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13 juillet 2025
MAIN BASSE SUR 55 HA DANS LA FORÊT DE DIASS
Pour le Collectif pour la défense des intérêts de Boukhou, il s’agit d’un ‘’système organisé de pillage et de spéculation foncière qui implique tous les niveaux de décision de l’Administration
D’un projet futuriste pour le village de Boukhou à une distribution abusive d’un titre foncier appartenant à l’Etat du Sénégal, difficile de trouver une partie du pays qui échappe aux litiges fonciers.
Diass, nouvelle ville. L’histoire ne germait pas que dans la tête de l’ex-président de la République du Sénégal, Me Abdoulaye Wade, qui a décidé d’y installer le nouvel aéroport international de Dakar (AIBD). Les habitants du village de Boukhou, dans la commune de Diass, en ont eu la preuve. C’est en juin 2016 qu’un promoteur immobilier, du nom de Mamadou Clédor Fall, est venu leur présenter le projet de lotissement d’un terrain de 55 ha dans le village, espace compris dans la forêt classée de Diass. Avec la bénédiction de la mairie de Diass, l’homme d’affaires affirme alors détenir tous les documents émanant des autorités administratives sur un terrain lui appartenant et pour lequel il avait dépensé beaucoup d’argent.
Des personnes ayant suivi ces déclarations soutiennent qu’il avait même fait mention de ‘’12 avis favorables obtenus auprès des services compétents (la commission régionale d’urbanisme, le cadastre, l’Ageroute, la Senelec, les eaux et forêts…)’’.
En présentant le projet aux autochtones, le promoteur immobilier promettait la construction de centres de formation, de mosquées, de ‘’daara’’ modernes, d’un stade et bien d’autres infrastructures.
Mais quatre années plus tard, ce sont les parcelles qui sont vendues en baux, alors qu’après vérification, le lieu est supposé appartenir à l’Etat du Sénégal.
Comment comprendre ce qui se passe dans cette partie de la forêt classée de Diass ? Pour le Collectif pour la défense des intérêts de Boukhou, il s’agit d’un ‘’système organisé de pillage et de spéculation foncière qui implique tous les niveaux de décision de l’Administration : M. Baye Moussa Ndoye, Chef du Bureau des domaines de Mbour, et M. Aliou Samb Ciss, Maire de la commune de Diass, se sont ligués avec un repris de justice nommé Mamadou Clédor Fall, promoteur immobilier et administrateur de la société Diarra Sarl, pour légitimer un projet de lotissement irrégulier initié frauduleusement par la mairie de Diass depuis 2016’’. Ce collectif s’est formé lorsque la population s’est rendu compte que des parcelles sont déjà mises en vente, au moment où rien n’a été érigé sur le site. En atteste l’attribution ‘’de la parcelle n°485 du plan de lotissement de Boukhou, d’une superficie de 200 m2 environ, à distraire du titre foncier n°3175/MB’’ qui invite son bénéficiaire à se ‘’rapprocher du Bureau des domaines de Mbour, en vue de l’établissement du contrat de bail y afférent’’. Ce document a été signé par le chef du bureau Baye Moussa Ndoye.
Des lettres de notification vendues, alors que la liste d’attribution des parcelles n’est pas publiée
Ces attributions ont débuté depuis le mois de février 2020, sur la base des ‘’décisions issues de la Commission d’attribution des parcelles de la commune de Diass’’, comme mentionné dans les lettres de notification d’attribution de parcelles. Soupçonnant un deal, le Collectif pour la défense des intérêts de Boukhou demande au Bureau des domaines de Mbour, dans une lettre datée au 19 mars 2020, une copie du procès-verbal de la commission d’attribution des parcelles. Six jours plus tard, une autre lettre du collectif est déposée au bureau de Baye Moussa Ndoye, dénonçant l’attribution de parcelles sur le site litigieux. Mais les requêtes sont restées sans réponse. De plus, la liste d’attribution des parcelles n’a pas été publiée, au moment où des lettres de notification sont en train d’être vendues, dénonce la population.
C’est une délibération du Conseil municipal de Diass n°04/CD en date du 12 août 2015 portant lotissement et restructuration des villages de Boukhou et Packy, pour une superficie de 55 ha, TF n°3175/MB, qui définit le projet de lotissement en question. Seulement, beaucoup de conseillers municipaux, interrogés par des membres du collectif, soutiennent que le conseil municipal en question ne s’est jamais tenu. Encore plus bizarre, il existe deux versions du procès-verbal de cette supposée rencontre autorisant le maire à procéder au lotissement et à la restructuration des villages de Boukhou et Packy pour une superficie de 55 ha. Dans l’article 1 de la seconde délibération, le mot ‘’restructuration’’ a été ajouté au lotissement, par rapport à l’article 1 du premier document. Mais les deux délibérations portent l’approbation du sous-préfet de Sindia, Mountaga Daha Diallo, et du maire Aliou Ciss.
Comment le conseil municipal peut-il délibérer sur une assiette foncière de l’Etat ?
De plus, sollicité par un étudiant, le chef du Bureau des domaines de Mbour, Baye Moussa Ndoye, par ailleurs conservateur de la propriété et des droits fonciers de Mbour, a certifié, dans une lettre datée au 17 mars 2020, ‘’que l’immeuble objet du titre foncier n°3175/MB, consistant en un terrain urbain servant d’assiette au lot de Boukhou, portant le numéro d’identification cadastral (Nicad) 071 203 02 014 00001, d’une contenance reconnue au bornage trente-deux hectares quatre-vingt-dix ares quatre-vingt-quinze centiares (32ha 90a 95ca) appartient, à ce jour, exclusivement à l’Etat du Sénégal’’. Dans ce contexte, comment le conseil municipal peut-il délibérer sur une assiette foncière de l’Etat ?, s’indigne le Collectif pour la défense des intérêts de Boukhou.
Aussi, à ce jour, personne ne connait les termes qui lient la mairie de Diass au promoteur immobilier, dénonce-t-il.
Devant toutes ces irrégularités, la population a entrepris d’introduire un recours judiciaire qui est toujours en cours d’instruction. Ces actions avaient même conduit, par moments, à l’arrêt des travaux de terrassement par la gendarmerie. Mais, ‘’en juillet 2017, la mairie de Diass a fait recours aux services du ministre du Renouveau urbain, de l’Habitat et du Cadre de vie pour reprendre les travaux, en brandissant l’arrêté n°13 318 du 26 juillet 2017 qui autoriserait un lotissement sur le site des 55 ha sis à Boukhou. Cet arrêté, s’il existe, conforte notre position selon laquelle le projet immobilier ou plutôt le projet de lotissement est entaché de plusieurs irrégularités. Pourquoi la mairie avait-elle démarré le terrassement en juillet 2016, sans l’autorisation du ministre, alors que l’article 43 de la loi n°2008-43 du 20 août 2008 portant Code de l’urbanisme stipule que l’autorisation de lotir est délivrée par le ministre chargé de l’Urbanisme, après avis de la collectivité concernée… ?’’, se demande le collectif.
D’ailleurs, il a annoncé une plainte déposée à l’Ofnac contre M. Baye Moussa Ndoye, le chef du Bureau des domaines de Mbour, et M. Aliou Samb Ciss, l’édile de la commune de Diass, pour fraude et dénonciation de la distribution irrégulière de lettres de notification d’attribution de parcelles du TF n°3175/MB.
Historique de la forêt classée de Diass…
La forêt classée de Diass comptait une superficie de 1 860 ha classés sous le n°224 du 21 janvier 1939. En 2001, 907,35 ha ont été déclassés pour les besoins de la construction de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass par décret 2001-667 du 30 août 2001. Ensuite, pour la création de la zone économique spéciale intégrée, une partie de la forêt classée de Diass, d’une superficie de 650 ha a été déclassée par décret n°2007-1336 du 6 novembre 2007.
