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1 juillet 2025
«AU SENEGAL, 9% DE LA POPULATION SONT PORTEURS CHRONIQUES DE L’HEPATITE B»
Selon la coordonnatrice du programme de lutte contre l’hépatite, Pr Aminata Sall Diallo, 9% de la population au Sénégal sont porteurs chroniques du virus de l’hépatite B.
La Journée mondiale contre l’hépatite est célébrée chaque année le 28 juillet afin de mieux faire connaître cette maladie virale, une inflammation du foie qui entraîne de graves complications, dont le cancer du foie. Selon la coordonnatrice du programme de lutte contre l’hépatite, Pr Aminata Sall Diallo, 9% de la population au Sénégal sont porteurs chroniques du virus de l’hépatite B.
L’hépatite B constitue un problème de santé publique. Le nombre de personnes souffrant d’une infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHb) est estimé à 240 millions parmi lesquels 650 000 meurent chaque année des complications de cette maladie, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (Oms).
La prévalence du portage de l’antigène de surface du virus de l’hépatite B (AgHBs) est particulièrement variable, selon la zone géographique. Selon la coordinatrice du programme de lutte contre l’hépatite au Sénégal, la prévalence du porteur chronique de l’hépatite B est de 9%. «Dans 90% des cas, on observe des formes asymptomatiques et dans les 10%, il y a une très grande fatigue, une perte d’appétit, l’anorexie, quelques troubles digestifs comme la diarrhée», explique Pr Aminata Sall Diallo avant de revenir sur les modes de transmission. «Il y a la transmission verticale notamment mère-enfant qui est constatée généralement au moment de l’accouchement. On a la transmission horizontale, c’est-à-dire qui se fait de personne à personne par l’intermédiaire des objets souillés avec du sang venant d’un sujet qui est porteur comme la brosse à dents. Enfin, il y a la transmission par le sang. L’hépatite B est une maladie sexuellement transmissible», dit-elle.
A l’en croire, la situation de l’hépatite B s’est beaucoup améliorée. «En 1999, nous avions 17% de la population qui étaient des porteurs chroniques du virus. En 2020, la prévalence du porteur chronique de l’hépatite est de 9%. Cela veut dire que nous avons perdu 8 points de prévalence», souligne-elle.
Interpellée sur la lutte contre l’hépatite dans ce contexte de pandémie, Pr Aminata Sall Diallo estime que le vaccin contre cette maladie a été introduit dans le programme élargi de vaccination (Pev). «Depuis 2 ans, nous avons rendu accessibles les médicaments et avons décentralisé la prise en charge dans les différentes régions du Sénégal. Mais par contre, comme toutes les autres pathologies, il y a un impact de la Covid-19 parce que les gens ne fréquentent plus tellement les structures hospitalières et ne respectent plus leur rendez-vous», déplore-t-elle.
De l’avis du Pr Aminata Sall Diallo, le traitement contre l’hépatite ne s’arrête pas. «Quoi qu’il advienne, il faut qu’ils puissent prendre leurs médicaments sans interruption et faire des contrôles régulièrement. «Je voudrais dire aussi aux parents que la vaccination à la naissance est primordiale pour lutter contre l’hépatite B. Quand on parle de personnes vulnérables, on pense à celles qui souffrent de troubles pulmonaires et cardiaques. Elles sont plus vulnérables que les personnes souffrant d’hépatite», indique la coordonnatrice de l’hépatite au Sénégal.
La tranche d’âge la plus touchée, ce sont les 20 ans à 49 ans et ils sont le réservoir de virus. «Il y a très peu de porteurs chroniques dans la population infantile. En termes de région, nous n’avons pas vu de différence significative entre les différentes régions», souligne-t-elle.
«L’ETAT N’A MALHEUREUSEMENT PAS PRIS LES BONNES DECISIONS»
La langue de bois, ce n’est pas le dada de Dr Amadou Yéri Camara. Le Secrétaire général du Syndicat Autonome des Médecins du Sénégal (Sames) et médecin-chef de la région de Sédhiou aime asséner ses vérités, quitte à heurter.
La langue de bois, ce n’est pas le dada de Dr Amadou Yéri Camara. Le Secrétaire général du Syndicat Autonome des Médecins du Sénégal (Sames) et médecin-chef de la région de Sédhiou aime asséner ses vérités, quitte à heurter. Dans cet entretien qu’il a accordé à «L’As», il a décrié la gestion de la Covid-19 par l’Etat, s’est ému du manque de respirateurs artificiels dans les régions avant d’analyser l’augmentation des cas graves et des décès.
En tant que chef de la région médicale de Sédhiou, quel diagnostic faites-vous de la maladie de la Covid-19 dans la région de Sédhiou ?
A l’instar des autres régions du Sénégal, la région de Sédhiou a enregistré des cas de coronavirus. A ce jour, nous avons noté 119 cas qui étaient constitués de trois malades graves et 116 malades dans un état stable. Les 117 patients ont été guéris et deux patients sont décédés de la maladie. Ils ont été référés au centre de santé. Et à leur arrivée, nous avons constaté qu’ils avaient le virus. En dehors de cela, nous avons eu à suivre plus de 1 500 personnes en termes de contacts.
A votre avis, qu’est-ce qui explique l’augmentation du nombre de cas graves et de décès ?
Pour moi, c’est mathématique ; plus les cas augmentent, plus la maladie a tendance à atteindre les personnes vulnérables. Il s’agit des personnes âgées, des sujets souffrant de maladies chroniques et des personnes qui ignorent même leur état de santé dont la circonstance de découverte de comorbidité est constituée par l’infection à coronavirus. Dans ce cas, il faut dire que le Sénégal, comparé à l’Europe, est à moins de risque. Nous avons une létalité de 19 pour 1000 au moment où la létalité en Europe est de 65 pour 1000 ; aux Etats-Unis c’est 39 pour 1000. Cependant, il faut modérer notre enthousiasme, parce qu’au moment où nous avons ce taux de létalité, l’Afrique est à 16 pour 1000. Nous avons plus de cas de décès par rapport à la moyenne générale en Afrique. Donc si nous voulons diminuer le nombre de décès, il faudrait que l’on mise sur la prévention mais aussi qu’on réduise le nombre de personnes infectées par la maladie. Tant qu’il y aura des cas, il y aura des décès. Lorsque nous aurons 1 million de cas, nous aurons 19 000 décès. Par conséquent, il est urgent de prendre des mesures qui permettent de diminuer ce niveau d’infections. Seule la prévention peut être efficace. Et à ce stade, notre principal outil de prévention est le port du masque. Malheureusement, nous avons constaté un relâchement général. Chacun doit être responsable. On doit savoir qu’en ne respectant pas les mesures, on met en danger une personne vulnérable. Cela peut être nos parents, un ami ou une personne qui est loin des déplacements.
Dans les régions, dispose-t-on d’assez d’équipements, surtout de respirateurs artificiels pour faire face aux cas graves?
En dehors de Dakar, Thiès et Diourbel et un peu Ziguinchor, la plupart des hôpitaux régionaux n’ont pas un plateau technique qui leur permet de prendre en charge les malades. Une zone comme la Casamance, il n’y a que l’hôpital de Ziguinchor qui fonctionne. Dans d’autres zones, il n’y a pas de réanimation pour les malades de la Covid. Toutes les populations ne sont pas logées à la même enseigne, en matière de prise en charge. Donc, il est urgent que l’Etat fasse des pieds et des mains et mette à contribution la diplomatie nationale et internationale pour qu’il y ait une uniformité à la dotation aussi bien en matière de ressources humaines expérimentées que d’équipements dans les centres de traitement. C’est une maladie nouvelle, il ne faut pas prendre des jeunes qui n’ont pas encore l’expérience et les laisser se battre contre quelque chose de nouveau. L’Etat doit faire de son mieux pour que les réanimateurs expérimentés soient dans les centres de traitement et qu’il y ait des respirateurs aux normes. Si l’Etat s’y met avec la coopération internationale, on peut doter chaque région d’un service de réanimation adéquat, parce que c’est urgent.
