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3 juillet 2025
par El Hadj Kassé, Seydou Guèye et Pape Ibrahima Bèye
ANTICIPER ET AGIR EN TEMPS D’INCERTITUDE
La question ne se pose pas en termes alternatifs : santé ou économie, économie contre santé. Il s'agit plutôt de la triple urgence sanitaire, économique et sociale
El Hadj Kassé, Seydou Guèye et Pape Ibrahima Bèye |
Publication 06/07/2020
C’est lorsque la surprise nous impose sa présence qu’il faut avoir le courage de décider pour en circonscrire les effets. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Certes. Mais d’ores et déjà, nous pouvons saluer, en majesté, le parcours exemplaire de notre pays dans le combat contre le coronavirus qui n'a donné à aucun pays le temps de se préparer. Au regard des statistiques croisées, en Afrique et dans le monde, nos efforts n'ont pas été vains. Mais nous ne pouvons nous satisfaire de nos résultats, car nous endurons la disparition de proches si chers, vivons des moments d’angoisse indicible en ces temps d'incertitude.
C'est pourquoi le combat continue et doit continuer, quels qu’en soient le coût et les formes. Ce combat est celui de toute l’humanité dressée contre l’inconnu. Rendons alors grâce à toutes les forces vives de la Nation qui, de manière consensuelle, se sont mobilisées comme un seul homme. Quelqu’un disait que « seuls les hommes libres sont reconnaissants les uns envers les autres ». Le courage de décider du chef de l’Etat a été un puissant ressort pour cet élan national admirable. Pour cette détermination à circonscrire et maîtriser l’ennemi invisible et mobile.
Dès les premières manifestations de la crise, alors que le monde croyait qu’elle était d’un pays, le Sénégal a décidé de ne pas rapatrier nos jeunes compatriotes étudiants à Wuhan. S’en suivit une levée de boucliers, légitime, certes, qui s’apaise au fur et mesure que l’histoire imposait la pertinence de la décision. En d’autres cieux, le rapatriement a coûté plutôt cher, en infections et désolations.
La décision est un choix salutaire si elle est validée par la logique implacable des faits. Et la volonté d’agir dans un délai court a valu au Sénégal l’admiration de la communauté internationale. Bien agir pour atténuer l’impact d’une crise. Il en est ainsi de la fermeture des frontières, dès le premier cas de Coronavirus introduit dans notre pays. Et de l’état d’urgence. Et de l’interdiction des grands rassemblements. Et du couvre-feu. Et du port de masque obligatoire dans les lieux publics. Et de la limitation du transport interurbain.
Cette série de décisions a été confortée par une campagne tous azimuts de sensibilisation sur les gestes barrières, notamment le lavage des mains, la distanciation physique, entre autres. Dans ce même cadre, notre dispositif de surveillance épidémiologique ainsi que la prise en charge médicale ont fonctionné en harmonie.
Il est incontestable que sans ces décisions fermes mais salutaires, le Sénégal aurait été dans l'incapacité de circonscrire la crise en termes du nombre de malades, d'hospitalisés, de guéris et de décédés. L’élaboration, en temps exceptionnel, d’un Programme de résilience économique et sociale assorti de la création du Comité de gestion de Force Covid19 participe de cette capacité d’anticipation, d’ajustement stratégique, de suivi-évaluation.
L’assouplissement graduel des mesures, annoncé par le chef de l’Etat dans ses discours des 11 mai et 29 juin, illustre cette culture de la décision dans la gestion de la crise. Il est question, en effet, d’apprendre à vivre « en présence du virus », informés par notre propre expérience, l’exigence de relancer, sans délai, notre machine économique si ébranlée et de maintenir les équilibres sociaux qu’appelle l’impératif de solidarité nationale. La décision d’assouplissement est tout aussi la mise à l’épreuve de notre responsabilité individuelle et collective face à une crise dont personne ne sait exactement le moment du dénouement.
Nous sommes conviés ainsi, par ces discours, à la mobilisation générale pour conforter une dynamique de résilience durable et de relance économique, tenant pleinement compte des formes de conscience et de comportements sociaux qu'il convient d’adopter dans la stratégie de gestion de l'épidémie.
De même, dans son fond comme dans sa forme, le propos du chef de l'Etat rassure quant à la volonté politique de doter notre système de santé publique de ressources humaines massives et de moyens additionnels, de promouvoir davantage le patriotisme économique comme levier nodal pour doper la production et la consommation domestiques, produire local, consommer local, exporter plus.
Voilà pourquoi, la question ne se pose pas en termes alternatifs : santé ou économie, économie contre santé. Il s'agit plutôt de la triple urgence sanitaire, économique et sociale. La démonstration est simple : c'est tout le système de santé qui s'effondre et le lien social qui rompt si l'économie s'effondre.
La bataille contre le Covid-19 est d’abord communautaire : une affaire de la communauté nationale à travers toutes ses composantes et ses unités territoriales sur la base des grandes orientations de l’Etat. La crise nous l'enseigne en sa phase actuelle. Aussi, est-il important de dire, ici et maintenant, que l’affirmation de la puissance publique est un des facteurs essentiels dans la gestion d’une crise de ce genre, en termes de prévention comme de prise en charge multiforme. Ce qui suppose l'intelligence des situations sur la base sur la base de données précises.
Il faut disposer, en effet, d'informations pertinentes et d’éléments de capitalisation pour décider quant aux orientations à telle ou telle étape de l’évolution de la situation qui, le monde entier le sait maintenant, nous met face à l'incertitude et, pourrait-on dire, à un vide stratégique tant l'expérience d'une pareille crise fait défaut aux plans scientifique, social, culturel et économique.
A l’école de l’expérience, il faut encore affirmer que la force de l’Etat, dont la capacité de planification décision et de suivi-évaluation constituent des aspects essentiels de sa mission régalienne, est la condition sine qua non de notre sécurité individuelle et collective. Là-dessus, le consensus le plus large est toujours requis. Il est juste question d’une appréhension des impératifs de l’histoire, autour de paradigmes nouveaux
Il faut, ainsi, précéder les ruptures nécessaires à chaque étape du combat contre l'épidémie, non les subir.
par Jean Meïssa Diop
MANQUEMENTS COLLECTIFS DE JOURNALISTES SUR UN REPORTAGE
Que s’est-il passé pour que le public n’ait pas reçu les informations recueillies à Ndengueler par des journalistes le 8 février 2020 ? Les moyens de vivre auraient-ils pris le dessus sur les raisons de vivre ?
Que - des reporters - ont-ils fait des informations recueillies à la conférence de presse donnée à leur village de Ndengueler le 8 février 2020 par des paysans spoliés de leurs terres par un agrobusinessman ? L’affaire a connu, ces temps-ci, un rebondissement et une ampleur spectaculaires qui impliquent que des comptes et comptes-rendus soient demandés à des journalistes qui ont couvert cette rencontre, mais n’en ont pas encore fait une relation – une relation honnête, surtout. Il a fallu que le responsable politique du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, par ailleurs inspecteur des Impôts et domaines, révèle que, à l’exception du portail Dakaractu.com, la majorité des organes de presse représentés à cette conférence de presse s’est comme autocensurée pour que le manquement commence à intriguer.
