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8 juin 2025
LA NOUVELLE ARÈNE DU COMBAT PASTEF-APR
Les affaires Azoura Fall et Abdou Nguer illustrent comment la guerre politique entre le pouvoir et l'opposition s'immisce dans le système judiciaire, avec des traitements différenciés qui suscitent débat et interrogent
Au-delà d'une simple confrontation politique, la guerre Pastef-APR continue d'infester la vie publique et pollue sauvagement l'institution judiciaire qui, bon an mal an, s'efforce de rester debout, malgré toutes sortes de pressions.
Le duel APR-Pastef se poursuit. Quand ce n'est pas dans les urnes, c'est sur la toile ou dans les prétoires. Les dernières joutes en date, c'est autour de l'affaire Assane Guèye alias ‘’Azoura Fall’’. Depuis quelques jours, il n'y en a que pour l'activiste, réputé proche du Premier ministre Ousmane Sonko. Députés, directeurs généraux, avocats, militants, sympathisants, c'est presque toute la galaxie Pastef qui est montée au créneau, qui pour protester contre la justice qui a osé l'interpeller et l'envoyer en prison, qui pour lui manifester affection et compassion.
Malgré la forte pression de hauts responsables du parti, le parquet est resté inflexible. Azoura a été auditionné d'abord, placé en garde à vue avant d'être placé sous mandat de dépôt. Il sera jugé en flagrant délit demain, selon son avocat Maitre Bamba Cissé, également avocat du Premier ministre. Mais la note aurait pu être bien plus salée. La veille de ce face-à-face avec le procureur, son avocat disait : “Nous allons poursuivre l'affaire... Il y a trois possibilités : le classement sans suite pour inopportunité des poursuites ; une procédure d'instruction et enfin il y a une procédure de flagrant délit ou même la citation.”
Le procureur a donc retenu le juste milieu. Ni instruction qui aurait pu prolonger ses jours en prison ni classement sans suite qui aurait mis un terme aux poursuites. Le sort du militant teigneux de Pastef est donc entre les mains du juge des flagrants délits. Au terme de l'article 56 et suivants, il risque jusqu'à deux ans de prison et une amende entre 25 000 et 300 000 F CFA.
Une justice debout, malgré la forte pression des partisans de Pastef
Pendant ce temps, son adversaire de l'autre côté, Abdou Nguer, lui, croupit tranquillement en taule. Son dossier a été envoyé en instruction depuis le 17 avril. Ce qui énerve le plus ses avocats, c'est que depuis lors, le chroniqueur proche de l'Alliance pour la République n'a pas été entendu.
Interpellé, Maitre El Hadj Diouf déclare : “Je pense que tout le monde devrait s'en offusquer. Mais le plus cocasse dans cette affaire, c'est qu’Abdou Nguer est poursuivi pour diffusions de fausses nouvelles. Mais jusque-là, personne n'est en mesure de vous donner la nouvelle.” Et curieusement, dénonce-t-il, “aucun journaliste n'ose faire des recherches pour voir quelle nouvelle, quelle révélation Abdou Nguer a eu à faire. Parce pour parler de fausses nouvelles, il faut d'abord qu'il y ait nouvelles. Je défie quiconque de montrer quelle est cette nouvelle. On l'a envoyé en instruction parce que si on l'avait jugé en flagrant délit, il aurait bénéficié d'une relaxe pur et simple”.
Mais pour beaucoup d'observateurs, les deux cas ne sont pas les mêmes. Alors que dans l'affaire Azoura, on parle surtout d'injures et de discours contraires aux bonnes mœurs, dans l'affaire Abdou Nguer, il est surtout question de diffusion de fausses nouvelles. C'est le cas également dans l'affaire Assane Diouf, en prison depuis le mois de mars sans jugement. Pour ce qui concerne Abdou Nguer, dans la foulée de son arrestation, une vidéo a été présentée comme étant à l'origine de son arrestation. Dans ladite vidéo, il liste de hauts fonctionnaires décédés et évoque le contexte dans lequel ils sont partis. A ceux qui soutiennent qu'il fait des insinuations, Me Diouf rétorque : “Les gens veulent parler à la place d’Abdou Nguer. Lui il n'a fait aucune révélation. Je défie quiconque d'en apporter la preuve contraire. On a voulu lui coller un post sur une page qui ne lui appartient pas. Il a été démontré qu'il n'est ni administrateur ni propriétaire de cette page. D'ailleurs, le propriétaire du compte a été interpellé à Thiès. Rien ne justifie cette instruction contre Abdou Nguer.”
Derrière cette bataille de fortes personnalités du barreau au bénéfice de présumés insulteurs publics ou diffuseurs de fausses nouvelles, se jouent les prolongations de la guerre entre Pastef et l'Alliance pour la République.
Pour Maitre Bamba Cissé, Azoura n'aurait jamais dû être placé en garde à vue, parce qu'il est victime des violences de Macky Sall. “Cette décision (le placement en garde à vue) nous surprend à plus d'un titre. Parce qu'Azoura Fall a été victime d'un système corrosif et violent, qui a régné au Sénégal pendant assez longtemps et qui a réprimé les patriotes. Il a fait l'objet d'une détention qui a duré un an et à peu près deux mois, pour une cause injustifiée et effacée par une loi d'amnistie”, justifie Me Cissé, non sans invoquer les mauvaises conditions de détention qui lui ont valu la dégradation de sa santé à cause d'un manque de sommeil prolongé. “C'est ce garçon qui a été retenu simplement parce qu'il avait quelque chose dans le cœur qu'il a fait sortir”, regrette-t-il.
Des arguments qui ont du mal à passer auprès de certains observateurs. Lesquels donnent le cas d’Assane Diouf qui a vécu presque la même chose, sinon pire sous Macky Sall. Il est en prison depuis mars et personne n'a invoqué son passé sous Sall pour le dédouaner de sa responsabilité. A l'APR, on continue de soutenir que le chroniqueur Abdou Nguer n'a commis aucune infraction qui puisse lui valoir la prison. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Nguer comme Azoura disposent de pools d'avocats assez bien garnis, constitués de fortes têtes du barreau. C'est à se demander qui paie les honoraires ? Ou bien les avocats sont subitement devenus des bénévoles ?
FLAGRANT DÉLIT
Ce que dit le Code de procédure pénale
Au-delà de cette guéguerre APR-Pastef, la question de droit que soulèvent ces affaires politico-judiciaires, c'est pourquoi la justice a choisi l'instruction dans l'affaire Abdou Nguer ; le flagrant délit dans l'affaire Azoura ?
