Va-t-on vers la suppression de la ville de Dakar ? Oumar Guèye serait tenter de répondre par l’affirmatif. Le ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement des Territoires, qui était l’invité du Jury Du Dimanche (JDD), sur Iradio (90.3) et iTv, note que ’’la ville de Dakar, tout comme les 4 autres villes (Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès) n’ont pas leur raison d’être’’. Selon le ministre, le Code général des collectivités territoriales ne reconnait pas de ville. La commune et le département sont les deux seules entités qui existent dans ce code. ’’ La situation de Dakar est hybride. Logiquement, si l’on s’en tient au Code général des collectivités territoriales, il y aura un département : Dakar et ses 19 communes. La ville n’a pas sa raison d’être. On ne peut être en même temps département et commune. Aujourd’hui, nous devons nous conformer au code. C’est à dire, l’existence de deux entités que sont le département et la commune », a-t-il signalé.
Interpelé sur la tenue des élections locales, le ministre Oumar Gueye estime que ce sont ces anomalies qui doivent être corrigées avant son organisation. Pour lui, le retard sur la tenue de ces joutes électorales est du à un certain nombre de points que les acteurs doivent finaliser. ’’ Depuis que le Sénégal existe, les élections locales ne se sont jamais tenues à bonne date. Je ne dis pas que c’est une bonne ou mauvaise chose. Mais, dans le contexte particulier que nous sommes, on doit finaliser un certain nombre de choses. Il y a le dialogue politique qui est en train de se dérouler », explique le ministre. Qui poursuit : ’’Nous sommes aussi dans un contexte d’Acte 3 de la décentralisation. Cette dernière a comme le postulat d’organiser le Sénégal en territoire viable, compétitif et porteur de développement durable. Nous devons évaluer cet acte 3 avant d’aller à sa seconde phase ».
0,7% DE TAUX DE CROISSANCE EN 2020
Le gouvernement projette pour 2021, un budget de 4589,2 milliards, un déficit ramené à 5% et un taux de croissance attendu de 5,2%, a dit Diallo
Dakar, 12 déc (APS) – Le Sénégal qui peut tabler au minimum sur une croissance de 0,7% de croissance en 2020 en dépit de la crise sanitaire qui a durement les économies du monde projette, pour 2021, une croissance de 5, 2%, a indiqué, samedi, le ministre des Finances et du Budget.
’’(…) alors que la quasi-totalité des pays du monde seront en récession en 2020, ce qui signifie que leur croissance sera négative, le Sénégal peut se targuer d’avoir réussi, passez-moi l’expression, à +limiter les dégâts+. Cette année, malgré la calamité de la Covid-19, nous ferons au minimum 0,7% de croissance’’, a notamment déclaré Abdoulaye Daouda Diallo.
Le gouvernement projette pour 2021, un budget de 4589,2 milliards, un déficit ramené à 5% et un taux de croissance attendu de 5,2%, a dit Diallo.
Il s’exprimait devant les députés à la fin du marathon budgétaire 2020, une séance au cours de laquelle le ministre a rendu hommage à la députée Marie Louise Diouf décédée mercredi des suites du Covid-19.
Parlant du taux de croissance attendu en 2020, M. Diallo a souligné que ’’c’est certes, loin des taux auxquels notre pays était habitué depuis l’élection du président Macky Sall, mais cela reste un exploit lorsqu’on se livre à des comparaisons internationales : l’économie mondiale sera en récession, à -4,4%, de même que l’économie subsaharienne à -3,2%’’.
Dans son discours dont l’APS a eu connaissance, il a ajouté que ’’ce résultat, et sans vouloir verser dans le triomphalisme, nous ne l’avons pas obtenu par hasard’’.
’’Le Sénégal a d’abord récolté les fruits de l’assainissement de ses comptes publics entre 2012 et 2013, ainsi que ceux de la dynamique vertueuse enclenchée depuis 2014 par le PSE’’, a-t-il soutenu.
Selon le ministre, ‘’tout ce que le président Macky Sall a fait dans le domaine économique et budgétaire pendant des années, nous a permis de mieux résister lorsque s’est abattue la tempête’’ sanitaire.
Il est revenu sur le Programme de Résilience Economique et Sociale (PRES), porté par le fonds FORCE COVID-19, ce ‘’traitement de choc’’ ayant permis d’’’éviter l’effondrement économique et social’’.
Abdoulaye Daouda Diallo a également rappelé les dix milliards injectés le Plan ORSEC pour venir en aide aux victimes des inondations.
