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8 juin 2025
PAR MATEL BOCOUM
CHANGER LE REGARD VITREUX SUR LA RÉFORME DU CODE DE LA FAMILLE
Parler de femmes agite certains hommes. C’est pire encore quand il est question de mouvement féminin. À croire qu’elles incarnent le « ténébreux par qui tout dégénère » et que « sur l’autre côté, il faut lancer l’autre tonnerre »
Parler de femmes agite certains hommes. C’est pire encore quand il est question de mouvement féminin. À croire qu’elles incarnent le « ténébreux par qui tout dégénère » et que « sur l’autre côté, il faut lancer l’autre tonnerre » pour reprendre le poète et romancier français Victor Hugo.
Des organisations féminines, qui se sont résolues à travailler pour un toilettage en profondeur du Code de la famille, ne diront pas le contraire. Elles subissent des foudres en essayant de procéder à une meilleure vulgarisation du document qui légifère sur la famille sénégalaise. Leur souhait d’encourager le législateur à le réadapter aux réalités socioéconomiques du pays suscite des remous de l’autre côté de la rive. Comme si ces tourbillons de vie peuvent faire perdre des parcelles d’un pouvoir masculin. Elles butent encore le regard vitreux d’une certaine catégorie sociale. Le plaidoyer d’un lobby religieux, qui prend leur contrepied, freine souvent leur élan. L’État, en optant pour la prudence, fait la sourde oreille, ces dernières années, face à une revendication légitime, laquelle vise le bien-être collectif. Les faits ont démontré que loin d’être un combat à relents féministes, la réforme du code de la famille revêt plus des allures d’un combat citoyen.
Des organisations comme le réseau « Siggil jigeen », en charge de mener le plaidoyer, le répètent à l’envi. « Il n’est pas question de substituer la femme à l’homme dans le pilotage de la famille mais d’aider les femmes à jouir de leurs droits afin de permettre au couple de jouer ses rôles respectifs dans la complémentarité et la solidarité. » Elles militent pour l’égalité des chances mais considèrent que l’homme reste un partenaire stratégique de la femme. Elles ne remettent pas non plus en cause la pertinence du Code de la famille, voté en 1972 puis promulgué en 1973. Le Sénégal était, à l’époque, l’un des rares pays africains à disposer d’un tel référentiel. Et c’est dans l’optique d’asseoir un équilibre social que des règles adaptées aux conditions de vie de l’époque avaient été établies. Des avancées notables ont été enregistrées sous la conduite de la brillante première femme députée et ministre feue Caroline Diop et des représentants de tous les segments de la société. Le Code interdit le mariage forcé et exige le consentement des époux. Le mariage précoce est aussi interdit. L’âge minimal est fixé de 16 ans pour la fille. La dot est aussi réglementée, elle ne constitue une condition du mariage que si les époux le décident. Il est par la suite accordé à la femme la liberté d’exercer une profession sans l’autorisation préalable de son époux. C’était à la faveur d’une réforme entreprise en 1989.
Le divorce judiciaire passe comme seule forme de dissolution du mariage, la répudiation est interdite. Le Code exige une obligation d’entretien de la femme mariée, laquelle est transformée en pension alimentaire lors du divorce. Il prône aussi l’instauration de l’égalité des parts entre l’homme et la femme en cas de succession de droit moderne. Mais certaines dispositions deviennent caduques au fil des ans. Mais 1 O ans après son adoption, l’Association des juristes sénégalaises est montée au créneau pour proposer une réforme tenant compte des nouvelles réalités socio-culturelles. Le déphasage est déjà au rendez-vous. En 1989, des réajustements ont permis d’améliorer le traitement de la femme mariée à travers une revue des dispositions visant le lieu de résidence, le divorce, le droit au travail et l’utilisation du nom de l’époux. L’homme, la femme et les enfants en tirent tous un large profit.
Des espoirs de changements majeurs dans l’intérêt de la famille s’émoussent ces dernières années. Des religieux se dressent en boucliers contre un projet de réforme élaboré en 1998 par le gouvernement sénégalais. En 2000, avec l’alternance politique, deux initiatives sont prises dans la perspective de la réforme du Code de la famille : une initiative étatique et un projet des associations islamiques. Les féministes ne lâchent pas du lest. En 2016, grâce au vote de la loi sur la nationalité, les Sénégalaises sont en mesure de transmettre leur nationalité à leurs époux et enfants au même titre que le père. C’est la famille qui y gagne encore. Un exemple parmi d’autres qui montre que la perte de la puissance paternelle au profit de la parenté conjointe ne vise aucunement à remettre en cause l’autorité morale des hommes au sein du foyer… Mais comme homme suit femme…
VERS UNE INTÉGRATION DES DAARAS DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF NATIONAL
L’Institut islamique a accueilli ce 13 mai 2025 le lancement d’un processus de concertation visant à construire un cadre de modernisation adapté aux réalités des daaras, tout en préservant leur ancrage culturel et religieux.
Le ministre de l’Education nationale Moustapha Mamba Guirassy a procédé, ce mardi 13 mai 2025, à la ceremonie de lancement officiel des travaux en prélude à la tenue des Assises nationales des Daaras. Cet évènement qui s’est tenu à l’Institut islamique marque le début des concertations entre les acteurs clés du sous-secteur en vue de définir des stratégies efficaces pour moderniser et développer les daara tout en respectant leur identité et leur mission éducative.
