, Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires en 1956, à l’âge de 17 ans, La Camerounaise Léopoldine Emma Doualla Bell Smith est envoyée à Paris pour y suivre une formation supplémentaire d’hôtesse au sol, puis à UAT pour y suivre une formation
Histoire.ci |
Alexandre Tano Kan Koffi |
Publication 29/08/2021
Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires en 1956, à l’âge de 17 ans, Smith est envoyée à Paris pour y suivre une formation supplémentaire d’hôtesse au sol, puis à UAT pour y suivre une formation en vol. En 1957, Smith commença à voler en tant qu’hôtesse de l’air avec UAT, qui fusionna plus tard pour faire partie de l’Union de transports aériens (UTA). Smith, à l’époque, ne savait pas qu’elle était dans l’histoire la première personne de race noire à occuper le poste d’agent de bord dans une compagnie aérienne. Elle a pris ses fonctions l’année précédant Ruth Carol Taylor, qui serait la première hôtesse de l’air noire aux États-Unis. Le vol initial de Taylor a eu lieu le 11 février 1958 sur un vol de la compagnie Mohawk Airlines entre Ithaca et New York.
En 1960, Smith fut invité à rejoindre Air Afrique, la compagnie aérienne créée pour desservir onze nations francophones nouvellement indépendantes qui étaient d’anciennes colonies de la France. Smith était la seule africaine qualifiée dans l’aviation française; sa carte d’employée portait le numéro 001. Elle a finalement été promue chef de cabine d’Air Afrique. Pendant son temps comme hôtesse de l’air, Smith a volé dans toute l’Afrique et aussi loin que l’Australie. En raison de la couleur de sa peau, certains passagers blancs ne la traitaientpas avec égards, mais des passagers à la peau noire ont souvent apprécié sa présence. Smith a été victime de harcèlement sexuel fréquent. À une occasion, elle a giflé un homme blanc qui lui avait touché la poitrine.
En 1969, après douze ans comme hôtesse de l’air, Smith quitte Air Afrique pour devenir directrice de l’agence de voyages Reunited Transport Leaders à Libreville, au Gabon. Six ans plus tard, elle a déménagé à Washington pour étudier l’anglais à l’Université de Georgetown, où elle faisait également la connaissance de son futur mari, l’américain, Leroy Smith. Smith est retournée au Gabon en 1976 où elle a été embauchée par Air Zaire en tant que chef de gare et officier responsable à l’aéroport de Libreville. Smith a également soutenu le club Skal (également connu sous le nom de Skal international), l’association internationale de professionnels, dirigeants et amis cherchant à promouvoir les voyages et le tourisme en Afrique.
Smith et son mari s’installèrent à Lima, au Pérou, en 1983 pour une mission du Peace Corps. Elle y est restée et a travaillé comme consultante en voyages. Smith et son mari ont pris leur retraite en 2003 et se sont installés à Denver, où ils ont créé le service BISETAL (Services commerciaux et interculturels pour les voyages d’étude et l’apprentissage ), qui donne des formations sur la culture d’Afrique l’Afrique et sur d’autres cultures non occidentales. Smith est également bénévole à l’aéroport international de Denver dans le cadre de son programme d’ambassadeurs, accueillant les visiteurs dans le Mile-High City et les aidant à se frayer un chemin à travers l’aéroport. En 2015, Smith a été honoré à l’occasion du quarantième anniversaire de l’organisation Black Flight Attendants of America au Flight Path Museum de l’aéroport international de Los Angeles.
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L'ENJEU DES LOCALES EST LE TROISIÈME MANDAT
Mamadou Diouf, professeur d'histoire à Columbia University de New-York, parle des tractations en cours au sein du paysage politique sénégalais en perspectives des prochaines échéances électorales, au micro de l'émission Objection sur Sud FM
Mamadou Diouf, professeur d'histoire à Columbia University de New-York, parle des tractations en cours au sein du paysage politique sénégalais en perspectives des prochaines échéances électorales, au micro de l'émission Objection sur Sud FM.
FATMA KOBAR, UNE DAME DE FER
De la vente de fruits à Sébikotane à la récupération-commercialisation de ferraille, cuivre et aluminium, Fama Kobar fait son chemin. Son activité vaut aujourd’hui un investissement journalier d’environ 200 000 FCfa
De la vente de fruits à Sébikotane à la récupération-commercialisation de ferraille, cuivre et aluminium, Fama Kobar fait son chemin. Son activité vaut, aujourd’hui, un investissement journalier d’environ 200 000 FCfa. Et elle a en ligne de mire l’extension de son business à travers plusieurs dépôts.
Le ciel est menaçant. Les pluies tant redoutées dans la banlieue s’annoncent à travers des orages à faible intensité en cet après-midi du lundi. Malgré cette hantise, le business de la ferraille bat son plein. Des camions, venus de divers horizons, déchargent des centaines de sacs. Ils contiennent du fer, du cuivre et de l’aluminium. Dans cet univers, rien ne se gâte, tout se transforme ; rien n’est jeté, tout est recyclé. Un jeune homme aux muscles mis en exergue par un débardeur dépouille un sac contenant des canettes de boisson vides. Sous le regard d’une dizaine d’hommes, un vieillard les pose sur la balance, puis procède au calcul. Dans ce groupe d’acteurs, un individu attire l’attention. C’est une femme. Elle s’appelle Fama Kobar. Teint noir et petite de taille, elle est toute active. Suant sous son teeshirt rouge et un bonnet noir sur la tête, elle traîne un sac, allant de dépôt en dépôt pour vendre sa marchandise. Jeune et débrouillarde, elle a jeté son dévolu dans la récupération et la vente de ferraille. Aujourd’hui, elle fait la navette entre Sébikotane et Thiaroye Gare trois à quatre fois par semaine. « J’ai investi le secteur en 1999 », rappelle-t-elle toute souriante. Et c’est après plusieurs années passées dans la vente de mangues qu’elle s’est tournée vers ce filon. « Je n’ai jamais été à l’école. J’ai consacré ma jeunesse à la vente de mangues et de fruits cultivés dans la zone de Sébikotane », explique-t-elle. C’est en observant des acteurs vivre dignement de la vente ferraille qu’elle a décidé de tourner le dos à la vente des fruits pour installer son dépôt à Sébikotane. Des débuts difficiles, car c’est avec moins de 10 000 FCfa qu’elle a commencé. « Tout début est difficile, les moyens manquaient. Du coup, je me devais d’être très débrouillarde pour m’en sortir », souligne-t-elle, entourée de barres de fer et de sacs contenant de l’aluminium. « C’est un monde d’hommes. Ainsi, il fallait s’armer de courage pour s’en sortir. Au début, c’était incompréhensible pour certains. Mais déterminée, j’ai foncé sans me préoccuper des préjugés. Sinon j’allais échouer en étant victime du regard social », se défend Fama, sereine.
Un investissement journalier de 200 000 FCfa
« Je suis une femme de caractère. Donc, c’est difficile d’avoir une belle photo », rigole-t-elle avec notre photographe. De 1999 à 2021, Fama a fait son chemin puisqu’elle est passée d’un investissement journalier de 10 000 à environ 200 000 FCfa. Son dépôt à Sébikotane est le point de convergence de plusieurs acteurs du business de la ferraille. « Je me lève tôt le matin, je reçois plusieurs vendeurs et récupérateurs. Je les paie au comptant », informe-t-elle. La cinquantaine de kilogrammes récupérés est revendue tous les deux jours à ses clients établis à Thiaroye Gare. « Tous les fers, aluminium ou cuivre récupérés sont revendus à Thiaroye Gare. Du coup, je rentre avec un bénéfice plus ou moins important », dit-elle, visage souriant, évitant autant que possible de donner un montant exact. Ce n’est pas important à ses yeux. L’essentiel, dit-elle, est de pouvoir subvenir à ses besoins. Et elle « le fait si bien ». « C’est grâce à cette activité que j’ai pu prendre en charge l’éducation de mes enfants. Ils sont même devenus grands. Elle me permet également d’assister mon mari dans les dépenses », se réjouit la dame proche de la cinquantaine. Dans sa tête, les projets défilent. Elle a l’ambition d’étendre son activité en ayant plusieurs dépôts afin de maximiser ses gains pour aider ses proches et même créer des emplois. Certes, elle est femme, mais elle est bien vue par ses collaborateurs. Chapeau sur la tête, un jeune homme confronte le marteau à un métal. Tout suant, il tient à témoigner sur une connaissance vieille de près de 10 ans. « Je la vois presque tous les jours, très active au milieu des hommes. Elle n’hésite pas à aller à la confrontation si la situation l’exige. Elle est brave, indépendante et travailleuse », dit-il tout actif tenant à préserver l’anonymat. Fama Kobar veut préserver autant que possible cette réputation. D’où sa ferme conviction : « Dans la vie, il faut croire en soi, persévérer et travailler. Et la réussite suivra forcément avec une très belle réputation ».
