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8 juin 2025
LE DOUBLE VISAGE DE TARIQ RAMADAN AU SÉNÉGAL
Le séjour dakarois de l'islamologue suisse, entre conférences brillantes et manifestations hostiles, dessine le portrait contrasté d'une figure aussi lumineuse que polémique
Présent au Sénégal depuis quelques jours pour une série de conférences et de rencontres spirituelles, Tariq Ramadan suscite fascination et controverse. L’intellectuel suisse, adulé pour son éloquence et sa pensée critique, mais toujours rattrapé par des affaires judiciaires en Europe, divise profondément. Entre ferveur intellectuelle, hommages soufis et protestations féministes, son séjour à Dakar révèle toute l’ambivalence d’une figure publique aussi brillante que polémique.
Il avance d’un pas sûr, costume décontracté, le visage toujours barré d’un sourire calme. À ses côtés, son épouse, discrète, mais présente, accompagne celui qui est sans doute l’un des intellectuels musulmans les plus médiatisés de son temps. Tariq Ramadan, auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages et figure centrale des débats sur l’islam en Occident, commence à prendre de l’âge. Mais il n’a rien perdu de sa rigueur ni de la précision de son verbe. Son regard pénètre, sa voix captive, sa pensée reste déroulée avec la même fluidité logique qui a fait de lui un orateur redouté, tant dans les amphis que sur les plateaux télévisés.
Hier mardi 13 mai 2025, c’est à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar qu’il s’exprimait, invité par l’Institut des sciences religieuses, pour une conférence sur le thème ‘’Éthique et déontologie dans la pensée religieuse’’.
Dans un amphithéâtre bondé, sous le regard du Pr. Diane et avec Penda Mbow comme modératrice, l’intellectuel suisse a capté l’attention d’une assistance éclectique, majoritairement étudiante, avide d’écouter cette ‘’bête médiatique’’ qui a fait les heures chaudes des débats sur les chaînes françaises. Son éloquence naturelle, sa maîtrise du verbe et la cohérence de ses arguments ont rapidement conquis la salle. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui ont quitté la conférence juste après son intervention, comme comblés.
L'auteur de" Mon intime conviction'' ne laisse jamais indifférent. Ses prises de position sur la laïcité, sa critique incisive des dérives de certains intellectuels français comme Éric Zemmour, Alain Finkielkraut ou Caroline Fourest, ou encore ses plaidoyers pour les droits des musulmans en Europe lui ont valu une audience fidèle, mais aussi de farouches opposants. Il a souvent dénoncé l’hypocrisie de certaines démocraties occidentales, les silences complices face aux injustices et les incohérences éthiques dans le traitement de la question religieuse.
Ses positions sur des sujets sensibles comme l’adultère, le statut des femmes ou les modèles politiques des pays du Golfe, qu’il critique frontalement, ont élargi le spectre des controverses autour de lui. Mais il demeure, pour beaucoup, une voix nécessaire dans un monde où la pensée critique religieuse est souvent mal accueillie, voire suspecte.
Présent au Sénégal depuis plusieurs jours, il multiplie les apparitions et les rencontres. Ce n’est pas une terre inconnue pour lui : le pays de la Teranga l’a souvent accueillie et il y entretient de nombreux liens, personnels comme intellectuels.
Lors de son propos liminaire à l’Ucad, il a tenu à rappeler son attachement profond au défunt Babacar Mbow, penseur soufi, théologien et homme d’action qu’il a qualifié d’âme pure. Leur première rencontre en Suisse fut le point de départ d’une relation faite de dialogues, de complicité spirituelle et d’échanges intellectuels nourris.
Le 8 mai 2025, il s’est rendu à Touba, où il a été reçu en audience par le khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké. Une rencontre empreinte de solennité et de spiritualité, marquée par le respect mutuel et la portée symbolique de la visite. ‘’Dès qu’on entre à Touba, on ressent quelque chose de particulier, une impression profonde, quasi immédiate’’, a-t-il confié.