Dans le secteur de l’éducation, le ministre a dit avoir relevé la ‘’’préoccupation’’ des députés relative au déficit en table-bancs, évalué à 302 000 unités, de même que leur ‘’souhait de voir renforcés les budgets de l’alphabétisation de base et des cantines scolaires’’.
Il a assuré que le gouvernement mettra ‘’tout en œuvre’’ pour leur ‘’donner satisfaction sur ces points’’.
‘’Car l’Education est aussi notre priorité, pour ne pas dire notre obsession, raison pour laquelle le Gouvernement met un soin scrupuleux à mettre les enseignants dans les meilleures conditions possibles’’, a-t-il souligné.
Il a rappelé que l’indemnité de logement est passée de 65 000 à 100 000 FCFA et que tous les engagements pris à l’égard de leurs syndicats ont été respectés.
’’Rien que cette année, la mise en œuvre des protocoles d’accord nous a coûté 80,512 milliards ; 248, 722 milliards depuis leur signature en 2018’’, a relevé le ministre.
Abdoulaye Daouda Diallo a pris l’engagement que les fonds de dotation au profit des collectivités territoriales soient mis à la disposition de ces dernières avant fin mars 2021, à l’instar de ce qui a été fait en 2020.
Il est également largement revenu sur les projets dans le domaine des transports.
’’Sans voies de transport adaptées, il ne sert à rien de produire. Si vous ne possédez pas des pistes et des routes de qualité, par exemple les récoltes du paysan vont pourrir sur place, faute de pouvoir être acheminées vers les marchés ou vers le Port ou l’Aéroport en vue de leur exportation’’, a-t-il dit.
Parlant de l’agriculture, il a souligné que le Sénégal en est aujourd’hui à 76 509 tonnes de semences d’arachide, dont 53 707 tonnes de semences certifiées et 22 801 tonnes de semences écrémées, 9 654 tonnes de semences certifiées mises à la disposition des riziculteurs du système pluvial par le Programme National d’Autosuffisance en Riz.
Il a rappelé qu’en 2012, le Sénégal ‘’ne disposait que de 6 000 tonnes de semences sélectionnées (…)’’’.
Concernant l’hydraulique, le pays a un taux d’accès à l’eau potable de 98,5% en milieu urbain et péri-urbain, ainsi que de 94,5% en milieu rural, a fait part le ministre.
Sur le plan de la santé, il a souligné que le gouvernement qui a ‘’déjà tiré de nombreuses leçons’’ de la pandémie est ‘’déjà dans l’après – Covid-19’’ même si cette crise n’est pas terminée.
Il est revenu sur l’ambition de l’Etat de faire du développement de la télémédecine ‘’l’un des axes forts de notre politique sanitaire pour les années à venir’’.
Les 14 000 kilomètres de fibre optique, dont 5 000 kilomètres linéaires détenus par l’ADIE, faciliteront grandement l’essor de la médecine digitale, selon Abdoulaye Daouda Diallo, relevant que le PSE ‘’a très tôt voulu faire du numérique l’un des atouts pour le développement du Sénégal’’.
Il a annoncé que la mise en place d’une industrie pharmaceutique nationale forte ‘’constituait l’une des objectifs prioritaires du Plan quinquennal d’investissement et de réforme pour un système de santé pérenne et résilient’’.
78 NOUVELLES CONTAMINATIONS
Depuis le 2 mars, le Sénégal comptabilise 17.075 dont 16.094 guéris, 349 décédés et 631 patients sous traitement.
Dakar, 13 déc (APS) - Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a rapporté dimanche 78 cas de Covid-19 sur les 1227 tests effectués au cours des dernières 24h.
‘’Sur 1227 tests réalisés, 78 sont revenus positifs, soit un taux de positivité de 6, 36%’’,a déclaré le docteur Mamadou Ndiaye, directeur de la Prévention.
Ces nouvelles contaminations concernent 32 contacts suivis, 1 cas importé enregistré à l’AIBD et 45 cas issus de la transmission communautaire recensés à Dakar et dans plusieurs endroits du pays.
Le directeur de la prévention a annoncé que 35 patients ont été déclaré guéris alors que dix-sept autres sont pris en charge dans les services de réanimation.
Aucun décès n’a été enregistré samedi, selon docteur Ndiaye.
Depuis le 2 mars, le Sénégal comptabilise 17.075 dont 16.094 guéris, 349 décédés et 631 patients sous traitement.