D'abord, il faut retenir que les chefs d’accusation ne sont pas les mêmes. Dans la première affaire, l'autorité a visé les fausses nouvelles. Dans la seconde, c'est plutôt des propos contraires aux bonnes mœurs, selon ses avocats. Toutefois, ils sont nombreux à estimer que ce que Nguer a dit, s'il y a infraction, aurait pu être géré en flagrant délit.
Aux termes de l'article 45 du Code de procédure pénale, la flagrance est définie comme suit : “Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d’objets ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.” La loi précise : “Est assimilé au crime ou délit flagrant tout crime ou délit qui, même non commis dans les circonstances prévues à l’alinéa précédent, a été commis dans une maison dont le chef requiert le procureur de la République ou un officier de la police judiciaire de le constater.”
En pareil cas, le Code de procédure pénale prévoit : “L’individu arrêté en flagrant délit et déféré devant le procureur de la République, conformément à l’article 63 du présent code est, s’il est placé sous mandat de dépôt, traduit sur le champ à l’audience du tribunal.” Selon l'article 382, “Si, ce jour-là, il n’est point tenu d’audience, le prévenu est déféré à l’audience du lendemain, le tribunal étant, au besoin, spécialement convoqué à la requête du ministère public”.
Il convient de préciser que si, en matière correctionnelle, l'autorité a la faculté ou non d'envoyer en instruction, en matière criminelle, l'instruction est obligatoire, même en cas de flagrance.
DE LA GLOIRE À LA DÉSILLUSION
le football sénégalais, qui avait dominé l'Afrique en 2021 en remportant toutes les compétitions majeures de la CAF, enchaîne désormais les contre-performances à tous les niveaux
En 2021, le Sénégal dominait le football africain. En une année, les «Lions» avaient quasiment tout raflé : CAN 2021, CAN de Beach Soccer 2021, CHAN 2023 et CAN U20 2023 ! Mais cette année, les différentes équipes nationales ont enregistré une contre-performance sur le plan africain.
Le football sénégalais enchaîne les contre-performances depuis quelques mois. Alors qu'en 2021, le Sénégal avait remporté toutes les compétitions organisées par la Confédération africaine de football (CAF), aujourd'hui le football sénégalais peine à confirmer sur le plan africain.
Après des échecs répétitifs, cette discipline avait fini d'être au sommet du continent. Mais depuis quelques semaines, cette tendance commence à disparaître au fur et à mesure des compétitions. Tout a débuté avec l'équipe nationale A en Côte d'Ivoire lors de la précédente CAN. Alors que les Lions avaient réussi à survoler les phases de groupes en enchaînant trois victoires avec la manière, la bande à Kalidou Koulibaly a vu son rêve se briser lors des huitièmes de finale devant le pays organisateur.
Les Éléphants de la Côte d'Ivoire avaient dominé les Lions lors de la séance des tirs au but. Après cet échec, ce sera ensuite au tour de l'équipe nationale des moins de 17 ans au Maroc. Les Lionceaux, champions en titre dans cette catégorie, ont été éliminés également par la Côte d'Ivoire lors de la phase à élimination directe.
Le CHAN, une compétition à ne pas manquer
Après cette nouvelle élimination des hommes de Pape Ibrahima Faye, les poulains de Serigne Saliou Dia n'ont pas réussi à conserver leur titre en Égypte lors de la CAN U20. Les Lionceaux ont vu leur rêve se briser lundi dernier au Suez Canal Authority Stadium d'Ismaïlia, dans un match comptant pour les quarts de finale de ce tournoi, devant le Nigeria aux tirs au but (0-0, 3-1 tab).
Intraitable il y a deux ans, avec sept victoires sur sept jusqu'à la victoire finale, l'équipe sénégalaise a perdu de sa superbe en deux ans. La formation dirigée par Serigne Saliou Dia ne s'est surtout pas trouvé un leader à l'image de Lamine Camara qui avait porté la jeune sélection.
Avec ces échecs répétitifs, l'heure est venue pour la fédération et les sélectionneurs de trouver à nouveau la bonne formule en vue des prochaines échéances. Ils sont dans l'obligation de planifier de nouveaux programmes qui permettront à ces différentes sélections de performer à nouveau sur le plan africain.
Après ces éliminations précoces de nos équipes nationales, le championnat d'Afrique des nations (CHAN) reste la seule compétition qui reste à l'équipe sénégalaise pour sauver les apparences. Alors que l'équipe a réussi à se qualifier dans la douleur, les hommes de Souleymane Diallo seront attendus dans ce tournoi qui va se dérouler au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie dans moins de trois mois. Souleymane Diallo n'a pas le droit à l'erreur. Avec son staff, ils ont l'obligation de trouver la bonne formule pour redresser la situation.
L'ALLIANCE BRISÉE QUI PROFITE À PASTEF
La séparation inattendue entre Khalifa Sall et Barthélémy Dias fragmente l'opposition. Cette rupture d'alliance, sans hostilité apparente mais lourde de conséquences, laisse le champ libre au parti au pouvoir pour consolider son emprise politique
Khalifa Sall et Barthélémy Dias ont traversé ensemble le désert depuis 2014 avec la création du mouvement Taxawu Dakar. Depuis lors, ils ont vécu une épopée glorieuse tout comme des moments de galère. En décidant de se séparer aujourd'hui, ils vendangent tous les points engrangés jusque-là en politique.
Toute chose a une fin. Mais le divorce entre Khalifa Sall et Barthélémy Dias est assez prématuré. Les deux hommes ont décidé de se séparer de la meilleure des manières sans heurts ni anicroches. Aucune déclaration qui, pour le moment, laisse entrevoir une hostilité entre eux.
"Dias-fils" a tout simplement décidé de créer son propre mouvement politique. Pendant ce temps, Khalifa Sall qui avait préféré faire un petit recul pour donner plus de place à son poulain Barth, décide d'être à nouveau hyperactif dans le champ politique. La preuve, il s'est engagé en première ligne au niveau du Front pour la Défense de la Démocratie et de la République (FDR) dont il est aujourd'hui l'un des porte-étendards.
Même si les deux acteurs politiques ont préféré taire l'origine de leur divergence, force est de constater que des responsables de Taxawu Sénégal ont toujours rouspété en coulisses en accusant l'ancien maire de Dakar d'avoir favorisé ses hommes dans la confection des listes électorales lors des dernières élections législatives.