Enfin, il y a eu le décret n°2010-1093 en date du 13 août 2010 portant déclassement de 110 ha de la forêt classée de Diass, département de Mbour, région de Thiès, au profit de la SCI ‘’la Nouvelle ville’’. Ce décret a été remplacé entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012 par le décret n° 2012-336 MEF/DGID/DEDT en date du 7 mars 2012, déclarant d’utilité publique la réalisation d’un programme immobilier à Diass, prescrivant l’immatriculation au nom de l’Etat d’un terrain du domaine national d’une superficie de 110 ha 00 are 00 ca sis à Diass, dans le département de Mbour, en vue de son attribution par voie de bail.
Jusque-là, le scandale foncier concerne 55 ha sur 110 ha mentionnés dans le décret prescrivant l’immatriculation, d’où l’interrogation légitime de la population sur les 55 ha restants.
par Oumar Ndao
QUAND MACKY SALL SOUTIENT LA LUTTE ANTI-TABAC
On se demande s'il sait que le décret sur les débits de tabac est en souffrance au Secrétariat général du gouvernement depuis plus d’un an alors qu’il reste juste à le programmer en Conseil des ministres pour son adoption
C’est à travers le monde de la twittosphère que le Président de la République s’est prononcé pour la célébration de la journée mondiale sans tabac. Par un tweet, le chef de l’Etat a rappelé les nombreuses et dévastatrices répercussions du tabagisme sur la santé avant d’inviter la population à choisir la santé et la vie.
Ainsi, il réitère son engagement sans faille dans la lutte antitabac et encourage tous les acteurs à s’investir davantage pour la protection de la santé des populations et de la jeunesse en particulier.
En effet, Macky Sall, candidat à l’élection présidentielle de 2012 avait pris le ferme engagement de faire adopter la loi antitabac afin de hisser notre pays au rang des champions de la lutte antitabac en Afrique et dans le monde.
Deux ans après son accession à la magistrature suprême, le Sénégal adoptait alors la loi n° 2014-14 du 28 mars 2014 relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac, suivie de son décret d’application en 2016.
Cet évènement historique survint dans un contexte mondial caractérisé par le transfert de l’épidémie tabagique se traduisant par une très forte progression du tabagisme dans les pays les plus pauvres de la planète, particulièrement dans les pays de l’Afrique subsaharienne marqués par une absence de législation antitabac efficace.
L’année 2014 devient ainsi une date repère dans la lutte antitabac en Afrique et dans le monde avec un leadership affirmé du Sénégal dont les dirigeants sont, depuis lors, fortement sollicités pour honorer de leur présence les plus hautes instances de lutte antitabac à travers le monde.
Abordant la question du cancer lors de la réunion du Conseil des Ministres du 30 mai 2018, monsieur le président de la République, réaffirmant son engagement, avait demandé au gouvernement d’intensifier la lutte contre le tabagisme en mettant en application l’ensemble des dispositions de la loi antitabac votée en 2014.
Parmi ces dispositions, nous pouvons citer le projet de décret fixant les modalités, la procédure et les conditions de délivrance de l’autorisation d’ouverture d’un débit de tabac, de son retrait et de la fermeture définitive dudit débit mais aussi la réglementation relative à la chicha qui sont actuellement bloqués au niveau du Secrétariat général du Gouvernement (SGG).
Compte tenu de cet engagement affiché et soutenu du président de la République dans le cadre de la lutte antitabac, le retard accusé dans l’adoption de ces textes devient un mystère et on serait porté à se demander si réellement il est au courant que le projet de décret cité ci-dessus et communément appelé décret sur les débits de tabac est en souffrance au SGG depuis plus d’un an alors qu’il reste juste à le programmer en Conseil des ministres pour son adoption.
Les services compétents du ministère de la Santé et de l’Action sociale ont fait tout le travail nécessaire pour donner suite à l’instruction du président de la République issue du conseil des ministres du 30 mai 2018. Cependant, nous constatons avec amertume que ce blocage réduit à néant les efforts considérables déployés pour protéger notre jeunesse dangereusement exposée aux produits du tabac qui demeurent largement accessibles dans les circuits traditionnels actuels de l’offre.
Nous félicitons encore une fois de plus le président de la République pour sa volonté politique affichée de lutter contre le tabagisme et nous ne perdons pas espoir pour la signature rapide du projet de décret relatif aux débits de tabac afin de minimiser et d’affaiblir l’accessibilité de ce produit mortel face à une jeunesse innocente constituant la cible privilégiée de l’Industrie du tabac.
Pour rappel, le Sénégal, à l’instar de la communauté international a célébré ce 31 Mai 2020, la Journée Mondiale Sans Tabac.
PAPA MASSATA, L'ABSENT OMNIPRÉSENT AU PROCÈS DU CLAN DIACK
A la barre, Lamine Diack se montre surpris d'apprendre que VTB avait payé 29 millions d'euros pour être sponsor de l'IAAF de 2007 à 2011, mais sa fédération n'en a touché que 19. Les 10 millions restants ont atterri chez celui qu'on surnomme "PMD"
Il est au cœur des soupçons de corruption sur fond de dopage russe et de détournement de millions d'euros des sponsors, mais il a toujours échappé à la justice française : Papa Massata Diack, le fils de l'ancien patron déchu de l'athlétisme mondial Lamine Diack, a de nouveau brillé par son absence lundi au procès de cette affaire tentaculaire, à Paris.
"Mmmhhhh ?", "pardon ?", "je ne comprends pas", "je ne sais pas" : l'ancien président de la fédération internationale d'athlétisme (IAAF, 1999-2015), Lamine Diack, a opposé des réponses souvent embrouillées et parcellaires sur le volet sponsoring de l'affaire, abordé lundi. Jusqu'à ce que l'un de ses avocats, Me William Bourdon, lui fasse dire que son quatrième mandat à la tête de l'IAAF avait été "celui de trop" et qu'il aurait dû être plus vigilant: "incontestablement", a murmuré l'homme de 87 ans, cheveux blancs, boubou bleu ciel et lunettes attachées sur la tête par un épais élastique noir.
Quant à Papa Massata Diack, qui est resté à Dakar, il a fallu se contenter de ses réponses à un juge sénégalais en novembre 2019, dans les médias ou devant la commission d'éthique de la fédération internationale d'athlétisme (IAAF), dont il a dirigé la branche marketing.
- Commissions "exorbitantes" -
Le père et le fils sont jugés pour avoir permis de retarder, à partir de la fin 2011, des sanctions disciplinaires contre des athlètes russes soupçonnés de dopage. Leur but: obtenir un coup de main des autorités à Moscou dans le renouvellement des contrats de sponsoring et de diffusion avec la banque d'état russe VTB et la chaîne télévisée RTR, ainsi que des fonds pour financer des campagnes politiques au Sénégal.
Mais Lamine Diack comparaît aussi pour abus de confiance, soupçonné d'avoir permis à son fils, poursuivi pour recel, de s'approprier plusieurs millions d'euros dans les négociations avec les sponsors, la banque russe VTB, le coréen Samsung ou la chaîne chinoise CCTV. Soit en imposant ses sociétés comme intermédiaires, soit en s'attribuant des commissions "exorbitantes", autour de 20%, alors qu'il était déjà payé 900 dollars, puis 1.200 par jour de travail comme consultant marketing à l'IAAF.
A l'audience, en son absence, les mots de Papa Massata Diack sont tirés d'une interview à L'Equipe, en 2016: il s'y targue d'avoir apporté à l'IAAF la somme de 678 millions de dollars sur une enveloppe globale de 925 millions de droits marketing (près de 820 M EUR).
