Dakar, 8 mars (APS) - Les quotidiens dakarois de ce lundi consacrent l’essentiel de leurs colonnes aux derbiers développements de l’affaire Ousmane Sonko, le leader du PASTEF/les patriotes dont la garde à vue pour trouble à l’ordre public vient d’être levée par la justice.
Arrivée troisième lors de la présidentielle de 2019, M. Sonko avait été arrêté mercredi dernier pour trouble à l’ordre public alors qu’il se rendait à une convocation du juge, à la suite d’une plainte d’une masseuse pour viols et menaces de mort.
Son arrestation mercredi dernier a entrainé de nombreuses manifestations émaillées de violences et de pillages à Dakar et dans d’autres villes du pays.
Alors qu’il doit être présenté au doyen des juges ce lundi, jour où doivent débuter de nouvelles manifestatioins à l’appel de partis d’opposition et de mouvements de la société civile, L’Observateur indique que ’’le procureur décrispe la situation en levant’’ sa garde à vue, de son garde du corps et de son caméraman. D’après ce quotidien, il pourrait être placé sous contrôle judiciaire.
Dans le même sillage, Sud Quotidien écrit qu’un "vent d’apaisement souffle’’ désormais sur l’affaire Sweet Beauty, du nom de ce salon de massage dakarois dont une employée accuse M. Sonko de viols et de menaces de mort. Le journal semble flairer que le leader de PASTEF devrait être placé sous contrôle judiciaire.
Si l’on en croit Vox Populi, les médiations entreprises par de bonnes volontés ont permis de détendre la situation. ’’Situation de violences au Sénégal : les médiations décrispent les relations Sonko-pouvoir’’, titre le journal. Il explique pourquoi il a passé la nuit à la section de recherche, malgré la levée de sa garde à vue.
Vox Populi estime que ce lundi est celui de tous les dangers, avec un nouvel appel à manifester lancé par des partis d’opposition et des mouvements de la société. Il signale l’arrivée d’un ’’’impressionnant renfort à Dakar’’.
Le quotidien Enquête révèle que "le capitaine Oumar Touré, qui était en charge de l’enquête dans l’affaire opposant Adji Sarr à Ousmane Sonko, a annoncé, hier, sa démission. “Je transmets, aujourd’hui, ma démission au président de la République du Sénégal, par voie hiérarchique, en renonçant volontairement et
d’une manière absolue aux prérogatives attachées à mon grade’’, écrit-il.
Selon le journal, "cet officier de la gendarmerie déclare que c’est dans le souci de préserver sa sécurité et celle de sa famille qu’il a pris cette décision’’.
WalfQuotidien parle d’une "ligne haute tension", avec l’appel à manifester des partis d’opposition et l’audition d’Ousmane Sonko, ce lundi.
"La tension est toujours vive. Et le pire est à craindre demain et durant toute la semaine. En effet, l’audition de Sonko est prévue ce lundi, alors que l’opposition et la société civile ont décrété trois jours de manifestation sur l’étendue du pays’’, alerte le journal.
Le journal ajoute que "les autorités sénégalaises, analysant les violentes manifestations qui ont abouti à la mort d’au moins quatre personnes et à des dégâts matériels sans pareil, ont indexé des forces extérieures’’.
JEUX DE CARTES - Des discours en attendant des actes...
La déclaration sur un ton martial du ministre de l’Intérieur, le 5 février 2021, a été particulièrement riche en “révélations” catastrophistes. Conspiration, terrorisme, banditisme, ont été entre autres les substantifs utilisés par Antoine Félix Mamadou Diome. Un discours qui a attisé les passions mais qui n’a fait que confirmer les éléments de langage des partisans du régime. Dès lors, la déclaration du ministère des Affaires étrangères sur France 24 suit une logique bien réfléchie : essayer de montrer à la communauté internationale que les victimes présentes et peut-être à venir s’expliqueraient par la détermination des “forces étrangères” pour “déstabiliser le pays”. Le propos d’Idrissa Seck entre aussi dans ce cadre mais il a été fortement brouillé par une volonté de positionnement très maladroite. Ce qui amenuise ses chances de “médiateur” et rétrécit davantage son capital crédit déjà gravement abîmé. Autre discours : celui du médiateur de la République. Alioune Badara Cissé a fait passer un message puissant à la jeunesse et a mis le président de la République devant ses responsabilités historiques. ABC, en plus de son statut officiel, est un compagnon de Macky Sall durant la traversée du désert. Il a beaucoup participé à son triomphe en 2012, avant de se brouiller avec lui. Après la réconciliation, les relations n’étaient plus les mêmes. Hier, il était très à l’aise. Même si sa déclaration a souffert des généralités, il a été à la hauteur de sa stature. On peut comprendre sa volonté de ne pas attaquer inutilement un Chef d’État en situation de crise inédite. Il a subtilement fait le procès de sa gouvernance. Et cette sortie des chefs religieux ? Une volonté d’apaiser la situation. Mais ô que c’était laborieux et comme ça a tiré en longueur ! Difficile de retenir quelque chose de précis. Sont -ils écoutés par des jeunes en furie ? Dans tous les cas, c’est à Macky Sall de répondre aux appels. Pour nous aider, s’aider, sauver ce qui peut encore l’être et ne pas suivre des gens qui semblent être sous l’emprise de “forces occultes”. Miim Reew
L’armée bunkérise le centre-ville
Les autorités bunkérisent le Plateau pour éviter toute surprise de la part des manifestations, surtout avec l’audition ce jour d’Ousmane Sonko par le doyen des juges d’instruction. L’armée a été réquisitionnée pour une seconde fois en quelques jours pour venir en appui au dispositif sécuritaire de la police et de la gendarmerie. Ainsi, les soldats ont installé leur dispositif depuis hier dans les différents axes stratégiques de la commune de Dakar Plateau et devant toutes les institutions. Des blindés sont visibles sur certaines rues.
