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22 juin 2025
par Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla
F CFA, LA FARCE DE MAUVAIS GOÛT DE MACRON ET OUATTARA
La France en difficulté en Afrique utilise toujours la même recette : apporter en surface quelques modifications à son édifice néocolonial pour que rien ne change. C’est ce procédé que Paris, sous pression, a appliqué à nouveau avec la réforme du F CFA
Le gouvernement français a rendu publics les deux principaux textes de la « réforme » du franc CFA d’Afrique de l’Ouest – dont un n’a jamais été soumis aux parlementaires. Ces documents confirment que rien ne change : le contrôle de l’État français sur cette monnaie reste identique. Emmanuel Macron et Alassane Ouattara n’ont rien fait d’autre qu’une belle opération de communication.
Il n’aura échappé à aucun observateur attentif que la France est en difficulté sur le continent africain. Son emprise sur les pays de la zone franc, ce que certains appellent son « pré carré », est de plus en plus contestée par les populations des pays concernés.
Paris a déjà été confronté à plusieurs reprises à une telle situation dans le passé. Pour s’en sortir, le gouvernement français a toujours utilisé la même recette : apporter en surface quelques modifications à son édifice néocolonial afin de faire croire qu’il prend en compte les critiques, tout en ne changeant rien au fond. L’idée est à la fois de gagner du temps et de reprendre la main, voire de resserrer son contrôle.
C’est ce procédé que les autorités françaises, sous pression, ont décidé d’appliquer à nouveau avec la réforme du franc CFA d’Afrique de l’Ouest, annoncée à Abidjan le 21 décembre 2019 par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara.
Cette réforme, adoptée par les députés français en décembre 2020 et par les sénateurs en janvier 2021, vise ainsi à débarrasser le « système CFA » de ses aspects les plus embarrassants, ceux qui ont nourri les critiques répétées des mouvements pour l’émancipation monétaire en Afrique francophone : l’acronyme franc CFA, la représentation française au sein des instances de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), l’obligation pour celle-ci de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor français.
Mais dans le même temps, et c'est l’objectif principal, elle maintient les fondamentaux du « système CFA » : la parité fixe avec l’euro, la liberté de transfert des capitaux et revenus, et la tutelle du Trésor français sur le franc CFA et la BCEAO à travers sa prétendue « garantie » de convertibilité.
Cette stratégie apparaît de manière évidente lorsque l’on examine attentivement les nouveaux textes qui ont été adoptés et qui viennent d’être rendus publics par le gouvernement français, mais aussi quand on s’intéresse à la manière dont les parlementaires ont été utilisés, pour ne pas dire dupés.
La fausse procédure démocratique
Contrairement à ce que le gouvernement leur a fait croire, les parlementaires français n’ont pas été consultés. Le processus d’approbation auquel ils se sont soumis et auquel certains ont sincèrement cru était dans les faits sans objet et sans effet : tout avait été déjà décidé et même déjà mis en œuvre.
Regardons cela dans le détail. Il faut d’abord noter que la réforme repose sur deux nouveaux textes. Le premier est un accord de coopération monétaire, signé le 21 décembre 2019 par les ministres des Finances des huit pays de l’UMOA (Union monétaire ouest-africaine) et par le ministre français de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Lemaire. Il remplace un précédent texte datant du 4 décembre 1973. Le second document est une convention de garantie, signée le 10 décembre 2020 par Bruno Lemaire et Tiémoko Meyliet Koné, gouverneur de la BCEAO.
Cette convention de garantie prévoit, comme le faisait la convention de compte d’opérations de 1973 qu’elle remplace, que la France prête sa monnaie (des euros) à la BCEAO lorsque cette dernière manque de réserves de change pour couvrir ses engagements extérieurs. Il a fallu que le sénateur communiste Pierre Laurent insiste pour que ce texte soit rendu public.
Premier problème : bien que constituant le cœur de cette pseudo « réforme », le texte de la convention de garantie n’a jamais été porté à la connaissance des parlementaires – ce qu’ils n’ont pas relevé. S’il a été depuis mis en ligne par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, une annexe n’a elle pas encore été rendue publique.
Deuxième problème : bien avant que le texte de l’accord de coopération monétaire soit soumis aux parlementaires, certaines de ses dispositions étaient déjà appliquées « sur la base d’un avenant à la convention de compte d’opérations antérieure », signé en octobre 2020 sous l’empire de l’accord de coopération monétaire de 1973, nous indique le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance.
Troisième problème : la réforme dans son entièreté était déjà appliquée bien avant que les parlementaires ne l’adoptent, puisqu’elle est entrée en vigueur le 1er janvier, alors que les sénateurs ne l’ont approuvée que le 28 janvier et que le président Macron a promu la loi correspondant le 3 février. Est-ce bien constitutionnel étant donné que l’article 53 de la Constitution française stipule qu’un traité international ne peut prendre effet qu’après avoir été ratifié ou approuvé ? Le ministère nous répond que « la convention de garantie a été conclue et mise en œuvre sous l’empire de l’accord de coopération monétaire de 1973 ».
En somme, les parlementaires ont participé sans le savoir à une opération de communication, voire à une farce : qu’ils approuvent ou pas les changements, cela n’avait aucune incidence sur le déroulement des opérations décidées et menées par le Trésor français.
Il faut dire que dans le fond les changements apportés par cette « réforme » ne sont qu’apparents, comme nous allons le voir.
Sur le « départ » des représentants français
Première modification induite par les deux textes : il n’y a plus de représentants français au sein du Conseil d’administration de la BCEAO, de son Comité de politique monétaire et de sa Commission bancaire (AC, art. 10). C’est censé être un progrès et montrer à l’opinion publique que la France renonce à son influence. En réalité, ce « départ » des représentants français des instances de la BCEAO est nominal. Car d’autres formes de contrôle sont mises en place pour le pallier, comme le laisse voir le texte de l’accord, qui précise :
- « Le Comité de politique monétaire de la BCEAO comprend une personnalité indépendante et qualifiée, nommée intuitu personæ par le Conseil des ministres de l’UMOA en concertation avec le Garant [le gouvernement français]» (AC, art. 4).
- « Afin de permettre au Garant de suivre l’évolution du risque qu’il couvre, la BCEAO lui transmettra régulièrement les informations dont le contenu et les modalités de transmission seront précisés par échange de lettres entre eux. La coopération est également assise sur la tenue de rencontres techniques organisées en tant que de besoin entre les différentes parties, selon des modalités à convenir entre elles » (AC, art. 5).
- « Les Parties à l’accord se réunissent à la demande de l’une d’entre elles lorsque les conditions le justifient, notamment en vue de prévenir ou de gérer une crise » (AC, art. 6).
On constate que, en plus de ces dispositions, la France continue à exercer un contrôle politique de manière informelle et hors des textes puisque les détails de la mise en œuvre de la convention de garantie sont déterminés « par échange de lettres » entre la BCEAO et le ministère des Finances français.
Sur la fin du compte d’opérations et la « garantie » française
Autre évolution apparente apportée par la réforme : la BCEAO n’est plus obligée de laisser la moitié de ses devises au Trésor français sur ce qu’on appelait le « compte d’opérations ». Les montants placés au niveau du Trésor français sont désormais « transférés sur un ou plusieurs comptes que la BCEAO désigne » (AC, art. 10). Fin 2019, la BCEAO avait accumulé 6252 milliards de francs CFA (9,5 milliards d’euros), soit 76% du total de ses réserves de change, dans son compte d’opérations auprès du Trésor français. La BCEAO a donc maintenant la possibilité théorique de placer librement ses réserves de change dans les actifs de son choix.
Mais le compte d’opérations disparaît-il vraiment ? En réalité, le Trésor français continue à maintenir son rôle putatif de « garant » de la convertibilité du franc CFA à taux fixe, ce qui signifie qu’il autorise la possibilité d’un découvert « non plafonné » en euros à la BCEAO en cas d’épuisement de ses réserves officielles (CG, art. 2). Or une telle disposition requiert l’ouverture préalable d’une ligne de trésorerie dans les écritures comptables du gouvernement français (CG, art.2).