Accompagné de guides religieux et de responsables des structures éducatives de la ville, il a découvert les principes fondamentaux de la transmission du savoir dans cette cité religieuse. Trois piliers l’ont marqué : la mémorisation, la compréhension et l’application. ‘’Ce qui frappe ici, c’est cette volonté de rester fidèle au Coran, à ses enseignements, tout en vivant cette fidélité comme une éthique du quotidien’’, a-t-il ajouté.
Pour lui, l’islam mouride illustre un modèle vivant de spiritualité appliquée, loin des débats stériles et des dogmatismes stériles.
Ainsi s’est esquissé, tout au long de sa présence au Sénégal, le portrait d’un penseur toujours aussi vigilant, entre engagement spirituel, exigence intellectuelle et volonté de dialogue. Loin des polémiques qui ont jalonné sa carrière, il semble au Sénégal retrouver un souffle, une terre d’écoute, de respect et de résonance pour une pensée qui, décidément, ne vieillit pas.
Une figure éclatante, un passif encombrant
Toutefois, cette présence n’est pas sans susciter des remous. Si ses partisans saluent un penseur libre et audacieux, ses détracteurs rappellent qu’il reste l’objet de plusieurs procédures judiciaires en Europe, notamment pour viol, ce qui alimente une vive controverse. Le samedi 10 mai 2025, à Dakar, lors d’une conférence tenue à l’espace Maam Samba sur la route de Ngor, l’islamologue a vu son intervention brièvement perturbée par un groupe de militantes féministes venues dénoncer sa présence. Comme le rapporte Dakaractu, ces manifestantes, scandant ‘’Tariq violeur !’’ et brandissant des pancartes accusatrices, ont tenté d’accéder aux lieux de la rencontre. La tentative a cependant été contenue par un important dispositif de sécurité, en partie assuré par des membres de la confrérie baye fall, mobilisés pour encadrer l’événement. Les protestataires n’ont pas pu pénétrer dans la salle et la conférence s’est poursuivie sans incident majeur, bien que sous surveillance renforcée.
Cette scène illustre la polarisation persistante autour de la figure de Ramadan, tiraillée entre reconnaissance intellectuelle et soupçons persistants.
Pour certains observateurs, notamment dans les cercles intellectuels sénégalais, cette hostilité ouverte serait aussi révélatrice d’un certain complexe d’infériorité vis-à-vis d’un intellectuel à la stature internationale. Le journaliste sénégalais Mamadou Mbacké Ndiaye estime que ces critiques gagneraient à se concentrer sur le terrain des idées et non sur des affaires personnelles encore en cours de traitement judiciaire. ‘’L’attaquer sur sa pensée, sur ses positions, oui. Mais sur sa vie privée, c’est une vilaine méthode qui n’a pas sa place dans le monde académique’’, confie-t-il. Un appel à l’élégance dans le débat, qui résonne comme un rappel à la hauteur du propos, surtout face à une figure aussi clivante que Ramadan.
En définitive, la venue de Tariq Ramadan au Sénégal révèle autant qu’elle questionne. Entre spiritualité partagée, fascination intellectuelle et rejet militant, sa présence agit comme un miroir des tensions contemporaines autour de l’islam, de la justice et de la figure publique. Un portrait en clair-obscur, où la réflexion ne se sépare jamais du trouble.
LE SÉNÉGAL CONDAMNÉ POUR COUPURE ILLÉGALE D'INTERNET EN 2023
Dans un arrêt rendu ce 14 mai 2025, la Cour de Justice de la CEDEAO condamne Dakar à indemniser l'ASUTIC et son président pour violation des libertés fondamentales, tout en lui ordonnant de ne plus recourir à de telles pratiques à l'avenir
(SenePlus) - La Cour de Justice de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a rendu, ce mercredi 14 mai 2025, un verdict historique condamnant la République du Sénégal pour violation des droits fondamentaux suite aux coupures d'internet survenues en juin et juillet 2023.
Selon les informations communiquées, la Cour a statué en faveur de l'Association des utilisateurs des TIC (ASUTIC) et de son président Ndiaga Gueye, qui avaient saisi l'instance régionale d'une requête pour violations des droits de l'homme le 15 septembre 2023 (affaire référencée ECW/CCJ/APP/37/23).
