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17 juillet 2025
ALY NGOUILLE NDIAYE FIXE LES CONDITIONS D'ASSOUPLISSEMENT DE L'ETAT D'URGENCE
Après la décision du chef de l’Etat d’alléger les conditions de l’état d’urgence décrété en mars dernier pour faire face à la propagation du Covid-19, le ministère de l’Intérieur a pris deux arrêtés
Après la décision du Chef de l’Etat d’alléger les conditions de l’état d’urgence décrété en mars dernier pour faire face à la propagation du Covid-19, le Ministère de l’intérieur a pris deux arrêtés. L’un est relatif à la réouverture des lieux de culte, des marchés et d’autres commerces. Le second concerne l’interdiction de la circulation interurbaine.
Le verrouillage se desserre peu à peu. Ainsi, comme l’avait annoncé Macky Sall lors de son adresse à la nation du 11 mai dernier, l’allègement progressif des mesures restrictives est acté. Hier, le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye a pris deux arrêtés allant dans ce sens. Il s’agit de l’arrêté n° 09790 modifiant et complétant l’arrêté n° 008208 du 24 mars 2020 portant l’interdiction temporaire de manifestation ou de rassemblement. Au sens de cet arrêté, note le Ministère de l’Intérieur, désormais les lieux de culte, les marchés, les marchés hebdomadaires et les points de vente de bétail ne sont pas concernés par l’interdiction de rassemblement.
Toutefois, la fréquentation de ces lieux sus indiqués, renseigne l’arrêté émanant des services dirigés par Aly Ngouille Ndiaye, doit se faire obligatoirement dans le respect des mesures de protection individuelle et collective. Il s’agit de la limitation de nombre de personnes dans les lieux de culte, de la désinfection régulière des lieux, du port systématique de masque, la mise en place d’un dispositif de lavage ou désinfection des mains et de distanciation physique.
En outre, les marchés et autres commerces sont maintenant ouverts six jours par semaine avec un jour réservé au nettoiement. Par ailleurs, l’autre arrêté pris par Aly Ngouille Ndiaye est relatif à la circulation interurbaine qui a été interdite depuis l’instauration de l’état d’urgence et du couvre-feu pour contrer la propagation du Covid-19 dans d’autres localités du territoire national. Ainsi, l’arrêté n° 09789 vient modifier l’arrêté n°008207 portant interdiction temporaire de circuler. A cet effet, en application des dispositions sur l’état d’urgence, la circulation des personnes et des biens, d’un département à un autre pendant toutes les heures, est interdite. Sauf, indique l’arrêté du ministère de l’intérieur, la région de Dakar.
Aussi, la circulation des personnes et des biens dans toutes les régions pendant les heures du couvre-feu, c’est-à-dire de 21 heures à 5 heures du matin, est interdite. Dans ce sens, le Ministère de l’Intérieur indique que les autorisations précédemment délivrées par leurs services, par les gouverneurs et les préfets, restent valides jusqu’à leur expiration. Il faut rappeler que la réouverture des lieux de culte est diversement appréciée par les religieux. Si dans la communauté musulmane par exemple, la réouverture des mosquées semblent intervenir à son heure après deux mois sans prière collective dans les mosquées, la communauté catholique elle, est dans l’attente même si elle approuve officiellement la décision de l’Etat.
A en croire un communiqué, l’Association nationale des imams et oulémas du Sénégal a demandé à ses membres, depuis hier, de rouvrir les mosquées pour les cinq prières et celle du vendredi. Par ailleurs, l’association a demandé aux fidèles de se plier aux mesures barrières et de se conformer aux conditions fixées par le Ministère de l’Intérieur pour éviter que les mosquées ne deviennent des lieux de propagation du virus. Par contre, l’église catholique maintient sa position sur la question. Selon une note, l’archevêque de Dakar Monseigneur Benjamin Ndiaye a prôné le maintien de la suspension jusqu’à une date plus favorable des célébrations publiques. Dans la même veine, le pèlerinage à Popenguine qui était prévu du 30 mai au 1er juin est annulé.
