrivent dans cette lignée.
C’est en reconnaissance de leur immense contribution à une meilleure connaissance et compréhension de l’Afrique et des Africains que ces chercheurs ont reçu ces hommages, de leur vivant. Ce fut l’occasion de les mettre au-devant de la scène et de souligner combien leurs travaux ont permis à l’Afrique de se révéler à elle-même. Car il faut savoir qui l’on est pour ambitionner d’aller où l’on veut.
Lorsqu’on aspire à construire l’unité de la sous-région et du continent tout entier, étudier les travaux de Bathily et Barry est un impératif dont on ne peut se détourner. Ils ont notamment étudié les anciens royaumes et empires de l’Afrique de l’Ouest, comme le Ngabou, le Walo ou encore le Ouagadou (Sénégal), entre autres.
Dans cette entrevue exclusive, Penda Mbow, historienne elle-même, explique la pertinence de célébrer ces deux enseignants-chercheurs, cample le contexte dans lequel Bathily et Barry ont exercé leur sacerdoce et la manière dont ils ont restauré l’histoire de l’Afrique en lui rendant sa grandeur. Avec une précision chirurgicale, la cadete détaille en quoi chacun de ces deux scientifiques, qui sont ses devanciers, ont contribué à élever l’Afrique, à la suite de figures emblématiques comme Cheikh Anta Diop et Joseph Ki-Zerbo.
LA RACINE DU MAL
Après Babacar Ngom sur les terres de Ndingler, Tahirou Sarr est l'autre homme d'affaires sénégalais poursuivi par la clameur, pendant que les étrangers, eux, jouissent sans grand bruit de milliers d'hectares
Après Babacar Ngom sur les terres de Ndingler, Tahirou Sarr est l'autre homme d'affaires sénégalais poursuivi par la clameur, pendant que les étrangers, eux, jouissent sans grand bruit de milliers d'hectares.
L'affaire Tahirou Sarr a eu le mérite de remettre sur la table la lancinante question de la gestion du foncier au Sénégal. Placé sous mandat de dépôt, notamment pour escroquerie sur les deniers publics et blanchiment de capitaux, l'homme d'affaires réputé être proche de l'ancien régime aurait proposé au juge un cautionnement estimé à plusieurs dizaines de milliards, dont un titre de 8 000 ha, qui a suscité une vive controverse. Comment une seule personne peut bénéficier d'une superficie aussi importante ? Avant Tahirou Sarr, un autre homme d'affaires sénégalais, en l'occurrence le PDG de la Sedima, Babacar Ngom, avait lui aussi fait l'objet de vives critiques de la part des populations. Leur tort, souvent, c'est de bénéficier de quantités importances de terres, au moment où nombreux sont les Sénégalais qui peinent à disposer même d'un petit lopin à usage d'habitation. Mais pourquoi seuls les investisseurs nationaux sont-ils victimes de ces contestations ? Sont-ils les seuls à profiter de ces hectares de terres arables ? La loi interdit-elle d'attribuer autant d'hectares à une seule personne ? ‘’EnQuête’’ fait le point.
Il y a seulement quelques jours, le ministère de l'Agriculture, Dr Mabouba Diagne, publiait sur sa page Facebook un MOU signé avec la société italienne Boniface Ferraresi International. “Ce partenariat ambitieux s’inscrit dans la mise en œuvre du Plan Diomaye pour la Casamance, avec pour objectif de transformer la région de Sédhiou en un pôle agricole intégré. Sur plus de 10 000 ha, ce projet vise à développer l’agriculture, l’élevage et la pisciculture”, informent les services de Dr Mabouba Diagne.
Pour justifier la signature de cet accord, le ministère invoquait la “nécessité impérieuse” de réduire les 1 070 milliards F CFA dépensés chaque année par le Sénégal en importations de denrées alimentaires. Soulignant que l'investissement devait tourner autour de 134 millions d'euros, le ministre relevait que la collaboration devait commencer ”immédiatement”.
Avant les Italiens, d'autres investisseurs étrangers ont eu à bénéficier de l'octroi de milliers de terres dans la zone des terroirs. Mais à la différence des attributions faites en faveur des nationaux, cela passe très souvent comme lettre à la poste. C'est le cas des 20 000 ha attribués à la société Sen Huile Sen Ethanol devenue Les Fermes de la Teranga et qui est passée entre plusieurs mains avant d'atterrir dans celles du sulfureux homme d'affaires roumain Franck Timis, nous informait le journaliste Abdoulaye Cissé dans une enquête publiée en janvier 2021. Là également, on parlait d'un projet agricole, plus précisément de culture de luzerne destinée principalement à nourrir le bétail dans les marchés arabes. La liste des investisseurs ayant bénéficié de ces attributions est loin d'être exhaustive. Et c'est loin d'avoir commencé sous le régime du président Macky Sall ou de son prédécesseur Abdoulaye Wade.
D'ailleurs, à propos des 8 000 ha de Tahirou Sarr, il se dit qu'il les aurait acquis de l'écrivain et ancien ministre du Plan sous le régime socialiste Cheikh Hamidou Kane. Activiste proche des milieux de l'Alliance pour la République, Bah Diakhaté rapporte : “Il convient de préciser que ces terres ont été vendues publiquement par Cheikh Hamidou Kane, auteur de ‘L'aventure ambigüe’. Elles ont été achetées publiquement par Tahirou Sarr. Cela n'a donc pas été fait en cachette.”
Une longue tradition d'accaparement des terres
Dans un article publié au cœur de l'affaire Ndingler, feu Amadou Tidiane Wane, ancien conseiller du président Abdou Diouf en développement rural, par ailleurs ingénieur agronome, confiait à ‘’EnQuête’’ qu'il avait tellement souffert de ce problème, surtout dans le delta. L'État, selon lui, avait pris 25 000 ha en son temps pour les donner à des inspecteurs généraux, des gouverneurs, des hauts fonctionnaires, des ministres, des gens qui n’étaient même pas de la région. Quand il a été président du Comité après-barrage, il a demandé à l'autorité de tout récupérer et de les rendre aux populations. Car, soulignait-il, ces terres n’appartiennent même pas à l’État, mais aux communautés. “En Conseil des ministres, le président nous avait donné raison et toutes les terres ont été restituées à qui de droit”, informait l'ancien président du comité ayant en charge les 240 000 ha du delta du fleuve.