Petit Palais de Popenguine
Dans la journée du samedi, un feu de brousse s’est déclaré dans la réserve du petit palais sise à Popenguine (département de Mbour). Selon nos sources, les sapeurs-pompiers de Mbour ont fait le déplacement pour maîtriser les flammes. Il y a eu plus de peur que de mal puisque les habitations n’ont pas été touchées par la furie des flammes. Jusque-là l’origine de l’incendie reste inconnue.
Thiadiaye Défection dans les rangs du parti présidentiel.
Dans un communiqué que le coordonnateur de la convergence de la jeunesse républicaine (Cojer) a publié sur la page Facebook de Thiadiaye info, les jeunes ont quitté Me Omar Youm et le parti au pouvoir. Selon le secrétaire général de la COJER communale, Ibrahima Niang qui est un proche de l’ancien ministre Omar Youm par ailleurs coordonnateur départemental de l’APR Mbour, «l’histoire que traverse notre pays montre la fin du régime». Poursuivant son propos, il dénonce le chômage endémique dans le pays qui entraîne le désespoir de la jeunesse. A en croire Ibrahima Niang, la mal gouvernance est érigée en règle. Pour ces problèmes, les jeunes de la cojer communale de Thiadiaye décident désormais de rejoindre les Patriotes dans la résistance pour un Sénégal d’équité, de stabilité et de prospérité, fait savoir le désormais ex-coordonnateur communal de la COJER.
Thierno Alassane Sall
Alors que le Sénégal fait face ces derniers jours à ses pires manifestations, l’ancien ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall a, après observation des scènes de chaos qui secouent le pays, appelé au respect strict des droits des citoyens, à la garantie de la liberté d’expression et d’opinion, à la cessation immédiate de toutes les manœuvres liberticides et antidémocratiques, au respect de la loi et des institutions, au bon sens des forces de sécurité et de défense. Thierno Alassane Sall appelle au calme dans le but d’éviter que le Sénégal ne devienne une poudrière au vu de la fragilité de notre démocratie ainsi que des crises multiformes qui agitent la sous-région.
Aliou Sané
Le mouvement Y en a marre dénonce la traque de son coordonnateur, Aliou Sané. Depuis samedi dans la soirée, des policiers en civil sont à la recherche d’Aliou Sané. D’après un communiqué dudit mouvement, les limiers intimident les riverains pour obtenir des informations sur lui.Il s’agit ainsi d’une véritable chasse à l’homme, fustigent les camarades d’Aliou Sané. A les en croire, le coordonnateur de Y en marre a juste appelé à manifester comme la Constitution le lui permet. Avant d’appeler à la résistance. La population Sénégalaise exerce depuis le mercredi 03 mars, partout au Sénégal, son droit de manifester qui lui est garanti par la Constitution. Une manifestation motivée par la volonté de demander la restauration de l’État de droit, d’une justice indépendante et de la démocratie dans le pays.
Y en a marre
Restons avec le mouvement Y en a marre qui constate pour le déplorer, que depuis l’avènement de cette résistance, des responsables du Mouvement reçoivent des menaces de mort et des intimidations venant de la police, d’autorités étatiques ou des milices du régime. D’où les répressions injustifiées, des pressions et menaces en direction des «y en a marristes». Landing Mbessane Seck (Kilifeu) et Malal Almay Talla (Fou malade) et d’autres membres du mouvement à Kaolack, Kaffrine, ... sont menacés de mort. Le mouvement Y en a Marre dénonce ces actes lâches et irresponsables et rappelle à ses auteurs qu’ils sont plus que jamais déterminés à poursuivre la résistance au prix de leurs vies. Le mouvement tient le Président Macky Sall et son régime pour responsables de tout ce qui arrivera à ces membres du mouvement citoyen Y en a marre. Il prend à témoin l’opinion nationale et internationale, l’Union Africaine, la CEDEAO, les organisations de défense des droits humains, les représentations diplomatiques au Sénégal.
Babacar Diop
Dr Babacar Diop, Secrétaire général des Forces démocratiques du Sénégal (FDS-Les Guelwaars), est également victime de menaces de violence et de mort de la part d’un individu non encore identifié. Selon son parti, ces menaces sont liées à son engagement indéfectible pour la libération du leader du Pastef, Ousmane Sonko, injustement détenu sur la base d’accusations fallacieuses et en violation flagrante de ses droits. Les FDS-Les Guelwaars dénoncent ces menaces qu’il qualifie de lâches menaces contre son secrétaire général. L’universitaire a commis un huissier pour constater les menaces envoyées sur son numéro WhatsApp. Il a saisi son avocat, Me Moussa Sarr qui déposera aujourd’hui une plainte à la Division des investigations criminelles (DIC). Dr Diop avait également déposé une plainte qui est restée sans suite après son agression sauvage en décembre 2019 par des agents pénitentiaires de Rebeuss. Les FDS-Les Guelwaars rassurent que ces menaces et intimidations n’ébranlent aucunement Dr Babacar Diop qui va poursuivre son combat avec les forces de l’opposition jusqu’à la libération d’Ousmane Sonko etla restauration totale de l’Etat de droit et des principes de la démocratie au Sénégal.
Dr Bacar Dia à Macky
L’Ancien ministre Bacar Dia et leader du Front populaire, lui aussi est monté au créneau pour dénoncer la série d’arrestations d’opposants et d’activistes et la coupure du signal des télévisions Walf Tv et Sen Tv. Selon lui, Macky Sall ne doit pas faire moins que Wade et il doit s’inscrire dans une logique de maintien de la cohésion sociale nationale. Il demande au chef de l’Etat de libérer Ousmane Sonko, Birame Soulèye Diop, Assane Diouf, Guy Marius Sagna et tous les prisonniers politiques et les femmes emprisonnées en cette veille de fête du 08 mars, ainsi que le rétablissement du signal deWalfTv et de Sen TV. Bacar Dia qui regrette les pertes en vies humaines lors des manifestations invite le Chef de l’Etat à écouter son peuple qui avait bravé la mort en le portant au pouvoir. A l’en croire, le message du peuple est de trouver une solution au chômage des jeunes, à la pauvreté galopante, aux abris provisoires et à la Covid-19. Mais en lieu et place de solutions, il veut voir ces enfants emprisonnés et ces jeunes tués, regrette Dr Dia.