Etes-vous satisfait de la gestion de la Covid-19 sur le plan médical ?
Je pense que nous étions sur un bon départ au début, mais il y a un moment que les choses ont déraillé. Nous n’avons plus compris la stratégie, ils ont pris des mesures contradictoires. A un moment donné, on ne s’est focalisé que sur le riz. Pendant deux mois, nous nous sommes focalisés sur cela. En ce moment, il faut que l’on redéfinisse les priorités. Pour moi, la priorité est d’équiper le plus rapidement possible les régions du Sénégal en matière de matériels de réanimation. Nous sommes très déçus de cette prise en charge parce que l’Etat n’a pas joué sur les bons leviers. Tout ce que l’on peut faire, c’est d’équiper les structures. Dans le cas contraire, les personnes continueront à venir dans les structures et à mourir. En amont, il faudrait faire de sorte que l’infection diminue en mettant au cœur de la riposte les médecins chefs de district (Mcd). Cela est aussi un gros échec, parce que l’on a voulu attendre au bout de la chaîne avant de prendre des mesures. «On pensait amener des malades dans les structures sans donner les moyens aux Mcd, parce que ce sont eux les véritables spécialistes de la santé publique. La majorité de ceux qui parlent dans les médias n’ont jamais fait face à une épidémie. Ceux qui luttent contre les épidémies, ce sont les Mcd, la division de l’épidémiologie, la direction de la prévention. Ce sont leurs cœurs de métier, mais on les a mis à l’écart. Nous sommes dans une politique spectacle où l’on a dépossédé les Mcd de leurs spécialités. Finalement, on revient aux fondamentaux lorsqu’ils sont face au mur. Une partie de la population aussi ne nous a pas aidés, car certaines personnes ne croient pas à la maladie. L’Etat devait donner le ton mais malheureusement, il n’a pas pris les bonnes décisions et nous espérons qu’il va se ressaisir. En Europe, comme l’Italie par exemple, ils ont corsé les amendes. Celui qui ne veut rien entendre, il ne faut pas qu’il mette en danger les autres.
A quand peut-on s’attendre à la disparition du virus au Sénégal ?
Ce virus va disparaître lorsque chaque Sénégalais aura un comportement responsable, en portant son masque, mais aussi en se déplaçant moins et en respectant les gestes barrières. Si on continue comme cela, personne ne peut dire quand on va se départir de ce virus. Parce que les histoires d’immunité collective, c’est de la supercherie la plus totale. Comment peut-on parler d’immunité alors qu’on n’est même pas sûr que ce virus donne une immunité pendant une longue période. On parle de 3 semaines ou de deux mois, et vous pensez que c’est sérieux de faire contracter la maladie à bon nombre de personnes. Les pays qui l’ont adopté se sont retrouvés avec des taux de contamination très élevés.
En outre, nous déplorons les attaques incessantes que l’on a reçues par messages vocaux, les attaques par voie de presse et aujourd’hui une attaque physique contre le Professeur Moussa Seydi. L’Etat doit montrer sa détermination pour réprimer cette personne comme si c’était un homme politique qui était l’objet d’insultes. Cette détermination pour protéger les hommes politiques, les agents de santé la méritent aussi amplement.
«DES REWMISTES MANŒUVRENT POUR DES RETROUVAILLES IDY-MACKY»
Le débat autour de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale circule dans les chaumières. Le directeur de l’école du parti Rewmi Yancouba Seydi, le confirme à mis mot.
Le débat autour de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale circule dans les chaumières. Le directeur de l’école du parti Rewmi Yancouba Seydi, le confirme à mis mot. Toutefois, il indique que Idrissa Seck n’a pas besoin d’entrer dans un gouvernement d’union nationale formé par le Président Macky Sall. Invité de l’émission «Rfm Matin», il accuse certains de ses camarades de parti de manœuvrer pour ce rapprochement entre les deux hommes.
Le silence du président du parti Rewmi détonne et intrigue bon nombre de Sénégalais. Certains observateurs de la scène politique l’interprètent même comme le résultat de probables discussions souterraines qu’il aurait avec le Président Macky Sall qui souhaite l’enrôler dans un gouvernement d‘union nationale. Mais pour le directeur du parti de Rewmi, une telle éventualité n’est qu’une vue d’esprit. «Les valeurs qu’Idrissa Seck incarne ne riment même pas avec ce que les gens disent de lui.
Le parti Rewmi n’a pas besoin de faire partie d’un gouvernement d’union nationale», soutient avec fermeté le professeur d’anglais au Cesti. A l’en croire, Idrissa Seck ne fera pas partie des membres de l’éventuel gouvernement d’union nationale que le Président Macky Sall serait en train de peaufiner.
En bon défenseur du leader de Rewmi, Yankhoba Seydi dépeint Idrissa Seck comme un homme incarnant de valeurs suprêmes. « Nous sommes un parti politique et nous comptons participer aux prochaines élections », déclare-til à qui veut l’entendre. Toutefois, il révèle que des responsables de Rewmi manœuvrent pour le rapprochement entre Macky Sall et Idrissa Seck. Mais pour lui, cela n’aboutira pas. «Le Président Idrissa Seck n’a parlé avec personne et ne compte aller nulle part», clame Yankhoba Seydi sur Rfm Matin.
Joint au téléphone par L’As pour commenter cette sortie du responsable de l’Ecole de Rewmi qui pourrait susciter moult interrogations dans le landerneau politique nationale, le porte-parole de l’Apr ne semble pas emballer. «Cela ne nous concerne pas. A l’Apr, on respecte les frontières des différentes organisations. Nous ne sous immisçons pas dans leurs affaires internes », a martelé Seydou Guèye. Toujours est- il qu’une rumeur de remaniement du gouvernement embaume l’espace politique où les acteurs semblent tétanisés par l’habileté du chef de l’Etat qui n’a plus de répondants dans l’espace publique que le Pastef de Ousmane Sonko et les activistes.
LES REPERCUSSIONS AU SENEGAL D’UN SUCCÈS DU POUVOIR SPIRITUEL VIS-A-VIS DU POUVOIR POLITIQUE
Selon Moussa Diaw, enseignant, chef de la section politique de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, l’exemple du célèbre prêcheur malien et figure de proue de la contestation du M5, Imam Dicko peut bien inspirer nos leaders politiques religieux
Au Mali, le président IBK est contesté pour sa gestion de la situation sécuritaire jugée calamiteuse par ses détracteurs. Toutefois, en ligne de mire de cette coalition hétéroclite, le M5 auquel est confronté Ibrahima Boubacar Keita, un imam à la place d’un opposant au régime. Pourtant, Mahmoud Dicko est l’un des artisans de la victoire de l’actuel Président Malien en 2013. Au Sénégal voisin où l’Islam joue un rôle de premier plan dans la résolution de conflits politiques et sociaux, l’influence de Dicko pourrait à bien des égards changer les rapports entre le spirituel et le temporel et instaurer un nouveau paradigme. Une assertion très plausible selon Moussa Diaw. A en croire l’enseignant, chef de la section politique de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, l’exemple du célèbre prêcheur malien et figure de proue de la contestation du M5, Imam Dicko peut bien inspirer les leaders politiques religieux sénégalais.
