Le Sénégal, à l’instar des pays du Comité inter-État de lutte contre la sécheresse au Sahel (Cilss), a célébré vendredi dernier, la 36ème édition de ladite journée. La présente édition a été célébrée sous le thème : « Jeunes, restauration des terres et systèmes alimentaires productifs».
Dans son discours lu par son conseiller technique n°2, Ibra Sounkarou Ndiaye, le ministre de l’Environnement et du Développement durable a soutenu que les opportunités ne manquent pas pour «résoudre la problématique de l’emploi des jeunes qui représentent en Afrique, plus de 36% de la main d’œuvre active, pour la tranche d’âge entre 15 et 65 ans». La reforestation et la restauration des terres dégradées constituent autant de «possibilités pour créer des emplois verts et décents permettant ainsi une meilleure valorisation de notre dividende démographique», a ajouté Ibra Sounkarou Ndiaye.
Au Sénégal, la dégradation des terres touche plus de 34% des terres. Le coût annuel de ce phénomène a atteint, d’après les résultats de l’étude sur l’économie de la dégradation des terres, 550 milliards de FCFA ; soit 8% de notre Produit Intérieur Brut (PIB). Pourtant, la restauration des terres agricoles et la valorisation des services des écosystèmes, recèlent d’importantes opportunités pour la relance économique et la création d’emplois. Il conviendrait donc «de transformer les défis en opportunités, tout en optimisant l’utilisation des ressources natures», soutient le ministre. Donc, poursuit-il, «restaurer nos écosystèmes est possible. Il s’agit d’en afficher la volonté ferme doublée d’un engagement de TOUS pour la valorisation de nos atouts et potentiels notamment à travers la pleine participation de la jeunesse». Pour la valorisation du potentiel existant, «les jeunes et les femmes devront occuper une position d’avant-garde» appelle-t-il.
Fort de ce constat, Macky Sall, à l’issue du Conseil présidentiel du 22 avril 2021, à Diamniadio, avait défini, neuf (09) directives en vue d’intensifier le déploiement du Programme d’urgence pour l’insertion et l’emploi des jeunes : «Xeyu Ndaw yi» doté d’une enveloppe de 450 milliards pour les années 2021, 2022 et 2023. Dans la même logique, il a attribué au secteur de l’Environnement et du Développement durable, un quota de 10.000 jeunes. Sept mille (7.000) pour l’Agence sénégalaise de la reforestation et de la Grande muraille Verte (Asrgmv); trois mille (3.000) dont 2.000 pour la Direction des Eaux, Forêts, Chasses et de la Conservation des sols (Defccs) et mille (1.000) pour la Direction de l’environnement. La mise à disposition de ces moyens humains, «rendue effective aujourd’hui, devrait permettre de renforcer l’opérationnalisation de l’initiative majeure du PSE vert. Cet effort montre à souhait, l’importance que la plus haute Autorité accorde à la gestion durable des terres et à la jeunesse», a dit le ministre.
LA MARCHE CONTRE LA VIE CHÈRE TUÉE DANS L’ŒUF
La police qui a très tôt quadrillé la zone, a procédé à l’arrestation musclée des organisateurs dont le leader de Frapp/France Dégage
La marche (interdite) qu’avait prévu des activistes et autres membres de la société civile, des politiques et mouvements citoyens hier, dimanche 12 septembre 2021, à Guédiawaye, contre la vie chère, a été tuée dans l’œuf. La police qui a très tôt quadrillé la zone, a procédé à l’arrestation musclée des organisateurs dont le leader de Frapp/France Dégage.
L ’activiste Guy Marius Sagna et quelques-uns de ses camarades du mouvement Frapp/France Dégage et des mouvements et organisations citoyennes ont été arrêtés à Guediawaye hier, dimanche 12 septembre 2021, alors qu’ils participaient à une manifestation non autorisée contre la vie chère au Sénégal. La Police ayant reçu mandat de l’exécutif départemental de disperser la manifestation, a tué cette marche dans l’œuf.
Des manifestants brutalisés au moment de leur interpellation, regrettent les organisateurs. En effet, c’est après une brève déclaration face à la presse, à la Maison Hip-Hop de Guediawaye, que l’activiste et ses camarades ont envahi la rue, scandant, entre autres slogans, «Doundou bi dafa cher» («La vie est chère»). Mais, c’était sans compter avec la détermination des Forces de l’ordre, ayant déjà quadrillé la zone, qui ont vite maîtrisé les manifestants, malgré leur résistance. Refusant d’être conduits de forces, Guy Marius Sagna et certains de ses camarades ont préféré se mettre à terre. C’est là que les Forces de l’ordre les contraindront de force à embarquer dans leurs véhicules, usant également de gazes lacrymogènes pour disperser la foule. Ces activistes, embarqués dans un pick-up, ont été conduits au Commissariat de la Ville de Guediawaye.