Gakou
Le leader du Grand Parti, Malick Gakou, tacle sévèrement son candidat à la dernière Présidentielle. Selon lui, Idrissa Seck a perdu une belle occasion de garder le silence absolu. Il dira au président du Conseil Economique, social et environnemental (CESE) que quand le peuple gronde sa souffrance, les grands dirigeants agissent en apaisant les cœurs par la paix etle dialogue qui sont les vertus cardinales de notre société. Il regrette que l’arrogance du pouvoir rende insensible à ce cri de détresse des populations. Il prévient Idrissa Seck et le pouvoir en place que le Sénégal, avec son grand peuple, restera toujours debout, avec fierté, pour toujours grandir dans l’honneur et la dignité. Le Président du Grand Parti était pourtant annoncé au palais. Visiblement, ça a coincé et l’ancien ministre des Sports s’est radicalisé et a repris sa position de coordonnateur de l’opposition de fait.
L’Ordre des Médecins
L’Ordre National des Médecins du Sénégal attire l’attention des manifestations sur les conséquences de saccages de structures sanitaires. Le président de l’ordre, Dr Boly Diop, constate pour le regretter, lors des manifestations dans certaines localités du territoire national, des cas de dégradation d’ambulances médicalisées, de structures sanitaires publiques ou privées et le saccage du domicile d’un médecin. Dr Diop rappelle aux populations que ces pratiques mettent en danger la vie du personnel sanitaire déjà éprouvé par la longue lutte contre la Covid-19 et constituent des graves entraves au fonctionnement du système de santé. Pourtant, ajoute-t-il, le personnel de santé œuvre de façon quotidienne à la préservation de la santé et du bien-être des citoyens. Le président de l’OrdreNational des Médecins du Sénégal souligne la nécessité de sauvegarder l’intégrité physique du personnel de santé et en appelle au sens civique de la population pour que de telles dérives soient évitées. Par ailleurs, Dr Boly Diop lance un appel aux autorités à œuvrer pour un retour au calme, gage d’une stabilité sociale et d’une paix durable.Avant de s’incliner devant la mémoire des victimes.
Moussa Baldé
Le Réseau des Universitaires Républicains (RUR) constate avec désolation ces manifestations regrettables, avec leurs corollaires de décès, de blessés, de saccages et pillages, d’agressions… qui n’honorent pas les Sénégalais réputés réfléchis et pondérés. Le coordonnateur dudit réseau, Pr Moussa Baldé, déplore et condamne ces manifestions qui ouvrent la porte à toutes sortes dérives qui peuvent être récupérées par des hommes dontle seul dessein est de semer le chaos dans les pays en émergence. Ces universitaires de l’Alliance pour la République (APR) exhortent la jeunesse à ne pas faire écho aux sirènes de la haine déversées à longueur de journée via les réseaux sociaux par des inconnus dont l’attachement au Sénégal est parfois douteux. Pr Moussa Baldé et compagnie saluent par ailleurs les nouvelles acquisitions de vaccins, la poursuite des opérations de vaccination, la perspective de l’allégement du couvre-feu, la relance de la machine économique avec la préparation active de la campagne agricole etc. En plus des universitaires, les jeunes de la mouvance présidentielle aussi ont dénoncé l’agissement de l’opposition qui attise le feu
Un collectif d’artistes et universitaires sénégalais lance un appel pour que cessent la répression que mène actuellement le régime du président Macky Sall et l’impunité internationale dont il bénéficie. Macky installe un climat de terreur au Sénégal
Un collectif d’artistes et universitaires sénégalais lance un appel pour que cessent la répression que mène actuellement le régime du président Macky Sall et l’impunité internationale dont il bénéficie.
Depuis le 3 mars, et l’arrestation de la principale figure de l’opposition Ousmane Sonko, le Sénégal est le théâtre de manifestations populaires massives. Le président du parti PASTEF (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), accusé par une employée d’un salon de massage de « viol et menaces de mort », avait vu son immunité parlementaire levée en fin février après le vote d’une commission ad-hoc principalement composée de députés de la majorité. Alors qu’il se rendait au tribunal pour répondre à la convocation du juge d’instruction, Sonko fut arbitrairement arrêté et placé en garde à vue pour « troubles à l’ordre public ». La goute de trop qui embrasa le pays.
Les manifestations vont cependant bien au-delà du cas d’Ousmane Sonko. Dans la rue et sur les réseaux sociaux, l’on entend aussi bien « Libérez Sonko » que « Macky dégage » et « Libérez le Sénégal ». Chômage massif des jeunes, accroissement des inégalités, scandales de corruption, le tout accentué par une gestion répressive de la crise sanitaire : il s’agit bien d’un ras-le-bol généralisé d’une population qui désavoue la gestion du pays par sa classe politique dirigeante.
Un climat de terreur
Depuis plus d’un mois, pas un jour ne passe sans que les forces de l’ordre n’arrêtent des opposants au régime, aussi bien militants du PASTEF, membres du mouvement FRAPP (Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine) que divers citoyens engagés. La torture, legs de l’administration coloniale maintenu par tous les régimes depuis l’indépendance, est également utilisée comme arme de renseignement. Le 4 mars, la directrice de la maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel, Khadidiatou Ndiouck Faye, déclarait ainsi que les prisonniers politiques récalcitrants étaient parqués dans des cellules punitives. « Là-bas, dit-elle, la règle est que le détenu se suicide ».