100 % DE MORTS CHEZ LES CAS GRAVES SOUS VENTILATION ARTIFICIELLE
Une révélation de Dr Mamadou Mansour Diouf, anesthésiste réanimateur, qui invite les imams et prédicateurs de notre pays à dissuader les personnes âgées afin qu’elles renoncent à la fréquentation des mosquées
Alors que Dr Abdoulaye Bousso, directeur du Centre des Opérations et des Urgences sanitaires (Cous) faisait état en avril dernier de 50 % de décès chez les patients admis dans les services de réanimation et sous assistance artificielle, aujourd’hui la réalité est tout autre. Toute personne sous assistance respiratoire artificielle va mourir du covid-19 au Sénégal. Une révélation de Dr Mamadou Mansour Diouf, anesthésiste réanimateur, qui invite les imams et prédicateurs de notre pays à dissuader les personnes âgées afin qu’elles renoncent à la fréquentation des mosquées. Car, dit-il, ils constituent la couche la plus vulnérable au coronavirus.
Au cours du mois écoulé, c’est-à-dire le mois d’avril, le directeur du Centre des Opérations d’Urgences sanitaires (Cous), Dr Abdoulaye Bousso disait que environ 50 % des cas graves sous assistance respiratoire meurent. Ce alors qu’aux Etats-Unis, ce sont 90 % de patients atteints de covid-19 qui passent de vie à trépas.
Au Sénégal, le taux de mortalité de cette catégorie de patients serait pire, d’après l’anesthésiste-réanimateur, Dr Mamadou Mansour Diouf. Selon lui, aucun malade sous ventilation artificielle ne va survivre. La mortalité, c’est 100 % chez ces cas de patients qui développent des formes graves de la maladie du coronavirus. Notamment chez les personnes âgées. « Toute personne âgée qui fait une forme grave et qui est admise en réanimation au Sénégal sous assistance respiratoire a 100 % de probabilités de mourir », soutient-il. Il ne faut donc pas se voiler la face.
Appelons le chat par son nom. Le Sénégal affiche présentement une mortalité à 100 % chez les patients graves admis en réanimation sous assistance respiratoire invasive. C’est-à-dire que tout patient grave admis en réanimation et placé sous ventilation artificiel meurt.
D’après les explications de Dr Diouf, le nombre croissant de cas qui explosent n’est pas un problème en soi, tant qu’il s’agit de formes bénignes. Donc, il ne s’agit plus de contenir la propagation du virus mais plutôt de limiter les dégâts liés à cette propagation au lieu de vouloir « essayer de retenir les vagues de l’océan qui déferlent avec ses bras et donner des coups d’épée dans l’eau ».
La mer…, avec ses 2105 cas déclarés positifs dont 782 guéris et 1301 personnes encore sous traitement, sans compter les 21 décès enregistrés, cette mer est si agitée qu’elle risque de faire beaucoup de morts par… noyade. C’est pourquoi notre spécialiste demande d’axer les efforts surtout sur les cas graves et la saturation du système afin d’éviter un fort taux de mortalité.
Dr Diouf pense que l’objectif principal, c’est d’éviter d’être submergé par des cas graves, de saturer le système hospitalier aux capacités très limités et d’enregistrer une forte mortalité, et demande de changer de paradigmes. D’autant que le Sénégal se trouve au stade épidémique avec un virus qui circule activement dans la communauté. Comme en témoigne l’explosion quotidienne des cas dits communautaires. Ce sont aujourd’hui 184 cas issus de la transmission communautaire. Un moment d’explosion de cas choisi pour alléger les mesures de confinement avec la réouverture des lieux culturels et cultuel. La ligue des imams et prédicateurs se félicite d’ailleurs de la réouverture des mosquées et demande la fourniture aux comités de gestion des mosquées de thermo flashs pour la prise de température et la désinfection systématique et régulière de l’ensemble des mosquées sur tout le territoire national entre autres doléances. Mais attention ! « Ces thermo flashs sont une fausse sécurité », a alerté ce spécialiste de la santé qui indique que ceux-là qui propagent le virus n’ont pas de symptômes, encore moins de fièvre.
Par conséquent, la désinfection de toutes les mosquées après chaque prière serait une erreur, « une utopie réaliste ». Notre anesthésiste-réanimateur suggère plutôt à ces imams et prédicateurs de sensibiliser les fidèles musulmans âgés et de leur conseiller vivement de renoncer à se rendre dans les mosquées en raison des risques encourus. « Autrement, ce serait une aubaine pour le virus, et c’est une lourde responsabilité » !