Autrement dit, le compte d’opérations disparaît pour réapparaître sous une nouvelle forme, moins onéreuse pour le gouvernement français (il n’est plus tenu de verser à la BCEAO des intérêts sur ses réserves au taux nominal de 0,75%), et qui lui assure un contrôle politique similaire. C’est la magie de la « réforme » à la française…
Conditions préalables à l’activation de la garantie française
Ce n’est pas tout. L’activation de cette « garantie », de cette possibilité de découvert, reste assortie des mêmes conditions drastiques qui l’ont toujours rendue superflue. La BCEAO va continuer à faire ce qu’elle a toujours fait, à savoir s’astreindre à maintenir un taux élevé de couverture de l’émission monétaire – le rapport entre les réserves de change de la BCEAO et ses engagements à vue –, ce qui rend la garantie française inutile.
Entre 1960 et 2020, la BCEAO n’a ainsi bénéficié de découverts auprès du Trésor français que durant la période 1980-1990, découverts qui avaient généralement servi à faciliter le rapatriement des capitaux et revenus des entreprises françaises craignant une dévaluation du franc CFA (voir Pigeaud et Sylla 2018 : 114-115)
Le système CFA comporte par ailleurs un dispositif d’alerte que la réforme ne change pas : le signal que le niveau de réserves a atteint un niveau critique est donné lorsque le taux de couverture de l’émission monétaire est inférieur ou égal à 20 %. Dans un tel cas, avant de solliciter la garantie française, la BCEAO doit utiliser les Droits de tirages spéciaux (DTS) de ses États membres auprès du Fonds monétaire international (FMI) ou les convertir en devises. Elle doit aussi procéder au « ratissage », c’est-à-dire récupérer les devises détenues par les organismes publics et les banques de la zone UMOA.
À supposer que ses réserves de change baissent jusqu’au seuil d’alerte (les 20 %), elle doit, en plus des dispositions de « ratissage », durcir sa politique monétaire afin de reconstituer rapidement ses réserves de change.
Si malgré toutes ces mesures la BCEAO fait face à une insuffisance de réserves de change, il est prévu qu’elle « informe dans les meilleurs délais le Garant de l’activation possible de sa garantie et des montants susceptibles d’être appelés [utilisés] » (CG, art. 5). Le souhait de voir activer la garantie française pour un premier tirage doit être notifié « cinq jours ouvrés Target [le système de paiements de la zone euro] » à l’avance (CG, art.6).
Mais un tel scénario reste toujours très peu probable, car même s’il n’y a plus de représentants français dans les instances de la BCEAO pour faire en sorte que le système fonctionne sans avoir besoin de la « garantie » française, le dispositif de contrôle qui avait cours avant la réforme reste lui aussi bien là. La France, en tant que « garant », a toujours son mot à dire pour « prévenir » une crise ou aider à la résoudre. En effet, la « fin » du compte d’opérations et le « départ » des représentants français des instances de la BCEAO ont été compensés par des garde-fous institutionnels, dont :
Un système de reporting : « Le Garant est préalablement informé des changements substantiels dans la gestion des réserves de change » de la BCEAO (CG, art. 3).
Un retour possible avec voix délibérative du représentant français au Comité de politique monétaire de la BCEAO : lorsque le taux de couverture de l’émission monétaire est inférieur ou égal à 20%, « le Garant peut, en complément des dispositions prévues dans les statuts de la BCEAO, désigner, à titre exceptionnel et pour la durée nécessaire à la gestion de la crise, un représentant au Comité de Politique Monétaire de la BCEAO, avec voix délibérative » (AC, art 8.)
Un retour possible avec voix consultative des représentants français au Conseil d’administration et à la Commission bancaire de la BCEAO : « Pour prévenir ou gérer une crise, le Garant peut demander, à titre exceptionnel et pour la durée nécessaire à la gestion ou à la prévention de la crise, à participer sans voix délibérative aux réunions du Conseil d’Administration de la BCEAO et à la Commission Bancaire de l’Union, pour y porter sa position. » (CG, art. 4)
Conditions financières associées à l’activation de la garantie
Dernier point qui confirme que rien ne change : en cas d’activation de la garantie, hypothèse décidément hautement improbable, « la BCEAO, ou les institutions habilitées qui lui succèdent, a l’obligation de placer au moins 80 % de tout flux entrant de devises sur cette ligne de trésorerie » (CG, art. 7). Cette disposition qui paraît difficile à mettre en œuvre (au regard notamment du délai de recouvrement des recettes d’exportation) confirme que le système du compte d’opérations est redéployé sous une nouvelle forme et, surtout, que la garantie, l’autorisation de découvert, doit avoir un caractère exceptionnel et temporaire. Dans un tel cas, la BCEAO devra aussi payer un taux d’intérêt débiteur basé sur le taux de prêt marginal au jour le jour de la Banque centrale européenne (BCE).
Dans le passé, la France a eu, rappelons-le, deux attitudes quand les banques centrales de la zone franc ont souhaité faire activer la garantie française afin de maintenir la parité du franc CFA vis-à-vis de la monnaie française. Soit elle a procédé à une dévaluation du franc CFA comme en 1994, soit elle a fait appel au FMI qui a octroyé les liquidités nécessaires en contrepartie de politiques d’austérité et de libéralisation économique, comme cela a été le cas pour la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) au milieu des années 2010. D’ailleurs, dans un document intitulé « Gestion des réserves internationales de la Cémac » et publié en 2018, le FMI soulignait qu’il « existe des incertitudes quant à la capacité du Trésor français, qui lui-même doit respecter les règles plus larges de la zone euro, à offrir ce type de garantie à grande échelle pour une période indéfinie. »
Pendant tout le reste du temps, ce sont les États africains qui ont, dans les faits, avec leurs réserves de change, garanti eux-mêmes la valeur du franc CFA et donc sa parité fixe avec l’euro. Comme l’a écrit en 1980, Bernard Vinay, ex-directeur de la Banque centrale des États d’Afrique centrale et du Cameroun (l’actuelle BEAC) : « La garantie est virtuelle aussi longtemps que les instituts d’émission (africains) disposent de réserves … Lorsque les pays de la zone franc disposent de réserves de change, cette garantie est purement nominale puisqu’elle n’est pas mise à contribution ». Les autorités françaises savent tout ceci parfaitement. Le député qui a été le rapporteur sur le projet de réforme a lui-même dit à ses collègues : « Le pari est fait qu’il en ira de même à l’avenir ».
La prétendue garantie française a toujours été un prétexte permettant à la France d’avoir un contrôle politique sur les affaires économiques et monétaires des pays de la zone franc.
D’une pierre plusieurs coups
Avec ce tour de passe-passe, Paris réussit donc provisoirement à sauver son empire monétaire pour quelques temps encore.
Le gouvernement français fait en plus d’une pierre deux coups, puisque l’un des objectifs cachés de la réforme était de doubler la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a l’ambition de créer une monnaie unique pour les quinze pays qui la composent, dont les huit pays de l’UMOA qui utilisent le franc CFA.
Les chefs d’État de la Cédéao ont en effet élaboré une feuille de route pour l’avènement de leur monnaie unique régionale qu’ils ont choisi d’appeler eco (diminutif d’Ecowas, acronyme anglais de la Cédéao). Le jour même où la Cédéao devait se prononcer sur le futur de cette monnaie, MM. Macron et Ouattara ont annoncé, sans avoir consulté quiconque, que le franc CFA serait rebaptisé eco. Le couple franco-ivoirien a ainsi opéré un vol pur et simple n’ayant pour autres buts que de créer de la confusion et de substituer au projet d’intégration monétaire de la Cédéao celui de la France, laquelle cherche à étendre l’usage du franc CFA à d’autres pays de la région.
Derniers éléments à souligner :
- Le nouvel accord de coopération monétaire et la convention de garantie ne font nulle part état d’un changement du nom franc CFA en eco. Soit un autre élément de la blague franco-ivoirienne.