UNE REINE AFRICAINE CONTRE LES COLONS
Karine Silla retrace le bref destin d’Aline Sitoé Diatta (1920-1944), prophétesse non violente qui prêcha la désobéissance civile en Casamance
Le Temps Afrique |
Isabelle Rüf |
Publication 13/12/2020
Sur la couverture, elle se tient fièrement, pipe à la bouche, bras croisés, torse nu. Il faut pourtant attendre la page 50 pour qu’Aline apparaisse dans ce livre à sa mémoire. Quand elle naît en 1920, en Casamance, au sud du Sénégal, «son destin est déjà tracé et comme pour tous les autres rois et reines avant elle, ce ne sera pas une tâche facile». Des reines, il y a en de superbes dans l’histoire de l’Afrique noire, des femmes puissantes, dirigeant des armées, négociant d’égale à égal avec les chefs noirs ou blancs. Leurs hauts faits peuplent l’enfance d’Aline.
La jeune fille, qu’on a surnommée «la Jeanne d’Arc du Sénégal», est moins flamboyante mais elle a joué un rôle important dans la résistance des Diolas de Casamance à l’occupation française. Karine Silla en fait l’héroïne d’un roman basé sur sa vie brève et tragique. «En Afrique, Aline est une figure publique, mais en Europe, elle est méconnue, on n’a pas saisi son importance. Il y avait un devoir de mémoire à remplir.»
Employée comme bonne
Son enfance villageoise est marquée par la domination française, l’abandon des cultures vivrières au profit de l’arachide, le travail forcé. Aline nourrit sa révolte en écoutant les récits de son vieil ami Diacamoune, revenu de la guerre de 14-18, fidèle à la France mais maltraité par l’administration coloniale comme tous les tirailleurs. Pour aider sa famille, incapable de payer l’impôt obligatoire, la toute jeune fille s’engage comme docker à Ziguinchor, puis, les conditions étant vraiment intolérables, elle prend un emploi de bonne dans une famille française à Dakar.
Karine Silla s’appuie sur ce fait avéré pour mettre en parallèle la trajectoire d’Aline avec celle de son patron. Martin a choisi de faire carrière en Afrique en mémoire de son grand-père, inconsolable d’avoir dû quitter, par convenance sociale, le Sénégal, sa belle concubine et son enfant métis. Martin est le symbole du colon paternaliste, convaincu de sa mission civilisatrice, persuadé de la supériorité intrinsèque des Blancs, empreint de valeurs chrétiennes. Ce n’est pas un mauvais patron, mais comme le déclare Sartre, cité par Karine Silla: «Il n’est pas vrai qu’il y ait de bons colons et d’autres qui soient méchants: il y a des colons, c’est tout.»
LES VIEUX, ACTEURS DE LA PRÉVENTION ANTI-COVID AU SÉNÉGAL
Comment les personnes âgées ont-elles vécu le phénomène épidémique ? Comment ont-elles réagi face aux restrictions, et à l’évocation répétée de leur vulnérabilité médicale ? Une étude anthropologique a été menée de mars à décembre 2020
The Conversation |
Texte Collectif |
Publication 13/12/2020
La forte proportion de formes graves et de décès liés à la Covid-19 chez les personnes âgées – 60 ans et plus – a été signalée par l’Organisation mondiale de la santé dès l’apparition de l’épidémie en Chine. Les autorités sanitaires du Sénégal avaient très tôt reconnu la nécessité de protéger les personnes âgées considérées comme plus vulnérables.
Comment ces personnes âgées ont-elles vécu le phénomène épidémique ? Comment ont-elles réagi face aux mesures de restrictions, et à l’évocation répétée de leur vulnérabilité médicale ?
Une étude anthropologique, composante du programme Ariacov, a été menée au Sénégal de mars à décembre 2020. Elle est basée sur l’analyse de « journaux de l’épidémie » rédigés par dix enquêteurs répartis dans diverses localités du pays et sur les témoignages d’une quarantaine de personnes âgées vivant à Dakar et en banlieue.
Les conditions de logement et la place des personnes âgées dans les ménages
Au Sénégal, la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus est peu élevée : elles représentent 5,6 % de la population, et les 70 ans et plus, 2,2 %. La place et le rôle des personnes âgées dans les ménages urbains sont particuliers. À Dakar, selon le rapport 2020 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, 74 % des individus vivent dans des ménages de six personnes ou plus ; 68 % des individus vivent dans des logements surpeuplés (deux personnes ou plus partagent une seule pièce). La cohabitation intergénérationnelle est fréquente : la quasi-totalité des personnes âgées vivent avec d’autres adultes (Golaz & Antoine 2018).