Et c’est un médecin spécialiste des cas graves, qui dit parler en connaissance de cause, qui lance la mise en garde suivante : « le virus risque de générer une hécatombe chez cette catégorie de la population ». Avertissement sans frais…
Par Diouldé BOIRO
COVID 19 OU LE COUVRE FEU DE LA VIE CONTRE LA MORT
De tout le temps, la relation trilogique entre la vie que certains symbolisent par le corps, la raison ou conscience et la foi a divisé les hommes et les peuples.
De tout le temps, la relation trilogique entre la vie que certains symbolisent par le corps, la raison ou conscience et la foi a divisé les hommes et les peuples. Si certains ont soutenu la prééminence de l’intellect et du spirituel sur le biologique, d’autres ont toujours estimé que la raison et la foi ne sont que des instruments du corps.
L’avènement du covid 19 avec son lot de conséquences réactualise ce débat ancien d’une haute facture philosophique. À travers, les mesures de restriction prises par les gouvernements, suites aux protestations, aux résistances ou simplement aux interrogations que ces mesures ont suscitées, le sujet ressurgit avec acuité sous cette problématique : peut-on légitimement décréter un couvre-feu qui exige de compromettre l’économie, de suspendre notre liberté, de fermer les écoles et même les lieux de culte ? Ce confinement sectoriel qui suit un ordre de priorité peut-il légitimement placer l’éducation et l’économie devant la religion? Pour bien investir cette problématique il faut en soulever d’autres questions : d’où nous viennent la vie spirituelle et intellectuelle ? La vie n’est-elle pas la condition sine qua non de la liberté de la morale et de la religion ? L’éducation et l’économie ne sont-elles pas les deux mamelles qui fondent en priorité la vie ? Cependant, donner la priorité à la vie exclut-il à ce point la raison, la bonne gouvernance et la transparence?
La réponse à toutes ces questions exige de nous d’abord un rappel historique des différentes conceptions que l’homme s’est faites de lui-même et en lui, des relations entre corps, foi et raison. Ensuite montrer la place privilégiée du biologique sur le spirituel dans la vie. Et enfin voir pourquoi la nécessité de vivre n’exclut pas la volonté de bien vivre chez l’homme. Depuis l’antiquité grecque, la réflexion notamment philosophique a présenté l’homme comme un être d’esprit de raison et de conscience. La partie vivante à savoir le biologique ou le corporel a soit été négligé soit subordonné au spirituel et à l’intellectuel. Aussi cette prétention se retrouve dans la pensée moderne. Chez Descartes, au début de la modernité on réduit l’homme à la pensée consciente et on a fait du spirituel métaphysique le garant de la connaissance.
La métaphysique disait-il c’est les racines de l’arbre du savoir. Avec des penseurs comme Hegel la raison, la conscience, l’intellect, vont incomparablement prendre le dessus sur le vivant corporel. Les mesures de restriction partout adoptées sont nécessaires et légitimes Cependant, avec les avancées de la connaissance dues à cette foi en la raison, on s’aperçut qu’à l’arrière fond de la raison, de la conscience et de la foi, il y a la vie, le corporel, le biologique bref l’inconscient.
Dans son ouvrage intitulé Le monde comme volonté et comme représentation, Arthur Schopenhauer enseigna que toute notre vie psychique consciente découle de notre volonté première, mais devenue inconsciente de vivre. Dans la même lancée, ceux qu’il est convenu d’appeler les philosophes du soupçon à savoir Marx, Nietzsche et Freud démontrent le caractère vaniteux, illusoire et subordonné de la raison consciente vis à vis du vivant. Edgard Morin, semble-t-il, part de ce constat pour soutenir que même nos activités spirituelles sont encore des expressions vivantes de notre nature biologique.
D’ailleurs pour Marx, on le sait, la réponse est sans ambages: Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, mais c’est leur existence qui détermine leur conscience. En termes moins philosophiques et pour revenir à l’actualité de la lutte contre le covid 19 nous pouvons affirmer que nous assistons au couvre-feu imposé par la vie à la raison et à la foi. Si nous avons suspendu la loi qui est le condensé de la raison, si nous avons déserté au moins temporairement les lieux de culte, c’est bien la preuve de la prééminence de la vie sur la belle vie, sur la liberté et même sur la foi religieuse.
