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13 septembre 2025
LE LIBRE-ÉCHANGE EN AFRIQUE, UNE RÉALITÉ ENCORE LOINTAINE
L'économie du continent ne pèse que 3% de l'économie mondiale et est en outre morcelée entre 55 systèmes économiques différents ce qui constitue un "énorme frein" à sa croissance
Censée devenir l'espace commercial le plus peuplé du monde à compter de janvier, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlec) est une réalité encore lointaine, selon Jakkie Cilliers, expert sud-africain à l'Institut d'études sur la sécurité à Pretoria.
"Ca va prendre du temps", met en garde le chercheur. Actuellement, seulement 16% des échanges commerciaux du continent se font entre pays africains.L'ambition de la Zlec est de faire passer ces échanges à 60% d'ici 2034 entre les 55 pays membres de l'Union africaine, qui représentent 1,2 milliard de personnes.
Le lancement des échanges commerciaux dans ce cadre, retardé en raison de la crise du Covid-19 et d'âpres négociations entre les pays signataires sur la suppression des droits de douane, est prévu en janvier.
Mais l'application effective du principe de libre-échange à l'échelle du continent prendra "plusieurs années", selon Jakkie Cillers: "de nombreux points sur les droits de douanes sont encore en négociations entre les différents pays".
L'idée est que l'accord, déjà ratifié par 34 Etats, soit opérationnel "d'ici 2034 avec la suppression d'environ 97% des taxes douanières".
Rassembler les marchés d'une cinquantaine de pays, à des niveaux de développement différents sur le continent le plus pauvre du monde, ne se fera pas en un coup de baguette magique, explique M. Cilliers.
- Sortir du "modèle colonial" -
Tout d'abord, "les 55 membres de l'Union africaine n'ont pas tous ratifié l'accord, mais tous les pays clés l'ont fait dont le Nigeria", premier marché d'Afrique avec quelque 200 millions d'habitants.
Mais "les négociations commerciales sont extrêmement complexes car chaque accord sur les taxes douanières doit être négocié" entre pays membres.
Ensuite, il faut résoudre la question des rapports entre la nouvelle Zlec et les huit Communautés économiques régionales (CER) existantes.
Les accords commerciaux signés avec l'Europe, la Chine et les États-Unis sont encore un autre obstacle à surmonter.En juillet, les États-Unis ont par exemple ouvert des négociations avec le Kenya.
Enfin, "la corruption dans certains gouvernements, la lourdeur de l'administration et le manque de moyens seront un défi pour la mise en œuvre" du projet, soutenu par l'Union africaine, souligne M. Cilliers.
L'Afrique "est restée prise au piège d'un modèle économique colonial", selon le secrétaire général de la Zlec, Wamkele Mene. Pour en sortir, elle doit mettre en œuvre presque "de manière agressive" le nouvel accord.
L'économie du continent ne pèse que 3% de l'économie mondiale et est en outre morcelée entre 55 systèmes économiques différents ce qui constitue un "énorme frein" à la croissance du continent, estime M. Cilliers.
Avec cet accord, "l'idée est de construire des relations à l'échelle régionale et permettre aux Africains d'échanger des produits de base, mais aussi davantage de produits à valeur ajoutée", explique-t-il.
Si elle atteint ses objectifs, la Zlec permettra de sortir 70 millions d'Africains de la pauvreté et 30 millions d'une situation d'extrême pauvreté d'ici 2035, selon la Banque mondiale.
PIERRE BUYOYA EST MORT
L'ancien président du Burundi (1987-1993 et 1996-2003) est décédé à Paris à l'âge de 71 ans du Covid-19
L'ancien président du Burundi Pierre Buyoya (1987-1993 et 1996-2003) est décédé à Paris à l'âge de 71 ans du Covid-19, a-t-on appris vendredi auprès de plusieurs de ses proches.
"Le président Pierre Buyoya est mort cette nuit à Paris.Il avait le Covid-19", a déclaré à l'AFP un membre de sa famille qui a requis l'anonymat.
Plusieurs autres proches ont confirmé le décès de M. Buyoya, qui a également occupé le poste de Haut représentant de l'Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel de 2012 à fin novembre de cette année.
M. Buyoya "avait été hospitalisé mercredi de la semaine passée (9 décembre, ndlr) dans un hôpital de Bamako où il avait été placé sous respirateur", a précisé à l'AFP le membre de sa famille.
"Il a été évacué sur Paris hier", jeudi en début d'après-midi, "son avion a fait une escale et est arrivé en France dans la nuit.Il est décédé dans une ambulance qui l'amenait dans un hôpital parisien pour des soins", a précisé cette source.
En octobre, M. Buyoya avait été condamné à la prison à perpétuité dans son pays pour l'assassinat en 1993 de son prédécesseur Melchior Ndadaye.
L'ex-président avait dénoncé "un procès politique mené de manière scandaleuse" et avait démissionné fin novembre de son rôle d'envoyé spécial de l'UA pour "laver (son) honneur".
M. Buyoya, Tutsi issu d'un milieu modeste, a d'abord fait sa carrière dans l'armée avant de devenir président à la suite d'un coup d'Etat contre Jean-Baptiste Bagaza, lui-aussi un Tutsi, sur fond de grogne dans l'armée.
Pendant son premier mandat, il s'emploie à ouvrir l'espace démocratique au Burundi, un processus qui débouche en 1993 sur l'élection à la tête du pays de Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu du Burundi et premier hutu à accéder au pouvoir.Les Hutu représentent environ 85 % de la population du Burundi.
Il revient au pouvoir en 1996, encore à la faveur d'un coup d'Etat, et alors que le Burundi est plongé dans une guerre civile meurtrière.
Il signera en 2000 les Accords d'Arusha, qui visent à mettre un terme à la guerre civile (300.000 morts entre 1993 et 2006), et quitte le pouvoir en 2003 conformément à ces accords.
FAMARA S'EST FAIT ROULER
Après Ahmadou Makhtar Mbow, Doudou Ndoye et Moustapha Sourang (CNRF), Isaac Yankhoba Ndiaye (modernisation de la justice)… c’est au tour du président du Comité de pilotage du dialogue national d’être perdu dans les méandres de la politique de Macky Sall
Après Ahmadou Makhtar Mbow et la CNRI, Doudou Ndoye et Moustapha Sourang (CNRF), Isaac Yankhoba Ndiaye (modernisation de la justice)… c’est au tour de Famara Ibrahima Sagna d’être perdu dans les méandres de la politique du président de la République.