Les partisans de Barth reprochent, quant à eux, à certains cadres de Taxawu Sénégal de ne pas avoir suffisamment mouillé le maillot lors de la dernière compétition électorale.
Quoi qu'il en soit, il faut noter que Khaf et Barth ont longuement cheminé ensemble et ils ont partagé beaucoup de choses en politique. Exclus du Parti socialiste (PS) en 2017, ils ont fondé Taxawu Sénégal qui est le prolongement de leur mouvement Taxawu Dakar créé en 2014, alors qu'il était toujours au Parti socialiste (PS), pour se battre contre le régime de Macky Sall dans la capitale sénégalaise lors des élections locales.
Cette opposition au régime Sall leur a coûté leur liberté, leur poste et même une exclusion de la formation de Léopold Sédar Senghor qui les a couvés, formés et révélés en politique.
À qui profite le divorce ?
Certes, ils se sont séparés en vrai gentlemen. Mais ils seront tous les deux perdants de ce divorce. Khalifa Sall perd un homme de confiance, un de ses guerriers les plus fidèles et qui a été au premier plan dans tous les combats qu'il a engagés. Il devra ainsi continuer avec un Taxawu Sénégal amputé d'un de ses plus grands ambassadeurs. À coup sûr, cette séparation va déteindre sur le leadership de Taxawu au sein de l'opposition. En effet, même si le peuple sénégalais a montré à plusieurs reprises qu'il faisait confiance au régime PASTEF, il est évident cependant qu'avec le moindre écart des nouvelles autorités, Taxawu pourrait incarner une alternative crédible.
En plus, il faut noter que le mouvement Taxawu risque de se déchirer avec des cadres qui resteront fidèles à Khalifa Sall et des responsables qui vont préférer dessiner un nouveau cap politique avec Barthélémy Dias.
Khalifa continue d'être charismatique, mais il lui manque de la hargne politique. En plus, il prend de l'âge. Et il ne lui reste qu'une carte à jouer pour prétendre à la fonction présidentielle.
Par contre, Barthélémy Dias est jeune, fougueux et intrépide. Il a cette faculté de perturber le mastodonte PASTEF et dispose de plus de chances de compter encore en politique. En quittant Taxawu Sénégal, il perd cette possibilité d'hériter d'un appareil politique assez structuré sur lequel il pourrait s'appuyer pour réaliser ses ambitions politiques.
Dans le contexte actuel, Dias-fils est obligé de repartir à zéro en créant une toute nouvelle plateforme politique espérant ainsi se positionner dans l'opposition radicale.
Mais en s'empressant de quitter la barque menée par Khalifa Sall, Barth vendange tout le travail qu'il a abattu jusque-là. Pis, il s'isole davantage dans un espace politique très hostile où le jeu d'alliance est fondamental. Même s'il est fort probable que Barth se ligue avec de nouvelles entités ou personnalités hostiles aux Pastéfiens, il ne sera jamais à l'aise mieux que chez soi, Taxawu Sénégal où il pouvait déployer toutes ses ailes tant que lui et Khalifa Sall étaient en bons termes.
En définitive, c'est Pastefqui gagne dans cette affaire parce qu'il aura en face un "Taxawu Sénégal" moins fort et par conséquent moins dangereux politiquement.
LE MAUVAIS SIGNAL DE GUY MARIUS SAGNA
En soutenant Ibrahim Traoré, le député sénégalais déconcerte les défenseurs des droits humains burkinabè. Un activiste l'interroge : "Approuverait-il un putsch au Sénégal supprimant partis politiques, censurant médias et enlevant militants ?"
Habillé en Faso Dan Fani, Guy Marius Sagna s’est rendu dans les locaux de l’ambassade du Burkina pour faire une déclaration de soutien au président burkinabè et répéter sa rhétorique anti-impérialiste. Dans une lettre adressée au président de la République du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, le député de Pastef réaffirme son soutien au peuple burkinabè, dénonce «une guerre imposée par l’impérialisme international», fustige «la manipulation de terroristes et de séparatistes par l’impérialisme». Pour lui, les peuples du Burkina Faso, du Mali et du Niger «veulent s’extraire de l’oppression néocoloniale de l’impérialisme».
Dans son entendement, il y a un distinguo à faire entre les putschistes. A ses yeux, il y a les militaires «manipulés par l’impérialisme contre leurs peuples» et «ceux qui font aboutir la mobilisation des peuples contre des régimes néocoloniaux». Pour GMS, il y a «des putschs et juntes de militaires au service de ses intérêts» et, a contrario, «ceux qui parachèvent les mobilisations des peuples qui veulent l’indépendance réelle». Tout en condamnant «l’hypocrite duplicité des impérialistes et de leurs médias». Il écrit en outre : «Depuis l’assassinat du héros martyr Sankara, le Peuple burkinabè a mis un terme à des décennies de putsch néocolonial dirigé par des juntes civiles valets de l’impérialisme.»
Cette sortie du député a retourné des journalistes et activistes burkinabè qui le voyaient comme un membre de leur clan, un des leurs, alors que la plupart se retrouvent dans le viseur des autorités. A l’image de Guy Hervé Kam, détenu depuis plusieurs mois alors qu’il s’était constitué pour défendre Sonko. Un de ses proches est ulcéré par cette sortie de Guy : «Guy Marius Sagna a oublié que Me Kam est encore dans les prisons de IB. Ce même Me Kam qui s’est constitué au Sénégal pour défendre Pastef et Ousmane Sonko. Ça fait mal de voir un frère se retourner contre nous au moment où on attendait son soutien. On était enthousiastes quand on a vu l’annonce, mais dès qu’il a parlé, on a compris qu’il nous avait lâchés. C’est le pouvoir qui est comme ça avec les faux.»
Face à la machine répressive de IB, certains ont pris le chemin de l’exil. «Oui. Terrible. Terrible. Je crois que la question simple qu’on peut lui poser : soutient-il un coup d’Etat au Sénégal avec la suppression des partis politiques, l’interdiction des activités politiques des Osc, la censure stricte des médias, l’enlèvement massif de militants pour la démocratie et la traque des activistes critiques ? Normalement, c’est ce qu’il souhaite pour le Sénégal. Quand on ne veut pas de coup d’Etat chez soi, on n’applaudit pas le coup d’Etat du voisin ! Il faut que nos hommes politiques soient cohérents !», note un activiste passablement agacé par cette sortie.