Pour vivre la liberté, la spiritualité il faut nécessairement d’abord la vivre. Voilà pourquoi lorsque sa vie est menacée, le vivant quelconque adopte des mesures conservatoires qui peuvent heurter ou au pire radicalement s’opposer aux besoins spirituels ou aux exigences rationnelles. La tendance à l’autoconservation est d’ailleurs ce qui avait fait penser Hobbes que l’homme est naturellement méchants.
Tout cela, tend à démontrer que les gouvernements qui ont la charge d’assurer la sécurité en luttant pour la préservation de la vie, ont légitimement le droit voire le devoir de prendre toute les mesures nécessaires pour faire face à la pandémie. Ces mesures sont par essence au-delà du rationnel et du spirituel. Elles relèvent à la limite de l’instinctif. De même dans l’ordre de priorités l’éducation et l’économie reprennent leur place et leur signification. C’est par l’éducation que la société humaine apprend acquiert perfectionne et transmet tous les moyens d’autoconservation. Sous ce rapport on voit la crainte pour l’effondrement de l’économie car c’est par la matière que l’esprit prend sa forme objective. Sans l’économie l’éducation et la santé autres secteurs prioritaires sont compromises.
Cependant force est de noter que l’absoluité de ce droit n’autorise pas la dictature, ni le tout économique. Si la nécessité de maintenir la vie en état peut légitimement autoriser l’Etat à s’arroger des droits exceptionnels, le devoir de légalité lui incombe de respecter les institutions. Les principes d’efficacité et d’économies doivent guider les mesures. En effet, la vie précède la liberté chez l’homme comme chez tous les vivants. La différence en que pour l’homme la vie est inséparable de la liberté. Un penseur comme rousseau ira même jusqu’à soutenir que renoncer à sa liberté revient à renoncer à sa dignité d’homme. D’autres, part négliger la certaines vies sous prétexte de préserver le niveau économique est aussi insensé. Sauver l’humanité ne nécessite pas le luxe les moyens exorbitants. Sauver l’humanité c’est drastiquement réduire les déséquilibres voire remettre les compteurs économiques à zéro.
Par ailleurs, le fanatisme religieux aveugle n’a pas non plus sa place dans cette lutte de la vie contre la mort. En vérité, préparer sa mort c’est encore lutter pour la vie. Le monde a toujours semblé être divisé en deux camps comme le notait pierre Theilard de Chaldin. Il y’a, disait-il, le camp de ceux qui défendent ce monde et militent pour la vie et le camp de ceux qui luttent pour l’au-delà. Cette dichotomie est sans nul doute caricaturale. Dans le fond, tous les hommes luttent pour la vie et contre la mort. que ce soit réellement par les procédures scientifiques ou symboliquement par les prières. L’action humaine, quelle qu’elle soit tend toujours et en entier vers l’autoconservation.
Jean Paul Sartre n’a-t-il pas démontré que même dans le suicide, c’est encore la vie qui est visée. On met en gage la vie pour plus de vie, pour une meilleure vie. En conclusion nous pouvons retenir que dans la mesure où nous acceptons que ce soit à l’Etat d’assurer notre sécurité. Car, même en évoquant Dieu nous reconnaissons que dieu se sert des états, les mesures de restriction partout adoptées sont nécessaires et légitimes. Aussi dans la mesure où nous comprenons que les gouvernements sont de toute façon les plus informés, nous nous devons de respecter notre volonté que nous leur avons confiée en se conformant aux mesures édictées. Toutefois, nous devons veiller à ce que cette lutte n’en cache pas d’autres et qu’elle soit aussi flexible que possible.
Diouldé BOIRO,
professeur de philosophie au lycée Demba Diop/Mbour et membre du comité central du PIT/Sénégal
Par Seybani SOUGOU
TOUS LES DÉCRETS DE MACKY PROROGEANT L’ETAT D’URGENCE SONT ILLÉGAUX
« Aucune disposition juridique ne permet au président de proroger l’état d’urgence par décret. Il s’agit d’une compétence exclusive de l’assemblée nationale »
« Aucune disposition juridique ne permet au Président de proroger l’état d’urgence par décret. Il s’agit d’une compétence exclusive de l’assemblée nationale »
S’agissant de la proclamation de l’état d’urgence et sa prorogation, la Constitution sénégalaise établit une claire répartition des pouvoirs entre le président et l’assemblée nationale. Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 69 de la Constitution, l’état d’urgence, est décrété par le Président de la république.