L’omerta continue autour du dialogue national. Ni le gouvernement ni le président du Comité de pilotage ne daignent encore faire face aux Sénégalais pour leur dire le sort de ces concertations qui ont été lancées par le président de la République en grande pompe. Un manque de respect notoire que regrettent vivement certains acteurs du dialogue.
Ce qui semble se préciser, c’est que Famara a bel et bien rendu les clés de ses bureaux à l’immeuble Bourgi, comme l’annonçait ‘’EnQuête’’ dans son édition du 11 novembre. Joint par téléphone à l’époque, le responsable de la communication du Dialogue national, Elimane Oumar Ly répondait en ces termes : ‘’Cela n’est que pure affabulation. Les locaux n’étaient pas occupés, juste à cause de la pandémie. Ces informations ne reposent sur rien.’’ Pourquoi vous n’avez pas réagi alors ? Il disait : ‘’Nous n’avons pas jugé utile de répondre à ces affabulations.’’
Hier, nos confrères de ‘’Les Echos’’ sont revenus sur les raisons de cette désertion. D’abord, Famara exigerait un décret portant prolongation du mandat des membres du Comité de pilotage. Ensuite, il est invoqué un défaut de budget pour faire face à certaines obligations. ‘’Son budget est épuisé et il n’a un minimum de moyens qu’il n’a plus. Pour toutes ces raisons, il ne peut pas bouger ; il ne peut pas convoquer’’, informe le journal.
Pendant ce temps, les membres du Comité de pilotage sont snobés et par leur président et par les autorités gouvernementales. Dans notre édition du 11 novembre sur la bouderie du président Famara Ibrahima Sagna et les raisons du blocage du dialogue, le président de la Commission modernisation de l’Etat et lutte contre la corruption Zaccaria Diaw soutenait : ‘’Comme vous le savez, nous avions suspendu les travaux en raison de la pandémie. Nous sommes encore dans l’attente. Nous, nous n’avons pas encore reçu de notification pour la reprise. Si vous avez besoin de plus amples informations, il faut vous renseigner auprès du président Famara.’’
Interpellé sur le blocage ayant provoqué la bouderie de l’ancien président du Conseil économique et social, le 24 novembre, à l’occasion de la conférence de presse bimensuelle du gouvernement, le ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, avait totalement omis de répondre. Un débat relancé par les nouvelles informations dans ce dossier.
En tout cas, cette situation a fini d’exaspérer bien des participants au Dialogue national. Un de nos interlocuteurs souligne : ‘’Si l’on se fie aux informations, on peut considérer que Famara avait donc un budget. Je pense que si ce budget est épuisé, comme on le prétend, la moindre des choses est de dire aux Sénégalais son montant. Quelle utilisation en a été faite ? Est-ce que les commissions l’ont ressenti ?, etc. Je pense que les Sénégalais ont le droit de savoir.’’
Par ailleurs, il faut signaler que les versions divergent, en ce qui concerne les raisons du blocage du Dialogue national. Si les uns estiment que c’est parce que le président avait pris un seul décret portant prolongation des membres du Comité de pilotage et que Famara exigeait un autre prorogeant son mandat, d’autres soulignent que ce serait plutôt l’inverse. Monsieur Sagna a eu son décret, mais demandait un autre décret pour les membres du Comité de pilotage, pour être conforme aux principes.
Selon certains témoins, il n’y a rien de surprenant dans cette tournure des évènements. Le dialogue est une coquille vide. Famara s’est fait avoir. ‘’Dès que j’ai appris, je me suis dit qu’il s’est fait piéger. Macky va essayer de lui faire avaler des couleuvres, alors que lui n’est pas un homme à avaler des couleuvres. Il est sérieux, compétent et très à cheval sur les principes. C’est le contraire qui m’aurait surpris’’, souligne une source.
Selon certains participants au dialogue, c’est faire un mauvais procès au président Famara Ibrahima Sagna que de lui mettre tout sur le dos. ‘’En vérité, font-ils savoir, le Dialogue national n’a jamais intéressé Macky Sall. C’était juste un prétexte. Il pensait que les gens allaient venir se réunir quelques jours et rendre des conclusions. Finalement, la démarche était devenue gênante. Les choses devenaient sérieuses, avec des études, l’audit de certaines personnalités…’’.
Ainsi, après avoir amusé la galerie pendant des mois, le prétendu Dialogue national semble faire pschitt ! A ce jour, une seule commission sur les huit est parvenue à déposer un rapport sur la table du président de la République. Il s’agit de la Commission politique dirigée par le général Mamadou Niang. Les sept autres sont totalement bloquées et semblent être suspendues aux décisions du chef de l’Etat et de Famara Ibrahima Sagna.
ALIOUNE TINE PROPOSE UNE RADIOSCOPIE DES TRAVAUX DU DIALOGUE NATIONAL
Le blocage du dialogue politique n’est pas du goût d’Alioune Tine. Le fondateur d’Africajom Center pense qu’il faudrait une radioscopie pour comprendre les facteurs bloquants
Le blocage du dialogue politique n’est pas du goût d’Alioune Tine. Le fondateur d’Africajom Center pense qu’il faudrait une radioscopie pour comprendre les facteurs bloquants. « Il faut faire une radioscopie des éléments qui font qu’on assiste à une espèce d’impasse. Sans la radioscopie, on ne pas corriger pour aller vers un dialogue sincère, crédible, légitime et fécond », a-t-il laissé entendre sur les ondes d’Iradio (90.3).
Pour Alioune Tine, ce dialogue est utile. C’est pourquoi, il salue l’initiative qui a été lancée, au lendemain de la présidentielle de 2019, par le chef de l’Etat. Tine estime que le dialogue politique est le meilleur outil de régulation de la démocratie. « Autour de nous, nous avons des démocraties d’affrontement avec des situations de violence de guerre civile et d’impasse politique. Il faut dialoguer. Parce que, ces situations d’impasse politique empêchent les protagonistes de s’asseoir pour dialoguer. Heureusement que le Sénégal n’est pas dans une telle situation », a-t-il déclaré.
108 NOUVEAUX CAS ENREGISTRÉS, RETOUR DES CAS IMPORTÉS
Deux décès liés à la pandémie ont été recensés, ce jeudi 17 décembre, 2020.