Les conditions de vie des personnes âgées sont précaires. Moins du tiers d’entre elles disposent d’une pension de retraite leur permettant de contribuer à l’économie domestique. Celles qui n’ont pas de pension travaillent le plus longtemps possible avant d’être prises en charge par leurs proches. En cas de maladie, la faible efficacité du dispositif de protection sociale entraîne leur totale dépendance à l’égard des plus jeunes, alors qu’un tiers de la population est considérée en situation de pauvreté monétaire.
Les dépenses de santé sont ainsi l’une des principales préoccupations des personnes âgées. Bien que les personnes âgées soient, en proportion, peu nombreuses, le thème de leur vulnérabilité spécifique par rapport à la Covid-19 a donc concerné un grand nombre de ménages.
Les personnes âgées au centre de la circulation des informations dans les ménages
Dès la diffusion des premières informations sur l’épidémie, les personnes âgées se sont intéressées à l’événement. Elles se sont mises à suivre très attentivement les nouvelles diffusées par la presse nationale, via les radios et télévisions.
Un des rédacteurs confie :
« Ma grand-mère suit sans arrêt les informations, elle est tout le temps scotchée sur sa petite radio et elle partage ces infos avec la famille. »
Le caractère cérémonieux et dramatique du communiqué de presse matinal diffusé par le ministère de la Santé, qui détaille chaque jour le nombre de nouveaux cas, puis les décès et les localités concernées, a été rapidement considéré comme une marque de la gravité de la situation.
Dans les premières semaines, il était attendu et écouté avec attention : « à l’approche de 10 h, je n’ai aucune occupation, j’attends impatiemment le communiqué », témoignait un homme de 70 ans au mois de mars ; un observateur rapporte :
« Au village, à partir de 10h, tout le monde se place autour de la radio et attend le communiqué sur les cas de corona. »
La messagerie instantanée WhatsApp a été aussi communément utilisée par nombre de personnes âgées pour partager des informations sur l’épidémie, démultipliant les sources d’informations en favorisant les échanges personnalisés avec les membres de la famille résidant à l’étranger, dans différents pays alors fortement touchés par l’épidémie.
EN AFRIQUE, UNE COURSE AU VACCIN ANTI-COVID SEMÉE D'EMBÛCHES
Les pays riches sont accusés d’accaparer toutes les doses de vaccins disponibles et l’industrie pharmaceutique de ne penser qu’à ses bénéfices. Au détriment des populations africaines ?
Jeune Afrique |
Manon Laplace et Olivier Marbot |
Publication 13/12/2020
C’est un Antonio Guterres visiblement inquiet qui, le 10 décembre, tire une fois de plus la sonnette d’alarme. Reprenant une formule employée par le directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le secrétaire général des Nations unies met en garde contre le « nationalisme vaccinal » face à la pandémie de Covid-19. Un phénomène qui avance « à toute vitesse », déplore-t-il, dénonçant « les pays riches qui font la queue pour acheter des millions de doses de vaccins potentiels aux dépens des pays beaucoup plus pauvres ».
L’ONU plaide pour que les vaccins anti-Covid soient considérés comme un « bien public mondial », une proposition portée par l’Afrique du Sud et l’Inde notamment. Concrètement, cela implique que les laboratoires renoncent à leur propriété intellectuelle afin de favoriser la production en masse de vaccins à un faible coût.
Cela permettrait aussi de répartir les doses disponibles équitablement entre les pays, en fonction des besoins et non des moyens. C’est d’ailleurs tout le sens de Covax. Cette initiative, lancée en juin, vise en particulier à réserver des doses pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, tout en mutualisant le financement.
Mais à mesure que les essais sur les vaccins progressent, le front commun se fissure. Les belles promesses s’évanouissent. À ce stade, huit vaccins ayant atteint la phase 3 des essais cliniques font déjà l’objet de grands contrats d’approvisionnement passés directement avec des pays, indique Oxfam, s’appuyant sur les données collectées par la société d’analyse scientifique Airfinity. Parmi eux : le vaccin développé par Pfizer et BioNTech à 19,50 $ la dose, celui de Moderna (12 à 32 $ la dose) ou encore le vaccin développé par AstraZeneca et l’université d’Oxford, vendu pour sa part sans bénéfice entre 3 et 5 $ la dose. En plus d’être sensiblement moins cher, ce dernier ne nécessite pas d’être conservé à -70 degrés, un veritable avantage pour de nombreux pays en développement, ne possédant pas les infrastructures nécessaires.