Il va sans dire que la configuration islamique du Sénégal et du Mali ne sont pas les mêmes. En proie à des assauts répétés des djihadistes dans le Nord du pays depuis 2012, le gouvernement malien est confronté, depuis le grand rassemblement organisé le 5 juin dans la capitale Bamako par une coalition hétéroclite dirigée par le célèbre prédicateur Imam Mahmoud Dicko, à une nouvelle problématique qui risque de faire basculer le pays dans une impasse politique. Car le M5 est catégorique.
D’ailleurs, la coalition contestataire est toujours déterminée à utiliser la voix de la rue pour faire abdiquer IBK. En outre, à la suite du sommet tenu lundi par visioconférence sur la situation du Mali après l’échec de la médiation des Chefs d’Etats dont Macky Sall, la CEDEAO a demandé la démission immédiate de 31 députés y compris le président du Parlement.
Toutefois, il est à constater que celui qui a tenu tête au pouvoir malien n’est même pas un opposant au régime encore moins un politique. Mais un imam, un religieux. Mais qu’en est-il de son influence sur l’espace politique sénégalais et de la sous-région ? Toutefois, il est à rappeler que les relations entre les politiques et les religieux ont connu quelques soubresauts. A ce titre, il faut noter la farouche opposition des guides religieux à la pénétration occidentale.
En outre, l’exemple le plus patent de ces relations conflictuelles entre le spirituel et le temporel est l’incarcération du leader politico-religieux Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum, par ailleurs fondateur du Parti de la Solidarité Sénégalaise avec d’autres personnalités en 1959, par le régime de Senghor après qu’ils ont contesté les résultats issus des élections.
Toutefois, il faut rappeler que les hommes religieux sont aussi distingués par leurs capacités à être des régulateurs sociaux. Les guides spirituels interviennent souvent dans la sphère politique pour réconcilier des hommes politiques qui se sont brouillés.
Des fois, ils sont appelés à la rescousse par l’administration centrale afin de jouer les médiations entre l’Etat et les populations. A ce titre, il faut noter la sortie fracassante du Khalife général des Tidianes sur la gestion de la crise de Covid-19.Il avait demandé, en présence du président de la République, au pouvoir public de tenir un langage de vérité envers les populations en disant toute la vérité sur la maladie. Tout ceci montre que les hommes religieux, bien que restés dans la tradition c’est-à-dire concentrés sur leurs missions divines, n’hésitent pas à s’immiscer dans le champ politique pour diverses raisons.
Mais avec le succès ou le triomphe de l’Imam Dicko qui s’est présenté comme une alternative crédible face aux difficultés du peuple malien, va-t-on assister au Sénégal à un changement de rapports entre le pouvoir politique et celui spirituel ? D’ailleurs, il est même assez fréquent dans des débats que des personnalités politico-religieuses, notamment celles proches des familles religieuses, présentent les leaders religieux comme des détenteurs de salut face aux difficultés du peuple.
MOUSSA DIAW : «MAHMOUD DICKO PEUT CONSTITUER UNE REFERENCE POUR LES LEADERS POLITICO-RELIGIEUX»
La figure de proue de la Coalition M5, Imam Mahmoud Dicko peut bien inspirer les leaders religieux sénégalais. C’est du moins l’analyse de l’Enseignant-chercheur à l’UGB. « L’imam Dicko peut constituer une référence pour les leaders politiques religieux. Parce qu’au Sénégal, il y a certains parmi ces leaders qui jouent sur deux tableaux à savoir celui de la politique et du religieux. Il peut même inspirer certains dans leurs discours » a commenté l’analyste politique pour « L’AS ».
D’autant que ces leaders, poursuit-il, sont en mal de construire un discours car au Sénégal, il y a des confréries. Mieux, à l’en croire, même si le religieux se considère toujours à part, quand on observe bien la laïcité au Sénégal, on se rend compte que c’est une laïcité exceptionnelle tout à fait différente de ce qui se passe en France. Ce qui fait que, dit-il, au Sénégal, la collaboration étroite entre le politique et le religieux est bien visible.
En témoigne, martèle l’Enseignant-Chercheur, la position des religieux dans les crises sociales. « L’exemple de Mahmoud Dicko peut être une référence pour les leaders religieux politiques dans leurs stratégies de mobilisation pour la conquête de l’espace politique, puisqu’il y en a parmi eux qui ont des partis politiques », argumente Moussa Diaw. Mais le problème, dit-il, c’est qu’au Sénégal, nous avons un Islam confrérique. Donc, agrémente-t-il, pour conquérir toutes ces confréries, il faudrait tenir un discours rassembleur. Ce qui, note-t-il, n’est pas évident. « Car il faudrait un discours qui va transformer les différences confrériques pour pouvoir associer les populations par rapport à une préoccupation. Ce qu’Imam Dicko est arrivé à faire, les leaders politiques religieux sénégalais peuvent aussi le réussir. Il ne suffit, pour eux, que de tenir un discours rassembleur par rapport aux difficultés auxquelles les politiques peinent à trouver des solutions comme la pauvreté, la corruption et autres sujets », note-t-il.
D’ailleurs, ajoute-t-il, c’est là où le discours pourrait percer et cristalliser toutes les tensions et les mécontentements pour pouvoir fédérer afin de jouer un rôle important de mobilisation autour de ces facteurs.
Toutefois, précise-t-il, il faut replacer la situation au Mali dans son contexte. Le Mali, dit-il, comme le Sénégal, est un pays laïc. Mais comme ici au Sénégal, la séparation du pouvoir spirituel et temporel n’est que théorique. Mieux, il faut aussi rappeler la situation difficile qu’est en train de traverser le Mali avec des assauts répétés de djihadistes », commente-t-il.
Ainsi, selon Moussa Diaw, c’est ce vide politique dû à la défaite de l’Etat malien face à la crise sécuritaire qui a propulsé le discours de l’Imam Mahmoud Dick
LE NOUVEAU RECTEUR D'USSEIN PROMET D’ASSEOIR UNE UNIVERSITÉ D’EXCELLENCE
Le nouveau recteur de l’Université du Sine-Saloum El Hadji Ibrahima Niass a pris fonction hier. Le Pr Ndèye Coumba Kane Touré a promis de faire de l’Ussein une université d’excellence
Le nouveau recteur de l’Université du Sine-Saloum El Hadji Ibrahima Niass a pris fonction hier. Le Pr Ndèye Coumba Kane Touré a promis de faire de l’Ussein une université d’excellence.
Amadou Tidjane Guiro, recteur de l’Université El Hadji Ibrahima Niass, a fait ses adieux hier. Le nouveau recteur, Ndèye Coumba Kane Touré, a été officiellement installé hier. La cérémonie de passation de service, présidée par Amadou Abdoul Sow, directeur de l’Enseignement supérieur, a eu lieu au campus de l’Ussein, à Sing-Sing, en présence des autorités administratives et de diverses personnalités.
Ndèye Coumba Touré, professeur titulaire des universités, spécialisée en bactériologie-virologie, a salué les jalons posés par le Pr Amadou Tidiane Guiro qui a permis le démarrage des cours. «Il nous revient donc, avec détermination, de consolider les acquis appréciables de l’université et d’emprunter la voie de l’innovation et du changement pour la porter résolument et de façon continue vers l’excellence, afin d’accroître son rayonnement sur l’échelle nationale, africaine et internationale. Tout ceci selon une approche participative et inclusive », a soutenu Ndèye Coumba Kane pour qui le leader éclairé de son prédécesseur sera une source formidable d’inspiration. « Nous sommes déterminées à asseoir une réputation d’excellence de l’université, tant sur le plan de la recherche qu’au niveau de l’enseignement. Nous sommes déterminées à enrichir l’expérience des étudiantes et des étudiants, de même que celle des employés et des partenaires. Et nous sommes déterminées à soutenir l’engagement de notre communauté en participant activement à la conception de solutions afin de faire face individuellement et collectivement aux enjeux sociétaux qui nous interpellent », a-t-elle dit.