Le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, avait instruit, à l’occasion de la troisième édition de la Journée nationale des Daara, le 28 novembre 2024, la tenue des assises des daaras. C’est dans ce sens que s’inscrit le lancement des travaux ce mardi 13 mai 2025. Lors de son allocution, Moustapha Mamba Guirassy a souligné la nécessité de déployer « une approche enracinée dans le réel en allant à la rencontre des acteurs, dans les départements et les régions, pour écouter, entendre, comprendre. Car c’est au plus proche du terrain que se forgent les solutions durables ».
Il a également rappelé que l’objectif n’est pas d’opposer les savoirs, mais de les articuler. « L’intégration des Daara dans notre système éducatif ne doit pas se faire en opposant les savoirs ; mais en l’articulant avec les savoirs islamiques. Les Daara doivent aider le système éducatif à se transformer », a-t-il laissé entendre.
Le ministre de l’Education nationale a souligné que les conclusions des Assises vont permettre de « repenser la place des Daara dans le système éducatif national, de diversifier les contenus pédagogiques » à travers, entre autres, l’introduction de disciplines telles que les mathématiques, les sciences, les nouvelles technologies, etc. dans les programmes éducatifs des Daara.
Prévues en octobre 2025, les Assises nationales, un processus d’échanges thématiques aux niveaux départemental et régional, va permettre de « mener des concertations inclusives et participatives pour l’intégration des Daara dans le système éducatif ». Ces concertations, qui se feront à travers des fora, des consultations à domicile et des contributions à travers la plateforme numérique nationale, seront l’occasion pour les « acteurs de procéder à un diagnostic de la situation des Daara et de formuler des recommandations ».
FILIÈRE CAJOU, LES TRANSFORMATEURS LANCENT UN CRI D’ALARME
Les acteurs du secteur, en Casamance, appellent à la mise en œuvre rapide de mesures concrètes pour éviter une nouvelle année blanche.
La filière anacarde traverse une crise profonde en Casamance. Les transformateurs locaux de noix de cajou alertent sur l’aggravation de leur situation, dénonçant un manque de soutien concret malgré les annonces gouvernementales. Réunis au sein du Collectif des Transformateurs de l’Anacarde, ils réclament des mesures immédiates pour éviter une nouvelle année blanche. Lors d’un point de presse, Papa Élimane Dramé, directeur général de la SCPL, a exprimé la frustration d’un secteur à bout de souffle.
Il déplore l’écart entre les promesses faites lors du conseil interministériel du 5 avril 2025 et la réalité sur le terrain. Alors que le Premier ministre Ousmane Sonko avait annoncé des actions pour réguler l’exportation de la noix de cajou brute, encourager la transformation locale et faciliter l’accès au financement, aucune mesure concrète n’a été mise en œuvre un mois plus tard.
Pendant ce temps, les exportateurs continuent d’acheter massivement les noix d’anacarde, privant les unités de transformation locales de leur matière première essentielle. Résultat : des usines à l’arrêt, des travailleurs au chômage et des charges fixes qui menacent la survie des entreprises. La campagne 2024 a été un échec cuisant pour la majorité des transformateurs, et la campagne 2025 s’annonce tout aussi compromise sans intervention rapide. Pourtant, la transformation locale de l’anacarde représente un potentiel économique énorme.
Une tonne de noix brute vaut environ 750 000 FCFA, contre plus de 1 500 000 FCFA lorsqu’elle est transformée localement. Cette valeur ajoutée profite à l’économie sénégalaise à travers la création d’emplois, la fiscalité et le développement rural.
Le collectif pointe du doigt plusieurs freins : absence d’un système de collecte priorisant les transformateurs, accès difficile au crédit, manque d’équipements modernes et faible coordination entre les acteurs de la chaîne de valeur. Il demande la constitution d’un stock de sécurité de 7 000 tonnes de noix de cajou pour la campagne 2025, une promesse faite par l’État mais jamais concrétisée. Cette mesure est jugée indispensable pour sauver les unités restantes et préserver plus de 1 000 emplois directs. Les femmes, particulièrement actives dans la transformation de la pomme de cajou, sont elles aussi touchées par cette crise.
Au-delà de l’urgence économique, les professionnels rappellent que la transformation locale de l’anacarde est un levier pour l’industrialisation verte du Sénégal. C’est un enjeu stratégique pour renforcer la souveraineté économique, favoriser un développement durable et repositionner le pays sur le marché international du cajou. Le secteur attend désormais des actes. Pour les transformateurs, l’avenir de la filière cajou dépend d’une volonté politique forte et d’une mise en œuvre rapide des engagements pris.
LE SÉNÉGAL DANS LE GROUPE B DES ÉLIMINATOIRES DU MONDIAL 2027 DE BASKET
Les Lions de la Téranga affronteront la RD Congo, Madagascar et la Côte d’Ivoire dans la course à la Coupe du monde de basketball Qatar 2027. Un parcours exigeant débutera en novembre, avec pour objectif une place parmi l’élite mondiale.
Le tirage au sort des éliminatoires africaines de la Coupe du monde de Basketball 2027 a été effectué ce mardi au Qatar. Le Sénégal a hérité du groupe B, composé de la RD Congo, de Madagascar et de la Côte d’Ivoire.