Contrats bilatéraux favorisant les pays riches
Le problème, souligne-t-on chez Oxfam, c’est que dès le printemps, certains pays comme les États-Unis ont commencé à faire savoir aux laboratoires qu’ils souhaitaient pré-réserver de grandes quantités de doses de leurs vaccins en cours de développement. Des contrats bilatéraux ont été passés, en contradiction avec les discours officiels et les initiatives de « garantie de marché » comme Covax. Résultat : les pays les plus riches, représentant 14 % de la population mondiale, ont mis la main sur 53 % des doses de vaccins promises à court terme par les laboratoires. Si bien qu’à l’autre extrémité du spectre, 92 pays comptant 3,6 milliards d’habitants devront se partager 700 millions de doses. Sachant que la vaccination nécessite deux injections par patient.
« Le Canada a de quoi vacciner chacun de ses citoyens cinq fois, l’Union européenne deux fois, martèle-t-on chez Oxfam. Toutes les doses du vaccin Moderna et 96 % de celles de Pfizer/BioNTech ont été acquises par des pays riches. » Même des États qui, au départ, soutenaient l’idée d’un partage mondial équitable, à l’image de la France, ont fini par sécuriser leur approvisionnement, souligne Julia Heres Garcia, chargée de plaidoyer au sein de l’ONG.
AU JUGEMENT DERNIER, J'OBTIENDRAI DE BIEN MEILLEURES NOTES QUE CEUX QUI OSENT NOUS CONDAMNER
Lutte contre le coronavirus, relations avec ses voisins et avec la France, état des droits de l’homme dans son pays… Paul Kagame s’explique, parfois tranchant, toujours pragmatique
Jeune Afrique |
François Soudan et Nicholas Norbrook |
Publication 13/12/2020
«Le Wakanda existe, je l’ai rencontré ! » écrivait à la fin de mai une blogueuse américaine, enthousiaste à son retour du Rwanda, sur la plateforme web Medium. Pas de doute : vingt-six ans après l’Armageddon qui a dévasté ses mille collines, le pays du « président digital » Paul Kagame continue de fasciner des milliers de fans étrangers, dont bon nombre de jeunes diplômés africains, sidérés par le leapfrogging étourdissant qui le propulse au seuil de la quatrième révolution industrielle.
La pandémie de coronavirus qui a obligé le Rwanda à fermer ses écoutilles, lui dont le développement repose sur l’extraversion, va-t-elle remettre en question ce grand bond en avant ? Même si le bilan reste faible à ce jour (un peu plus de mille cas déclarés et une petite poignée de décès au 1e juillet), les conséquences de la mise en apnée forcée de l’économie rwandaise peuvent être lourdes. En particulier pour le redémarrage des grands chantiers (Kigali Innovation City et le projet de Cité verte entre autres, 7 milliards de dollars d’investissements à eux deux) et celui du tourisme haut de gamme.
Les prévisions de croissance pour 2020 étant ce qu’elles sont (2 %, au lieu des 9,5 % escomptés), les quelque treize millions de Rwandais devront donc une nouvelle fois tester leur capacité de résilience. Les vertus de discipline et d’ardeur au travail dont ils ont su faire preuve, sous la houlette d’un président désormais sexagénaire, pour qui démocratie rime avec ordre et sécurité plutôt qu’avec la conception occidentale des droits de l’homme et des libertés, devraient les y aider.
Jeune Afrique : Le Rwanda est jusqu’ici relativement peu touché par la pandémie de coronavirus, mais le nombre de cas déclarés augmente. Comment gérez-vous cette situation ?
Paul Kagame : Du mieux que nous le pouvons. Le confinement nous a beaucoup aidés : il a permis de mettre en place un processus rigoureux de tests, d’isolements et de traitements. Mais, avec le déconfinement progressif, il y a eu une résurgence de cas importés de chez nos voisins dans certains districts frontaliers. Pour l’essentiel, ces contaminations sont le fait de chauffeurs routiers qui transportent des marchandises en provenance des ports de Mombasa et de Dar es-Salaam. Il nous a donc fallu prendre de nouvelles mesures restrictives dans les régions affectées, en coordination, bien sûr, avec les autorités ougandaises et tanzaniennes, car il ne s’agit pas de mettre qui que ce soit à l’index ni de prétendre que l’épidémie n’a pas d’aspects purement endogènes. Nous avons su gérer la maladie dans les centres urbains, nous faisons maintenant de même en zone rurale.