Pourtant, le génie sénégalais avait trouvé, selon lui, une solution “géniale” pour concilier modernité et tenure coutumière de la terre par les populations. Par la loi 64-46 du 17 juin 1964, le Sénégal prenait la décision historique d’inscrire sous le régime du domaine national plus de 95 % de ses terres. De son vivant, M. Wane, également ancien maire de Kanel, s'est toujours positionné en défenseur invétéré de cette loi cible de nombreuses agressions et menaces. Il a toujours insisté sur l'inaliénabilité des terres du domaine national. ‘’Comme on dit : les terres du domaine national sont imprescriptibles et inaliénables. Il est totalement impossible de prendre une délibération au profit d’un particulier, de la transformer en bail en vue de donner un titre définitif à ce même particulier. Sur les terres du domaine national, on ne peut disposer que de l’usufruit en vue de l’exploitation. Et il y a des conditions pour en être bénéficiaire. Il faut, d’abord, habiter dans la commune ; ensuite, il faut une mise en valeur des terres. Enfin, on ne peut en faire un titre foncier. C’est strictement interdit par la loi 64-46 sur le domaine national ainsi que le décret 78-12’’.
Trouver le juste milieu entre préserver les terres et le besoin d'exploitation
Cela dit, la loi n'interdit pas l'attribution des terres à des particuliers capables de les mettre en valeur. Ce qui est formellement interdit, c'est de céder ces terres à des gens qui vont en faire leurs titres privés. Dans la pratique, l'État foule aux pieds cette interdiction et procède de manière abusive à l'immatriculation des terres à son nom. C'est ainsi la porte ouverte pour procéder ensuite à des attributions à des particuliers, souvent au détriment des communautés. L’esprit du domaine national, aimait dire Amadou Tidiane Wane, est surtout de réserver ces terres au bénéfice exclusif des communautés.
L’État, soulignait-il, ne doit pouvoir les immatriculer à son nom que s’il justifie d’un intérêt public. ‘’Si l’Administration a immatriculé ces terres en vue de les donner à un quelconque particulier, elle a outrepassé la législation. L’État ne peut immatriculer les terres du domaine national que pour un projet d’intérêt public : une route, un hôpital, une école, quelque chose qui va appartenir à l’ensemble de la population. On ne peut immatriculer pour un intérêt privé’’, confiait-il à ‘’EnQuête’’.
À la question de savoir si un projet ayant des retombées économiques ne pourrait pas être considéré comme un projet d’intérêt général justifiant la soustraction des terres au domaine national ? Il répondait trois fois non, avant de donner quelques exemples qu'il avait eus à gérer quand il était aux affaires. La solution qui avait été trouvée à l'époque, c'était de donner l'usufruit à l'investisseur et de l'obliger à associer les communautés au projet.
Quid de la responsabilité des fonctionnaires impliqués dans le processus d'attribution ?
Si certains spécialistes comme feu Amadou Tidiane Wane sont catégoriques sur l'impossibilité pour l'État d'immatriculer les terres du domaine national pour ensuite les attribuer à des privés, dans la pratique, les exemples font florès. Au cœur de cette procédure d'attribution, il y a la Commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD) qui est tenue de se prononcer sur l'opportunité, la régularité et les conditions financières de toute attribution, rappelait l'éminent spécialiste professeur Abdoulaye Dièye.
De l'avis de nombreux spécialistes, au cœur de la plupart des scandales fonciers, réels ou présumés, se trouve cette instance, où siègent un représentant du ministre des Finances qui préside la commission, le directeur de l'Enregistrement et des Domaines, le directeur des Affaires civiles et du Sceau pour le compte du ministère de la Justice, le directeur de l'Urbanisme et de l'Architecture, le DG de l'Anat, le directeur du Cadastre, le contrôle financier de l'État et la Dscos, entre autres. Après la validation de cette commission, le directeur des Domaines établit une attestation et le chef du bureau des Domaines se chargera des autres formalités qui seront approuvées par l'autorité administrative compétente.
Selon de nombreux observateurs, l'État ne saurait sanctionner Tahirou Sarr dans l'affaire le concernant sans sanctionner ceux qui ont été impliqués dans le processus d'attribution.
LE PÉRIL POPULISTE MONDIAL
Hamidou Anne livre une analyse des mécanismes qui érodent les démocraties, du Sahel aux capitales occidentales. Son plaidoyer pour un Sénégal ouvert sur le monde mais fidèle à ses valeurs résonne comme un rempart contre les tentations du repli
Invité de l'émission BL6 animée par Pape Alioune Sarr ce dimanche 2 mars 2025, l'essayiste et politologue Hamidou Anne a livré une analyse de la montée inquiétante du populisme à l'échelle mondiale. Une menace qu'il considère comme le fil conducteur reliant les diverses crises internationales actuelles.
"Le populisme est une méthode qui dit qu'il faut ériger un rapport direct avec le peuple, qu'il faut céder aux injonctions du peuple, qu'il faut défendre les intérêts du peuple et qu'il n'y a pas d'intermédiaire," a expliqué Anne. Selon lui, ce phénomène politique se caractérise essentiellement par "l'ignorance des corps intermédiaires" et le contournement des institutions démocratiques.
L'intellectuel sénégalais a disséqué les deux visages du populisme contemporain. D'un côté, "le populisme de gauche" qui, s'inspirant des travaux d'Antonio Gramsci et d'Ernesto Laclau, intègre "les dimensions féministes, écologiques, les luttes décoloniales" en créant "une chaîne d'équivalence" entre ces différentes causes. De l'autre, le "populisme de droite autoritaire" qui promeut "une conception ethnique de la nation", comme en témoignent les mouvements d'extrême droite en Europe.
Cette grille de lecture populiste, Anne l'applique directement à la situation en Afrique de l'Ouest, où quatre pays de la CEDEAO sont aujourd'hui dirigés par des juntes militaires. "Ce qui m'a choqué, c'est surtout la résurgence de ces coups d'État et les masses sortant inonder les rues pour les saluer," a-t-il déploré, identifiant dans ce phénomène une dangereuse "normalisation" de l'autoritarisme sous couvert de discours anti-élites et anti-occidentaux.