L’alinéa 2 de l’article 69 de la Constitution dispose que le décret proclamant l’état d’urgence cesse d’être en vigueur après 12 jours, à moins que l’Assemblée nationale, n’en ait autorisé la prorogation. La répartition des pouvoirs, établie par la Constitution est claire, nette et précise :
Le président dispose du pouvoir de proclamer l’état d’urgence (décret),
La prorogation de l’état d’urgence est une compétence exclusive de l’assemblée nationale (loi). Par Décret n° 2020-830 en date du 23 mars 2020, Macky Sall a proclamé l’état d’urgence sur le territoire national, pour une durée de 12 jours.
Pour proroger l’état d’urgence, Macky Sall a saisi l’assemblée nationale, conformément à l’alinéa 2 de l’article 69 de la Constitution.
Le 01 avril 2020, l’assemblée nationale a adopté la loi d’habilitation, autorisant la prorogation de l’état d’urgence pour une durée de 3 mois. L’article 4 de la loi d’habilitation dispose « qu’il peut être mis fin à l’état d’urgence par décret avant l’expiration du délai fixé par la loi prorogeant l’état d’urgence ».
Au titre du pouvoir réglementaire, le président peut prendre 2 décrets dans le cadre de l’état d’urgence : un décret pour proclamer l’état d’urgence (alinéa 1 de l’article 69 de la Constitution) et un décret pour y mettre fin de manière anticipée (article 23 de la loi 69-09 du 29 avril 1969).
D’ailleurs, l’article 4 de la loi d’habilitation adoptée le 01 avril 2020 précise que le président peut prendre un décret pour « mettre fin à l’état d’urgence par décret avant l’expiration du délai fixé par la loi ». C’est clair, net et précis : lorsque le président prend un décret, suite à une prorogation de l’état d’urgence autorisée par la loi, c’est uniquement pour y mettre fin.
Le président ne peut jamais, par décret, proroger l’état d’urgence puisque la loi adoptée par l’assemblée le 01 avril a déjà prorogé l’état d’urgence en fixant une durée (3 mois au maximum). Au Sénégal, aucune disposition juridique ne permet au président de proroger l’état d’urgence par décret (aucun texte ne le prévoit).
Macky Sall ne dispose pas du pouvoir réglementaire de proroger l’état d’urgence, même pour 1 journée (ce décret relève du banditisme juridique).
En conséquence, le décret n° 2020-925 du 3 avril 2020 prorogeant l’état d’urgence pour 1 mois ainsi que le décret du 02 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 02 juin 2020 sont totalement illégaux. Aucun décret ne peut porter la mention « prorogeant l’état d’urgence ».
La prorogation de l’état d’urgence est une compétence exclusive de l’assemblée nationale.
«ON VA VERS UNE CERTAINE BANALISATION DE LA MALADIE»
Sahite Gaye, chercheur en sciences de l’information et de la communication décortique le plan de communication du ministère de la santé
Un nouveau changement de taille semble s’apprêter à faire surface dans la tactique de communication du ministère de la santé et de l’action sociale. Le point du jour sur la situation épidémiologique au Sénégal va bientôt changer de format.
Chaque jour, un communiqué sera envoyé à la presse, une stratégie de communication qui risque de saper les acquis et conduire au relâchement selon l’enseignant chercheur en sciences de l’information et de la communication, Dr Sahite Gaye. «Le président a invité les Sénégalais à accepter de vivre avec le virus. Donc, on va vers une certaine banalisation de la maladie», a d’emblée déclaré le spécialiste de la communication.
Et de poursuivre : «c’est une stratégie d’invisibilisation de certains visages de la lutte qui avaient l’habitude de faire face à la population. On va vers un communiqué et tout le monde sait que le communiqué dans une situation de crise est un support froid, il y a moins d’interaction, il n’y a pas de visage derrière», a-t-il regretté sur les ondes dIradio. Les contours de cette nouvelle stratégie des services d’Abdoulaye Diouf Sarr, semble épouser la fameuse stratégie qui consiste à dire «laisser circuler la population», arguer par Dr Moussa Thior.
