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4 juillet 2025
OUSMANE SOW HUCHARD, SOLEYA MAMA
Le musicien, militant écologiste et ancien député, décédé mercredi à l’âge de 77 ans, faisait partie des monstres sacrés des arts sénégalais, surtout dans les années 80 et 90. Son expertise lui a valu aussi une renommée internationale
La simple évocation du nom d’Ousmane Sow Huchard fait souvent penser à l’écologie. Le musicien, militant écologiste et ancien député, décédé mercredi à l’âge de 77 ans, faisait partie des monstres sacrés des arts sénégalais, surtout dans les années 80 et 90. Son expertise lui a valu aussi une renommée internationale.
Il portait la casquette d’un homme politique en s’affichant comme l’un des porte-étendards des questions écologiques, dans les milieux politiques sénégalais. Candidat du Rassemblement des écologistes du Sénégal (RES-Les Verts), aux élections législatives du 3 juin 2007, il avait été élu député de Ziguinchor (sud), sa ville natale.
Surnommé Soleya Mama (Le soleil de sa mère), il s’est battu pour faire de l’environnement une question centrale dans le débat politique. Même s’il n’est pas une formation pionnière dans ce domaine, le RES-Les Verts, qu’il a longtemps dirigé, a résolument mené la lutte contre la dégradation de la biodiversité.
Né le 5 décembre 1942, Ousmane Sow Huchard, anthropologue, muséologue, musicologue, critique d’art, conservateur de musée et consultant international, a d’abord reçu une formation technique en électricité avant d’entamer des études universitaires sur l’anthropologie, la musique et la muséologie, au Canada. Il était titulaire d’une licence d’histoire de l’art et d’archéologie classique de l’Université Laval, en 1978, et d’un master en anthropologie (option muséologie) de l’Université de Montréal, en 1980. Il sera titulaire, cinq ans plus tard, d’un doctorat d’anthropologie sociale et culturelle de l’Université de Laval, où il enseigne la muséologie à partir de 1981.
A son retour au Sénégal, il est nommé successivement conservateur en chef du Musée dynamique (1983-1988), conseiller technique au cabinet du ministre de la Culture (1986-1988), commissaire aux expositions d’art à l’étranger du Sénégal (1989-1990), président du conseil scientifique de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art), pendant six ans (1993-1999).
Auteur-compositeur, père de huit enfants, Ousmane Sow Huchard a été administrateur général adjoint de la Fondation Youssou-N’Dour. Sur le plan musical, il s’est illustré comme membre fondateur, en 1964, du Dakar Université Sextet, l’orchestre universitaire de Dakar. Il rejoint ensuite le Merry Makers, un groupe musical spécialisé dans l’interprétation des variétés africaines, françaises, et du rhythm and blues ou R&B.
A la suite de la scission de ce groupe, il crée le Waato Sita (il est temps, en mandingue), avec des collaborateurs, en 1970. C’est un groupe de recherches musicales implanté au centre culturel Blaise- Senghor, à Dakar. La spécificité du Waato Sita était d’allier des instruments occidentaux à des instruments africains, dont la kora mandingue, le tam-tam wolof, le ‘’bugeer’’ diola, le balafon balante et le ‘’bassé bolong’’ peul.
Ousmane Sow Huchard a été directeur du cabinet d’ingénierie culturelle ‘’Arts, actions’’, spécialisé dans le conseil, la réalisation et la production, dans les domaines de la muséologie générale, de la décoration artistique, du management d’artistes et d’artisans, etc. Quatre ‘’solidarités fondamentales’’
Pétri d’idées écologistes, il est entré en politique en 1999, en créant avec d’autres militants le Rassemblement des écologistes du Sénégal-Les Verts, dont il devient le porte-parole. Un parti politique qu’il conduit aux élections législatives de 2001, sans obtenir de siège à l’Assemblée nationale.
Le parti écologiste fonde son idéologie sur quatre ‘’solidarités fondamentales’’ : la solidarité avec les animaux, la nature et le système écologique, la solidarité avec les générations futures, la solidarité avec tous les peuples du monde, et solidarité avec tous les Sénégalais. Ces derniers vivent sous la menace de la précarité, de la pauvreté et de l’exclusion, disait Ousmane Sow Huchard à l’APS en 2007.
Cinq ans auparavant, sous sa direction, les écologistes remportent une cinquantaine de sièges aux élections locales (les conseils ruraux et régionaux, aujourd’hui dissous, et les mairies), dans plusieurs collectivités, notamment dans les îles de Gorée et de Ngor, situées près de Dakar.
En 2004, le RES-Les Verts est secoué par une crise. Ousmane Sow Huchard, accusé d’usurpation de fonctions par certains responsables, est suspendu, puis exclu des instances du parti. Ne l’entendant pas de cette oreille, il prend à son tour des sanctions contre neuf membres qu’il considère comme des dissidents, dont Haïdar El Ali, écologiste de renom, nommé ministre de l’Environnement huit ans plus tard. Ils sont exclus pour absentéisme chronique aux réunions, laxisme et refus de versement des cotisations mensuelles.
Le différend est porté devant le tribunal Hors Classe de Dakar, où Ousmane Sow Huchard est traduit par une citation directe pour usurpation de fonctions et d’autres accusations. Mais la requête des plaignants est jugée irrecevable.
Très impliqué dans le mouvement associatif, il est membre de plusieurs associations professionnelles nationales et internationales : l’Association des chercheurs sénégalais, le Conseil international des musées de l’Unesco, l’Association internationale des critiques d’art, l’Association des métiers de la musique du Sénégal. Il a dirigé l’Association pour la promotion de la musique africaine traditionnelle.
Ousmane Sow Huchard a obtenu plusieurs distinctions : Chevalier de l’Ordre national du lion (Sénégal) et Chevalier de l’ordre des arts et lettres (France et Sénégal).
Il est également auteur de nombreux essais, dont ‘’La Kora : objet témoin de la civilisation mandingue’’ (Presses universitaires de Dakar). L’auteur-compositeur sénégalais revendiquait la composition de l’hymne de l’ex-Organisation de l’unité africaine. Un hymne utilisé pendant dix ans par le Conseil supérieur du sport africain. Les hymnes ‘’Jeunesse sans frontières’’ et de la Semaine nationale de la jeunesse étaient de lui, a-t-il dit à l’APS.
A l’Assemblée nationale, où il a siégé durant la législature 2007-2012, Ousmane Sow Huchard disait vouloir prêter ‘’une oreille plus attentive [aux] compatriotes paysans, ouvriers, créateurs, artistes, artisans, inventeurs, chercheurs et femmes au foyer’’.
par Scandre Hachem
À PROPOS DE LA CAMPAGNE ANTI-LIBANAIS EN COURS
EXCLUSIF SENEPLUS - Ces voix, ces plumes qui prétendent défendre l'intérêt national sénégalais s'expriment en réalité dans une même logique que les suprématistes blancs aux États-Unis et autres mouvements identitaires européens
Depuis des décennies, la communauté d'origine libanaise au Sénégal est l'objet de campagnes de rejets et/ou de séductions discrètes, à l'occasion de faits particuliers mis en exergue selon les besoins, avouables ou non.
Cette pratique existe depuis la période coloniale, initiée par le colon lui-même pourtant "importateur" des libanais (pas toujours consentants, faut-il le préciser) pour servir de tampon entre le colonisateur (bien à l'abri dans ses bureaux ou ses casernes) et la population autochtone. On retrouve ainsi les libanais dans les villages, les bourgades et les petites villes, pratiquant le commerce dans sa plus simple expression jusqu'aux transactions qui deviendront progressivement plus élaborées avec le temps, jouant le rôle d'acheteurs directs de la production arachidière ou de la gomme arabique et de vendeurs de tissus et autres objets de consommation courants et agréables au palais pour citer ces exemples saillants.