Dans sa décision finale, l'institution judiciaire régionale a formellement déclaré que les coupures d'internet et des réseaux sociaux imposées par les autorités sénégalaises étaient "illégales et constituant une violation des droits des requérants à la liberté d'expression et d'information". La Cour a également reconnu que ces restrictions représentaient une violation du droit au travail de M. Ndiaga Gueye.
À titre de réparation, la juridiction communautaire a accordé 250 000 francs CFA à l'ASUTIC et à M. Gueye pour la violation de leurs droits à la liberté d'expression et d'information. Le président de l'association s'est également vu attribuer 250 000 francs CFA supplémentaires pour la violation spécifique de son droit au travail.
Des sanctions financières et une injonction pour l'avenir
Au-delà de ces compensations financières, la Cour a pris une mesure préventive importante en ordonnant expressément au Sénégal "de s'abstenir d'imposer à l'avenir des restrictions illégales ou arbitraires à Internet". Cette injonction pourrait créer un précédent significatif pour d'autres pays de la région.
Il convient de rappeler que les coupures d'internet incriminées étaient intervenues dans un contexte de fortes tensions politiques au Sénégal en juin et juillet 2023. Le gouvernement d'alors, dirigé par le président Macky Sall, avait justifié ces mesures par des impératifs de sécurité nationale face aux manifestations qui secouaient le pays.
L'ASUTIC, organisation à but non lucratif qui travaille à protéger les droits numériques, soutenir l'économie numérique et promouvoir l'écologie numérique, avait immédiatement dénoncé ces restrictions comme disproportionnées et attentatoires aux libertés fondamentales. L'association, qui a également pour objectif de "contribuer au renforcement de la démocratie à travers la transparence, la responsabilité des décideurs et la participation des citoyens(nes)", avait alors décidé de porter l'affaire devant la justice régionale.
Cette décision de la Cour de Justice de la CEDEAO intervient presque deux ans après les faits, mais établit un important précédent juridique concernant la protection des libertés numériques en Afrique de l'Ouest. Elle rappelle aux États membres que, même en période de crise, certaines restrictions aux libertés fondamentales ne peuvent être justifiées sans base légale solide et proportionnée à l'objectif poursuivi.
Au moment de la publication de cet article, les autorités sénégalaises n'avaient pas encore réagi officiellement à cette condamnation.
LES 5 TEMPS FORTS DU CONSEIL DES MINISTRES
Le chef de l'Etat a rappelé l’importance de l’alphabétisation en langues nationales à travers l’évaluation des politiques en cours, la promotion de leur usage dans tous les secteurs...
Ce mercredi 14 mai, le Conseil des ministres s’est tenu sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye. Ce dernier a notamment abordé 5 thèmes centraux. Les voici.
1-137e pèlerinage de Popenguine
Après avoir félicité la communauté chrétienne pour l’élection du nouveau Pape Léon XIV qu’il qualifie d’ « homme de foi, d’ouverture et de dialogue, dont la mission s’inscrit dans la solidarité l’unité entre les peuples et la promotion d’un monde de paix de stabilité et de justice », le Président Bassirou Diomaye Faye a évoqué le pèlerinage marial de Popenguine dont la 137ème édition doit se tenir les 7, 8 et 9 juin 2025. Il assure d’ailleurs que le gouvernement est pleinement mobilisé et prêt à prendre toutes les dispositions nécessaires à son bon déroulement.
2-Le bâtiment, un enjeu crucial
Récemment, l’effondrement d’un immeuble à Ngor a suscité des questions concernent le bâtiment. Face à cela, « Le Président exige un renforcement des contrôles pour garantir la qualité, la durabilité et le respect des normes à travers une cartographie nationale des bâtiments à risque avec des mesures adaptées, une campagne nationale de sensibilisation sur les règles d’urbanisme et le Code de la construction, pilotée par les ministères concernés, en lien avec les maires et la protection civile, une homologation stricte des matériaux et contrôle rigoureux des chantiers, avec des attestations de conformité systématique et une accélération des missions du laboratoire national des BTP pour prévenir les risques ».