A en croire le nouveau recteur, l’Ussein sera ce creuset d’excellence qui contribuera de façon décisive à la formation de citoyens responsables et aptes à faire face aux défis multiples dans une société complexe. « L’éducation constitue le socle de toute société en quête de prospérité et de richesse, pas seulement dans les acceptions économiques et financières mais aussi dans la prise en compte des aspects liés à l’humanisme, à la justice, à la vérité, à l’équité et à toutes les facettes de la dignité humaine, sans oublier la créativité et l’ouverture sur l’avenir. L’université est une porteuse privilégiée de cette vision globale qui invite à jeter un regard neuf sur sa mission d’enseignement, de recherche et de service à la communauté. Les libertés et les responsabilités de l’université et des membres de la communauté doivent s’exercer dans le but collectif de réaliser cette mission avec succès », a déclaré Ndèye Coumba Kane Touré.
Sur ce postulat, dit-elle, l’Ussein intégrera l’offre de formation continue à ses étudiants dans son dispositif. «Notre savoir-faire en la matière s’appuiera sur l’intelligence collective», indique le nouveau recteur.
UN PROFIT NOTE DE 7,9 % AU PREMIER TRIMESTRE 2020
L’activité industrielle est ressortie en hausse de 7, 9 % au cours des trois premiers mois de l’année 2020, comparativement au trimestre précèdent, renseigne l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd)
L’activité industrielle est ressortie en hausse de 7, 9 % au cours des trois premiers mois de l’année 2020, comparativement au trimestre précèdent, renseigne l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd).
Selon la note sur les évolutions récentes de la structure, cette évolution résulte de la «performance réalisée dans les industries du papier et du carton, mécaniques (+26,1%), alimentaires (+21,7%), des matériaux de construction (+6,5%) ainsi que dans les industries extractives (+4,2%)».
Un dynamisme, souligne le document «atténué par le recul de 12 % de l’activité dans les industries textiles et du cuir, de 4, 7 % de la production d’énergie, et de 0, 2 % enregistré dans le secteur des industries chimiques».
En comparaison de son niveau du premier trimestre 2019, «la production industrielle a progressé de 1 %», mentionne l’Ansd.
Par Ndiaga LOUM
DU JOURNALISME D’APRES BABACAR TOURE !
Le baobab Babacar Touré (BT) voit donc son tronc flancher, mais ses racines sont si profondément ancrées qu’il suffirait juste pourle redresser, de continuer à arroser cet héritage lourd de sens qu’il laisse à la profession journalistique, à la postérité
La dernière fois que je t’ai revu, c’est ce jour du 23 septembre 2013, lors d’un colloque initié par notre cher ami Ibrahima Sarr (alors directeur du CESTI et ancien de Sud Quotidien) sur le thème : « Des médias en démocratie : les défis de la formation et de l’information », tu me disais ceci : « je sais que c’est Latif qui est ton ami, mais, là, je t’ai en main, je ne te lâcherai plus ». Je passe sur ces mots sympathiques tenus alors qu’on dissertait publiquement sur la pertinence scientifique du quatrième pouvoir et du cinquième pouvoir. Quelle modestie! Quelle grandeur! Quelle générosité! J’aurais tellement voulu te revoir pour te dire ma gratitude et mon admiration!
De générosité, j’en ai entendu des témoignages multiples sur toi que je n’ai pu eu l’occasion de te rapporter de vive voix lors de cette brève rencontre. Ton ami, Tamsir (ancien directeur des études de l’ISSIC que j’ai perdu de vue depuis plus de 20 ans) me disait en 1998, alors que j’enquêtais sur l’ascension fulgurante du groupe Sud Communication dans le paysage médiatique africain et francophone : « Babacar, BT, quand tu le rencontres, lou mou yore diox la ko, il vide ses poches ».
Bref, je n’insisterai pas sur tes qualités humaines, je laisse d’autres mieux informés que moi parce qu’étant très proches de toi en parler. Je préfère retenir la leçon de journalisme que tu as donnée durant ce riche et exemplaire parcours professionnel. Me vient alors en souvenir un événement majeur ayant profondément marqué l’histoire politique récente du Sénégal et durant lequel tu as enseigné par la plume et le comportement, combien Spinoza avait raison de lier dans la pensée sophistiquée et la praxis domestiquée les deux notions de liberté et de responsabilité.
LE SENS DE LA RESPONSABILITÉ LORS DU CONFLIT SÉNÉGALO-MAURITANIEN
En 1989, survinrent des accrochages entre populations sénégalaises et mauritaniennes sur le long des frontières séparant les deux pays. Ces petits incidents tournèrent par la suite à une recrudescence de la violence entre citoyens mauritaniens et sénégalais. Une question intéressante serait de savoir s’il existait en ce moment grave de l’- histoire du Sénégal, une presse suffisamment responsable, sachant faire preuve de discernement, ayant en plus une capacité d’influence pour décliner les réactions des deux États vers le bon sens et non dans le sens choisi en général par des populations qui traversaient une sorte de folie collective passagère ?
C’est là qu’il faudrait particulièrement mettre l’accent sur le discours de rupture élaboré en cette circonstance par le responsable moral du groupe Sud, Babacar Touré (BT) dans un éditorial resté historique qui indiquait la position originale de son groupe de presse. Sud Hebdo s’était comporté à l’époque des faits, plus comme un éclaireur de l’opinion que comme un simple reflet de l’opinion. Pourtant, qu’il eût été confortable de s’aligner sur les réactions populaires ! Il fustigea les « manchettes de la presse qui rivalisaient de catastrophismes et diatribes à volonté » et qui avaient contribué, à coup sûr, à chauffer à blanc des esprits déjà désorientés par la crise économique et sociale que chaque Sénégalais vivait dans sa chair. Le président du groupe Sud Communication critiqua également l’attitude des autorités sénégalaises et mauritaniennes qui avaient agi « sous le coup de l’émotion » et d’une certaine « dynamique de groupe ».
Ne prenant partie ni pour l’État sénégalais, ni pour l’État mauritanien, Sud Hebdo fit porter aux autorités politiques des deux pays la responsabilité de n’avoir pas fourni les efforts nécessaires pour calmer les événements. L’éditorialiste de Sud Hebdo rapportait qu’il ressortait des consultations entre les ministres de l’intérieur des deux pays que les deux parties s’engageaient à circonscrire l’incident dans sa dimension locale, à porter aide et assistance aux familles des victimes, à assurer la protection et la sécurité des ressortissants des pays voisins sur leurs territoires respectifs. Mais comme l’affirmait Babacar Touré « cet accord n’aura pas été appliqué avec toute la diligence que requièrent la gravité de la situation et la vivacité des passions ».
Faisant preuve d’un sens de la responsabilité qui tranchait avec tout discours populiste, Babacar Touré affirmait que les représailles étaient beaucoup plus prévisibles du côté sénégalais, mais ajoutait-il, « la nonchalance et le nombre réduit des forces de l’ordre, qui bien souvent ont regardé faire des pillards avant de réagir tardivement, ont été particulièrement troublants ».