Le libanais, au cœur de la circulation monétaire, finit par être représenté comme nécessairement riche, objet potentiel de sentiments contradictoires et bouc émissaire lors de situations de crise ou pour autre raison totalement étrangère à quelque difficulté économique que ce soit. Il est à noter que c'est la fonction des minorités dans toutes les sociétés, et on en voit les flambées régulièrement dans le monde, à des degrés plus ou moins feutrés jusqu'aux plus dramatiques.
Au Sénégal, les premières campagnes anti libanaises ont été initiées lorsque le Liban a demandé son indépendance. Par peur de la contagion avec les prémisses d'un mouvement potentiellement similaire au Sénégal, et pour prévenir toute propagation de principes d'indépendance parmi la population autochtone de la part de membres de la communauté libanaise qu'elle côtoie au quotidien, une campagne insidieuse dans un but de méfiance et d'intimidation fût pratiquée à son égard par le colon lui-même.
Ce genre de campagnes n'a cessé d'être rythmé assez régulièrement, même si la reconnaissance de la communauté libanaise en tant que partie intégrante de la communauté nationale fait son petit bonhomme de chemin.
La nouvelle campagne en cours
Depuis quelques années cependant, sous la férule de l'État d'Israël, aujourd'hui épaulé par l'impérialisme américain, cohortes évangéliques sionistes comprises d'une part et catholiques traditionalistes issues de la vieille France d'autre part, la communauté libanaise est l'objet d'un travail de sape et d'attaques en sourdine visant à la déstabiliser pour, à travers ce mécanisme, mener la guerre contre le Hezbollah, objet de toutes les obsessions israélo-américaines.
Et pour cause. Le Liban, tout petit pays, est le seul à avoir bouté de son territoire la soldatesque israélienne après dix-huit ans de résistance acharnée organisée dans le Hezbollah. Pire, il a réussi, avec ce même mouvement de résistance, à faire face et à résister à un déluge de feu par air, mer et invasion terrestre de l'État d'Israël puissamment soutenu par les États-Unis en 2006, enrayant toute nouvelle velléité d'occuper de nouveau le Liban, voire de l'intimider tout simplement.
Ne pouvant réduire le Hezbollah ni soumettre le Liban de façon frontale, il reste à l'État d'Israël, et à sa botte les États-Unis, d'utiliser leur toute puissance dans les services financiers, les systèmes numériques de surveillance et de sécurité, les contraintes économiques, politiques et militaires pour isoler le Hezbollah, pour organiser le sabotage de l'économie libanaise d'une part, réduire ses sources de soutien à l'extérieur du Liban, quelles qu'en soient leurs formes, en l'accusant d'être une organisation terroriste, lui attribuer ce statut et œuvrer à y entraîner d'autres nations, organismes et individus bien ciblés d'autre part. Différents moyens sont élaborés et mis en place progressivement, avec la complicité active de pays arabes du Golfe : lobbying intensif, chantages et pressions de différentes natures, achats de conscience et corruptions à différents niveaux...
Cette toile d'araignée autour du Hezbollah ne cesse de s'élargir et se diversifier.
Ainsi, le moyen en vogue depuis quelques années est inspiré de la torture qui est exercée sur des proches lorsque celle-ci s'est avérée inefficace sur la personne directement visée.
Car l'État d'Israël dispose d'un champ d'expérimentation unique au monde aujourd'hui, bien plus performant que celui utilisé par les nazis contre les juifs. Jouissant en effet de l'aval et la protection de la première puissance mondiale et des puissances occidentales, il peut ainsi expérimenter ses armes et ses systèmes de sécurité sur tout un peuple cobaye, en faire la démonstration grandeur nature aux acheteurs intéressés. Grâce à quoi, il peut tisser sa toile dans tous les pays qu'il vise, y compris en Afrique, y compris dans les pays où existe une communauté libanaise, notamment chiite, ce qui est le cas en particulier en Afrique occidentale, y compris au Sénégal où sa toile d'araignée est devenue bien consistante pour, régulièrement, mener des campagnes de déstabilisation et de rejet de la communauté libanaise. Car voici l'ennemi. N'ayant pu soumettre l'entité visée, à savoir le Hezbollah directement, c'est par ce proche, qu'on va l'isoler, l'affaiblir pour, enfin, le soumettre, voire le réduire. Notons en passant que la communauté chiite n'est pas la seule visée mais le Liban lui-même. De plus, partout dans le monde, tout sympathisant du Hezbollah l'est et est traqué dès qu'il atteint un certain niveau d'importance. Et comme chiites, sunnites et chrétiens libanais sont imbriqués les uns les autres dans la diaspora, et que les campagnes de rejets pour être efficaces ne doivent pas faire dans le détail, c'est toute la communauté libanaise qui en subit les foudres d'autant plus que les porteurs de ces campagnes en profitent pour régler leurs propres comptes avec celle-ci.
Bien sûr, l'attaque ne se donne jamais pour ce qu'elle est. Il est nécessaire de l'habiller, la rendre présentable, la légitimer. C'est le rôle de la fabrique du consentement selon la formule du linguiste américain Noam Chomsky.
On parlera ici de fraude fiscale, là de blanchiment d'argent, ailleurs de voile islamique ou encore de refus d'intégration .... et j'en passe. C'est en veux-tu, en voilà, décliné à toutes les sauces ! Et il n'en manque pas des candidats pour participer à cette orgie, tant le gain en cours de chemin et au bout de l'opération, agit comme un appât succulent et donne l'occasion de déverser le sentiment de rejet et de haine du libanais en tant qu'humain et citoyen porté par certaines plumes ou voix qui déroulent ces campagnes. Et de se sentir important à véhiculer ces discours, qui plus. Et ce sont des galons, des premières places, savamment orchestrés, à faire miroiter, à occuper et à gravir.
Que n'a-t-on cure alors des conséquences !
Les États-Unis ont une expérience en la matière, et c'est peu dire. Ils utilisent leurs lois, imposent leur extra-territorialité pour démanteler des pays mais aussi les fleurons économiques de leurs propres alliés, dans le seul but d'éliminer un concurrent et de s'approprier une technologie ou un espace, quelle que soit sa nature, mais qu'ils estiment stratégique. Pour citer un pays que nous connaissons relativement bien pour être en lien historique séculaire avec lui, la France, les États-Unis y ont démantelé, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, pas moins que la Compagnie Générale d'électricité (CGE), Alstom et récemment Renault Nissan pour ne citer que les plus connus et médiatisés.
À ces niveaux, tout dirigeant a ses zones d'ombre, ses failles, ses faiblesses. Et quand elles n'y sont pas, ces puissances ont tous les moyens de les fabriquer, les rendre crédibles pour jeter l'opprobre et briser les organismes ou entreprises visées ou convoitées. Mentez, mentez, il en restera quelque chose. Et quand bien même la montagne accoucherait d'une souris, si elle accouche, le but serait atteint.
Le Sénégal ne peut affronter les États-Unis. Il ne peut que se soumettre ou composer dans le meilleur des cas avec leur dictat. Des pays aussi puissants, et alliés de surcroît, que la France, l'Allemagne, le Japon se sont soumis. Et je n'évoquerai même pas l'Union Européenne, par esprit de charité, tant elle se liquéfie littéralement.