De nombreuses organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty International ont d’ailleurs appelé les autorités sénégalaises à « cesser les arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, respecter la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression, et faire la lumière sur la présence d’hommes armés de gourdins aux côtés des forces de sécurité ». En plus des restrictions d’accès aux réseaux sociaux, confirmées par l’observatoire numérique NetBlocks, elles ont en effet procédé à couper le signal de plusieurs chaines de télévisions et radios privées. Et, pour mater les immenses foules regroupées à travers le pays, de nombreux miliciens en civil, munis de gourdins et d’armes à feu, ont été mobilisés pour terroriser les manifestants. De nombreuses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux font état de véritables chasses à l’homme. Dans certaines régions, l’État sénégalais a même fait appel à l’armée. Le bilan macabre est déjà d’au moins sept morts et des centaines de blessés graves.
Ce 5 mars, après une troisième journée de mobilisation, à laquelle avait notamment appelé le collectif Y’en a marre plusieurs jours auparavant, la déclaration face à la presse du ministre de l’Intérieur Antoine Felix Diome n’a fait que confirmer la détermination du régime du Président Macky Sall à ne reculer devant rien. M. Diome est allé jusqu’à qualifier les manifestants de « terroristes », manipulés par des « forces occultes ». Idrissa Seck, ancien opposant à Macky Sall arrivé deuxième à l’élection présidentielle de 2019, et qui a rallié le gouvernement en fin 2020, a renchéri en dénonçant des supposés « intérêts encagoulés, nationaux comme internationaux ».
Impunité internationale
Depuis son indépendance, le Sénégal a toujours trouvé des alliés à l’international, à commencer par la France. La création de l’image d’un « modèle de démocratie », îlot de stabilité dans le tumulte sahélien, par son premier président Léopold Sédar Senghor, lui-même à la tête d’un régime au parti unique réprimant l’opposition, a toujours la peau dure. Le pays s’est ouvert au multipartisme dans les années 1980 et a organisé deux alternances de parti au pouvoir, en 2000 et en 2012, mais, jadis opposants, les nouveaux hommes forts, Abdoulaye Wade (2000-2012) et Macky Sall (depuis 2012), s’inscrivirent tous deux dans la continuité de leurs prédécesseurs.
En cause, un système hyper-présidentialiste hérité d’une part de la 5ème République française de 1958, et d’autre part de la Constitution sénégalaise de 1963 qui supprima le poste de Premier ministre après l’éviction du chef de gouvernement d’alors, Mamadou Dia, concentrant ainsi les pouvoirs dans les mains de l’exécutif. Une pratique confirmée par Macky Sall lui-même, dans une intervention en wolof à la télévision nationale le 31 décembre 2020 : « Si jamais le Président sait que l’arrestation d’[une] personne [impliquée dans une affaire de corruption] entrainera la mort de personnes, est-ce qu’il va tout de même l’arrêter ? Peut-être y a-t-il un autre chemin à emprunter [pour régler le problème] ».
A la vue des caméras du monde entier, la « vitrine démocratique » du Sénégal est aujourd’hui en éclats. Et il faut que cesse l’impunité internationale du régime de Macky Sall. En 2018, la cour de justice de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) avait condamné l’État du Sénégal pour la violation des droits de Khalifa Sall, ancien maire de Dakar et prétendant à l’élection présidentielle de 2019, dans son procès pour détournement de fonds. Face à la crise politique que traverse le pays actuellement, les Nations Unies ont quant à elles appelé « tous les acteurs à la retenue et au calme ». Mais de simples déclarations ne suffisent plus face à l’ampleur de la répression. Comme l’exhorte Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal : « L’usage excessif de la force, et un usage contraire aux normes internationales des armes létales et le recours aux milices privées seraient inacceptables. […] Toute personne mise en cause, civile ou militaire, fera face à la justice. Au Sénégal ou devant des juridictions internationales ».
Signataires (49) :
Maky Madiba Sylla, artiste ;
Dip Doundou Guiss, artiste ;
Fou Malade, artiste ;
Khadim Ndiaye, historien ;
Moussa Sene Absa, artiste cinéaste ;
Wasis Diop, musicien ;
Thiat Kër Gui, artiste ;
Demba Moussa Dembele, économiste ;
Kilifa Kër Gui, artiste ;
Xuman, artiste ;
Simon, artiste ;
El Hadj Samba Ndiaye, professeur assimilé agrégé des facultés de droit (UCAD) ;
Hamidou Dia, chercheur (IRD) ;
Babacar Faye, professeur d’anglais ;
Khady Tamba, maitre de conférences titulaire en linguistique anglaise (UCAD) ;
Khalil Diallo, écrivain sénégalais ;
Abdoul Aziz Diouf, professeur assimilé agrégé des facultés de droit (UCAD) ;
Bathie Samba Diagne, historien ;
Sun Sooley, artiste ;
Ndiouga Benga, maitre de conférence titulaire d’histoire moderne et contemporaine (UCAD) ;
Nitt Doff, artiste rappeur ;
Sidy Alpha Ndiaye, professeur assimilé agrégé des facultés de droit (UCAD) ;
Alpha Oumarou Ba, maitre de conférence titulaire de littérature orale (UASZ) ;
Dread Wone, artiste ;
Big D, artiste ;
Ass Malick, artiste ;
El Hadj Abdoulaye Sall, maitre de conférences assimilé en lettres modernes (UCAD) ;
Binou Ndoye, analyste financière ;
Malick Diagne, professeur assimilé de philosophie (UCAD) ;
Alune Wade, musicien ;
Pape Ibrahima Ndiaye, danseur ;
Alioune Gueye, inspecteur vérificateur, secrétaire national à la vie politique et administrative du parti R3D (Regards différents pour un développement durable) ;
Ombrezion, artiste ;
Tchiko, artiste ;
Mamadou Coulibaly, enseignant-vacataire en physique (UCAD) ;
Djibril Keïta, sociologue ;
Boc’s Amandla, artiste ;
Dread Maxim, artiste ;
El Hadji Malick Sy Camara, maitre de conférences titulaire de sociologie (UCAD) ;
Bamba Diop, cinéaste ;
Stefane Kabou, artiste ;
Max Barry, artiste ;
Alioune Ndiaye, ex-inspecteur d’académie, secrétaire général du parti R3D (Regards différents pour un développement durable) ;
Abel Proença, artiste ;
Amilcar Barsely, écrivain.