- Bien que l’accord de coopération et la convention de garantie soient entrés en vigueur, ils n’ont toujours pas été publiés sur le site web de la BCEAO dont les statuts n’ont pas non plus été modifiés, ne serait-ce que pour prendre en compte les évolutions relatives à la présence française dans ses instances.
- L’accord et la convention de garantie n’ont pas été soumis aux parlements des pays de l’UMOA. Il semblerait que ce passage devant les instances démocratiques ne soit pas nécessaire car il s’agirait d’un « accord en forme simplifiée ». Pourtant, le régime d’émission de la monnaie est une prérogative parlementaire dans la plupart des Constitutions des pays francophones d’Afrique de l’Ouest.
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BOUAKÉ : ALLIOT-MARIE ET VILLEPIN N'EXPLIQUENT PAS LE MYSTÈRE DES SUSPECTS RELÂCHÉS
Comme celui de Michel Barnier la veille, les témoignages des anciens ministres Michèle Alliot-Marie et Dominique de Villepin n'ont pas permis, mardi, d'expliquer l'étrange impunité dont ont bénéficié les auteurs présumés du bombardement
Comme celui de Michel Barnier la veille, les témoignages des anciens ministres Michèle Alliot-Marie et Dominique de Villepin n'ont pas permis, mardi, d'expliquer l'étrange impunité dont ont bénéficié les auteurs présumés du bombardement qui a tué neuf soldats français à Bouaké, en 2004.
La France a-t-elle tout fait pour rechercher les auteurs du bombardement qui a tué neuf de ses soldats à Bouaké, en novembre 2004 ? En charge du portefeuille de la Défense, Michèle Alliot-Marieétait à l'époque en première ligne. À la barre de la cour d'assises de Paris, elle a tenté d'expliquer une nouvelle fois, mardi 13 avril, comment elle s'est mobilisée après la pire attaque subie par l'armée française depuis vingt ans.
Au centre des préoccupations des juges, la journée du 16 novembre 2004, dix jours après le bombardement meurtrier de l'aviation ivoirienne, où le Togo a proposé à la France de lui livrer huit mercenaires biélorusses en fuite, dont des pilotes soupçonnés de l'avoir mené. Parmi eux figure Yury Sushkin, qui a dirigé le raid et fait partie des trois accusés jugés en leur absence car introuvables.
"Il fallait que le drame de Bouaké ne se reproduise pas à un autre endroit"
Contrairement à ses collègues d'alors, Michel Barnier (Affaires étrangères) et Dominique de Villepin (Intérieur), Michèle Alliot-Marie ne nie pas avoir été informée de la proposition togolaise de livrer les pilotes. Mais, visiblement mal à l'aise, elle hésite dans ses souvenirs et indique même avoir été informée à deux moments différents de cette arrestation.
La deuxième fois, raconte-t-elle, "j'ai dit, cette fois-ci on les récupère". "Mais là, on m'a dit qu'il y avait un problème" juridique, "je ne sais pas qui au cabinet estimait que ce n'(était) pas possible". Puis elle livre une information inédite : "J'ai demandé s'il y avait possibilité de monter une opération de la DGSE pour les récupérer. Je m'en souviens, c'était un après-midi et j'ai eu la réponse le lendemain matin : ils sont déjà repartis".
La cour s'étonne de ses propos, notamment sur un obstacle juridique et rappelle au témoin que la cheffe de la direction juridique de son ministère à l'époque, Catherine Bergeal, qui a témoigné au procès, et le conseiller juridique de son cabinet, David Sénat, interrogé pendant l'instruction, ont tous les deux affirmé n'avoir jamais été saisis de cette question.
Comme d'autres responsables de l'époque, Michèle Alliot-Marie souligne qu'elle devait surtout gérer à l'époque le "chaos" provoqué par le bombardement de Bouaké et la destruction, en représailles, par Paris de l'aviation ivoirienne, à l'origine de violentes manifestations anti-françaises.
"C'est facile quand on est ici à Paris de dire on aurait pu faire ceci, faire cela. J'avais des militaires sur le terrain et des milliers de Français à évacuer, il fallait que le drame de Bouaké ne se reproduise pas à un autre endroit, c'est ça qui était important", plaide-t-elle.
"La priorité numéro 1 n'était pas la priorité juridique. D'autres auraient pu réagir" sur la question des suspects, souligne la ministre en égratignant au passage Michel Barnier, qui a témoigné ne pas avoir été informé de l'épisode togolais bien que son ambassadeur à Lomé ait envoyé un télégramme sur le sujet. "J'ai trouvé ça étrange", glisse Michèle Alliot-Marie.
De Villepin nie avoir été informé
Interrogé lundi par la cour, Michel Barnier avait expliqué qu'il avait été tenu à l'écart du dossier ivoirien par l'Élysée car ce dossier concernait avant tout "les militaires". Plus tôt mardi, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Dominique de Villepin, a écarté toute responsabilité dans l'épisode togolais. L'un des policiers de l'ambassade française à Lomé, rattaché au service du coopération du ministère de Dominique de Villepin, avait pourtant été informé par les Togolais et avait fait remonter l'information en France.
Dominique de Villepin assure ne pas avoir reçu cette information et souligne qu'en tant que "ministre de l'Intérieur, et pas de l'extérieur", il n'était ni "concerné", ni "informé" des évolutions de la crise ivoirienne, et donc pas non plus des "dysfonctionnements" français dans l'enquête.
"L'information a été transmise à deux ministère et a été traitée. On peut ne pas aimer la réponse mais elle a été faite et assumée", résume-t-il à l'adresse de ses deux anciens collègues du gouvernement. Les plaidoiries des parties civiles sont prévues mercredi, avant le réquisitoire et le verdict, attendu jeudi ou vendredi.
LES LOCALES PEUVENT SE TENIR EN 2021
L’opposition ne recule pas. Elle tient au respect du calendrier électoral et l’organisation, en 2021, des élections locales.
L’opposition ne recule pas. Elle tient au respect du calendrier électoral et l’organisation, en 2021, des élections locales. En conférence de presse, ce mercredi, les membres du Front national de résistance ont fait remarquer que Macky Sall a marqué le pas et a été dans des dilatoires continus malgré leurs nombreuses condamnations et dénonciations.
« Malgré tous ces retards et avec le démarrage du processus électoral le 2 avril 2021, nous pensons, nous réaffirmons qu’il est possible d’organiser les élections locales en 2021 », a déclaré Saliou Sarr, expert du Front national de résistance dans le domaine des élections. Faisant une démonstration technique, il explique quatre étapes qu’il juge importantes et nécessaires pour organiser les élections.
« La première étape c’est l’audit du fichier en 90 jours qui se termine mi-mai et l’évaluation du processus 60 jours en fin mai. Les résultats de ces deux opérations et ceux du dialogue politique vont impacter le code électoral et le code des collectivités territoriales. C’est pourquoi, il y a une seconde étape qui va concerner la revue du code électorale et celle des collectivités locales et certains points en suspens qui seront discutés pour une durée de 30 jours », explique-t-il. Avant de poursuivre : « la troisième étape, c’est la révision exceptionnelle des listes électorales pour une durée de deux mois. Elle sera consacrée essentiellement aux jeunes qui atteindront l’âge de voter. La quatrième étape sera consacrée au dépôt des candidatures. C’est le Code électoral qui a 80 à 85 jours avant la date des élections ».
Faisant la récapitulation de ces différents délais, il indique : « on tombe à 7 mois 25 jours, donc un peu moins de 8 mois. Si l’on prend comme date de départ le 2 avril 2021 pour l’évaluation du processus, on voit bien que techniquement, nous pouvons bel et bien organiser les élections locales au mois de décembre 2021 au plus tard ». Il a, dans le même sillage, précisé que toutes les autres parties prenantes sont aussi pour l’organisation des élections en décembre 2021. D’ailleurs, rappelle-t-il, la société civile a proposé la date du 19 décembre. « Seul le pouvoir de la majorité est pour l’organisation des élections en janvier 2022 », regrette M. Sarr.