Face à ces dérives, Hamidou Anne défend une vision résolument internationaliste du Sénégal, "terre ouverte à tous les apports fécondants du monde". Une position qu'il oppose directement aux replis identitaires promus par les mouvements populistes. "Le Sénégal est aujourd'hui un pays qui a envoyé ses fils partout... la pire des choses, c'est de se fermer totalement sur soi-même," a-t-il affirmé avec conviction.
Le politologue établi également des parallèles saisissants entre ces dynamiques africaines et les bouleversements internationaux, de l'élection de Trump avec sa "diplomatie transactionnelle" aux reconfigurations des alliances en Ukraine et à Gaza. Pour lui, ces crises s'inscrivent dans un même mouvement de remise en question de l'ordre international libéral.
"La démocratie est comme une fleur qu'il faut arroser au quotidien pour maintenir sa vitalité et sa verdure," averti Anne, appelant à une vigilance constante face à la montée des discours populistes qui menacent les fondements mêmes de nos sociétés démocratiques.
LE PAYS MESURE SA DÉPENDANCE À L'ÉTRANGER
Trois mille dossiers d'état civil en suspens à Djinaky, des programmes de santé compromis, un ambitieux projet d'électrification menacé : le pays découvre brutalement les conséquences de la suspension de l'aide américaine
(SenePlus) - La récente suspension de l'aide américaine, décidée par le président Donald Trump, a brutalement interrompu de nombreux programmes de développement dans le pays, mettant en lumière la dépendance du pays à l'assistance étrangère. Cette situation survient alors même que le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, prône un discours résolument souverainiste.
Le 20 janvier 2025, Donald Trump a signé un décret suspendant pour quatre-vingt-dix jours les programmes d'aide américains, notamment ceux de l'USAID. Comme le rapporte Afrique XXI, cette décision "radicale destinée à revoir les priorités de financement et à éliminer les dépenses jugées inefficaces" a créé "une onde de choc ressentie dans le monde entier, mettant à nu la dépendance de certains pays à l'aide étrangère."
En Casamance, région du sud du Sénégal longtemps marquée par un conflit qui a duré plus de quatre décennies, les conséquences sont particulièrement sévères. Le maire de Djinaky, Alphoussény Diémé, témoigne : "On ne s'y attendait pas... Ça nous est tombé dessus d'un coup." Dans sa commune, environ 3 000 dossiers d'état civil, principalement des demandes d'actes de naissance, sont désormais en attente. Ces documents concernent des personnes nées pendant le conflit, qui a débuté en 1982.
"Certains enfants sont très brillants à l'école, ils doivent passer leur certificat bientôt mais, sans acte de naissance, ils ne peuvent pas s'inscrire. C'est comme s'ils étaient apatrides," s'inquiète le maire, cité par Afrique XXI.
Le programme Aliwili, financé par l'USAID et mis en œuvre par plusieurs ONG en partenariat avec l'État sénégalais, jouait un rôle crucial dans le processus de paix en Casamance. Avec un budget total de 16 milliards de francs CFA (25 millions d'euros), il couvrait non seulement les questions d'état civil, mais aussi "la réinstallation des populations déplacées à travers la construction de centaines de logements, la réinsertion des anciens combattants et de leurs familles, et la réhabilitation de certaines infrastructures."
Henri Ndecky, responsable de la Coordination des organisations de la société civile pour la paix en Casamance (COSCPAC), explique dans Afrique XXI que "ce projet était la concrétisation du processus de paix entre l'État du Sénégal et la faction Jakaay du MFDC." L'accord de 2023 prévoyait que l'État s'engage en faveur de la réinsertion des combattants et du développement de la région, en échange du dépôt des armes.
"L'aide américaine avait rassuré sur la capacité de l'État à tenir ses engagements," précise Henri Ndecky. La suspension de cette aide soulève donc des inquiétudes quant à la pérennité du processus de paix, bien que Lamine Coly, coordinateur de l'Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées du MFDC, exclue une remise en cause du processus.
Au-delà de la Casamance, c'est tout le Sénégal qui subit les conséquences de la suspension de l'aide américaine. Selon Afrique XXI, "des programmes de développement sont désormais à l'arrêt ou tournent au ralenti" dans l'ensemble du pays.
"En matière de santé publique, de nombreux centres de santé communautaires dépendant des subventions pour l'achat de médicaments et le recrutement de personnel peinent à maintenir leurs services," rapporte le magazine. Des programmes dans les domaines de l'éducation, de l'agriculture et de la bonne gouvernance sont également touchés.
L'ampleur de la dépendance du Sénégal à l'aide américaine est considérable : "sur les cinq dernières années, le Sénégal a reçu en moyenne 120 millions de dollars (114 millions d'euros) par an de l'USAID," sans compter les programmes financés par d'autres agences américaines. Le programme Senegal Compact Power, qui vise à améliorer l'accès à l'électricité pour près de 13 millions de personnes, représente à lui seul un investissement de 600 millions de dollars, dont 550 millions proviennent des États-Unis.
Face à cette situation, le Premier ministre Ousmane Sonko a réaffirmé sa vision souverainiste : "Doit-on continuer à dépendre de l'aide étrangère ? [...] Nous devons travailler dur à la mise en œuvre de nos programmes. Si nous faisons cela, nous serons cités, dans les années à venir, parmi les pays les mieux gérés."
Cette position n'est pas nouvelle. Comme le rappelle Afrique XXI, "depuis son entrée en politique, en 2014, et la création de son parti Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef), Ousmane Sonko défend un programme de rupture, fondé sur une réappropriation de la souveraineté politique, économique et monétaire du Sénégal."
El Hadj Abdoulaye Seck, économiste au Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp), un mouvement proche de Pastef, va plus loin : "C'est tout un modèle de développement qu'il faut revoir. Depuis l'indépendance, nos dirigeants ont cédé à la facilité de l'aide."
L'économiste rappelle que cette dépendance a un coût : "Non seulement ces prêts pèsent sur la dette, mais, de plus, ils sont assortis de conditions, tout comme les dons : des critères de gouvernance ou des réformes économiques qui ne sont pas adaptés à nos réalités et poussent les pays à renoncer à leur souveraineté."