Pour faire bonne mesure, BT affirmait aussi que du côté mauritanien « la fermeté a été tardive ». Nulle autorité ayant un pouvoir d’agir ne fut épargnée par les critiques virulentes du fondateur du groupe Sud Com. Ni le parti au pouvoir à l’époque des faits (le Parti socialiste) qui ne s’était pas manifesté pour protéger « nos hôtes », ni les partis d’opposition qui ne s’étaient pas interposés pour garantir la sécurité des victimes.
Ni encore le Président Abdou Diouf qui, selon l’éditorialiste de Sud Hebdo, n’avait rien trouvé de mieux à faire que « de disserter sur la Charte Culturelle », ni le chef de l’opposition de l’époque, Abdoulaye Wade, qui s’était tu alors qu’il fût d’habitude si prolixe.
La sentence finale et retentissante encore aujourd’hui du Président du Groupe Sud fut fatale : « Dans ces conditions, disait-il, parler de démocratie sénégalaise devient une insulte à la conscience démocratique ». Cette position éclairée et singulière du groupe Sud Communication lui valut tant d’inimitiés dans les cercles du pouvoir.
Le groupe Sud Communication avait simplement compris que les mentalités naissantes au Sénégal après tous ces événements et les réactions collectives violentes qui en découlaient, exigeaient une nouvelle façon de concevoir l’information et de redéfinir le rôle de la presse, surtout celle dite indépendante. Tout le monde n’avait pas interprété cette évolution de la même manière. C’est donc ce rapport étroit au contexte et au sens de l’histoire qui fait la particularité de Sud Communication. Pourtant, qu’il eût été plus facile dans ce contexte de porter en bandoulière un patriotisme de circonstance !
BT avait préféré se poser ces questions qui fâchent, ne craignant point les effets d’anticonformisme et refusant le diktat confortable de la pensée unique. Se poser toutes ces questions au nom d’une éthique de la responsabilité, c’était, selon BT, refuser de diluer son honnêteté intellectuelle dans une sorte d’hypocrisie collective symbolisée par ce mot « masla » fondé sur la sacralité de prétendues traditions (fussent-elles républicaines), comme s’il en existait de figées, de fixes ou de définitives. Il mesurait le poids symbolique de la ligne éditoriale d’un groupe de presse privé pour devoir assumer cette responsabilité collective dans un moment exceptionnel et crucial de l’histoire d’un pays. Quoique cela coutât ! Parfois, il faut aller à contresens de l’opinion majoritaire pour aller dans le sens de l’- histoire professait Hannah Arendt qui plaçait le journaliste et l’historien dans la catégorie des « diseurs de vérité » en raison de la forte estime rattachée à ces professions et sous-tendues par un idéal d’autonomie, de liberté.
L’ATTACHEMENT A LA LIBERTÉ: L’INCARNATION PERSONNIFIÉE DES DEUX ÉTHIQUES DE WEBER.
Attention, la fonction de « diseur de vérité » ne rimait pas forcément avec une idéologie du misérabilisme chez BT, voilà pourquoi il a très tôt lancé l’idée d’un groupe multimédia privé, sans doute le premier en Afrique francophone (magazine, quotidien, radio, société de marketing, site web, école de journalisme, télé émettant de Paris faute d’autorisation au Sénégal). L’option radicale multimédia devait ainsi assurer l’autonomie du groupe de presse et protéger la liberté des journalistes. Pour ce faire, il pouvait compter sur ses compagnons historiques, tous démissionnaires du quotidien national Le Soleil, pour, disaient-ils, « faire le journalisme tel qu’on l’avait appris à l’école » : je pense à A. Ndiaga Sylla, Sidy Gaye, aux défunts Cherif El Walid Sèye et Ibrahima Fall, à d’autres plus jeunes qui sont venus après, comme Latif Coulibaly, Oumar Diouf Fall, tous exécutants audacieux et courageux des idées novatrices et des rêves de grandeur du groupe Sud.
À la source de cette clairvoyance nourrie par un profond patriotisme économique et adossé à un certain nationalisme linguistique inspiré sans doute par l’enseignement de Cheikh Anta Diop, Babacar Touré n’avait pas besoin de se référer au fondateur du journal Le Monde Beuve-Mery qui disait qu’« il ne faut pas laisser nos moyens de vivre l’emporter sur nos raisons de vivre ».
Lui, le patriote, fier des ressources humaines de son pays et de l’expertise locale avait juste besoin d’avoir comme référent spirituel le Grand-Père, l’auteur de « Asirou Mahal Abrari », Serigne Touba : «je cheminais en vérité lors de ma marche vers l’Exil…». BT avait juste besoin comme référence intellectuelle l’auteur de L’Aventure ambigüe, Cheikh Hamidou Kane : « lorsque la main est faible, l’esprit court de grands risques car c’est elle qui le défend ».
Comme modèle d’affaires, il avait juste besoin de se référer au défunt dirigeant des ICS, Pierre Babacar Kama. Ce patriotisme économique fort chez BT (soutien indéfectible des commerçants locaux et industriels nationaux) expliqua quelque part le conflit entre le groupe Sud et la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS) dont le triste aboutissement judiciaire fut la condamnation du groupe de presse à payer 500 millions de francs CFA à l’industriel Mimran pour diffamation. C’était le « début de la descente aux enfers » du groupe Sud, disait-on à l’époque. Ceux qui avaient ourdi le plan de liquidation se demandent toujours comment Sud Communication a fait pour survivre ? Ceux qui se demandent encore comment un homme d’affaires peut être si fort pour « s’aliéner » le soutien de l’État et combattre un groupe de presse gênant, devraient aussi s’intéresser à la genèse de cette affaire (Pour plus de détails, voir mon ouvrage, Les médias et l’État au Sénégal, l’impossible autonomie, Paris, L’- Harmattan, 2003).Bref, l’esprit Sud, c’était la liberté et la responsabilité arrimées à un patriotisme économique et un nationalisme linguistique non négociables.
Dans ce pays, pendant que d’autres bombent le torse et se targuent avec mégalomanie d’être des personnalités importantes et influentes, qui a déjà entendu Babacar Touré dire que c’était lui que le président Abdou Diouf appelât d’abord le 19 mars 2000 pour annoncer qu’il allait reconnaître sa défaite et féliciter le gagnant ? Qui a déjà entendu BT raconter que c’était lui que l’opposant d’alors Abdoulaye Wade appelât d’abord pour lui apprendre qu’il venait de recevoir le coup de fil du Président Abdou Diouf pour le féliciter et reconnaître sa défaite ? Il aurait pu se prévaloir publiquement de cette influence unique pour se laisser griser par cela. Non ! Jamais il ne chercha à en tirer une quelconque gloriole !
L’on oppose souvent dans une lecture malheureusement hâtive et biaisée les deux éthiques de Weber, celle de la conviction et celle de la responsabilité. Weber n’a jamais voulu dire que celui qui a l’éthique de la conviction n’a pas l’éthique de la responsabilité ; il n’a jamais voulu dire que celui qui a l’éthique de la responsabilité n’a pas l’éthique de la conviction. L’une renvoie à une position qui consiste à dire la vérité en toutes circonstances sans tenir compte des conséquences sociales de son acte. L’autre consiste en une attitude prudente qui tient toujours compte des répercussions possiblement pernicieuses d’une parole ou d’un acte. Babacar Touré (BT) était l’incarnation personnifiée des deux éthiques de Weber. Il savait dire la vérité, mais il savait quand la dire, comment la dire et où la dire pour que finalement en bénéficient les cibles préalablement, adéquatement, subtilement, intelligemment pré-désignées. Voilà ce qui en faisait un journaliste hors-pair qui enseignait sans dire un mot de plus parce que le verbe de trop qui pouvait déborder et finalement manquer sa cible était déjà harmonieusement interprété par un comportement éthique exemplaire : la pédagogie de l’exemplarité.