AUDIO
PREMIÈRES FISSURES AU SEIN DE L'APR
L'ex-député Coumba Ndiaye Kane, membre de l'APR dénonce Macky et sa gestion de l'affaire Sonko - Elle affirme avec fermeté et clarté son soutien au leader de Pastef qu'elle appelle son fils
Comme il fallait s'y attendre, les premières dénonciations du côté du camp présidentiel sont en train de tomber.
A l'occasion de la journée internationale de la Femme de ce 8 mars 2021, dans un réquisitoire au vitriol contre le président Macky Sall dans sa gestion de l'affaire du leader de Pastef, l'ex-député Coumba Nidaye Kane membre de l'APR de Ziguinchor affirme avec fermeté et clarté son soutien à Ousmane Sonko qu'elle appelle son fils.
Écoutez son message sans ambiguïté.
GARDE À VUE LEVÉE, SONKO TOUJOURS ARRÊTÉ
Le procureur de la République vient d’ordonner la levée de sa détention. Seuls, son garde du corps et son cameraman sont libérés et rentrent chez eux
Fin de la garde à vue pour Ousmane Sonko. Le procureur de la République vient d’ordonner la levée de sa détention. L’information est confirmée par son avocat, Me Bamba Cissé. Il précise toutefois que le député reste à la Section de recherches. Seuls, son garde du corps et son cameraman, arrêtés en même temps, sont libérés et rentrent chez eux.
Le leader de Pastef est arrêté depuis mercredi pour trouble à l’ordre public, participation à une manifestation non autorisée. Toutefois, les charges de viols et de menaces de mort pèsent toujours sur lui. Il devra répondre à la convocation du doyen des juges, demain lundi, 8 mars.
Ce dénouement survient après plusieurs médiations de religieux, de politiques et de la société civile suite aux nombreux appels à manifestations demain lundi. Des magasins, des banques ont été saccagés et pillés depuis son arrestation.
PAR ABDOULAYE WADE
MACKY NE DOIT PAS CHERCHER À DÉTRUIRE SONKO
Mon devoir de patriarche est de lancer un appel au calme et d’aider à ce que cette question soit résolue de manière démocratique dans le respect de la présomption d’innocence - Diouf a eu la possibilité de me détruire...
Dans l’affaire Sonko mon parti s’est déjà prononcé et pris la défense de Sonko en proclamant notre solidarité agissante et en s’opposant à la levée de son immunité parlementaire.
Sonko a été appelé par le Doyen des juges d’instructions dont il peut sortir du cabinet avec un non-lieu, un mandat de dépôt ou une mise en liberté provisoire, ou encore une mise en liberté surveillée.
Étant donné la tension qui règne dans le pays et la volonté des deux parties d’en découdre, mon devoir de patriarche est de lancer un appel au calme et d’aider à ce que cette question soit résolue de manière démocratique dans le respect de la présomption d’innocence.
C’est pourquoi je demande au Président Macky Sall de faire respecter la loi qui prescrit que tout citoyen est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable par un tribunal équitable, à travers un procès public, contradictoire dans le respect absolu des droits du prévenu et ceux de la défense.
Je lui rappelle que plusieurs fois dans ma vie d’opposant mon adversaire le Président Abdou Diouf a eu la possibilité de me détruire parce que les jusqu’au boutistes qui l’entouraient ne connaissent que la force et le poussaient à me détruire pour m’empêcher à jamais de lui ravir le pouvoir dans des élections démocratiques.
S’il est vrai qu’Abdou Diouf m’a plusieurs fois arrêté et mis en prison, il n’a jamais voulu me détruire ; il a toujours refusé de suivre ses jusqu’au boutistes qui, avec l’ivresse du pouvoir, sont en général incapables de gagner honnêtement leur vie par le travail et ont choisi de profiter du pouvoir pour s’enrichir.
Je peux citer feu Mody Coumba Bâ qui a refusé d’exécuter la volonté du pouvoir de me condamner de sorte que, Président du tribunal, il m’a purement et simplement acquitté. A l’époque les marches devaient être autorisées et c’est moi qui, arrivé au pouvoir, ai fait adopter une loi déclarant que la marche pacifique participait du droit de la liberté d’expression et qu’elle n’avait pas besoin d’autorisation. J’ai supprimé l’autorisation de marche pour la remplacer par la liberté de marche qui avait tout juste besoin de la déclaration auprès du Préfet afin de permettre à l’exécutif de prendre les dispositions pour l’encadrer, non seulement prévenir les débordements mais aussi empêcher que des adversaires intolérants n’attaquent les marcheurs qui exerçaient un droit reconnu par la Constitution.
Monsieur le Président Macky Sall, vous avez aussi autour de vous des jusqu’au boutistes comme il en existe toujours autour de tous les Présidents. Vous avez le devoir de les écouter mais ne les suivez pas car eux, ils n’ont rien à perdre ; dès que ça va chauffer ils vous trahiront et se rendront à l’adversaire pour sauvegarder des intérêts.
N’écoutez pas des magistrats couchés comme Antoine Felix Diome dans l’affaire de Karim Wade. Certains magistrats tentent de deviner ce qui peut faire plaisir au Président et le font avec zèle mais ils manquent de sincérité. Abdou Diouf avait refusé de suivre ses conseillers qui voulaient me détruire. Moi-même j’ai refusé d’arrêter Abdou Diouf comme certains me l’ont conseillé. Dans le passé, des magistrats ont fait leur devoir en refusant de suivre l’exécutif pour arrêter des opposants. Je peux citer feu Mody Coumba Bâ, Président du tribunal a refusé d’exécuter la volonté de certains du pouvoir de me condamner. Il m’a purement et simplement acquitté.
J’espère être suivi par les deux parties qui, au-delà des prises de position passionnelles, auront à cœur, je l’espère, de privilégier le droit et d’éviter la confrontation avec son cortège de morts, de destructions de biens de l’Etat et de patrimoines de paisibles citoyens.