Et que dire alors de notre pays qui, par sa faiblesse objective, ne peut qu'obtempérer ainsi qu'il le fait depuis de nombreuses années déjà. Le FBI a pignon sur rue au Sénégal, il en contrôle les principaux accès (pas sous la forme d'un prétendu courage de son agent, tiré d'un polar de série B, qui affronterait le Covid-19 par esprit d'on ne sait quel sacrifice !).
L'État d'Israël dispose lui aussi dans notre pays, grâce à sa présence marquée dans la surveillance numérique et à son maillage humain par nationaux interposés, d'un parfait contrôle de nos données dans toutes les sphères économiques, administratives, politiques et sécuritaires essentielles pour en user selon ses propres besoins.
Ces deux alliés y ont la possibilité d'y agir comme bon leur semble, et ils ne s'en privent pas.
Si notre pays, par realpolitik, est obligé de se soumettre à leur dictat ou, à tout le moins, composer, cela n'est pas le cas des individus. C'est volontairement qu'ils s'en font le chantre ou prêtent leur plume ou leur voix, qu'ils adhérent à ce genre d'opération, par conviction ou gains attendus. À moins qu'ils ne soient soumis à chantage ou quelque pression bien choisie.
On a le droit d'adhérer à la volonté de l'État d'Israël de détruire le Hezbollah et d'occuper puis annexer une partie du Liban. On a le droit d'approuver l'expropriation des palestiniens de leur terre, de les disperser à travers le monde et de soumettre les récalcitrants à un régime de brimades, de privations, de répressions, d'humiliations et de terreur quotidiennement jusqu'à suffocation. On a le droit d'adhérer au discours des puissances dominantes de considérer tel mouvement de résistance de terroriste.
L'Allemagne nazie traitait les résistants des pays qu'elle occupait de terroristes. La France a fait de même avec les indépendantistes algériens, l'Afrique du Sud face à l'ANC et Nelson Mandela.
Les États-Unis quant à eux sont parmi les premières nations à avoir commis les premiers génocides réussis de l'histoire. Ils se sont construits sur l'esclavage des noirs, leurs systèmes de police se sont construits sur la traque des Noirs en révolte pour briser leurs chaînes. Israël s'est construit et continue de se nourrir des mêmes mécanismes sur le dos des Palestiniens. À des niveaux bien moindres d'autres États, et non des moindres, ont fondé et maintiennent leur puissance en s'imposant à d'autres nations. Pourquoi pas un journaliste, un homme d'affaires, un employé quelconque ou un simple quidam ? Mais alors, il faudrait l'assumer, bomber le torse, se draper de l'habit justicier et de tout ce que l'on veut de plus honorable, mais dire le fond de sa pensée, dire pour qui on roule. Car, comme le dit si bien un célèbre psychanalyste, lorsque quelqu'un s'exprime, se demander toujours d'où "ça" parle ? Car c'est bien le "ça" qu'il importe de déceler et de mettre à jour et au clair.
La communauté libanaise, une force pour le Sénégal, une force pour l'Afrique subsaharienne
Les libanais sont présents au Sénégal depuis près d'un siècle et demi, et peut-être même plus, tant ils ont vécu jusque dans les coins les plus reculés et isolés du territoire.
Où qu'ils aient pu être, en Afrique ou ailleurs, ils n'ont jamais disposé de l'appui de leur pays d'origine ni d'aucun autre pays. Ils ne peuvent compter que sur leur ingéniosité, leur volonté, leurs solidarités familiales et villageoises, et les réseaux sociaux qu'ils réussiront à construire. Face aux difficultés et inimitiés, ce sont leurs seules planches de salut.
Il en a été ainsi durant la période ayant précédé l'indépendance comme rappelé ci-dessus. Il en a été ainsi dès le début des années soixante-dix quand des cantines ont été érigées sur les trottoirs de l'actuelle avenue Émile Badiane, noyant totalement leurs commerces, ouvrant une ère qui verra progressivement le petit commerce libanais péricliter dans une crise endémique, élargissant de façon significative, en quelques décennies, leurs zones de pauvreté internes et donnant le signal à des stratifications sociales marquées au sein même de cette communauté où les enfants des familles les plus aisées cultivent progressivement l'entre soi du fait même de leurs lieux de loisirs et de vie devenus inaccessibles à leurs camarades de familles défavorisées qui ne survivent plus que grâce à des associations et initiatives individuelles caritatives structurées autour du religieux. Mais donnant naissance aussi, et à l'inverse, au sursaut d'une partie de ses membres qui s'est lancée dans la petite entreprise de transformation aboutissant aujourd'hui parmi les plus beaux fleurons de l'économie nationale. Nationale, parfaitement, leurs fondateurs fussent-ils non noirs, fussent-ils libanais ou d'origine libanaise.
Ces fleurons ne sont pas le produit de cadres sortis dont on ne sait quelle université ou grande école, dont on ne sait quelle maîtrise des mécanismes d'exploitation et de manipulation financière. Ils sont tout simplement le fruit du bon sens paysan qui est la nature profonde du libanais d'Afrique, ce paysan qu'il était au Liban et qu'il n'a jamais cessé d'être où qu'il soit en Afrique. La quasi-totalité des fondateurs de ces grands groupes n'ont pas fréquenté l'école, sinon dans le meilleur des cas le niveau primaire, ou alors surtout d'avoir eu la chance d'avoir été instruits par leurs pères grâce à l'enseignement religieux qu'ils leur ont prodigué avant de quitter le Liban.
Leurs enfants, éduqués aujourd'hui dans les universités, ne font que marcher dans leur sillage, hériter et/ou faire fructifier l'héritage, mais toujours sous la houlette du bon sens paysan du patriarche qui, tant qu'il est vivant, veille encore sur l'entreprise familiale.
Parallèlement à ce sillon, les premiers étudiants libanais s'étaient orientés dans leur quasi-totalité dans les études médicales, réalisant le rêve de leurs parents d'avoir un enfant "docteur", summum de la réussite sociale. Car médecin qui se dit "Hakim" en arabe, outre la vie qu'il a la possibilité de sauver avec l'instruction reçue (lorsque tu sauves la vie d'un homme, c'est comme si tu sauvais la vie de tous les hommes, dit le Coran), exprime aussi la sagesse. Pour couper court à toute illusion et laisser penser qu'ils se seraient laissés enfermer dans une pratique essentiellement philanthropique, ils n'en ont point oublié les retombées financières. Très vite là aussi, et dans la même décennie qui a vu naître la floraison des cantines, des contraintes fortes leur furent imposées pour l'ouverture d'un cabinet médical. Qu'à cela ne tienne, ils se sont lancés dans la construction de cliniques, donnant un souffle nouveau à l'éclosion d'un réseau sanitaire de qualité largement partagé aujourd'hui par une grande partie du corps médical.
Là ne s'arrêtent pas les obstacles qu'ils voient se dresser sur leur chemin. En effet, ils ont su faire face aux multiples contraintes et difficultés à obtenir la nationalité sénégalaise, difficultés érigées par l'ordre colonial lui-même et accentuées dans les années soixante-dix et quatre-vingts, malgré leur naissance au pays, la présence de leurs parents depuis des décennies et de leur communauté depuis un siècle.
Rien n'y fit, aucune barrière, aucune contrainte. Ceux qui jetèrent l'éponge momentanément iront dans des pays africains, tant ils ont l'Afrique dans leur être. Comme tout émigré, d'où qu'il vienne, ceux-là seront parmi les plus résilients et les plus talentueux. Ils construiront en Côte-d'Ivoire, au Cameroun, au Nigeria de puissants groupes industriels, avec toujours un pied au Sénégal, leur second pays d'origine et le premier pour nombre d'entre eux aujourd'hui.