Et met en garde le chef de l’Etat et son régime
A l’en croire, les membres du Front national de résistance sont plus que jamais mobilisés et solidaires dans le combat autour de la conduite des processus démocratiques, républicains citoyens et sociaux dans notre pays et dans la lutte pour demander le respect du calendrier électoral. « Nous n’accepterons pas un nouveau forcing du président Macky Sall. L’opposition met en garde Macky SALL et son régime de toutes les conséquences qui pourraient encore découler de cette dangereuse situation », prévient-il.
En conséquence, l’opposition tient à exiger l’organisation des élections locales en 2021, des élections législatives en 2022 et l’élection présidentielle en 2024. De même, l’opposition exige aussi l’application de tous les accords consensuels issus de la commission politique du dialogue national.
L’opposition appelle tous les partis à lancer sans délai le cadre d’unité d’action démocratique pour imposer la tenue des élections locales en 2021. « Nous sommes en train de finaliser la création d’un mécanisme de concertation et de coordination des luttes démocratiques et sociales qu’appelle la situation actuelle. Ce mécanisme va nous permettre de coordonner et de mutualiser toutes les initiatives et actions communes de la lutte au niveau local comme au plan national et au niveau de la diaspora », avertit-il.
Par Yoro DIA
LE CHEVAL DE TROIE DES ONG
L’homosexualité est un particularisme que l’Occident veut universaliser en avançant masqué derrière des valeurs comme la liberté ou les droits de l’Homme, mais surtout en enfourchant le cheval de Troie des Ong
Dans son livre Appels d’empire, le grand politologue libanais Ghassan Salamé explique que dans le projet colonial, «souvent le missionnaire précédait le militaire». Aujourd’hui, «c’est l’humanitaire qui précède le militaire». Ce que Salamé théorisait dans les années 1990, il le vivra dans la pratique quand il a été représentant spécial des Nations unies en Libye, un pays où l’humanitaire Bernard-Henri Levy a précédé les militaires de l’Otan. BHL est venu en Libye, a lancé un appel, a fait le tour des télés et magazines, a rencontré Sarkozy, et on connaît la suite : une guerre qui détruit la Libye qui, plus de dix ans après, a du mal à ses relever. Les humanitaires et certaines Ong en général jouent le même rôle de cheval de Troie de l’arrogance occidentale dans le choc des valeurs. L’universel est toujours l’universalisation d’un particularisme. L’homosexualité est un particularisme que l’Occident veut universaliser en avançant masqué derrière des valeurs comme la liberté ou les droits de l’Homme, mais surtout en enfourchant le cheval de Troie des Ong, comme elle a eu à le faire avec les missionnaires et les explorateurs pour préparer et justifier la colonisation, ou avec des humanitaires pour justifier et légitimer certaines interventions et ingérences militaires comme en Libye ou en Somalie.
Pour comprendre le discours des Ong, il faut juste en tracer le financement. Ainsi, on comprend aisément la dernière position d’Amnesty Sénégal, qui part en croisade pour la défense des gays. Tracer le financement permet de comprendre pourquoi certaines Ong sont devenues des rentiers de la tension électorale ; d’où ce débat sans fin sur le Code électoral, malgré le fait que l’alternance soit devenue la respiration naturelle de notre démocratie. Pour sauver leur financement, certaines Ong sont prêtes à nous condamner à un éternel recommencement.
Nous ne sommes pas dans le choc des civilisations qu’annonçait Samuel Huntington, mais nous sommes dans un choc de valeurs. Et dans celui-ci, nous devons défendre nos valeurs, mais aussi rappeler à l’Occident ses valeurs, dont une des plus importantes est le relativisme culturel si cher à Levi Strauss ; en d’autres termes rappeler à l’Occident le fameux, «vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà». Nous sommes au-delà des Pyrénées, où un particularisme qui s’appelle polygamie est une valeur qu’on ne cherche pas à imposer de l’autre côté.
Dans ce choc des valeurs, pour permettre à l’Occident de redécouvrir cette grande valeur du relativisme culturel, on devrait poser le débat sur l’interdiction et la persécution légale de la polygamie. On leur dirait alors, si vous n’acceptez pas la polygamie (qui est un particularisme chez nous) en Europe, alors ne nous imposez pas un débat sur l’homosexualité. Quelle serait la réaction de l’opinion en France ou en Angleterre, si des Ong islamiques cherchaient à poser le débat et à imposer la polygamie comme valeur universelle, et mettaient la pression sur les gouvernements pour faire légaliser cette valeur ? Ce serait Shoking évidement. Toute chose étant égale par ailleurs, c’est la même chose pour nous en ce qui concerne la légalisation de l’homosexualité. Oublier volontairement ses propres valeurs comme le relativisme culturel, et vouloir nous imposer un débat sur l’homosexualité, par le biais du cheval de Troie des Ong ou le chantage politico-économique, relève de l’arrogance. Une arrogance si occidentale.
LA SECTION DE RECHERCHES CHANGE DE PATRON
Le commandant Abdou Mbengue s’en va, le capitaine Aliou Ndiaye s’installe. Le nouveau nommé quitte Thiong pour Colobane. La distance n’est pas loin, mais le défi est immense !
La Section de recherches change de chef. Le commandant Abdou Mbengue s’en va, le capitaine Aliou Ndiaye s’installe. Le nouveau nommé quitte Thiong pour Colobane. La distance n’est pas loin, mais le défi est immense !
C’est lui maintenant qui hérite de l’affaire qui oppose Adji sarr à Ousmane Sonko. Un dossier brûlant, un baptême de feu alors pour l’ancien patron de la gendarmerie de Thiong. Mais, le capitaine Aliou Ndiaye n’a jamais été loin de cette série judiciaire à plusieurs épisodes. On se rappelle du premier épisode d’ailleurs, c’était lors de la convocation du leader de Pastef par le juge d’instruction du 8e cabinet, Mamadou Seck. Le dossier avait atterri dans son fief d’alors.
Le procureur de la République avait désigné la compagnie de gendarmerie de Dakar, sise à la rue de Thiong, pour entendre Ousmane Sonko pour troubles à l’ordre public. Aujourd’hui, le capitaine mène la barque même si la mer est actuellement calme. Mais, les risques d’agitation restent toujours là. En face, un homme aguerri, dur et endurci grâce à ses expériences au sein de la gendarmerie nationale.
2018-2021, c’est le temps du commandant Abdou Mbengue à la Section de recherches. Un legs lourd laissé au capitaine Aliou ndiaye dans un contexte qui l’est autant. La cérémonie de passation de service est prévue le lundi 19 avril 2021 à la caserne Samba Diéry Diallo.
HÔPITAL DE NINÉFÉCHA, DU RÊVE AU CAUCHEMAR
Portée par les rêves de grandeur de son mari, Viviane Wade avait installé cet hôpital de dernière génération en 2002. De cette infrastructure, il ne reste que le nom, des habitations vétustes, des véhicules en panne, un personnel sanitaire réduit
Situé à une quarantaine de kilomètres de la commune de Kédougou, l’hôpital de Ninéfécha a été inauguré le 6 novembre 2002 avant de mettre la clef sous le paillasson le 30 juin 2013. Après plusieurs mois de fermeture, l’hôpital a rouvert ses portes au public grâce à l’appui de la Vision mondiale avant d’être érigé en poste de santé en 2014 et intégré dans le système sanitaire de la région. Aujourd’hui, de l’hôpital de Ninéfécha, il ne reste que le nom, des habitations vétustes, des véhicules en panne, un personnel sanitaire réduit et de vieux souvenirs
C’était un joyau au cœur d’un désert médical : portée par les rêves de grandeur de son mari, Viviane Wade avait installé un hôpital de dernière génération à Ninéfécha, situé à 40 km de Kédougou. C’était en 2002. Aujourd’hui, il ne reste de cette infrastructure, qui disposait d’un bloc opératoire, d’une maternité avec hospitalisation, d’un pavillon opéré récent, d’une chaise dentaire, d’une case de soins et des logements pour les médecins et infirmiers, que l’ombre de ces outils et de ces infrastructures. Depuis sa réouverture en 2014, la structure est passée d’hôpital moderne à poste de santé avec comme personnel sanitaire un infirmier-chef de poste, une sagefemme, une matrone, un dépositaire et un agent de santé communautaire.