FALLOU DIAGNE, SYLVESTINE MENDY, GUY MARIUS SAGNA ET PAPIS DJIM, ARRETES
A travers un communiqué sur cette marche avortée «contre la hausse des prix» à Guédiawaye, les organisateurs listent les noms de leurs membres interpellés. «Fallou Diagne (du Collectif Noo Lank), Sylvestine Mendy (Africa First), Guy Marius Sagna et Papis Djim (Frapp/France Dégage) ont été brutalisés et arrêtés par la Police de Guédiawaye, suite à l’interdiction illégale et injuste de la marche prévue ce dimanche (hier, Ndlr) à Guediawaye contre la cherté de la vie des citoyens sénégalais. Cette interdiction fait suite à celle opposée tout aussi illégale et injuste de la manifestation pacifique que Noo Lank avait initiée pour le vendredi 10 septembre 2021 à la Place de la Nation», ex-Obélisque, soulignent-ils dans le document parvenu à la Rédaction de Sud Quotidien.
Et de préciser que «ces organisations dénoncent fermement cette dictature du régime de Macky Sall et sa volonté de museler l’expression des libertés, et nous exigeons la libération immédiate de tous les militants arrêtés». Non sans inviter à «une convergence de toutes les luttes citoyennes contre la cherté des denrées de première nécessité, du loyer et de l’électricité, et appelons enfin à une journée de manifestation pacifique à Dakar et partout dans le pays vendredi 17 septembre 2021 de la Place de la Nation au rond-point RTS». En attendant, ils informent de la tenue d’une conférence de presse, incessamment, pour dévoiler un plan d’actions.
Aussi, une journée de «flyers fepp» sera organisée, ce mercredi 15 septembre, pour sensibiliser les populations sur la cherté de la vie, conclut-on dans le même texte signé le Collectif Noo Lank, And Taxawu Askan WI (ATAW), Frapp/France Dégage, Y en a marre (YEM), Forces Démocratiques du Sénégal (FDS) et «Luttons contre l’indiscipline au Sénégal». Cette manifestation de Guediawaye contre la vie chère a été interdite au motif de «risque de trouble à l’ordre public» et de «risque de propagation du coronavirus». Une décision qui n’a pas été bien appréciée par les organisateurs dont Frapp/France Dégage qui accuse le président Macky Sall de saigner les Sénégalais avec des prix qui augmentent «comme sa richesse et celle de sa bande et de ses maîtres impérialistes».
Frapp/France Dégage estime qu’il veut «empêcher que les populations crient leur ras le bol». Dans le manifeste appelant à manifester dimanche et publié vendredi dernier, il était écrit : «Ataw, Fds, Yem et le Frapp appellent tous les Sénégalais à la marche contre la vie chère qui aura lieu, ce dimanche 12 septembre, à partir de 9 h, de la grande porte du lycée Seydina Limamoulaye à la préfecture de Guédiawaye. Contre la vie chère et pour la sauvegarde de nos libertés, tous à Guédiawaye, ce 12 septembre à 9 h !»
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L’ÉTRANGE DESTIN DE SOUADOU NIANG
Partie étudier aux États-Unis, elle travaille comme femme de chambre dans un hôtel, nettoyant notamment les toilettes de l'établissement, quelques années plus elle devient propriétaire d’un somptueux hôtel à Dakar dirigé par des femmes. Découverte
Dire des États-Unis qu’ils sont une terre d’opportunités, un pays de tous les possibles n’est pas un leurre. Une preuve éloquente qui illustre cette perception du pays de Barack Obama, c’est Souadou Niang, cette sénégalaise qui est presque partie de zéro pour devenir héro, pour ne pas dire héroïne en travaillant comme subalterne dans un hôtel de luxe.
De femme de ménage dans un hôtel à Washington, elle a gravi les échelons dans l’établissement, après ses études en occupant les postes de responsabilités dans le management. Résultats des courses, Souadou a réussi à se réaliser de manière éclatante dans l’hôtellerie.