Le baobab Babacar Touré (BT) voit donc son tronc flancher, mais ses racines sont si profondément ancrées qu’il suffirait juste pourle redresser, de continuer à arroser cet héritage lourd de sens qu’il laisse à la profession journalistique, à la postérité !
Adieu BT!
NDIAGA LOUM,
PROFESSEUR TITULAIRE, UqO TITULAIRE DELA ChAIRESENGhOR DELA FRANCOPhONIE DIRECTEUR DU PROGRAMME DE DOCTORATEN SCIENCESSOCIALES APPLIqUÉES
“QUATRE MOUSQUETAIRES” POUR UNE PRESSE PRIVEE LIBRE
Un collectif d’Editeurs composé de quatre journalistes, (Abdoulaye Bamba Diallo, Babacar Touré, Mamadou Oumar Ndiaye et Sidy Lamine Niass), défie le pouvoir socialiste de Abdou Diouf pour porter un combat révolutionnaire de la presse privée
L’engagement des “quatre mousquetaires” de la presse marque un tournant décisif dans la perception de la presse privée au Sénégal. Plongé dans ses souvenirs nostalgiques, Abdoulaye Bamba Diallo remémore cette époque qui a constitué un déclic dans la situation de la A la fin des années 80, un collectif d’Editeurs composé de quatre journalistes, (Abdoulaye Bamba Diallo, Babacar Touré, Mamadou Oumar Ndiaye et Sidy Lamine Niass), défie le pouvoir socialiste de Abdou Diouf pour porter un combat révolutionnaire qui a contribué à l’évolution de la presse privée, comme a tenu à le préciser Abdoulaye Bamba Diallo. C’est un conseiller du président Abdou Diouf qui leur a collé ce sobriquet, comme dans le roman d’Alexandre Dumas du même titre, explique Mamadou Oumar Ndiaye. Trente ans après ce combat, le duo encore vivant du quarté (Sidy Lamine Niasse est décédé en décembre 2018, Babacar Touré ayant rendu l’âme dimanche dernier) revient avec Sudquotidien sur ce combat qui a fait tache d’huile. En effet, la reconnaissance de la presse privée, l’attribution annuelle de l’aide à la presse et la pluralité des organes sont entre autres, les fruits de cette lutte. De l’origine du sobriquet, aux difficultés rencontrées au regard actuel de la situation de la presse écrite, ces précurseurs d’une presse privée libre témoignent. L’article qui a été réalisé, il y a quelques semaines, est publié ce jour en hommage au président Babacar Touré.
ABDOULAYE BAMBA DIALLO, CAFARD LIBERE
L’origine du sobriquet ? C’est un surnom qui nous avait été épinglé à Babacar Touré de Sud, Mamadou Oumar Ndiaye du Témoin, Sidy Lamine Niasse de Walfadjri et moi-même, Abdoulaye Bamba Diallo du Cafard Libéré à l’époque. Nous étions les quatre groupes privés ou indépendants à côté du Soleil. On avait la particularité que le Témoin paraissait le mardi, Cafard Libéré le mercredi, Sud Hebdo, le jeudi, et Walfadjri, le vendredi. L’environnement de la presse n’était pas très favorable à l’exercice. Nous avions tous des exercices prioritaires. On n’arrivait pas à supporter nos charges. On avait entamé une série d’actions consistant à alerter l’opinion et l’Etat sur le fait que nous étions un secteur d’activité professionnel, mais aussi culturel et économique et créateur d’emplois et de valeur ajoutée, autant sur le plan économique et culturel que sur le plan de la liberté d’opinion. Notre existence était menacée et l’Etat ne faisait rien. Ce qui avait déclenché notre colère à l’époque est que la seule imprimerie qui existait, les Nouvelles imprimeries du Sénégal (Nis), avait été vendue par l’Etat du Sénégal à un groupe privé français. Nous en étions choqués et étonnés que l’Etat rétrocède l’unique imprimerie de presse qui existait à l’époque à un groupe privé français et, à côté, ne faisait rien pour la presse privée du Sénégal. On avait entamé une série d’actions: initiation d’une journée sans presse, c’est-à-dire que chaque journal ne sortait pas le jour de sa parution. Ça qui nous a mené à une semaine sans presse. Il était prévu une marche de l’hôtel Indépendance au palais de la République. Nous avons tenu une conférence de presse à l’hôtel indépendance et sur ces entrefaites, des médiateurs de l’Etat dont le ministre de l’Intérieur de l’époque, Famara Ibrahima Sagna, sont entrés en contact avec nous. Des négociations ont été menées. Sur cette base, l’Etat a pris des actions notamment à l’endroit de la presse. C’est à la base de l’initiative du fonds d’aide à la presse (actuelle aide à la presse). L’Etat nous a rétrocédé la Grande Imprimerie Africaine (GIA), l’autre imprimerie qui existait. Le financement de la délégation à la réinsertion à l’emploi que nous avons pu acquérir nous a permis d’avoir une coopérative pour l’achat d’intrants, notamment de papier journal.
POURSUITE D’UNE TRADITION DE COMBAT POUR LES LIBERTÉS
On avait un environnement ou l’exploitation de l’entreprise de presse était structurellement déficitaire. Nous n’étions pas les seuls à être logés sous cette enseigne. Même les entreprises publiques de l’information, que ça soit le quotidien national, aussi étaient soumis aux mêmes contraintes. Mais l’avantage est que le Soleil avait déjà une ligne de subvention étatique et budgétaire. Je tiens à préciser que des ainés avaient entamé ce combat pour la quête de liberté de la presse, de l’opinion de la démocratie, pour le droit à l’information. Il y a eu des pionniers comme Abdourahmane Cissé, Mame Less Dia, Abdou Salam Kane, Boubacar Diop, Boubacar Obeye Diop, Abdourahmane Diop. Il y a eu des traditions de presse libre et indépendante au Sénégal. Elle ne date pas seulement de cette époque des “quatre mousquetaires”. Elle date depuis l’époque coloniale. Je me suis simplement arrêté au segment de la presse écrite, mais même dans la presse audiovisuelle, il y a en d’autres. Je pense au doyen Kader Diop, Gabriel Jacques Gomis qui était à la fois à la radio et à la presse écrite, Henry Mendy, Julien Kélefa Sané et beaucoup d’autres. Ily a même des journalistes sportifs. La presse sportive a été aussi une des pionnières dans le pluralisme de la presse privée au Sénégal. Les “quatre mousquetaires” n’ont fait que poursuivre une tradition qui était prégnante dans la presse sénégalaise depuis le départ.
UNE PRESSE ÉCRITE ENTREPRENANTE MAIS OBNUBILÉE PAR LE SENSATIONNEL
Il faut saluer une chose, les nouvelles générations sont très dynamiques, entreprenantes, très audacieuses, quelquefois outrageantes aux yeux de certains, mais je crois que c’est heureux que ça soit ainsi. Ce que je constate par ailleurs, est que la presse écrite accorde trop d’importance aux faits divers et à l’anecdote. En retour sur les questions majeures, je suis assez nostalgique des grandes enquêtes, des dossiers fouillés en profondeur et qui permettent à des spécialistes de se prononcer, de donner des éclairages pour aider les gens à mieux comprendre. Sur ce plan, la presse a encore à faire plus d’espace. C’est aussi une presse très moderne qui n’est pas en déphasage avec son époque. C’est son avantage.