C’est le retour des cas importés. Sur le bilan épidémiologique de ce vendredi 18 décembre 2020, 2 cas importés ont été notés. Au total , 108 nouveaux cas, sur 1489 tests effectués, ont été enregistrés. 47 de ces nouvelles infections sont des contacts suivis et les 59 sont issus de la transmission communautaire. Ils sont répartis comme suit : 4 cas à Dakar Plateau, Maristes, Matam, Richard Toll, Saint Louis, 3 cas à Fatick, Kaolack, Keur Massar, Ngor Parcelles Assainies, 2 cas à Liberté 6, Mbao, Podor Touba et 1 cas aux Almadies, Cité Djily Mbaye, Cité Keur Gorgui, Derklé, Grand Dakar, Grand Médine, Grand Yoff, Guédiawaye, Hlm, Louga, Noire Foire, Ouakam, Ouest Foire, Sacré Cœur 3, Scat Urbam, Ziguichor.
En outre, 65 patients ont été contrôlés négatifs et déclarés guéris. Il est aussi à noter une hausse des cas communautaires. 27 patients sont actuellement au niveau des services de réanimation. Deux décès liés à la pandémie ont été recensés, ce jeudi 17 décembre, 2020.
Depuis l’apparition de la pandémie au Sénégal, 17 559 cas ont été enregistrés dont 16 449 guéris. Jusqu’ici, 357 décès ont été déplorés et 752 restent sous traitement au niveau des structures dédiées.
11 NOUVEAUX CAS DÉCLARÉS VENDREDI
La région de Matam a enregistré 133 cas de Covid-19 depuis le début de l’épidémie. Soixante-six patients ont recouvré la santé, quatre sont décédés.
Matam, 18 déc (APS) – Onze nouveaux cas de Covid-19 ont été diagnostiqués au cours des dernières vingt-quatre heures dans la région de Matam (nord), a appris l’APS vendredi de source médicale.
Il s’agit de sept cas contacts suivis par les services sanitaires et de quatre autres causés par la transmission communautaire, selon la même source.
La région de Matam a enregistré 133 cas de Covid-19 depuis le début de l’épidémie. Soixante-six patients ont recouvré la santé, quatre sont décédés, et 58 autres sont encore sous traitement, selon les données fournies par la région médicale.
ACCORDS AVEC LE SENEGAL, L’UE PÊCHE LA BONNE PAROLE
Irène Mingasson : «Nous avons commencé le dialogue avec les acteurs»
L’ambassadrice de l’Union européenne au Sénégal, Irène Mingasson, a profité hier de l’installation de la Plateforme des acteurs non-étatiques de la pêche et de l’aquaculture au Sénégal pour apporter des éclaircissements par rapport aux accords de partenariat entre le Sénégal et l’Ue dans le secteur de la pêche, et qui ont fait couler beaucoup d’encre et de salive ces derniers temps. Elle a fait un véritable plaidoyer pour rassurer les acteurs de la pêche.
L’ambassadrice de l’Union européenne au Sénégal, Irène Mingasson, a présidé hier au Centre Abbé Boilat de Mbour l’installation et le démarrage de la Plateforme nationale des acteurs non-étatiques du secteur de la pêche et de l’aquaculture au Sénégal.
A cette occasion, Mme Mingasson est largement revenue sur les accords de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne. «C’est un moment important pour nous d’établir ce dialogue, en présence des autorités, sur les questions que les acteurs de la pêche se posent par rapport aux accords de pêche. Et on se rend compte qu’il y a certaines dimensions qui doivent être clarifiées pour rassurer sur la philosophie, l’économie générale et les dispositions de ces accords. Nous comprenons davantage les difficultés que les acteurs rencontrent. Et pour un partenaire comme l’Union européenne, il est très important d’être à l’écoute et au contact de ces préoccupations», rassure Mme Mingasson. Et sur les dispositions précises de ces accords qui concernent un certain nombre d’espèces, l’ambassadrice a aussi donné des éclaircissements.
Irène Mingasson indique que c’est des quotas de thon et de merlu noir qui sont alloués à la flotte européenne. «On ne parle pas de petits pélagiques. Ces accords ont un objectif de bonne gouvernance, de bien cerner, cibler, cadrer quelles espèces, quelles quantités vont pouvoir être pêchées par qui, à quel moment», dit-elle.
Pour rappel, le dernier accord de pêche 2019-2024 que l’Ue a signé avec le Sénégal a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Certains acteurs ont fustigé ce protocole.
Mais, tempère la diplomate, «ces accords s’inscrivent dans une dynamique de renforcement de la bonne gouvernance pour que la pêche soit durable. Ils ont essentiellement un objectif de protection de la ressource et on se rend bien compte qu’au cœur des acteurs, cette dimension n’est pas bien maîtrisée. Nous avons commencé un dialogue ouvert, à établir un rapport de confiance qui, du côté de l’Union européenne, était très souhaité».
Le président de la Plateforme des acteurs non-étatiques de la pêche en Afrique de l’Ouest ne dit pas le contraire. Mais Gaoussou Guèye estime que le Sénégal gagnerait à développer la pêche thonière artisanale, ne serait-ce que pour en tirer des revenus. «Sur ce problème d’accords de pêche avec l’Union européenne, ils ont bien dit que ça ne concerne que le thon et le merlu. Aujourd’hui, même si le thon n’est pas consommé au Sénégal et c’est défini par des quotas, le Sénégal doit faire de telle sorte qu’une pêcherie thonière artisanale soit développée, afin de profiter à notre pays, à notre pêche artisanale. Et c’est possible, parce que dans certains pays, cette pêche thonière s’est développée. Prenons l’exemple du Ghana qui le fait de manière artisanale et je suis convaincu que nos pêcheurs ont la perspicacité, le professionnalisme pour pêcher ce thon, quelle que soit sa profondeur en mer», dit-il.
Au Sénégal, la Plateforme nationale des acteurs non-étatiques du secteur de la pêche et de l’aquaculture est désormais fonctionnelle. L’objectif, renseigne Irène Mingasson, «c’est la mise en réseaux, la structuration d’un dialogue, plateforme d’échanges entre les acteurs pour que leurs voix portent plus haut et plus loin. Nous pensons que c’est important dans le cadre du renforcement des acteurs de la pêche au Sénégal».
LE SENEGAL A ETE AUX AVANT-GARDES DES LUTTES FEMINISTES OUEST-AFRICAINES
Entretien avec Ndèye Fatou Kane, auteure de «Vous avez dit féministe ?»