Que s’est-il passé pour que le public n’ait pas reçu les informations recueillies à Ndengueler par des journalistes ? Le fait n’a pas échappé au questionnement du journaliste et leader du syndicat de journalistes (Synpics) Bamba Kassé qui, sur sa page Facebook, soulève une question grave par ses implications d’ordre déontologique et éthique. Les mots sont si importants que nous n’avons pas résisté au besoin de les reproduire en intégralité : « Le 8 février, une conférence de presse tenue à Ndengueler, n'a été relayée que par Dakaractu, me dit-on.
Rien ne pourrait empêcher d’aucuns de suspecter que l’écrasement sous le coude par-ci, le black-out par là des informations ont été incités par des relations – occasionnels ou durables, motivées voire intéressées - entre ces organes de presse et l’agrobusinessman
« Où sont les 8 autres médias présents ? Où sont les articles et autres productions ? Shame on us !
« Une presse libre ne se soumet pas. Elle traite de tout sujet d'intérêt public ou même parfois d'intérêt privé à ramification publique. Parce que justement le public est notre raison d'être.
La seule limite c'est de toujours donner la parole à l'autre partie indexée.
Si Babacar Ngom et Sedima n'ont pas voulu se prononcer, cela justifie-t-il cette omerta ?
Oui ! Nous avons des relations sociales. Nous avons des amis, des ennemis, des parents etc...
Mais nous avons choisi le plus fidèle des compagnons : la vérité. C'est au nom de cette vérité que la presse jouit de privilèges et que le journaliste en sentinelle de la vérité est peu ou prou protégé.
« Oui la presse est précarisée. Les journalistes sont pauvres et l'état entretien cette pauvreté pour les rendre dépendants. Mais justement, en quête de notre indépendance nous ne devons pas nous compromettre.
« Certes il y a de bons clients commerciaux, qui donnent de la pub’ parfois à gogo, mais cela ne justifie pas une omerta organisée.
« Le Cored (Conseil pour l’observation des règles de déontologie et d’éthique dans les médias, Ndlr) doit se saisir de ce dossier et enquêter. Parce que ce n'est pas normal.
Que les réseaux sociaux existent ou pas ne dédouane pas la presse sénégalaise de traiter de tout sujet d'intérêt public.
« (…) Sur cette affaire, comme sur tant d'autres, on doit se contenter des faits, rien que les faits. Et garder notre sentiment à l'abri. Mais on doit le faire sans concession. »
En tous les cas, voilà un cas d’école ; et il mérite que les journalistes professionnels réfléchissent là-dessus. Parce qu’il y a beaucoup d’implications – et de très sérieuses. Qui, des organes de presse et des journalistes a réellement commis la faute ? Et pourquoi une telle défaillance ? Les moyens de vivre auraient-ils pris le dessus sur les raisons de vivre ? On peut être soupçonneux, mais ne tirer aucune conclusion tant que l’enquête de l’organe d’autorégulation de la presse sénégalaise n’aura pas été menée et tiré des conclusions.
Post-scriptum : Il convient aussi de reconnaître le mérite de Dakaractu qui, outre d’avoir été le seul organe de presse à avoir diffusé un compe-rendu de la conférence de presse, a recueilli la version du maire de Sindia dont l’institution municipale est mise en cause dans le dépassement de compétence territoriale a rendu possible la perte de leurs terres par les paysans de Ndengueler. Il serait intéressant d’entendre la version de l’édile de Ndiaganiao dont le territoire communal aurait été amputé de manière irrégulière par une commune voisine. Walf n° 8479 du 02 juillet 2020
par Abdourahmane Sarr
RELANCE POST COVID ENDOGÈNE, COMMENT ?
En mettant en place des monnaies nationales complémentaires à la monnaie commune ECO ou FCFA, nous pourrions favoriser l’inclusion financière des populations dans un moyen d’échange plus compétitif afin de stimuler la production locale
Au Sénégal, pouvoir comme opposition, et les sénégalais de manière générale souhaitent « une croissance endogène, inclusive, et équitable grâce à une valorisation du contenu local et l’ancrage durable d’une culture du produire et consommer sénégalais ». Toutefois, nos économies rurales de subsistance et celles urbaines peu monétisées ne peuvent produire ce résultat sans une politique monétaire, de crédit, et de change d’accompagnement adéquate qui nous libérerait de la dépendance extérieure. Nos villes épicentres de pôles régionaux et polarisatrices de leurs zones rurales sont une opportunité d’exode rural et de spécialisation à la suite d’une réforme foncière pour une agriculture marchande et une industrie plus productive pour satisfaire ces villes. Cependant, une telle articulation entre les villes et les localités qu’elles polarisent a besoin d’une architecture monétaire conçue pour valoriser les ressources locales sous-utilisées et les échanges entre localités nationales.
Malheureusement, tout en clamant l’objectif d’endogénéisation de la croissance, nos pays ont récemment décidé de maintenir la parité fixe de l’ECO à venir sur l’euro et peut être plus tard à un panier de devises. Sans ressources fiscales et face aux contraintes de financement monétaire de la relance post Covid-19 dans ce régime, nos Etats se sont résignés à s’endetter davantage, empirant le fardeau de la dette, et/ou à solliciter la coopération pour des annulations de dettes, moratoires, ou dons. Ainsi, notre destin ne semble plus être entre nos mains pendant que les pays avancés, à coup de milliards de dollars ou d’euros, financent sans compter la demande pour stimuler leurs productions à pleines capacités. Le pétrole et le gaz à venir aideront pour un temps, mais leur apport sera limité pour les objectifs que nous nous sommes fixés.
L’absence ou l’insuffisance d’un moyen d’échange pour maximiser l’utilisation des capacités de production et d’échange est un problème bien connu des économistes. A l’échelle internationale, l’insuffisance de devises dépendant des politiques monétaires de certains pays avait justifié en 1969 la création et l’allocation gratuite de Droits de Tirages Spéciaux (DTS) du Fonds Monétaire International pour faciliter le commerce international. La même chose a été faite en 2009. Une banque centrale allocataire peut ainsi échanger ses DTS contre des devises d’une autre banque centrale pour le règlement d’importations, ce qui favorise le commerce international par l’émission des devises nécessaires. Ce moyen d’échange n’ayant cours légal et libératoire nulle part, mais échangeable contre devises, est émis sur décision du FMI afin de satisfaire une demande de devises pour payer une production et un commerce international possibles. Les allocations par pays dépendent ainsi principalement de leurs poids dans les exportations internationales quand il est jugé que le commerce international a besoin de DTS supplémentaires. L’allocation de DTS de cette manière bénéficie essentiellement aux grands pays et exportateurs.
Pour nous, cette même logique à l’échelle du monde s’applique à l’échelle de la communauté de base. Le développement de l’Afrique dans l’autonomie et la liberté se fera par le développement de ses communautés de base. Mais cette liberté et cette autonomie passeront par la maitrise du rôle de la monnaie dans le financement du développement local afin d’établir le lien entre une demande locale et une production possible que nos monnaies officielles n’arrivent pas à établir. D’abord, parce que les populations ne sont pas financièrement incluses en ces monnaies, ensuite parce que nos économies ne sont pas compétitives à l’international, ce qui favorise les importations. La production locale pour une consommation locale se trouve ainsi désavantagée par rapport aux matières premières seules capables de générer des recettes en devises pour payer dettes ou demandes liées dans le cadre d’un commerce international essentiellement libre. Au regard de l’absence de volonté politique d’affranchir l’ECO de son arrimage sur l’euro, est-il possible d’innover de sorte à réconcilier les points de vue des adeptes du statu quo et ceux des défenseurs de son abandon qui veulent que les Etats puissent plus librement disposer de l’outil monétaire et de change dans la stabilité des prix pour accompagner leur développement ?