- "Casquettes" -
Les commissions sont tout aussi vertigineuses. A la barre, Lamine Diack se montre surpris d'apprendre que VTB avait payé 29 millions d'euros pour être sponsor de l'IAAF de 2007 à 2011, mais que sa fédération n'en a touché que 19. Les 10 millions restants ont atterri sur le compte d'une société de celui qu'on surnomme "PMD". Le père assure même qu'il ignorait que les droits marketing de l'IAAF étaient cédés au géant japonais de la publicité Dentsu, chargé à son tour de les commercialiser auprès des marques, ce qui permettait aux sociétés du fils d'intervenir comme intermédiaire.
"Ca ne vous posait pas de problème que votre fils intervienne avec deux casquettes, qu'il était rémunéré par l'IAAF et touchait de l'argent des sponsors?", lui demande la présidente du tribunal, Rose-Marie Hunault. "Je pensais qu'il pouvait vendre", bredouille Lamine Diack.
Puis c'est au tour du procureur financier, François-Xavier Dulin, d'énumérer les virements du fils sur le compte du père, entre 2011 et 2015. Au total, Lamine Diack a reçu environ 600.000 euros sur ses comptes bancaires, provenant de Papa Massata voire même de ses sociétés.
"Pourquoi?", demande le procureur. Lamine Diack n'en a pas de souvenir précis.
Resté à Dakar, "PMD" a bénéficié du fait que le Sénégal, comme beaucoup de pays, n'extrade pas ses nationaux. Mais l'homme est suffisamment bien introduit pour s'être vu octroyer un passeport diplomatique en 2014, ont relevé les juges d'instruction, qui ont déploré "l'absence totale de coopération" du Sénégal. Le dossier y est sensible dans ce pays, Lamine Diack ayant reconnu durant l'enquête avoir demandé aux Russes de financer l'opposition contre le président sortant de l'époque Abdoulaye Wade, finalement battu en 2012 par Macky Sall, qui a entamé en 2019 son deuxième mandat consécutif de président.
Le procès, où comparaissent six personnes, se termine jeudi.
par Die Maty Fall
ETATS-UNIS, POURQUOI TANT DE RACISME, DE HAINE, ET DE DISCRIMINATION ?
Il nous est difficile depuis Dakar de comprendre comment il est possible dans une nation qui se dit éprise des valeurs de liberté, de tolérance, d’égalité devant la loi, de tolérer en même temps l’«étouffement» de ses citoyens noirs
Epargné par la pandémie du nouveau coronavirus révélatrice d’une surmortalité plus élevée parmi les Afro-américains, signe d’inégalités socio-économiques et d’accès aux soins, George Floyd n’a pourtant pas échappé à la sombre pandémie du racisme systémique et de la discrimination raciale, mort étouffé sous le genou d’un policier blanc malgré ses suppliques. Une pandémie d’impunité beaucoup trop familière aux Etats-Unis. Les policiers américains tuent en moyenne trois personnes chaque jour et selon Franklin Zimring, criminologue à l'université de Berkeley, « au moins la moitié de ces morts ne sont pas nécessaires pour préserver la vie de policiers ou de civils ». Les Afro-Américains sont notoirement surreprésentés dans ces décès, d’après Ben Kelso, 53 ans, responsable de l'antenne locale de San Diego, en Californie, de l'Association nationale des policiers noirs.
Dans ta société américaine, un homme noir est souvent a priori considéré comme un danger potentiel. Et être policier soi-même n’épargne pas du racisme institutionnel de tes forces de l'ordre. Branville Bard Jr, chef de la police de Cambridge (Massachusetts) et auteur d'un livre sur le « contrôle au faciès », ne peut dire le nombre où il a été arrêté au volant. La colère des manifestants descendus dans les rues depuis fin mai dépasse le seul cas de George Floyd. Elle est le fruit d'une longue histoire de violences infligées aux Américains noirs par tes forces de l'ordre, en tant qu'institution. Avant le meurtre de Floyd, il y a 250 années d'esclavage, de traite de millions d'Africains, suivies d'une longue période de ségrégation dont les séquelles marquent encore ta société. Il y a aussi la tragédie de grandir noir et pauvre en Amérique dans des logements surpeuplés, dans la discrimination omniprésente et l’inégalité d’accès au bonheur, au respect, à l’indépendance, à la paix et à l’épanouissement, premiers principes garantis par tes Pères Fondateurs dans la Déclaration d’indépendance et la Constitution. Et par l’Evangile qui dit «aime ton prochain comme toi-même» et le principe philosophique qui prône « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît ».
Il nous est difficile depuis Dakar de comprendre comment il est possible dans une nation qui se dit éprise des valeurs de liberté, de tolérance, d’égalité devant la loi, de libre entreprise et parole, de tolérer en même temps l’«étouffement» de ses citoyens noirs. De l’Afrique et du Sénégal, il nous est difficile d’accepter ton double langage et tes contradictions racistes. Tu es viscéralement attachée à la liberté de religion, fondement éthique et moral de l’ordre social qui prône l'amour, la justice, la vérité, la tolérance, la droiture, les lumières, la non-violence. Un attachement si exclusif, que tu en exclue tes citoyens afro-américains alors que dans le même temps tu s’autorises le racisme, « la cause la plus profonde des conflits entre les groupes humains », selon Henri Hatzfeld dans Les racines de la religion(1993). Et s’agissant du racisme systémique, institutionnel, structurel qui prospère impunément chez toi, il s’agit du racisme le plus corrompu, le plus pervers et le plus immoral car il vient de ceux qui sont légalement chargés d’observer et de faire observer le droit et l’ordre public. Un policier blanc peut se permettre devant les caméras, en vertu des passe-droits que lui donne une impunité raciale, étrangler sereinement pendant une éternité, 8 minutes et 46 secondes, un citoyen noir déjà maîtrisé, menotté et suppliant jusqu’à la mort.
Depuis Dakar, ce meurtre en décalage avec ta profession de foi itérative sur l’universalisme des droits de l’homme et le mensonge de tes abus répétitifs de racisme et de brutalités policières contre les afro-américains nous fait prendre conscience de ton hypocrisie. C’est d’autant plus inacceptable que nous savons que le concept de race n’a, humainement, aucun fondement biologique ni contenu. Le mot racisme est détestable parce qu’il induit l’idée qu’il existe des différences biologiques irréductibles entre les groupes humains, ce qui n’est pas le cas. En Afrique, continent de « pays de merde » selon ton président Trump, nous le savons et même lorsque la justice se rend à deux vitesses, elle ne viole pas le droit sacré de vivre et de respirer de ses citoyens noirs (majorité) et blancs (minorité). Ces deux groupes humains avec des langues et des religions différentes qui correspondent à des représentations différentes cohabitent pacifiquement dans la tolérance et le respect mutuels. Chacun trouve dans l’ensemble des valeurs et des représentations de son groupe les éléments de sa propre identification, dans une parfaite concorde religieuse.
Aussi au Sénégal, nous sommes réconfortés de voir que le mouvement mondial de protestation contre le racisme systémique chez toi aux et ailleurs, loin d’être identitaire ou communautariste, rallie des majorités non discriminées qui rejettent l’inégalité de traitement infligée aux Noirs en contradiction avec les principes généraux proclamés par les démocraties. Et le slogan devenu international «Black Lives Matter» a obligé d’autres pays et d’autres gouvernements au-delà de toi à faire leur examen de conscience. La vie des Noirs n’est pas plus importante que celle des autres mais elle compte autant, ni plus ni moins. C’est la base du principe d’égalité qui transcende les considérations d’identité. Alors que sur les questions sociales et sociétales, les Américains sont plus ouverts et acceptent l’homosexualité contrairement à nous, sur l’égalité des droits des communautés noires ou « ethniques», leur tolérance est en crise. Ce qui est moralement inacceptable.