Les Lions de la Téranga devront se montrer à la hauteur de ce défi, avec des adversaires à la fois coriaces et accessibles. La campagne de qualification débutera en novembre 2025 et s’étendra sur trois fenêtres : février 2026 et juillet 2026. Les matchs se joueront en aller-retour.
Dans cette première phase, les trois meilleures équipes de chaque groupe obtiendront leur billet pour le tour suivant, qui verra la formation de deux nouveaux groupes de six équipes. À l’issue de cette seconde étape, les deux premiers de chaque groupe ainsi que le meilleur troisième décrocheront leur qualification pour la Coupe du monde Qatar 2027.
Un défi de taille attend donc les hommes du coach DeSagana Diop, déterminés à rallier le prochain rendez-vous mondial et à inscrire de nouveau le nom du Sénégal sur la scène du basketball international.
ÉLECTRICITÉ, SENELEC ANNONCE DES PERTURBATIONS
Des interruptions de courant sont prévues en soirée, du 13 au 19 mai 2025, en raison du basculement de la centrale de Bel Air vers le gaz naturel. Cette phase de la transition énergétique pourrait entraîner quelques désagréments.
La Senelec a annoncé des coupures d’électricité prévues du 13 au 19 mai 2025, principalement en soirée, dans le cadre du basculement énergétique de la centrale de Bel Air vers le gaz naturel.
Dans le journal télévisé de 20h sur la RTS1, Arona Baldé, Directeur d’exploitation du système, a précisé : « De 2h du matin à 20h, il n’y aura pas de coupure. Le risque, c’est le soir à partir de 20h. »
Cette mesure s’inscrit dans une phase de transition importante pour le secteur énergétique national. En effet, depuis le 30 avril, la centrale de Bel Air fonctionne partiellement au gaz, après la réception d’une première cargaison le 28 avril.
« Ce qui se passe à partir du 13, c’est qu’on change un navire qui fonctionnait au HFO (fuel lourd) par un navire qui va fonctionner au gaz », a expliqué M. Baldé, soulignant que cette étape cruciale dans la transition énergétique pourrait entraîner quelques désagréments temporaires pour les consommateurs.
La Senelec rassure toutefois que toutes les dispositions techniques sont prises pour limiter l’impact de ces coupures sur les ménages et les entreprises, tout en appelant à la compréhension de la population.
KEUR MASSAMBA GUÈYE II ÉTOUFFÉ PAR UNE DÉCHARGE EN PLEIN MILIEU URBAIN
Fumées toxiques, insalubrité permanente, présence d’enfants et d’animaux au milieu des ordures : ce site, toujours alimenté par des charretiers, symbolise les dérives d’une gestion défaillante des déchets.
La décharge de Keur Massamba Guèye II, un amas d’ordures fumantes qui s’étend sur 6 hectares, au milieu des habitations, pose un véritable problème de pollution et de sécurité aux riverains immédiats de ce quartier situé à la lisière de la ville de Thiès, mais rattaché administrativement à la commune de Fandène.
Dès les premières lueurs du jour, les récupérateurs, hommes, femmes et enfants, prennent d’assaut ce réceptacle des déchets de la ville, qu’ils partagent avec des animaux domestiques en divagation ainsi que des hérons et des corbeaux.
Cette décharge semble avoir atteint ses limites, même si les charretiers collecteurs continuent d’y acheminer des ordures, attirant tout ce beau monde, avec d’énormes risques sur leur santé.
‘’L’odeur et la fumée de cette décharge nous tuent à petit feu’’, gémit une riveraine.
Dans une robe en wax, assortie d’un foulard bien noué à la tête, qui cache mal des cheveux grisonnants, pointant au-dessus d’un front ridé, témoin d’un âge assez avancé, Hadja Aminata Ndiaye raconte les 12 ans de galère qu’elle a vécue dans cet environnement suffoquant.
La maison surplombe la montagne de détritus, entourée de dizaines voire de centaines d’autres habitations. Le dépôt donne sur la route de Mbour, d’où les charretiers y accèdent. Il n’est pas rare qu’un gros nuage visible de loin, s’en échappe enveloppant une bonne partie du quartier et réduisant fortement la visibilité sur la route voisine.
Le voisinage suffoque
En consumant les matières plastiques, les pneus usés, les ordures ménagères et autres cadavres d’animaux morts, déposés dans cette ancienne carrière de calcaire, le feu régulièrement allumé par les récupérateurs, envoie dans l’air un gaz sulfurique.
‘’Si on vous dit que c’était un vaste trou, vous ne le croirez pas’’, taquine Aïssata Aw, une voisine de Hadja A. Ndiaye.
La décharge étant tout le temps en feu, ‘’nous sommes obligés parfois d’allumer de l’encens, de nous calfeutrer, pour fuir l’odeur et la fumée, surtout quand il y a du vent comme aujourd’hui (dimanche 20 avril)’’, relate-t-elle.
‘’Quand je suis tombée enceinte de mon garçon, j’ai dû quitter le quartier, pour aller à Silmang, sur conseil de mon gynécologue, parce que j’étais souvent enrhumé, en plus les meubles, le sol, les rideaux de la maison sont toujours couverts de suie’’, raconte Aïssata Aw.
Au sommet du tas d’immondices, des dizaines de petits feux flambent spontanément, attisés par un vent chaud et sec.
Cette pollution ambiante couvre un vaste rayon tout autour du dépotoir, d’est en ouest, du nord au sud.