Nous avons soutenu que OUI dans un article en 2016 dont les principaux éléments sont reproduits ci-dessous dans ce contexte post-Covid 19. En mettant en place des monnaies nationales complémentaires à la monnaie commune ECO ou FCFA, nous pourrions favoriser l’inclusion financière des populations dans un moyen d’échange plus compétitif qui pourra stimuler la production locale qui trouvera également sa demande localement. Cette économie sera complémentaire à celle que nous connaissons et pourra par ailleurs renforcer et formaliser le secteur dit informel. Pour comprendre, il faut d’abord savoir qu’il n’y a que trois sources d’injection d’argent dans une économie monétaire pour lier la demande à la production : (i) la banque centrale (ii) les banques commerciales (iii) et l’argent de l’extérieur (dettes, exportations, investissements) dont l’origine est également les deux premières sources dans ces pays. Dans notre cas, ni l’Etat, ni les banques commerciales, n’arrivent à jouer ce rôle efficacement pour la majorité de la population exclue du système financier et du crédit. Cette situation s’est aggravée avec la Covid-19. Le seul lien que nos populations financièrement exclues ont avec le système financier classique est la monnaie émise par la banque centrale entre leurs mains ou en portefeuille électronique. Cette émission est elle-même rendue possible principalement par les réserves de change en devises en zone UEMOA, qui elles dépendent de l’endettement, d’exportations de matières premières et de l’émigration. En effet, nos réserves de change couvrent une bonne partie de l’émission monétaire de notre banque centrale.
De ce fait, si un Fiduciaire qui représenterait des populations et des entreprises qui auront acheté avec le FCFA un moyen d’échange appelé SEN pouvait émettre, par effet de levier sur ces FCFA, ce même moyen d’échange sous forme de crédit en leur nom, le problème serait réglé. Ce moyen d’échange, comme les DTS, n’aurait pas cours légal et libératoire, attributs exclusifs du Franc CFA. Il ne serait qu’un moyen d’échange (de troc de biens et services) et d’octroi de crédit des entreprises membres (leurs biens et services) à leurs clients qui circulerait solidairement entre membres et dont la gestion serait déléguée à ce Fiduciaire. Comme les DTS, le SEN ne serait utile que parce qu’il y a des biens et services disponibles ou productibles que les membres de l’écosystème pourraient ne pas produire en l’absence d’un moyen d’échange adéquat recirculant. Le crédit SEN circulant ne serait pas convertible jusqu’à ce qu’il soit remboursé en FCFA, c’est-à-dire que les bénéficiaires aient eu des FCFA pour les rembourser. Ce crédit circulant entre membres serait l’équivalent des crédits (comptes clients) que les commerces font tous les jours à leurs clients mais sous forme non digitale et non transférable et que le système bancaire classique n’arrive pas non plus à liquéfier. Si ce crédit SEN digital et transférable stimule la production et les échanges, la quantité de FCFA à émettre par la banque centrale pour soutenir une économie plus large devra suivre sans inflation établissant ainsi le lien avec l’extérieur.
Le SEN que les populations et les entreprises achèteraient avec des FCFA comme biens et services prépayés transférables permettra de conserver la monnaie officielle dans un fonds de recettes des entreprises comme des réserves. Il s’agira d’un Fonds Commun d’Investissement et de Garantie (FONCIG) qui pourrait saisir des opportunités d’investissements actuellement accessibles qu’à ceux qui ont accès au crédit bancaire classique et aux investisseurs étrangers. Mis en place dans le contexte d’une décentralisation autonomisante et d’un Etat qui se dessaisit au profit de pôles régionaux, le Fiduciaire pourrait financer un processus d’émergence à partir de la base.
La conversion des SEN ayant une contrepartie en Franc CFA se ferait à un taux de change convenu entre les membres du Fiduciaire mais initialement de 1. Cependant, en émettant ce moyen d’échange acheté ou obtenu à crédit à un taux de change plus faible (2 SEN pour 1 FCFA par exemple) dès le départ et même plus tard flottant, ce moyen d’échange serait dévalué par rapport au FCFA et pourrait ainsi favoriser la jonction entre les capacités locales sous-utilisées et les besoins locaux dans des conditions de stabilité des prix. Le FCFA serait dans ce schéma une unité de compte et une monnaie commune accompagnée dans chaque pays de l’équivalent du SEN comme monnaie nationale complémentaire citoyenne et compétitive sous le contrôle de citoyens financièrement inclus et solidaires. Nous monétiserions ainsi nos économies locales en complétant ce que le système monétaire officiel n’arrive pas à réussir tout en le laissant jouer son rôle de relais par rapport aux circuits nationaux et internationaux. Il s’agirait là d’un compromis patriotique et progressiste qui dépasse le statu quo et fédère les positions.
Nous avons la chance dans l’UEMOA d’avoir une banque centrale commune, une unité de compte commune, et des réserves de change totalement centralisées mais nous n’avons pas de complément à ce système pour nos communautés de base. C’est-à-dire, des monnaies et des systèmes financiers nationaux au service des économies nationales, la majorité de nos populations étant hors circuit. Les expériences de monnaies complémentaires à travers le monde (WIR Bank, Britol Pound etc.), et l’expérience de l’Irlande et de l’Ecosse où la monnaie physique qui circule n’est visuellement pas la livre sterling, nous démontrent qu’on peut avoir une monnaie nationale complémentaire à côté d’une monnaie officielle en y ajoutant notre propre touche. Notre propre touche serait de faire de cette monnaie complémentaire, une monnaie nationale citoyenne solidaire mais institutionalisée comme les DTS n’ayant pas cours légal et libératoire afin de faciliter les échanges nationaux comme les DTS facilitent les échanges internationaux. A défaut, il faudra que chacun de nos pays ait sa propre monnaie pour accompagner l’émergence et le progrès social à travers l’Etat si les citoyens ne sont pas financièrement inclus ou si seuls les étrangers ont accès au capital en monnaie officielle ou en devises.
La BCEAO, allant dans le sens des autres banques centrales semble ouverte depuis 2020 à aménager des espaces d’innovation pour les FINTECH qui ne peuvent être régies par la réglementation existante. Ce n’est qu’en sortant des sentiers battus qu’on pourra assoir « une culture du produire et du consommer local » que nous n’avons pas réussi depuis 1960 dans notre architecture économique et monétaire actuelle handicapée.
C’est cette vision de rupture qui accompagnerait une nouvelle politique de décentralisation que l’ancien Premier ministre Mamadou Lamine Loum avait apprécié ainsi qui suit : «Le projet CEFDEL/MRLD prolonge la préoccupation et les orientations des conclusions des Assises Nationales du Sénégal privilégiant une rupture des paradigmes de gestion économique, la priorité d’une décentralisation plus approfondie et plus développementale, l’exigence d’un équilibre territorial autour de pôles économiques dynamiques, le ressourcement par nos valeurs propres valorisant l’autonomie, l’éthique et l’équité, le culte de l’effort et du dépassement » . Nous nous proposons de relever ce défi avec les sénégalais et la classe politique opposition comme pouvoir avec une nouvelle FINTECH prête pour expérimentation à l’échelle de villes sous peu (www.sofadel.com).