NDATÉ YALLA MBODJ, HÉROÏNE DE LA RÉSISTANCE À LA COLONISATION PAR FAIDHERBE
Longtemps oubliée de l’histoire sénégalaise et africaine, dernière grande reine du royaume du Waalo commence à être petit à petit réhabilitée grâce à la mobilisation d’historiens et de sociologues
Elles ont combattu l’oppression coloniale ou s’érigeaient et s’érigent encore contre la domination masculine. Elles portent haut le combat contre les mutilations génitales ou les stéréotypes de genre. Portrait de ces résistantes, souvent dans l’ombre, voire oubliées de l’histoire….
Au Sénégal, Ndaté Yalla Mbodj est la dernière grande reine du royaume du Waalo entre 1846 et 1855 - un royaume dans la vallée du fleuve Sénégal, au nord du pays. Mais elle est surtout la première à résister à la conquête coloniale française dirigée par le général Faidherbe à la moitié du 19ᵉ siècle.
Longtemps oubliée de l’histoire sénégalaise et africaine, elle commence à être petit à petit réhabilitée grâce à la mobilisation d’historiens et de sociologues.
À travers des messages de condoléances, tous les hommes politiques ont salué la mémoire de l’ancien Médiateur de la République à qui ils ont rendu un vibrant hommage
Le rappel à Dieu samedi soir de Me Alioune Badara Cissé des suites d’une maladie a fait réagir la classe politique sénégalaise. A travers des messages de condoléances, tous ont salué la mémoire de l’ancien Médiateur de la République à qui ils ont rendu un vibrant hommage.
Macky Sall, président de la République : « ABC, un homme de conviction »
«Je suis très peiné d’apprendre le décès de Me Alioune Badara Cissé, membre fondateur de l’APR, ancien ministre des affaires étrangères et ancien Médiateur de la République. Je rends hommage à un homme de conviction et un brave compagnon.Qu’Allah l’accueille en son Paradis ».
Mamadou Lamine Diallo, député (opposition): «Je suis choqué»
«Inalilaahi Wa ina Ileyhi rajiùn! Je suis choqué par l’annonce du décès de Maitre Alioune Badara Cissé. Un homme courageux, digne et attaché aux principes démocratiques.
Mes condoléances à sa famille, une belle famille, à la médiature et au Khalife Général des Mourides, confrérie à laquelle il appartenait fièrement.
#HommageàABC».
Barthélemy Dias (TaxawuSenegaal): «ABC, un homme de valeurs »
«Quelle triste nouvelle!Un homme de bien, de principes, de valeurs, de convictions s’en est allè. Merci pour tout Maître.Qu’Allah vous accueille en son Paradis céleste. Sincères condoléances à votre famille et à toute la Nation sénégalaise».
Thierno Alassane Sall (République des Valeurs): « ABC, un homme d’Etat»
«La disparition d’Alioune Badara Cissé est un choc. Le Sénégal perd un homme d’État, un serviteur sincère, dévoué, d’un grand raffinement intellectuel. Je perds un ami et un frère d’armes, le frère des républicains. Mes condoléances à sa famille et au peuple sénégalais»
Thierno Bocoum (Mouvement Agir): «Je suis dévasté !»
« Thierno, nous partageons désormais ce que personne ne pourra comprendre sans l’avoir vécu », me disait-il en faisant allusion aux disparitions tragiques de nos deux enfants.
Sur la terrasse d’un hôtel de la place, nous avions beaucoup échangé. Un père de famille affable, courageux, aimant m’avait beaucoup appris de la vie après m’avoir beaucoup soutenu lors du décès de mon fils. Il était présent au baptême de ma fille et ne manquait jamais de prendre de mes nouvelles.
Le décès tragique de son fils m’avait bouleversé. A la levée du corps, je peinais à le regarder. J’étais dévasté. Me rapprochant de lui, il m’avait retenu et m’avait serré fort la main.
Nous nous sommes revus après les événements de mars, commentant son discours, parlant de la situation du pays. Il avait lu mon livre et me faisait part de ses impressions. Nous étions encore retombés dans notre univers de père de famille.
Aujourd’hui je suis dévasté par la nouvelle de sa disparition. Je suis dévasté pour toutes les confidences qu’il m’avait faites sur ses projets d’avenir après son départ de la médiature.
Je suis dévasté de voir un homme élégant , courtois, affable, éloquent, partir si vite. Un fervent Talibé mouride est parti. Un homme de conviction, d’honneur et de courage s’en est allé.
Je suis dévasté. Aliou Badara Cisse que le tout puissant t’accueille dans son Paradis céleste ».
Ousmane Sonko, (député Pastef): «ABC, un homme cultivé, racé, affable, généreux et d’un raffinement singulier »
«J’ai connu Alioune Badara Cissé par l’entremise de Birame Souleye Diop dont il était l’ami de plus de 25 ans. Un homme cultivé, racé, affable, généreux et d’un raffinement singulier.
Il s’était personnellement impliqué pour empêcher ma radiation injuste de la fonction publique en 2016.
Par la suite, il s’était également beaucoup impliqué lors des malheureux évènements de février-mars 2021 pour prévenir et éviter l’irréparable. Récemment, il avait beaucoup insisté pour venir me présenter ses condoléances suite à la perte d’un proche, malgré mon insistance pour l’en décharger.
Le Sénégal perd un grand homme avec sa disparition inattendue. À sa famille et au peuple, nous présentons nos très attristées condoléances. Puisse le Seigneur l’envelopper de son Pardon et sa Miséricorde infinis ».
Aboulaye Diouf Sarr, (ministre de la Santé)« Un compagnon de lutte s’en est allé»
«Un compagnon de lutte s’en est allé. La nation perd un homme de valeurs qui l’a toujours servi tout en restant fidèle à ses principes. Adieu ABC. Qu’Allah lui réserve son paradis céleste».
Me Ousmane Seye (avocat, homme politique) : « ABC, un bon avocat avec plein d’humanité »
« Alioune Badara Cissé a fait un stage dans mon cabinet d’avocat. A l’époque, j’étais si fier d’être associé avec Me Mame Bassine Niang (…) il était un bon avocat, humble, avec plein d’humanité. Il était un homme pieux, Il était un fervent talibé mouride. Nous, avocats, perdons un confrère que nous aimions autant qu’il nous aimait».
Aminata Touré (ancien ministre): « Une grande perte pour le peuple sénégalais »
« C’est une nouvelle terrible. J’avais une relation personnelle avec lui. C’est une grande perte parce que Alioune Badara Cissé c’est un patriote qui a une large famille. C’est une grande perte pour le peuple sénégalais, le président Macky Sall et le pays tout entier. Nous avions des relations particulières. C’est un grand intellectuel. Un homme courageux dans ses positions véridiques. Un homme de bien. On a eu à partager beaucoup de tribunes sur le plan international, mais il a été un homme bien admiré ».
Maodo Malick Mbaye (DG Anamo): « ABC cultivait l’élégance sous toutes ses formes »
« Alioune Badara Cissé était un homme qui cultivait l’élégance sous toutes ses formes, dans la mise, dans les relations humaines mais surtout courage dans le positionnement et le combat politique. Ce que je retiens de lui, c’est d’abord sa loyauté. Quand je dis loyauté, je fais la différence entre la loyauté et la fidélité. Quand on est à un certain niveau de responsabilités de l’État, on a plus besoin d’hommes loyaux. La loyauté, c’est celui qui te dit en toute circonstance, ce qu’il pense. Il vous dit, je suis toujours engagé envers toi mais je pense que ça, c’est la meilleure formule. Et, je suis d’avis que c’est des exemples que nous devons pérenniser ».
«Une très grande perte pour toute la nation. Une très grande tristesse pour moi. J’ai perdu un ami, une personne d’une gentillesse sans commune mesure. Il m’a beaucoup conseillé lorsque nous étions ensemble au gouvernement. Repose en Paix l’homme de Paix ».