Pourquoi tant de haine, de racisme et de discrimination contre des citoyens d’égale dignité légale et humaine ? Pourquoi ces brutalités policières, ces permis de tuer, ces violations de droits, ces violences, ces techniques d’étranglement controversées, ces humiliations contre tes citoyens afro-américains ? Pourquoi tu défends glaive au point partout sur la planète ces droits de l’homme que tu refuses chez toi à tes enfants noirs ? Pourquoi t’ériges-tu gardien du monde, des valeurs de liberté et principes de la démocratie dans le monde et chez toi tu en prives tes fils noirs ? Pourquoi accueilles-tu tous les persécutés de la terre, les citoyens des Etas sans droit et chez toi tu tues, tu étouffes, tu maltraites, tu exécutes à bout portant des hommes noirs à terre et menottés ? Pourquoi tu mens au monde entier ? Pourquoi ce visage de Janus d’une Amérique propre sur elle qui donne des leçons de droit et de démocratie alors que chez toi la vie d’un Afro-américain ne vaut pas celle d’un mâle blanc ? Pourquoi traites-tu les leaders africains, arabes, asiatiques de dictateurs et de corrompus, alors que chez toi les Noirs sont des citoyens de seconde zone qui tombent comme des mouches sous les balles de ta police blanche, raciste et suprémaciste ?
Etats-Unis d’Amérique, tu as longtemps maquillé la vérité mais à présent tu es découverte telle que tu es en réalité : une menteuse, une tricheuse, une meurtrière, une ségrégationniste, une raciste. Et pourtant, c’est bien toi Amérique qui as importé du « bois d’ébène » captif vendu par d’autres Africains, pour tes besoins personnels. Après une atroce traversée, il y a 401 ans, les premiers esclaves africains arrivés sur le territoire des futurs Etats-Unis débarquent en août 1619 à Jamestown, où coule la rivière James, première colonie anglaise permanente établie en Amérique, dans ce qui est devenu par la suite l'Etat de Virginie. Ces premiers Africains sont les aïeux des actuels descendants d’esclaves africains. Ils sont les glorieux ancêtres de la culture afro-américaine mais aussi plus largement de toute la culture américaine (Rock and roll, rhythm and blues, jazz, soul, gospel, disco, funky, rap, hip hop, pop…).
Leur arrivée marque le début d'un funeste pan de ton Histoire et aussi un paradoxe historique. Car ces Africains arrivent peu après la tenue de la première assemblée législative du Nouveau Monde le 30 juillet 1619. Etrange jonction entre ta première expression de l’expérience démocratique et de nouveaux arrivants privés de leurs droits et identités, comme tu l’as eu fait avec les indiens, primo-habitants indigènes. Une quarantaine d'années plus tard, autour de 1660, plusieurs colonies britanniques en Amérique décrétèrent que le statut d’esclave serait désormais transmis par la mère, apportant une nouvelle dimension héréditaire, et foncièrement raciale, à l'esclavage. Tes colonies interdirent à la même époque les mariages mixtes. Une prohibition qui perdurera dans certains Etats américains jusqu'au XXe siècle.
Parmi tes brillants écrivains noirs, Chloé Anthony Wofford alias Toni Morrison, seule auteure afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature, également la première Noire à obtenir une chaire à l'université de Princeton, sanctuaire longtemps réservé aux hommes blancs est descendante d'une famille d'esclaves. Brillante universitaire, elle a donné une visibilité littéraire aux Noirs et a décortiqué la place de l'esclave dans la construction, par contraste, de l'identité blanche américaine. Elle a noté que dans la fiction américaine, les Noirs ont longtemps servi de repoussoir pour mettre en valeur le héros blanc. En 1988, alors que Bill Clinton est en plein scandale Lewinsky, le phare de la culture afro-américaine a vu en lui le « premier président noir » américain parce qu’ « il a été traité comme un noir dans la rue, déjà coupable, déjà criminel » ! L'esclavage aux Etats-Unis est en fait la plus puissante histoire de survie.
Amérique raciste, tu as fait sortir les démocrates du monde entier malgré la covid-19 pour dénoncer le racisme qui continue de sévir aux États-Unis. Amérique suprémaciste, tu as même réussi à sortir l’Union africaine de ses gonds. Le président de la Commission de l'Union africaine a condamné le « meurtre » de Floyd. Moussa Faki Mahamat a réaffirmé fermement le rejet par l'Union africaine des pratiques discriminatoires incessantes envers les citoyens noirs des Etats-Unis et demandé aux autorités américaines d'intensifier leurs efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination basées sur la race ou l'origine ethnique. Et à la suite des familles de George Floyd et d'autres victimes de violences policières ainsi que plus de 600 Ong, les 54 pays africains que tu qualifies de « merde » ont appelé à leur tour le Conseil des droits de l’homme de l’Onu à se saisir d’urgence du problème du racisme et de l’impunité dans ta police.
Ton système qui protège ceux qui bénéficient du privilège blanc, mais qui discrimine un homme, une femme ou un enfant dans le pays dit de la liberté en raison de sa couleur de peau est intolérable. D’Afrique, nous te disons que la compassion et les bonnes intentions ne suffisent plus. Il faut plus d’action pour le changement, il faut aller au-delà des sentiments pour adopter des lois et des politiques qui s'attaquent réellement au racisme structurel et à l’impunité. Pas seulement dans ta police, mais bien au-delà. Le démantèlement du racisme systémique et des discriminations raciales concerne tous les aspects de la société, de ton système éducatif à ta politique. Nous saluons tes débuts d’efforts pour mettre fin aux abus dans tes services de police et considérons que les bases fondamentales de la démocratie américaine permettront aux Etats-Unis de sortir de cette crise profonde.
DEUX MILITAIRES TUÉS PAR UNE MINE ET DEUX AUTRES BLESSÉS
Un véhicule de l’Armée nationale a sauté lundi sur une mine anti-char lors d’opérations en cours pour accompagner le retour des populations dans le secteur de Mbissine
Un véhicule de l’Armée nationale a sauté lundi sur une mine anti-char, tuant deux soldats sur le coup et faisant deux autres blessés graves entre les localités de Diagnon et de Mbissine dans le département de Ziguinchor (sud), a appris l’APS d’une source sécuritaire.
Cet accident est intervenu à 14 heures 17 minutes lors d’opérations en cours pour accompagner le retour des populations dans le secteur de Mbissine, a expliqué la même source. Elle a ajouté que ces opérations concernent aussi la lutte contre les trafics illicites et les bandes armées.
"Le corps des victimes et les deux militaires blessés ont été évacués à Ziguinchor (…) les familles des victimes ont été informées et bénéficieront du soutien nécessaire notamment au plan psychologique", a rassuré notre interlocuteur.
Malgré cet énième accident, les autorités militaires ont déclaré que les opérations vont se poursuivre "conformément aux objectifs déjà planifiés".
Il y a deux jours, huit militaires sénégalais ont été légèrement blessés lorsque le véhicule à bord duquel ils avaient pris place a sauté sur une mine un peu avant à hauteur de Lefeu, un village du département de Bignona, dans le sud du pays.
L’incident était survenu dans le cadre d’une opération de lutte contre les trafics de bois et de chanvre indien dans les localités du nord Sindian, avait-on expliqué.
La semaine dernière un soldat de la zone militaire numéro 5 avait sauté accidentellement sur une mine antipersonnel dans le village de Mbissine-Albondy (commune d’Adéane), dans le département de Ziguinchor.