Oui, ce sont là assurément des concurrents redoutables face à ceux qui, forts du soutien de leur pays, viennent y implanter leur puissance. Oui, ce sont des concurrents tenaces dans les secteurs où ils sont investis et, enfin et non le moindre, des soutiens potentiels à la résistance contre la mainmise sur le Liban, obsession maladive de l'État d'Israël.
Oui, de redoutables concurrents et tout ce que l'on voudra, mais certainement pas des ennemis du Sénégal, ni de l'Afrique subsaharienne. Bien au contraire, ils ont été et ils sont encore parmi le premier sillon pour participer au développement et à la construction de leur pays d'accueil, le Sénégal comme de l'Afrique subsaharienne, ouvrir la voie à de nouveaux secteurs que d'autres nationaux viendront investir et enrichir. Que ce soit l'agriculture irriguée dès les années cinquante, l'import-export ou l'industrie de transformation pour ne citer que ces exemples. Ils disposent d'une force d'entraînement particulièrement marquée et sont un lieu de symbiose tant leur vie privée et professionnelle est imbriquée au quotidien avec les populations autochtones. Une simple promenade attentive dans les quartiers où ils habitent et commercent suffit pour voir combien ils vivent imbriqués et en promiscuité avec leurs compatriotes de souche. Point n'est besoin de sortir de Polytechnique ou d'une quelconque école pour le voir et le comprendre. Jusque dans le Covid-19 que les uns et les autres se partagent largement et dit leur imbrication mutuelle.
Comme tous les immigrés, et le Sénégal en a l'expérience au quotidien maintenant, nombre d'entre eux envoient de l'argent à des membres de la famille restée au pays, y réalisent des dépenses de prestige, mais il est déjà très loin le fantasme d'un hypothétique "retour au pays". C'est au Sénégal, c'est en Côte-d'Ivoire, au Burkina, au Nigeria, en Guinée ou au Togo et ailleurs, dans leur pays d'adoption, qu'ils investissent la fortune qu'ils ont réussi à construire, pierre après pierre, économisant sous après sous. C'est en Afrique qu'ils créent leurs premières multinationales, c'est dans leur pays d'adoption que ces fleurons ont leur siège. C'est ici qu'ils naissent, qu'ils vivent, qu'ils meurent, qu'ils sont enterrés, et quand bien même ils venaient à mourir à l'étranger pour un nombre de plus en plus significatif d'entre eux.
Alors on pourra faire toutes les campagnes racistes qu'on voudra contre eux, voire perpétrer des pogroms, ici ils sont, ici ils resteront.
Et on pourra dire que certains disposent de centaines de millions, voire quelques milliards de liquide avec eux. Cela en ferait-il des fraudeurs ?
Ces sommes, pour mirobolantes qu'elles puissent apparaître pour un profane, sont un ba ba à certains niveaux d'activités. Quant à leur forme et leur circulation liquides, elle est l'expression même de l'économie au Sénégal comme dans tous les pays du Sud, tant celle-ci y est informelle. Bien sûr que les États-Unis et les puissances occidentales dominantes veulent imposer leur traçabilité et donc leur circulation dans les circuits financiers internationaux pour mieux contrôler et soumettre les pays à leurs intérêts propres. Mais ce n'est pas le cas dans les économies essentiellement informelles, et ce n'est dû à aucune entreprise ni aucun Etat en particulier, en Afrique comme ailleurs dans les pays du Sud.
Refuser de se soumettre à ces circuits financiers relève du simple bon sens paysan encore une fois.
La confrérie mouride, sortie de ses villages et de ses champs, s'est organisée en dahiras pour affronter les "étrangetés" et autres difficultés de la ville, se regrouper en réseaux de solidarité et d'entre-aide. Ce système a été reproduit dans leur processus d'émigration vers d'autres pays. C'est une règle de survie propre à tous les immigrés. Mais plus fortement encore que les autres immigrés en général, ils ont su connecter leurs réseaux à tous les niveaux de coopération et de solidarité.
Qui oserait prétendre que Touba est infesté de fraudeurs parce que l'argent liquide s'y trouve par dizaines et centaines de milliards ? Touba est la seule véritable banque d'investissement du Sénégal. C'est grâce à Touba et à son système de circulation de l'argent que de très nombreux investisseurs ont émergé et émergent toujours plus du cœur du Sénégal. L'argent rentre par centaines de millions de tous les pays du monde, drainés par la diaspora sénégalaise, il ressort par centaines de millions sous forme d'investissements. Et heureusement pour le Sénégal ! Car c'est aussi grâce à Touba que le Sénégal construit un maillage économique indépendant de la mainmise des puissances dominantes, maillage qui peut devenir, demain, le socle d'une indépendance économique véritable.
Les banques classiques n'ont jamais permis le développement d'un pays africain ni d'aucun pays colonial. Ces banques sont des prédatrices de l'économie. Elles servent surtout à aspirer l'argent pour le drainer vers les pays dominants et à leur seul profit. Pire, toute circulation monétaire à travers les institutions financières est contrôlée et bridée. Des justifications à n'en plus finir sont exigées, des taux d'intérêt prohibitifs appliqués. Et j'en passe.
Grâce à Touba, un sénégalais au fin fond d'un quelconque pays de n'importe quel continent peut recevoir dans la journée, l'argent dont il a besoin, sans le paiement d'un quelconque intérêt, alors qu'avec Western Union ou autres organismes, il vous faut débourser jusqu'à 9% d'intérêts et de coûts de conversion en fonction du montant de votre transfert. Refuser de passer par ce racket n'est pas frauder le fisc, c'est refuser d'engraisser les institutions financières internationales.
Lorsqu'un immigré sénégalais de Guinée, du Mali, de France, de Chine ou des États-Unis envoie de l'argent au pays pour soutenir sa famille, construire une maison ou investir dans un projet, qui oserait dire qu'il fraude le fisc de son pays d'accueil, qu'il s'agit d'un délinquant ou l'affubler de je sais quel sobriquet ?
Avoir de l'argent immédiatement disponible est une nécessité économique pour l'investissement ou la résorption d'une perte, c'est sauver des emplois ou en créer d'autres, c'est créer et réaliser des projets. L'argent versé dans un pays vient du pays même où il est versé, l'argent payé en contrepartie de ce versement ne quitte pas le pays d'où le paiement a été demandé. C'est une opération neutre pour chacun des pays concernés, mais ce sont des emplois sauvés ou créés, des dettes honorées et des projets réalisés. Et tant pis pour les banques qui ne se sont pas goinfrées au passage.
Quant à la corruption, elle existe. Et elle est partagée autant par des libanais, des wolofs que des sérères ou des pulaars. Mais on ne dit pas qu'un wolof, un sarakolé ou un ndiago a corrompu un fonctionnaire, l'écrire et le répéter à force d'encre et d'antenne, et laisser penser que les wolofs, les sarakolés, ou les ndiagos sont des corrupteurs. On dira par contre un libanais a corrompu un fonctionnaire, on le répétera en long, en large et en travers, à toutes les sauces et sur tous les tons, pour laisser entendre ou dire expressément que donc les libanais sont des corrupteurs. Et pourtant, le phénomène de la corruption, même s'il est étalé en long et en large par des esprits en mal de sensations, est tout à fait subsidiaire. La réalité est autrement plus pernicieuse. En effet, ce qui est très largement courant, c'est qu'il faut remplir toutes les obligations légales pour obtenir son dû, mais une fois ces conditions remplies, il faut quand passer à la caisse pour le percevoir, sinon votre dossier reste toujours tout en bas de la pile ou au fond du tiroir. C'est cela que certains esprits présentent comme de la corruption. Cela n'a rien à voir avec la corruption. Et il est inutile de nommer une telle pratique, on comprendra aisément de quoi il s'agit. En tout état de cause, cela constitue un handicap très lourd pour l'économie nationale comme pour la bonne marche de l'administration.