Aly Ngouille Ndiaye (maire de Linguère) : « ABC, un homme d’une bonté légendaire)
« J’ai appris avec une grande tristesse le rappel à Dieu de l’ancien Médiateur de la République Me Alioune Badara Cissé. Il fut un homme d’une bonté légendaire, d’une grande sincérité doublée d’un humanisme débordant. Me Cissé était aussi un grand intellectuel, un juriste chevronné. Ayant choisi le métier d’avocat, l’homme était aussi un fervent défenseur des causes nobles. Je l’ai connu dans le Gouvernement en tant que Ministre des affaires étrangères. Là-bas, j’ai côtoyé un citoyen qui aimait profondément son pays et l’Etat qu’il a servi avec dévouement aux côtés de son Excellence M le Président Macky SALL dont il fut un très proche collaborateur, un compagnon de lutte très engagé. A M le Président Macky SALL, à la grande famille du Droit à sa famille biologique et à tous nos voisins de la cité Hann Marinas, je présente mes sincères condoléances et prie Allah SWT, dans sa miséricorde infinie d’accorder son pardon à notre condisciple Mouride Me Alioune Badara Cissé et de l’accueillir dans ses paradis Alfirdaws.
Amine ».
Idrissa Seck (président du Cese): « ABC, un homme d’État aguerri… »
« C’est avec une grande tristesse que nous apprenons le rappel à Dieu de notre frére Alioune Badara CISSÉ, ancien Ministre des affaires étrangères et ancien médiateur de la République.
Son amour pour le Sénégal et son dévouement dans l’exercice des différentes fonctions étatiques qu’il a eu à occuper l’ont, de son vivant, érigé en homme d’État aguerri au service de la Nation.
Nous présentons nos condoléances attristées au Président de la République et à tous nos compatriotes. Nous prions pour le repos éternel de son âme et nous solidarisons de la famille éplorée ».
JE N'EXCLUS AUCUNE ALLIANCE
Brillant universitaire, Mary Teuw Niane est également un homme politique. Le militant de l’APR compte briguer la mairie de Saint-Louis, que Macky Sall le désigne comme candidat de BBY ou pas. Entretien
De loin, l’homme parait austère. Rien de tel, il est juste poli, effacé, pudique. Brillant universitaire, Professeur Mary Teuw Niane est également un homme politique. Il milite aujourd’hui à l’APR et compte se présenter aux prochaines locales pour être maire de Saint-Louis. Que Macky Sall le désigne comme candidat de BBY ou pas, il ira à ces élections, assure-t-il. Pr Mary Teuw est d’avis qu’on ne promeut pas assez les porteurs de connaissances au Sénégal, ce qui pourrait retarder l’émergence du pays. Pourtant, le Sénégal a du pétrole et du gaz et en tant que président du conseil d’administration de Petrosen, il a diverses pistes qui pourraient contribuer à l’essor du pays.
Où le Pr Mary Teuw Niane a fait ses études ?
J’ai fait mes études primaires à l’école Dakar Bango. Je suis allé après au Cem Abbé Boilat qui s’appelait à l’époque CEG Caseille. J’ai fait le cycle secondaire au Lycée Charles De Gaulle où j’ai obtenu le baccalauréat série C (actuelle S1) avec la mention Bien. Ce qui m’a permis d’avoir une bourse d’excellence pour faire les classes préparatoires aux grandes écoles. J’ai fait une année mathématiques supérieures à Orléans, puis Mathématiques spéciales M’ au lycée Descartes de Tours. Senghor y a enseigné, lorsqu’il a été agrégé. Il y a même une salle baptisée Léopold Sédar Senghor. J’ai réussi au concours aux grandes écoles, l’école centrale de Lyon, les écoles nationales supérieures d’ingénieurs (ENSI). J’ai choisi l’ingéniorat électrotechnique à l’école nationale supérieure d’électronique, d’électrotechnique, d’informatique, d’hydraulique de Toulouse (ENSEEIHT). En parallèle, j’ai une fait une licence, une maitrise et un diplôme d’études approfondies de mathématiques appliquées.
A l’issue de cela, je suis rentré au Sénégal. J’ai tout de suite été accueilli à l’université de Dakar par le Pr Maguette Thiam qui m’a présenté au Pr Doudou Sakhir Thiam. C’est ainsi que j’ai obtenu un poste d’assistant à l’Ucad et j’ai soutenu une thèse de doctorat en 3e cycle, en 1984, sous la direction du Pr Doudou Sakhir Thiam. Je me suis orienté après vers les mathématiques plus liées aux sciences de l’ingénieur. Ce qu’on appelle les équations aux dérivées partielles qui sont des mathématiques assez difficiles et à la théorie du contrôle des systèmes. Je suis allé en France pour préparer une thèse de doctorat d’Etat et sciences mathématiques. J’ai eu la chance d’être encadré par le Pr Pierre Grisvard qui était à l’époque le directeur de l’institut Henry Poincaré. Il m’a présenté au grand professeur de l’époque Jacques Louis Lions (ndlr mathématicien français, mort en 2001) qui était président de l’académie des sciences, qui a été directeur du centre d’études spatiales, directeur de l’institut national de recherches informatiques et automatiques. J’ai eu un bureau que je partageais avec Pierre Grisvard à l’annexe du Collège de France à la rue D’Ulm. Cela m’a permis de connaître de grands et vieux mathématiciens français comme Leray. J’ai eu la chance de bénéficier des conseils de Jacques Louis Lions qui m’avait hébergé comme un fils.
J’ai eu à enseigner, durant cette période, à Paris 7, puis à l’institut national de sciences appliquées de Rennes. J’ai soutenu une thèse en mai 1990, je crois à l’université de Nice, Sophia Antipolis. Je suis après rentré à Dakar où j’ai soutenu une thèse de doctorat d’Etat et sciences mathématiques. Cette année coïncidait avec la création de l’université de Saint-Louis, avec la décision du Président Abdou Diouf de l’ouvrir pour l’année académique 1990-1991. J’ai décidé d’aller à Saint-Louis. Il a fallu que je plaide mon sort. Le recteur de l’époque, le doyen Souleymane Niang (paix à son âme), a été très sensible à l’argument que j’avais donné. Je lui avais dit que je voulais être à côté de ma maman. J’ai perdu mon père, alors que j’avais un an et demi et il ne me restait que ma maman et je voulais pour le restant de sa vie être à ses côtés. Je pense qu’en bon halpular, c’est quelque chose qui l’a beaucoup touché. C’est ainsi que j’ai rejoint l’équipe qui a démarré l’université de Saint-Louis. Je pense que j’ai été le premier à faire cours de mathématiques dans cette université, lors de l’ouverture des classes 1990-1991. C’était à une semaine des vacances de noël.
Pourquoi les mathématiques ?
J’ai la chance d’avoir eu, durant tout mon parcours, de très bonnes notes dans toutes les disciplines. Mais, j’aimais les mathématiques. Cet amour m’est venu peut-être de ce que m’enseignait une amie à notre famille. Elle prenait mon ardoise et m’apprenait les opérations. J’avais pris goût à cela, d’autant plus que j’étais un enfant, à cette époque, turbulent. Je voulais tout savoir, tout créer. Je fabriquais du tout, des voitures ; je faisais du cinéma avec des ombres. J’avais envie de copier tout ce que je voyais. En classe, je voulais toujours résoudre des problèmes et les mathématiques, c’est la science de la résolution des problèmes. Plus tard, lorsque les mathématiques sont devenues plus abstraites, je me suis senti davantage à l’aise. J’ai toujours eu également une démarche complémentaire à celle de l’enseignant. En même temps que l’enseignant me faisait les cours de mathématiques, en rentrant chez moi, j’essayais de faire le cours mais le complétant. Ceci a été pour moi, je crois, très utile, surtout lorsque je suis allé en classes préparatoires aux grandes écoles.
L’année où j’ai quitté le Sénégal pour faire les mathématiques supérieures, je suis arrivé en France avec quinze jours de retard. Ceci en général est fatal pour un étudiant. Heureusement, je pense, cette capacité que j’avais à refaire les cours, les conceptualiser, à me donner moi-même des exemples et parfois même me donner des exercices m’a permis de ne pas rencontrer de difficultés. Le premier devoir sur table que nous avons fait et qui est en général le devoir le plus difficile en mathématiques supérieures, parce que c’est le devoir qui doit aider à identifier tous ceux qui ne doivent pas continuer pour les décourager et les encourager à aller à l’université. J’ai eu la meilleure note de la classe à ce devoir, 17,5, alors que tout le monde s’attendait à ce que j’aie la note la plus faible.