Après une carrière dans le transport et la logistique internationale, Ndèye Fatou Kane a su opérer une reconversion réussie vers des recherches en études sur le genre à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess Paris). Aujourd’hui, elle est l’une des figures du mouvement féministe sénégalais et son essai «Vous avez dit féministe ?» lui a permis de remettre cette question au centre des débats. Mais de plus en plus, ses recherches se tournent vers l’étude des masculinités qui consiste à prendre les hommes comme objets d’étude dans des domaines tels que la sexualité, le pouvoir, les médias.
Vous êtes l’auteure de Vous avez dit féministe ? Pouvez-vous donner une définition du mot féminisme et quelle théorie féministe défendez-vous dans votre ouvrage ?
Vous avez dit féministe ? est un court essai que j’ai publié en 2018. Ayant longuement séjourné au Sénégal entre 2016 et 2018, après une absence prolongée, j’ai avec plaisir retrouvé le pays qui m’a vu naître et grandir. Mais ce retour a aussi été l’occasion de regarder avec des yeux nouveaux cette société sénégalaise, mais surtout de m’interroger sur la place des femmes et le renouveau du féminisme.
Historiquement, le Sénégal est connu comme étant le pays qui a été aux avant-gardes des luttes féministes ouest africaines. Donc il ne me semblait pas normal de ne plus entendre parler – sinon très rarement – de celles qui avaient mené ces luttes. Dans le souci – très modestement – de remettre le féminisme sénégalais au centre des débats, l’idée d’écrire Vous avez dit féministe ? est née.
Après avoir beaucoup lu sur le sujet, je me suis dit que faire une analyse intertextuelle avec les écrits de Mariama Ba, Chimamanda Adichie, Simone De Beauvoir et Awa Thiam, relire ces textes de référence à l’aune de mon engagement féministe, m’a permis de poser les bases de celui-ci. Si je devais définir le féminisme, je dirais que c’est une idéologie politique, traversant le temps et l’espace et vouée à améliorer les conditions de vie, de traitement et de libertés accordées aux femmes. C’est la raison pour laquelle on distingue plusieurs courants féministes tels que le féminisme décolonial, l’afro-féminisme, le féminisme musulman, le féminisme matérialiste et les féminismes africains.
Selon que l’on soit Africaine, Européenne ou Asiatique, y a-t-il une compréhension différente du concept ? Peut-on parler d’un féminisme africain ou pourquoi pas sénégalais ?
Selon le pays et/ou la zone géographique où l’on réside, le concept de féminisme peut connaître des mutations, même si en toile de fond demeure la lutte contre l’oppression que constitue le patriarcat. Bien sûr qu’on peut parler de féminisme en Afrique. On peut subdiviser l’activisme féminisme africain en trois temps : l’époque coloniale, postcoloniale et celle de la décennie 1980-1990. Cette période, avec la décennie des Femmes africaines des Nations unies, a permis l’éclosion de mouvements féministes un peu partout en Afrique. La Conférence mondiale des femmes de Mexico en 1975 marque ainsi le point de départ de l’éveil féministe des Africaines. Et au Sénégal Yeewu yewi, créé en 1984 par Marie-Angélique Savané, peut constituer le début de cette ère féministe structurée. Donc, oui le féminisme est bien présent en Afrique et au Sénégal.
Il y a eu à un moment une sorte de polémique sur le fait qu’une femme africaine ne devait pas se réclamer féministe au même titre que celles occidentales qui n’auraient pas les mêmes visions, car les Occidentales défendent le droit à l’avortement, la liberté sexuelle etc. Qu’avez-vous envie de dire sur cela ?
Tous ces débats qui ont souvent lieu sur les réseaux sociaux, plateformes de revendication s’il en est, me font doucement rire. Parler de la femme africaine est en soi désuet. Il n’existe pas une femme africaine, c’est une caricature qu’imposent souvent les hommes pour freiner les velléités d’égalité féminines. Tout comme je n’aime pas parler d’un féminisme africain, car il y a autant de féminismes que de femmes dans ce beau continent qu’est l’Afrique, parler d’une femme africaine qui ne devrait pas être féministe relève d’une méconnaissance de notre histoire. Les femmes en Afrique, et au Sénégal particulièrement, n’ont pas attendu l’Occident pour vouloir s’émanciper.
Aujourd’hui, être féministe au Sénégal sous-entend que l’on est vieille fille, frustrée ou même libertine. Pourquoi le terme est-il diabolisé, selon vous ?
Le mauvais procès que l’on fait aux féministes au Sénégal doit cesser. C’est le plus souvent le fait des hommes qui, voyant qu’ils ne peuvent plus contrôler les femmes, leur apposent l’étiquette de vieille fille aigrie, frustrée, qui ne trouvera pas de mari. Et quand on voit comment le mariage est sacralisé dans notre pays, ça marche à tous les coups. Mais depuis peu, je vois émerger des féministes qui s’investissent dans des combats tout à fait légitimes et se font entendre. Des causes nobles telles que le droit à l’avortement médicalisé, l’absence de violeurs de la sphère médiatique, la dénonciation du harcèlement dans les transports sont défendues par ces jeunes femmes et c’est à saluer.
Les femmes de Yeewu yewi ont tracé un chemin dans la lutte pour l’émancipation de la femme. Mais y a-t-il eu par la suite une relève, une jeune génération engagée dans ce combat ?
Il est vrai qu’il y a eu un creux après la décennie 1980-1990. Si je prends l’exemple de Yeewu yewi, c’est un mouvement qui a été très percutant durant cette période, avec une ligne de conduite très politique, notamment avec son journal Fippu. En faisant preuve de réflexivité et se voyant comme actrices de changement, les femmes de cette période ont marqué d’une encre indélébile l’activisme féministe de notre pays. Concomitamment à cet engagement féministe, il y a aussi le volet recherche qu’il ne faut pas occulter avec l’Association des femmes africaines pour la recherche et le développement (Afard), créée en 1977 et regroupant des femmes africaines chercheuses ayant le genre en partage et comme objectif de mettre au cœur de leurs prérogatives du genre comme objet de recherche, accolée au développement. Même si l’Afard est devenue un peu aphone de nos jours, sa création marque un tournant décisif. Dans cette théorie du genre, je peux citer Fatou Sow qui est incontournable, car ayant produit la majeure partie de la théorie du genre non pas seulement sénégalaise, mais africaine au sens large. Aujourd’hui quand on parle du legs du féminisme sénégalais, d’aucuns parleront du manque de solidarité intergénérationnelle, de l’embourgeoisement des féministes de la première heure, de la religion qui a gagné du terrain… J’y ajouterai le manque de production qui fait que notre féminisme se meurt. L’activisme féministe peut revêtir plusieurs formes : l’écriture de livres, la recherche sur le genre (autant féminin que masculin), ce qui permettra à nos théories de se renouveler. Sinon ça devient statique et on tourne en rond.