Librement.
LE CORONAVIRUS SE GLISSE AUSSI DANS LES MAISONS CLOSES
Depuis l’instauration de l’état d’urgence le 23 mars pour lutter contre la pandémie au Sénégal, les prostituées ont vu leur clientèle s’envoler et leur revenu fondre
Le Monde Afrique |
Théa Ollivier |
Publication 06/07/2020
Deux petits téléphones à la main, Aïssatou* gère ses clients à distance. Elle a « acheté une puce au début de la crise du coronavirus, car on ne peut plus chercher les clients le soir dans la rue, ni dans les boîtes de nuit ou les bars, tous fermés ». Installée dans un immeuble d’un quartier populaire de Dakar, la jeune femme de 35 ans est assise sur un matelas posé à même le sol, recouvert d’un dessus-de-lit rose et rouge. Elle partage deux chambres louées au mois avec Esther*, Fatoumata* et Colette*. Toutes sont travailleuses du sexe, comme elle.
Depuis le début de la crise du Covid-19, Aïssatou paie 15 000 francs CFA (23 euros) chaque semaine pour que son numéro apparaisse sur des pages Facebook ou des sites en ligne dédiés. « Mais c’est dur, je suis passée d’une dizaine de clients par jour, à seulement deux ou trois », se plaint la professionnelle dont les revenus ont baissé au point qu’elle a désormais du mal à ramener de l’argent à la maison. Une situation d’autant plus délicate qu’elle a cinq enfants dont elle s’en occupe seule et qui ne savent rien de ses activités.
Alors, dans leurs petites chambres au deuxième étage, les quatre femmes s’entraident pour boucler les fins de mois. « On partage tout. C’est Aïssatou qui m’a donné ce client, parce qu’on doit toutes travailler », assure Colette en réajustant son boubou orange et bleu. Pour 3 000 francs CFA (4,50 euros), elle vient de passer dix minutes avec un jeune Sénégalais qu’on voit s’éclipser dans l’embrasure de la porte.
Plus aucun touriste
Au Sénégal, la prostitution n’est pas interdite. Seuls sont pénalisés les mineurs de 21 ans qui la pratiquent, le racolage et le proxénétisme. Dans la maison close où les Aïsattou et ses consœurs exercent, les habitués venaient en général après minuit. Désormais, ils sont contraints de passer entre 11 heures et 21 heures, un rythme imposé par le couvre-feu, étendu à 23 heures depuis le 5 juin.
Depuis la crise, les filles ne peuvent plus compter sur les clients étrangers, « qui paient mieux et vous offrent le transport, les boissons et les repas », se désole Fatoumata. Avec la fermeture des frontières aériennes, plus aucun touriste ne rentre dans le pays de 16 millions d’habitants.
Le ministre du Tourisme et des transports aériens s’auto-confine à partir de ce lundi, 6 juin 2020, pour une durée de 15 jours. Alioune Sarr a révélé avoir été en contact avec une personne dont les résultats des tests à la Covid-19 sont revenus positifs. C’est lui-même qui a fait l’annonce sur les réseaux sociaux.
« En accord avec le président de la république et conformément au protocole sanitaire établi par le ministère de la santé et de l’action sociale, je m’auto-confine », a-t-il annoncé. Toutefois, il n’a pas précisé s’il a subi des tests ou pas.
Le ministre a en profité pour sensibiliser les Sénégalais, qu’il invite à la vigilance et au respect strict des gestes barrières et à la distanciation physique pour limiter les risques de contamination et de propagation de la maladie.
Il faut rappeler qu’à l’instar du ministre du Tourisme, le président de la République, Macky Sall, s’était lui aussi mis en isolation après qu’il a été en contact avec une personne testée positive de la maladie pathogène il y a une dizaine de jours. Ce, même s’il avait été testé négatif.
CISSÉ LO EST JUSTE LA CARICATURE DU RÉGIME
Les douze années de « sopisme » triomphant ont enlevé ce dernier rempart à la chose publique : le souci de savoir se tenir. Macky Sall et sa clique manquent cruellement de culture et de tenue
Y a quand même un truc curieux... Ecrivez n'importe quoi en français académique, la langue officielle, les trois quarts de la population vous demanderont de traduire. Quoi qu’on en pense, les propos très colorés de Cissé Lô sont compris de tout le monde. Personne n’a eu besoin de traducteur. La conclusion s’impose d’elle-même : les insultes font partie de notre patrimoine et rythment le quotidien des Sénégalais. Sauf que les insanités n’avaient pas leur place dans l’espace public et les sphères officielles. Mais nous le savons tous, il n'y a pas un jour, où au Sénégal, des insanités de ce type ne sont pas proférées, en privé, comme en public depuis quelque temps.
La vérité est plus triviale… Senghor avait de la culture et de l'éducation, et l'élite de son époque également. Lorsqu’il a quitté les affaires, Abdou Diouf, qui l’a remplacé, avait de l'éducation mais manquait de ce supplément d’âme qu’est la culture. Et l'élite de son temps a fini par lui ressembler, des gens soucieux des convenances dont le regard sur le monde ne portait pas loin et voyait tout en petit…
Lorsque Wade arrive, le pays prend une autre ampleur. Un sacré client sert de référence. Il a de la culture mais pas de savoir-vivre. Le Pape du Sopi manque singulièrement de retenue, de tenue, en un mot, d’éducation. L'élite avait déjà perdu sa culture mais avait encore de l'éducation. Les douze années de « sopisme » triomphant ont enlevé ce dernier rempart à la chose publique : le souci de savoir se tenir.
Macky Sall et sa clique manquent cruellement de culture et de tenue... Quand Marième Faye avec l’excuse qu'elle offre des matelas aux plus démunis, exhibe les paillasses des gens de peu devant les caméras ou fait filmer leurs toilettes par la RTS sous prétexte qu'elle rénove leurs sanitaires, c'est par manque de tenue.
Tous ceux qui accompagnent Macky Sall dans son odyssée présidentielle et fondent le clan des privilégiés ont ce profil. Cissé Lô en est seulement la pitoyable caricature.
Deyzakalanakh, comme disent les jeunes, ça ne sait plus se tenir en haut-lieu…
TOUTES LES ACTIVITÉS PRÉPARATOIRES AU RETOUR DES DÉPLACÉS SUSPENDUES
Ansou Sané apporte des explication sur la décision
Les accidents par mines et les nouveaux bombardements opérés par l’Armée au niveau de la bande frontalière de la zone sud-est de Ziguinchor et Goudomp ont occasionné un coup de frein quant au retour des déplacés de 14 villages dont les populations ont connu près de 30 ans d’errance. Une situation qui ne laisse pas insensible l’Agence nationale pour la relance des activités économiques et sociales en Casamance (Anrac) qui s’était beaucoup impliquée dans la matérialisation de ce projet de retour. Son Dg Ansou Sané s’explique.
Le projet de retour des déplacés de la zone sud-est des départements de Ziguinchor et Goudomp semble pour l’heure abandonné du fait des derniers soubresauts notés dans ce secteur. Que vous inspire une telle situation ?