L’amour des maths m’est resté. Je pense qu’il est constant. Les mathématiques sont une science très belle dans son explicitation, le partage qu’on en fait avec les étudiantes et les étudiants, mais aussi avec les populations. C’est pourquoi, je donne beaucoup de conférences sur les maths, y compris en wolof et en pulaar qui sont les deux langues que je maitrise. Les mathématiques traduisent de manière surprenante le réel et permettent à une discipline comme la physique ou l’astronomie de prédire, de localiser des objets dans l’univers qu’on ne voyait ; ou l’existence de particules que seule l’équation mathématique révèle. Cela me passionne et continue à me passionner. Il n’empêche, je suis aussi un passionné de poésie, de littérature, des écrits des philosophes. Je touche à tout. J’aime beaucoup de choses à la fois.
Vous parlez des mathématiques comme étant quelque chose de fascinant. Mais aujourd’hui, on constate qu’elles attirent de moins en moins les élèves. A quoi est-ce dû, à votre avis ?
Cette situation est dramatique. C’est une alerte rouge qu’il faut mettre particulièrement pour les séries S1 et S3 dont les ancêtres étaient les séries C et E. Elles sont fondamentales pour construire une élite scientifique de qualité dans les disciplines fondamentales des mathématiques, de la physique et même de la biologie et des sciences de l’ingénierie. Cette année, sur plus de 150 mille candidats, nous n’avons eu qu’autour de 500 pour la série S1 et une cinquantaine pour la série S3. Ceci est négligeable pour utiliser un langage mathématique. Je pense qu’il faut redresser très urgemment cette situation. On constate que c’est décroissant, d’année en année. Il y a plusieurs facteurs concomitants qui expliquent cela.
Quels sont ces facteurs ?
Le premier est l’enseignant qui est l’intrant majeur dans le secteur de l’éducation et de la formation. Il faut avoir des enseignants qui ont un diplôme de mathématiques. C’est fondamental. Les mathématiques ne sont pas le calcul. Si c’est le calcul, le boutiquier sait mieux calculer que nous. Si c’est le calcul plus avancé, les ingénieurs savent mieux calculer que nous. Ce que les mathématiciens savent c’est raisonner, conceptualiser, poser les problèmes et mobiliser tout l’arsenal théorique qui leur permet, avec les outils évidemment liés à tous les jargons mathématiques, de résoudre des problèmes. Si l’enfant ne sait pas raisonner, conceptualiser, poser un problème, il est très difficile qu’il puisse aller loin dans les mathématiques. Et, l’apprentissage de cela passe nécessairement par le fait que l’enfant a devant lui quelqu’un qui a un diplôme de mathématiques, c’est-à-dire quelqu’un qui a appris les mathématiques jusqu’à un niveau consistant. Je crois qu’il y a un effort important à faire.
Il y a eu un effort qui était fait, lorsque le Gouvernement avait décidé de former 100 licences pédagogiques de mathématiques. Mais, cet effort n’a pas été poursuivi. Je pense qu’il faut le poursuivre et savoir aussi que les mathématiques constituent une discipline clé, pour faire d’autres métiers qui paient mieux et beaucoup plus. Quand on a une licence de mathématiques, on peut s’inscrire en informatique ou finances et réussir facilement. Les mathématiques ouvrent toutes les portes, d’où se pose la question du maintien des enseignants de mathématiques dans les classes au niveau des collèges et du secondaire.
Comment y parvenir ?
Il y a cette question que n’aiment pas les syndicats qui est la discrimination positive au niveau salarial pour les professeurs de sciences et de technologies. Si nous voulons le maintien, il faut payer un peu plus, quitte à faire comme Houphouët Boigny l’avait fait à l’époque pour la Côte d’Ivoire, instaurer une indemnité de scientificité pour donner ce plus qui puisse les pousser à se dire : ‘’je peux respecter quand même, même si en allant faire des études d’informatique et être ingénieur, je pourrais gagner le double’’. La vocation plus une petite consolation aident à rester. Le maintien des professeurs et des bons professeurs est un élément important. Le deuxième élément important est la documentation. Les élèves manquent souvent d’ouvrages de mathématiques.
A l’époque, l’IRMPT avait mobilisé les enseignants sénégalais de mathématiques et ils avaient écrit des ouvrages modernes. Je crois qu’il faut revenir à cette philosophie d’édition d’ouvrages écrits par des enseignants sénégalais et édités par des maisons d’édition sénégalaises. Aussi, pour réussir en mathématiques, il faut maitriser la langue d’apprentissage. Ici au Sénégal, la langue officielle d’apprentissage dans les écoles est le français. Or, nous voyons que les enfants éprouvent beaucoup de difficultés dans la maitrise de la langue française. Ceci peut aussi être un facteur bloquant par rapport à l’acquisition des mathématiques. Je pense que l’effort d’une meilleure maitrise du français aidera l’apprentissage des mathématiques. Il y a la filière arabe pour laquelle je plaide pour que le ministère fasse un effort pour mettre à leur disposition des enseignants de mathématiques. Il est prévu une filière S1 AR et S2AR. Il faut qu’elles puissent fonctionner. Pour cela, il faut un effort du ministère pour les appuyer en professeurs de mathématiques, de physique et de SVT. Après, il y a l’environnement. Nos écoles ont perdu un environnement.
Quand vous parlez d’environnement, vous pensez à quoi ?
Les élèves font de moins en moins de travaux pratiques. Il y a de moins en moins d’activités extrascolaires au sein même de l’école et en dehors. Lorsqu’on était élève, on avait des jardins dans l’école. Nous faisions de l’horticulture. Notre école était fleurie. On avait de très belles fleurs et on aimait les entretenir. Ceci participait à la fois à un apprentissage de travail manuel, mais aussi permettait de former l’esprit et de rendre curieux. Aimer les mathématiques, c’est aussi être curieux et passionné. Quand jeune enfant, vous semez des graines de carottes et les récoltez vous-même, cela vous fascine. C’est passionnant et il n’y a plus cette passion dans nos écoles. Il faut ramener cela, parce que cela participe au développement de l’esprit scientifique.
De la même façon, les travaux pratiques dans les universités ne sont plus faits comme c’était fait avant, vu le surnombre d’étudiants. Les télévisions et les radios n’ont presque pas d’émissions scientifiques ou de la promotion de la culture scientifique. Ce sont plutôt les émissions ludiques, terre à terre qui sont mises en avant, alors qu’il faut promouvoir les réussites scientifiques.
Mais y en a-t-il beaucoup ?
Nous avons énormément de réussites scientifiques. Cela va du maitre qui invente une méthode d’enseigner les mathématiques où la biologie, au professeur d’université qui découvre un théorème et le publie. Cela va à l’ingénieur qui trouve une innovation aux jeunes qui créent. J’ai vu un jeune en CM2 monter un télescope. J’ai vu un jeune qui est à Mbour fabriquer des drones. Ce sont ces choses-là qu’il faut montrer à la télévision, pas de manière épisodique, régulièrement, pour que les jeunes puissent se dire : ‘’je suis africain, noir, vivant au village de Gonio ou dans le quartier de Dakar Bango, mais je peux réussir aux mathématiques, à la physique’’.
Rien ne nous est interdit, si on a la vocation et l’ambition. Il faut susciter cela à travers différents gestes. Il est vrai qu’il y a le concours général, le Grand prix du président de la République pour la science et la technologie. Il y a le nouveau prix du président de la République pour l’innovation numérique, tout cela participe à encourager les jeunes. Les distributions de prix sont importantes. Mais pour dire la vérité, la science a encore besoin dans notre pays que l’on valorise la connaissance. Tous les objectifs du Plan Sénégal émergent ne pourront pas être réalisés, si nous n’avons pas un grand capital scientifique et technique et si on ne valorise pas la connaissance. Valoriser la connaissance, c’est valoriser les porteurs de connaissances.
On ne promeut pas les porteurs de savoirs. Vous êtes passé ministre à PCA, pensez-vous être à la place qu'il faut, celle où vous pouvez valoriser vos connaissances ?
Là où je suis, je valorise mon expérience de management que j’ai accumulée comme directeur d’Unité de Formation et de Recherche, Recteur, Ministre et au niveau international dans les différentes positions équivalentes à celles de PCA que j’ai occupées au niveau africain. Certaines de mes spécialités, comme la modélisation mathématique et la simulation numérique, me permettent d’être à l’aise sur les questions techniques. Donc, mon profil me permet d’assumer ces responsabilités. J’ai la chance d’avoir un profil polyvalent. Les défis pour le Sénégal du secteur pétrolier et gazier me passionnent, car la réussite d’une bonne prise en charge de ce secteur en fera un accélérateur de la marche du Sénégal vers l’émergence économique et social. Si votre question est de me demander est-ce qu’il y a des secteurs qui me passionnent en dehors du secteur gazier et pétrolier. Je vous répondrai qu’il y en a d’autres aussi où je me sentirai à l’aise et qui ne sont pas moins passionnants.