Peut-on être musulmane et féministe ?
Oh que oui ! Cette question me fait penser à l’ouvrage Féminismes islamiques de Zahra Ali, une sociologue travaillant sur les questions de genre et de science en relation avec l’islam. Dans ce livre, publié en 2012, elle a convoqué une pluralité de chercheuses, le plus souvent d’Afrique du Nord, qui requestionnent les textes religieux et donc islamiques, sous le prisme du féminisme. Ce livre très pertinent répond à tous ceux qui disent que le féminisme et la religion musulmane sont incompatibles. Cela est souvent dû à une méconnaissance de l’interprétation des textes islamiques. Si ceux-ci sont faits par des hommes envers les femmes, il est clair qu’ils n’ont aucun intérêt à ce que celles-ci s’émancipent ; d’où la question de la recherche et de la lecture que les femmes doivent privilégier.
Au Sénégal, on aime répéter que l’islam a accordé une place importante à la femme, mais l’affaire Aïda Diallo a montré qu’il y avait des limites strictes à ce qui était permis aux femmes…
Cette affaire a clairement montré la misogynie qui fait office dans le domaine religieux. Quand bien même cette femme, en l’occurrence Aïda Diallo, fait partie d’un mouvement religieux très controversé, elle pratiquait des cérémonies cultuelles du vivant de son guide religieux et mari, et personne n’y trouvait à redire. L’absence de ce guide a fait qu’elle est très critiquée. J’admire son courage, car dans la pratique de l’islam qui est la nôtre au Sénégal, accolée à la culture, les femmes sont dans une rhétorique de devoirs, mais aucunement de droits.
Votre premier roman est sorti il y a déjà quelques années. Un autre est en projet ?
Mon premier roman, Le malheur de vivre, publié en 2014, a marqué mon entrée dans la sphère littéraire. Depuis, beaucoup d’encre a coulé. Même si j’ai débuté par la fiction, je ne veux pas être cantonnée à ce seul et unique genre. En 2016, j’ai participé à un ouvrage collectif à visée panafricaniste, avec la musique rumba en partage, intitulé Franklin l’insoumis. En 2018 sort Vous avez dit féministe ? et en mars 2020, il y a quelques mois, je participe à l’écriture de «Féminismes dans le monde, 23 récits d’une révolution planétaire, panorama des mobilisations pour les droits des femmes dans le monde, avec des récits par pays. J’ai donc écrit le chapitre traitant du Sénégal. Mon projet d’écriture arrive très bientôt, mais autant attendre qu’il soit publié. Nous ne manquerons pas d’en reparler.
COMMENT J’AI VAINCU MON CANCER DU SEIN
Palabres avecThiane Ndiaye, professeur de philosophie et auteure
Thiané Ndiaye est une malade guérie du cancer du sein qui tient à partager sa douloureuse expérience. Professeure de philosophie, elle a aussi été journaliste. Elle s’est servie de sa plume pour témoigner mais également tirer la sonnette d’alarme sur les nombreuses galères vécues par les malades au niveau de la prise en charge. Son ouvrage, « Malades du cancer, l’œil d’une patiente », reste et demeure une parfaite illustration de son courage.
Entretien avec une femme de cœur qui souhaite s’ériger en exemple pour ses sœurs qui vivent cette terrible situation.
Vous venez de publier un livre pour relater votre lutte contre le cancer. Pourquoi ce choix ?
Ce choix se justifie par le fait que tout au long de mon traitement, j’ai été confrontée à beaucoup de difficultés, beaucoup de souffrances. Certaines de ces souffrances me concernaient directement et pour d’autres j’en ai été témoin oculaire. Comme je l’ai indiqué dans le livre, la communication est très mal menée au niveau de nos structures sanitaires. Si vous n’avez pas de connaissances à l’hôpital, vous y vivez des galères de toutes sortes. Et la situation est encore plus difficile pour ceux qui ne comprennent pas la langue française. Il arrive, par exemple, que le malade soit orienté vers un médecin qui ne parle que le français. Il est clair que si le patient ne comprend pas cette langue, on risque d’assister à un véritable dialogue de sourds. Par ailleurs, certains agents de santé font parfois preuve d’une certaine arrogance à l’endroit des malades. A cela s’ajoute la cherté des traitements qui causent beaucoup de problèmes aux patients qui ont rarement les moyens financiers et psychologiques pour faire face à tous ces stress.
Quelle a été votre première réaction en apprenant la mauvaise nouvelle ?
Il est vrai qu’il est toujours difficile d’apprendre une telle nouvelle. Mais, je dois dire que je n’ai pas paniqué sur le coup. En revanche, j’ai tout de suite pensé à mes enfants. J’ai deux filles qui étaient alors âgées respectivement de 6 ans et de 3 ans. Mes premières pensées sont allées vers elles. Je me posais beaucoup de questions : Est-ce que j’allais mourir ? Que deviendraient mes enfants si je meurs, etc. Il faut dire que, comme la plupart des Sénégalais, j’étais victime de cette idée populaire selon laquelle le cancer aboutit inéluctablement à la mort.
Comment avez-vous vécu cette terrible épreuve ?
Il est inutile de dire que cela n’a pas été facile. Comme on le sait, le cancer est une maladie qui fait peur. De plus, elle est très onéreuse. Ce qui veut dire que le patient qui en souffre doit être doublement armé : psychologiquement et financièrement. Psychologiquement, ça allait plus ou moins. J’avais le soutien de mes proches. Mais, le problème, c’était au niveau des moyens. Il faut dire que lorsque j’apprenais la nouvelle, en 2012, je ne travaillais plus. Ce qui fait qu’il m’a fallu attendre 2 ans avant de pouvoir entamer mes traitements. Et c’est en contractant un prêt bancaire, alors que je venais d’intégrer l’enseignement, que j’ai pu démarrer mes traitements. Passée cette étape, il fallait faire face aux lourdeurs des traitements. En effet, la chimiothérapie a des effets secondaires assez terribles sur l’organisme : vomissement, perte de cheveux, détachement des ongles et de la peau, etc. Mais, par la grâce de Dieu, mon organisme a bien supporté le traitement. Même si je dois dire que le premier protocole de chimiothérapie s’était révélé inefficace. C’est donc au second protocole que la maladie a commencé à reculer. J’ai subi une intervention chirurgicale au mois d’octobre 2017 et, aujourd’hui, je suis en rémission. Mais, je continue d’avoir des rendez-vous tous les 6 mois dans le cadre du suivi. Les soins sont très longs et très coûteux.