Rentrée au Sénégal elle a érigé son propre hôtel-boutique de luxe à Dakar. L'une des particularités de son établissement c'est qu'il est piloté par des femmes dont elle-même en tant que directrice, convaincue que des femmes sont des managers de naissance. C'est une belle affirmation du leadership féminin. Et pourtant que n'a-t-on pas dit pour décourager cette lionne lorsqqu'elle lancait son initiative sous prétexte que ce n'est pas fait pour femme et surtout pas pour femmes africaines? Mais au final, Souadou est parvenue, la foi aidant, à matérialiser son rêve.
L’URGENCE DE RÉTABLIR LE CHEMIN DE FER DAKAR-BAMAKO POUR SAUVER DES VIES AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Les routes nationales sont parmi les plus accidentogènes. le coût social de l’insécurité routière, estimée à 2% du PIB au Sénégal, est d’environ 165 milliards de francs CFA. Nous sommes tous en sursis !
Depuis un peu plus de deux ans, le Sénégal fait face à un double fardeau, d’une part la pandémie liée à la Covid-19, d’autre part les accidents de la route. Quotidiennement le cœur de l’actualité, tout comme les commentaires à travers les réseaux sociaux, reviennent sur le communiqué du ministère de la Santé informant sur la pandémie alors que les articles de presse alertent sur les accidents de la route avec leurs corollaires : la mortalité, la morbidité, les incapacités à vie, etc.
Les routes nationales : RN1, RN4 et RN5, axes à potentiel économique fort, avec leurs lots importants de gros porteurs qui desservent respectivement les villes de Bamako, Conakry et Bissau, sont parmi les plus accidentogènes. Lesdits camions, en plus de participer à la dégradation prématurée de la route, à cause des longs convois, sont aussi impliqués dans la plupart des accidents. Par ailleurs, le coût social de l’insécurité routière, estimée à 2% du PIB au Sénégal, est d’environ 165 milliards de francs CFA.
Pourtant ces chiffres ne sont que la face visible de l’iceberg. En effet, une moyenne de mille deux cents (1 200) camions passent quotidiennement par la ville de Kaolack, je dis bien que cette ville est traversée en moyenne par 1 200 camions, à travers la RN 1 et la RN 4. La destination finale de la plupart de ces gros porteurs et autres véhicules similaires qui empruntent également les autres corridors comme la RN5, via Sokone, est le port autonome de Dakar.
Il semble important de rappeler la situation géographique de la capitale du Sénégal et de son port, c’est une presqu’île avec une seule entrée et la même sortie, ce qui impacte négativement sur toute la circulation routière. Comme on le sait aussi, le port de Dakar joue un rôle important dans l’économie du pays d’où la nécessité de ménager les gros porteurs. Mais ces derniers portent un préjudice énorme à la population même s’ils semblent peser sur la balance économique.
Selon une publication de la Banque Mondiale, la ville de Dakar perd environ deux cents (200) milliards/ an, à cause des embouteillages (la circulation). Les données précitées montrent que l’apport économique des camions est une fausse perception. En effet, lorsqu’on pose sur la balance le coût socioéconomique des accidents (mortalité, incapacité, morbidité) et celui des embouteillages, il urge de trouver des solutions à ce problème récurrent des camions dit « camions maliens ».
Il convient de préciser que les camions qui empruntent les RN nord du pays n’ont pas été prise en compte dans ce texte.
La problématique est complexe et nécessite une approche multisectorielle et pluridisciplinaire
Avec plus de 60 morts ces deux derniers mois, l’État régalien de la sécurité des citoyens, est interpellé en premier lieu pour la mobilisation d’un budget spécial autour d’une question qui constitue une urgence socio-sanitaire nationale.
Certes la réhabilitation, la modernisation et le rétablissement de la voie ferrée Dakar-Bamako annoncée, est la mesure idéale. Elle engendrera le développement économique des localités que traverserait le chemin de fer et participera au maintien de la qualité des routes construites par l’État durant la première décennie d’action dédiée à la sécurité routière.
En attendant l’aboutissement de ce projet, des mesures d’accompagnement rapides pourraient être prises dans un court terme, à savoir : l’urgence d’ouvrir des ports secs afin de réduire le trajet des gros porteurs ; l’érection de voies de contournement pour réduire le nombre de gros porteurs qui traversent les grandes villes ; l’aménagement des aires de stationnement et/ou de repos afin se conformer aux dispositions du code de la route qui exige 15 minutes de repos après deux (2) heures de route ; la mise à disposition de grues et des fourrières pour faciliter le travail des forces de défense et de sécurité (FDS) : force est de constater que la plupart des véhicules en panne stationnent le long des routes par manque d’infrastructures dédiées. Les camions stationnent à l’intérieur des villes sous escorte ou le long des corridors parce qu’il n’y a pas d’aires de stationnement, les FDS sont obligés de les tolérer. L’aménagement des accotements devra permettre d’accueillir les véhicules en difficulté et ainsi, de libérer les routes.