Comment analysez-vous ce qui se passe actuellement dans nos écoles avec des élèves qui brûlent leurs blouses pour fêter la fin de l’année, des étudiants qui se battent dans l’enceinte des universités ?
C’est le reflet de la société. Si les élèves sentaient que la connaissance était valorisée, ils ne le feraient pas. Je ne verrai pas un Chinois faire cela. Un enfant chinois se suicide, s’il ne réussit pas. L’école doit être un élément attractif, parce que la conquête de la connaissance doit être inculquée chez l’enfant, depuis le bas-âge par la famille, la communauté, les pouvoirs publics comme étant un élément fondamental que l’enfant doit conquérir. C’est en cela que l’enfant va être passionné par l’école. Les jours fériés vont le rendre triste, pareillement pour les vacances. On ne peut pas voir des enfants fêter le fait que l’année s’achève et surtout bruler des cahiers, des blouses. Je pense qu’il y a une introspection à faire qui touche toute la société, les pouvoirs publics en premier. Ils doivent réagir, parce qu’il y a des choses qui ne marchent pas. Le premier est qu’ils ne valorisent pas assez la connaissance, le mérite. C’est essentiel pour les sociétés qui veulent aller de l’avant.
Si on a l’ambition de vouloir être émergent en 2035, il faut aller très vite, mais on ne peut le faire avec des canards boiteux. On ne peut le faire qu’avec des gens qui sont compétents, qui aiment ce qu’ils font. Les élèves et étudiants doivent aimer ce qu’ils font. Mais, pour qu’ils soient conscients qu’ils doivent réussir et mieux servir leur patrie, il ne faut pas qu’un vaurien soit valorisé à côté d’un jeune qui a très bien réussi ses études, a obtenu ses diplômes ou qui, par un parcours informel, a réussi à apporter des choses qui améliorent les conditions de la société.
Certains accusent les politiques de valoriser ceux qui ne le méritent pas à la place de ceux qui le méritent vraiment.
Non, c’est certains d’entre eux qui sont à des postes où ils peuvent promouvoir. On ne peut pas développer un pays, si on n’aligne pas les profils et les parcours par rapport aux postes que les gens occupent. Pour moi, c’est une illusion. Et la réalité le montre. A chaque fois qu’on a eu cette situation-là, le pays n’a pas progressé. Il faut revenir à la réalité de tous pays qui se développent. Le capital humain est un élément majeur. On ne peut pas occuper un poste de ministre, lorsqu’on n’a pas le niveau d’occuper un poste de chef de division. C’est une catastrophe et on la paie forcément. Il faut qu’on revienne à une réelle gestion, à la fois du capital humain politique que de celui technique. Je fais un plaidoyer constant en disant aux cadres d’aller dans la politique. Il est naturel que, s’ils ne s’y sont pas, que ce soit ceux qui y sont qui sont promus à des postes de décision. Il ne faut pas après être surpris que les résultats ne suivent pas.
On ne peut pas occuper un poste de ministre, quand on n'a pas le niveau d'occuper un poste de chef de division, dites-vous. Dans le Gouvernement actuel, y a-t-il des gens qui ne seraient pas à leur place ?
C’est une réalité, depuis au moins deux décennies. Évidemment, cela n’aide pas à accélérer la mise en œuvre des plans de développement, la réalisation des résultats attendus, n’assure pas la continuité indispensable des politiques publiques, surtout ne permet aux pouvoirs publics de bien communiquer sur la politique mise en œuvre et, enfin, creuse le fossé de la confiance des populations envers des gouvernements dont l’expertise n’est pas évidente. Posez la question aux citoyennes et aux citoyens sénégalais vous serez édifiée. Tous les pays qui veulent se développer font la chasse aux compétences, à l’expertise et à l’expérience réussie. Il est dommage que les Sénégalais aient aujourd’hui le sentiment que c’est la politique politicienne qui est la base de beaucoup de promotions précipitées.
Comment êtes-vous entré en politique ?
(Il rit) Cela date de loin. J’ai adhéré, en 1976, au Parti africain de l’indépendance dit alors PAI clandestin. Il y avait deux PAI. Celui de Majhemouth Diop et celui dirigé par Seydou Cissokho. Il a été succédé par Amath Dansokho. Le PAI avait une politique de recrutement des meilleurs élèves dans les lycées et en France dans les classes préparatoires. Quand le PAI est entré dans la semi clandestinité en 1978, Harouna Dia et moi avions été choisis à Toulouse pour parler publiquement au nom du PAI clandestin. J’ai participé au congrès constitutif du PIT. J’ai été élu au comité central et c’est en 1993 que j’ai arrêté de militer pour des raisons personnelles. Mon objectif était de créer un laboratoire en mathématiques de niveau international. Cela me demandait beaucoup de temps à consacrer à la fois à la recherche, à l’encadrement, à l’enseignement. Ce qui était difficilement compatible avec les charges militantes.
Je n’avais aucune divergence avec ceux qui étaient au PIT. Amath Dansokho, Maguette Thiam, Samba Diouldé Thiam sont des grand-frères pour moi. Amath l’est resté et sa famille aujourd’hui est quasiment la mienne. J’ai repris l’activité politique, en 2003, avec le PDS. En janvier 2009, j’avais adressé un courrier au Président Wade pour attirer son attention sur les Locales de cette année. Je lui ai dit que les grandes villes avaient toutes les chances d’être perdues. Je lui ai dit qu’il devait prendre en main l’histoire, en ne se présentant pas à nouveau en 2012. Il l’avait bien apprécié même s’il n’avait pas fait ce que je lui conseillais. Wade était quelqu’un qui avait une bonne considération pour les écrits d’intellectuels qui lui étaient adressés et qui étaient bien argumentés. C’est en 2009 que j’ai gelé mes activités au PDS. J’ai repris les activités politiques avec le président Macky Sall. A Saint-Louis, nous avons fonctionné de manière autonome. Il y avait Mansour Faye d’un côté et nous de l’autre, puisque Mansour avait organisé le parti à sa manière. Cela ne nous convenait pas. Nous avons milité en parallèle.
Cette division persiste à la veille des Locales. Vous disiez que votre candidature est irréversible et irrévocable. L’est-elle toujours ?
Mais oui ! J’ai une conception très simple des Locales. Elles appartiennent aux populations. C’est à elles de choisir leur maire. Il y a les élections nationales. Nous avons voté pour élire le président de la République. Mais l’élection présidentielle est terminée. Ce n’est plus au président de la République de désigner qui va être le maire de Saint-Louis. C’est aux Saint-Louisiens et aux Saint-Louisiennes de choisir leur maire. Moi, je considère que j’ai un parcours, je suis Saint-Louisien de naissance, j’ai fait l’essentiel de mon parcours scolaire à Saint-Louis ; j’ai travaillé à Saint-Louis et apporté beaucoup de choses. Je pense pouvoir aujourd’hui apporter des choses à Saint-Louis qui doit changer. Sa situation n’est pas acceptable pour d’abord le nom qu’elle porte, pour son héritage historique à la fois de capitale de l’AOF, de première capitale sénégalaise et a été presque en tout ce que concerne l’éducation, la formation, la politique, toujours la première ville au Sénégal et qu’elle soit dans l’état où elle est aujourd’hui. J’ai dit que je relève le défi et je sollicite mes concitoyens et concitoyennes pour me donner cette opportunité avec l’équipe avec laquelle je vais y aller.
Mais si le Président ne vous choisit pas, vous irez comment à ces locales ?
J’irais dans les conditions que me permet le Code électoral. J’ai lu le Code, j’ai vu ce qui est dedans. Je suis un Républicain et je le revendique. Je respecte les institutions de mon Etat. Je suis intransigeant sur cela. Je peux ne pas être d’accord avec quelque chose, mais pour moi, on doit respecter les institutions. S’il doit y avoir des changements, faisons-le quand on en a la possibilité, mais, je ne contesterais pas les décisions des institutions de mon Etat. J’ai examiné le Code électoral selon la situation dans laquelle je suis. Je prendrai les dispositions en conformité avec le Code électoral.