Où avez-vous trouvé les ressources physiques, mentales et surtout financières pour faire face ?
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai grandement bénéficié du soutien de ma famille. De plus, je suis, naturellement, une personne très sereine qui s’affole rarement. Et je pense que cela m’a beaucoup aidée. Le cancer est une maladie qui ne fait pas bon ménage avec le stress. Ce dernier a tendance à l’accélérer. Physiquement, mon organisme a bien répondu aux traitements. Et sur le plan financier, en plus du prêt bancaire que j’ai contracté, j’ai aussi bénéficié du soutien de la Lisca pour mes trois dernières séances de chimiothérapie.
Ancienne journaliste et professeure de philosophie, cela a-t-il facilité votre décision ?
Je pense que oui. Quand on est journaliste, surtout en presse écrite, on a une certaine maîtrise des techniques d’écriture. Peut-être que mon statut de professeur de philosophie y est aussi pour quelque chose. La philosophie nous apprend à dire non. Et j’ai justement voulu exprimer mon indignation par rapport à toutes ces souffrances auxquelles les malades sont souvent confrontés au niveau des structures sanitaires. Vous avez pris l’attache de la Lisca où vous avez présenté votre livre… J’ai bénéficié du soutien de la Lisca, comme je l’ai indiqué plus haut. Et cela, aussi bien sur le plan financier que psychologique, moral. C’est donc par reconnaissance que j’ai décidé d’organiser, dans leurs locaux, la cérémonie de dédicace du livre.
Quelle appréciation faites-vous du rôle de l’Etat dans la prise en charge du cancer ?
Depuis quelques mois, on parle beaucoup de la gratuité de la chimiothérapie. Ce qui, en soi, est une bonne chose. Mais, le problème qui se pose, c’est par rapport à la disponibilité des médicaments. Il y a, en effet, souvent des ruptures de stocks. Et maintenant que l’Etat a annoncé la gratuité, il est clair que les patients ne bénéficient plus du soutien financier dont ils bénéficiaient de la part de leurs proches. Ce qui fait qu’ils n’ont d’autre option que d’attendre que les médicaments dont ils ont besoin soient disponibles à l’hôpital. Or, si la régularité du traitement n’est pas respectée, cela pourrait remettre en cause tout le traitement. Ce qui signifie qu’on devra prescrire au malade un nouveau protocole de chimiothérapie. Par ailleurs, le patient fait de nombreux examens médicaux avant qu’on lui confirme qu’il souffre ou pas du cancer. Et tous ces examens nécessitent entre 300 et 500 milles francs. Ce qui, évidemment, n’est pas donné à n’importe quel Sénégalais. Personnellement, je pense qu’il aurait été beaucoup plus pertinent de rendre gratuite la mammographie qui permet de détecter le cancer du sein qui est en train de décimer la gent féminine qui représente les 70 / des victimes du cancer. Mieux encore, l’état devrait prendre en charge tout le traitement du cancer du sein, comme cela se fait dans des pays africains tels que la Mauritanie, le Mali et la Gambie. Il est évident que ces pays ne sont pas plus riches que le nôtre. Beaucoup de femmes meurent de ce fléau.
A votre avis que faut-il faire pour arrêter l’hécatombe ?
Je pense que si l’Etat matérialise la prise en charge complète du cancer du sein, les ravages que ce cancer est en train de faire chez les femmes vont sensiblement diminuer. A mon humble avis, c’est la solution idéale car nous vivons dans un pays où les femmes sont très touchées par la pauvreté, où les femmes sont très vulnérables du fait d’un manque d’autonomisation.
Comment vivez-vous votre histoire après avoir traversé cette longue et pénible épreuve ?
Avec tout ce que j’ai vécu, toutes les souffrances auxquelles j’ai été témoin et, surtout, avec le nombre important de femmes que le cancer emporte chaque année dans notre pays, je mesure toute la chance que j’ai d’être, aujourd’hui, au stade de rémission. Mais, comme j’ai eu à le souligner, je suis toujours en suivi car le cancer est une maladie très vicieuse qui peut ressurgir après le traitement.
Peut-on dire que ce livre est une sorte de seconde thérapie ?
Absolument ! Durant le traitement, le patient vit beaucoup de problèmes, particulièrement, dans les hôpitaux où il n’est pas toujours bien traité. Il est obligé, souvent, de prendre sur lui pour ne pas s’attirer les foudres de certains agents sanitaires. Aussi, écrire un livre sur ce vécu est une véritable thérapie. Cela me permet de défouler tout ce que j’ai eu à refouler jusque-là, de sortir toute cette souffrance que je n’ai pas pu exprimer, que d’autres malades n’ont pas pu exprimer par peur d’être victimes de représailles. Par ailleurs, je pense que ce livre pourrait aussi être utile aux patients du cancer puisqu’il retrace les différentes étapes par lesquelles le malade du cancer devra passer, généralement, tout au long de son traitement.
Quels conseils donnerez – vous aux malades ?
Avant tout, qu’ils s’arment d’une grande foi, qu’ils remettent tout entre les mains de Dieu. Il n’y a pas de maladie sans remède, comme nous le dit le Coran. Certes, c’est Dieu qui dispose, mais l’homme doit proposer. Et, dans ce cas de figure, proposer, c’est essayer de trouver les moyens de se soigner.
Comment a été accueillie la sortie du livre ?
Franchement, l’intérêt qu’il a suscité est même allé au-delà de mes espérances. J’ai été invitée sur beaucoup de plateaux de télévisions de la place et je dois dire que j’ai eu de très bons retours par rapport à ces sorties médiatiques.
Vous comptez poursuivre le combat ?