Trouvé dans son domicile de fonction, qui se trouve à quelques pas du poste de santé, Samba Diallo, Icp de Ninéfécha, affiche une bonne mine en cette forte période de chaleur. Malgré les conditions climatiques extrêmes et géographiques, il vit pour la prise en charge sanitaire des populations de Ninéfécha et les 23 villages que son poste polarise. Malgré cet optimisme et son engagement, les difficultés ne manquent pas : «Parmi les 14 postes de santé que compte le district de Kédougou, Ninéfécha est l’une des zones les plus difficiles d’abord à cause de son enclavement, la réticence des communautés qui sont en grande partie ancrées dans les pratiques culturelles mais aussi et surtout du fait que ces populations étaient habituées à la gratuité des soins au temps de l’hôpital avec l’Association éducationsanté.» C’est un changement qui bouleverse le quotidien des populations. Avec l’avènement de l’hôpital de Ninéfécha, elles ont bénéficié d’une prise en charge sanitaire gratuite. Avec le changement de statut de la structure, les privilèges et autres avantages ont disparu en même temps que Mme Viviane Wade annonçait son retrait du projet. Cette situation impacte la prise en charge efficace de la santé des populations.
Pour pouvoir faire face à certains impératifs ou exigences, assurer le fonctionnement correct sans rupture du service, un poste de santé a besoin de générer des ressources. «C’est pourquoi, on demande une contribution des populations par l’achat du ticket de consultation au moins pour faire face à la prise en charge du personnel communautaire, certaines charges mais, c’est difficile. Parce que les populations n’avaient pas cette habitude», enchaîne l’Icp. Il ajoute : «En hivernage, la situation est parfois intenable. C’est grâce au maire de la commune Dondo Keïta qu’on arrive vraiment à s’en sortir.» Aujourd’hui, l’hôpital de Ninéfécha, qui était une carte postale de la région, a laissé un gros vide dans la région. Le maire ne cache pas son mécontentement face au changement de statut de la structure sanitaire de Ninéfécha. Il en parle avec difficulté et émotion. «On peut dire aujourd’hui, après tous les sacrifices, et l’investissement qui a été fait ici, que la montagne a accouché d’une souris», regrette Dondo Keïta, nostalgique de son hôpital qui faisait la fierté de toute une communauté voire une région.
Amer, M. Keïta se confesse : «Au début je ne pouvais même pas dire poste de santé. Parce que je n’en voulais pas.» Il est nostalgique des offres de services, la rigueur et le professionnalisme du personnel soignant. Il faudra conjuguer au passé. «Il m’a fallu du temps pour que je me résolve à faire avec le poste de santé. Il y avait une logistique roulante très performante qui facilite la mobilité des patients et autres populations. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. La seule ambulance dont disposait la structure est en panne depuis plusieurs mois», détaille le maire de Ninéfécha.
Le véhicule du maire transformé en ambulance
Face au manque criard de logistique roulante, qui plombe les efforts du personnel soignant, le véhicule de fonction du maire a été transformé en ambulance pour les évacuations d’urgence. «Très honnêtement, le maire nous appuie énormément. Non seulement les fonds de dotation nous arrivent mais, il nous appuie en carburant pour nos différentes stratégies avancées et son véhicule est à notre disposition pour les évacuations des patients ou pour aller les chercher en cas d’urgence», poursuit l’infirmier chef de poste. Alors que l’enclavement est un sérieux problème, l’Icp est obligé d’adapter la prise en charge. «Ce sont des stratégies avancées qu’il faut mener. Plus de 97% de la population sont en stratégie avancée et mobile que je mène. Ces populations habitent à plus de 10 kms du poste de santé et il faut se déplacer pour les offrir le paquet de service sanitaire qu’il faut pour une prise en charge efficace et assistée», détaille M. Diallo.
A ses yeux, il est «impérieux que le poste puisse disposer d’une logistique roulante pour exercer dans des conditions optimales pouvant permettre d’atteindre les objectifs. Nous disposons d’une vieille ambulance héritée de l’ancien hôpital et qui ne roule plus. C’est une ambulance qui tombe en panne après chaque sortie et le poste ne dispose pas de suffisamment de ressources pour son entretien». En cette période de forte chaleur, les pathologies les plus récurrentes sont l’hypertension artérielle, la diarrhée à cause de l’hygiène. Sans oublier le paludisme, qui continue à sévir dans toute la région de Kédougou. Quid du Covid-19 ? «Tout un dispositif de formation et de communication a été mis en place pour mieux sensibiliser les populations avec l’appui des relais communautaires. Grâce à ces activités, aucun cas n’a été signalé au niveau du poste de santé», note Samba Diallo, qui se bat pour garder à vie une infrastructure en décrépitude. D’un coût d’investissement de 200 cents millions F Cfa, l’hôpital de haute pointe de Ninéfécha a été construit sur une superficie de 4 hectares par l’ancienne Première dame, Mme Viviane Wade, par ailleurs présidente de l’Association éducation santé et ses partenaires de Nanterre (France), notamment le Conseil général de Haut de Seine, dirigé à l’époque par Charles Pasqua.
Promotion de l’emploi : Ninéfécha, la «révolution» agricole
C’est l’heure de la révolution agricole à Ninéfécha où le maire Dondo Keïta a entrepris des actions pour trouver une solution durable et viable à la promotion de l’emploi et de l’employabilité des jeunes et des femmes du village, qui porte le nom de sa commune.
La terre ne ment pas. Le maire de la commune investit sur les jeunes de sa commune à travers l’exploitation d’un champ agricole collectif. Lors de la dernière campagne agricole, ils ont exploité 23 ha dont 10 pour le maire et 13 répartis entre les jeunes et les femmes. «Si j’ai décidé de m’engager cette année dans l’agriculture, c’est pour pousser les jeunes à en faire autant et leur permettre d’avoir une occupation utile et rentable. Surtout que la terre ne ment pas», explique le maire Dondo Keïta. Surtout que, dit-il, des jeunes d’un autre pays avaient investi dans un projet similaire. «Il était inconcevable que d’autres viennent travailler et faire profit alors qu’on a des jeunes compétents qui peuvent faire la même chose. Il était hors de question que les jeunes se lamentent du manque d’emploi alors que la terre est là et que ce sont d’autres jeunes qui viennent pour l’exploiter», poursuit le maire. Et la récolte a été impressionnante : il a récolté plus de11 t de riz paddy et obtenu plus de deux millions de francs Cfa. Avec le résultat obtenu malgré les difficultés notées, les jeunes sont plus motivés et ambitionnent de passer à l’échelle supérieure avec l’exploitation de plus de 50 ha la saison prochaine. Aujourd’hui, les perspectives sont réjouissantes. Mais, il faut faire face à certaines contraintes. «On ne dispose pas de tracteurs. On laboure beaucoup dans la zone et à titre d’exemple, même 5 tracteurs ne peuvent pas faire l’affaire lorsque vous les envoyez au village d’Assoni. A cela s’ajoute l’inadaptation des tracteurs qu’on nous envoie ici pour faire le labour», enchaîne le maire. Alexis Sadiakhou, président des jeunes de Ninéfécha, appuie : «On ne peut pas utiliser une petite daba pour faire de grosses réalisations et vivre de l’agriculture. C’est pourquoi, l’Etat doit nous doter de matériels agricoles adaptés pour permettre aux jeunes de retourner vers la terre et tourner le dos à l’émigration irrégulière.» L’autre problème est lié à l’absence de pistes de production qui ne permettent pas d’évacuer la production dans des conditions optimales. «On éprouve des difficultés à faire la récolte parce qu’on n’a pas de bonnes pistes. A cela vient s’ajouter le manque de main d’œuvre pour la récolte du riz d’autant plus qu’on ne dispose pas de batteuses», précise le maire. Même son de cloche pour la présidente du groupement «Kalané», Maoudo Diop : «On a perdu beaucoup de riz cette année faute de machine pour la récolte.» En plus, il y a le problème de la disponibilité des batteuses pour l’abattage du riz et souvent ce sont des querelles à n’en plus finir entre producteurs. «Des efforts considérables doivent être faits en ce sens pour nous doter de batteuses à faucille, c’est ce qui est adapté ici», formule Dondo Keïta. Sans oublier de mentionner la divagation des animaux. Chaque année, ce sont des hectares de riz qui sont détruits par des animaux en quête de verts pâturages. «Pour cette année, on a connu aussi des pertes inestimables à cause des feux de brousse. Par exemple, A. Diallo a perdu toute sa récolte qui a été décimée par les flammes. Y. Camara dans le village d’Assoni a perdu plus de 8 hectares partis en fumée», rappelle M. Keïta .