Donc, vous savez déjà que vous ne serez pas le candidat de BBY ?
Je n’ai pas posé ma candidature pour demander une investiture de Benno Bokk Yakaar ou de l’APR, dans la mesure où, je connais la situation de Saint-Louis. Le Benno Bokk Yakaar et l’APR de Saint-Louis sont à Mansour Faye. Je n’ai pas posé cette question en mathématicien. Je connais les conditions dans lesquelles j’irai. Le moment venu, vous les connaitrez.
Est-il possible que vous alliez aux locales avec la Coalition Pastef-PDS-Pur-Taxawu Dakar annoncée?
Je vous ai dit que nous irons aux élections sous la forme que nous permet le Code électoral. C’est pourquoi, je tends, sans distinction, la main à tous les acteurs de la vie politique, économique, sociale, culturelle, citoyenne pour aller la main dans la main aux locales. Par conséquent, je n’exclus aucune alliance dans l’intérêt des populations du département de Saint-Louis pour aller à la conquête des mairies du département de Saint-Louis, afin de mettre en place une politique municipale capable d’apporter les changements qu’appellent de leurs vœux les populations et de mettre en œuvre dans ces communes un programme ambitieux, réaliste et réalisable. Dans le cas particulier de Saint-Louis, je veux qu’elle soit au bout des cinq ans de mandat la ville apprenante, la ville numérique, la ville sociale, la ville économique, la ville-modèle dont chaque Maire rêve.
Que pensez-vous de la somme arrêtée pour la caution aux locales, certains trouvent 15millions FCFA excessifs ?
A mon avis, il faudrait laisser le maximum de gens qui souhaitent se présenter le faire. Cela a un coût, ilfaut le reconnaitre. Il n’empêche, il faut quand même permettre au maximum de citoyens d’y aller, parce que ce sont des élections locales, des élections à la base. Elles sont importantes. Si c’était moi, j’ouvrirais d’autres perspectives électives. Nous avons des élections à un tour. C’est bien. Mais, pour ces élections, on aurait pu faire des élections à deux tours, en permettant à des listes qui atteignent un certain seuil de se mettre ensemble, si elles le veulent, après le premier tour. Ce sont des réflexions. Assez souvent la caution est une stratégie politique. Pour des élections locales, législatives, quand on a un suffrage majoritaire à un tour, la majorité a intérêt à ce qu’il ait le plus de listes possibles. C’est assez surprenant que les choix faits aillent dans le sens contraire.
En 2017, nous avions assisté à une floraison de listes aux législatives, cela avait contribué d’une certaine manière à des victoires dans certains départements. Ce type de caution va entrainer naturellement un resserrement des listes. Ceci n’est pas toujours de nature à aider la majorité présidentielle. J’ai un peu le sentiment qu’on pense à embêter certains et qu’en fin de compte on se prend le pied dans le filet.
Que pensez-vous de la gestion de la pandémie de la Covid-19 ?
Nous avons une bonne culture de gestion des épidémies jusqu’à l’arrivée de la Covid. L’une des dernières grandes épidémies était le Sida. Le ministère de la Santé de l’époque avait pu mobiliser toute la communauté y compris les religieux. Cela avait permis au Sénégal d’atteindre un résultat qui lui valait le respect de tous dans le monde. Je pense qu’il faut revenir à ces fondamentaux. Il y a quand même encore des efforts à faire par le ministère de la Santé. Je salue le personnel de santé qui a d’abord payé très cher et ensuite a donné beaucoup de soins et a été disponible. J’ai eu des malades de covid, j’ai eu à échanger avec des agents de santé dans certains centres à des heures très tardives. Ils ont été très disponibles, sans savoir qui j’étais. Donc, ce n’est pas fait à la tête du client. Je salue toutes ces grandes personnes qui s’investissent, jour et nuit comme le Pr Seydi, le Pr Daouda Ndiaye, etc. J’ai quelques interrogations sur la gestion de la Covid. Je dis toujours que nous ne testons pas assez.
Ne serait-ce pas lié à un problème de moyens ?
Je ne sais pas, mais un pays comme le Rwanda teste beaucoup. Le nombre de tests est important, parce qu’il permet d’identifier et de pouvoir isoler ceux qui ont le virus. Je pense qu’il faut améliorer les ratios de tests. On a beaucoup appris de cette maladie. Je ne conseille pas le confinement et le couvre-feu à notre pays, parce que la vie est difficile pour les populations. Mais, je pense qu’il faut penser à d’autres mesures qui peuvent éviter que la maladie ne sorte de Dakar pour aller dans les régions. Dakar est le grand réservoir et rien n’est fait pour pallier cette difficulté.
En plus de la pandémie, les Sénégalais font face aux problèmes des inondations. Pourquoi le Gouvernement n’arrive pas à résorber cette problématique récurrente ?
Je pense qu’il faut sérier plusieurs choses pour examiner cette chose avec objectivité. Il y a des inondations un peu partout dans le monde pour des raisons diverses. Cela ne dédouane pas le Sénégal. Mais, cela doit attirer notre attention et rendre plus mesurées nos conclusions. Au Sénégal, c’est dans des endroits prévisibles qu’il y a des inondations. C’est dans les zones d’inondations, des zones où on ne devait pas habiter. Les pouvoirs publics le savaient et ont laissé les gens s’y installer. Il faut trouver des solutions à long terme. Il y a quand même des avancées. Il y a des zones qui étaient inondées qui ne le sont plus, parce qu’il y a un effort d’infrastructures qui a été fait. Il y a d’autres endroits où des efforts ont été promis, mais n’ont pas été faits ou mal faits. Il faut que l’administration fasse une enquête pour corriger les choses et qu’on ne voie plus ces inondations.
Mais à cause de divers travaux dont ceux du PUDC, comme accusent les populations, certaines zones qui n’étaient pas inondées le sont maintenant.
L’Etat est en dernier ressort responsable de ce que font ces agents. Quand on va dans un pays comme le Burkina Faso, il y a des canaux d’évacuation des eaux des deux côtés de la route. J’ai l’impression que nos ingénieurs des travaux n’ont pas cette culture de faire des canaux pour protéger nos routes. Lorsqu’on surélève des routes et qu’on n’a pas d’ouvrages de recueil des eaux, ça pose problème. Il faut changer la philosophie de construction des routes. Nous sommes passés des années de sécheresse à des années où la pluie a repris. Il faut réviser. J’aimerais vraiment savoir pourquoi on ne met pas des canaux, en construisant des routes.
Parlons du pétrole et du gaz. Dans quelles proportions peuvent-ils participer à l’émergence du pays ?
Nous importons du pétrole et du gaz. Nous importons des devises. Lorsque nous allons produire du pétrole et du gaz, nous n’allons plus les dépenser. Au contraire, nous allons vendre et récupérer ces devises. C’est un facteur très positif. L’équipement est un facteur très important dans le développement d’un pays. Nous pouvons utiliser cette devise pour acheter plus d’équipements dans les secteurs clés de notre développement comme l’agriculture, la transformation agroalimentaire, l’élevage, la pêche, etc. En produisant du gaz et du pétrole, nous allons baisser leur coût au Sénégal. Cela signifie que le coût de l’électricité va baisser. Les charges des entreprises baisseront ainsi. Le Sénégal sera ainsi beaucoup plus compétitif et attractif. Le coût de l’électricité est un facteur qui plombe quand même les industries qui utilisent beaucoup d’énergie. Ensuite, les conditions de vie et le pouvoir d’achat des populations pourraient être améliorées, puisque le coût de l’électricité baissant, celui de l’eau baissera. Si on y ajoute le coût de la bonbonne de gaz, il y aura une part importante de dépenses qui va aussi baisser. Ceci va augmenter le pouvoir d’achat des populations. Le Sénégal pourrait électrifier également davantage de villages. Il y a pleins d’autres avantages que je peux citer.
Avec le pétrole et le gaz, c’est l’arrivée de la pétrochimie. Il a y a la fabrication de médicaments, celles des engrais complémentaires aux phosphates. Mais, le plus important est la fabrication sur place, avec notre pétrole et notre gaz, de tuyauterie et de toiles pour les serres. Nous pourrons partout dans le Sénégal faire de la culture goutte à goutte. Ce qui permettra à notre agriculture d’atteindre un nouveau niveau. Le pétrole et le gaz pourront nous permettre de transformer des produits miniers. Il y a les phosphates et le fer de la Falémé. On peut mettre une métallurgie. La métallurgie a été le point de départ de l’industrialisation de l’Europe. Si nous avons la volonté politique d’utiliser cela, c’est l’occasion d’avoir une métallurgie. Si on en a, on pourrait amener le chemin de fer partout où on veut.