J’entends m’investir pleinement dans la sensibilisation. Je suis enseignante et je pense que la cible est déjà là. D’autant plus que le cancer a tendance, de plus en plus, à toucher des adolescents. Malheureusement, la situation sanitaire ne le permet pas pour le moment, mais je compte aller au niveau des établissements scolaires pour sensibiliser les élèves. Par ailleurs, je compte aussi plaider pour la mise en place d’une Fondation. Avec comme objectif de soutenir les patients dans leur traitement, de soutenir la recherche et même d’octroyer des bourses de spécialisation pour booster la main d’œuvre. Il faut, en effet, souligner qu’il y a un nombre très réduit de cancérologues par rapport à la population touchée par cette maladie qui est en train de devenir un véritable problème de santé publique.
Le mot de la fin…
Je profite de l’opportunité qui m’est offerte pour remercier, encore une fois, toute ma famille pour tout le soutien qu’elle m’a apportée. En particulier ma maman pour ses prières, mais aussi et surtout pour avoir sacrifié sa vie pour notre réussite. Un coucou à mes filles qui ont été, pour moi, une véritable source de motivation pour me soigner, guérir de cette maladie et continuer à les accompagner dans la vie. Merci à vous aussi pour votre contribution à la vulgarisation de ce livre.
QUAND LES SEBILES SE SUBSTITUENT AUX SACS D’ECOLIERS
Contrairement à leurs camarades ayant droit à l’éducation, nos pauvres talibés sont exclus de tout système éducatif. En tout cas moderne. Et condamnés à ne plus se séparer de leurs pots de tomate pour survivre. Récit poignant !
Ecole des « Petits-Pas », jour de rentrée des classes. Deux petits talibés âgés respectivement de 04 et 06 ans s’accrochent aux barreaux du portail de l’établissement pour contempler tristement la cour où l’enthousiasme des retrouvailles entre élèves se fait sentir. Contrairement à leurs camarades ayant droit à l’éducation, nos pauvres talibés sont exclus de tout système éducatif. En tout cas moderne. Et condamnés à ne plus se séparer de leur sébile (pots de tomate) pour survivre. Récit poignant !
Si nous avions eu le réflexe d’actionner notre smartphone et de filmer la scène, la video allait sans doute faire le tour de la toile jusqu’à choquer les âmes sensibles. Tenez ! Jeudi 12 novembre 2020, à l’école élémentaire « Les Petits-Pas » sise Sacré-Cœur 3 à Dakar, comme dans l’ensemble des établissements scolaires du Sénégal, c’est le grand jour de rentrée des classes. La plupart des enfants aiment être accompagnés. Que papa ou maman leur tienne la main, histoire de les rassurer et les encourager sur le chemin prometteur de l’école. Pendant ce temps, des voitures se garent en double file devant l’école pour laisser descendre les enfants qui s’y trouvaient.
Entièrement habillés de neuf (vêtements, chaussures) et munis de sacs à dos, eux aussi, fraichement acquis, ils traversent la rue en courant. Sans doute pressés de rejoindre la cour de l’établissement pour de joyeuses scènes de retrouvailles. Cela est valable, bien sûr, pour les anciens de l’établissement puisque les bleus ont les larmes aux yeux et peinent à se séparer de leurs parents. Dans cette atmosphère de grand rendez-vous de l’espoir et du savoir pour un avenir meilleur, deux jeunes talibés attirent particulièrement notre attention.
Agés respectivement de 04 et 06 ans environ, ces petits garçons frêles en haillons, pieds nus, s’accrochent aux grilles du portail de l’école pour contempler la foule d’élèves. Une foule qui leur est si étrangère ! Sans doute, s’efforçaient-ils de savoir pourquoi cette école jadis désertique était-elle si animée ce jour-là ? Dans notre for intérieur, nous nous empressons de leur répondre ainsi avec désolation. « Aujourd’hui, c’est la rentrée des classes ! Presque tous les enfants de vos âges s’apprêtent à faire leurs premiers pas à l’école synonyme de réussite dans la vie. Accompagnés de leurs parents, ces mômes que vous voyez là-bas vont désormais venir tous les jours dans cet établissement pour apprendre à lire, écrire et compter afin de pouvoir réussir dans la vie ». Nous imaginons également les deux talibés tenter de percer le mystère des sacs à dos que portent gaiement les écoliers.
Pour satisfaire cette curiosité, nous leur filons ceci : « Les sacs à dos contiennent des goûters composés de biscuits, de sachets de chips et autres bonbons à déguster pendant la récréation. Ils renferment aussi des gourdes remplies d’eau ou de boisson ». A cet instant, les deux pauvres talibés aimeraient sans doute s’inviter dans cette cour de l’école très bruyante. Hélas, ils n’y parviendront jamais puisqu’ils ont été chassés du regard par le gardien des lieux. « Eux à l’école, et pourquoi pas nous ? » ont dû s’interroger nos talibés dans leurs pensées.
Retour sur les lieux du crime
Lundi 14 décembre 2020. Presque un mois après la rentrée des classes, les deux talibés, comme deux « larrons » à la rue, retournent devant le portail de l’école ou les lieux du crime social. En errant dans les ruelles de la cité à la recherche de l’aumône, les deux mômes mendiants s’arrêtent pratiquement chaque jour devant l’école. Derrière les barreaux du portail, ils contemplent les enfants de leur âge s’amuser dans la cour de récréation. Selon le vieux S. Diop, presque chaque matin à 10 heures, ces petits talibés viennent s’émerveiller devant l’ambiance de récréation où les enfants apprivoisent des règles de vie et de jeux collectifs. « Monsieur Ndiaye (votre serviteur), vous avez constaté vous-mêmes comment ces petits talibés sont rejetés par le système éducatif sénégalais. Le fait qu’ils squattent la devanture de l’école montre leur désir d’aller, eux aussi, à l’école, mais ils en sont empêchés par la société. C’est vraiment triste ! » déplore ce patriarche du quartier. Ayant fait le même constat, B. Cissé se défoule sur l’irresponsabilité des élus locaux dont les communes abritent ces daraas de la mendicité. « Tous ces enfants errant dans les rues de Sacré-cœur viennent du village de Ouakam devenu tristement le sanctuaire des talibés de la zone. Les autorités communales de Ouakam doivent faire des efforts pour recenser et confiner ces talibés âgés entre 4 et 6 ans afin de les scolariser ou, à défaut, les alphabétiser ! Pourquoi ne pas subventionner ces daraas, histoire de couvrir leur manque à gagner pour convaincre les maitres coraniques à laisser les enfants aller à l’école…française », suggère notre interlocuteur.