Pour Dr Sahite Gaye, le flou dans le discours des autorités sanitaires peut pousser à l’oubli des gestes barrières. «Il y a un flou dans ce qu’on pourrait appeler la cohérence décisionnelle. C'est comme si on allait vers l’oubli des gestes barrières. C’est comme s’il y avait une nouvelle stratégie qui est là mais qui va pousser les gens à oublier les gestes barrières», a diagnostiqué l’expert en communication. Et d’ajouter : «le point de la situation quotidienne du ministère de la Santé et de l’Action Sociale devrait se terminer chaque fois par une explication sur un «point» bien précis dans la stratégie du gouvernement.
Finalement, en communication de crise, les actes et les décisions s’expliquent et se négocient afin de rassurer les différents publics», car de même que, «demander de porter un masque revient à expliquer pourquoi et comment, ouvrir les lieux de rassemblement exige la même démarche. Aucune loi, si répressive soit-elle, ne pourrait remplacer cette méthode. Sinon bienvenue l’incompréhension avec ses conséquences, dont la plus évidente est le brouillage du message initial dans l’objectif de la communication».
LE 3EME AGE EN DANGER !
La décision précise par le Président de la République, Macky Sall, d’ouvrir les lieux de culte, exposerait davantage les personnes du 3ème âge (à partir de 60 ans) au covid-19.
La décision précise par le Président de la République, Macky Sall, d’ouvrir les lieux de culte, exposerait davantage les personnes du 3ème âge (à partir de 60 ans) au covid-19. C’est la conviction de certains spécialistes de la santé qui se fondent sur la régularité de ces personnes dans les mosquées alors que leur système immunitaire est baisse à cause des comorbidités.
«La décision d’ouvrir les mosquées a été ordonnée. Or, on sait tous que ce sont les personnes du troisième âge qui fréquentent le plus les mosquées.
Par conséquent, il faut que toutes les mesures barrières soient respectées pour ces dernières afin d’amoindrir les risques», a renseigné docteur Khadim Bamba Diagne économiste. Selon ce dernier : «il faut aujourd’hui que toutes les nattes soient enlevées des mosquées et que les personnes âgées viennent avec les leurs. C’est la carte de la prudence qui doit être jouée».
Si certains médecins pensent qu’ouvrir les lieux de culte, c’est les sacrifier les personnes du 3ème âge, d’autres estiment que la protection doit se faire à la maison. «Les personnes âgées sont très souvent oubliées quand il s’agisse des mesures de protection. On voit des parents demander à leurs enfants de mettre des masques, de se laver les mains, de se confiner tout en oubliant le grand-père ou la grand-mère dans un coin prétextant qu’ils peuvent se prendre en charge.
Des investigations menées auprès des cas contacts, ce discours revient souvent», ont confié des sources travaillant au département de la santé. Une information confirmée Alassane Diagne, un habitant du quartier HLM. «C’est vrai qu’il faut surveiller les enfants mais les grandes personnes se comportent comme des enfants et d’autres oublient même les gestes barrières. La responsabilité revient au chef de famille ou à ses enfants de veiller sur elles afin qu’elles s’adonnent tous les jours à ces pratiques» a-t-il renseigné. Avec la peur qui sévit avec les cas de coronavirus dans les hôpitaux, des personnes âgées ne suivraient plus, non plus leur rendez-vous médical.
Selon une personne âgée, «il arrive qu’au niveau des structures, les blouses blanches font un défaut de diagnostic avec le thermo flash et vous déclare cas suspect. Ces personnes qui se sont retrouvées dans cette situation ne reviendront pas voir le médecin de peur d’être mis en quarantaine et cela peut augmenter les risques si on traine des comorbidités comme le diabète la tension entre autres ».
Et de poursuivre : « il est vrai que dans beaucoup de famille, cette tâche de veiller sur les enfants nous est décerné par les parents, au retour du travail, ils sont plus inquiétés par la situation de leurs enfants et oublient même de nous demander comment on va, où est ce qu’on a respecté les mesures barrières. Cependant, ce sont nos petits enfants qui sont à notre service et qui se soucient le plus de notre santé.»
THIERNO MADANI TALL ET L’EGLISE DISENT NON
La décision d’assouplissement des restrictions, prises par le chef de l’État Macky Sall, concernant notamment la réouverture des lieux de culte est diversement appréciée.