Il faut une formation des jeunes pour accompagner cela. On a encore des opportunités que nous offrent le pétrole et le gaz. Il y a une bauxite de Guinée raffinée dans les émirats arabes, je crois, mais il faut le transporter par bateau jusque-là bas. Si nous signons des accords avec la Guinée, nous pouvons, dans les régions de Tamba ou Kédougou, mettre des usines et raffiner la bauxite et fabriquer l’aluminium. Le pétrole et le gaz sont des catalyseurs ou leviers pour l’émergence économique, sociale et culturelle de notre pays.
On va parler de votre amour pour la littérature. Avez-vous un livre de chevet ?
Je n’ai pas cette culture. J’ai beaucoup lu. D’ailleurs, j’ai fait un poème ‘’Souvenirs intellectuels’’ qui récapitule les livres qui m’ont le plus marqué durant ma jeunesse. Pleins d’auteurs comme Birago Diop, Camara Laye, Cheikh Hamidou Kâne, Senghor, Cheikh Anta Diop, Steinbeck (ndlr, John Steinbeck, prix nobel littérature 1962), Dostoïevski (ndlr, Fiodor1 Mikhaïlovitch Dostoïevski écrivain russe), Paul Eluard (poète français), Victor Hugo, Balzac, Flaubert, Stendhal, Baudelaire, Rimbaud, Pablo Neruda, Miguel Angel Asturias (poète, écrivain et diplomate guatémaltèque), Mariama Bâ, Ousmane Sembène, Boubacar Boris Diop, David Diop, etc. Je lis aussi des auteurs comme Marx, Sartre, Engels, Faulkner, Lénine, Mao Tsé Toung, etc. Je lis tout.
Cinéma ou arts plastiques ?
Plutôt cinéma, même si j’aime la peinture. C’est un regret que les salles de cinéma aient quasiment disparu de nos villes. Si je suis élu maire de Saint-Louis, je veux faire du Rogniat sud une médiathèque, un centre de technologies numériques, un centre culturel ouvert dans lequel il y aura le cinéma. Je considère que c’est un élément de formation intellectuelle et culturelle, comme le théâtre l’est également. Il n’y a plus de théâtres. Il faut ramener ces choses-là. Je vais mettre également en place une bibliothèque municipale. Le livre est important.
Plutôt foot ou basket ?
Les deux. J’ai été un piètre footballeur. J’ai été une seule fois sélectionné dans l’équipe de Dakar-Bango. Jamais plus ! J’étais plus ramasseur de ballons et conseiller technique. Le basket, je l’aime. J’étais un supporter assidu du Duc. Quand j’étais recteur e l’UGB, j’ai contribué à ce que notre équipe soit l’une des meilleures équipes. J’aime le sport. Je pense qu’il est un élément complémentaire aux études. Il faut que le sport scolaire revienne. C’est un cri du cœur que je lance. Cela permet de détecter les talents très tôt. Je suis malheureux que le Sénégal ait perdu son aura en athlétisme. J’aime le basket, parce qu’il est beau, parce que l’adresse, les beaux gestes presque artistiques qui me plaisent.
Quelle est l’origine de votre prénom ?
(Il rit). Il me porte bonheur pour deux raisons. Parce que j’aime ce prénom-là. J’avais été orienté à l’école normale des jeunes filles quand j’ai terminé ma classe de 3e. C’est à travers tous les problèmes qui en ont résulté que je suis allé faire la classe de Seconde. Ce qui m’a conduit là où je suis actuellement. La deuxième chose, les gens, quand il voit mon prénom, mettent madame. Un jour, j’étais dans mon bureau à l’UGB, mes étudiants, les doctorants sont venus en courant pour me dire que l’Université Buffalo m’a répertorié parmi les black women mathematician. Souvent, je reçois des lettres venant de l’étranger et on met madame. Parfois, le Teuw fait penser à un Chinois. Et les Chinois de l’étranger, quand ils sont dans des organismes scientifiques m’écrivent. Je porte le prénom de mon oncle. Ce dernier est l’homonyme de quelqu’un de Gandiol. On ne trouve ce prénom qu’à Gandiol et Saint-Louis, mais il est mal transcrit. Logiquement, c’est Maritew. Ibrahima Thioub m’a dit que, dans ces recherches, il a trouvé quelqu’un du nom de de Marithow. Il me dit que ce doit être un des homonymes de mes homonymes. J’aime bien ce prénom. C’est un identifiant saint-louisien.
Brillant, habitant Dakar-Bango, vous n’avez jamais été tenté par le concours d’entrée au Prytanée militaire de Saint-Louis ?
Je l’avais tenté, mais je n’avais pas réussi. Je l’avais tenté en CM1. Notre maitre avait décidé de nous présenter toute notre classe à l’examen. On était 15. La moitié de la classe a eu le certificat d’études, j’ai été le seul à avoir l’entrée en 6e. Je suis le premier élève de Dakar Bango à avoir eu l’entrée en 6e. Je me suis rattrapé, parce que mon fils ainé a réussi au concours d’entrée au Prytanée et y a été jusqu’au bac.
PROMOTEURS ET ARCHITECTES S'AFFRONTENT SUR LA CORNICHE OUEST DE DAKAR
Des années de frénésie immobilière ont bétonné le front de mer de la capitale. Pour mettre fin au far west, les autorités cherchent une voie entre essor économique et protection du littoral
Vestige d’un autre temps, le phare des Mamelles – construit en 1864 sur l’une des deux collines volcaniques qui offrent à la capitale son unique relief – est désormais cerné. À ses pieds, face à l’Atlantique, un monstre de béton a pris ses quartiers à l’orée de la route des Almadies. Telle une verrue protubérante sur le visage de Miss Sénégal, le bâtiment flambant neuf doit héberger le nouveau siège de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). À quelques centaines de mètres de là, une clinique privée s’est incrustée à flanc de falaise, en surplomb de la mosquée de la Divinité. Et un homme d’affaires influent prévoit de compléter le tableau avec la construction d’un nouvel hôtel. De quoi achever de défigurer ce panorama, autrefois idyllique.
Depuis longtemps, tel un cancer qui métastase, la frénésie immobilière a rongé la corniche Ouest de Dakar : hôtels, villas et bâtiments monumentaux défigurent le littoral, empêchant même les habitants d’accéder à la plage. Pour Moctar Ba, le président de la Plateforme pour l’environnement et la réappropriation du littoral (Perl), le projet d’aménagement de la corniche Ouest – annoncé par le gouvernement en juin 2020 – est une bien maigre consolation au regard des dommages déjà causés.
Impératifs économiques
Ces dernières années, toutefois, l’ancien expert-comptable a repris espoir. « Lors de la dernière campagne présidentielle, au début de 2019, nous avons adressé aux cinq candidats un Pacte politique pour sauver le littoral du Sénégal. Quelques mois plus tard, j’ai pu évoquer cette question lors du dialogue politique. »
Convié sur les plateaux de télévision à cette occasion, Moctar Ba incite alors les responsables politiques à sortir d’une longue léthargie. Des discussions fructueuses s’engagent avec Abdou Karim Fofana, alors ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique. Celui-ci l’invite à présenter ses propositions devant les cadres de son ministère. Il publiera même une longue tribune dans laquelle il s’efforce de concilier les impératifs économiques et les préoccupations environnementales . « Des centres commerciaux de Copa Cabana aux hôtels de La Rochelle, en passant par les aménagements payants de la corniche d’Abu Dhabi, tous les pays disposant d’un atout littoral l’exploitent selon des ratios hôtels-accès public-plages de pêcheurs-aménagements… L’enjeu réside dans l’optimisation de cette exploitation », écrit-il.
L'ancien Médiateur de la République, avocat et ancien ministre des Affaires étrangères est mort samedi à l’hôpital Principal de Dakar des suites d’une maladie
L’avocat et ancien ministre des Affaires étrangères, Alioune Badara Cissé alias ABC, est décédé ce samedi à l’hôpital Principal de Dakar des suites d’une maladie.
Proche collaborateur de Macky Sall, ABC fait partie des membres fondateurs de l’APR, le parti présidentiel.
Malgré sa proximité avec le chef de l'État, l'homme ne se privait pas d'asséner ses vérités quand l'actualité le commandait. Nombre de Sénégalais gardent encore sans doute à l'esprit, sa sortie tonitruante au temps fort de l'affaire Sonko-Adji Sarr, en mars.