Vous aurez permis à notre pays de réussir une passe difficile et de montrer une fois de plus qu’il sait surmonter les épreuves les plus difficiles, notamment celles qui résultent de la passion de l’adversité politique.
Abdoulaye Wade est l'ancien Président de la République du Sénégal et le chef du Parti Démocratique Sénégalais, libéral.
par la chroniqueuse de seneplus, aminata dia
MULTIPLE PHOTOS
VOUS AVEZ FAILLI, MONSIEUR LE PRÉSIDENT
EXCLUSIF SENEPLUS - 10 ans après 2011, vous marchez sur les pas de votre prédécesseur. Et dans votre prison dorée, vous ne vous en rendez même pas compte. S’il vous convient d’être amnésique aujourd’hui, les faits sont là pour vous rappeler l’histoire
Je reprends ma plume en ce dimanche 7 mars 2021 après un long moment de silence. J’écris le cœur en peine, mais l’esprit clair et lucide. J’écris comme l’ont fait bien d’autres avant moi et comme le feront bien d’autres après moi.
Je m’appelle Ndèye Aminata Dia, je suis née et j’ai grandi au Sénégal. En 2012, j’étais en classe de terminale. Je me rappelle de l’investiture du Président de la République Macky Sall. Étudiante à l’Institution Sainte Jeanne D’Arc, j’étais dans la rue avec les autres personnes assemblées pour l’acclamer lors de son arrivée. Les mois précédents avaient été chargés de tension, de manifestations, de discours tous autant chargés les uns que les autres, condamnant les tentatives du président de l’époque, maître Abdoulaye Wade, de vouloir voler les élections à travers la modification de la constitution pour obtenir un troisième mandat[1]. L’année scolaire était profondément perturbée, comme chaque année scolaire avant cela, mais c’est celle que je remarquais en particulier, car j’avais mon baccalauréat à passer. Une fois ce dernier obtenu, j’avais des perspectives d’études supérieures qui s’offraient à moi qu’ils me tardaient de poursuivre. Alors je priais pour une année « normale ». Sauf qu’il n’y avait rien de normal. Les enseignants étaient en grève continuellement. Les élèves dans les différentes institutions publiques voyaient leurs cours perturbés, annulés la plupart du temps. Par moment, eux aussi allaient sortir les élèves dans les institutions privées : « pourquoi auriez-vous le droit de faire cours et d’être à l’école alors que nous n’y sommes pas ? » La jeune fille de 17 ans que j’étais à l’époque trouvait cela égoïste et infondé. J’étais dans une école privée et je ne pensais pas devoir payer pour ce que je considérais à ce moment-là ne pas être de ma responsabilité. Je me rappelle avoir eu des conversations tendues avec des amis, eux-mêmes élèves dans des écoles publiques. Ils essayaient de m’expliquer que si tous les élèves du Sénégal décidaient de témoigner leur solidarité en marquant une semaine sans aller en cours même ceux qui en avaient la possibilité, cela participerait à faire bouger les lignes et interpellerait les autorités sur la nécessité de repenser le système éducatif. Cependant, je les écoutais sans les entendre. Tout ce à quoi je pensais à un niveau personnel, c’était l’obtention de mon baccalauréat et la peur de l’année blanche qui pesait sur nos têtes. À mon sens, le blâme était celui des enseignants qui en lieu et place d’enseigner n’arrêtait pas de faire des grèves ou encore la faute des parents eux-mêmes qui n’avaient qu’à tous mettre leurs enfants à l’école privée. Mes amis me trouvaient en retour égoïste et sans cœur : « comme si tout le monde avait les moyens de mettre leurs enfants à l’école privée », me rétorquaient-ils. Ce à quoi je m’offusquais en retour bien évidemment : « mes parents à moi ne sont pas riches, mais ils font de mon éducation une priorité ». Eux me rétorquaient encre : « parce que nos parents à nous ne font pas de notre éducation une priorité ? ».
Le débat continuait vide de sens pour moi. Du haut de mes privilèges, je ne pouvais pas entendre les revendications de mes amis. Mettre la faute sur les enseignants, les parents ou même les élèves qui faisaient sortir d’autres élèves était plus simple que de voir les inégalités criantes qui divisaient mon pays. Des inégalités structurelles et systémiques qui au-delà d’impacter l’école que nous fréquentons, impactent également les habits que nous portons, les informations que nous écoutons, les hôpitaux où nous nous soignons, les endroits où nous faisons nos courses, les denrées alimentaires que nous achetons, les gadgets électroniques que nous possédons, les moyens de transport que nous empruntons, les lieux où nous partons en vacances, lorsque vacances il y a, les personnes que nous rencontrons, les cercles que nous fréquentons et les opportunités auxquelles nous avons accès. L’élève que j’étais à l’époque était effrayée et manquait cruellement d’empathie et de capacité à écouter de manière active et à se décentrer de sa propre personne pour voir que dans un système qui fonctionne, chaque élève serait à l’école à l’heure d’être à l’école en lieu et place d’être dans la rue pour sortir d’autres élèves ; que chaque enseignant serait heureux de pratiquer sa vocation tout en ayant de quoi subvenir aux besoins de sa famille de manière digne et satisfaisante ; que chaque parent aurait les ressources nécessaires pour mettre ses enfants dans les meilleures conditions de sorte qu’ils puissent aller au bout de leur potentiel ; que chaque enfant aurait l’environnement idéal à son développement en tant qu’enfant et n’aurait pas à grandir plus vite que nécessaire.