Cet accident avait eu lieu en marge d’opérations de sécurisation des populations ayant opéré un retour massif dans les villages qui avaient été abandonnés en raison de violences notées dans cette partie méridionale du Sénégal en proie à une rébellion armée menée par le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC).
Ces deux incidents risquent de relancer le débat sur la problématique du déminage en Casamance à l’arrêt depuis plusieurs années.
L'AFFAIRE LAMINE DIENG BIENTÔT CLOSE
Le gouvernement français va verser 145.000 euros aux proches du Franco-Sénégalais de 25 ans décédé en 2007 après une arrestation musclée à Paris, afin de solder les poursuites contre la France
Le gouvernement français va verser 145.000 euros aux proches de Lamine Dieng, un Franco-Sénégalais de 25 ans décédé en 2007 après une arrestation musclée à Paris, afin de solder les poursuites contre la France, a-t-on appris lundi auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
La justice française avait débouté les proches du jeune homme et ceux-ci avaient introduit une requête devant la CEDH en décembre 2017.Mais la cour de Strasbourg n'a pas eu à se pencher sur le fond de l'affaire : les parties ont en effet trouvé entre-temps un accord amiable, entériné le 14 mai, qui solde toute poursuite dans cette affaire. "La Cour a reçu la déclaration de règlement amiable en vertu de laquelle les requérants acceptaient de renoncer à toute autre prétention à l'encontre de la France à propos des faits à l'origine de cette requête, le Gouvernement s'étant engagé à leur verser la somme reproduite dans le tableau joint en annexe", soit 145.000 euros, note la CEDH. "La Cour prend acte de l'accord intervenu entre les parties. Elle considère que cet accord repose sur le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses protocoles et ne voit pas de raison qui exigerait qu'elle poursuive l'examen de la requête concernée", poursuit l'instance européenne.
La famille de Lamine Dieng se réjouit de ce règlement, qui constitue pour elle "une victoire". "Nous avons vécu treize années de combat contre le déni de justice, face à une institution qui nous a systématiquement refusé un procès pour les responsables de la mort de notre fils, frère, oncle", souligne dans un communiqué la famille de la victime, par la voix de sa soeur Ramata Dieng. Celle-ci, déçue par la position du président Emmanuel Macron sur le sujet des violences policières, a appelé à manifester samedi après-midi à Paris, "place de la République, à 13H12, pour une marche autour du quartier de Ménilmontant où habite notre famille".
Lamine Dieng est décédé le 17 juin 2007 au petit matin dans un car de police après avoir été immobilisé et pressé au sol alors qu'il résistait à son arrestation dans le quartier populaire parisien de Ménilmontant. Depuis plusieurs années, le comité "Vérité et justice pour Lamine Dieng" et le collectif "Vies volées" réclament également l'interdiction de la "clé d'étranglement", une technique policière décriée.
par El Hadji Ibrahima Faye
UN APERÇU DU LITTORAL DAKAROIS
C’est au début des années 1990 que le littoral a commencé à subir une pression foncière accentuée due au manque criant d’espace et une macrocéphalie de la capitale. Un phénomène qui s’accentue sur le régime actuel
L’espace littoral est la bande terrestre, la frange côtière longtemps prisée et convoitée par les hommes. Dakar, région maritime, capitale en pleine expansion n’a pas échappé au phénomène d’urbanisation et de surexploitation du littoral ; ce qui explique actuellement la multiplication des constructions et un bradage « sauvage » motivés par la douceur du climat. Cette occupation est souvent source de concurrence, d’usage qui se transforme parfois en conflits.
Le caractère sacré du littoral dakarois pour les Lébou
Le littoral de la presqu’île du Cap-Vert est indissociable des peuples autochtones Lébou dont les productions identitaires, culturelles et économiques s’articulent fortement autour de la mer. « Qu’elle soit individuelle ou collective, l'identité, en tant que sentiment vécu, s'avère toujours très sensible à toutes les formes de mise en scène spatiale qui relèguent un groupe à un espace donné. Que cette assignation résulte d’une décision à caractère socio-politique, autoritaire donc, ou qu'elle provienne d'un effet tantôt économique, tantôt culturel, plus librement choisi ou admis par les intéressés, voire plus subtilement imposé que par la force légale du pouvoir » Guy Di Méo, 2002). Dès leur implantation sur la presqu’île puis leur dislocation en deux clans, les Soumbédioune occupant le rivage rocheux ou le « Tanka » (Ngor, Ouakam et Yoff) et les Beignes concentrés sur la baie de Hann, le Lébou habite, occupe, investit, s’identifie au littoral.
Ainsi, dans l’imaginaire Lébou, le littoral de Dakar est subdivisé en plusieurs plages mythiques et sacrés, répartis entre la baie de Yoff et la Baie de Hann. Hormis, les plages de Ngor, Ouakam et Yoff, on distingue 12 plages traditionnels qui entourent les 12 pinthie dont les plus célèbres sont :
- Kôn (actuel hôtel Terrou Bi et Magic Land),
- Soumbedioune,
- Kussum ou Ka soumb (actuel plage de la porte du troisième millénaire),
- Ngadié (la zone des falaises en face de la maison des douanes à la fin de la corniche Ouest)
- Bagnoul (la pointe du Cap Manuel),
- Terrou Baye Sogui (Quai de pêche de la corniche est)
- Beigne qui signifie littéralement "Sable fin" (de la pointe de Bel-Air jusqu'à Thiaroye Guedj en passant Yarakh).
Le littoral est aussi le refuge de génies tutélaires, ce n’est pas un hasard de constater que la plupart des cérémonies d’exorcisme et de libations se déroulent souvent dans les plages traditionnelles. Dans ces lieux vivent des génies territoriaux souvent redoutés de tous, même si leur localisation exacte est souvent incertaine. En effet, les bœufs sont immolés, les galettes de mil et des écueils de lait caillé sont versés sur les plages durant les cérémonies de « Ndeup » individuel ou collectif pour calmer ou demander protection auprès des esprits. Le culte des Rabs joue un rôle encore fondamental dans la construction identitaire lébou. Zemplini considère ce culte « aussi dégradé soit-il, comme une religion », et l'envisage comme une fusion entre le culte des génies à proprement parlé (du fleuve, de la mer, de la brousse), et le culte des ancêtres (Zemplini, 1965).
Donc, le littoral de la Presqu’île du Cap-Vert est pensé comme un territoire abritant des génies et marqué par le culte qui leur est rendu. Selon Alassane Diagne « lors du Saraxu Ndakaru, les sacrifices de bœufs se déroulent sur trois sites différents, que sont : « Kôn » (vers Soumbédioune à hauteur de Mgic Land), Terrou Baye Sogui « Anse Bernard/Pergola) et Bègne (sur la baie de Hann) » justifiant ainsi le caractère sacré qu’occupe le littoral dans la construction identitaire et culturel des Lébou de Dakar depuis des siècles.
L’accroissement de la bétonisation est allé même jusqu’à toucher la colline des Mamelles, un site sacré pour les ouakamois car abritant le génie tutélaire « Mame Youdour Guéye Yata ». Ce qui met en péril un patrimoine immatériel et géologique de Dakar.
Le caractère sacré du littoral dakarois pour les musulmans
La sacralité du littoral est d’autant plus visible, à travers des édifices. Des symboles confrériques construits et affichés par les communautés musulmanes se montrent très présents. De Ouakam à Malika en passant par Yoff, plusieurs édifices religieux se concentrent sur le littoral dont les plus célèbres sont : la mosquée de la divinité, l’espace de pèlerinage de la confrérie Layène aux Almadies, ou encore le mausolée de Seydina Limamou Laye à Yoff et celui de son fils à Cambérène.