Les riverains sont enfumés jour et nuit. ‘’Aujourd’hui, avec le vent qui ne s’arrête pas et le feu qui brûle tout autour de la maison, nous sommes obligés de porter des masques, même dans les chambres et de nous adapter’’, confie Awa Ly, une mère de famille dont le domicile est à moins de dix mètres de la décharge.
S’adapter, c’est ce qu’elle fait d’ailleurs depuis 2012, l’année où elle est venue habiter dans ce quartier. Le décor est le même depuis lors. Les sachets plastiques transportés par le vent prennent feu autour de chez elle.
Ce sont les recycleurs qui brûlent des pneus usés, pour en extraire le fil de fer. En plus de la fumée que provoque cette opération, les objets flambants charriés par le vent constituent un véritable danger pour le voisinage.
‘’Les braises qui sont déplacées par le vent font que partout autour de la maison, on a du feu tout le temps’’, se plaint Aïssata Aw.
‘’Nous souffrons, mais nous sommes obligés de respirer cet air qui n’est pas bon pour notre santé’’, se résigne-t-elle.
A l’image de la fameuse décharge de Mbeubeuss à Dakar, celle de Keur Massamba Guèye II, illustre parfaitement la lancinante problématique de la gestion des ordures au Sénégal, notamment ce dernier maillon de la chaîne, que constituent les décharges.
“Des fois, nous sommes obligés de libérer les élèves’’
Non loin du domicile de Awa Ly, il y a l’école primaire Keur Massamba Guèye II, un établissement à cycle complet, abritant également un cycle préscolaire.
Les 482 élèves de Keur Massamba Guèye II subissent l’assaut quotidien de la fumée qui émane de la décharge.
‘’La cohabitation avec cette décharge est extrêmement difficile (pour l’école), avec des malades qu’on évacue souvent’’, témoigne le directeur de l’établissement Mamadou Fall. Il souligne que la pollution impacte tout le temps, les enseignements et apprentissages.
‘’L’odeur et la fumée, c’est pratiquement irrespirable pour les élèves. L’équipe pédagogique en souffre aussi’’, signale le chef d’établissement. Il décrit une situation dangereuse pour les enfants, surtout les tout-petits âgés de trois à cinq ans qui, très souvent, présentent des maladies liées à ces nuisances et ‘’l’équipe pédagogique est obligée de (les) évacuer, avec ses propres moyens’’.
‘’Des fois, la fumée est telle que dans les salles de classe, nous sommes obligés de libérer, les élèves, car, note-t-il, les potaches suffoquent littéralement’’.
Malgré les odeurs de putréfaction de cadavres d’animaux mélangées à la fumée, donnant un cocktail explosif, des femmes, des enfants des jeunes sans aucune protection ni mesures de sécurité, s’y déploient, à la recherche d’objets à monnayer.
Parfois, du fait du vent tournant et de la densité de la fumée, il est impossible de voir son vis-à-vis, à quelques mètres.
Un ballet incessant de charrettes déversant des déchets à tour de rôle, se poursuit sur le site. Dès leur arrivée, elles sont assaillies par les récupérateurs.
‘’Nous collectons d’abord tout ce qui arrive ici, jusqu’à ce que nous obtenions une certaine quantité d’objets, ensuite nous les trions en séparant les plastiques et le fer’’, explique Fanta Diawara, récupératrice en activité à la décharge de Keur Massamba depuis plus de 20 ans.
Habillée d’un pantalon kaki vert sur un tee-shirt noir, la quarantenaire, adossée à un pan de mur empêchant les ordures de déborder jusque sur la route, elle informe que ce site qu’elle surnomme ‘’Mbeubeuss Thiès’’, est envahi chaque jour par des gens de toutes les catégories d’âge.
“Il n’est pas rare de voir 100 à 150 récupérateurs, dont une majorité de femmes venant de tout Thiès”.
Selon elle, la collecte, le triage et la mise en sac de ces produits est un travail éreintant, qui mobilise des centaines de personnes par jour, “surtout les jours ouvrables”.
‘’Dès fois, je récupère et j’accumule les matières pendant une semaine, après je trie en mettant chaque type de matière dans un grand sac’’, fait savoir Fanta Diawara.
Les objets ramassés sont placés dans des sacs cousus dans une vieille moustiquaire recyclée.
Chaque sac est dédié à un type d’objet. L’un, le “mbouss”, contient des sachets plastiques vendus à 50 francs le kilo. Il “dépasse rarement 25 kilos’’, indique-t-elle. Le sac rempli de différents types de bouteilles vides, est le ‘’pépé’’, qui est aussi vendu à ‘’50 francs le kilo’’.
Quant au sac ‘’matière’’, son contenu, composé de fragments de chaises, de seaux, de bassines et bidons d’huile vides, est cédé à 100 francs le kilo. S’y ajoutent les bidons d’eau de 10 de litres qui sont vendues à 35 francs l’unité. ‘’Il te faut alors 100 bidons d’eau vides, pour récolter 3500 francs, c’est très difficile’’, commente la dame.
Tout d’un coup, une énième charrette débarque remplie d’ordures ménagères. Le jeune charretier, bien qu’étant à longueur de journée en contact avec les déchets, ne met ni gants, ni masque ni chaussures, encore moins de tenue adaptée à son activité.
“Le soir, je bois du lait et après, ça va !”