3-Pavie 2, une réussite
Poursuivant son intervention, Bassirou Diomaye Faye a abordé le lancement du Pavie 2, couronné de succès. Ce projet, doté d’une enveloppe de 107 milliards de francs CFA, veut mettre en avant l’entrepreneuriat féminin et des jeunes. Le Chef de l’Etat a d’ailleurs félicité le Premier ministre pour le succès de ce lancement.
4-Gestion du pétrole et du gaz
Ensuite, concernant le secteur du pétrole et du gaz, deux ressources que le Sénégal a commencé à produire, « Le Chef de l’État demande au Premier Ministre d’assurer une gouvernance optimale dans le but de respecter les contrats avec les partenaires, de développer le contenu local et les champions nationaux, les fonds de stabilisation et intergénérationnel gérés par le FONSIS et de tenir la première réunion sous son magistère du COS-PETROGAZ avant fin juillet 2025 ».
5-L’enseignement des langues nationales
Enfin, le Président de la République a parlé de l’enseignement des langues nationales qui, selon lui, est un pilier de la souveraineté. Conformément à la Constitution, il a tenu à rappeler « l’importance de l’alphabétisation en langues nationales à travers l’évaluation des politiques en cours, la promotion de leur usage dans tous les secteurs et les assises nationales des Daaras lancées pour une meilleure intégration à l’éducation nationale.»
UN FESTIVAL POUR RELIER L’AFRIQUE ET L’EUROPE PAR LE CINÉMA
Le Festival du film européen-africain célèbre la coopération entre les deux continents autour de la création cinématographique. Cet événement incarne une dynamique d’échange et d’innovation culturelle.
Le Festival du film européen-africain, placé sous le signe de la coopération et de la création partagée, est une passerelle symbolique entre l’Afrique et l’Europe, a souligné le directeur de la cinématographie, Germain Coly.
”À travers ce festival, c’est toute une dynamique d’échange, de collaboration et de créativité commune qui se met en place entre l’Europe et l’Afrique”, a-t-il déclaré, mardi, lors de la cérémonie d’ouverture.
Prévu du 13 au 18 mai, le Festival du film européen-africain se tient dans plusieurs villes du Sénégal, notamment à Dakar, Guédiawaye, Thiès et Mbour, autour du thème : ”Unis par le cinéma, enrichis par la diversité”.
La soirée d’ouverture a été marquée par la projection du film ”Xalé” du réalisateur sénégalais Moussa Sène Absa, à la MAison de la culture Douta Seck, à Dakar, en présence de nombreuses personnalités, dont l’ambassadeur de l’Union européenne au Sénégal, Jean-Marc Pisani.
Ce long métrage d’une heure 41 minutes retrace le parcours douloureux d’Awa Ndiaye, une adolescente de 15 ans victime d’un viol commis par son oncle. Une œuvre poignante qui, selon son réalisateur, s’inspire de témoignages intimes et bouleversants recueillis au fil des années.
Pour le directeur de la cinématographie, ce festival représente bien plus qu’un événement culturel. ”C’est un moment fort, une expérience cinématographique inoubliable pour les cinéphiles sénégalais et pour tous ceux qui croient au pouvoir du cinéma comme lien entre les peuples, les continents et les récits.”
Germain Coly a également insisté sur l’importance de pérenniser cette initiative. ”Il nous faut œuvrer à sa vulgarisation, son innovation, afin qu’il devienne un rendez-vous incontournable et un espace de convergence entre les talents africains et européens. Le choix du film d’ouverture illustre parfaitement cette ambition”.
L’ambassadeur Jean-Marc Pisani a quant à lui réaffirmé l’engagement de l’Union européenne à soutenir la culture comme vecteur de développement, de cohésion et de liberté.
”En Afrique comme en Europe, nous croyons fermement au potentiel des industries culturelles et créatives. Elles peuvent jouer un rôle majeur dans le futur de nos continents, en générant des emplois, en renforçant les identités, en favorisant la paix”, a-t-il souligné.
Le festival propose au public une sélection de 12 longs et courts métrages réalisés par des cinéastes sénégalais, ivoiriens, finlandais, irlandais, britanniques, allemands, belges, français, espagnols et italiens.
Selon le diplomate européen, cette programmation offre une opportunité unique de découvrir des œuvres audacieuses, de nouvelles voix et des perspectives riches, issues de la rencontre entre réalisateurs africains et européens. ”Elle témoigne de la vitalité d’un espace culturel commun en co-construction”, a-t-il conclu.