Un autre journaliste exilé ne cache pas son indignation : «Le combat pour la justice ne se fait pas aux côtés des bourreaux. Il y a des silences qui honorent. Et des paroles, des gestes, des présences qui font honte et qui blessent. Votre participation à cette conférence de presse aux côtés d’un ambassadeur frère direct de Ibrahim Maïga -un homme tristement célèbre pour ses appels à la haine et à la violence contre les Burkinabè exilés- est une injure. Une insulte aux victimes, aux familles brisées, aux voix muselées, aux cœurs exilés. Une gifle à tous ceux qui croient encore que l’Afrique peut et doit défendre les droits humains, la dignité, la liberté d’expression.
Comment comprendre qu’un homme tel que vous, jadis figure de proue des combats contre les injustices au Sénégal, puisse aujourd’hui accorder son soutien à un régime qui a plongé le Burkina Faso dans une nuit d’effroi ?» Amère, la pilule ne passe pas : «Juste deux petits exemples pour illustrer mon indignation. Sous Ibrahim Traoré, plus de 12 journalistes ont été enlevés ou portés disparus, et plus de 18 autres vivent aujourd’hui en exil, fuyant des menaces de mort ou des convocations musclées par des services opaques. Les partis politiques sont bâillonnés, les Osc surveillées, et des citoyens ordinaires, pour un simple like ou un commentaire sur Facebook, se retrouvent enrôlés de force ou jetés en détention. Mais il y a pire, M. Sagna, le silence que vous cautionnez tue.»
«A tous ceux qui pleurent un proche enlevé, exilé, enterré sans adieu»
Les témoignages de ce journaliste, qui vit loin de chez lui pour échapper à des réquisitions d’enlèvement dans les Vdp ou d’emprisonnement, font froid dans le dos : «Laissez-moi vous parler d’une vieille femme de 85 ans, la mère d’un journaliste exilé. Chassée de sa maison familiale sans préavis, menacée, privée de soins, privée même de ses petits-fils chargés de prendre soin d’elle et neveux du journaliste. Ils ont été enlevés et portés disparus. Leur crime, être les neveux du journaliste en question.
Une femme âgée, souffrant de diabète et d’hypertension, qu’on a expulsée comme une criminelle du domicile familial, à qui l’on a donné cinq minutes pour quitter les lieux. Cinq minutes. Quand les terroristes, eux, laissent parfois trois jours avant de frapper. Voilà le visage du «sankarisme» selon Ibrahim Traoré : s’acharner sur une vieille dame de 85 ans, analphabète, qui n’a jamais écrit une ligne sur la politique de son pays. Son crime à elle, être la mère de ce journaliste critique. C’est cela que vous soutenez ? Et pendant que cette mère dort dehors, sous l’œil silencieux de ses bourreaux, vous, Guy Marius Sagna, homme du peuple, vous êtes là, à tendre la main à ceux qui l’écrasent.»
Et le reste est une leçon d’histoire : «Vous dites défendre les idéaux de Sankara ? Alors pourquoi soutenir un homme qui, contre la volonté de la veuve et des enfants de Thomas Sankara, a enterré de force les restes de ce héros, refusant à sa famille le droit fondamental de faire son deuil ? Comment osez-vous approuver l’édification d’un symbole creux d’une trahison maquillée en hommage ? M. Sagna, votre attitude est une offense. A tous ceux qui luttent pour un Etat de Droit. A tous ceux qui, même en exil, même dans la douleur, gardent foi en la justice. A tous ceux qui pleurent un proche enlevé, exilé, enterré sans adieu. Vous avez choisi votre camp. Et ce n’est pas celui des opprimés. C’est celui de ceux qui chassent les mères, qui enferment les enfants, qui détruisent les voix. L’histoire s’en souviendra. Et face à ce tumulte, il ne reste à ceux qui croient encore à la dignité qu’une seule arme : la mémoire. Et la certitude qu’un jour, les masques tomberont.»
S’ils ont préféré parler à visage découvert, Le Quotidien a décidé de garder leur anonymat pour éviter des mesures de représailles à leur encontre.
LES LIONS VONT SE PREPARER… A DAKAR
Contexte particulier, disposition particulière. Pour les deux matchs amicaux de juin, contre l’Irlande et l’Angleterre, qui se jouent en «temps de vacances», les Lions vont exceptionnellement se regrouper à Dakar.
Contexte particulier, disposition particulière. Pour les deux matchs amicaux de juin, contre l’Irlande et l’Angleterre, qui se jouent en «temps de vacances», les Lions vont exceptionnellement se regrouper à Dakar.
Les Lions vont vers un mois de juin chargé, avec deux gros matchs amicaux, contre des équipes européennes qui ne sont plus à présenter : l’Irlande et l’Angleterre. Les hommes de Pape Thiaw vont d’abord jouer les Irlandais, le 6 juin, à l’Aviva Stadium de Dublin, avant de défier les Anglais, le 10 juin, au City Ground de Nottingham.
Deux rencontres en 4 jours et face à un football britannique athlétique où il faudra être prêt physiquement. Et pour des joueurs qui seront en début de vacances à cette période, forcément une préparation spécifique s’impose. Et justement sur ce chapitre, Le Quotidien a appris que cette fois-ci les Lions vont se regrouper à Diamniadio. Une occasion d’une meilleure prise en charge pour des «vacanciers» qui vont boucler une longue saison (le 25 mai au plus tard), avec les conséquences que nous savons.
Faut noter que souvent pour les matchs amicaux en Europe, les Lions se regroupent d’habitude à Paris, avant leur déplacement au lieu de la rencontre. Mais contexte oblige, les deux matchs devant se jouer en temps de vacances, les coéquipiers de Kalidou Koulibaly vont d’abord descendre à Dakar (le temps pour certains de voir la famille) pour après aller en regroupement et se retaper les muscles ; avant d’aller défier l’Irlande et l’Angleterre. La fenêtre Fifa étant calée du 2 au 10 juin.
LE RETOUR DE CERTAINS CADRES VA BOOSTER LA CONCURRENCE
Evidemment pour ces deux matchs que l’Europe savoure déjà, la liste de Pape Thiaw sera scrutée de très près. Surtout pour des rencontres qui vont servir de préparation pour les éliminatoires du Mondial 2026 de septembre prochain, avec la réception du Soudan, suivie d’un déplacement en Rd Congo. Deux rencontres décisives qui devraient déterminer l’avenir des champions d’Afrique 2021 sur le chemin qui mène aux joutes de «United 2026».