Le programme Senegal Compact Power illustre cette problématique, puisqu'il prévoit une "restructuration" de la Sénélec, la société nationale d'électricité, et une "participation accrue du secteur privé" dans ce domaine stratégique.
Pour réduire cette dépendance, le gouvernement mise sur son Plan Vision 2050, "une feuille de route ambitieuse visant à renforcer l'autonomie économique du pays et à tripler le revenu par habitant d'ici à 2050." Le financement de ce plan repose sur plusieurs leviers : la croissance économique stimulée par l'exploitation des ressources pétrolières et gazières, une meilleure mobilisation des ressources fiscales, et la contribution de la diaspora.
Babacar Ndiaye, directeur de la Recherche et des publications du think tank sénégalais Wathi, analyse : "On peut considérer la suspension de l'aide états-unienne comme une chance pour le Sénégal si on suit la logique du nouveau gouvernement, car elle incite à mettre en pratique cette notion de souverainisme."
Cependant, Fadel Barro, cofondateur du mouvement citoyen Y en a marre, appelle à la prudence : "La question immédiate n'est pas de savoir s'il faut se passer ou non de l'aide, car il y a des gens qui se soignent et qui mangent grâce à l'aide." Pour lui, le Sénégal doit d'abord se concentrer sur des réformes internes pour construire un "État au service de la population."
Sa conclusion résume parfaitement le dilemme auquel fait face le pays : "Nous n'avons pas identifié quels sont nos besoins. Aujourd'hui, ce sont les bailleurs de fonds qui décident des priorités à la place des Africains et c'est leur liberté. Mais, nous, qu'est-ce qu'on fait ?"
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VACHES MAIGRES DES GUIDES TOURISTIQUES
À Ngor, la saison hivernale rime avec baisse d’activité pour les guides touristiques et les commerçants. Entre rareté des touristes, absence de réglementation et méfiance de certains visiteurs, ces acteurs du secteur peinent à maintenir leurs revenus.
À Ngor, la saison hivernale rime avec baisse d’activité pour les guides touristiques et les commerçants. Entre rareté des touristes, absence de réglementation et méfiance de certains visiteurs, ces acteurs du secteur peinent à maintenir leurs revenus. Ils interpellent les autorités pour une meilleure structuration de leur métier.
La saison hivernale est une période difficile pour les guides touristiques de Ngor, dont l’activité subit un net ralentissement. "Les touristes viennent surtout en été, mais en ce moment, ils se font rares", explique Mor, guide et courtier. Cette situation rend leur travail encore plus précaire et accentue les difficultés du secteur.
En plus de la faible affluence, ces guides font face à plusieurs défis. Leur activité, souvent informelle, souffre d’un manque de reconnaissance officielle et de formation adéquate. "Nous proposons nos services aux touristes et, s’ils acceptent, nous commençons directement", souligne Mor. L’absence de réglementation entraîne également un manque de tarification fixe. "Le paiement dépend du bon vouloir du client. Parfois, ils ne paient pas bien, mais nous sommes obligés de faire avec", confie Latyr Ndiaye, un autre guide.
Les préjugés compliquent également leur travail. "On raconte aux touristes qu’il y a des voleurs ici, alors que c’est totalement faux", déplore Mor. Cette méfiance éloigne une partie de la clientèle étrangère et réduit davantage leurs opportunités.
La situation est similaire pour les vendeurs installés près du quai de Ngor, qui subissent également la baisse de fréquentation due à la saison hivernale. "Ce sont les touristes qui achètent le plus et qui paient mieux. Là où un Sénégalais dépense 3 000 F, un touriste peut aller jusqu’à 5 000 F", témoigne Mouhamed Diop, commerçant.
Face à ces difficultés, guides et commerçants appellent les autorités à mettre en place des mesures d’accompagnement pour structurer et dynamiser leur secteur, afin de garantir une meilleure reconnaissance et stabilité à leur métier.
Par Abdoul Aly KANE
RESTAURER LE POUVOIR DES ORGANES DE CONTROLE, UN GAGE DE BONNE GOUVERNANCE
Le rapport de la Cour des comptes sur l’endettement public est devenu accessible à tous les Sénégalais, témoignant d’une volonté de transparence inédite de l’actuel gouvernement, soucieux de soumettre au Peuple la situation difficile que traverse le pay
Le rapport de la Cour des comptes sur l’endettement public est devenu accessible à tous les Sénégalais, témoignant d’une volonté de transparence inédite de l’actuel gouvernement, soucieux de soumettre au Peuple la situation difficile que traverse le pays.
Le Premier ministre avait déjà attiré l’attention des Sénégalais et des partenaires financiers sur l’état réel des finances du pays, en s’inscrivant en faux par rapport aux chiffres du déficit budgétaire et de l’endettement public de la gestion précédente.
En annonçant des encours supérieurs, il prenait le risque d’un retour de manivelle pouvant conduire à un gel des financements escomptés des bailleurs, devenus indispensables au bon fonctionnement de la machine économique.
La Cour des comptes, invitée à faire l’audit sur la situation des finances publiques de 2019 au 31 mars 2024, se mit au travail et déposa des conclusions confirmant les faux chiffres du budget et de la dette, confirmant ainsi les déclarations du Premier ministre Ousmane Sonko.
Les premières réactions officielles sont venues du ministre-Secrétaire général du gouvernement qui a commenté le contenu du rapport d’un ton gravissime, faisant craindre un retour vers l’ajustement structurel des années 80, à l’initiative de la Banque mondiale et du Fmi.
Les interventions postérieures du ministre en charge des Finances et du budget, puis du ministre en charge de l’Economie et des finances, et enfin du Premier ministre (à l’Assemblée) ont apporté des éléments d’information sur les actions de redressement envisagées et les perspectives.
Le débat public qui s’est engagé par la suite doit être salué, même s’il a été parfois pollué par des interventions purement politiciennes, alors qu’on attendait (on attend encore) des réponses claires de la part des responsables ministériels et de hauts fonctionnaires désignés comme les principaux responsables des manquements évoqués.