Peaux-noires, masques-blancs
Cette nouvelle campagne anti libanais à laquelle on assiste a pris naissance avec la question de l'interdiction du voile à l'école Jeanne d'Arc quelques mois avant la fin de l'année scolaire 2018/2019. Elle se prolonge et rebondit sous divers prétextes pour s'auto-nourrir et s'élargir à différents sujets.
Ces voix qui portent aujourd'hui les discours de haine et de rejet des libanais, ces plumes qui prétendent défendre l'intérêt national sénégalais s'expriment en réalité d'une même logique, d'un même déroulement de pensée que les suprématistes blancs aux États-Unis, les national-chauvins et autres mouvements identitaires européens. Les noirs et les arabes ? Des voleurs, des délinquants ! La preuve ? Ici, c'est ma voisine qui a une amie qui a été agressée ; la justice est laxiste à leur égard, à peine arrêtés, ils sont relâchés ! Là, c'est ils ne veulent pas s'intégrer, ils vivent entre eux dans leurs quartiers ! Ailleurs, ils fraudent la sécurité sociale, les allocations familiales ! Un peu plus loin, c'est notre emploi qu'ils volent ! Quand ce n'est pas une forme l'antisémitisme qui est reprise, ils sont tous riches... Suivez mon regard !
Les arguments ne volent pas haut. Ils sont les mêmes à Dakar, à Paris, à Bucarest, Washington ou Pretoria. Ils peuvent être bien habillés, dits avec répartis ou avec verve et étalés en sophismes, adaptés aux situations des pays et des circonstances, c'est systématiquement le même fond : la fraude, le refus de l'intégration, le vol de la richesse nationale.
Ils sont donc à bonne école et ils sont la voix de leurs maîtres. Ils s'allieront avec entrain avec les identitaires européens, les suprématistes blancs américains comme les faucheurs israéliens du peuple palestinien. Prétendre lutter pour la justice et l'indépendance du Sénégal pour en réalité être le cheval de Troie, les masques-blancs des nouvelles formes de domination et d'asservissement, et continuer de perpétuer en eux la sempiternelle relation d'esclave à maître tissée depuis des siècles. C'est méprisable dans notre monde contemporain, et cela serait risible n'eussent été les dangers et les destructions que leurs discours et leurs plumes portent en eux, visibles chaque jour à travers le monde. Cela se passe aujourd'hui ailleurs, certes, mais ailleurs n'est jamais loin.
L'Afrique mérite mieux que cela, et autre que cela.
REGARDS CROISES DE TIEMOKO MEYLIET KONE ET PATRICK LEGLAND
Dans un entretien croisé dans le site Financial Afrik, le gouverneur de la BCEAO Tiémoko Meyliet et l’économiste Patrick Leglang, enseignant à HEC analysent l’impact de la covid-19 sur les banques africaines.
Dans un entretien croisé dans le site Financial Afrik, le gouverneur de la BCEAO Tiémoko Meyliet et l’économiste Patrick Leglang, enseignant à HEC analysent l’impact de la covid-19 sur les banques africaines.
Le gouverneur de la BCEAO est revenu sur l’impact du coronavirus et les mesures prises. «Dès le début de la pandémie, nous avons mis en place un dispositif de suivi et d’évaluation de son impact sur le système bancaire, sur le financement des activités économiques, sur l’inflation et sur la croissance macroéconomique. Cela a permis à la Banque Centrale de cerner très tôt les difficultés rencontrées par les différents acteurs et, donc, de prendre des mesures ciblées, en ligne avec les instruments dont elle dispose», explique le gouverneur de la BCEAO.
Selon Tiémoko Meyliet Koné, la crise s’est traduite très tôt par une aggravation des besoins de liquidité. «Afin de réduire ces tensions et permettre aux banques de jouer pleinement leur rôle d’intermédiation financière, essentiel dans cette période de crise, la BCEAO a entrepris d’apporter les liquidités nécessaires au secteur bancaire.
Ainsi, depuis fin mars 2020, la Banque Centrale conduit les adjudications de liquidité sur ses guichets de refinancement à taux fixe. Dans cette configuration, toutes les demandes présentées à ses guichets sont généralement satisfaites. Cette mesure a permis de réduire considérablement les risques de pénurie de liquidité sur le marché monétaire, mais aussi d’aller vers une contraction sévère de la distribution du crédit bancaire», indique M.Koné.
De plus, les taux d’intérêt sur le marché monétaire se sont nettement détendus. La Banque a également pris certaines mesures en faveur des entreprises . «Notre objectif est surtout de contribuer à préserver l’outil de production et de permettre aux entreprises touchées par la pandémie de rester viables et de maintenir les emplois et les revenus», poursuit Tiémoko Meyliet Koné. Il ajoute: « Dans ce cadre, nous avons demandé aux banques et aux institutions de microfinance d’accorder des reports d’échéance de crédits à leur clientèle, entreprises comme particuliers, qui rencontreraient des difficultés pour honorer le paiement de leurs échéances. Je dois préciser que ces reports d’échéances, négociés pour une période de 3 mois renouvelable, se font sans charge d’intérêt, ni frais, ni pénalités de retard».
En contrepartie, la Banque Centrale a posé des actes d’incitation en direction des banques et institutions de microfinance, sous la forme d’un assouplissement dans l’application du dispositif prudentiel et du cadre comptable en vigueur. Vers la fin mai 2020, près de 800 entreprises et 3.500 particuliers ont été concernés par ces reports d’échéances. Le gouverneur de la BCEAO a tenu à rappeler que la banque a institué un système de cotation des entreprises non financières. Les créances bancaires portées sur celles qui ont une bonne signature sont refinançables par la Banque Centrale. Ce dispositif a permis d’identifier plus de 900 entreprises dans l’UMOA, qui ont ainsi bénéficié d’un accès plus facile aux crédits bancaires.
Concernant les États membres, la BCEAO a pris des dispositions pour les appuyer dans la mobilisation de ressources financières à faible coût, pour résoudre les difficultés de trésorerie liées à la crise sanitaire. Pour faire simple, il s’agissait de rendre des ressources disponibles immédiatement pour faire face aux dépenses urgentes, sachant l’attente souvent longue, face aux délais habituels de réception des concours attendus des partenaires extérieurs.
En collaboration avec l’Agence UMOA-Titres, la BCEAO a accompagné les États dans l’émission de bons du Trésor, dénommés “Bons Covid-19”. Et pour inciter les banques à souscrire à ces titres à des conditions vraiment favorables, la Banque Centrale a créé un guichet spécial de refinancement. Ce nouveau guichet a permis aux banques de refinancer les bons Covid-19 achetés sur le marché régional de la dette, à un taux fixe de 2,50%.