Sur la plage de Ouakam se trouve la mosquée de la divinité. Cette mosquée a été bâtie par Mohamed Gorgui Seyni Guèye, connu sous le nom de « Sang bi ». Après une retraite spirituelle de 14 ans, l’homme a fait son premier appel en 1977 et affirmait être le « khalife de Dieu sur terre ». Il n’a pas fondé une confrérie, mais a créé un mouvement, les « Naby-Allah ».
La Petite-Corniche des Almadies sur le pied de la colline des Mamelles abrite la grotte des Almadies ou « Xunt ma ». Selon les Layene, c’est dans cette grotte sacrée que Seydina Limamou avant son appel, a séjourné en ce lieu pendant 1 000 ans. En guise, de prières et de souvenir, la grotte est visitée par des milliers de fidèles lors des cérémonies de l'Appel de la communauté Layéne.
Aujourd’hui, la pression foncière progressive de part et d’autre commence à restreindre le foncier de ces lieux considérés comme sacrés. En effet, l’appropriation puis la multiplication des infrastructures hôtelières dans les plages publiques jadis prisées par les dakarois sont à l’origine d’une hausse de la fréquentation dans ces sites de prières sacré et symbolique. Ce qui engendre parfois des tensions.
Le Littoral, un espace sous pression foncière
Au lendemain de l’indépendance, quand la ville de Dakar commence à connaitre une expansion. C’est dans ce sillage que la loi 64-46 du 17 juin 1964 instituant le Domaine national (LDN) est votée. Le territoire sénégalais est soumis à trois régimes fonciers différents :
- le domaine privé, dont les propriétés sont immatriculées
- le domaine public naturel comprend le domaine maritime et fluvial, les bâtiments historiques…
- le domaine national, dont les dépendances sont gérées par l’État en vertu d’un droit de concession cédé aux occupants et résidents. L’État détient les terres en vue d’assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelle, conformément aux plans de développement et aux programmes d’aménagement.
C’est dans cadre que fût créée la SICAP en 1952, OHLM en 1960. Ils ont permis de réaliser des opérations de rénovation des zones d’occupation irrégulière et la réalisation de logements sociaux pour les populations à faibles revenus conformément au PDU de 1946 puis de 1967 communément appelé Plan ECOCHARD qui couvrait la presqu’île du Cap-Vert jusqu’à la forêt de Mbao.
Le domaine national comprend donc toutes les terres non classées dans le domaine public et non immatriculées à la date d’entrée en vigueur de la LDN. Durant cette époque, le littoral est épargné à cause de la qualité environnementale au sens le plus large du terme, de sa biodiversité composé d’immenses baobabs sur la corniche Ouest et d’immenses dunes entrecoupés, parsemées de faux caoutchoucs et de filaos de Yoff à Lac Rose. Ceci est renforcé par la Loi de janvier 1983 portant le Code de l’environnement. Ce qui signifie que le DPM est inaliénable et ne peut être cédé, déclassés pour être ensuite revendus. Le domaine public maritime doit être utilisé conformément à l’utilité publique.
C’est au début des années 1990 que le littoral a commencé à subir une pression foncière accentuée due au manque criant d’espace et une macrocéphalie de la ville de Dakar. A l’arrivée des libéraux au pouvoir en 2000, malgré la Loi 76-66 du 2 juillet 1976, le DPM fait l’objet de vente par décret, les constructions en dur se multiplient même à moins de 100 mètres de la mer, par une bourgeoisie nantie composée d’élite financière et politique. Ainsi, de la pointe des Almadies au Cap Manuel, le littoral fait l’objet d’une appropriation, d’une privatisation puis d’une urbanisation rapide au détriment des classes populaires. Un phénomène qui se perpétue et s’accentue sur le régime actuel.
Le Littoral, un espace à préserver
A l’heure où le changement climatique s’accentue doublée par une montée du niveau des océans, la préservation du littoral est devenue un impératif pour garantir la stabilité sociale et le développement durable. La gestion de cette zone littorale est de plus en plus objet de concurrences d'usages, qui se transforment parfois en de véritables conflits. Pour cela, l’Etat doit s’engager à garantir une politique de bonne gouvernance du littoral. Ceci peut se faire sur plusieurs points. En premier lieu, il s’agit de voter des lois protégeant le littoral de toutes nouvelles infrastructures sur les plages fréquentées par le public.
En second lieu, il faudrait reverdir l’espace littoral avec des jardins et parcs d’attraction pour garantir l’accès des classes populaires, la protection des sols et des rivages. La zone 888 qui jouxtent la mosquée de la divinité et la niche de terre à côté de la plage de Kussum, peuvent être propices à ces projets.
Cependant, les tensions ne cessent de s’accroitre. Les pratiques de bradage continue accompagné d’une privatisation incessante par une poignée de nanties ont conduit à l’émiettement du littoral.
Aujourd’hui, les littoraux dakarois sont devenus le théâtre de conflits d'appropriation entre les pouvoirs publics et institutions de protection de la nature, pêcheurs, qui investissent ces plages depuis plusieurs décennies, ainsi que les exploitants de plage, les religieux et les promoteurs immobiliers.
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L'ÉCO, ENCORE UNE MONNAIE COLONIALE
Entretien avec Ndongo Samba Sylla, économiste et Martial Ze Belinga, économiste et sociologue animé par Chrystel Le Moing
Entretien avec Ndongo Samba Sylla, économiste et Martial Ze Belinga, économiste et sociologue animé par Chrystel Le Moing. Cette émission est produite par le secteur international du Parti communiste français avec la fondation Gabriel Péri.
PAR Thierno Ousmane Camara
SAINT-LOUIS OU LE CREUSET DE L’INDIGNATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Plusieurs appels au déboulonnement de la statue du gouverneur Faidherbe ont été lancés, souvent par des personnes qui ne connaissent pas Saint-Louis, parce que vivant dans le virtuel
La statue de Faidherbe a bien été déboulonnée, et cela avant la vague qui vient de traverser les océans.
De la mort atroce de Georges Floyd est née une vague d’indignation planétaire. Effet des réseaux sociaux, plusieurs villes et universités ont déboulonné statues et monuments, symboles d’une histoire souvent malheureuse. Dans ce tourbillon, plusieurs appels au déboulonnement de la statue du gouverneur Faidherbe ont été lancés, souvent par des personnes qui ne connaissent pas Saint-Louis, parce que vivant dans le virtuel.
Cette statue est tombée une première fois, puis a été déboulonnée par les autorités il y a plusieurs mois. Des travaux sont en cours sur ce lieu, symbole de l’ancienne capitale de l’Afrique de l’Ouest. Elle aura certainement sa place dans un musée des indépendances.
Les rues de Saint-Louis ont été débaptisées. Les rues des grandes villes de notre continent ont longtemps porté les noms des gouverneurs et généraux français de l’époque coloniale. À Saint-Louis, les maires successifs, tenant compte de l’évolution de notre histoire, ont procédé au changement progressif de dénomination des rues de la ville. Ainsi, la rue André Lebon est devenue Rue Khalifa Ababacar Sy (le Khalife, fils de Rokhaya Ndiaye, est né en 1885 à Saint-Louis, sur cette rue). La célèbre rue Brière de l’Isle porte dorénavant le nom d’Abdoulaye Seck, Marie Parsine. Le quai du gouverneur Roume est devenu quai Bakar Waly Gueye, le célèbre lycée Faidherbe, nid de l’intelligentsia africaine, cette élite qui a bâti les nations après les avoir menées aux indépendances, porte le nom du guide religieux et résistant Cheikh Oumar Tall, etc. Ce travail a été fait dans l’esprit qui caractérise cette cité, avec mesure, équilibre et sans excès aucun. Mieux, en maintenant la mention historique, (ex rue...)