A la lecture du rapport, on constate qu’au-delà de l’importante question du déficit budgétaire, la question cruciale est celle de l’encours réel de la dette au 31 mars 2024 et sa soutenabilité, soit la capacité à faire face aux échéances sans appui extérieur spécifique.
Le déficit du budget de 12, 3% contre 4, 9%, annoncé par l’ancienne gestion pour un standard de 3%, ne pose pas de problème en soi, précise le Secrétaire général, puisqu’il s’agit d’une prévision annuelle susceptible d’être ajustée à la baisse à mi-parcours, via une loi de finance rectificative, en «ajustant» les prévisions de dépenses aux recettes réellement mobilisables.
L’ancienne gestion avait surtout voulu dissimuler les vrais chiffres de la dette publique, en omettant volontairement de comptabiliser dans les livres publics et selon règles de la comptabilité publique, les dettes contractées auprès des banques commerciales et les dépenses correspondantes.
Dans un contexte de dépendance financière à l’égard de créanciers dont les décisions sont basées sur des indicateurs macroéconomiques arbitrairement imposés et l’appréciation des agences de notation, la dissimulation des chiffres réels valent aujourd’hui au pays une perte de confiance que les nouvelles autorités ont pris l’option de rétablir en jouant la carte de la transparence.
Pour situer les responsabilités, le rapport de la Cour des comptes a pointé du doigt des directions du ministère des Finances et du budget, en particulier celle chargée de l’ordonnancement des dépenses (Dodp) pour défaut d’enregistrement comptable des mouvements des comptes ouverts dans les banques, et d’ordonnancement des dépenses hors la connaissance des comptables publics.
La Cour des comptes elle-même, productrice du rapport, a été pointée du doigt dans le cadre des débats.
«On se demande où était la Cour des comptes pendant la période contrôlée», a commenté M. Youssou Diallo, président du Club Sénégal émergent. «L’ensemble des dirigeants de la Cour doivent démissionner. Ce sont des institutions qui fonctionnent au gré de ceux qui sont au pouvoir.»
La réponse que les juges de cette institution soumis au droit de réserve auraient du mal à donner, est pourtant à portée du regard.
En effet, déjà dans son rapport définitif de 2022, sur l’audit financier de la dette 2018/2020 (en ligne), la Cour des comptes faisait les mêmes observations et recommandations.
Citons-en quelques extraits :
«La Dodp, qui ne tient pas de comptabilité conformément au plan comptable de l’Etat, gère un portefeuille important de projets, entraînant des mouvements de fonds de montants significatifs.»
«Recommandation n°1: La Cour recommande au ministre des Finances et du budget, en relation avec le Ministre de l’économie, du plan et de la coopération (Mepc), de veiller à la mise en place d’un système intégré d’information sur la dette publique.»
«La Dodp dispose de plusieurs comptes bancaires et n’effectue pas de rapprochements bancaires ; d’ailleurs, les documents de suivi ne permettent pas de dégager des soldes comptables pour procéder auxdits rapprochements.»
La «Recommandation n°4 de la Cour» demandait respectivement :
Au ministre des Finances et du budget de «mettre fin au cumul de fonctions d’ordonnateur et de comptable par le Directeur de l’ordonnancement des dépenses publiques (Dodp) conformément à l’article 14 du Règlement général sur la comptabilité publique, et de veiller à la tenue de la comptabilité des prêts conformément au plan comptable de l’Etat» ;
Au directeur de l’Ordonnancement des dépenses publiques de «procéder périodiquement au rapprochement bancaire des comptes dont il est gestionnaire».
Dans sa recommandation n°6, la Cour demandait au Directeur général du Budget de «veiller au contrôle et au suivi des opérations de la Direction de l’ordonnancement des dépenses publiques».
Elle ajoutait que «la Direction du contrôle interne de la Direction générale du Budget n’avait pas mené de mission de vérification à la Direction de l’investissement (actuelle Dodp) depuis au moins dix (10) ans, et ne recevait plus les états de synthèse de ladite direction aux fins de contrôle et suivi».
Pour l’essentiel, ces constats et recommandations de 2022 ont été réitérés dans l’audit de 2025.
En sus, des dérives graves ont été signalées par l’institution dans le dernier rapport, concernant les dépenses du budget général, en particulier des transferts de fonds faramineux effectués au profit de «services non personnalisés de l’Etat» par débit de comptes ouverts au Trésor, gérés en dépit des procédures prévues par la réglementation.
Ces manquements ont été constatés sur des mouvements de fonds très importants en valeur.
Ainsi, les recommandations formulées en 2021 par la Cour des comptes, n’ayant pas donné lieu à des correctifs demandés au ministre des Finances et du budget, il peut être permis de considérer qu’il y aurait eu une volonté délibérée de l’ancienne gestion, d’observer le statu quo sur les irrégularités, source d’opacité dans la gestion de la dette publique durant près de 12 années.
Aussi, l’idée que la Cour des comptes aurait été «bernée» ne nous parait pas juste, en ce qu’elle a souligné tout au long de ses rapports d’audit, les manquements organisationnels et comptables dans la gestion de la dette.
En effet, quand elle souligne l’absence d’états de rapprochements bancaires permettant de confirmer les soldes, elle alerte sur les possibilités de «fausser» les encours réels de la dette.
La Bceao, certainement contre son gré, aurait subi la situation d’opacité constatée.
Par la voie de son ancien Directeur national, actuel Secrétaire général du gouvernement, elle avance avoir subodoré l’octroi de financements à l’Etat de la part des banques, se basant sur les besoins de refinancement manifestés par les banques concernées, alors qu’elles étaient censées être en situation de liquidité.
Toutefois, si l’on sait que les banques font des déclarations décadaires et mensuelles à la Bceao portant sur les mouvements de leurs principaux comptes et leurs situations comptables périodiques, comment l’analyse documentaire n’a-t-elle pas pu relever la dégradation de leur liquidité et en cerner l’origine ?
L’autre explication possible est que les banques concernées auraient caché la réalité à la Bceao, donc auraient été partie prenante de cette politique du silence.
C’est dire que dans les mesures conservatoires à prendre, doit figurer le contrôle régulier des banques en rapport à l’endettement public, via des déclarations idoines et une procédure de rapprochement des mouvements et des soldes de comptes entre celles-ci et le Trésor.