La liquidité ainsi obtenue par les banques devrait leur permettre de poursuivre leur activité de crédit et de faire profiter aux autres secteurs de l’économie les ressources tirées de l’émission de ces bons Covid-19. Au terme de l’opération, les États ont pu ainsi mobiliser 1.172,6 milliards de F.CFA au taux moyen de 3,12%, largement inférieur au niveau du taux de sortie des émissions de bons sur cette maturité. «Parmi les autres décisions prises par la BCEAO, nous avons, en concertation avec la communauté bancaire et les établissements de monnaie électronique, impulsé une série d’actions pour réduire les coûts d’utilisation des moyens de paiement digitaux.
L’objectif visé est d’encourager les usagers à les utiliser davantage durant cette période, qui impose aux populations de limiter les déplacements et les contacts physiques» , a fait savoir le gouverneur. Ces aménagements se sont traduits par une utilisation accrue des moyens de paiement digitaux dans l’UEMOA et ont eu un effet très positif sur l’inclusion financière des populations, notamment en termes d’accès aux services financiers numériques.
Enfin, le 22 juin 2020, le Comité de Politique Monétaire (CPM) de la BCEAO a décidé de baisser les taux directeurs de la Banque Centrale de 50 points de base, afin de soutenir les plans de relance économique mis en place dans tous les pays de l’Union pour lutter contre les effets de la crise sanitaire. Désormais, les banques pourront disposer de ressources financières auprès de la Banque Centrale au taux d’intérêt de 2,00%, l’un des plus faibles en Afrique. Et les banques sont, bien évidemment, invitées à répercuter cette baisse du coût de leurs ressources sur les taux d’intérêt des crédits accordés à la clientèle, en particulier les PME/PMI très affectées par la crise sanitaire.
Pour sa part, selon le Professeur affilié à HEC Paris, les plans de relance initiés par les Banques Centrales ont été tout à fait exceptionnels par leur montant, ampleur et réactivité. A ce titre, Patrick Legland affirme que la BCEAO a fait un travail tout à fait remarquable pour alimenter en liquidité le système bancaire de la zone UEMOA et indirectement les entreprises. Initiés par la BCEAO et l’agence UMOA titres, des Bons Assimilables Trésor (BAT) à trois mois dénommés «Bons Covid» ont été émis pour un montant de FCFA 1 172 Mrds, suivant les principes reconnus de l’International Market Association(ICMA). D’après ses explications, tous les pays ont bénéficié de ces liquidités et notamment la Côte d’Ivoire avec FCFA 535 Mrds dans le cadre de trois émissions non-syndiquées. Il a salué le fait que la BCEAO ait abaissé dès le 27 mars dernier son taux d’intérêt d’adjudication sur appel d’offres au niveau le plus bas jamais atteint par ce taux, à 2,5%.
Pour le professeur afflié à HEC, il est probable que la crise économique mondiale liée au Covid 19, sera profonde, longue, et vraisemblablement suivie d’une reprise lente. Les prochains risques à venir pourraient être la solvabilité de certains secteurs économiques. La BCEAO est parfaitement consciente de ces risques. Selon lui de nouvelles mesures interviendront, en totale cohérence avec ce qui a été mis en place pour renforcer la solidité du secteur bancaire et la réglementation de Bale 3.
DÉCÈS D'OUSMANE SOW HUCHARD
L’écologiste sénégalais est mort dans la nuit de mardi à mercredi, à Dakar, des suites d’une longue maladie
L’écologiste sénégalais Ousmane Sow Huchard est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, à Dakar, des suites d’une longue maladie, a appris l’APS de sa famille.
Le défunt, qui fut élu député en 2007, était depuis mars 2009 conseiller municipal de Ziguinchor, la ville où il naquit le 5 décembre 1942.
Ousmane Sow Huchard, anthropologue, muséologue, musicologue, critique d’art, conservateur de musée, consultant international, a d’abord reçu une formation technique en pratique d’électricité avant d’entamer des études universitaires sur l’anthropologie, la musique et la muséologie au Canada.
Titulaire d’un B.A en histoire de l’art et archéologie classique à l’Université Laval en 1978 et d’un Master of Science en anthropologie, option muséologie de l’Université de Montréal en 1980, Ousmane Sow Huchard est également Ph.D. en anthropologie sociale et culturelle de l’Université à Laval, en 1985. Il était auteur-compositeur-interprète.
Il a été également chargé de cours de muséologie du Département d’anthropologie de l’Université de Laval, en 1981.
A son retour au Sénégal, il est successivement conservateur en chef du Musée dynamique, de 1983 à 1988, conseiller technique au cabinet du ministre de la Culture entre 1986 et 1988, commissaire aux expositions d’art à l’étranger du Sénégal de 1989 à 1990, président du Conseil scientifique de DAK’ART (Biennale de l’art africain contemporain), de 1993 à 1999.
Il a été aussi Administrateur général adjoint de la Fondation Youssou Ndour.
Sur le plan musical, il s’est illustré comme membre fondateur, en 1964, de l’orchestre universitaire de Dakar, Dakar Université Sextet.
Il évolue ensuite au sein du Merry Makers, groupe musical qui interprétait des variétés africaines, françaises et le Rythm And Blues. A cause d’une rupture intervenue au sein de groupe, il crée avec d’autres, en 1970, le Waato Sita (il est temps, en mandingue).
Il s’agit d’un groupe de recherches musicales implanté au Centre culturel Blaise Senghor de Dakar.
La spécificité du Waato Sita était de marier des instruments occidentaux avec des instruments africains tels que la kora (manding), le tam-tam (wolof), le bugeer (joola), le balafon (balante) et le basse bolong (hal pulaar).
Pétri d’idées écologistes, Ousmane Sow Huchard signe, en 1999, son engagement en politique avec d’autres Sénégalais en mettant sur pied le Rassemblement des écologistes du Sénégal, les Verts, dont il devient le porte-parole.
Très impliqué dans le mouvement associatif, M. Huchard était membre de plusieurs associations professionnelles nationales et internationales.
Ousmane Sow Huchard a obtenu plusieurs distinctions dont celle de Chevalier de l’Ordre national du Lion et Chevalier de l’Ordre des arts et lettres de France et du Sénégal.
Il est également auteur de nombreux essais, notamment "La Kora : objet témoin de la civilisation mandingue", édité par les Presses universitaires de Dakar.
Il est aussi l’auteur-compositeur de l’hymne de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), qui fut utilisé pendant dix ans par le Conseil supérieur du sport africain pour les équipes sportives africaines, et de l’hymne Jeunesse sans frontières de la Semaine nationale de la jeunesse.
ORANGE, FREE ET EXPRESSO MIS EN DEMEURE PAR L’ARTP
L’Artp ne badine pas avec la qualité. Orange, Free et Expresso l’ont appris à leurs dépens, ce mardi 30 juin 2020.
Les opérateurs de télécommunications : Orange, Free et Expresso ont été mis en demeure par l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes(Artp). Le gendarme des télécommunications reproche à ces sociétés de téléphonie leur mauvaise qualité du service aussi bien sur le mobile que sur les données.
L’Artp ne badine pas avec la qualité. Orange, Free et Expresso l’ont appris à leurs dépens, ce mardi 30 juin 2020. En effet, le gendarme des télécommunications qui a découvert au cours d’un contrôle courant juin la mauvaise qualité de service offert par les trois opérateurs leur a tout simplement servi une mise en demeure pour les amener à corriger au plus vite ces manquements au cahier de charges.
Le Directeur général de l’ARTP a déposé les trois correspondances sur le bureau des Directeurs généraux de ces opérateurs de télécommunications. A partir de ce moment, c’est le compte à rebours pour Orange, Free et Expresso. Pour cause, ces opérateurs ont 30 jours à partir de la date de réception de la mise en demeure pour rétablir la qualité du réseau et des données.