C’est ce vent d’espoir pour des lendemains meilleurs qui vous a porté monsieur le président Macky Sall au pouvoir. Je me rappelle encore du soir même des élections en février 2012. Maître Abdoulaye Wade alors président sortant vous avait appelé au téléphone pour vous féliciter de votre victoire après que les tendances lourdes aient commencé à vous désigner comme vainqueur. Là où tout le monde pensait, moi y compris que le Sénégal pourrait basculer dans le chaos et la violence avec un président qui allait s’accrocher au pouvoir, maître Abdoulaye Wade s’était en dernier recours plié au jeu démocratique. Je me rappelle des mots de maître Aissata Tall Sall, maire de Podor et député à l’Assemblée nationale à l’époque : « aujourd’hui, c’est le Sénégal qui gagne, c’est la démocratie qui gagne, c’est le peuple sénégalais qui gagne ». Je me rappelle de ma mère en larmes. Je me rappelle des jubilations, de l’euphorie dans les rues de Dakar. C’est le peuple sénégalais qui célébrait la venue de son nouveau président et de ce que tous voyaient en 2012 comme une transition vers un système de gouvernance juste, équitable et transparent. Moda Dieng du département de Sciences politiques à l’Université de Montréal au Canada le décrit en ces termes dans son essai La contribution des jeunes à l’alternance politique au Sénégal : Le rôle de Bul faale et de Y’en a marre : « Entre 2000 et début 2012, il y a donc eu un divorce entre le régime d’Abdoulaye Wade et une bonne partie de la population sénégalaise. L’opposition la plus radicale provenait des jeunes, la catégorie sociale la plus touchée par le chômage et la précarité. » Moda Dieng toujours, cite les propos de Fadel Barro, coordonnateur d’antan du mouvement Y en a Marre qui, dans un entretien avec le journal burkinabé, Lefaso.net le 6 juillet 201[2] expliquait le pourquoi de la naissance du mouvement en ces termes : « À l’époque, la vie au Sénégal était rythmée par des coupures intempestives d’électricité, des scandales financiers à coups de milliards, une injustice sociale extraordinaire, l’arrogance du régime de Abdoulaye Wade dont le système et ses hommes affichaient une indifférence face aux souffrances de la population. À l’époque, on s’était sentis abandonnés en tant que citoyens sénégalais. Abandonnés par les élites politiques, syndicales, maraboutiques… Il n’y avait quasiment personne pour se faire l’écho sonore de nos frustrations et de nos préoccupations. Autour de ces réflexions et discussions, on a décidé une nuit de mettre sur pied un mouvement qui s’appelle ‘Y’ en a marre ».
Monsieur le président, permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire : vous ne vous êtes pas simplement joint au mouvement M23 et Y en a Marre, vous êtes Président aujourd’hui en partie du fait de l’engagement de ce mouvement et de tous les jeunes et opposants sénégalais qui sont descendus dans les rues pour dire stop à ce qu’ils jugeaient être une confiscation de la volonté populaire. Mouvement qui comme Moda Dieng le rappelle : « s’est illustré dans la contestation pour exprimer explicitement les difficultés que vivent la majorité des Sénégalais (…). » Et qui s’est promis pour reprendre les mots de Moda Dieng toujours de « ne plus continuer à endurer les épreuves et à réprimer la colère, seulement parce que l’harmonie et la paix sociale sont à préserver. »
S’il vous convient d’être amnésique aujourd’hui, les faits sont là pour vous rappeler l’histoire. Une histoire à laquelle vous preniez part avec fierté il y a dix ans auparavant, alors opposant qui aspirait à la magistrature suprême. Une histoire qui était loin d’être « pacifique », « calme », « apaisée ». Jeune Afrique titrait le 24 juin 2011 à 18h34[3] : « Sénégal : les émeutes à Dakar ont fait 102 blessés dont 13 policiers » et le 03 février 2012 à 11h59[4] : « Sénégal : Podor pleure ses morts après la répression d’une manifestation du M23 ». Des jeunes sénégalais et sénégalaises sont morts entre 2011 et 2012 pour vous permettre d’accéder aux fonctions que vous exercez aujourd’hui. Des jeunes sénégalais et sénégalaises sont descendus manifester leur indignation, leur ras-le-bol, leur mécontentement contre un régime à l’époque qui pour reprendre les titres de Jeune Afrique toujours « comparait la contestation à une simple « brise[5] » ».
Vous faisiez partie de ceux qui appelaient à la manifestation et qui criaient au scandale. Vous promettiez une fois arriver au pouvoir : « d’être le président de tous les Sénégalais » et de gouverner dans la justice et l’équité. Aujourd’hui, presque dix ans après, vous marchez sur les pas de votre prédécesseur. En effet, les émeutes qui ont éclaté au Sénégal depuis le 4 mars 2021 bien qu’ayant comme déclencheur une affaire liant Ousmane Sonko et Adji Sarr, deux citoyens sénégalais de droit égal qui auraient dû être départagée par la justice de manière transparente et égale. Seulement, ces émeutes vont au-delà de ces deux personnes. Ces émeutes rappellent celles qui ont secoué le régime du Président Abdoulaye Wade dix ans après son accession au pouvoir. Le symbole est là très fort, car vous approchez également les 10 ans au pouvoir monsieur le président et cette même jeunesse qui vous a porté au pouvoir aujourd’hui vous désavoue ouvertement et violemment. Oui violemment, puisque subissant eux-mêmes violence et misère. Face à ce déferlement dans les rues, vous choisissez le silence et votre ministre de l’Intérieur, monsieur Antoine Felix Diome n’a d’autres mots à offrir que : « terrorisme », « insurrection » et « conspiration contre l’État » rappelant à bien des égards Joseph McCarthy qui durant le « maccartisme » connu également sous le nom de « peur rouge » entre 1950 et 1954 traqua d'éventuels agents, militants ou sympathisants communistes aux États-Unis avec plusieurs millions d’Américains soumis à des enquêtes judiciaires et policières et à des investigations et de la répression menées par des commissions parlementaires américaines.