Vos quatre voisins ont-ils pris des mesures nécessaires et suffisantes pour faire face ?
Il serait malvenu de ma part de porter quelque jugement que ce soit. Je constate de manière générale que, si chacun est conscient du problème, tout le monde ne réagit pas de la même manière. Certains sont dans le déni, d’autres non. Certains jouent la carte de la transparence quant au nombre de cas, d’autres moins. Ce que nous devons tous comprendre, c’est qu’aucun d’entre nous ne peut faire face seul à cette pandémie. L’attitude de chaque pays affecte les autres, et réciproquement. La coopération est donc absolument indispensable.
Le Rwanda a beaucoup misé sur le tourisme, qu’il s’agisse de l’écotourisme haut de gamme ou du tourisme de conférence. Or, ces deux secteurs sont très durement touchés par la crise. Comment comptez-vous limiter les dégâts ?
D’abord, en encourageant les Rwandais eux-mêmes à visiter leur pays, au rythme du déconfinement des zones d’attraction touristique. Certes, beaucoup ne disposent pas de moyens financiers équivalents à ceux des visiteurs étrangers, mais peu est toujours mieux que rien. Ensuite, en créant toutes les conditions, notamment sanitaires, pour que ces derniers puissent revenir au Rwanda en toute sécurité. Soit ils se font tester avant leur arrivée à Kigali, soit nous les testons sur place puisque nous en avons les moyens.
Plus que tout autre pays africain, vous avez fait le pari de l’économie digitale. Cela vous a-t-il permis de mieux combattre la pandémie ?
Assurément, et cela nous aidera à reconstruire ce qui a été endommagé. Des solutions digitales innovantes made in Rwanda ont été créées pour tracer les mouvements du coronavirus à travers le pays. Elles nous ont permis de limiter les transmissions et les infections. C’est un secteur essentiel sur lequel nous allons nous appuyer pour faire redémarrer notre économie.
Après les nouvelles alliances de la majorité, c’est au tour de l’opposition de se refaire une nouvelle santé, en vue de faire face à la composition du camp d’en face et de préparer les prochaines échéances électorales
L’entrée d’Idrissa Seck dans le régime est un séisme dont les ondes de choc sont encore ressenties. Alors que le dialogue politique butait sur certaines questions majeures dont celle relative au chef de l’opposition et de son statut, le remaniement ministériel du 1er novembre est venu résoudre cette équation. Les choses deviennent plus claires. Idrissa Seck, nouvel allié du pouvoir, est exclu de la liste ; Me Abdoulaye Wade, handicapé par l’âge, son fils hors du pays, les regards se tournent alors vers le leader du Pastef. Qui, depuis quelque temps, entre dans le nouveau rôle d’homme fort de l’opposition.
Ousmane Sonko multiplie, à cet effet, les concertations avec certains leaders de l’opposition dont le dernier en date est Khalifa Sall. A propos de cette rencontre avec le leader de Taxawu Senegaal, Sonko parle d’une ‘’longue, instructive et prometteuse entrevue’’.
Avant l’ancien maire Dakar, le 3e à la dernière Présidentielle de 2019 a également rencontré son collègue parlementaire Cheikh Bamba Dièye. Les discussions auraient révélé des points de convergence. Et 24 heures plus tôt, Sonko a organisé une rencontre de réconciliation entre Barthélémy Dias et Me Moussa Diop, ancien Directeur général de Dakar Dem Dikk.
Aujourd’hui, l’opposition sénégalaise, disloquée après le dernier remaniement ministériel, se fixe un nouvel objectif : se refaire une nouvelle santé avec ceux qui restent. D’autant que la coalition au pouvoir s’est considérablement renforcée avec Idrissa Seck, Oumar Sarr, Aissata Tall Sall et les autres responsables politiques qui viennent de rallier Benno Bokk Yaakaar.
Ceci fait ainsi dire au leader du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubël que ces concertations sont la réaction naturelle, après la nouvelle reconfiguration politique. ‘’On ne pouvait pas rester les bras croisés. Il fallait faire quelque chose et essayer de se retrouver. Chaque instant de la vie appelle à une interpellation, une action ou une réaction. C’est dans le cours normal des choses. Il y a quelque chose de nouveau, et certains se sont découverts pour faire de l’opposition. Les gens étaient surpris. Cela a amené une nouvelle donne au sein de l’opposition. Il faut se réorganiser, c’est normal. Le contraire aurait surpris’’, déclare Cheikh Bamba Dièye.