Au même moment, au cœur de Dakar, Abidjan, les rues, avenues et boulevards Jules Ferry, Felix Faure, Carnot, Victor Hugo, Émile Zola, de Gaulle, Georges Pompidou et même Giscard d’Estaing demeurent. Non, Saint-Louis ne peut recevoir de leçon d’indignation.
Saint-Louis est le creuset de la résistance en Afrique de l’Ouest. Saint-Louis a mis à la disposition de l’Afrique son élite.
Le Sénégal indigné et l’Afrique résistante, doivent énormément aux filles et aux fils de Saint-Louis. Reconnaissance éternelle à :
Ceux qui, avec Lamine Gueye (maire de Dakar pendant 16 ans à partir de 1945), Abdoulaye Boye, Alioune Marius Ndoye, Baka Diop, Youssoupha Camra, Badara Ndiaye Mame Penda et Pape Mar Diop, fondèrent en 1912 le premier groupe de revendication politique d'Afrique Noire dénommée « Jeunesse sénégalaise ».
Celles qui autour de Soukeyna Konare, la passionaria sénégalaise se sont battues pour le droit de vote des femmes.
Ceux qui, élèves, ont jeté un matin leurs casques coloniaux dans le fleuve Sénégal.
Celles et ceux qui sous l’aile d’Alioune Diop, le Socrate saint-louisien, ont bâti la célèbre maison d’édition Présence Africaine, au cœur du Quartier latin, à Paris.
Celles et ceux qui autour d’Amadou Mahtar Mbow ont créé à Paris la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF). Dans le 6eme bureau, élu le 30 décembre 1955 les trois vice-présidents sont Ogo Kane Diallo, Kader Fall et Djeumb Gueye. Le trésorier, Bouna Fall. Tous des Saint-Louisiens.
Celles et ceux qui, réunis en 1957, chez une Saint-Louisienne, Felicia Ndiaye Basse, pharmacienne à Thies, ont créé le Parti Africain pour l’Indépendance (PAI). Parmi eux, de nombreux fils de Saint-Louis, Khalilou Sall, Majmouth Diop, Coupet Camara, Tidiane Baydi Ly, Amsata Sarr.
Celles et ceux qui sont partis en 1958, auprès de Sekou Touré pour la reconstruction de la Guinée indépendante, à la suite du « Non » à la France.
Ceux qui, jeunes, avec Charles Gueye, sont partis se former à la guérilla à Cuba.
Ceux qui, aux côtés de Maîtres Fadilou Diop, Ogo Kane Diallo, Ogo Gueye, Boubacar Gueye ont défendu les militants indépendantistes brimés sur toute l’étendue du continent.
Ceux qui, dans les armées, ont gardé leur dignité de soldat. Les généraux Abdoulaye Soumaré, exilé par Senghor suite à l’éclatement de la Fédération du Mali, Amadou Fall mis aux arrêts par Senghor, suite aux événements de 1962, avec retrait de ses titres et grades, et d’autres, victimes de leur sens de l’honneur bien saint-louisien. Le Général Jean-Alfred Diallo, un autre saint-Louisien, mettra en œuvre le concept d’armée-nation, en créant le village de Savoigne.
Les lycées de Saint-Louis, y compris le célèbre Prytanée militaire Charles N’Tchoréré, ont été parties prenantes, des grandes révoltes scolaires au Sénégal. Ces mêmes lycéens irradieront les partis d’opposition clandestins des années 70, au Sénégal et au-delà dans toute l’Afrique.
Aujourd’hui l’Université Gaston Berger (philosophe, prospectiviste saint-louisien et père du célèbre danseur Maurice Bejart) apporte au quotidien sa contribution à la reconstruction de l’identité de notre continent à travers notamment ses brillants penseurs de la décolonialité.
Saint-Louis a été et demeure le berceau de l’élite africaine indignée ; mais une indignation dans le respect des valeurs sénégalaises : Jom, Sutura, Teggin et Kersa.
Post Scriptum :
L’appel des femmes de Nder, ancêtres des familles Saint-Louisiennes.
Les femmes de Nder, un mardi du mois de 1820, se sacrifièrent collectivement pour ne pas tomber entre les mains d’esclavagistes maures.
«Nous devons mourir en femmes libres, et non vivre en esclaves. Que celles qui sont d’accord me suivent dans la grande case du conseil des Sages. Nous y entrerons toutes et nous y mettrons le feu… C’est la fumée de nos cendres qui accueillera nos ennemis. Debout mes sœurs ! Puisqu’il n’y a d’autre issue, mourrons en dignes femmes du Walo ! »
par l'éditorialiste de seneplus, félix atchadé
IL FAUT SAUVER LE PROGRAMME ÉLARGI DE VACCINATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est surprenant que cette pratique de santé publique parmi les plus connues avec l’accès à l’eau potable, soit aussi conspuée dans un continent où son efficacité est largement documentée
Félix Atchadé de SenePlus |
Publication 15/06/2020
Au 5 juin 2020, le Centre de contrôle des maladies de l’Union africaine (Africa CDC) a dénombré 163 599 cas confirmés de coronavirus. À la même date, la pandémie de Covid-19 avait entraîné la mort de 4 611 personnes sur le continent. L’Afrique du Sud et l’Égypte sont les pays les touchés. Comparée à celles de l’Europe de l’Ouest ou de l’Amérique du Nord, la situation épidémiologique de l’Afrique est donc sans commune mesure. Si la pandémie de Covid-19 n’a pas entraîné la catastrophe épidémique promise par certaines cassandres à l’Afrique, ses conséquences économiques sont bien présentes. Selon la Banque mondiale, la croissance économique en Afrique subsaharienne passera de 2,4 % en 2019 à une fourchette comprise entre -2,1 % et -5,1 % en 2020. Selon une enquête réalisée en avril auprès des chambres de commerce et des associations patronales des huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’emploi a diminué de 25 % et certains secteurs ont vu leur activité réduite à néant. Le secteur le plus impacté par les mesures de lutte contre la pandémie est celui des services, avec en avril des baisses d’activité allant de 100 % pour le tourisme et 95 % pour l’hôtellerie et la restauration. Le commerce est lui aussi très impacté : 63 % des grossistes ont vu leur activité baisser d’un quart, mais 81 % des détaillants travaillant dans l’informel ont fait le même constat.
En plus des conséquences socioéconomiques qui s’expliquent par les mesures de confinements et de fermetures des frontières on peut noter celle plus inattendue : la forte défiance vis-à-vis de la science, du système sanitaire. Plus grave, la pandémie de Covid-19 a accentué la défiance vis-à-vis de la vaccination. Alors que le consensus dans la communauté scientifique est que seul un vaccin efficace pourra juguler la propagation du virus SRAS-CoV 2. Une enquête réalisée fin mars en France, alors que l’épidémie touchait de plein fouet le pays, 26 % des répondants ont déclaré que si un vaccin contre la maladie est disponible, ils ne l’utiliseraient pas. Ces dernières décennies, de nombreuses études ont mis en évidence au plan mondial notamment les pays dans lesquels la transition épidémiologique est achevée, une forte défiance vis-à-vis de la vaccination. Pour de nombreux analystes, elles s’expliquent largement par cette même culture de l’individualisme, qui veut faire des citoyens des « acteurs responsables » de leur santé, et que la prévention cherche justement à développer[1].