En effet depuis quelques mois, une forte dynamique de retour des populations a été notée, notamment celles situées dans les communes d’Adéane et de Boutoupa Camaracounda. Au total, c’est près de 14 villages qui sont dans cet élan. Cela, après 28 ans vécus dans des conditions difficiles à tout de point de vue, dans une situation de déplacement.
Bissine a enclenché ce processus et tous les acteurs impliqués dans la préparation de ce retour avaient, dans une démarche de concertation, travaillé à donner corps à ce processus. Je voudrais rappeler que s’agissant du village de Bissine, il s’agissait dans un premier temps de réaliser des opérations de désherbage des champs abandonnés pour préparer la saison des pluies avant d’entamer pleinement le retour à la fin de l’hivernage. Malheureusement, il s’est produit des incidents avec des éléments de l’Armée qui ont sauté sur des mines à l’occasion des opérations de sécurisation de la zone.
D’ailleurs, je voudrais renouveler toutes mes condoléances aux victimes qu’on a enregistrées et souhaiter un prompt rétablissement aux blessés. Cela me permet aussi de dire que le mouvement de retour doit être concerté, partagé et impliquer toutes les personnes ressources et les structures susceptibles d’y contribuer dans le respect des missions et prérogatives appartenant à chacune d’elles.
Et c’est cela notre principal défi dans cet élan. C’est pourquoi, actuellement, nous mettons à profit ce contexte pour davantage préparer ce processus avec les populations, les autorités concernées, mais aussi avec certains programmes tels que le Puma et le Pudc pour l’accompagnement des populations. D’ailleurs le ministère en charge de la Jeunesse, à travers son service régional à Ziguinchor, nous a manifesté sa volonté d’apporter sa contribution à ce retour par la construction de latrines et de foyers pour les populations.
Ce qui est extrêmement important et nous remercions tous ces acteurs qui, de par leurs actions, matérialisent la nécessaire complémentarité que nous, structures de l’Etat, devrons jouer pour apporter des réponses aux préoccupations légitimes de ces populations. D’autres acteurs ont manifesté ce même intérêt. Je veux nommer, entre autres, l’organisation Dynamique de la paix en Casamance qui joue aussi un rôle important dans la mobilisation des jeunes dans le combat pour un retour de la paix.
Malgré les derniers affrontements entre l’Armée et les combattants d’Atika, les populations semblent dé cidées à regagner leur terroir. Quelle est la position de l’Anrac par rapport aux exigences de ces communautés ?
Dans ce contexte, naturellement comme vous l’imaginez, le processus a connu un coup de frein et nous avons travaillé avec les autorités et les populations pour suspendre toutes les activités préparatoires à ce retour. Nous avons ressenti de leur part un sentiment de regret, mêlé à une détermination à retourner dès que les conditions sécuritaires s’y prêteront.
Toutefois, leur sécurité est primordiale et nous nous réjouissons de savoir qu’elles en sont très conscientes en dépit des difficultés qu’elles éprouvent.
Il faut dire que le statut de déplacés rime avec beaucoup de difficultés pour ces populations qui, en un seul jour, étaient obligés de tout quitter pour fuir des situations de combat dans leur localité. Pour la plupart, elles ont retrouvé des familles d’accueil, elles-mêmes démunies, dans des agglomérations de Ziguinchor, de Goudomp, ou dans des villages offrant beaucoup plus de sécurité.
Autrement dit, les charges liées à la nourriture, au logement, à la santé et à l’éducation augmentent pour ces familles sans que leurs revenus ne connaissent une amélioration. De même, il est admis que les déplacés éprouvent d’énormes difficultés dans leur réinsertion. Et selon qu’ils sont en ville ou en campagne, ces difficultés sont pesantes. Beaucoup d’entre eux ont été dans des situations où ils doivent mendier pour survivre. Ce qui est contraire à la dignité du Casamançais, connu pour son amour du travail qui lui procurait en tout temps une autonomie alimentaire.
Comment l’Anrac compte accompagner ces populations qui sont aujourd’hui dans un total désarroi ?
Comme vous le savez, l’accompagnement des déplacés ainsi que leur réintégration sociale et leur réinsertion économique font partie des missions dévolues à notre agence. Je rappelle qu’il y a deux ans, nous avons mis à la disposition des déplacés de retour du Nord-Sindian des subventions pour les accompagner dans des activités de réinsertion, notamment dans l’aviculture et la réalisation de mini-fermes. Il en est de même pour les déplacés de Goudomp et ceux du département de Ziguinchor. Dans la même dynamique, l’Anrac a aussi financé un projet de réinsertion des femmes victimes de mines pour contribuer à leur autonomisation.
Nous suivons tous les bénéficiaires en rapport avec les autorités locales dans la mesure où dans toutes ces localités, un comité de suivi et d’encadrement a été mis en place par l’autorité. Le président de la République est aussi très attentif au sort des personnes impactées par le conflit. C’est pourquoi il a donné des instructions à des programmes tels que le Puma, le Pudc et le Ppdc afin d’accorder dans leurs interventions une attention particulière aux localités qui abritent des déplacés de retour, en veillant à la mise en place d’infrastructures sociales de base.
D’ailleurs, nous travaillons avec tous ces programmes pour apporter une réponse coordonnée à la préoccupation de ces populations. Enfin, je dois dire que nous sommes en train de finaliser l’élaboration d’un Programme de réinsertion et de réintégration des déplacés du département de Ziguinchor.
Ce programme nous permettra de faire la situation de référence de ces populations et d’identifier tous les besoins liés à leur retour. Il s’agira sans nul doute d’un document de référence qui permettra de créer les conditions d’une meilleure articulation des interventions de l’Etat et des partenaires au profit des déplacés.
par Ibrahima Silla
L’INSULTE N’EST-ELLE QUE LA CONTINUATION DE LA POLITIQUE PAR D’AUTRES MOYENS ?
Savoir polémiquer sans être insultant requiert un tact réservé aux grands rhéteurs et polémistes qui savent tuer verbalement l’adversaire par de petites phrases assassines, sans être vulgaire ni grossier
Les appels du président du Conseil Constitutionnel sénégalais, lors de la prestation de serment du président nouvellement réélu en 2019, en faveur de la promotion d’une éthique langagière chez les acteurs politiques avaient sonné comme l’expression d’une nécessité de réconcilier la parole publique et le discours politique avec la courtoisie, la politesse et la cordialité, qualités et principes de civilité indispensables pour assurer la cohabitation des différences partisanes ou idéologiques.
En effet, le droit d’insulter ne figure pas parmi les libertés, notamment d’expression, garanties par la Constitution, même si l’insulte tend à se banaliser dans les habitudes citoyennes et politiques tolérées, tant qu’elles ne s’adressent pas aux autorités religieuses, détentrices de fatwas expéditrices sans autre forme de procès. La loi de la République n’est pas apparemment toujours la meilleure. La volonté du Sage tend malheureusement à s’effacer derrière la témérité de l’insulteur de la République qui se croît dans une République des insulteurs
Vœu louable du juge constitutionnel mais peine perdue du fait des insulteurs de la République. Devenir blessant, outrageant, méchant, grossier et vulgaire, en s’écartant de l’objet de la querelle ou du débat pour se tourner vers l’interlocuteur, se défouler et s’en prendre d’une manière ou d’une autre à sa personne, est devenue une pratique courante.