MAMADOU OUMAR NDIAYE, LE TEMOIN
Durant l’hivernage 1990, alors on avait entrepris une série d’alertes en direction du pouvoir d’alors, le président Abdou Diouf et donc, il y avait quatre hebdomadaires. La presse privée était constituée en tout et pour tout de quatre hebdomadaires. Il y avait Sud hebdo, Walfadjri Hebdo, le Cafard Libéré et le Témoin qui venait de naitre. La presse en cette époque-là, traversait des difficultés. Les gens ne connaissaient pas très bien la presse écrite pour y mettre leurs annonces. Elle était considérée comme un partisan de l’opposition parce que jusque là, c’était le règne de la presse d’Etat comme le Soleil, Radio Sénégal, la télévision nationale, l’Agence de presse sénégalaise… Mais, les annonceurs considéraient qu’ils ne pouvaient pas mettre la publicité dans cette presse réduite à vivre des recettes de la vente. On sait que dans le business-model de la presse écrite, 80% des ressources proviennent de la publicité et seules 20% des ventes. Donc, c’était absolument impossible de vivre des ventes et donc, on avait organisé une conférence de presse à l’hôtel Indépendance à l’époque pour lancer un appel aux autorités disant qu’on risquait de ne pas pouvoir traverser l’hivernage dans ces conditions. On envisageait d’organiser une marche en compagnie de nos familles, nos employés sur la place de l’Indépendance pour protester contre la précarité de nos conditions. Ça avait fait tilde à l’époque et le président Abdou Diouf qui ne voulait pas voir des journalistes organiser une marche qui serait couverte par la presse internationale et relayée à travers le monde, avait pris contact avec nous par le biais de Famara Ibrahima Sagna qui était ministre de l’intérieur de l’époque pour engager des négociations avec nous dans l’espoir de résoudre les problèmes auxquels nous étions confrontés.
UN ENGAGEMENT DÉCLENCHÉ PAR UNE MOROSITÉ FINANCIERE
A l’époque, l’aide à la presse n’existait pas. C’est après notre conférence de presse de cette année-là, que pour la première fois, l’aide à la presse soit versée. Pour la première fois, chaque organe a reçu 10 millions, ce qui fait que le gouvernement avait débloqué 40 millions pour nos quatre organes. C’était en août 1990. L’aide à la presse figurait dans la loi depuis 1979, mais elle n’avait jamais été appliquée. Il a fallu le mouvement de cette année pour que le gouvernement commence à la verser et depuis lors, la pratique continue. L’autre difficulté est que nous étions confrontés à un problème d’expédition des journaux pour nos abonnés des régions. A l’époque, c’était par la poste ou parle train que les journaux étaient expédiés mais, les tarifs étaient trop chers pour qu’on puisse s’en sortir. Pendant les négociations que nous avions engagées avec le gouvernement, le directeur général de la Poste et Famara Ibrahima Sagna nous avait fixé des tarifs de faveur. Les tarifs que la Poste appliquait étaient cassés pour le compte de la presse, ce qui fait que l’expédition des journaux par la Poste ne coûtait pratiquement rien. On avait aussi obtenu des réductions pour emprunter le train. La régie des sociétés nationales de chemin de fer nous avait accordé des réductions de 50%. Il suffisait juste pour celui qui veut voyager par le chemin de fer à présenter la carte de presse. On avait également obtenu des réductions sur les vols d’Air Sénégal qui était une société totalement publique. Là également, sur présentation de la carte de presse, on ne payait que 50% du prix du billet d’avion. Ensuite, il y avait les frais de raccordement aux lignes téléphoniques qui étaient très chers, mais pour tout cela on avait obtenu des réductions.
LA RECONNAISSANCE, LA RANÇON DE LA LUTTE
C’était la première fois dans l’histoire que la presse privée était reconnue en tant que telle comme interlocutrice des pouvoirs publics. A l’époque, la presse privée n’était pas considérée. Mais, à partir de ce combat-là, on a acquis une reconnaissance des pouvoirs publics qui nous ont considérés comme des interlocuteurs responsables avec qui il était possible d’engager des négociations et de discuter mais également ça nous a permis d’avoir droit de cité. Parce à l’époque, la presse privée ne comptait en rien. Elle ne participait pas aux conférences de presse. Elle n’était conviée à rien. Mais à partir de ce moment, on a gagné en légitimité au niveau des pouvoirs publics et il y a eu réellement une reconnaissance de la presse écrite qui est allée crescendo jusqu’à aujourd’hui que la privée soit incontournable et pèse même plus lourde que la presse d’Etat. Mais, c’est un processus qui a commencé à ce moment-là. La fierté que nous avons eue à l’époque du Parti socialiste, il y avait une tendance fasciste qui menaçait d’écraser la presse privée, mais à partir de ce moment-là, cette tendance a perdu le combat au profit de la tendance démocratique du Parti socialiste au pouvoir à l’époque qui avait compris qu’on ne pouvait plus ignorer la presse privée qui s’imposait de plus en plus comme une réalité incontournable. Le souvenir, c’est la reconnaissance du pouvoir public et par la même occasion de l’opinion elle-même qui a adoubé cette presse privée, a fait corps avec elle, l’a accompagnée et adoptée.
UNE PRESSE ÉCRITE EN FIN DE CYCLE
La presse écrite est en fin cycle. C’est une tendance lourde au niveau mondial. Elle vit ses derniers moments. Il y a certains qui ont même dit qu’avant 2020, elle aurait disparu. Elle résiste encore, mais je crois qu’elle n’en a pas pour longtemps. Elle est obligée aujourd’hui de faire sa mutation. De plus en plus, des entreprises de presse écrite ont des sites internet qui se développent. Souvent, ce sont ces sites internet qui font vivre la version papier. La presse écrite en version papier telle qu’on l’a connaissait, est condamnée et n’a plus d’avenir. L’avenir est au numérique, ça c’est incontestable. Des gens comme moi sont les derniers des mohicans de la presse écrite, après je pense qu’elle n’existera plus. Malheureusement, parce qu’elle aura été vaincue par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Des journaux emblématiques au niveau mondial ont disparu parce que tout simplement, le public a basculé sur le numérique, la publicité, les annonceurs aussi. La presse écrite est à la traine. Elle est même dépassée par les réseaux sociaux. Elle survit parce qu’elle a des journalistes de talent plus expérimentés que ceux qui sont dans les réseaux sociaux. Mais ça ne va pas durer. D’ici à un grand maximum de 10 ans, on ne parlera plus de presse écrite malheureusement et c’est bien dommage. Un autre business-model en matière de presse va émerger. Elle a déjà émergé d’ailleurs. Comme on le voit aujourd’hui, les jeunes générations ne lisent pas les journaux papiers. Elles s’informent à travers l’internet. Elles n’achètent plus des journaux en papier. Le lectorat qui connaissait la civilisation du papier est vieillissant.
BABACAR ET MOI
Absent lors de la cérémonie de levée du corps, en raison du sommet de la Cedeao sur le Mali, lundi dernier, le Président de la République, Macky Sall a présenté hier, mardi 28 juillet, ses condoléances à la famille de Babacar Touré
Absent lors de la cérémonie de levée du corps, en raison du sommet de la Cedeao sur le Mali, lundi dernier, le président de la République, Macky Sall a présenté hier, mardi 28 juillet, ses condoléances à la famille du défunt PDG du Groupe Sud Communication, Babacar Touré. A Ngaparou où il s’est rendu et devant la famille et les proches du défunt, il a salué la mémoire et le dévouement d’un grand serviteur. Il s’est rappelé un pionnier de l’entreprise de presse qui a accepté de travailler avec lui pour le développement du pays.