Très vite, sa charrette est entourée de quatre jeunes garçons et de deux femmes dont Fanta Diawara. Ils plongent sans hésitation leurs mains nues dans ces ordures fraîchement déchargées. Le spectacle est saisissant: voir toutes ces personnes prendre autant de risques pour mettre la main sur des objets de faible valeur, renseigne sur leur niveau de précarité. ‘’C’est notre quotidien, lâche Fanta Diawara, nous prions pour qu’il y ait plus de charrettes, pour que nous puissions récupérer davantage de choses’’.
Malgré les risques que comporte cet environnement sur la santé des riverains, de nouvelles constructions sortent de terre, tout autour de la décharge. Dans les environs, il y a aussi des lieux de travail et des maisons inachevées occupées par des familles, dont des membres s’activent dans la récupération de fil de fer extrait des pneus brûlés.
D’ailleurs, le versant sud de la décharge est bordé de restes de pneus calcinés. L’endroit est noir, l’atmosphère chargée d’un air presque irrespirable.
Des jeunes et des moins jeunes vaquent à la récupération de fil de fer. ‘’Nous en avons l’habitude. Le soir, je bois du lait, et après, ça va !’’, confie Ibrahima Diop. Moustache grisonnante, l’homme est dans son élément. Il est muni d’une barre de fer dont il se sert pour remuer les pneus mis en feu, afin d’en séparer la matière plastique consumée du fer.
“Vers une fermeture effective de la décharge”
S’il reconnaît les risques sanitaires qu’encourent les gens qui vivent dans cet environnement, il estime que cela reste un mal nécessaire. C’est de la vente d’objets recyclés qu’ils tirent leurs dépenses quotidiennes, ainsi que l’argent avec lequel ils achètent des fournitures scolaires à leurs enfants.
Selon les autorités régionales de la Société nationale de gestion intégrée des déchets (SONAGED), les bennes à ordures ont cessé d’acheminer des ordures ménagères vers la décharge de Keur Massamba Guèye.
L’ancienne déléguée régionale de la SONAGED, Korka Seck précise que la décharge est essentiellement alimentée par les charretiers de la ville.
‘’Nous l’avons (la décharge) fermée aux bennes depuis 2022, actuellement seuls les charretiers déversent dans ce site’’, affirme Korka Seck. A l’en croire, la quasi-totalité des camions ramasseurs sont orientés maintenant vers un site provisoire ouvert dans la commune de Pout.
Elle annonce que le Centre intégré de valorisation des déchets (CIVD) de Tivaouane sera bientôt disponible, pour recevoir les ordures ménagères de la ville de Thiès.
Le site provisoire sera aménagé de façon à limiter les nuisances olfactives, explique-t-elle.
En visite récemment sur le site, la présidente de la commission développement durable et transition écologique de l’Assemblée nationale, Amy Ndiaye avait admis les problèmes que posent la décharge de Keur Massamba Guèye. Elle renseigne que la commission a été saisie par les populations riveraines sur les nuisances causées par cette déchetterie.
‘’Nous avons été saisis par les populations riveraines de cette décharge par rapport à ce problème de santé publique, c’est pourquoi la commission est venue avec le directeur général de la SONAGED, pour trouver des solutions’’, avait-elle expliqué à la presse.
Confirmant l’ancienne déléguée régionale, la députée avait noté que la décharge a été “fermée administrativement’’, mais qu’il faudra trouver des “mesures urgentes”, pour empêcher les charretiers de continuer à déverser des déchets. Elle avait préconisé l’érection d’un mur clôturant le site et le déploiement de vigiles en permanence, pour protéger la décharge des feux allumés par les récupérateurs, et qui constituent la “source principale de la pollution olfactive’’.
‘’Nous allons assurer le suivi, pour que la décharge soit carrément arrêtée”, a-t-elle promis.
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LA DÉFENSE DE FARBA NGOM ACCUSE
Des avoirs saisis avant même l'inculpation, une caution rejetée sans motif légal, un traitement différencié entre co-accusés.. Les avocats dénoncent des irrégularités en cascade dans la procédure visant le député poursuivi dans une affaire de blanchiment
Les avocats de Farba Ngom, député incarcéré depuis fin février pour des accusations de "blanchiment, escroquerie sur les deniers publics et association de malfaiteurs", ont tenu une conférence de pressece mardi 13 mai 2025 pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme "une justice de vengeance" à l'encontre de leur client.
Me Dialy Kane, l'un des principaux conseils de l'accusé, a vivement critiqué le traitement judiciaire réservé à son client, pointant des inégalités flagrantes dans la procédure. "Il y a incontestablement une justice de vengeance qui est en cours. C'est ça la réalité", a-t-il affirmé devant les journalistes.
L'avocat a notamment mis en lumière la disparité de traitement entre Farba Ngom et un autre mis en cause dans la même affaire, identifié comme "Tahirou Sarr". Selon Me Kane, alors que les deux hommes se trouvent "exactement dans la même situation", le cautionnement proposé par Farba Ngom sur la base de titres fonciers a été catégoriquement rejeté par le juge d'instruction, tandis que celui de Tahirou Sarr a été "accepté avec beaucoup de diligence" et validé par la chambre d'accusation financière.
"À chaque fois que l'égalité entre deux justiciables est rompue, c'est qu'il n'y a plus de justice", a martelé l'avocat, qualifiant de "violation flagrante des droits de la défense" la décision du juge d'imposer une mesure conservatoire sur les titres fonciers proposés comme caution.