DIALOGUE POLITIQUE, L’IBP PLAIDE POUR UNE PLACE CENTRALE DES JEUNES
En marge d’une conférence à Dakar sur le plaidoyer budgétaire à l’Assemblée nationale, Maleine Amadou Niang, directeur de l’ONG International Budget Partnership, a plaidé pour une refonte en profondeur du système politique sénégalais.
En marge d’une conférence sur les techniques de lecture, d’analyse et de plaidoyer budgétaire à l’Assemblée nationale, le directeur de l’ONG International Budget Partnership (IBP), Maleine Amadou Niang, a insisté sur l’importance d’une représentation significative et qualitative des jeunes dans le dialogue politique lancé par le président Bassirou Diomaye Faye. Il appelle également à une refonte du système politique et démocratique sénégalais.
Le dialogue politique initié par le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, suscite déjà de nombreuses attentes. Parmi les voix qui s’élèvent pour orienter ce processus, celle de Maleine Amadou Niang, directeur de l’ONG International Budget Partnership (IBP), se fait entendre avec clarté.
En marge d’une conférence tenue à Dakar, portant sur les techniques de lecture, d’analyse et de plaidoyer budgétaire à l’Assemblée nationale, il a appelé à une forte représentation des jeunes, à la fois en quantité et en qualité. « Les jeunes représentent plus de 65 % de la population. Il est donc indispensable que leur voix soit entendue, et qu’ils soient pleinement impliqués dans les assises du dialogue national », a-t-il déclaré.
Pour lui, ce dialogue doit être le reflet fidèle de la société sénégalaise dans toute sa diversité, en intégrant les acteurs des différentes catégories socio-professionnelles.
Maleine Amadou Niang estime par ailleurs qu’il est temps pour le Sénégal de repenser son système politique et démocratique. Selon lui, les défis actuels exigent des mécanismes plus inclusifs, transparents et participatifs pour une gouvernance moderne et efficace.
PAR MALICK CISS
FAUX BILLETS, VRAI FLÉAU
Les saisies d’intrants tels que le mercure et les billets noirs continuent de faire les choux gras de la presse presque au quotidien. Les malfaiteurs rivalisent d’ingéniosité, plutôt de malice, avec une bonne dose de surnaturel ou de mystique...
Le faux-monnayage prend des proportions inquiétantes au Sénégal. Les saisies de faux billets et d’intrants tels que le mercure et les billets noirs continuent de faire les choux gras de la presse presque au quotidien. Les malfaiteurs rivalisent d’ingéniosité, plutôt de malice, avec une bonne dose de surnaturel ou de mystique, comme pour attester que ce serait une activité trop mystérieuse pour nous, simples humains.
Dans le passé, ces pratiques « mystico-maléfiques » portaient sur quelques milliers ou millions de nos francs, mais aujourd’hui, les faux-monnayeurs misent sur des milliards de FCfa de gains et parfois sur des devises fortes comme le dollar ou l’euro. En février dernier, les services de sécurité ghanéens ont saisi 12 containers maritimes bourrés de faux dollars et cédis et de lingots d’or, dans la région du Grand Accra. Au Sénégal, la Douane a mis la main, en avril dernier, sur de fausses coupures d’une contrevaleur estimée à 6,744 milliards de FCfa. En Afrique centrale, le coordinateur de l’Observatoire régional du crime organisé révélait que la Rdc est devenue une plaque tournante de la fabrication, du transit et de la distribution de faux dollars, menaçant l’économie locale et des pays voisins. Si certains se font prendre, d’autres réussissent à passer entre les mailles du filet, injectant des quantités de faux billets dans l’économie. Une pratique qui n’est pas sans conséquences.