Il n’est nullement étonnant que les propos des scientifiques de LCI aient entraîné des réactions passionnées et virulentes. La mémoire collective africaine est pleine de souvenirs douloureux de sa confrontation à la médecine. La médecine a longtemps été présentée comme le côté noble de la colonisation, mais elle a été aussi et surtout un instrument de domination et parfois de coercition. Les mémoires sont pleines des souvenirs douloureux, comme celui du « Docteur la mort », Wouter Basson, qui a sévi en Afrique du Sud du temps de l’apartheid. Le scandale de la Lomidine[3] supposé remède miracle contre la maladie du sommeil qui sera responsable de nombreuses morts et dont l’arrêt de l’utilisation n’a été obtenu qu’au prix d’émeutes. L’essai clinique sauvage de la trovafloxacine (Trovan) par le géant pharmaceutique Pfizer au Nigeria en 1996. Par contre, il est surprenant, que la vaccination, une des pratiques de santé publique parmi les plus connues et parmi les plus efficaces avec l’accès à l’eau potable soit aussi conspuée dans un continent où son efficacité est largement documentée. Le Sénégal, par exemple, a réussi de l’indépendance à nos jours, a divisé par 6 son quotient de mortalité infanto-juvénile grâce en grande partie aux politiques de vaccination généralisée contre les maladies de la petite enfance. La vaccination a fait rapidement baisser la mortalité même si seulement la moitié des enfants a pu être touchée par les campagnes volontaristes qui ont été menées.
Qu’est-ce qu’un vaccin ?
Un vaccin « est une préparation administrée pour provoquer l’immunité contre une maladie en stimulant la production d’anticorps[4]. » Le principe de la vaccination consiste en l’introduction d’un agent potentiellement pathogène dans l’organisme pour qu’il y induise une infection. Il existe deux types de vaccins, les vaccins vivants atténués et les vaccins tués inactivés ou vaccins inertes. Les premiers sont composés d’agents infectieux vivants, mais atténués par des techniques particulières. Les agents infectieux restent capables de se multiplier chez l’hôte naturel. Comme exemples de ce type, nous avons le BCG le vaccin antituberculeux et le vaccin antipoliomyélite oral type Sabin. Ils ont l’avantage de permettre une protection rapide (environ deux semaines) et durable, proche d’une protection conférée par une infection naturelle. La protection immunitaire est induite après l’injection d’une dose unique : ces vaccins ne nécessitent pas de rappel. Ces vaccins, qui entraînent une maladie infectieuse à minima, sont cependant à risque d’induire une maladie infectieuse vaccinale chez certains sujets (immunodéprimés, femmes enceintes) chez qui elles sont contre indiquées. Le deuxième type regroupe les vaccins tués inactivés. Ils sont dépourvus de tout pouvoir infectieux, nécessitent pour la plupart d’entre eux des administrations répétées et des rappels, ainsi que l’utilisation d’adjuvants afin d’induire une réponse immunitaire protectrice. La protection conférée par le vaccin inactivé devra être entretenue par l’administration ultérieure de rappels. Il existe différentes variétés de vaccins inactivés : — les vaccins à germe entier contenant la totalité du virus ou de la bactérie, les vaccins sous-unitaires composés de différentes fractions antigéniques, anatoxines : toxines bactériennes ayant perdu leur pouvoir pathogène, etc.
De l’importance de la vaccination et de la fragilité des stratégies vaccinales
L’utilisation de la vaccination pour protéger l’homme des maladies infectieuses a déjà une longue histoire, mais ce n’est qu’au XXe siècle qu’elle a été utilisée à grande échelle. Les vaccins utilisés depuis plusieurs décennies ciblent la variole, le tétanos, la diphtérie, la poliomyélite, la coqueluche, la tuberculose, la fièvre jaune, la rougeole, les oreillons et la rubéole. Plus récemment, d’autres vaccins ont été développés et peuvent maintenant être utilisés en routine : c’est le cas des vaccins contre la méningite à Haemophilus influenzae b, les hépatites A et B, les gastroentérites à rotavirus, les infections à pneumocoques et à méningocoques, la varicelle. Un vaccin contribue à assurer la prévention individuelle, mais c’est la protection de la collectivité qui l’emporte dans l’élaboration des programmes des vaccinations vis-à-vis des maladies à transmission interhumaine : l’immunité de groupe permet même à des sujets non immunisés d’éviter la contamination.
Depuis l’avènement de la vaccination masse, la mortalité et la morbidité dues maladies pour lesquelles existent des vaccins efficaces ont considérablement diminué. Cependant, seule la variole a été éradiquée, certaines maladies sont contrôlées, mais d’autres sont toujours endémiques malgré l’utilisation de vaccins efficaces. La variabilité de ces résultats est en rapport avec les caractéristiques de chaque maladie (signes cliniques facilement ou difficilement reconnaissables, transmission plus ou moins importante, etc.), au type de vaccin utilisé, à son efficacité plus ou moins élevée, au type et à la durée de l’immunité infectieuse ou vaccinale qu’il induit, à sa tolérance, à la stratégie vaccinale utilisée, à la couverture vaccinale obtenue, à la capacité du germe responsable de la maladie à échapper à l’immunité vaccinale, à la population humaine elle-même (caractéristiques génétiques, densité…).
La vaccination prophylactique présente la particularité d’exiger une prise de risque immédiat (lié à la vaccination) pour éviter un risque hypothétique et différé (la maladie). Cette singularité fait que l’adhésion des populations aux programmes de vaccinations est très fluctuante et est tributaire de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci, les informations véhiculées sur les vaccins ne sont pas des moindres. Les gens veulent des explications claires, des certitudes de la part des personnes en qui elles placent leurs confiances. Et ce n’est pas toujours les professionnels de la santé qui sont les plus écoutés sur le sujet. Dans les zones rurales et périurbaines, certains milieux populaires des centres urbains, le succès d’une campagne de vaccination demande que les leaders d’opinion (guides religieux, responsables politique, big man, etc.) y mettent de leur bonne volonté. D’autre part, il existe un élément très important dans la protection apportée par les vaccins : la notion d’immunité de groupe. C’est elle qui permet d’arrêter la propagation d’une maladie contagieuse au sein d’une population. Mais pour que cela puisse se faire, il faut qu’un nombre suffisant d’individus se fasse vacciner. Dans le cas de la rougeole, par exemple, une personne malade peut contaminer environ une quinzaine de personnes non vaccinées. Pour obtenir une immunité de groupe efficace, il faut donc que la couverture vaccinale atteigne 95 % de la population.
La vaccination s’est imposée comme un moyen de prévention collective essentiel permettant l’élimination d’une maladie infectieuse d’un pays ou d’une région. Au Sénégal, où la vaccination n’est pas obligatoire, mais gratuite et très vivement recommandée, la preuve de son efficacité dans l’amélioration de la situation sanitaire a été démontrée. Aujourd’hui que le Programme élargi de vaccination connaît une passe difficile, il est du devoir des autorités politiques de prendre les initiatives qui s’imposent pour restaurer la confiance des populations. La transparence et la clarté sur les stratégies vaccinales mises en place doivent être les axes prioritaires. Et plus largement, il est assurément venu le moment de travailler à une recherche et une industrie du vaccin nationale.
[1] Orobon, Frédéric. « Les réticences contemporaines vis-à-vis de la vaccination. » Esprit 7 (2016) : 150-161.
[2] La transition épidémiologique ou transition sanitaire est la période de baisse de la mortalité qui accompagne la transition démographique. Elle s’accompagne d’une amélioration de l’hygiène, de l’alimentation et de l’organisation des services de santé et d’une transformation des causes de décès, les maladies infectieuses disparaissant progressivement au profit des maladies chroniques et dégénératives et des accidents.
[3] Lachenal, Guillaume. Le médicament qui devait sauver l’Afrique : un scandale pharmaceutique aux colonies. La Découverte, 2014.