Sur le fond de l'affaire, Me Kane conteste la qualification juridique des faits reprochés à son client. Il estime que Farba Ngom "n'est pas compris dans le champ de répression" des articles 152 à 155 du code pénal sénégalais, qui définissent les personnes susceptibles d'être poursuivies pour détournement de deniers publics. L'avocat affirme que son client ne peut être considéré comme un "comptable de fait" pouvant manipuler des fonds publics.
"Malheureusement dans ce pays, le parquet manipule les concepts juridiques en fonction de sa volonté pour mettre en prison des citoyens", a déploré Me Kane, promettant que "le temps viendra où l'on démontrera de façon nette, claire et précise que Farba Ngom est complètement innocent".
Pour rappel, selon le parquet du pool judiciaire financier (PJF), "les investigations menées révèlent des mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux par le biais de sociétés écrans qui auraient été utilisées pour des transactions suspectes d'une valeur estimée provisoirement à plus de 125 milliards de francs CFA".
L'avocat a également dénoncé les "pouvoirs exorbitants" du ministère public, capable selon lui de maintenir un prévenu en détention malgré une décision de libération prononcée par une chambre d'accusation. Il a reproché aux actuels détenteurs du pouvoir d'avoir critiqué cette situation lorsqu'ils étaient dans l'opposition, avant de s'en accommoder une fois aux commandes de l'État.
Me Kane a conclu en dénonçant des saisies opérées sur les avoirs bancaires de Farba Ngom "alors qu'il n'était même pas encore inculpé", ce qui constituerait selon lui une nouvelle entorse à la procédure légale.
L'ŒUVRE INTEMPORELLE DE FATOU SOW
Cette sociologue et militante, qui a consacré sa vie à "politiser la question des femmes", verra son œuvre célébrée et réactivée à travers cinq jours de rencontres rassemblant chercheurs, militants et acteurs du changement à Dakar
(SenePlus) - Du 13 au 17 mai prochain, Dakar s'apprête à devenir l'épicentre de la pensée féministe africaine avec un symposium international rendant hommage à l'une des intellectuelles les plus marquantes du continent.
La capitale sénégalaise accueillera pendant cinq jours un événement majeur intitulé "La démocratie au féminin", dédié à l'œuvre et à l'héritage de Fatou Sow, sociologue et militante féministe dont la pensée a profondément marqué les mouvements pour les droits des femmes en Afrique. Organisé par la Fondation de l'Innovation pour la Démocratie, ce rendez-vous intellectuel rassemblera chercheurs, militants, écrivains et acteurs du changement autour de cette figure incontournable du féminisme africain.
Selon WarkhaTV, première plateforme de production de contenus féministes au Sénégal, cet événement ne se limite pas à une simple commémoration : "Ce rendez-vous ne se contente pas de commémorer une trajectoire : il réactive une pensée, une flamme, une invitation à poursuivre la lutte", peut-on lire dans l'article publié par le média féministe.
Une pensée radicale et engagée
Le parcours de Fatou Sow se distingue par son approche sans compromis des questions de genre. "Elle a consacré sa vie à politiser la question des femmes, en interrogeant les structures de domination, les logiques d'assujettissement des corps, et les silences institutionnels", souligne WarkhaTV, qui met en avant "sa parole, rigoureuse et radicale", ayant "permis de poser les bases d'un féminisme africain enraciné, critique et indocile".
L'universitaire et militante a marqué son époque par plusieurs engagements fondamentaux, notamment sa volonté de "transformer la société au-delà du droit formel, en repensant en profondeur les sphères économiques, culturelles et politiques". Elle s'est également illustrée dans la lutte contre les violences sexistes, la défense du droit des femmes à disposer de leur corps, tout en "produisant une pensée féministe africaine, loin des standards académiques occidentaux, en valorisant les savoirs situés des femmes africaines".
Son combat contre les fondamentalismes religieux et leur impact sur les droits des femmes constitue un autre axe majeur de son travail, tout comme sa conception d'un féminisme indissociable des "luttes pour la justice sociale, la souveraineté et la décolonisation", précise la source.
Un film-documentaire comme moment phare
Parmi les temps forts du symposium figure la projection du film-documentaire "Fatou Sow : Devenir féministe en Afrique", réalisé par Mbisin Diagne, prévue le 15 mai à l'Institut français de Dakar. Cette œuvre cinématographique retrace non seulement son parcours intellectuel mais également sa dimension humaine.
"Plus qu'un hommage, cette œuvre nous rappelle que le féminisme, en Afrique, est une histoire de transmission, de courage, de confrontation. Fatou Sow y apparaît comme une femme debout, libre, inflexible – et pourtant toujours à l'écoute des nouvelles générations", indique WarkhaTV.
Dans le contexte actuel où les droits des femmes font face à de nombreuses menaces, l'œuvre de Fatou Sow conserve toute sa pertinence. Pour les mouvements féministes d'aujourd'hui, "elle est un repère, une balise, une voix qui nous oblige à ne jamais dépolitiser nos luttes", affirme la plateforme féministe.
Face au "retour du conservatisme, aux répressions et aux régressions des droits", sa pensée offre des outils intellectuels précieux "pour penser, pour résister, pour bâtir", dans un environnement où les "avancées restent fragiles et les menaces constantes".