La mise en circulation massive de signes monétaires contrefaits peut déstabiliser toute l’économie d’un pays. Dans le passé, des États en sont arrivés à en faire une arme en inondant l’économie d’un ennemi avec de fausses coupures de banque. Dans une opération de déstabilisation de la Guinée sous Sékou Touré, après son indépendance en 1958 suite à son fameux « Non » au Général de Gaulle, Maurice Robert, chef du secteur Afrique au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece), avoua la stratégie utilisée pour déstabiliser ce pays. « Parmi ces actions de déstabilisation, je peux citer l’opération « Persil », par exemple, qui a consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie », comme il le raconta au « Monde diplomatique ». L’arrivée massive de fausses coupures dévalorise la monnaie et par conséquent les usagers s’en méfient comme de la peste. Aussi, le gonflement de la masse monétaire causé par l’afflux de faux billets peut générer une inflation galopante difficile à maîtriser. Le phénomène finance souvent des activités criminelles de grande envergure (trafics de stupéfiants, d’êtres humains, terrorisme, etc.). Les principales victimes sont les commerçants, les entreprises et les consommateurs.
Une fois le papier sans valeur accepté dans une transaction, ils perdent la marchandise ou le service échangés. Et se retrouvent avec des coupures qu’ils ne peuvent pas réinjecter dans le circuit financier, sous peine de tomber sous le coup de la loi. Une psychose peut alors rapidement s’installer, créant une méfiance vis-à-vis de certaines coupures comme les billets de 5.000 ou 10.000 FCfa. Et malheureusement, peu d’entre nos commerçants sont équipés de détecteur de faux billets. Ils se contentent juste de visualiser à l’œil nu les signes distinctifs du billet douteux (filigrane, bande holographique, texture au toucher, etc.). Face aux menaces, chaque État cherche à sécuriser sa monnaie par des moyens technologiques très coûteux. En 2021, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a dépensé 46 milliards de FCfa pour la fabrication et le transport de billets et pièces dont 38,2 milliards de FCfa pour l’achat des signes monétaires afin d’assurer en permanence la circulation des signes monétaires de qualité. L’avènement de nouvelles technologies graphiques a renforcé la clé de sécurité des billets, mais a aussi permis aux faussaires de placer la barre haut dans l’imitation des signes monétaire. Le développement de nouveaux moyens de paiement comme la monnaie électronique semble être le rempart.
PAR MOUSTAPHA SÈNE
LE DERNIER REMPART SUR LE FRONT CHARBONNIER
L’analyse des pratiques locales de conservation des forêts a permis de montrer que les produits forestiers non ligneux (Pnlf) jouent non seulement un rôle primordial dans la stratégie de survie des communautés locales.
L’analyse des pratiques locales de conservation des forêts a permis de montrer que les produits forestiers non ligneux (Pnlf) jouent non seulement un rôle primordial dans la stratégie de survie des communautés locales (sécurité alimentaire, activités génératrices de revenus réguliers, apports en matière de pharmacopée et dans la médication traditionnelles).
Mais elle met aussi en évidence, au-delà de ces aspects strictement socio-économiques, cette dimension importante de leurs rapports intrinsèques et quasi-sacrés aux communautés ; lesquelles sont plus enclines à protéger les écosystèmes, sources des espèces emblématiques qui sont les pourvoyeuses des Produits forestiers non ligneux en question. Ainsi en est-il des rapports singuliers des communautés avec ces arbres fétiches que sont : le Kadd (Acacia albida) dans la région du Baol, du Palmier à huile en Moyenne et Basse Casamance, du Dimb (Cordilla pinata) dans la région du Sine Saloum et du Kabaada dans le Pakao-Fulaado (régions de Kolda et Sédhiou), etc. Mais aussi de toutes les autres espèces du genre, pourvoyeuses de sous-produits commercialisables et de moult autres biens et services écosystémiques comme les fruits de saison exploités par les communautés dans les zones de forêts aménagées, en rase campagne ou dans les zones de cultures. Selon une note technique du ministère de l’Environnement du développement durable et de la Transition écologique (Meddte), l’exploitation rationnelle et durable des produits forestiers non ligneux (Pfnl) a un impact moindre sur les écosystèmes de forêts par rapport à l’exploitation quasi-minière du bois.