Il espère que le modèle de Koundara en Guinée inspire le Sénégal pour assurer la modernisation de l’agriculture et booster les récoltes. «Je me suis rendu en Guinée à Koundara. Parce que j’avais vent, à la suite des difficultés qu’on a connues cette année, qu’il y avait des machines qu’on appelle laberda. Ce sont des moissonneuses batteuses à chenille qui permettent de récolter avec le maximum de rendement, a expliqué le maire de Ninéfécha. Une machine multitâche de ce genre permet de gagner du temps, de rationnaliser des ressources et d’avoir un bon rendement», suggère-til à l’Etat du Sénégal. «La dotation d’engins de cette envergure peut aider à révolutionner de manière considérable le secteur agricole, notamment avec la politique de mécanisation», poursuit M. Keïta, qui espère un élargissement des périmètres à cultiver grâce à l’appui du Gouvernement, qui doit «mettre à la disposition des agriculteurs des moissonneuses et tracteurs à chenille pour faciliter le travail du labour et de la récolte, organiser la vente avec un prix acceptable pour le producteur».
Transformation des produits locaux : La pandémie freine les femmes
Le groupement d’intérêt économique «Kalané», debout pour le travail en langue Bedik, a vu ses activités arrêtées avec l’apparition de la pandémie du coronavirus. Mme Maoudo Diop, présidente du groupement, explique qu’elles avaient commencé l’an dernier avec la poudre de pain de singe. Mais, cela n’a pas été rentable à cause de la pandémie qui «nous a contraintes d’arrêter nos activités». Elles ont été obligées de vendre à perte le produit qui était déjà transformé en grande quantité. Jusque-là, ces femmes travaillent dans des conditions très difficiles pour ne pas dire rudimentaires. Elles ne disposent pas de lieu ou d’unité de transformation pouvant les permettre d’exercer correctement leur activité. «On a besoin d’assistance pour nous permettre d’avoir ne serait-ce qu’un lieu approprié où travailler», plaide la présidente du groupement. «Pour former le groupement, explique la présidente, nous avons vendu nos biens.» Elles souhaitent bénéficier des financements et autres projets et programmes de l’Etat qui visent à aider ou accompagner l’entreprenariat des femmes. La présidente renseigne d’ailleurs qu’elles ont déposé un projet de transformation de pain de singe, d’élevage et de transformation du fonio mais jusque-là, elles attendent d’être financées. En plus des activités de transformation, ces femmes s’investissement dans l’agriculture comme la culture du riz, de l’arachide, du fonio mais aussi le maraîchage. Elles exhortent l’Etat à les accompagner à avoir des financements souples et rapides pouvant les accompagner. Quid de la Délégation à l’entreprenariat rapide pour l’emploi des jeunes et femmes Der/Fj ? «Ce programme n’est pas arrivé ici», précise Mme Maoudo Diop
L’Adepme par le voix de directeur tire déjà la sonnette d’alarme ; 90% de nos PME et TPE sont impactées d’une manière ou d’une autre malgré la mise en œuvre d’un plan de résilience de plus 1000 milliards de Fcfa
Face à la crise du COVID-19, l’État a demandé aux entreprises d’arrêter de licencier cependant avec les vagues successives de cette pandémie les entreprises sénégalaises sont au bord de la rupture et les pertes d’emplois massifs sont à craindre.
L’Adepme par le voix de directeur tire déjà la sonnette d’alarme ; 90% de nos PME et TPE sont impactées d’une manière ou d’une autre malgré la mise en œuvre d’un plan de résilience de plus 1000 milliards de Fcfa, la relance et la transformation de l’économie du pays tarde toujours et c’est pas les plus jeunes qui diront le contraire . Ils ont exprimé à leur manière leur ras le bol durant les manifestations que le pays a connues récemment.
L’emploi ; toujours l’emploi semble aujourd’hui être le leitmotiv. On n’en créera jamais suffisamment dans notre pays ou 200 0000 à 300 000 jeunes investissent chaque année le marché de l’emploi. Avec 400 millions de sa population âgés de 15 à 30 ans, l’Afrique a la population la plus jeune au monde. Selon le rapport Perspectives économiques en Afrique, établi en 2019 notamment par la Banque africaine de développement (BAD), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et l’Organisation de coopération et de développement économiques des pays industrialisés (OCDE), ce chiffre devrait doubler d’ici à 2045.
La jeunesse de la population africaine est-elle une bombe ou une opportunité dépendra de la réponse réservée par l’élite politique africaine à cette question urgente, difficile et compliquée. La transformation structurelle imposée par une économie globalisée sans frontières ; les mutations technologiques souvent brusques destructrices de main – d’œuvre ; le secteur informel omniprésent ; le manque de régulation tout azimuts de nos économies ; les changements climatiques et les systèmes de formation et d’apprentissage rigides laissent peu de marge de manœuvre aux états même les plus interventionnistes et volontaristes. Les jeunes sont le vivier de compétences dont les entreprises ont et auront besoin pour produire et croître.
Donner des perspectives d’avenir aux jeunes et ne pas les sacrifier est la meilleure garantie pour préserver nos futurs relais de croissance car ils sont les producteurs et consommateurs de demain. Aussi il serait rédhibitoire de croire que seul l’État doit apporter la solution. Les entreprises du secteur privé créent de la richesse et donc de l’emploi. L’emploi se crée dans les secteurs primaire ; secondaire et tertiaire autour d’ un environnement propice que la puissance publique doit instaurer.
Au Sénégal, trouver un interlocuteur unique ou simplement une voix bien articulée dans nos divers et différents syndicats patronaux reste quasiment impossible. Regardons la France qui est la 6e puissance économique mondiale, selon la banque mondiale et le FMI, et la 2e puissance économique en Europe derrière l’Allemagne avec un PIB de 3 000 milliards de dollars ne compte que le MEDES comme regroupement de ses patrons, entrepreneurs et chefs d’entreprise. Ce qui donne une force et une crédibilité au patron des patrons de ce pays. On lui déroule le tapis rouge à l’Elysée ; il est systématiquement consulté sur tous les sujets et son organisation est un rouage essentiel à tous les stades de gestion des affaires de la France. Chez nous au Sénégal ; un pays avec PIB de moins de 25 milliards de dollars nous comptons au moins dix organisations de patrons ou organisations d’entrepreneurs ou organisation d’industriels ou organisation de commerçants.
Le plus cocasse est que deux organisation parmi les plus représentative à savoir le CNP et la CNES ne songent pas aux vues de multiples défis : des parts de marché de leurs membres qui se réduisent avec le razzia des chinois, turques, indiens etc; de se constituer en un bloc serré pour rééquilibrer en faveur des nationaux.
Après plus de 60 ans d’indépendance les entreprises de la métropole pour ne pas dire de la France caracolent toujours en tête en termes de chiffres d’affaires et bénéfices. Des pans entiers de nos économies comme la banque sont toujours aux mains de capitaux étrangers ; je ne parle pas de l’assurance et de la pharmacie. Même la manutention portuaire un secteur ultra lucratif reste aux mains de patrons métropolitains.
Que dire de ce méga- projet de TER avec 700 milliards alloti à des étrangers. Il est urgent de mettre en œuvre un vrai caucus de tout le système patronal autour d’une organisation faitière forte et représentative afin que nos autorités trouvent un interlocuteur légitime et capable de discuter business. La solution de la lancinante question sur l’emploi des jeunes, passe par là.