La décision d’assouplissement des restrictions, prises par le chef de l’État Macky Sall, concernant notamment la réouverture des lieux de culte est diversement appréciée. Pour la famille omarienne, la situation n’est pas encore propice à une réouverture des mosquées, du moins à Dakar. Cette décision est contenue dans un communiqué signé par Thierno Madani Tall. Au niveau de l’Eglise également, les messes et autres commémorations religieuses ne seront pas effectuées, malgré les réaménagements apportés par le Chef de l’Etat, Macky Sall. Dans un communiqué également parvenu à la rédaction hier, mercredi 13 mai, la Conférence épiscopale déclare maintenir toutes les dispositions prises dans la cadre de la lutte contre la Covid-19.
La décision d’assouplissement des restrictions, prises par le chef de l’État Macky Sall, concernant notamment la réouverture des lieux de culte est diversement appréciée. Pour la famille omarienne, la situation n’est pas encore propice à une réouverture des mosquées, du moins à Dakar. À travers un communiqué qui nous est parvenu, le Khalife Thierno Madani Tall estime que « l’évolution de la situation (n’est) pas encore totalement maîtrisée sur le territoire nationale mais plus particulièrement dans la région de Dakar ». Par conséquent, sans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid19, il informe les fidèles que la Mosquée omarienne reste fermée au public. « Cette mesure de prudence restera en vigueur jusqu’à nouvel avis de sa part », indique le communiqué. Parmi les mesures d’assouplissement annoncées par le chef de l’État, Macky Sall, dans son adresse à la nation prononcé lundi dernier, 11 mai, figure la réouverture des Mosquées. Mais le respect strict des gestes-barrières est exigé aux fidèles.
PAS DE MESSES ET AUTRES COMMÉMORATIONS
L’Eglise catholique du Sénégal n’est pas, non plus prête à rouvrir ses lieux de cultes. Ce, en dépit des réaménagements décidés par le Chef de l’Etat, Macky Sall, dans son allocution du lundi 11 mai. Dans une note parvenue à la rédaction hier, mercredi 13 mai, elle indique son total désaccord avec la mesure annoncée par l’exécutif. «Nous avons accueilli avec attention et respect le message du Chef de l’Etat, Macky Sall, dans son adresse à la nation du 11 mai 2020 dans laquelle, nous retenons l’ouverture des lieux de cultes. Nous vos pères, évêques du Sénégal, comptons rester fidèles à notre devoir de protéger partout et en toutes circonstances la santé et la vie des populations», peut-on lire dans le communiqué.
Mieux, ajoute la Conférence épiscopale, «compte tenu de l’évolution actuelle de la pandémie, nous maintenons toutes les dispositions déjà prises dans nos précédents communiqués notamment celui en date du 6 mai dans lequel nous vous disions, nous maintenons jusqu’à une date favorable, toutes les dispositions antécédemment prises dans nos différents communiqués notamment celle relative à la suspension des messes à caractère public». L’église a aussi maintenu l’annulation de ses événements religieux. «Cette mesure concerne aussi le grand rendez-vous du pèlerinage marial de Popenguine qui devrait se dérouler le week-end de la pentecôte du 30 mai au 1er juin». Tout en insistant sur le respect des gestes barrières, les pères et évêques invitent également les fidèles à faire preuve de responsabilité. «Nous vous encourageons à persévérer dans l’effort sachant que le résultat est au bout de cet effort. L’église appelle aussi les fidèles à éviter les déplacements non nécessaires et à respecter les mesures barrières édictées par les autorités compétentes.
Pour rappel, dans son discours du lundi dernier, Macky Sall, parlant des nouvelles mesures prises dans le cadre de la lutte contre la Covid-19, avait dit : «il nous faut adapter notre stratégie, de façon à mener nos activités essentielles et faire vivre notre économie, en veillant à la préservation de notre santé et celle de la communauté».
En conséquence, il avait annoncé la réouverture des lieux de cultes, avant d’exhorter le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique et celui de la Santé et de l’Action sociale à «engager les consultations nécessaires à cet effet avec les guides spirituels et les associations religieuses, pour convenir des conditions et modalités» d’ouverture des lieux de culte.
QUAND SONKO «S’INTRONISE» CHEF DE L’OPPOSITION !