Car cette forme de prélèvement (cueillette et ramassage) « ne provoque ni la mort des plantes, ni ne détériore la capacité de production des sols. Elle n’aggrave pas non plus le phénomène d’érosion des sols et n’implique aucune modification dans la structure et le fonctionnement de la forêt ». Ce qui permet des bénéfices écologiques considérables à court terme. La prise en compte de cette donne a sans doute été pour quelque chose dans l’évolution notée dans la gouvernance des ressources naturelles qui, des très dirigistes stratégies aménagistes d’État (conduites souvent en régies, durant les premières décennies de l’indépendance du pays), on a progressivement évolué vers des schémas de gestion des ressources naturelles forestières et fauniques qui intègrent les dynamiques communautaires. Mais également les visions endogènes dans les démarches de conservation et de préservation des écosystèmes naturels. L’intégration, plus franche dans les dispositifs de gestion de ces connaissances culturelles et des formes traditionnelles de valorisation des produits forestiers non ligneux considérées comme des « éco-sciences locales », est une marque de reconnaissance.
D’abord et avant tout, du statut de « parties prenantes » des populations locales elles-mêmes dont principalement les femmes qui s’investissent dans leur transformation des Pfln en produits de consommation courante. C’est le signe aussi d’un regain d’intérêt par les autorités en charge de la conservation de nos écosystèmes naturels qui s’est traduit par plus grand engouement en faveur du potentiel économique du sous-secteur et notamment en termes de création d’emplois massifs. Nombreux sont, en effet, les techniciens des Eaux et Forêts à confirmer ce passage de la note du Meddte selon laquelle l’application, à partir de 2005, de nouvelles dispositions en matière d’aménagement des formations forestières du pays a permis de « contenir la production de charbon de bois dans la limite des capacités de production des forêts aménagées, mais les stigmates sur les anciennes formations forestières sont restés visibles sauf une entreprise titanesque de reconstitution du couvert végétal ».
C’est une preuve, par l’exemple, que la valorisation des Produits forestiers non ligneux est un sous-secteur économique rentable pouvant créer de la richesse et des emplois à l’échelle des collectivités territoriales. Mais qu’elle constitue aussi une alternative à la dégradation du couvert végétal consécutive à la désolante descente vers le sud-est du pays du front charbonnier qui, en moins de soixante-dix ans, a migré de la vallée du fleuve Sénégal au nord, jusqu’aux confins du Parc national du Niokolo-Koba (Pnnk). C’est-à-dire de cette réserve naturelle classée patrimoine mondial de l’Unesco où se trouvent les derniers bastions forestiers du pays.
GUY MARIUS SAGNA INTERPELLE LE GOUVERNEMENT SUR LE RECRUTEMENT DES 2000 ENSEIGNANTS
Le député évoque des anomalies préoccupantes sur la plateforme Mirador, des duplications de pièces d’identité et l’exclusion de candidats qualifiés au profit de profils inexpérimentés.
Le député Guy Marius Sagna a adressé trois questions écrites au gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko, les 5, 9 et 13 mai 2025, soulevant de vives préoccupations dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Il s’est particulièrement attardé sur le recrutement de 2000 enseignants par le ministère de l’Éducation nationale, un processus qu’il juge entaché de nombreuses irrégularités.
Selon lui, de nombreux enseignants l’ont interpellé après avoir constaté des anomalies sur le site Mirador, dédié au recrutement. Certains affirment que des candidats initialement recalés ont été « remplacés » par d’autres sur la plateforme. Des cas de duplication de numéros de carte nationale d’identité (CNI) ont également été signalés : un même numéro aurait été attribué à plusieurs candidats, jusqu’à huit selon certains témoignages. Depuis quelques jours, la fenêtre de vérification sur le site n’est plus accessible, ce qui renforce les soupçons d’irrégularités.
Le député cite également les déclarations du directeur des ressources humaines du ministère, Serigne Souhaibou Badiane, qui affirmait en janvier dernier que seuls des professionnels expérimentés seraient recrutés. Pourtant, Guy Marius Sagna rapporte que des enseignants titulaires de diplômes professionnels ont été écartés au profit de candidats sans expérience, parfois détenteurs du seul baccalauréat.
Face à ces faits troublants, il demande la publication de la liste des 2000 enseignants recrutés, accompagnée de leurs diplômes, au nom de la transparence.