Concernant le ratio d’endettement sur Pib (99, 65% en 2023), il est certes élevé par rapport aux engagements souscrits en Uemoa (seuil de 70%), mais il faut signaler qu’il était de 73% en 2021.
Ailleurs, le ratio a une valeur encore moins contraignante.
Au 3ème trimestre 2024, la Grèce, avec un ratio de 163, 6%, détient le plus fort taux d’endettement de l’Union européenne, devant l’Italie (137%), la France (112, 2%), la Belgique (108%), l’Espagne (105, 3%) et le Portugal (100, 6%) ; les Etats-Unis sont loin devant avec un ratio de 122, 30 % en 2023.
Pourtant en zone euro, dans un contexte de crise de la dette publique et de taux d’intérêts hauts, des pays très endettés (Endettement/Pib supérieur à 100%), avaient la possibilité d’obtenir de la part des banques centrales, le rachat massif de leurs titres publics anciens sur le marché secondaire.
Cette politique «non conventionnelle» avait permis de baisser les taux d’intérêts et par conséquent de réduire les charges financières pesant lourd sur la dette publique et sur la mobilisation des ressources pour le financement du déficit budgétaire.
Le problème des Etats de l’Umoa est qu’ils n’ont d’autre source alternative de financement que le marché obligataire international en devises (Eurobonds) et le marché régional des titres publics (Umoa) centré sur les obligations d’Etat à court terme (bons du Trésor) et peu animé faute d’un marché secondaire dynamique.
Au Sénégal, les souscripteurs de titres publics sont essentiellement les banques dont la préférence pour les opérations de trésorerie à court terme est avérée, au détriment des opérations d’intermédiation classiques («dépôts/prêts» à la clientèle).
Ainsi, le pays est forcé de subir le «diktat» du système financier international pour les ressources longues et le reprofilage d’un endettement lourd.
Pour en revenir au rapport de la Cour des comptes, malgré les alertes des organes de contrôle, les autorités du régime de Macky Sall ont persévéré dans les mêmes pratiques prenant à revers les règles de fonctionnement de l’Etat en la matière.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, «ce qui devait arriver arriva».
Concernant l’avenir, les autorités, de concert avec les institutions financières internationales, confirment que le Sénégal n’est pas en ajustement structurel.
On est loin en effet de l’ajustement structurel des années 80 qui avait un objectif plutôt politique.
Le soubassement était l’insertion du Sénégal dans la mondialisation naissante, en délestant l’Etat de ses moyens d’intervention dans l’économie (suppression des sociétés publiques à vocation agricole, destruction de la petite et moyenne industrie embryonnaire via la suppression du dispositif de protection, élimination des banques nationales enclines à distribuer le crédit aux Pme, ouverture tous azimuts du marché intérieur aux industries étrangères plus compétitives).
Malgré l’échec de cette politique d’ajustement structurel, le Fmi est demeuré l’institution difficilement contournable en matière de levée de fonds auprès des bailleurs et des marchés financiers.
Aussi, à ceux qui recommandent de ne pas signer de programme avec le fonds, il faudrait peut-être nuancer le propos, compte tenu du défaut d’alternative immédiate, l’essentiel étant de bannir les engagements à moyen et long termes qui mettraient en péril les programmes économiques engagés.
C’est en faisant appel à la mobilisation populaire autour d’un pacte social menant à la fondation d’une économie endogène, moins réactive aux chocs extérieurs (hausse des prix des produits alimentaires, de l’énergie, baisse des prix à l’export des matières premières) et fondée sur la transformation industrielle, l’érection d’une industrie culturelle créative, numérique, la promotion des Pme que le Plan de développement «Sénégal 2050» atteindra ses objectifs.
Pour finir, nous sommes donc de ceux qui pensent qu’avec le rapport d’audit de 2025, la Cour des comptes a, une fois de plus, «fait le job» !
C’est le lieu de féliciter ces juges des comptes pour la qualité du travail accompli dans la constance.
Les autorités politiques doivent également bénéficier d’un large soutien pour la poursuite de cette opération «mains propres», du nom de celle mise en œuvre au début des années 90 en Italie, «Mani pulite», qui avait abouti à la mise en examen de près de 4000 entrepreneurs, hommes politiques et fonctionnaires, et à près de 700 condamnations.
Ils annoncent ainsi une vraie rupture avec les pratiques antérieures, car les Sénégalais ont pu remarquer que jusque-là, les rapports et prescriptions des organes de contrôle subissaient la loi du «tiroir», du «coude» auguste du prince ou alors de l’inertie du procureur.
On ne saurait terminer sans fustiger avec la dernière énergie, les pratiques d’un pouvoir sorti par les urnes, qui ne s’embarrassait aucunement des normes présidant au bon fonctionnement de l’Etat, foulant aux pieds les recommandations des corps de contrôle, quitte à trahir ses propres engagements pris dans l’espace communautaire (Règlement n°09/2007/CM/Uemoa).
Par Diagne Fodé Roland
DATES SYMBOLES DU COMBATS DES FEMMES
À travers l’histoire, les femmes ont été au cœur des luttes pour la liberté et l’égalité. Du douloureux sacrifice des femmes de Nder en 1820 face aux esclavagistes, aux revendications contemporaines pour l’égalité des sexes, cette trajectoire illustre...
7 mars 1820 : En l’absence des hommes allés à une réunion avec les royaumes du Cayor, du Diambour, du Djoloff, du Baol, après une première victoire militaire infligée aux agresseurs, les femmes de Nder dans le Walo ont préféré se suicider au feu sous la direction de Djembeutt Mbodj que d’être déportées et prisonnières des esclavagistes Arabo-berbères du Trarza.
8 mars 1910 et 1921 : La Communiste Clara Zetkin fait adopter la date du 8 mars comme journée internationale des luttes révolutionnaires des femmes et l’URSS est le premier État au monde à en faire une date fériée.
8 Mars 1954 : Tchoumbé Samb du PAI, Jeanne Martin Cissé du PDG (Guinée), première femme à présider le Conseil de Sécurité de l’ONU, dirigeantes de l’Union des Femmes Sénégalaises (UFS) organisent la première manifestation au Sénégal célébrant le 8 Mars.