Du coup, une attention particulière sera portée sur les noms des joueurs convoqués. Avec un sélectionneur qui va devoir composer avec le retour de certains cadres qui avaient manqué les matchs de mars dernier pour cause de blessure. On peut citer Iliman Ndiaye, Habib Diarra, Nicolas Jackson, Ismaïl Jakobs ou encore El Hadji Malick Diouf. Des absences qui avaient permis l’éclosion de nouvelles têtes, comme Antoine Mendy ou Assane Diao (finalement forfait pour juin).
Comme quoi, on devrait s’attendre à une forte concurrence et des choix forts de «l’homme à la talonnade».
Par Birame NDIAYE Waltako
TRUMP N’EST FOU QU’AVEC L’AFRIQUE, IL A RECULE DEVANT LE ROULEAU COMPRESSEUR CHINOIS
Donald Trump a sévèrement réduit l’Agence américaine pour le développement international, entraînant l’annulation de l’aide humanitaire et de l’assistance sanitaire vitale. Ainsi, il «détruit ses propres instruments d’influence» en Afrique notamment
Donald Trump a sévèrement réduit l’Agence américaine pour le développement international, entraînant l’annulation de l’aide humanitaire et de l’assistance sanitaire vitale. Ainsi, il «détruit ses propres instruments d’influence» en Afrique notamment. Par ailleurs, si l’Agoa (Loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique) disparaît, l’Afrique devra regarder à l’intérieur d’elle-même et tenir les promesses de création d’une zone de libre-échange continentale. Autrement, elle devra renforcer ou élargir les marchés existants, en particulier avec la Chine, première partenaire commerciale du continent.
Plus de 80% des exportations africaines partent à l’étranger, principalement vers l’Union européenne, la Chine et les Etats-Unis. Difficile de s’en passer, l’ancien Secrétaire exécutif de la Communauté économique pour l’Afrique, Carlos Lopes, considérait qu’il fallait plutôt «un protectionnisme sophistiqué» qui vise le juste équilibre. Si Trump et les Usa ont reculé devant la Chine en concédant une trêve dans l’application de la surtaxe de 145% sur les marchandises venant de Chine, c’est qu’ils ont un intérêt effectif à avoir des échanges commerciaux équilibrés avec ce pays. Aucun camp ne veut une dissociation de leurs économies, a déclaré le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent.
Habituellement, les pays riches prônent le libre-échange et un marché concurrentiel auprès des pays pauvres pour capturer une plus grande part de marché en Afrique. Les Africains, liés par des accords commerciaux, ne peuvent toutefois pas faire du protectionnisme aveugle. L’Organisation mondiale du commerce a publié, en juin 2016, une étude qui montre la progression rapide des restrictions au libre-échange par les pays du G20. Entre octobre 2015 et mai 2016, les économies du G20 avaient mis en place 145 mesures restrictives.
Il existe, selon Sébastien Jean, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, 271 accords commerciaux en vigueur dans le monde. Imaginons qu’un pays comme le Sénégal décide de protéger ses quelques industries dans le but de fermer ses frontières à l’importation. Les entreprises ainsi protégées ne pourront, en retour, que profiter du marché domestique de petite taille, réduit et pas trop solvable. Un marché surprotégé est un marché réduit. Par ailleurs, les intrants dont auront besoin les mêmes industries protégées, seront acquis à des prix très élevés. Ainsi, leur productivité et la croissance de leur productivité en seront forcément affectées au point que les mesures s’avéreront inefficaces en bout de ligne.
Certes, le protectionnisme a contribué au décollage des «dragons» asiatiques, mais celui-ci ne saurait garantir, à lui seul, le développement d’un pays. L’Ethiopie a démontré sa faculté à se frayer un chemin vers l’industrialisation. C’est le «modèle d’Etat développementiste», en contrôlant, dirigeant et régulant son économie. Sa politique économique repose sur des mesures fiscales et non fiscales qui cherchent à promouvoir les exportations et à attirer les investissements directs étrangers. Depuis 2006, le secteur manufacturier de l’Ethiopie a augmenté en moyenne de plus de 10% par année.
Néanmoins, cette politique la prive de ressources budgétaires nécessaires pour investir dans les infrastructures et services publics que réclament ses entreprises. Afin de rationaliser les opportunités d’investissements, le pays imposait des taxes plus réduites sur les matières premières et les produits semi-finis venant de l’extérieur. Ce qui faisait que sa balance commerciale continuait de se creuser du fait de son économie portée par les investissements et qui encourageait très fortement les importations. C’est ce qui expliquait l’avènement du Plan de croissance et de transformation (Gtp) mis en place pour 2015- 2020, dans le but de stimuler la fabrication des produits de substitution pour augmenter la production intérieure et réduire ainsi les sorties de devises.
L’Afrique est aujourd’hui moins industrialisée qu’elle ne l’était il y a 40 ans. La contribution du secteur manufacturier à la croissance du Pib est passée de 12% en 1980 à 11% en 2013. Elle stagne depuis. Pourtant, seul l’accroissement de la valeur ajoutée manufacturière peut réduire significativement la pauvreté. Pour ce faire, il faut surtout des débouchés intéressants. S’enfermer, ce sera pour nos entreprises locales de produire à perte ou trop peu pour subsister. S’ouvrir sans gardefou ni malice est un suicide. Il y a bel et bien moyen de faire espérer les boursicoteurs, même de leur faire goûter de temps en temps le miel africain pour, à chaque fois, leur taillader la langue. Pas beaucoup, juste un tout petit peu et à répétition. C’est ça le protectionnisme intelligent.
Birame NDIAYE Waltako
ETERNELLE VIE EN SPIRALE POUR ABASSE NDIONE
Après un succès phénoménal dès sa première édition en 1984, «La vie en spirale» de Abasse Ndione revit dans les librairies. Une réédition, signée Saaraba, vient d’être lancée.
Après un succès phénoménal dès sa première édition en 1984, «La vie en spirale» de Abasse Ndione revit dans les librairies. Une réédition, signée Saaraba, vient d’être lancée. L’ouvrage a été présenté ce samedi à Bargny, dans la médiathèque qui porte le nom de l’auteur.
La Vie en spirale reprend place sur les rayons des librairies du pays. Edité à sa sortie en 1984 par les Nouvelles éditions africaines puis réédité en 2004 par Gallimard, ce roman de Abasse Ndione, qualifié de véritable chef-d’œuvre littéraire, fait l’objet à nouveau d’une réédition avec la maison Saaraba.
Une cérémonie de lancement de l’œuvre version Saaraba s’est tenue samedi à la Médiathèque Abasse Ndione de Bargny.