Pour lui, que l’opposition raffermisse ses rangs, que les gens cherchent à se retrouver, c’est très normal. C’est une compréhension de la politique et des enjeux du moment. ‘’Il y a une politique lointaine qui va jusqu’en 2024. Donc, tout ceci mis en situation, te donne énormément de raisons de tout faire pour que l’opposition se retrouve’’, indique le parlementaire.
‘’Une vision de long terme à construire ensemble’’
Le journaliste Ibrahima Bakhoum est aussi d’avis que ces hommes politiques ont tout intérêt à se regrouper et à cheminer ensemble dans l’opposition. L’analyste politique rappelle, à cet effet, que cela fait longtemps qu’un seul parti ne peut plus remporter des élections au Sénégal. ‘’On peut rester seul à mener ses actions soi-même, ce qui est extrêmement difficile, vu ce que cela va demander comme moyens, comme présence. Mais il vaut mieux aller se regrouper, même si cela permet de se faire de l’éclairage entre eux. Séparément, il n'y aurait pas de la lumière. Ils peuvent aller ensemble pour se rassurer ou dans une perspective de conquête du pouvoir plus tard’’, souligne le journaliste formateur.
Le délégué général de Yonu Askan Wi considère qu’il ne sert à rien d’avoir 50 000 partis dans l’opposition aussi faibles les uns que les autres, alors qu’ils ont les mêmes objectifs. Madièye Mbodj pense qu’il est dès lors judicieux que ceux qui peuvent être ensemble sur des bases politiques, idéologiques, puissent le faire afin qu’il y ait une fusion des différentes entités politiques à partir d’une vision stratégique commune. ‘’C’est une démarche stratégique, une vision de long terme qu’il faut construire ensemble, pour que ce projet de fusion puisse aboutir et produire les effets attendus’’, fait savoir l’allié d’Ousmane Sonko.
Pour qui, il faut cependant un parti qui puisse être le fer de lance de cette dynamique. ‘’Il faut un front large de toutes les forces patriotiques pour prendre en charge les échéances électorales et les luttes sociales’’, laisse-t-il entendre.
Pour le moment, le député du FSD/BJ estime qu’il est prématuré de parler d’alliance au sein de l’opposition, même si cette possibilité n’est pas exclue. Cependant, dit-il, l’heure est plutôt à la ‘’réunification, afin de prendre ensemble en charge les combats de l’instant dont l’un est la régulation du processus électoral, la tenue des élections à date échue. Cela est une convergence naturelle que nous avons avec tous les acteurs politiques de l’opposition. L’appétit venant en mangeant, on verra, à chaque étape, ce qu’il faudra faire ou ce qu’il ne faudra pas faire’’.
Les obstacles à surmonter
Seulement, la tâche risque d’être ardue pour les initiateurs de ces alliances qui devront surmonter quelques obstacles parmi lesquels la majorité. D’après Ibrahima Bakhoum, quand le pouvoir se sentira menacé par ce nouveau regroupement, il ne va pas croiser les bras, car cela représente une menace pour sa stabilité. La solution sera, d’après l’analyste politique, d’essayer de casser la dynamique, comme cela se fait habituellement.
Autre l’obstacle pour ces alliances naissantes : elles devront également faire face au problème ‘’des idéologies et des centres d’intérêt’’. Qu’en sera-t-il alors de leur avenir ? Quand on sait qu’Ousmane Sonko est défini comme le plus radical des opposants.
Sur la question, Cheikh Bamba Dièye rappelle que la vie est un combat et une recherche permanente de solutions. ‘’Si on est guidé par l’intérêt du Sénégal, on ne s’arrêtera jamais de rechercher les voies et moyens pour soulager les souffrances et retards de développement. Un acteur politique responsable est dynamique. A chaque situation, il cherchera les voies et moyens pour concrétiser son projet et faire en sorte de mieux participer au développement de son pays’’, dit-il.
Le parlementaire indique ainsi que chaque situation entrainera une lecture propre qui leur permettra de voir quels sont les voies et moyens d’atteindre les objectifs fixés. ‘’Et l’objectif immédiat, aujourd’hui, est la régularité du processus électoral, avoir un équilibre minimal sur ce qui va, demain, faire le Sénégal. Ces combats nous interpellent individuellement et collectivement. Sur ces combats qui nous réunissent et sur lesquels on peut se retrouver, il est tout à fait normal, louable que les acteurs politiques majeurs de ce pays se rencontrent, discutent, échangent et essayent de voir ce qu’ils peuvent faire ensemble’’.