WarkhaTV reconnaît elle-même l'influence considérable de Fatou Sow sur sa propre approche du féminisme, qu'elle définit comme "une pratique située, critique, collective et sans concession". Le média sénégalais précise que la pensée de cette intellectuelle "traverse nos productions, nos engagements, nos indignations et nos espoirs. Elle est de celles qui ouvrent des chemins là où le patriarcat cherche à dresser des murs."
Ce symposium s'annonce donc comme bien plus qu'une célébration rétrospective. Il constitue "un appel à l'action, à la continuité, à l'invention politique", conclut WarkhaTV, pour qui "en 2025 comme hier, et demain encore, devenir féministe en Afrique, c'est aussi marcher dans les pas de Fatou Sow — sans jamais cesser de tracer les siens."
L'événement promet ainsi de conjuguer hommage intellectuel et mobilisation pour les luttes contemporaines, prolongeant l'héritage vivant d'une penseuse qui a su redéfinir les contours du féminisme africain.
LE SÉNÉGAL PAIE SA DETTE AU PRIX FORT
Dakar se retrouve contraint d'emprunter à des taux prohibitifs via des placements privés d'obligations. Ces mécanismes non conventionnels coûtent au pays près de 100 points de base supplémentaires par rapport à ses Eurobonds traditionnels
(SnePlus) - L'appel de marge de 200 millions de dollars de JPMorgan sur un prêt angolais met en lumière les nouvelles stratégies financières risquées adoptées par plusieurs pays africains, dont le Sénégal.
La dette africaine a grimpé en flèche pour atteindre plus de 1 800 milliards de dollars, selon la Banque africaine de développement, ce qui a conduit à trois défauts souverains au cours des quatre dernières années et à des accords de financement non conventionnels, alors que les gouvernements sont aux prises avec des remboursements élevés.
Face à cette situation, plusieurs pays du continent se tournent vers des mécanismes financiers atypiques pour éviter le défaut de paiement. "Le Sénégal, le Gabon et le Cameroun font partie de ceux qui ont eu recours à des accords dits 'hors écran' comme des placements privés d'obligations au cours des derniers mois, car le poids de leur dette et l'incertitude politique dans certains cas limitent leur accès aux marchés réguliers", rapporte Reuters.
Ces nouvelles stratégies financières s'avèrent particulièrement coûteuses pour des économies déjà sous pression. Comme le souligne l'agence de presse internationale, "le rendement des obligations placées en privé par le Sénégal l'année dernière est près de 100 points de base plus élevé que celui de son Eurobond 2031, ce qui signifie qu'il paie davantage pour cette nouvelle dette". Cette situation illustre les coûts supplémentaires supportés par des pays qui luttent déjà pour financer des secteurs essentiels comme la santé et l'éducation.
Selon Samir Gadio, responsable de la stratégie Afrique chez Standard Chartered à Londres, cité par Reuters, "nous allons voir davantage de ces transactions dans un avenir prévisible, surtout si l'accès régulier et conventionnel au marché des Eurobonds reste limité pour les pays notés B et les pays faiblement notés". Les analystes estiment que les prêts comportent souvent une prime de 150 à 200 points de base par rapport aux obligations existantes.
Si le Sénégal figure parmi les pays cités par Reuters comme ayant eu recours à ces mécanismes de financement non conventionnels, l'article met particulièrement en lumière le cas de l'Angola, qui est devenu emblématique du dilemme auquel sont confrontés de nombreux gouvernements de la région.
L'Angola a conclu en décembre dernier un contrat de swap sur rendement total d'un an avec JPMorgan, un instrument de financement rarement utilisé, adossé à des obligations d'État angolaises en dollars nouvellement émises. Le gouvernement n'a pas réellement levé de fonds avec ces obligations de 1,9 milliard de dollars. Il les a utilisées comme garantie pour deux tranches de financement par prêt de 600 millions et 400 millions de dollars de JPMorgan, afin d'éviter d'ajouter cette dette à ses comptes.
Lorsque les Eurobonds de l'Angola ont chuté après l'annonce par le président américain Donald Trump de vastes droits de douane, JPMorgan a exigé 200 millions de dollars supplémentaires comme garantie. "Le risque avec ce type de transaction, c'est qu'en cas de choc sur le marché, les appels de marge peuvent devenir un fardeau", a déclaré Samir Gadio de Standard Chartered.
Cette situation fait craindre des conséquences similaires pour d'autres pays africains ayant adopté des stratégies financières comparables. Pour l'Angola, les dépenses gouvernementales consacrées aux services sociaux ont chuté de 55 % depuis 2015, selon Tim Jones, directeur des politiques de Debt Justice, un groupe de campagne basé à Londres. La moitié du budget du gouvernement était consacrée au remboursement de la dette.
Pour le Sénégal, comme pour d'autres pays africains, ces coûts de financement élevés rendent plus difficile la levée de fonds pour de nouveaux projets d'infrastructure essentiels au développement économique.
David Omojomolo, économiste spécialiste de l'Afrique chez Capital Economics, a souligné dans une note à ses clients que "des fondamentaux budgétaires médiocres signifient que les craintes de défaut souverain risquent de rester élevées".
Dans ce contexte tendu, le recours du Sénégal à des placements privés d'obligations, avec des taux significativement plus élevés que ses émissions antérieures, illustre les défis financiers considérables auxquels le pays est confronté, à l'instar de nombreux autres États africains cherchant à équilibrer développement économique et gestion d'une dette croissante.