«C’est d’abord la qualité littéraire du texte. Le deuxième argument, c’est que c’est un livre que j’ai lu quand j’étais adolescent et qui m’avait beaucoup marqué (…) J’ai constaté son absence des rayons, il n’était plus réédité, et je m’étais fait une promesse : le jour où j’en aurais l’occasion, je le remettrais à la disposition du public et le ferais découvrir aux nouvelles générations», a ainsi motivé Souleymane Guèye, initiateur de cette nouvelle réédition. «Il était très enthousiaste et très heureux qu’on se ressaisisse du texte et il m’avait donné sa bénédiction.
C’est ce qui m’a aidé aussi après à faire toutes les démarches. Il était content qu’on remette ce livre au goût du jour et nous, on a reçu tout son encouragement et son soutien», a poursuivi le directeur éditorial de Saaraba, assurant qu’un tirage de 1000 exemplaires, «quasiment épuisé», a été réalisé, en attendant de s’aligner sur la forte demande. Particularité de cette nouvelle édition, la postface porte l’empreinte de l’écrivain Mouhamed Mbougar Sarr. «Il l’a lu, c’est un des textes fondateurs aussi de son cheminement personnel. Donc il m’a paru évident pour faire la préface ou la postface, de le confier à quelqu’un qui soit vraiment imprégné du texte», a motivé M. Guèye.
Au-delà de l’œuvre littéraire de Abasse Ndione, riche de Ramata ou encore Mbeuk mi, les regards devraient être focalisés sur l’homme. C’est la perception que se fait le ministre Abdourahmane Diouf, qui a présidé la cérémonie. «Il nous faut maintenant la biographie de Abasse Ndione. Avec les témoignages de sa famille, il y a de quoi écrire sur Abasse, du jour de sa naissance en 1946 à sa mort en 2024. On connaît très bien le message, mais on ne connaît pas assez le messager», a exhorté, lors de son allocution, le ministre qui, à l’occasion, a acheté un lot de 100 exemplaires. Et cette demande de Abdourahmane Diouf pourrait se matérialiser bientôt, à en croire Yaye Coumba Ndione. «Pour la biographie, on va essayer, ça c’est intéressant (…) Il y a un autre écrivain qui nous a demandé de raconter les moments que nous avons passés avec notre père», a relevé l’aînée de la famille.
Par Baba DIENG
L’ART DE MAL DIALOGUER
Le 28 mai prochain, on aura droit à un nouveau Dialogue national sur le système politique. Il s’agira, selon les initiateurs, de discuter sur les problèmes politiques et institutionnels du pays, afin d’y apporter des solutions - peut-être définitives.
Une image particulièrement tragique a attiré mon attention : le président de la République du Sénégal, élu démocratiquement et flanqué d’une légitimité populaire incontestable, a pris part, dans la plus grande joie, à la cérémonie d’investiture d’un putschiste recyclé en démocrate. Au nom de ce que représente notre pays en matière de démocratie, le chef de l’Etat, loin de répondre à cette invitation, devait envoyer un représentant qui, à son tour, comme l’autruche devant le péril, doit se terrer. Mais enfin. Avec l’arrivée de Pastef au pouvoir, on assiste à une tentative de réécriture de notre histoire. D’aucuns diront que ces gens-là n’ont pas le sens de l’histoire…
Le 28 mai prochain, on aura droit à un nouveau Dialogue national sur le système politique. Il s’agira, selon les initiateurs, de discuter sur les problèmes politiques et institutionnels du pays, afin d’y apporter des solutions - peut-être définitives. On rafistolera, entre autres, un système électoral qui a vu accéder au pouvoir un opposant, dans un contexte particulier, dès le premier tour, sans aucune contestation…
Une bonne partie de l’opposition, paranoïaque, a décidé de décliner l’invitation du chef de l’Etat. Pour les opposants, depuis toujours, dialoguer signifie se renier, entrer dans des compromissions. Pactiser avec le diable. L’Apr, qui avait initié les cycles de dialogue interminables, s’est signalé en tête des refus ; Thierno Alassane Sall, le nouvel opposant emblématique, lui aussi, refuse de participer à ce qu’il considère comme une mascarade.
Aujourd’hui, les opposants qui iront dialoguer ne seront pas considérés, sans nul doute, comme des traîtres, des opportunistes qui magouillent avec l’ennemi. Les participants au dialogue seront les grands démocrates qui, dès l’appel solennel du Président de tous les Sénégalais, se sont présentés malgré eux. Au nom de la République. Au nom de la civilisation des mœurs que prône la démocratie.
Une certaine Société civile, créatrice de crises artificielles, s’est résolument engagée pour que les acteurs politiques, toujours en conflits malgré l’arbitrage du Peuple souverain, se retrouvent autour d’une table pour dialoguer, pour discuter en toute sincérité. A les entendre épiloguer sur la situation politique (jamais sur l’économie !), on a la fâcheuse impression que la démocratie, dans ce pays, n’a pas vaincu la grande insurrection de Pastef et que les crises sont toujours à nos trousses. Pour des gens qui ont assisté motus et bouche cousue à la suppression du Conseil économique, social et environnemental - lieu par excellence de dialogue et d’expression des voix à même de s’opposer au pouvoir politique-, il est indéniable que le vrai dialogue ne les intéresse nullement.
Cette Société civile ne vit que dans la négation de notre pays. Ce sont des pompiers pyromanes. Des gens qui, en présentant notre démocratie comme une poudrière, se donnent les moyens de créer leur propre travail. L’économie, qui est le mal sénégalais, n’intéresse guère ces «rentiers de la tension».
Pour Pastef -qui est arrivé au pouvoir de manière spectaculaire, avec ses promesses, avec sa légitimité incontestable, tous les pouvoirs en bandoulière-, l’heure est au travail, à la mobilisation de toutes les énergies pour un «Sénégal juste, souverain et prospère». Contrairement au Président Macky Sall dont le pouvoir commençait à faiblir, ce régime, fort de l’onction légitimatrice du Peuple, doit mettre les bouchées doubles dans la recherche de solutions aux suffocants problèmes des Sénégalais. Le temps est son pire ennemi. Il ne faut pas en perdre davantage.