Moustapha DIAKHATE
ex conseiller spécial du Premier Ministre
Membre Cabinet Presi Cese
Par Soro DIOP
FAIRE PEUR A NOS PEURS
Ne voit-on donc pas les tempêtes belliqueuses mâtinées à la camomille des identités furieuses et aveugles qui entourent le Sénégal ?
Ne voit-on donc pas les tempêtes belliqueuses mâtinées à la camomille des identités furieuses et aveugles qui entourent le Sénégal ? Les mauvais vents qui tentent de dissiper les fraternités séculaires et de phagocyter les parentés ancrées qui se conjuguent, s’harmonisent et se délectent dans les délices des métissages féconds ? Des sangs si mêlés. Les déluges alimentés par des forces obscures et obscurantistes qui convoquent dangereusement les bêtises de la division enclouée dans des discours cyniques habillés d’alertes et d’activismes aux contours et aux détours diffus. Confus.
Confits pour alimenter les petits esprits. Les petits d’esprit. Les esprits fragiles. Le Sénégal est cette terre d’accueil, de la Téranga. Chez nous, tendre les bras pour accueillir l’étranger, ce n’est point s’ouvrir aux malheurs du monde et… aux « bruits et aux odeurs » xénophobes. C’est l’ordinaire d’un sens de la sociabilité qui postule que « l’homme est un remède pour l’homme ». Et voilà maintenant que certains dans ce pays aiment s’amuser avec le feu, jouer avec les fumigènes de l’instabilité. Dans ce Sénégal, quelques individus en sont arrivés à ergoter et à s’égosiller sur de prétendus conflits ethniques avec un flegme inquiétant. Sidérant. Avec parfois des rhétoriques caustiques qu’ils cherchent à marteler comme un cantique. Un mantra prédicatif. Un jeu simpliste mais parfois amusant à certains endroits pour qui connait et reste persuadé que le Sénégal garde encore de solides ressorts institutionnels et des accoudoirs religieux, culturels et coutumiers vigoureux pour conjurer les sordides et sournois desseins des prédicateurs de l’apocalypse. Un cousinage à plaisanterie si unificateur et réconciliateur ! Un patrimoine inoxydable ! De quoi faire peur à toutes nos peurs. Ce bon peuple, si bruyamment silencieux, on dirait presque taiseux, observe, suit et traque, avec une intelligence raffinée, un bon sens inébranlable, les chicaneries de quelques animateurs de ces tournois… contaminés par la pandémie… numérique d’une bêtise humaine qui a élu cité dans les réseaux sociaux.
Que le Sénégal réel, pas virtuel ou virtualisé, est bien loin de ce foyer de frayeurs divisionnistes, séparatistes et « ethnicistes », des ravages postulés par des vaticinateurs de l’obscurité et de l’obscurantisme ! Un foyer qui d’ailleurs n’aura pas -espérons-le !- l’incandescence d’une braise dans ce pays de Léopold Sédar Senghor qui, dans sa vaste connaissance de l’histoire et la culture du Sénégal, qui fonctionne dans ses poèmes et ses essais, flétrit avec raffinement la toxicité de « l’entre soi » dans une République, contraire à l’art de vivre propre à « l’homo senegalensis ».
Comme ses prédécesseurs qui ont joué, chacun sa partition et selon son tempérament, à la consolidation d’une nation sénégalaise, « unie et indivisible » et qui « le restera », il y a dans le message du 3 avril du Président de la République Macky Sall, des vérités qui doivent border nos convictions et nos ambitions, nous tous, convoiteurs d’une fraternité tissée par des liens de sang confondus : œuvrer pour un Sénégal « de pluralisme intégrateur ; un pays de paix et de convivialité entre tous ses composantes ; un pays de téranga, qui accueille et protège tous ses hôtes sans exclusive. »
INTERROGER LA RAGE DE LA JEUNESSE
Pour le reste, aussi bien dans son message du 8 mars que celui à la veille de la célébration de la fête de l’indépendance le 4 avril, le Président de la République a choisi de parler aux jeunes. Non seulement de les entendre mais mieux, de les écouter. Non seulement d’interroger leur rage face aux craintes de l’avenir mais de prendre concrètement une batterie de mesures pour répondre à leurs difficultés d’emplois et d’insertion sociale d’où « s’originent » leur mal-vivre, leurs angoisses, leur furie et leur fureur.
Autant de facteurs et de raisons qui ont trouvé comme terreau fertile les malheureux événements en début du mois de mars. Des événements qui ont servi d’exutoire à un orage de frustrations et de peurs enfouies. Un orage réveillé par une nuée de durs effets socio-économiques consécutifs à une pénible pandémie qui continue de tournebouler et de tourmenter tous les pouvoirs à travers le monde. C’est ainsi la meilleure manière de ne pas rester aveugle et sourd aux angoisses existentielles de la jeunesse. Une réponse responsable pour déconstruire les tentatives de radicalisation des jeunes par des sergents-recruteurs de la désespérance. Les tentations de thèses pour donner droit de cité dans les esprits à des partitions ethniques, des factures culturelles, cultuelles, régionalistes et autres particularismes potentiellement explosifs pour des valeurs qui ont toujours fermenté et alimenté « notre commun vouloir de vie commune et qui « constituent notre soupape de sécurité individuelle et collective » et « gouvernent notre démocratie, l’Etat de droit et la République ».
Dans la jeunesse sénégalaise, il y a bien la majorité silencieuse. Il y a aussi, hélas, une minorité bruyante qui habite maintenant dans quelques coins électroniques du manoir… numérique, armée d’une pensée unique, univoque et unilatérale. Certes, dans une démocratie, il faut des différences. Des divergences. Encore faut-il les situer dans un cadre républicain où il est autorisé même l’audace de penser mal. Maladroitement. C’est à la jeunesse sénégalaise de savoir inventer des espaces de fécondité pour être des acteurs de leurs vies. C’est à elle de faire peur à ses peurs.
Pour ceux qui cherchent à frayer un chemin d’avenir pour la jeunesse sénégalaise, surtout en ce temps de pandémie, qu’ils méditent donc ce viatique de de Victor Hugo dans « Les Misérables » : « Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. ».
Par Mohamed Bachir Diop
MALCOLM X ASSASSINÉ AVEC LA BÉNÉDICTION DU FBI
Malcolm X, militant nationaliste de la cause des Noirs aux USA, a été d’abord un fervent communiste avant de rejoindre le mouvement « Nation of Islam » dont le dirigeant le plus en vue était Elijah Mohamed
Ce « résistant » extraordinaire a changé son nom de famille, un « nom d’esclave » dit-il, pour dénoncer le système raciste des Etats-Unis mais aussi le fait qu’il s’agissait d’un nom de propriétaires d’esclaves qui l’imposaient aux personnes d’origine africaine brutalement arrachées à leurs pays d’origine. Son vrai nom de famille était Little mais il s’est fait appeler X, une inconnue en mathématiques pour dire que, puisqu’il ne connaît pas le nom de famille de ses ancêtres africains, il fallait l’appeler ainsi. Une inconnue qui traduit la perte de son identité antérieure. Mais, lorsqu’il se convertira plus tard à l’Islam, il prendra un nom à consonance musulmane, El-Hajj Malek El-Shabazz. Sa femme et ses enfants adopteront donc le nom de famille El Shabazz.
Malcolm est né le 19 mai 1925 à Omaha dans l’Etat du Nebraska. Militant nationaliste de la cause des Noirs aux USA, il a été d’abord un fervent communiste avant de rejoindre le mouvement « Nation of Islam » dont le dirigeant le plus en vue était Elijah Mohamed. Grand orateur, prêcheur convaincant pour les fidèles, il finira par faire de l’ombre à Elijah Mohamed et, naturellement, leurs chemins finiront par se séparer. Malcolm semblait prédestiné pour être un leader, un orateur hors-pair et un… martyr car il n’a jamais fui aucun combat pour la cause des Noirs et pour la liberté tout court. Il était fils de pasteur.