Avant de s’étrangler en ces termes : « Vous dites squatter les alentours de l’école ? Mais cet endroit est le moindre mal ! Pour ne pas dire que c’est le lieu où il devraient être pour leur intérêt et leur bienêtre pour ne pas dire leur futur ! Allez devant la mosquée de Sacré-cœur lors des prières de Tabaski ou de Korité, vous verrez que ces enfants n’ont jamais connu le bonheur d’une fête de famille. Au moment où leurs camarades bien habillés sont accompagnés de leurs parents pour la grande prière, ces tout-petits talibés, eux, jalonnent les trottoirs menant vers la mosquée pour mendier. J’ai mal de voir ces enfants abandonnés par la société et exclus par le système éducatif… » se plaint ce père de famille, enseignant du supérieur. « Vous savez, le daara ou l’ecole coranique est fait pour mieux pratiquer sa religion car elle dispose de contenus d’enseignement exclusivement tournés vers le Coran. Par contre, l’école française est un chemin incontournable pour l’avenir et la réussite dans la vie. Juste pour vous dire que Daara et Ecole sont deux systèmes, deux chemins qui vont de pair ! Malheureusement, les talibés ne fréquentent ni l’un, ni l’autre…», dénonce-t-il à propos de ces enfants de la rue appelés à ne plus se passer de leurs sébiles (des pots de tomate en l’occurrence) pour survivre.
Une tragédie sociale !
L’exemple de ces deux talibés réduits en spectateurs devant l’ambiance de rentrée des classes résume le triste sort de ces enfants de la rue. Une tragédie sociale plus qu’une scène de rue qui remet en question la Déclaration universelle des droits de l’homme qui dispose que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Dans cette même Charte des Nations-Unies, les peuples reconnaissent également que l’éducation est un droit essentiel qui permet à chacun de recevoir une instruction et de s’épanouir dans sa vie sociale. Donc conviendrez avec « Le Témoin » que l’école est un droit humain qui doit être accessible à tous les enfants, sans aucune discrimination.
Hélas, les éminents législateurs et ratificateurs de ces chartes des droits fondamentaux n’auraient sans doute jamais imaginé qu’à l’orée du troisième millénaire, dans un pays nommé le Sénégal, une importante frange de la jeunesse composée d’enfants-talibés serait privée de son droit à l’éducation. Pire, ces enfants sont parfois enfermés, enchainés, entassés et violentés dans des daraas insalubres, s’ils ne sont pas transformés en de lucratifs esclaves livrés à la rue pour mendier. Une situation que déplore Bamba Cissokho, membre du Collectif des résidents de Sacré Cœur III Vdn-Extension. Pour mieux se faire comprendre, ce père de famille tient d’abord à rappeler que la plupart des talibés sont des enfants de villageois sénégalais, maliens et nigériens ayant atteint le seuil d’extrême pauvreté. Ou alors des enfants de parents qui sont eux-mêmes d’anciens talibés etc. Dans l’impossibilité de prendre en charge leurs enfants, explique Bamba Cissokho, ces parents les confient à des marabouts soit pour qu’ils aient une éducation différente de celle reçue par ceux qui les ont mis au monde soit pour qu’ils soient éduqués à la dure. Ce selon le principe qui veut que trop d’affection et d’attention peut nuire. « Car, on a vu des enfants de pachas qui ne manquaient de rien et qui ont viré comme de vulgaires voyous », relativise-t-il avant de méditer sur le triste sort des talibés carrément « exclus » de l’école et livrés à la rue où il est quasiment impossible de réussir. « Parce que la rue est un milieu plein de dangers et de tentations qui compromet tout processus éducatif. Non seulement les talibés sénégalais sont mal éduqués, mais très mal nourris contrairement aux talibés ivoiriens qui paient de leur poche pour manger dans des gargotes avec l’argent collecté, etc. Avant de chercher les voies et moyens de scolariser les talibés, il faut d’abord s’attaquer à leur cadre de vie informel non accompagné par l’état et qui montre le délaissement total et intégral par ce dernier face à cette situation non maîtrisée depuis belle lurette » se désole M. Cissokho, un habitant de Sacré-Cœur III VDN.
A l’en croire, « le problème des talibés est une équation complexe et très difficile à résoudre puisqu’il ne se limite pas seulement à leur retrait de la rue. Il faut d’abord attaquer le mal à la racine c’est-à-dire développer le monde rural pour que les parents pauvres dénués de tout ne se séparent plus et inutilement de leurs enfants ». Bamba Cissokho propose de déclassifier le domaine national afin que l’homme rural ou le villageois soit propriétaire et actionnaire dans les activités des sociétés industrielles et autres fermes agricoles qui viennent s’installer sur son terroir etc. ».
« Alara biranane » de tous les dangers
En tout cas, la poignante présence de ces talibés devant le portail de l’école « Les Petits-Pas » n’est que la partie émergée de l’iceberg ! Pratiquement dans tous les quartiers de Dakar, ces petits garçons se débattent et vivotent dans des conditions misérables et lamentables. Un « Alara biranane » de tous les dangers dès lors que, partout dans le monde, la rue représente le plus grand danger de perdition des enfants. L’enfant de la rue en général, le talibé en particulier, est en rupture sociale et quotidiennement en proie aux dangers de (accidents, enlèvements, drogue, banditisme, sévices sexuels etc.).
Selon Khadimou Rassoul Mbacké, président de l’Amicale des moniteurs des daaras modernes du Sénégal (Amdms), ces enfants talibés n’ont pas demandé à naitre. « Donc, l’irresponsabilité incombe à ceux qui les ont fait naitre c’est-à-dire les parents. De même qu’aux autorités étatiques ! Malheureusement, c’est amer de le dire mais la plupart des talibés mendiants sont des délinquants potentiels pour avoir été déjà initiés au goût de l’argent et non du savoir du Livre-Saint », regrette ce maître coranique. Il se désole du fait que le phénomène des enfants talibés mendiants est devenu une chose qui prend de l’ampleur de jour en jour. Une triste réalité qui nous renvoie aux récentes études de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes : l’effectif des daaraas de Dakar est estimé à près de 50.000 talibés. Et 91 % de ces enfants-talibés mendient dans les rues de Dakar pendant plus de 15 heures par jour. Le département de Dakar enregistre 32 % de ces enfants qui tendent la sébile (ou le pot de tomate !), Pikine 27 %, Rufisque 24 % et Guédiawaye 19 %. Hélas !