En évoquant ses relations avec le défunt qui repose désormais à Touba il a déclaré :« au-delà du Sénégal, son décès est une perte immense pour l’Afrique toute entière car ses dimensions ont dépassé les frontières du Sénégal ». Le Président de la République a loué les qualités et salué la mémoire du défunt membre fondateur du Groupe Sud Communication, Babacar Touré. Très affecté par la mort de l’ancien président du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra), le Président de la République a dit sa solidarité indéfectible envers sa famille. « Babacar avait des relations avec tout le monde. C’est pourquoi son rappel à Dieu a été une grande perte et une grande tristesse ».
Mieux, dit-il, « hier (lundi -Ndlr), lors du Sommet des Chefs d’Etat de la Cedeao sur le Mali, je leur ai dit que le Sénégal est en deuil parce qu’un de ses illustres fils reconnu dans le milieu professionnel et dans la presse a été rappelé à Dieu. Il était aussi un pionnier qui a mis en place une entreprise de presse, Sud Communication. Je leur ai fait savoir qu’en Afrique de l’Ouest, il dirigeait la radio télévision de la Cedeao. Il était un panafricaniste, un ami de beaucoup de Chefs d’Etat. J’ai cité le Président guinéen Alpha Condé et le Président Ibrahima Boubacar Keita du Mali. Après, le Président Alassane Ouattara a dit lui aussi que Babacar Touré et lui étaient des ami. Ils m’ont tous présenté leurs condoléances. Cela montre la dimension de Babacar Touré au-delà du Sénégal et le travail qu’il a pu faire en ce qui concerne la communication et la démocratie ».
«JE VAIS ACCEPTER POUR VOUS CE QUE JE N’AI PAS ACCEPTÉ POUR VOS PRÉDÉCESSEURS»
Macky Sall est également revenu sur ses bonnes relations avec le défunt. « Quand j’accédais à la tête du Sénégal, je l’ai appelé. Je lui ai dit : Babacar, vous êtes mon grand frère. Je connais votre parcours. J’ai été témoin, d’une part lorsque j’étais Premier ministre, et d’autre avant de l’être. Je pense qu’il est temps de vous ’engager pour le développement du Sénégal. Il me dit, je n’ai jamais travaillé pour l’Etat mais vous êtes mon petit frère, je vais accepter pour vous ce que je n’ai pas accepté pour vos prédécesseurs parce que je n’ai jamais travaillé dans le gouvernement malgré les relations que j’avais avec Abdoulaye Wade et Abdou Diouf. J’ai insisté et il a accepté. Je lui ai dit lui confier le Cnra et libre à lui de choisir ses collaborateurs et il m’a proposé une liste de 8 personnes que j’ai acceptée », a rappelé Macky Sall. Ce qui lui fait dire : «en ce qui concerne la liberté de la presse, on n’a aucun problème».
Allant plus loin, le Président de la République a fait savoir que Babacar Touré l’a soutenu dans la politique, notamment lors des élections présidentielles de 2019. Pour Macky Sall, les enfants de Babacar Touré peuvent «être fiers du travail et de l’héritage que leur a laissés leur père».
La foule était immense hier, mardi 28 juillet, à la maison mortuaire. Parmi elle, on peut citer Serigne Abdou Khadre, Mame Khary Mbacké, Collé Ardo Sow, Pape Sambaré Diop, Serigne Djily Mbacké, Khady Touré sœur de Babacar Touré, la présidente du Cese, Aminata Touré, entre autres. Décédé dimanche dernier 26 juillet à l’hôpital Principal de Dakar, Babacar Touré a été inhumé le lendemain à Touba.
Par Henriette Niang KANDE
BABACAR A DIEU
Babacar était un Sénégalais atypique engagé, toujours à disséquer les actes et les choses, sous un angle original, en partager des aspects ignorés ou négligés et proposer des voies inattendues.
«Brillant » est le mot qui vient tout de suite à l’esprit de ceux qui l’ont connu. Que dire, quoi dire de lui ? Sa rigueur professionnelle ? Son esprit d’équipe ? Sa grande courtoisie et son respect absolu des personnes ? Ses réalisations ? Sa générosité ? Son «même-pas-peur-du risque» ? Son exquise élégance ? Ses coups de gueule ou ses froncements de sourcils ? La clairvoyante détermination de ses engagements ?
Babacar était un Sénégalais atypique engagé, toujours à disséquer les actes et les choses, sous un angle original, en partager des aspects ignorés ou négligés et proposer des voies inattendues. En cela, il n’était pas un modèle (toujours reproductible), mais une référence. Atypique, parce que dans ce pays où l’on a vite fait de mettre les gens dans des catégories, Babacar, était à la fois, mouride, urbain, rural, «rurbain» et «assimilé» comme il se définissait lui-même, non sans ajouter dans un éclat de rire : « qu’est-ce que tu crois ? Il n’y a pas que vous qui êtes civilisés ».
Sa capacité d’adaptation est son intelligence. Babacar est un personnage de roman. Il s’est battu, avec d’autres, pour que ce « qu’ils savent faire le mieux, c’est-à-dire le journalisme», soit l’assise du vécu démocratique dans sa liberté d’expression. Ce ne fut pas facile. Mais la méfiance et la frilosité de nombre d’acteurs locaux, l’européocentrisme de certains et l’afro pessimisme des uns n’ont jamais émoussé ses ardeurs dans cette démarche d’appropriation par les hommes et femmes du métier, des instruments et moyens de lutte pour leurs droits et leur protection.
En homme de combats, jusqu’au soir de sa vie qui est tombé trop tôt, il n’a pas hésité, un seul instant, de signer ou de prendre la tête de revendications qu’il jugeait justes, démocratiques, en y apportant le prestige de son nom. Un jour que nous étions au bureau, en pleine réunion, son téléphone sonne. A le regarder écouter la personne qui lui parlait, c’était une mauvaise nouvelle.
En effet on lui annonçait, le décès d’un de ses compagnons de lutte. Il quitta la salle de réunion, alla se réfugier dans son bureau et y resta des heures entières. Au moment de rentrer chez lui, il dit : «quand on reçoit une telle information, c’est à sa propre vie - donc à sa propre mort - que l’on raccorde celle d’un proche, d’un être cher ».
Le lendemain, il écrit en hommage à cet être cher qu’il venait de perdre : « Un être supérieur dont la résonance feutrée s’insinue dans les éclats évanescents d’une humilité vécue sans ascétisme aseptisée ou démonstrative. Une humilité vraie, vécue comme une appréhension submersible et dissolvante. « Tu es poussière et tu retourneras poussière». Il aura eu le temps et les moyens physiques, intellectuels et spirituels de survoler les espaces, de saupoudrer avec cette fine touche, qui marque de façon indélébile, des esprits et des êtres de toutes origines, de tous horizons.
Envoyé auprès des siens, officiant au nom de tous, il avait choisi d’être, parmi les siens, c’est-à-dire préoccupé par l’humain, le spirituel, le divin, au sens non divinatoire du terme. Il en avait le charisme. Il en avait le savoir et le savoir-être. Il en avait l’esprit. Un homme dont l’humilité est finalement devenue lumière ». De qui parlait-il ? De son ami, de lui-même, ou des deux à la fois, au singulier ?
N’ayant pas les mots pour parler aussi bien de lui, je lui emprunte les siens. À lui, à cet homme rare qui m’a accordé sa confiance morale et son estime intellectuelle, qui avait compris l’importance de pratiquer le Bien dans une absolue discrétion, je dis mon immortelle gratitude.