Pour Ibrahima Bakhoum, il n’y a pas à être optimiste ou pessimiste sur l’avenir de ces alliances, mais seulement observer l’évolution de l’espace politique national. ‘’Si Khalifa Sall lui-même est déçu du système, il va dire qu’il faut le changer. Mais c’est quelqu’un qui est né et a grandi dans le système et s’y est construit. S’il trouve qu’il faut finalement le changer, c’est bien. Mais il faut une personnalité hors du système pour porter le combat de l’antisystème. De manière réaliste, c’est compréhensible qu’il puisse aller avec Ousmane Sonko’’.
Bakhoum s’interroge, en outre, sur les vraies cibles du changement. ‘’Est-ce que c’est le système qu’ils veulent changer ou la personne qui l’incarne ? Dans quelle mesure se trouve Khalifa Sall ? Et dans quelle logique se trouve quelqu’un d’autre qui a déjà bénéficié de tout le système, mais qui veut le changer ?’’.
Pendant ce temps, Madièye Mbodj de Yonu Askan Wi trouve louable l’initiative d’Ousmane Sonko de travailler à créer les conditions d’un changement de rapport de force. Toutefois, avertit-il, le leader du Pastef ne pourra pas régler tous les problèmes. ‘’Il y a eu beaucoup d’expériences d’alliances au Sénégal qui n’ont pas tenu, car il fallait des bases politiques sûres, avec des convergences fortes en termes de vision et de projet de société, de projet de développement, de responsabilisation du citoyen, de construction de l’Etat. Nous avons dit que nous sommes pour qu’on puisse mettre en place un front uni anti-impérialiste, panafricaniste qui puisse mettre ensemble les différents secteurs populaires. Mais cela ne se construit pas du jour au lendemain’’.
VIDEO
DÉFIANCE À L'ÉGARD DES VACCINS ANTI-COVID EN AFRIQUE
Une récente étude réalisée au Cameroun, Sénégal, Bénin et Burkina Faso révèle que près de 7 personnes sur 10 n'accepteraient pas le vaccin contre le Coronavirus. Comment expliquer une telle réticence ?
Une récente étude* réalisée au Cameroun, Sénégal, Bénin et Burkina Faso révèle que près de 7 personnes sur 10 n'accepteraient pas le vaccin contre le Covid-19. Comment expliquer une telle réticence ?
(* Source : étude Coronavirus Anthropologie Afrique (CorAf) : Circulation de l'information, interprétations et effets sociaux, programme ARIACOV)
par Damien Glez
VIDEO
EN TANZANIE, LE BÉGAIEMENT INTERDIT DEVANT MAGUFULI
Parce qu’il ne parvenait pas à prêter serment, un député tanzanien a perdu son poste de ministre. Une sentence irrévocable de l’intraitable président John Magufuli
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 12/12/2020
Trac, bégaiement, alcoolémie excessive, coquetterie qui interdit de porter des lunettes en public ou maîtrise imparfaite du swahili ? Le 9 décembre dernier, Francis Ndulane échouait à prêter serment au poste de ministre adjoint au ministère des mines.
Depuis, la vidéo circule sur Twitter. Sans l’excuse de la mémoire défaillante – on lui tend le texte qu’il doit prononcer –, le député hésite, bute sur certains mots, se dandine, rapproche puis éloigne le texte de son visage, reprend par moment des phrases entières…
Sentence impériale
Avant qu’une de ces tentatives de serment soit couronnée de succès, le chef de l’État, manifestement agacé, fait un signe qui ressemble aux sentences impériales dans les combats de gladiateurs. Le maître de cérémonie retire le texte des mains du presque ministre, qui est invité à descendre de l’estrade.
Dans la salle, des invités esquissent des sourires moqueurs et des hochements de tête désabusés. Le couperet tombe rapidement : Francis Ndulane devra se contenter de son siège à l’Assemblée nationale. John Magufuli a tranché : « Je donnerai ce poste à quelqu’un qui peut prêter serment correctement ».
La cruelle sanction inspire de la compassion à certains internautes, qui imaginent la pression subie en des instants aussi solennels, et d’autres évoquent tout à la fois la solidarité due aux bègues présumés et les compétences du député qui aurait pu « exceller dans ses fonctions ».