À côté de ces aspects politico-sécuritaires, la non existence de bases juridiques pour la régulation des gros porteurs, devrait interpeller tous les acteurs du secteur de la sécurité routière. L’accent devra également être mis sur la nécessité de réguler le trafic des gros porteurs et la lutte contre la corruption qui gangrène ce secteur.
Toujours dans le cadre de la prévention primaire, les autorités doivent veiller au bon éclairage des voies publiques avec la collaboration de structures comme l'Agence Nationale pour les Énergies Renouvelables (ANER), le Millenium Challenge Account (MCA), etc. De plus, les voies éclairées doivent être accompagnées de balisage.
Les aspects préventifs de la sécurité routière englobent la reprise de la signalisation verticale et horizontale dans la plupart des corridors routiers. Ils doivent être complétés par le durcissement des sanctions à l’endroit des usagers indisciplinés et par une lutte accrue contre la corruption des agents dédiés à l’établissement des pièces afférentes à la conduite et à ceux chargés du contrôle routier.
Malgré toutes les dispositions prises pour prévenir la survenue d’un accident, si l’irréparable se produit, les dispositions à prendre pour minimiser les conséquences d’un accident incombent aussi bien aux autorités, qu’aux citoyens.
Dans le cadre de la prévention secondaire, les autorités ont le devoir de mettre l’accent sur la nécessité de former des urgentistes, des traumatologues, d’équiper les hôpitaux régionaux, d’assurer un maillage national de spécialistes et les doter en équipements qui leur permettraient d’être réactifs et efficients.
En effet, l’enquête de perception menée en 2017, par l’ONG Partners West Africa Sénégal, montrait que 45,2% des enquêtés estimaient que la prise en charge des accidentés dans les structures de santé est moyennement satisfaisante. Pour pallier ces insuffisances, 68,1% des enquêtés proposaient d’augmenter le nombre de médecins spécialisés en secours d’urgence ou de renforcer la capacité des techniciens en soins d'urgence.
Ce même rapport a montré que le temps mis par les sapeurs-pompiers pour se rendre à un lieu d’accident serait moins de 30 minutes pour 34,1% des civils et près de 48% des FDS et ASP interviewés. Le délai d’attente de l’intervention des sapeurs-pompiers n’atteindrait pas trois heures de temps.
À propos de la prise en charge des victimes d’accidents, 62,6% des enquêtés proposaient d’augmenter le nombre de médecins spécialisés en secours d’urgence comme solution idoine. La mise en place d’un système efficace de régulation et d’évacuation est aussi proposée comme solution, par 31,5% des répondants, de même que l’équipement et l’assurance de la maintenance des hôpitaux existants.
La problématique de la fonctionnalité des numéros des services d’urgences et des sapeurs-pompiers et la formation du personnel de ces services revient encore.
Par ailleurs, beaucoup de partenaires appuient l’État du Sénégal. Il conviendrait de mieux les capitaliser, promouvoir les synergies d’actions et la complémentarité des partenariats et pérenniser les modèles positifs.
Une relance des activités, liées au chemin de fer le long du corridor, va d’une part contribuer à la prévention de l’insécurité routière, à la lutte contre la criminalité et la corruption. D’autre part, elle va revitaliser l’économie des localités traversées et ainsi contribuer à la sécurité humaine et à la cohésion sociale.
Une meilleure organisation du système de santé permettrait d’éviter l’hécatombe à l’approche d’événements à venir, tels que le grand Magal de Touba, les autres fêtes religieuses qui approchent et la campagne pour les élections locales, qui est imminente.
La complexité de la prise en charge exige la mobilisation de toutes les énergies disponibles.
Des assises nationales de la sécurité routière, accompagnées d’actions à court, moyen et long terme s’imposent, mais pas d’un énième rapport sans suite, ni suivi-évaluation !
Notre mission première est d’informer, de sensibiliser, d’éduquer, de renseigner, d’orienter les populations et d’aider les décideurs à disposer de données probantes pour mieux orienter, afin que ces derniers puissent apporter des solutions idoines à ce défi qui nous interpelle tous.