Ce n’est pourtant pas la première fois que les « projectiles verbales » ou « langages à la marge » s’invitent dans le débat politique. Jadis, le tribun insultait sans même en donner l’impression. Il le faisait avec tout un art subtil et souvent humoristique qui fascinait les amoureux de la langue. Savoir polémiquer sans être insultant requiert un tact réservé aux grands rhéteurs et polémistes qui savent tuer verbalement l’adversaire par de petites phrases assassines, sans être vulgaire ni grossier.
Aujourd’hui, de l’arène politique à l’arène médiatique ou numérique, l’injure se pratique de manière plus libre. L’injure n’est pas seulement le fait de citoyens marginaux isolés et non maîtrisables abusant de manière inadéquate, excessive et indécente de leur « liberté d’expression » qui peut occasionner du tort ou de la nuisance du fait de sa gravité. Elle est présente à l’Assemblée nationale, lieu par excellence du débat républicain et démocratique. Elle est aussi le fait de députés du peuple, de ministres de la République, de personnalités politiques, marabouts, artistes, comédiens et célébrités dont les « dérives langagières » sont reprises, diffusées et partagées sur les réseaux sociaux. Le recours à ce vocabulaire « injurieux » n’est pas toujours le résultat de leurs confrontations et désaccords politiques. Insulter devient une mode et même d’une planification partisane pour préserver ou discréditer l’image du pouvoir et à l’inverse de l’opposition. Il ne faut pourtant pas y voir le résultat d’un processus de politisation négative ou une vertu participative et délibérative susceptible d’éclairer les opinions. L’insulte ne nous apprend rien de nouveau ni de plus sur ce que nous savions déjà.
L’espace numérique, en particulier, a mis en scène les « insultivistes » (contraction d’insulteurs et activistes jouissant paradoxalement de l’attraction et du rejet dans une société qui n’a cessé de montrer à la fois son aversion et sa passion pour l’insulte. Les marginaux de la langue ne courent pourtant pas le risque de l’exclusion et de dé-légitimation politique qui ne se limite qu’au conseil éthique du parti. En effet, ils sont même adulés et deviennent même des célébrités que les médias s’arrachent pour alimenter leurs émissions et nourrir les débats. Il en ressort, dans les ateliers des partis et mouvements politiques, voire même du pouvoir, une initiation discursive de militants recrutés, entrainés, formatés et affectés à l’insulte physique ou numérique, conformément à une stratégie d’occupation planifiée des plateformes numériques, où se jouent de plus en plus, les enjeux politiques de la réputation, de la tarification et de la légitimation.
Derrière nombre de quotidiens, de journaux de chaînes de radios et de télévisions, de presses en ligne se trouvent des chefs de partis ou de mouvements qui ne cachent pas leur positionnement et leurs ambitions politiques. L’insulte se présente pour eux comme un outil de soutien, de contestation, d’expression de la colère, d’un mécontentement ou d’une frustration. Insulter devient ainsi un moyen de faire entendre en pratiquant le militantisme par l’insulte
L’insulte assumé ou anonyme se présente faussement comme un argument plus éloquent que la courtoisie au regard du nombre de vues, de likes et de commentaires par un rapport par exemple à un pertinent article universitaire, journalistique ou militant dûment signé et publié. L’insulte au regard du résultat qu’il produit sur le champ de la communication politique n’est apparemment pas contre-productive. Choisi comme moyen de dénonciation des abus et scandales du pouvoir en place ou de neutralisation l’opposition, l’insulte s’accommode tant bien que mal à la démocratie.
L’insulteur politique s’accommode de ses avantages que lui procurent les menaces. En insultant, il prend à témoin l’ensemble du corps social. Il assume une volonté d’enfreindre la loi, d’être dans la transgression de l’interdit ; ce qui peut être perçu comme un acte de résistance et de défiance vis-à-vis de l’autorité qui, du coup, n’ayant plus toujours les moyens juridiques de sanctionner, se voit contrainte d’inventer de nouvelles réformes destinées à traquer les insulteurs qui officient notamment sur le numérique où les lâchetés anonymes ont élu domicile.
L’injure ne révèle pas seulement un désir de défoulement citoyen, dénué de toute visée politique. L’art de capter par l’injure tend à se substituer aux beaux discours convenus qui cherchent à conjurer et à porter la réplique à l’injure captivante et valorisée politiquement. Le processus de pacification de la vie politique n’a pas réussi à remplacer la violence physique par le débat démocratique contradictoire respectueux, argumenté et poli.
La classe politique, cible privilégiée des insulteurs, n’est apparemment pas totalement désorientée. Elle semble désormais être décidée à vivre avec le virus de l’injure. Elle adopte la stratégie de l’indifférence discursive qui fait que le silence devient comme un refuge et un moyen de faire oublier ; de se faire oublier pour faire taire.
CISSÉ LO EXCLU DE L'APR
La Commission de discipline du parti présidentiel dit avoir constaté ’’l’attitude du camarade dont les propos empreints d’une indécence que récusent la morale et la bienséance sociale, ont fini de heurter la conscience des populations"
La Commission de discipline de l’Alliance pour la République (APR, majorité) a prononcé lundi l’exclusion définitive de Moustapha Cissé Lo des rangs de la formation présidentielle, a appris l’APS.
Le président de l’APR a activé la commission de discipline de son parti après les insultes de Moustapha Cissé Lo à l’endroit de Farba Ngom et de Yakham Mbaye, dans une bande sonore largement relayée par les réseaux sociaux.
’’La commission de discipline, après avoir délibéré, à l’unanimité prononce l’exclusion définitive de Moustapha Cissé Lo des rangs de l’Alliance pour la République’’, indique un communiqué reçu à l’APS.
Elle ’’avertit fermement tout camarade qui adopterait des comportements et des propos à même de ternir l’image du parti ou de jeter le discrédit sur les institutions de la République’’.
La Commission dit avoir constaté ’’l’attitude du camarade Moustapha Cissé Lo dont les propos empreints d’une indécence que récusent la morale et la bienséance sociale, ont fini de heurter la conscience des populations’’.
A cela s’ajoute ’’la propension de camarades du Parti à s’épancher dans les médias par des propos injurieux ou calomnieux’’, selon la Commission, estimant que ’’par ces faits, ils entachent gravement l’image du Parti’’.
Ont pris part à la réunion de la Commission Abdoulaye Badji, Oumar Gueye, Abdou Mbow, Awa Gueye, Abdoulaye Daouda Diallo, Abdourahmane Ndiaye, Benoit Sambou.
Moustapha Cissé Lo, ancien président du Parlement de la CEDEAO, a annoncé sa démission de son poste de 2e vice-président de l’Assemblée nationale et des instances de l’APR pour rester simple député, militant et membre fondateur du parti au pouvoir.
APRÈS LA PANDÉMIE, LE RÉVEIL DE L'AFRIQUE
L’on a rarement vu l'Occident en si piteuse posture. Est-ce à dire que les lendemains sont déjà en train de chanter ? Il faudrait pour cela, que dans le fameux « monde d’après », Ouattara et Macky se mettent, comme pris de folie, à agir comme Sankara
La pandémie de Covid-19, piteusement gérée par les Occidentaux, a révélé les limites de leur hégémonie. Désormais, l’Europe et les États-Unis ont perdu leur autorité morale. Mais un ordre international plus juste reste à imaginer. Pour l’Afrique, ces événements réveillent le sentiment d’un destin commun et une certaine combativité. Les obstacles restent nombreux.