Hommes et femmes subissent l’exploitation et l’oppression capitaliste-impérialiste et néocoloniale. Mais les femmes subissent une triple oppression en tant que mère, travailleuse, appartenant à une minorité opprimée ou migrante.
Or, la libération nationale et panafricaine exige l’égalité femmes/hommes pour vaincre la domination néocoloniale impérialiste. Or, l’émancipation sociale anti-capitaliste et anti-impérialiste exige l’égalité femmes/hommes pour abolir l’exploitation des travailleurs par les capitalistes. Or, conquérir la souveraineté nationale, la sortie du sous-développement et le développement panafricain exigent l’égalité femmes/hommes.
Aux femmes, notamment aux femmes des classes laborieuses d’élaborer leurs propres revendications sectorielles dans leurs mouvements propres, leurs syndicats et partis politiques à mettre en lien avec les revendications globales dans le cadre de leur participation à égalité avec les hommes à la lutte pour la libération, la souveraineté nationale et l’émancipation sociale.
L'émancipation des femmes de la triple oppression libérera les hommes et l'humanité de l'exploitation et de l'oppression capitaliste impérialiste et du néocolonialisme.
Debout femmes laborieuses du Sénégal et d'Afrique!
Debout femmes prolétaires du monde !
OFFENSIVE DIPLOMATIQUE DU QATAR
En l’espace d’un mois, Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Qatar, a rencontré quatre chefs d’État africains, signalant une intensification sans précédent de la présence diplomatique qatarie sur le continent.
En l’espace d’un mois, Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Qatar, a rencontré quatre chefs d’État africains, signalant une intensification sans précédent de la présence diplomatique qatarie sur le continent.
Le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a reçu jeudi en audience Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Qatar, dans le cadre d’une tournée diplomatique qatarie qui a impliqué quatre pays africains stratégiques en moins d’un mois.
Cette rencontre au Palais présidentiel de Dakar s’inscrit dans une offensive diplomatique remarquée de Doha, l’émissaire qatari ayant successivement été reçu par le Président nigérien Abdourahamane Tiani le 24 février, le chef de la Transition malienne Assimi Goïta le 26 février, et auparavant par le Président rwandais Paul Kagame le 31 janvier.
Lors de son entretien avec le Président sénégalais, les deux hommes ont réaffirmé la volonté commune des deux pays de renforcer leur coopération, notamment dans les domaines économiques et commerciaux, en la hissant à un niveau supérieur, selon le communiqué de la présidence sénégalaise. Le chef de l’État sénégalais a profité de cette occasion pour inviter les investisseurs qatari à contribuer à la mise en œuvre de l’Agenda national de transformation « Sénégal 2050 », un cadre stratégique de développement à long terme.
Un ancrage qatari renforcé en Afrique
Au Mali, le général Assimi Goïa a reçu du diplomate qatari un message de solidarité et d’amitié de l’Émir du Qatar, en présence du ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop et du ministre de l’Économie Alousséni Sanou. Au Niger, l’audience s’est déroulée en présence du général de Corps d’Armée Salifou Mody, ministre d’État à la Défense nationale.
Cette tournée diplomatique survient dans un contexte de reconfiguration géopolitique en Afrique, marqué par un retrait progressif de l’influence occidentale dans certaines régions, notamment au Sahel, ouvrant ainsi des opportunités pour de nouveaux partenariats avec les pays du Golfe.
Le Qatar, déjà actif en Afrique de l’Est avec d’importants investissements au Rwanda, en Somalie et au Soudan, cherche à consolider son influence au Sahel, une région clé où ses relations avec le Mali et le Niger se sont intensifiées. Doha joue un rôle diplomatique majeur dans les processus de paix, notamment au Darfour, et a multiplié les accords dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures et de la sécurité alimentaire.
En décembre 2023, le Qatar a signé un protocole d’accord avec le Rwanda pour la construction d’un nouveau hub logistique, confirmant ainsi son ancrage dans la région. Par ailleurs, Qatar Airways a renforcé sa présence en Afrique, ajoutant des liaisons vers plusieurs capitales du continent, témoignant d’une stratégie globale d’expansion qatarie.
Une offensive diplomatique aux visées économiques et stratégiques
L’Afrique représente un espace d’opportunités économiques pour Doha, qui cherche à diversifier ses partenariats au-delà de l’Asie et de l’Europe. Le Fonds souverain du Qatar (QIA) a intensifié ses investissements dans les infrastructures, l’agriculture et les énergies renouvelables sur le continent.
En novembre 2022, le Qatar a accueilli le premier sommet « Qatar-Afrique », rassemblant des dirigeants africains et des investisseurs qataris. Cette initiative visait à renforcer les liens bilatéraux et à encourager les investissements croissants dans les domaines des technologies, de la logistique et de la finance islamique.
Avec cette nouvelle tournée diplomatique, Doha confirme sa volonté de s’imposer comme un acteur incontournable en Afrique, combinant diplomatie, économie et médiation politique pour étendre son influence sur le continent.
LE MUTISME EXPLOSIF DU GOUVERNEMENT
Une fuite de gaz a été détectée au champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) situé à cheval sur les eaux territoriales sénégalaises et mauritaniennes depuis trois semaines
Une fuite de gaz a été détectée au champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) situé à cheval sur les eaux territoriales sénégalaises et mauritaniennes depuis trois semaines. Dakar garde jusqu’à présent l’omerta autour de ce risque écologique contrairement à Nouakchott qui a annoncé l’ouverture d’une enquête.
Un risque écologique à craindre au champ gazier GTA. Depuis le 19 février dernier, une fuite de gaz s’est produite. Elle a été détectée sur un des quatre puits du champ gazier durant les activités opérationnelles en cours. Il s’agit du puits nommé A02. Pour l’heure, peu d’informations filtrent sur le niveau de risque.