Le débat actuel polarisé aux extrêmes entre ceux qui condamnent les pillages et les actes de vandalisme survenus lors des émeutes ces trois derniers jours et ceux qui, non sans les condamner, les comprennent, rejoint le même débat que j’avais avec mes amis en classe de terminale : qui a le privilège aujourd’hui de ne pas subir les affres de la misère et de la faim ? Qui a le privilège d’avoir recours à d’autres méthodes que la violence pour se faire entendre ? Qui a le privilège dans le système dans lequel nous vivons d’être écouté et de se faire écouter ? Qui a le privilège de ne pas voir le signal de sa chaîne de télé pas seulement coupée, mais remplacée par un autre signal ? Qui a le privilège de se faire vacciner en premier ? Qui a le privilège de vivre ? Qui a le privilège de se mouvoir librement sans peur d’être surveillé, arrêté, traqué, malmené ? Qui a le privilège de bénéficier de la toute-puissance de l’État, des biens publics, des forces armées et d’en user à sa convenance pour bâillonner et opprimer tout un peuple ?
Monsieur le président, vous avez failli à votre mission et dans votre prison dorée, vous ne vous en rendez même pas compte. Comme maître Abdoulaye Wade en 2011, vous êtes sourd aux appels de votre peuple et d’une jeunesse qui si elle n’était pas en détresse, pourrait jouir librement des plaisirs « d’apprendre et d’être poli » pour reprendre les mots de votre ministre de l’Intérieur. La radiotélévision sénégalaise montre des images qui vous glorifient à l’heure où le pays est en flammes et deux autres télévisions privées montrant en temps réel les manifestations sont censurées. L’argument est de dire qu’ils plébiscitent la violence. En la montrant ? En montrant la violence que vous et les membres de votre gouvernement cherchez à cacher au nom de la paix et de la cohésion sociale. Une paix de façade n’en est pas une. Une paix de connivence n’est pas une. L’illusion de la paix n’en est pas une. Un pays où la jeunesse a perdu tout espoir au risque de préférer la mort à la vie n’est pas un pays de paix ni de cohésion sociale.
Les messages qui consistent à rappeler que le Sénégal est le pays de la paix, de la Téranga (hospitalité) et de la démocratie ne seraient pas oppressants s’ils admettaient la possibilité à ceux qui souffrent de pouvoir l’exprimer également et de pouvoir dire que le Sénégal est aussi le pays de la pauvreté, de la misère, de l’injustice, de l’oppression et de l’iniquité. Les images qui montrent Sénégalais et policiers en accolade sont réelles et magnifiques à célébrer. En même temps, elles ne peuvent en rien effacer les images d’affrontements entre manifestants et force de l’ordre et les vies blessées et perdues en résultant. La compassion est présente dans ce pays tout comme le sont la colère et l’indignation et ces dernières ont trop longtemps été réprimées au profit d’un narratif de « paix et de cohésion sociale ». Il est là le socle de l’explosion sociale : la répression d’une population qui, au quotidien, subit les affres de la misère.
Monsieur le président, réveillez-vous ! Il vous appartient encore la possibilité de faire preuve d’empathie, d’écoute et de réagir avec un « généreux geste d’amour » pour reprendre les mots de Youssou Owens Ndiaye dans l’ouvrage collectif Politisez-vous. Il vous appartient encore de vous adresser à votre peuple et de sortir de votre mutisme. Toutefois, si vous continuez à vous targuer de puissance infinie et à engendrer au nom de cette dernière un océan de tourmentes en lieu et place d’une musique unificatrice comme le maestro que le peuple attend que vous soyez, gardez présent à l’esprit que Dieu est seul maître de l’océan, que sa puissance seule vaut la peine d’être nommée et que son regard, même voilé, n’est que lumière.
Et quelle étrange merveille que la lumière, si douce lorsqu’elle nous couvre, mais tellement violente lorsqu’elle nous aveugle. Puisse Dieu nous préserver tous de sa violence, y compris vous monsieur le président.
Macky Sall, s’il doit rester au pouvoir jusqu’en 2024 par respect à la Constitution devrait le faire dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale y compris avec l'opposition radicale tout en annonçant clairement qu’il ne sera pas candidat en 2024
Il semble que le Sénégal opère une rupture tous les 20 ans environ au premier trimestre de l’année marquant cette étape (1960-1980, 1980-2000, 2000-2020). L’année 2021 ne fera pas exception et la rupture nécessaire est entre les mains du président Macky Sall pour une renaissance dans une nouvelle direction. Il peut encore honorer son contrat moral avec les Sénégalais en organisant des élections présidentielles en 2022. Ces élections seraient suivies de législatives déjà prévues la même année pour confirmer le choix des électeurs.
Au-delà du respect de la parole donnée, la transmission du pouvoir après 10 ans entre d’autres mains (2 mandats de 5 ans maximum) permet à un pays d’avancer et d’éviter de passer 20 années dans une mauvaise direction potentielle avec les mêmes personnes qui se proposent de corriger leurs erreurs humaines. Ceci nous est arrivé de 1960 à 1980 (socialisme démocratique à la Senghor sans tous les instruments de gestion macroéconomique) 20 ans de Diouf 1980-2000 (ajustement, libéralisation et ou socio-libéralisme toujours sans tous les instruments de gestion macroéconomique) 20 ans de la même chose 2000-2020 (plan après plan de libéralisme social) toujours sans les instruments et dilapidant toujours nos marges d’endettement après que nous les ayons reconstituées par ajustements ou annulations de dette ou revalorisation de PIB. Le Sénégal a été dans la continuité entre 2000 et 2020 suivie d’un dialogue entre socialisants et l’endettement en devises en échange d’infrastructures.
Pour la stabilité du pays, l’opposant Ousmane Sonko et tous les détenus suite aux récentes tensions doivent être libérés, L’affaire Adji Sarr et ses ambiguités devrait désormais être enterrée pour raison d’Etat. Le président Macky Sall, s’il doit rester au pouvoir jusqu’en 2024 par respect à la Constitution devrait le faire dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale y compris avec l'opposition radicale tout en annonçant clairement qu’il ne sera pas candidat en 2024. Le leadership de cette opposition est désormais clarifié. C'est le prix à payer pour l'apaisement du climat politique et social.