Au cours des trois dernières décennies, le monde a plusieurs fois redouté une pandémie – syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), grippe H1N1, Ebola. Finalement, les inquiétudes ont toujours dépassé la menace. C’est sans doute cela qui a empêché de prendre à temps la mesure du danger que représentait le nouveau coronavirus SRAS CoV-2. Peut-être ne sera-t-il pas aussi meurtrier que la grippe espagnole de 1918, mais son impact économique promet d’être plus dévastateur. De manière assez curieuse, la réflexion à chaud se focalise davantage sur l’après-pandémie que sur la pandémie elle-même. La lutte contre le Covid-19 en cache une autre, encore feutrée mais déjà bien plus féroce, pour le contrôle, dans les années à venir, des ressources et des imaginaires sur toute l’étendue de la planète.
L’Afrique aussi est en ordre de bataille, et la lettre ouverte adressée aux décideurs africains par une centaine d’intellectuels allant de Wole Soyinka et Cornel West à Makhily Gassama et Djibril Tamsir Niane, le 1er mai 2020, a eu un écho exceptionnel (1). Plutôt que de se résigner à lancer une pétition de plus, ses initiateurs (Amy Niang, Lionel Zevounou et Ndongo Samba Sylla) veulent transformer les mots en actes, raison pour laquelle ils ont élargi leur appel aux scientifiques africains. Sur un continent où presque tout est à refaire, de patients guetteurs d’aube ont pour ainsi dire accueilli la pandémie à bras ouverts, allant jusqu’à y voir une « chance historique »…
La pandémie a rendu l’Afrique plus consciente de sa vulnérabilité et de son insignifiance aux yeux du monde. Elle lui a permis de constater, concrètement, que dans les grandes tragédies humaines on ne peut s’en remettre à personne pour son salut. En effet, si le fléau a frappé tous les pays en même temps, ceux-ci n’ont pas fait bloc pour lui résister. Bien au contraire, les égoïsmes nationaux ont très vite pris le dessus sur le réflexe de solidarité. Le continent africain, dépendant des autres pour presque tout, a rapidement compris que s’étaient accumulées au fil des ans les conditions de sa propre destruction. C’est tout simple : si le virus qui a mis à genoux de riches pays occidentaux avait été aussi létal en Afrique, l’hécatombe annoncée y aurait très certainement eu lieu.
Cependant, même si elle leur a asséné un violent coup sur la tête, les Africains n’ont pas attendu cette pandémie pour rêver, selon l’injonction césairienne, de « recommencer la fin du monde (2) ». Le moment semble d’autant plus propice que l’on a rarement vu les puissances occidentales en si piteuse posture. Le contexte historique rappelle, toutes proportions gardées, les lendemains de la seconde guerre mondiale. Sur ces lieux de pure vérité humaine que sont les champs de bataille, les soldats africains ont vu s’effondrer le mythe de la toutepuissance du colonisateur. Ils y ont également découvert les luttes des autres peuples et mieux compris les mécanismes de leur propre oppression. Libérateurs de l’Europe, débarrassés du complexe de l’homme blanc, devenus des acteurs politiques de premier plan, ils ont été au coeur de toutes les batailles pour l’indépendance.
Quelque chose du même ordre pourrait bien être en cours depuis la chute du mur de Berlin.
Le terrain de jeu de l’armée française
Voilà en effet une vingtaine d’années que l’Occident n’inspire presque plus ni peur ni respect à tant de nations pourtant encore sous son joug. Les guerres d’Irak et de Libye sont passées par là, qui lui ont fait perdre le peu d’autorité morale dont il pouvait encore se prévaloir. Il serait excessif de dire que la pandémie lui a donné le coup de grâce, mais elle est en train d’en faire un grand blessé. Ce sentiment est si répandu que, d’Allemagne, où la crise sanitaire semble pourtant bien mieux maîtrisée que chez ses voisins, une amie peut lâcher au téléphone : « L’Occident est en train de s’effondrer, je suis surprise d’être témoin de cet événement, car je ne pensais pas que cela arriverait de mon vivant. » Elle est ensuite partie d’un bref éclat de rire où j’ai senti un mélange de dégoût et de gaieté. Je me suis toutefois bien gardé de lui dire le fond de ma pensée : le fléau ne va pas susciter du jour au lendemain un nouvel ordre mondial, plus juste et plus équilibré. Il n’en a pas moins révélé les limites d’une hégémonie occidentale apparemment
sans partage.
Tout d’abord, lorsque la pandémie éclate, un certain Donald Trump est depuis trois ans président des États-Unis d’Amérique, pays leader – encore que de plus en plus réticent – du bloc occidental. Les hommes ne font certes pas l’histoire, mais il semble bien que ses desseins épousent souvent, pour se réaliser, les contours d’une destinée singulière. Il se pourrait bien que le président Trump soit pour l’Occident moins un accident qu’un symptôme : celui de son lent déclin. Ce n’est pas non plus un hasard si l’autocrate Viktor Orbán, partisan de la théorie du « grand remplacement », est aux commandes en Hongrie. De crispations identitaires en ressentiments, son exemple pourrait faire tache d’huile en Europe. Faut-il, dans le même ordre d’idées, évoquer le Brexit, tout sauf un anodin coup de canif contre le projet européen ?
On comprend mieux pourquoi tant de dirigeants du Sud osent aujourd’hui s’en prendre ouvertement au Nord. En visite au Ghana en décembre 2017, le président Emmanuel Macron s’entend dire par son hôte de dures vérités sur l’aide au développement (3) ; au Zimbabwe, l’ambassadeur américain vient d’être sommé de s’expliquer sur l’affaire George Floyd, et l’Union africaine a fustigé en termes très durs les brutalités policières contre les Noirs aux États-Unis. Le président sudafricain Cyril Ramaphosa n’a pas hésité
à déclarer que « l’assassinat de Floyd ravive les plaies des Noirs sud-africains».
Mais, pour significatifs qu’ils soient, ces mouvements d’humeur n’ont jamais paru mettre en cause le rapport de forces entre l’Afrique et des pays occidentaux aimant se présenter comme ses bienfaiteurs. On aura d’ailleurs remarqué que de tels sursauts d’orgueil sont surtout le fait des anciennes colonies britanniques ou portugaises, qui, elles
au moins, peuvent se targuer d’un minimum de souveraineté.
Ce n’est pas le cas des pays africains francophones, où, depuis soixante ans, l’ancienne puissance coloniale impose son autorité de manière quasi directe. On dit souvent que, pendant la guerre froide, la Central Intelligence Agency (CIA) siégeait au conseil des ministres de certains régimes fantoches d’Amérique latine. Ce modèle survit sous une forme atténuée en Afrique francophone, dernier endroit du globe où une puissance étrangère est au coeur des processus de décision, en matière monétaire par exemple. Cette Afrique-là reste, pour la France, un gigantesque réservoir de matières premières. Paris n’y tolère aucune force politique pouvant menacer les intérêts de Total, d’Areva ou d’Eiffage. Le continent offre le terrain de jeu favori de l’armée de l’Hexagone, qui y est intervenue des dizaines de fois depuis 1964 – année de la première intervention militaire française en Afrique subsaharienne (au Gabon) après les indépendances de 1960. Le contraste est frappant avec Londres, qui n’a jamais déployé de troupes dans ses ex-colonies africaines.