Un pouvoir comme celui de Pastef, qui écrase tout sur son passage, n’a aucun intérêt à se mettre à dialoguer. L’on constate que la brutalité, avec ce régime, est une méthode de gouverner. La violence est consubstantielle à tous leurs actes. Un de leurs ténors ne s’est pas gêné de déclarer à haute et intelligible voix qu’ils sont «arrivés au pouvoir par la radicalité» et qu’ils devraient donc diriger le pays «par la radicalité». Une conception aux antipodes du dialogue. Avec sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale, le pouvoir Pastef a exterminé des institutions et voté des lois impopulaires. Des décisions controversées ont été prises au forceps, sans l’art de dialoguer.
L’économie reste l’unique urgence de ce pays. Il faut dialoguer sur l’économie. Le président de la République, quoique sincère dans sa démarche, risque de perdre énormément de temps pour rien, en suivant les tartufferies de cette Société civile porteuse de crises. La meilleure manière de refonder notre démocratie consiste à œuvrer pour la réduction des inégalités sociales qui, on le sait, sont les véritables menaces du modèle démocratique. C’est ce travail que nous devons entreprendre tout en continuant de renforcer et de protéger nos institutions républicaines.
SI LE SENEGAL M’APPELLE, JE REPONDRAI PRESENT
Longtemps considéré comme une pépite du football français, Malang Sarr semble aujourd’hui tourner une nouvelle page de sa carrière internationale.
Longtemps considéré comme une pépite du football français, Malang Sarr semble aujourd’hui tourner une nouvelle page de sa carrière internationale. Le défenseur du RC Lens, formé à l’OGC Nice et passé par Chelsea, s’est dit prêt à porter les couleurs du Sénégal, pays d’origine de ses parents. Une déclaration forte, formulée lors d’un entretien accordé au site sportif Taggat. « Si le Sénégal m’appelle, je serai présent et honoré de répondre à cet appel-là », affirme le joueur de 26 ans, qui évolue désormais en Ligue 1 après plusieurs saisons à l’étranger. Une prise de position claire, qui tranche avec les hésitations du passé.
UN LIEN FORT AVEC LE SÉNÉGAL
Né à Nice, Malang Sarr a pourtant toujours cultivé un lien profond avec le pays de ses racines. « Que ce soit ma ville Rufisque, que ce soit le club de Rufisque, Teungueth FC, par exemple… J’ai vraiment une relation particulière avec le Sénégal. J’ai ma famille qui est encore là-bas. Chaque année, j’essaie de leur rendre visite. Ça fait partie de moi, c’est mon socle. Le Sénégal, c’est ma base », confie-t-il avec émotion. Élevé dans une culture sénégalaise, l’ancien international U20 français reconnaît tout ce que le Sénégal représente dans sa vie : « J’ai ma culture, mon éducation, tout vient de là. J’en suis reconnaissant. »
RETOUR SUR UN RENDEZVOUS MANQUÉ
Ce n’est pas la première fois que le nom de Malang Sarr circule du côté de la Tanière. Dès 2018, alors qu’il évoluait à Nice, la Fédération sénégalaise de football avait tenté de le convaincre. À l’époque, le jeune défenseur préférait encore se concentrer sur son avenir avec les Bleus. Une attitude qui avait suscité une certaine frustration, notamment de la part du sélectionneur sénégalais d’alors, Aliou Cissé.
En 2022, ce dernier ne cachait plus son agacement : « Malang Sarr est un joueur avec qui j’ai eu à échanger il y a quelques années, mais il n’était pas prêt. Nous n’allons pas courir après des joueurs pour qu’ils viennent en équipe nationale. Jamais ! Nous devons aussi valoriser ceux qui ont accepté d’être là. »
UN NOUVEAU CHAPITRE À ÉCRIRE ?
Aujourd’hui, la situation a changé. Malang Sarr se dit non seulement prêt, mais également motivé à mériter sa place : « La sélection, c’est quelque chose qui se mérite. Il faut aller la chercher, travailler dur. C’est une équipe de très haut niveau. À moi de performer. »
Des discussions ont déjà eu lieu avec la Fédération par le passé, confie-t-il. « On avait parlé plusieurs fois. J’ai toujours eu une bonne relation avec la sélection et la fédération. » Le nouveau sélectionneur du Sénégal, Pape Thiaw, saura-til relancer le dossier Sarr ? Le joueur, lui, n’attend qu’un signe. La balle est désormais dans le camp des Lions.
(AVECWIWSPORT.COM)
Par Mamoussé Diagne
AMADY ALY DIENG, LA TORPILLE SOCRATIQUE AFRICAINE
La difficulté d’écrire sur Amady Dieng le type de texte que je vais pourtant devoir écrire, que je savais ou devinais confusément, depuis quelque temps déjà, être tenu d’écrire sans le vouloir, pourrait constituer un motif suffisant par l’impossibilité
La difficulté d’écrire sur Amady Dieng le type de texte que je vais pourtant devoir écrire, que je savais ou devinais confusément, depuis quelque temps déjà, être tenu d’écrire sans le vouloir, pourrait constituer un motif suffisant par l’impossibilité même de le proférer.
A cette difficulté essentielle s’ajoute une autre, d’ordre purement épistémologique : par où faut-il commencer, par quelle aspérité aborder cet homme aux multiples facettes qu’on a du mal à enfermer, non seulement dans sa discipline d’origine (l’économie) mais aussi dans toutes les autres : l’histoire, la littérature, la sociologie, bref, tout ce qui intéresse les hommes et l’humain ? Beaucoup d’entre nous auraient aimé s’en tenir à l’hommage que nous lui avions consacré a l’occasion du don de sa bibliothèque à l’UCAD, qui était déjà don de soi, une sorte d’adieu anticipée au monde.
Me voici donc obligé de produire l’un des rares écrits qu’il n’aurait pas l’occasion de discuter avec moi. Car, par une sorte de contrat tacite, on se passait, ne serait-ce que des extraits des textes que nous écrivions, sûrs, l’un et l’autre, de recevoir un avis amical mais sans concession. Supportant tout, sauf la complaisance, il ne demandait pas seulement, mais exigeait une lecture « féroce » de ses manuscrit. Avec la claire conscience que c’était là une voie obligée pour bâtir, en Afrique, ce que notre ami commun Paulin Hountondji nomme une véritable tradition théorique. Est-ce la raison pour laquelle, tous les intellectuels et, en général, tous les Sénégalais qui s’intéressent aux choses de l’esprit devraient, en principe comprendre la comparaison qui est ici faite avec la figure paradigmatique de Socrate au passage 79a-80d du Menon de Platon. Non pas une référence doctrinale, mais une attitude intellectuelle, une « fonction » : celle de nous plonger dans l’embarras face à nos « vérités » furtives, de nous rendre à chaque moment moins assurés dans nos certitudes, moins douillettement installés dans nos somnolences. Dès qu’on le croisait dans une discussion, surgissait insidieusement la question : « Et si je n’avais pas raison ? » S’interroger non pas sur l’ordre et le fondement de ses thèses mais sur la raison de ses raisons, c’est à quoi il vous acculait fatalement.