En clair, d’ici la fête de la Tabaski qui est un très grand moment de communications et qui est prévue à la fin du mois de juillet, les consommateurs devraient retrouver un réseau de téléphonie et internet plus confortable. Tout manquement à ce cahier de charges exposerait Orange, Free et Expresso à de lourdes sanctions financières.
En 2016, la Sonatel/Orange, l’opérateur historique s’était vue infliger de lourdes amendes pour mauvaise qualité du service. De 13 milliards d’amende au départ, l’autorité de régulation avait réduit la sanction à 1, 5 milliard de francs CFA.
L’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes, en abrégé «ARTP» est créée auprès du Président de la République, en tant qu’autorité administrative indépendante, chargée de réguler les secteurs des télécommunications et des postes. L’Artp est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et de gestion. Depuis mars 2019, Abdoul Ly est le Directeur général de l’ARTP.
LES DETAILS DU PROTOCOLE SANITAIRE À L'AIBD
Après l’annonce de la réouverture des frontières aériennes pour le 15 juillet prochain hier, le ministre du Tourisme et des transports aériens a donné les détails des modalités de cette reprise.
La reprise des vols internationaux sera assujettie au respect des mesures barrières dans les différents endroits des aéroports. Les détails sont donnés dans une circulaire par le ministre du Tourisme et des transports aériens pour limiter la propagation du Covid-19.
Après l’annonce de la réouverture des frontières aériennes pour le 15 juillet prochain hier, le ministre du Tourisme et des transports aériens a donné les détails des modalités de cette reprise.
Selon Alioune Sarr, «il s’agit de la reprise des vols du Sénégal vers l’international, de l’international vers le Sénégal, mais aussi du survol du territoire national par les compagnies de transport aérien». Dans une note, il fait savoir que «instruction a été donnée à l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) pour le démarrage de la procédure de notification». Comme l’a dit le chef de l’Etat lundi lors de son adresse à la Nation, M. Sarr souligne que «cette reprise du trafic aérien se fera selon un protocole déjà établi par les services compétents, soumis et validé par le ministère de la Santé et de l’action sociale suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci)».
Dans son document, le ministre informe que «le protocole vise à réduire les risques de contamination par le virus du Covid-19 dans les aéroports et les aéronefs exploités au Sénégal». Il renseigne que ledit protocole «fixe également les dispositions générales à mettre en œuvre par les exploitants d’aéroports, les usagers de l’aéroport, le personnel et les passagers pour réduire les risques de propagation et de contamination du virus du Covid19 dans l’environnement du transport aérien».
Le ministre du Tourisme et des transports aériens précise que «les dispositions du présent protocole sont susceptibles d’être régulièrement mises à jour, en fonction notamment de l’évolution des règles sanitaires applicables au transport aérien édictées par les autorités sanitaires nationales et internationales, des conclusions des travaux de l’Iata et de l’Oaci sur la question, ainsi que des progrès de la médecine dans la lutte contre le Covid-19». D’ailleurs dans le cadre de cette reprise des transports aériens, une circulaire a été envoyée aux structures concernées. Celle-ci a pour objectif de fixer les dispositions générales à mettre en œuvre par les exploitants d’aéroports, les usagers de l’aéroport, le personnel et les passagers pour réduire les risques de propagation et de contamination du virus de Covid19 dans l’environnement du transport aérien. Il s’agit de veiller au respect des gestes barrières (lavage des mains, distanciation physique, prise de la température, port obligatoire du masque, entre autres) et de mettre en place le dispositif adéquat. Entre autres mesures prises, on peut noter la restriction des accès à l’aérogare.
A ce propos, le document souligne que «l’accès au terminal des aéroports doit être strictement réservé aux personnels aéroportuaires lorsqu’ils sont en service, aux passagers des vols en cours de traitement». Il est précisé qu’une «dérogation peut être accordée aux accompagnateurs de personnes malades, mineures ou à mobilité réduite».
La circulaire renseigne aussi que «sauf cas de force majeure, le passager ne doit pas retourner dans la zone publique après les formalités d’enregistrement». Le document ajoute que «toute personne qui accède au terminal doit porter un masque conforme aux recommandations des autorités sanitaires». De même, il est précisé que «le port du masque est obligatoire à tout moment et à tous les lieux de l’aéroport». Concernant l’enregistrement, «tous les comptoirs doivent être surmontés d’un dispositif solide et transparent de sorte à empêcher que l’agent ne soit exposé à un facteur de transmission du virus (souffle, postillon, etc.)»
Jusqu’ici, le fonds commun ne bénéficie qu’aux travailleurs des greffes alors que l’Ums a récemment relancé son projet de fonds abrogé en 2012. En attendant, le décret qui fixe celui des greffes et le projet des magistrats, qui seront alimentés de la même manière, sont au niveau de la Chancellerie. Quel arbitrage !
Le Fonds commun est un dossier judiciaire complexe. Si les travailleurs des greffes en sont bénéficiaires, les magistrats voudraient qu’ils soient étendus à tout le personnel judiciaire. Une autre manière de faire le nouveau projet de fonds commun soumis par l’Union des magistrats sénégalais (Ums) à la Chancellerie.
Dans un entretien publié hier par Le Quotidien, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust) parlait du blocage du décret sur le nouveau système de financement du fonds entre le ministère de la Justice et le secrétariat général du gouvernement. «Depuis que le décret est sorti, ceux qui sont au ministère de la Justice, de connivence avec ceux qui sont au Secrétariat général du gouvernement qui est chargé de la publication, il y a des magistrats là-bas, ils ont fait tout pour que le texte ne soit pas publié dans l’éventualité de créer leur fonds afin de reprendre les recettes qui nous ont été allouées», avance Me Aya Boun Malick Diop.
Instauré en 1993, le fonds commun des greffes était alimenté par les frais de délivrance des actes de justice comme l’établissement de casiers judiciaires, de jugement et d’arrêt. Il s’agissait d’un décret sur les frais et droits d’enregistrement des actes civils et commerciaux sans oublier que les frais de nantissement étaient limités à 50 millions de francs Cfa.
Après une longue bataille, le Sytjust avait obtenu en 2018 la signature de nouveaux décrets qui allouent au fonds des greffes de nouvelles recettes comme les amendes, les consignations. Ces nouvelles niches devaient servir à alimenter celui des magistrats qui a été créé en 2011, avant qu’il ne soit abrogé par le Président Sall dès son élection en 2012. Ce fonds est un poison distillé dans le corps judiciaire dont les différents acteurs veulent coûte que coûte son instauration.
Après l’échec de 2012, l’Ums est revenue à la charge au mois de mars, en élaborant un projet de loi qu’elle veut proposer à la signature du chef de l’Etat et qui vise à instituer un «fonds d’équipement et de motivation de la justice judiciaire», qui devrait être alimenté par les amendes prononcées par les Tribunaux et servirait à leur fournir des ressources additionnelles, en plus de leur salaire et indemnité de judicature.
Selon ses initiateurs, le «Fonds d’équipement et de motivation de la justice judiciaire» viserait à «contribuer à la modernisation de la justice et à l’amélioration des conditions de travail de ses acteurs-clés que sont les magistrats, en permettant le renforcement des équipements et une meilleure prise en charge de certains besoins, notamment en documentation technique ou en formation».