Son père, Earl Little, était charpentier et prédicateur de l’église baptiste. Quant à sa mère, Louise Helen Norton Little (née Langdon), elle est née à la Grenade (Antilles), d’une femme afro-américaine qui avait été violée par un Blanc. De ce viol, elle avait tiré une haine pour tout ce qui peut rappeler son géniteur, elle déteste son teint clair de femme métissée et elle transmettra naturellement son dégoût à son fils Malcolm. Selon Malcolm, sa mère « ressemble plutôt à une femme blanche ». Elle épousera Earl Little, entre autres, parce que ce dernier a le teint très noir. Elle déteste son sang blanc, et souhaite avoir des enfants beaucoup plus noirs.
Son grand-père était un homme blanc dont Malcolm ne savait rien, si ce n’est ce qu’il le décrivait comme « la honte de ma mère ». C’est de lui que Malcolm tient son teint relativement clair. Il pense d’abord qu’être métissé est une chance, un « symbole de statut social ». Plus tard, il dit qu’il « haïssait chaque goutte de ce sang de violeur » qui circulait dans ses veines. Mais il profitera de ce teint clair pour tenter d’obtenir une ascension sociale qu’un teint plus foncé lui aurait peut-être empêché d’obtenir. Brillant élève, il se destinait au métier d’avocat.
Mais un de ses professeurs essaiera de l’en dissuader en lui disant que devenir avocat n’était pas accessible aux Noirs et qu’il ferait mieux de choisir de devenir charpentier. Cet épisode aura des conséquences sur le reste de sa vie car c’est de là qu’il montrera toute sa détermination à réussir comme ses camarades blancs qui ne lui arrivaient pas à la cheville. Mais sa famille est victime du racisme ardent des membres du Ku Klux Klan qui sévissait alors dans le Nebraska et aussi pratiquement dans tous les Etats du Sud des USA. La maison des Little est incendiée. Comme si cela ne suffisait pas, peu de temps après, le père de Malcolm meurt heurté par un train.
Malcolm ne croit pas à cette version et pense plutôt, comme sa mère, qu’il s’agissait d’un assassinat organisé par le « Black Legion », un groupe affilié au KKK que son père avait accusé d’avoir mis le feu à leur maison. Bien qu’il ait contracté deux polices d’assurance-vie, la compagnie d’assurance ne consent à payer que la prime la plus faible. Sa mère tombe alors en dépression et elle est internée dans un asile psychiatrique. Ces événements marqueront fortement la jeunesse de Malcolm. Il sera obligé de déménager à Boston chez une de ses sœurs plus âgée que lui. Mais il sombrera bientôt dans le banditisme comme dealer de drogue.
En 1942, il fait partie de la pègre bostonienne mais doit fuir Boston avec sa compagne de l’époque, Sophia, une jeune femme blanche, à cause d’une rivalité avec un meneur de la pègre. Il rejoint donc New-York où il reprend bientôt ses activités illégales en participant à des activités de revente de drogue, de jeu et même de cambriolages. Au début de l’année 1946, il retourne à Boston. Il y est arrêté le 12 janvier pour avoir essayé de voler une montre de près de mille dollars US qu’il avait laissée dans une bijouterie pour la faire réparer. Deux jours plus tard, il est également poursuivi en justice pour port d’arme. Le 16 janvier, il doit faire face aux charges de vol caractérisé et d’entrée par effraction. Il est condamné à dix ans de prison mais n’en purgera que sept. En prison, Malcolm gagne le surnom de « Satan », du fait de sa haine du christianisme, de la Bible et de… Dieu.
Alors d’obédience communiste, il était naturellement athée. Mais c’est en prison, avec ses nombreuses lectures, qu’il découvre l’Islam. Dans une lettre à un de ses amis, il écrit ceci : « Mon confinement est d’une autre nature ; je finis ma quatrième année d’une peine de prison de huit à dix ans… Mais ces quatre années de réclusion se sont révélées être les plus enrichissantes de mes vingt-quatre années sur cette terre et je ressens que ‘ce cadeau du Temps’ était un cadeau qu’Allah me fit, sa manière de me sauver de la destruction certaine vers laquelle j’avançais ».
En prison, il correspond avec son frère Reginald et échange avec lui des idées à propos de Nation of Islam, mouvement auquel Malcolm se convertit par la suite. Ce sont ses frères, déjà membres, qui lui font connaître l’organisation. La « Nation de l’Islam » est à l’époque une petite organisation de quelques centaines de membres, basée à Chicago.
L’organisation a une idéologie marquée par trois thématiques principales : une forme très hétérodoxe d’islam, un vigoureux nationalisme noir (revendication d’un État pour les Noirs dans le Sud des États-Unis) et un total rejet des Blancs considérés comme l’incarnation du démon sur la Terre. La citation suivante de son dirigeant le plus charismatique, Elijah Muhammad, illustre cette pensée : « Nous avons vu la race blanche (démons) dans le Ciel, parmi les justes, causant des troubles, jusqu’à ce qu’ils aient été découverts. Ils ont été punis en étant privés des conseils divins, presque ravalés au rang des bêtes sauvages. Sautant d’arbre en arbre. Les singes en procèdent. Avant eux, il n’y avait ni singes ni porcs. » Le 7 août 1952, il est finalement libéré sur parole.
Après sa libération, Malcolm Little rencontre Elijah Muhammad à Chicago et intègre complètement la Nation of Islam. C’est à ce moment qu’il décide de changer son nom en X, se débarrassant de son ancien nom de famille Little qu’il considère comme des restes des chaînes de l’esclavage. Se disant communiste, il est étroitement surveillé par le FBI qui souhaite le poursuivre pour cette idéologie qui était considérée comme un grave délit aux Etats-Unis. Mais cette charge sera bientôt abandonnée et il sera surveillé pour son appartenance à un « culte nationaliste noir ». Il était devenu l’un des prêcheurs de la Nation of Islam dont il deviendra rapidement le numéro deux après Elijah Muhammad.
Radical, il prône une sorte de lutte armée contre l’Amérique blanche contrairement à Elijah qui souhaite plutôt une pleine intégration et une reconnaissance des Noirs dans la nation américaine. Commencent leurs divergences et Malcolm quitte alors la Nation of Islam pour fonder son propre mouvement « The Muslim Mosque Inc. ». Il se convertit à l’Islam Sunnite et se rend à La Mecque. Il a été déterminant dans la conversion à l’Islam du grand boxeur Cassius Clay qui s’appellera désormais Muhammad Ali.
Pour lui, désormais, la priorité n’est pas d’unir les Blancs et les Noirs car il considérait qu’il fallait d’abord que l’union des Noirs soit complète. Peu de temps après son retour de La Mecque, Malcolm X fonde l’Organisation pour l’unité afro-américaine, un groupe politique non religieux. Il affirme ainsi sa volonté de mener à la fois une lutte religieuse pour l’islam, et une lutte politique pour les Noirs, les deux fonctionnant de façon autonome. Il visite le Ghana où il rencontre Kwamé Nkrumah. A son retour en Amérique, la tension monte entre lui et la Nation of Islam. Le 21 février 1965, Malcolm X prononce un grand discours dans l’Audubon Ballroom.
Le discours commence à peine lorsqu’une dispute éclate dans la foule, un homme en accusant un autre de lui fouiller les poches. Malcolm X, au micro, les appelle au calme lorsqu’un membre des Black Muslims s’avance vers lui avec un fusil à canon scié. Touché au ventre, Malcolm X tombe en arrière, tandis que deux autres personnes lui tirent vingt et une fois dessus avec des revolvers. Malcolm X est emmené à l’hôpital le plus proche, il y décède peu de temps après son arrivée à 3 h 30 heure locale.
L’identité des commanditaires reste inconnue, bien que les soupçons se portent principalement sur Nation of Islam, infiltrée par plusieurs agents du FBI lorsqu’ils ont appris l’existence d’un projet d’assassinat de Malcolm X. Mais il est avéré que le FBI savait qu’un projet d’assassinat était en cours et l’aura encouragé.
Ainsi prit fin la trajectoire de ce militant nationaliste de la cause noire. Trois membres de Nation of Islam seront reconnus coupables en 1966 : Norman 3X Butler, Thomas 15X Johnson et Talmadge Hayer.