Nous qui, durant les années des débats passionnés sur le marxisme, suivions les leçons de Louis Althusser, nous rappelons la vague d’ostracisme qu’il avait provoqué à l’époque où les textes de Marx étaient paroles bibliques pour beaucoup (chez les staliniens à tous crins du parti communiste français notamment) en défendant la thèse selon laquelle le marxisme n’était pas seulement la découverte du continent histoire, mais qu’il avait lui-même une histoire, que Marx n’a pas été de tout temps « marxiste » et que tout dans Marx n’était pas marxiste. Il s’arcboutait a l’idée selon laquelle, un discours qui prétend être le plus critique de l’histoire ne saurait se soustraire à sa propre question, et qu’il ne pouvait revendiquer la scientificité qu’en affrontant victorieusement l’épreuve de sa propre question. Pour ce faire, il ne suffisait pas de recenser les questions qui le concernent, mais qu’il fallait aller jusqu’à la question de ses questions. Cette lecture qu’Althusser qualifiait des « symptômale » (déceler l’indécelé dans le texte qu’on lit) est indéniablement dont Amady usait, quand il tentait de mettre en lumière les silences d’un discours, le sujet qui parle en s’y absentant et les intérêts (la plupart du temps inavoués et inaudibles) dont il était le porte-parole. En cela, il était encore proche d’Althusser qui commence par s’interroger sur « ce que lire veut dire ».
Ce que lire veut dire, voilà très exactement ce à quoi Amady Aly Dieng a initié les Sénégalais, ce qu’elle a pratiqué dans le rendez-vous hebdomadaire avec eux jusqu’à on dernier souffle. Celui que j’affublais du sobriquet « Un livre par semaine », qu’on me signale un seul de ses compte redus de lecture qui ne se termine pas par la formule rituelle : « Cet ouvrage (ce travail, cet article, etc.) mérite d’être lu et discuté ». Dans l’expression, on l’aura compris, le plus important est « être discuté ». Sa propre lecture se tenant ainsi en retrait de sa propre subjectivité, comme une perspective parmi d’autres (pour reprendre un concept fondamental de Nietzsche qui est moins sur un point de vue qu’une manière de vivre en covibration avec l’œuvre, mais celui du corps à corps dans lequel nous nous emparons d’elle et nous offrons simultanément à sa prise sur nous..
« A lire et à discuter donc », dernière phrase non conclusive qui ouvre sur l’infinité des lignes de fuite des différents lecteurs et des différentes lectures de chaque lecteur. Chacun y passe, y compris les références fondamentales de sa jeunesse militante : Marx, Hegel, Feuerbach. A un journaliste qui me demandait un jour s’il y avait encore au Sénégal des marxistes authentiques, après l’écroulement du bloc soviétique, je me souviens avoir répondu que j’en connaissais au moins deux : Abdoulaye Ly et Amady Aly Dieng, qui n’ont jamais confondu l’idée et ce qui s’autoproclamait comme sa réalisation, une théorie et ses ersatz érigés en doctrine immuable. Au moment de faire paraître son livre intitulé Hegel, Marx Engels et l’Afrique noire, il me rencontra, alors même que je mettais le point final à un article sur « Marx et la question coloniale ». Le concept d’eurocentrisme, présent dans les deux textes lui arracha un sourire complice, et ce fut tout.
C’est cela que Dieng nous a laissé en héritage. Avec sa bibliothèque donnée à l’UCAD alors qu’il est en bonne santé physique et mentale, avec la pleine conscience de ce qu’il faisait. Plus de 1000 ouvrages, dont certains très rares, irréductibles à « l’objetslivre » dont Derrida dit qu’il est de près ou de loin constitutif de ce que nous appelons notre culture.
La tradition de la lecture, ou la lecture come tradition exigeante, fait du livre le prochain « à lire et à discuter », pour Amady Dieng. Celui qui n’est peut être pas encore écrit et qui passera entre les fourches caudines de sa critique, ou celui dont la première phrase n’a même pas encore germé dans le cerveau de son auteur, terrifié d’avance par l’œil vigilant du critique qui ne lui pardonnera pas la moindre approximation. « Comment peut-on se permettre de parler des fondements géographiques de l’histoire universelle selon Hegel, si on se contente des Leçons sur la philosophie de l’histoire et sans avoir lu le géographe Ritter qui l’a inspiré sur ce point ? », me déclara-t-il un jour. Pour dire qu’il faut aller jusqu’à visiter selon un terme mis en vogue par Mudimbe, la « bibliothèque » d’un auteur, le socle de lecture préalable sur lequel s’est édifié ce qu’il nous donne à lire.
L’un des grands malentendus sur les appréciations qu’il a faites des écrits de Cheikh Anta Diop, pour ne donner que cet exemple, vient de là : il n’y a de fécond que le type de lecture qui, au lieu de se contenter d’encenser une œuvre (futelle aussi imposante que celle de Diop) demeure attentif à ses points de fragilité théorique. C’est se donner une chance de ne pas la clôturer d’avance mais de la rectifier et de s’en inspirer pour l’enrichir. Si la science est gouvernée par un scepticisme de principe et se définit comme un savoir sans cesse rectifié selon la profonde intuition de Bachelard (qui demeura jusqu’au bout une idée régulatrice de Cheikh Anta Diop), alors sur ce plan il ne saurait y avoir de désaccord. Pourvu seulement que soient distingués l’attitude militante et l’attitude proprement scientifique. Chacune d’elle a ses raisons, mais dans son ordre propre, et chacune doit tenir compte de l’autre selon les contextes et les circonstances. C’est peut-être là la dernière leçon de Amady Dieng, qui recoupe tout à fait les confidences que Cheikh Anta lui-même nous fit au lendemain du colloque tenu sur son œuvre dans l’université qui porte aujourd’hui son nom. L’un et l’autre accepteraient ce précepte de Zarathoustra : « Vous me vénérez, mais que se passera-t-il si votre vénération s’écroule un jour ? Gardez-vous d’être tués par une statue ! ».
Par Mamoussé Diagne
maître de conférences agrégé de philosophie (Ucad)