L’argent des amendes qu’ils seraient amenés à prononcer va principalement alimenter le fonds en question, de même que les «consignations faites pendant l’instruction, lorsqu’elles sont devenues définitivement acquises au Trésor public, à l’exception de celles faites en raison des détournements des deniers publics». Il y a aussi les droits de chancellerie payés par les bénéficiaires des décrets de naturalisation qui vont alimenter ledit fonds. L’article 3 du projet indique que «les ressources du fonds d’équipement et de motivation de la justice judiciaire sont affectées aux dépenses d’équipement des Cours et tribunaux et à la motivation des magistrats de ce corps».
L’article 6 indique que la part réservée à la motivation des magistrats leur est allouée sous forme de primes payées chaque trimestre. Ladite quote-part «ne peut être inférieure à la moitié des ressources du fonds» et est fixée par arrêté du garde des Sceaux.
Et si la part réservée aux dépenses d’équipement est excédentaire à la fin de l’année, le solde peut être réaffecté à la motivation des magistrats. Ce texte préparé par l’Ums rappelle étrangement le décret 2011- 1929 du 1er décembre 2011, signé par le Président Abdoulaye Wade, et qui instituait le Fonds commun des magistrats. Le texte en question avait, dans son rapport de présentation, pour objectif de «permettre l’allocation de revenus additionnels aux magistrats bénéficiaires».
Finalement, il sera abrogé par Macky Sall après un long combat mené par Aminata Touré, ministre de la Justice de l’époque. Elle disait clairement que «l’intéressement des magistrats aux produits des amendes et des confiscations qu’ils prononcent eux-mêmes pose un sérieux problème d’éthique».
GORÉE ATTEND LE FEU VERT DU MINISTRE DE LA PÊCHE
Depuis la survenue du Covid19, l’île de Gorée est restée fermée aux visiteurs. Elle poursuit son confinement malgré l’assouplissement des mesures restrictives liées à la prévention de la pandémie, suivi hier de la levée de l’Etat d’urgence et du couvre-fe
Depuis la survenue du Covid19, l’île de Gorée est restée fermée aux visiteurs. Elle poursuit son confinement malgré l’assouplissement des mesures restrictives liées à la prévention de la pandémie, suivi hier de la levée de l’Etat d’urgence et du couvre-feu.
Cette stratégie a permis de prémunir la commune qui est la seule de la capitale à ne pas connaître un cas positif. Et les non Goréens devraient encore prendre leur mal en patience pour espérer retrouver l’île. «A titre de rappel, l’arrêté ministériel restreignant l’accès à l’île aux non Goréens reste en vigueur tant qu’il n’aura pas été rapporté par le ministre de la Pêche et des transports maritimes», informe Me Augustin Senghor.
Face à cette nouvelle situation, M. Soyoubou Gaye, conseiller spécial du maire de Gorée, a contacté samedi dernier le commandant Diouf Niang, adjoint à l’administratrice de la Gare maritime, pour la réouverture de la première porte de l’embarcadère.
Cette réouverture est devenue effective depuis hier, mais est assortie de conditions précises pour éviter l’encombrement. «Ouverture 30mn avant chaque départ et fermeture après. Des vigiles et gendarmes devraient être positionnés là-bas pour filtrer les entrées, tout en demandant aux usagers de la chaloupe de se munir de leur carte de transport Lmdg pour éviter les incompréhensions», précise la mairie.
Après le discours à la Nation du Président Macky Sall, annonçant la levée de l’Etat d’urgence et du couvre-feu, le maire de Gorée réfléchit pour adapter sa commune à la nouvelle situation. «Suite aux mesures annoncées hier (lundi) par le chef de l’Etat, je vais m’entretenir avec l’administrateur délégué pour voir les réaménagements et réajustements qu’il y a lieu de faire au vu de la nouvelle situation», dit le maire.
Par Yoro DIA
G5 SAHEL, SOUVERAINETÉS CONFINÉES
Être du G5 ou pas n’a pas pour le Sénégal une importance stratégique. Au lieu de discuter du sexe des anges, veillons à nous donner ici et maintenant et dans le temps les moyens de sécuriser notre territoire !
«L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents, elle n‘a que des intérêts permanents.»
Ainsi parlait Lord Palmerston qui a été ministre de la Guerre, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur et en enfin Premier ministre de la Grande Bretagne.
Revisiter l’œuvre de Lord Palmerston est fort intéressant pour comprendre les relations ambiguës entre le Sénégal et les pays du G5 Sahel. Ces relations concernent à la fois notre politique extérieure, celle de notre défense et de notre sécurité intérieure, ces ministères régaliens qu’a eu à occuper Lord Palmerston avant d’aller au 10 Downing street.
Lord Palmerston (Premier ministre de 1855 à 1858) avait compris bien avant Winston Churchill (Premier ministre de 1939 à 1945) que l’Angleterre, avec ou sans alliés, devait se donner les moyens de défendre son île. Cette grande sagesse stratégique a sauvé l’île face à l’ouragan Napoléon, mais aussi et surtout face aux hordes nazies qui avaient soumis presque toute l’Europe comme l’empereur des Français.
Avec le sommet du G5 de Nouakchott, le débat sur l’absence du Sénégal dans le G5 va encore se poser. Ce débat n’a pas beaucoup d’intérêt. Conformément à la sagesse stratégique de Palmerston, la question qui s’impose est celle-ci : G5 Sahel ou pas, est-ce que notre pays s’est donné les moyens d’assurer sa sécurité ? Certains pays du G5 Sahel qui ont choisi de sous-traiter leur sécurité à la France et l’Onu vivaient un confinement de leur souveraineté bien avant que le coronavirus ait popularisé le mot.
En dehors du Tchad qui s’est donné les moyens de sa politique sécuritaire et de la Mauritanie que les jihadistes semblent contourner comme le Burkina au temps de Compaoré, les pays du G5 Sahel ne s’en sortent pas du tout sur le plan sécuritaire. La France mise sur les coups d’éclats (élimination de Droukdel) et les jihadistes misent sur le temps et la lassitude.
C’est comme en Afghanistan où les Talibans ont fini par avoir les Américains à l’usure, en faisant du temps leur plus grand allié. Dans le Sahel, les jihadistes ont la même stratégie : miser sur l’usure et les alternances politiques qui sont inhérentes à toutes les démocraties. C’est pourquoi être du G5 ou pas n’a pas pour le Sénégal une importance stratégique. Au lieu de discuter du sexe des anges, veillons à nous donner ici et maintenant et dans le temps les moyens de sécuriser notre territoire !
Aussi bien la France que l’Onu et les bailleurs de fonds ne sont pas loin de la lassitude face l’insoluble question du Sahel qui est pour la France une question de politique extérieure, alors que c’est un problème de sécurité nationale pour le Sénégal qui n’a d’autre choix que d’aider le Mali à contenir les jihadistes. Donc au-delà d’aider le Mali, il est de notre intérêt que notre armée soit présente au Mali pour contenir les jihadistes, qu’il est préférable de combattre à Mopti, Gao, plutôt qu’à Kidira ou à Kédougou. La France peut se retirer, mais on ne peut déplacer le Mali ou faire déménager le Sénégal.
C’est peut-être pour cela que Bismarck disait : «Un pays subit sa géographie, mais fait son histoire.» Géographiquement, nous sommes du Sahel, être ou ne pas être membre du G5 Sahel relève d’options politiques conjoncturelles, mais avoir le sens de l’histoire consiste à se donner les moyens de défendre son pays avec ou sans alliance. C’est cette sagesse qui nous a permis de gagner la guerre en Casamance et de sauver notre pays de la partition qui guette le Mali s’il continue de sous-traiter sa sécurité.