La finalité est que tous les usagers de la route puissent évoluer dans un cadre plus sécurisé.
Avec l’approche des échéances électorales, les nombreuses manifestations religieuses qui amènent les citoyens à se déplacer, politiques, parlementaires, forces de défense et de sécurité, leaders communautaires, autorités religieuses, chauffeurs, voyageurs, tous les usagers de la route sont interpellés,
Nous sommes tous en sursis !
Un sursaut national imminent s’impose !
Adjaratou Wakha Aidara Ndiaye est directrice exécutive de Partners West Africa, organisation active dans la sécurité routière au Sénégal grâce au financement du département d’État américain. Première sénégalaise titulaire du Master en Développement - Spécialité santé internationale de l'Université Senghor (Opérateur Direct de la Francophonie), elle est enseignante-chercheuse à l'Université Cheikh Anta Diop, Maitre de conférences agrégée CAMES. Professeur Adjaratou Wakha Aidara Ndiaye a géré des programmes de divers domaines thématiques tels que la sécurité routière, la sécurité inclusive, le renforcement de la société civile, la prévention et la lutte contre l'extrémisme violent, le leadership des femmes et des jeunes.
LES GUINÉENS, FATIGUÉS DES ANNÉES CONDÉ, SOUTIENNENT LES PUTSCHISTES, POUR LE MOMENT
"En Guinée, il y a tout, et les gens n'ont rien", résume Amadou Diallo, en référence aux considérables richesses minières et hydrologiques du pays, dont plus de 43% de la population vit pourtant dans la pauvreté
Au moment où des diplomates africains tentaient d'obtenir des garanties du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya sur un retour des civils au pouvoir, des ouvriers installaient non loin une immense affiche montrant le nouveau maître de la Guinée dans un salut martial aux couleurs, sans autre commentaire.
Sous l'affiche de 20 mètres de long installée à l'extérieur de l'hôtel de luxe de Conakry où le colonel Doumbouya discutait avec les émissaires ouest-africains vendredi, Mamadou Douma Diallo exprimait des sentiments répandus: la joie et l'étonnement d'avoir vu renverser "le vieux" Alpha Condé, l'espoir plus ou moins vif de jours meilleurs, et le crédit ou l'adhésion accordés pour le moment aux militaires.
"On veut que Doumbouya redresse la Guinée", dit ce chauffeur de 35 ans, "sous Condé, on souffrait de tous les côtés".
Une semaine après le putsch, il accuse M. Condé d'avoir outrancièrement favorisé les Malinkés aux dépens des Peuls, les deux principales ethnies du pays."Si tu parlais pas malinké, on ne te donnait pas de place. Si tu manifestais pour ton avenir, on te maltraitait ou on t'arrêtait".
Mais sa principale préoccupation, à lui ou à Amadou Diallo, 40 ans, Peul comme lui et l'un des gardes de l'hôtel, c'est la dureté de la vie, et l'augmentation des prix du riz, de l'huile ou de l'essence.
"En Guinée, il y a tout, et les gens n'ont rien", résume Amadou Diallo, en référence aux considérables richesses minières et hydrologiques du pays, dont plus de 43% de la population vit pourtant dans la pauvreté selon la Banque mondiale. Ici, "ce que tu gagnes aujourd'hui, c'est ce que tu manges demain", dit-il.
Le coup d'Etat a surpris les Guinéens, même s'il avait été précédé de mois de tensions provoquées par la décision d'Alpha Condé de briguer un troisième mandat en octobre 2020.
- Motivations en question -
La répression de la contestation a causé des dizaines de morts civils.Des dizaines d'opposants ont été arrêtés avant et après la présidentielle, remportée officiellement par M. Condé, malgré la remise en cause de la crédibilité du résultat.
Pour autant, pas grand monde ne s'attendait à ce qu'aux premières heures du 5 septembre, les forces spéciales du lieutenant-colonel Doumbouya foncent de leur base vers la capitale, à plus de 80 km, prennent d'assaut le palais présidentiel et capturent le président Condé, au prix de quelques heures de combats.
Les médias font état d'une dizaine ou une vingtaine de tués, principalement parmi les loyalistes.On ignore quand, où et comment les morts ont été enterrés. La junte, retranchée dans un complexe aux murs gris proche du Palais du peuple, siège du Parlement, communique uniquement par des communiqués lus sur la télévision nationale.
Ce fait accompli, troisième du genre dans l'histoire de la Guinée marquée par les régime autoritaires ou dictatoriaux depuis l'indépendance en 1958, a suscité des scènes de liesse.