Voilà pourquoi on a eu l’impression d’un basculement le jour où le président Macron s’est publiquement emporté contre ce qu’il a appelé «des sentiments antifrancais en
Afrique». C’est qu’il a eu le temps de se rendre compte qu’une nouvelle génération d’Africains est résolue à en finir avec cet anachronisme qu’est la «Françafrique». Le fait qu’on retrouve en première ligne de ce mouvement de révolte des stars planétaires comme Salif Keita ou Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly ou le cinéaste Cheick Oumar Sissoko, en dit la profondeur. Le grand Richard Bona avait annulé, en février 2019, un concert àAbidjan (Côte d’Ivoire) pour protester contre le franc CFA, se promettant d’ailleurs de ne plus se produire dans un pays où cette monnaie aurait cours. Il faut aussi prendre en compte de nouvelles formes de radicalisation politique symbolisées par les mouvements France dégage, dont M. Guy Marius Sagna est une figure de proue, et Urgences panafricanistes, de M. Kemi Seba (4).
C’est donc dans un contexte où les esprits étaient déjà surchauffés qu’est intervenue la pandémie.
Chacun a pu constater avec stupéfaction l’incapacité de l’Europe et des États-Unis – si prompts à prétendre se porter au secours des autres – à secourir leurs propres citoyens. Quelle ne fut pas la surprise de beaucoup à les entendre se plaindre, toute honte bue, de leur dépendance envers Pékin. Et ce que Le Canard enchaîné a appelé « la guerre des masques » laissera sûrement des traces dans les mémoires. Si c’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon, la pandémie a mis à nu un colossal fiasco.
Cela a réveillé chez les Africains un sentiment d’appartenance qui, au fond, ne les a jamais quittés. C’est très visible depuis quelques semaines. On dessine à qui mieux mieux les contours de l’« Afriqued’après». J’entends encore l’historienne Penda Mbow me recommander un texte d’Hamadoun Touré avant d’ajouter : «Tu verras, nous disons tous la même chose en ce moment!» Ce «nous» chargé d’une discrète émotion me frappe tout particulièrement. Et ce qui se dit et se répète, c’est que pour l’Afrique l’heure de toutes les souverainetés a sonné. C’est pour en finir avec une certaine servilité que plusieurs États (Burundi, Maroc, Guinée-Équatoriale) ont bravé des interdits de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) – concernant la prescription d’hydroxychloroquine, par exemple. Madagascar, elle, est allée jusqu’à fabriquer son propre remède, le Covid-Organics, à base d’artemisia. C’est aussi la première fois que les mauvais traitements infligés en Chine aux Négro-Africains ont suscité des protestations officielles aussi vives. L’ambassadeur de Chine à Abuja (Nigeria) a été sommé de s’en expliquer dans des conditions humiliantes.
L’instinct de survie est pour beaucoup dans ce regain de combativité. Compter sur les autres pour se nourrir ou se soigner, c’est s’exposer au risque de mourir de faim ou de maladie. Voilà pourquoi l’autosuffisance alimentaire et la rationalisation de la pharmacopée africaine sont au centre de tous les débats. Mais c’est dans la presse en ligne et sur les réseaux sociaux que l’on sent, pour reprendre le mot du journaliste et consultant René Lake, que « le couvercle a sauté ».
Un virus qui ne fait pas le printemps
Cette prise de parole à la fois sauvage et massive concerne surtout la jeunesse : sur plus d’un milliard d’Africains subsahariens, 70 % ont moins de 30 ans. Il s’agit donc là d’une formidable secousse politique.
Est-ce à dire que les lendemains sont déjà en train de chanter ? Certainement pas. Il faudrait pour cela que, dans le fameux « monde d’après », les présidents Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Macky Sall (Sénégal) se mettent, comme pris de folie, à penser et à agir comme Thomas Sankara. La « Françafrique » ne doit du reste pas sa longévité au seul contrôle du personnel politique. Elle est aussi d’une redoutable efficacité dans la gestion de proximité, quasi nominative, d’intellectuels et d’hommes de culture
transformés en zombies. Nombre de ceux qui disent en ce moment piaffer d’impatience aux portes du monde nouveau sont en fait de farouches partisans du statu quo.
C’est du reste pour laisser passer l’orage que les présidents Sall et Macron ont lancé le débat sur la dette. Le premier a accepté le mauvais rôle : mendier les faveurs financières des dirigeants occidentaux au moment même où ceux-ci étaient si occupés à compter leurs morts. En agissant ainsi, il s’est exposé – et a exposé l’Afrique – au mépris des chefs d’État du Nord.
Ce type de débat avait en outre pour le président Macron l’avantage d’enferrer tout un continent dans les schémas du « monde d’avant », un monde où l’aide à l’Afrique est l’un des plus sûrs attributs de la puissance, fantasmée ou réelle, de l’Europe. Inutile de dire que ce sentiment est encore plus enivrant lorsqu’on est en plein désarroi.
L’Afrique d’aujourd’hui n’a presque plus rien à voir avec celle des indépendances. C’est pourquoi l’idée qu’elle essaie dès à présent de résoudre ses problèmes dans un même élan est de moins en moins réaliste. Le scénario le plus plausible est celui de réussites isolées sur le modèleduRwanda, du Ghana et de l’Éthiopie.
Habituée àsepenser commeuntout, l’Afriquereste pourtant le continent des lieux lointains :dufait de la quasi-inexistence de moyens de transportcontinentaux dignes de ce nom, l’on yvoyage plus souvent de Lagos à Londres ou New York que de Lomé à Maputo. Le cloisonnement qui en résulte rend presque impossible, à l’heure actuelle, toute action commune. Il pourrait même expliquer une torpeur parfois très embarrassante. C’est le cas en ce moment où, de Tokyo à Bruxelles et de Sydney à Séoul, le monde entier manifeste sa solidarité aux Afro-Américains. L’ Afrique est totalement restée à l’écart de ce mouvement antiraciste planétaire. Le premier ministre canadien s’est agenouillé
pendant plus de huit minutes en hommage à George Floyd, mais aucun président africain n’a cru devoir en faire autant. Cette absence au monde en une occasion où on
devrait être au centre de toutes les initiatives est un signe qui ne trompe pas.
Mais, s’il est entendu qu’un virus ne saurait à lui seul faire le printemps africain, l’effervescence actuelle ne doit pas non plus être sous-estimée. Elle pourrait, à terme, aider l’Afrique à «basculer définitivement sur la pente de son destin fédéral», comme l’y invitait Cheikh Anta Diop, en ajoutant avec une lucidité quelque peu désespérée : «Ne serait-ce que par égoïsme lucide. »
Cela prendra quand même un peu de temps, ce sera affaire autant de passion que de patience.
(1) Cf. Bacary Domingo Mane, « Covid-19 : Des intellectuels africains interpellent les dirigeants du continent », MondAfrik, Dakar, 1er mai 2020, https://mondeafrik.com
(2) Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, Bordas, Paris, 1947.
(3) Lire Anne-Cécile Robert, « Diplomatie funambule », dans Manière de voir, n° 165, « France-Afrique, domination et émancipation », juin-juillet 2019.
(4) Lire Fanny Pigeaud, « Présence française en Afrique, le ras-le-bol », Le Monde diplomatique, mars 2020.