Nommé par décret le 5 août 2015 Médiateur de la République en remplacement de Serigne Diop, il a terminé son mandat (non renouvelable), le jeudi 5 août dernier.
MARSOULOU, UN VILLAGE DE SECRETS ET DE MYSTIQUE
Peuplée uniquement de Sérères avec comme activités principales la pêche et l’agriculture, cette localité est mystique. Aucune autorité n’y entre sans autorisation, au risque d’être destituée
Marie Bernadette SÈNE et Mouhamadou SAGNE |
Publication 28/08/2021
Marsoulou, en plus de ses fromagers mythiques où des séances de prières sont organisées pour bénir et protéger les habitants du village, est également une terre bénite dont le sable soigne des blessures au couteau. Merveille aux facettes multiples, Marsoulou la lointaine est une île entourée d’une végétation luxuriante. Des fromagers et des manguiers offrent un beau paysage aux visiteurs. Située entre les deux fleuves, le Sine et le Saloum, la localité est un paradis terrestre, mais difficile d’accès.
Après avoir bravé des kilomètres pour rallier le village touristique de Ndangane Sambou, puis une traversée en pirogue d’une dizaine de minutes, on foule le sol de Marlodj. De là, il faut encore faire un périple de 15 mn en charrette pour joindre Marsoulou. Le charretier, Baye Fall, c’est son nom, fait de bonnes affaires avec ce mode de transport hippomobile à travers ses navettes dans les îles de Mar. En contact avec les piroguiers de l’autre rive, à Ndangane campement, qui font traverser les voyageurs pressés, son téléphone ne cesse de sonner pour des besoins de location. L’autre alternative qui s’offre au visiteur, c’est de prendre «le courrier», c’est-à-dire la pirogue qui assure quotidiennement, toutes les deux heures, la navette à partir de Ndangane village vers l’île de Marlodj. «Plusieurs voyageurs préfèrent l’attendre puisque le prix du transport est fixé à 300 FCfa», nous explique ce jeune habitué des lieux, en partance pour l’île de Marlodj.
Mais à Soulou ou Marsoulou, le village est paisible. Le gazouillement des oiseaux est le son qui accompagne les voyageurs hormis les pas du cheval. Avec des bâtis uniquement en dur, la localité respire le calme et la sérénité. Mama Thior est le patriarche et Imam du village. Trouvé sous l’arbre à palabre dans sa maison, en compagnie de son jeune frère Mamadou Thior, le chef de village et Lamine Mané, un notable, ils acceptent de nous conter l’histoire de la création de Marsoulou.
Un Socé nommé Kanguel a fondé le village
Ce village, selon l’Imam et patriarche, Mama Thior, «a été fondé par un Socé du nom de Kanguel, un conquérant qui avait quitté le Gabou en compagnie de sa sœur Sokhna et de son neveu Pambal. Ils étaient poursuivis par le roi de l’époque pour avoir colorié un poulet». Ainsi, poursuit l’Imam, «pour échapper à la sentence, ils quittent Gabou, traversent Sankkoyangue, Chounang, Walycounda, Kalycounda, Ndiambilor, Albatar, Pakao avant d’arriver à Sangomar et à Diakhanoor (actuelle Palmarin). De là, ils rencontrent Maïssa Waly Dione Mané qui est allé créer le village de Mbissel, tandis que Kanguel et sa famille continuent le voyage avec Sounkarou, jusqu’à Ndangane». Une fois sur place, ils sont rattrapés par la faim. Ils décident alors d’aller chasser. C’est ainsi qu’avec leurs flèches, ils touchent un gibier qui est tombé mais qui s’est ensuite relevé. «En boitant, le gibier traverse le fleuve. Il sera suivi par les chasseurs Sounkarou et Kanguel jusqu’à une île déserte. Sounkarou allume un grand feu et retourne avec son ami Kanguel. Le lendemain, il revient et trouve que le feu avait consumé tout sur son passage jusqu’à deux km à la ronde et décide d’y habiter. Son ami allume un autre feu qui s’est étendu jusqu’à 5 km plus haut et où il décide d’y vivre avec sa famille», fait savoir le chef du village.
Sous un fromager, ajoute l’Imam Thior, «Kanguel jetait des petites racines d’arbres qu’il utilisait pour soigner. À la fin de chaque séance, il demandait à son fils ou à sa femme en socé d’aller jeter le restant des racines sous le fromager : Ta Soulingo. Et, c’est ainsi qu’est venu le nom de Marsoulou».
Un village où l’autorité n’est pas la bienvenue
Soulou est un village riche de ses secrets et pouvoirs mystiques reconnus de tous, avec une population estimée à près de 500 âmes et qui s’étend sur 3,5 km de long et 1,5 km de large. Ici, comme dans beaucoup de villages du Sine, on incarne aussi ses pouvoirs et interdits. C’est un petit village de pécheurs et d’agriculteurs qui a jalousement conservé le legs des anciens. «En effet, dans notre localité, toute personne incarnant l’autorité ne doit pas y séjourner au risque d’être destituée», nous renseigne Imam Mama Thior. Il explique l’origine de ce don. «Comme je l’ai dit tantôt, le fondateur de ce village était un guérisseur et un savant. Il voulait protéger sa terre, c’est pourquoi il a fait en sorte qu’aucune autorité ne puisse y séjourner. Ici, quand une autorité venait, elle s’arrêtait à l’entrée du village et envoyait un messager pour qu’on appelle le chef. Ce dernier allait à sa rencontre. Mais si par malheur l’autorité entre dans le village, elle risque d’être poursuivie par des abeilles qui la feront ressortir d’ici. Si elle réussit à entrer dans le village, une fois de retour, elle sera destituée de ses fonctions. Jusqu’à présent, les enfants de ce village qui portent des tenues (militaires, gendarmes, policiers, douaniers, sapeurs-pompiers, préfet ou autres) en arrivant au village, se déshabillent à Ndangane avant de fouler la terre de leurs ancêtres», révèle le vieux Mama Thior, Imam de Marsoulou. Il ajoute que «d’aucuns disent que cela n’existe plus, mais personne ne veut prendre le risque en essayant d’enfreindre cet héritage que nos ancêtres nous ont légué, et cela on n’y peut rien».
Kanguel, le fromager béni
Kanguel est le nom du génie protecteur de Marsoulou. D’après Mamadou Thior, le chef de village, il avait demandé à être enterré sous le fromager et avait garanti aux populations que les prières qui seront dites sur sa tombe seront exaucées. «Kanguel est notre protecteur. Il est à l’entrée du village. C’est lui qui a fondé l’île de Marsoulou. Il avait demandé à être enterré au pied du fromager. Il avait garanti à sa descendance que toutes les prières qui seront formulées sur sa tombe seront exaucées. Depuis lors, nous nous rendons là-bas régulièrement pour prier et demander nos vœux qui sont toujours exaucés. Des centaines de personnes viennent ici solliciter des prières devant sa tombe».
Le chef de village d’ajouter aussi que Sokhna, la sœur de Kanguel, est enterrée non loin de là. Et son domaine, c’est la protection des enfants. «Dans le village, aucune femme ne porte son enfant sur son dos sans sa bénédiction, sinon il sera gravement malade. La femme à l’obligation de venir sur sa tombe, on fait les sacrifices nécessaires avant qu’elle n’ait le droit de porter son enfant sur son dos. C’est pareil pour le sevrage. La femme devra obligatoirement retourner auprès de la tombe de Sokhna pour obtenir sa bénédiction avant le sevrage, sinon l’enfant ne sera pas bien portant».
Le sable soigne une coupure de couteau
Dans les mystères de l’île de Marsoulou, il y a le secret lié à son sable. Alors qu’ailleurs les blessés sont évacués dans les hôpitaux ou structures de santé, à Marsoulou, un blessé au couteau est juste soigné par le sable. «L’autre richesse de Marsoulou est la terre. Telle que vous le voyez, le sable constitue pour nous de l’or. Car, ici, quand une personne est blessée par un couteau, on ne court pas voir un médecin. La seule chose que les ancêtres nous ont légué, c’est de prendre un peu de la terre et de la mettre sur la plaie. Ce petit geste guérit la plaie. La personne blessée n’a pas besoin d’aller à l’hôpital pour ça. Marsoulou a un legs que nous avons essayé de garder, malgré la présence de la religion», a indiqué Mama Thior, l’Imam du village.