Selon des informations, cette fuite serait notée du côté mauritanien. Mais pour autant, le Sénégal qui partage avec son voisin du nord ce gisement gazier n’est pas épargné en cas de risque. En tout cas, Nouakchott semble le plus concerné par cette fuite de gaz. Le ministère mauritanien en charge de l’Environnement a, sous ce registre, procédé à l'ouverture d’une enquête. Elle est menée en collaboration avec les ministères du Pétrole et de la Pêche maritime, une enquête approfondie pour maîtriser la situation et minimiser tout impact environnemental potentiel, a-t-on précisé sur la page Facebook du ministère mauritanien de l’Environnement.
Sur le même post, il est indiqué que l’enquête est menée avec les autorités sénégalaises. Toutefois, Dakar est resté silencieux sur la gestion de ce risque écologique. Jusqu’à hier soir, aucun communiqué, ne serait-ce qu’à titre informatif, n’a émané des services du Gouvernement. Le ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines et celui de l’Environnement et de la Transition écologique gardent toujours l’omerta. Nous sommes entrés en contact avec le ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines qui a promis de réagir.
Il faut tout de même relever que cette attitude a autrefois porté un coup grave sur l’action de l’Etat. Jusqu'à l’heure, on ne s’est pas ce qu’il s’est réellement passé notamment sur le degré de gravité sur l’environnement marin. Pire, il faut noter que cet accident a eu lieu à peine quelques mois après le démarrage de l'exploitation du GTA qui a démarré en début d’année.
LA STRATEGIE ENVIRONNEMENTALE DE BRITISH PETROLEUM OBJET DE VIVES CRITIQUES EN 2018
C’est le même mutisme chez l’entreprise britannique British Petroleum au Sénégal. Sur le site internet de la compagnie pétrolière au Sénégal, le dernier communiqué de presse remonte au 2 janvier 2025 dans lequel elle annonce en grande pompe l’acheminement du gaz des puits de gaz naturel liquéfié (GNL) vers le navire flottant de production, de stockage et de déchargement (Floating Production, Storage and Offloading, (FPSO). Nous sommes entrés en contact avec les membres de BP Sénégal qui nous ont invités à contacter Bp Press office, service de presse de la compagnie. Cette fuite de gaz renforce la crédibilité des critiques formulées en 2018 par un groupe d'experts remettant en cause l'étude d'impact environnemental réalisée par la société BP. Il reprochait à la Compagnie de n’avoir pas pris en compte certains avertissements avec le sérieux requis. L'équipe d'experts en environnement marin avait mis en évidence des erreurs graves et des sous-estimations dans l'étude d'évaluation de l'impact environnemental des opérations d'exploration et d'extraction dans le champ de gaz commun entre la Mauritanie et le Sénégal.
Elle avait exprimé de vives inquiétudes concernant les risques dévastateurs auxquels la riche biodiversité marine des eaux mauritaniennes serait exposée en raison de la construction de plateformes offshore pour l'extraction de gaz dans le champ GTA, en l'absence d'une réévaluation appropriée de l'étude d'impact environnemental par BP. Face à ces vives critiques, le Sénégal avait, en 2018, demandé un avis indépendant en saisissant la commission néerlandaise d'évaluation environnementale sur l'efficacité de la stratégie environnementale soumise par British Petroleum.
LA F2S MAINTIENT SON MOT D'ORDRE DE GREVE
La fédération des syndicats de la santé (F2S) va poursuivre son combat. Dans un communiqué parvenu à «L’As», les blouses blanches ont décidé de maintenir leur plan d’action lancé la semaine dernière. Ils annoncent une grève de 48 heures les 13 et 14 mars
La rencontre tripartite convoquée le jeudi dernier par le Premier ministre Ousmane Sonko n’a pas convaincu la Fédération des syndicats de la santé (F2S). Cheikh Seck et ses camarades ont décidé de maintenir leur plan d’action pour dénoncer le manque de considération des organisations à l’égard de la F2S.
La fédération des syndicats de la santé (F2S) va poursuivre son combat. Dans un communiqué parvenu à «L’As», les blouses blanches ont décidé de maintenir leur plan d’action lancé la semaine dernière. Ils annoncent une grève de 48 heures les 13 et 14 mars.
La fédération rejette la main tendue du Premier ministre, Ousmane Sonko. Ces syndicalistes fustigent, en effet, une tentative de déstabilisation de leurs organisations syndicales. «Nous n’avions jamais imaginé qu’après le combat mené pour le changement dans ce pays, des groupes de lobbies extrêmement dangereux continuent encore à anéantir ou annihiler la volonté de l’État et des partenaires sociaux à apaiser le climat social pour sauver ce pays de la situation extrêmement difficile. Un dialogue ne peut se faire que dans la sincérité et non dans les manœuvres ou la ruse», déclarent Cheikh Seck et ses camarades.
Pour ces syndicalistes, ce qui s’est passé au grand théâtre relève de la provocation. «Même pour les invitations, la fédération qui compte 11 organisations du secteur de la santé et de l’action sociale n’a reçu que trois invitations, alors que des syndicats d’un seul corps reçoivent plus de cartes que toute la fédération réunie; Dans la prise de parole, l’inspecteur Amdy Moustapha Amar, du ministère du Travail, dans un ton discourtois, nous signifia que la décision de nous priver de parole est actée et que rien ne lui fera changer d’avis parce qu’il l’a reçu de ses supérieurs», a regretté Cheikh Seck.
Mieux, poursuit-il, dans le document de synthèse sur les points de revendications du secteur de la santé remis à la presse n’apparaît aucun point de revendication de la Fédération. Il reste convaincu que la main du conseil du Premier Ministre en matière de santé n’est pas étrangère à cette forfaiture. «Ce dernier, au lieu d’aider le chef du gouvernement, lui cherche des ennemis en nous attaquant à travers les réseaux sociaux. Le ministère de la Santé comme celui de la fonction publique semble jouer un rôle de spectateurs pour ne pas dire de complice, avec un mutisme suspect», regrette le syndicaliste.
Cependant, il a réitéré l’ouverture de la F2S au dialogue. «L’adage dit que qui ne dit rien consent. Le Premier ministre, si vous êtes d’avis contraire, il faut réagir avant qu’il ne soit trop tard. Nous saluons votre appel et la volonté de dialogue et sommes prêts à vous accompagner pour trouver des solutions aux problèmes qui sont entre autres le respect des accords», affirme Dr Cheikh Seck.