74 % DES JEUNES PRÉFÈRENT ENTREPRENDRE, 53 % RÉCLAMENT PLUS D’INVESTISSEMENTS PUBLICS
L’enquête d’Afrobarometer, réalisée en février et mars 2025 par le Consortium pour la Recherche Économique et Sociale auprès de 1 200 Sénégalais, met en lumière une aspiration forte de la jeunesse à créer et innover.
Face à un marché de l’emploi atone, la jeunesse sénégalaise choisit de se tourner vers l’entrepreneuriat. D’après les résultats du dernier sondage Afrobarometer, près de trois quarts des jeunes Sénégalais âgés de 18 à 35 ans (74%) souhaitent créer leur propre entreprise, contre seulement 17% qui aspirent à intégrer la fonction publique. Ce choix marque une rupture nette avec les générations précédentes, souvent plus attirées par la sécurité de l’emploi étatique.
Pourtant, malgré leur niveau d’instruction plus élevé – 58% des 18-35 ans ont atteint le niveau secondaire ou post-secondaire, contre 39% pour les 36-55 ans – les jeunes peinent à s’insérer dans le tissu économique. L’enquête révèle en effet que 41% des jeunes sont sans emploi et en recherche active, un taux bien supérieur à celui des 36-55 ans (30%).
Les obstacles à l’emploi sont multiples. Outre la conjoncture économique difficile et la pénurie de postes, les citoyens pointent le manque de formation ou de préparation adéquate (35%), le refus d’occuper certains types d’emplois (23%), et l’inadéquation entre les qualifications scolaires et les exigences du marché du travail (15%).
Face à cette réalité, une majorité de Sénégalais (53%) estiment que la création d’emplois devrait être la priorité des investissements publics en faveur des jeunes, loin devant la formation professionnelle (15%), l’éducation (13%) ou les prêts à la création d’entreprises (9%). Ces données montrent une demande forte pour des politiques publiques plus offensives dans la lutte contre le chômage des jeunes.
Malgré ce constat préoccupant, près des deux tiers des citoyens (65%) considèrent que le gouvernement est « beaucoup » ou « assez » préoccupé par les problèmes de la jeunesse, une perception qui laisse entrevoir un espace de dialogue et d’action.
Réalisée en février et mars 2025 par le Consortium pour la Recherche Économique et Sociale (CRES) sur un échantillon représentatif de 1 200 adultes sénégalais, cette enquête d’Afrobarometer (Round 10) confirme une tendance de fond : les jeunes ne veulent plus attendre. Ils souhaitent créer, innover, entreprendre, à condition que l’État les accompagne efficacement.
MOHAMED OULD ABDEL AZIZ CONDAMNÉ À 15 ANS DE PRISON
Reconnu coupable d’abus de pouvoir, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent, l’ex-chef de l’État voit sa peine alourdie par la cour d’appel de Nouakchott.
Mohamed Ould Abdel Aziz, ancien président de la République islamique de Mauritanie, a été condamné ce mercredi à quinze ans de prison ferme par la cour d’appel de Nouakchott. L’ancien chef d’État, au pouvoir de 2008 à 2019, a été reconnu coupable d’abus de pouvoir, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent, alourdissant ainsi la peine initiale de cinq ans prononcée en décembre 2023.
Cette décision judiciaire marque une étape majeure dans l’un des procès les plus médiatisés de l’histoire politique récente de la Mauritanie. Selon des sources judiciaires, Mohamed Ould Abdel Aziz aurait mis en place un système sophistiqué de détournement de fonds publics, impliquant des sociétés écrans et des comptes offshore, lui permettant d’amasser une fortune estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars, notamment à travers des opérations immobilières et commerciales.
Le procès en appel, ouvert en novembre 2024 et clos fin avril 2025, a permis au parquet de réitérer ses accusations en réclamant une peine de 20 ans, insistant sur le fait que l’ancien président avait utilisé sa position à des fins personnelles au détriment de l’intérêt général.
Détenu depuis janvier 2023, Mohamed Ould Abdel Aziz a été jugé aux côtés d’une dizaine d’anciens hauts responsables, dont deux anciens Premiers ministres, également poursuivis pour des faits de corruption, de trafic d’influence et de détournement de biens publics.