LA CRISE DE LA PÊCHE, MOTEUR DE L'EXODE MARITIME
Un nouveau rapport met en lumière une équation tragique : plus les chalutiers industriels étrangers intensifient leurs activités dans les eaux sénégalaises, plus les jeunes pêcheurs artisanaux quittent le pays sur des embarcations de fortune
(SenePlus) - La pêche illégale et non réglementée ainsi que la surpêche dans les eaux sénégalaises poussent de nombreux pêcheurs artisanaux à entreprendre le dangereux voyage migratoire vers l'Europe, selon un rapport publié par l'Environmental Justice Foundation (EJF) ce mardi 13 mai 2025. Ce document intitulé "La route mortelle vers l'Europe" met en lumière comment la dégradation des ressources halieutiques menace directement la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de milliers de Sénégalais.
D'après l'étude de l'EJF, la pêche représente un pilier essentiel de l'économie sénégalaise, procurant des emplois à environ 3% de la main-d'œuvre du pays et contribuant à hauteur de 7,9% à l'apport en protéines de la population. Les petits poissons pélagiques, qui constituent 75% des produits de la mer consommés au Sénégal, sont particulièrement importants pour la sécurité alimentaire nationale.
Selon les données rapportées par l'EJF, la proportion des populations de poissons considérées comme "effondrées" - avec des captures inférieures à 10% du pic historique - a plus que doublé entre 2000 et 2019. Cette situation alarmante s'explique notamment par la surcapacité persistante de la flotte de pêche sénégalaise et la dégradation des écosystèmes marins causée par des techniques de pêche destructrices comme le chalutage de fond.
Le rapport souligne qu'une part substantielle de la flotte industrielle sénégalaise est contrôlée par des intérêts étrangers via des accords de coentreprise, arrangements qui ont été fortement critiqués pour leur manque de transparence et leurs pratiques environnementales nuisibles. L'EJF révèle que près de 45,3% des navires autorisés à pêcher sont contrôlés par des entités étrangères, principalement espagnoles et chinoises.
Entre janvier et juillet 2024, les autorités sénégalaises ont arraisonné 24 navires de pêche pour diverses infractions, notamment la pêche dans des zones interdites, le transbordement illégal de produits de la pêche, la pêche sans autorisation ou la capture d'espèces immatures.
Impact sur les communautés côtières et la migration
Face à la raréfaction des ressources halieutiques, la consommation locale de poisson a considérablement diminué, passant d'une moyenne historique de 29 kg par habitant à seulement 17,8 kg en 2021. Cette situation a des conséquences dramatiques sur les communautés de pêcheurs artisanaux qui voient leurs moyens de subsistance s'éroder.
"Si vous ne pouvez pas avoir de nourriture, vous ne voudrez pas rester chez vous. Vous devrez évidemment partir ailleurs pour trouver du travail ou quelque chose à faire. C'est la raison pour laquelle nous avons entrepris cette mission", témoigne Abdou Rakhmane Sow, migrant et ancien pêcheur, cité dans le document.
En 2024, le nombre total de migrants entrant irrégulièrement en Espagne a atteint 63 970 personnes, plus du double du chiffre de 2022, selon les données présentées par l'EJF. Les îles Canaries ont accueilli la majorité de ces arrivées (46 843), en hausse de près de 200% par rapport à 2022.
La route migratoire entre l'Afrique de l'Ouest et les îles Canaries est considérée comme la plus meurtrière au monde. Selon l'ONG espagnole Caminando Fronteras, 3 176 migrants ont perdu la vie en tentant ce périple depuis le Sénégal en 2023.
Le rapport de l'EJF présente plusieurs cas d'étude, dont celui d'Abdoulaye Sady, un jeune pêcheur qui a quitté Joal-Fadiouth pour les îles Canaries en 2020. Il explique comment les conditions de pêche se sont détériorées : "Dans le passé, on n'avait qu'à parcourir 5, 7 ou 10 km pour attraper beaucoup de poissons. Maintenant, on est obligés d'aller jusqu'à 30 ou 40 km."
Son père, Papa Sady, pêcheur depuis 1985, témoigne également : "Nous allons pêcher mais nous ne pouvons attraper aucun poisson. Vous dépensez beaucoup d'argent pour la pêche et vous finissez par ne rien attraper... La mer est presque détruite."
Les recommandations de l'EJF
Face à cette situation, l'Environmental Justice Foundation formule plusieurs recommandations à destination du gouvernement sénégalais, de l'Union européenne et du secteur de la pêche industrielle.
Pour le gouvernement sénégalais, l'ONG préconise notamment de donner la priorité à la restauration des populations de poissons, à l'éradication de la pêche illégale et à la protection des pêcheries artisanales. Elle recommande également d'adopter la Charte mondiale pour la transparence des pêches, d'étendre et de renforcer la zone réservée à la pêche artisanale, et d'améliorer les mécanismes de surveillance participative.
À l'Union européenne, l'EJF demande de renforcer son partenariat avec l'Afrique pour s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et de travailler avec le Sénégal pour donner la priorité à une pêche durable, légale et éthique.
"La vision de Son Excellence le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, s'inscrit dans cette dynamique, et l'EJF exprime sa détermination et son engagement à travailler avec les autorités sénégalaises pour parvenir à une gestion durable et transparente des ressources halieutiques du pays, et s'attaquer aux causes profondes et aux principaux facteurs de la migration irrégulière", conclut le rapport.