Les motivations du lieutenant-colonel Doumbouya, aux états de service opérationnels présentés comme impeccables, mais plutôt méconnu du public, suscitent les interrogations. Lui-même a invoqué "la gabegie financière, la pauvreté et la corruption", et sa volonté de confier la politique "au peuple".
Enthousiastes ou moins, les Guinéens interrogés par l'AFP semblent prêts à lui accorder du temps.
"On se fiche que Doumbouya soit Malinké.Qu'on soit Soussou, Malinké ou Peul, ce qu'on veut, c'est qu'on remette la Guinée sur les rails", dit le chauffeur Mamadou Douma Diallo.
- "Inquiétant" phénomène -
Deux chefs de l'opposition à M. Condé, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, sont convenus que l'intervention des soldats était le dernier recours possible."Est-ce que quelqu'un d'autre pouvait le faire si ce n'est les militaires ?", demande M. Touré, revenu vendredi de 10 mois d'exil.
Il se gardent de fixer des échéances.Cellou Dalein Diallo veut des "élections libres et transparentes dans un délai raisonnable".
Les militaires ont annoncé samedi soir l'ouverture, à partir de mardi, de consultations pour la "transition inclusive et apaisée" qu'ils ont promise.
Les voisins ouest-africains réclament, eux, un "retour immédiat à l'ordre constitutionnel".Ils ont suspendu la Guinée de leur organisation, la Cédéao, et réservent d'éventuelles autres mesures au rapport de la mission dépêchée vendredi.
Ils affichent leur volonté d'éviter la contagion des coups de force et de prévenir l'instabilité.Mais la popularité du colonel Doumbouya, la dureté des conditions de vie en Guinée, ainsi que la situation du Mali voisin, théâtre de deux putschs en un an, compliquent leurs décisions.
Devant le "phénomène très inquiétant" du retour des juntes, la Cédéao et la communauté internationale "n'ont guère d'autre choix que d'exercer des pressions fortes pour un retour rapide à un pouvoir civil élu", selon un rapport du think-tank International Crisis Group (ICG) publié cette semaine.
Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré s'opposent à des sanctions économiques.Ils mettent aussi en garde contre le risque d'une libération d'Alpha Condé, comme l'exige la Cédéao.Les experts de l'ICG jugent "tout à fait concevable" un contre-coup d'Etat, tant les forces de sécurité sont "factionnalisées".
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HERMAN COHEN, MÉMOIRE DE LA DIPLOMATIE AMÉRICAINE EN AFRIQUE
Point USA reçoit cette semaine en invité spécial l'ancien secrétaire d’État adjoint aux affaires africaines, ancien ambassadeur au Sénégal et auteur de nombreux ouvrages sur l'Afrique pour évoquer la relation des États-Unis avec le continent
Dans le cadre de ses interviews de l’été, Point USA reçoit cette semaine un membre de son équipe : Herman Cohen, ancien secrétaire d’Etat adjoint aux affaires africaines, ancien ambassadeur au Sénégal, et auteur de deux ouvrages sur l’Afrique : un recueil de souvenirs, et une histoire de 75 ans de politique américaine sur le continent.
Herman Cohen, après une maitrise en relations internationales a commencé une longue carrière diplomatique en 1962 : Il a été fonctionnaire consulaire, attaché et conseiller politique jusqu’à sa nomination au poste d’ambassadeur des Etats-Unis en Gambie et au Sénégal de 1977 à 1980. Vous êtes ensuite sous-secrétaire d’Etat adjoint principal chargé du renseignement et de la recherche jusqu’en 1984. Vous êtes assistant spécial du président et directeur principal pour l’Afrique au conseil de sécurité nationale de 1987 à 1989, et enfin secrétaire d’Etat adjoint aux affaires africaines de 1989 à 1993. Vous avez également été conseiller principal de la coalition mondiale pour l’Afrique, et vous avez enseigné à l’école d’études internationales avancées de l’université John Hopkins.
Nouvelle édition de Point USA, une émission hebdomadaire qui discute de l’actualité américaine en compagnie de René Lake, analyste politique et directeur de presse, Dennis Beaver, avocat et chroniqueur juridique à Bakersfield, en Californie, Herman Cohen, ancien secrétaire d’Etat adjoint américain et avec la légende du monde radiophonique Georges Collinet.
La présentation est assurée par Claude Porsella et la réalisation et le montage par Serge Ndjemba.