Quelle est la posture que veut incarner le patron de Pastef/ Les patriotes, Ousmane Sonko ?
Après l’adresse à la Nation du chef de l’Etat, Macky Sall, le lundi 11 mai dernier, sur les nouvelles mesures de riposte contre Covid-19, les réactions des responsables politiques de l’opposition ont fusé de partout. Contrairement à tout ce beau monde, le leader de Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko, a préféré mobiliser la presse et l’opinion sénégalaise pour s’épancher sur la gestion de la pandémie par le régime en place. Pendant ce temps Idrissa Seck de Rewmi, Me Abdoulaye Wade du Pds, et Khalifa Sall de Taxawu Dakar se sont tous emmurés dans un silence assourdissant.
Quelle est la posture que veut incarner le patron de Pastef/ Les patriotes, Ousmane Sonko ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’est démarqué de la démarche adoptée par nombre de ses camarades de l’opposition, dans sa stratégie d’analyse et de communication de la gestion de la pandémie par le régime du président Macky Sall.
En effet, dans la critique des nouvelles décisions d’allègement des mesures de restriction prises par Macky Sall, beaucoup de leaders politiques ont préféré utiliser les réseaux sociaux, notamment Tweeter pour exprimer leur déception, à l’image du patron de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act), Abdoul Mbaye. D’autres, notamment le Vice-président du parti Rewmi, le député Déthié Fall, a adressé une lettre ouverte au chef de l’Etat. Certains ont préféré réagir, soit à chaud dans les médias, soit à travers des communiqués envoyés dans la presse.
Adoptant une stratégie toute autre, tel un chef de l’Etat, Ousmane Sonko programme son allocution à la Nation et passe la bande d’annonce bien avant dans beaucoup de supports médiatiques. Il y a annoncé son adresse aux populations sénégalaises en direct sur 3 chaines de télévisions traditionnelles, une chaine télé sur le net, deux sites d’informations générales et enfin une radio privée de la place.
Ainsi donc, le député de Pastef/Les Patriotes ameute les Sénégalais, tout comme les médias concernant sa sortie, qui sera finalement fort attendue. Une tribune lui est ainsi offerte pour tirer à boulets rouges sur le président Macky Sall et son régime concernant leur gestion de la pandémie, notamment avec les nouvelles mesures d’assouplissement prises dans la riposte contre le Covid19. Pendant presqu’un tour d’- horloge, Ousmane Sonko se défoule sur les tenants au pouvoir qui, selon lui, ont abandonné le peuple au moment où le virus gagne du terrain dans le pays et que le Sénégal emprunte une courbe ascendante. Pendant ce temps, le classé deuxième à la présidentielle de février 2019 s’emmure dans un silence assourdissant.
Le patron du parti Rewmi, Idrissa Seck, reste pour le moment aphone sur les nouvelles mesures «controversées» prises par Macky Sall dans cette nouvelle phase de la pandémie. Cela, même si son poulain, le député Déthié Fall, est monté au créneau. Le leader de Rewmi a opté pour la rétention délibérée et prolongée de la parole dans ces circonstances marquées par la pandémie. Cherche-t-il à ne pas se dévoiler ou à maitriser ses passions en choisissant délibérément de se taire ou du moins parler peu ? Une chose reste évidente. Au moment où il opte pour la raréfaction de la parole pour mieux la valoriser, son suivant cherche à dérouler à son absence. Il n’est d’ailleurs pas le seul. Il en est de même de l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, considéré comme le chef de l’opposition parlementaire.
Le Secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds) n’a pipé mot de la gestion de la pandémie par son successeur. Cette neutralité risque de rendre floue sa position vis-à-vis des mesures jusqu’ici prises par le régime. Que dire du leader de Taxawu Dakar qui a semblé disparaitre des radars politiques ? Khalifa Sall a aussi choisi de se taire pour le moment sur cette question, optant pour la stratégie de l’abstinence médiatique. Un choix de l’ancien maire de Dakar certainement commandé par ses démêlés avec dame justice.
De toute évidence, Ousmane Sonko ne compte pas abandonner le terrain politique au régime en place qui déroulait jusqu’ici «seul», depuis le début de la pandémie au Sénégal. Il semble opter pour la méthode de la fréquence en intervenant plus souvent, dans le bon contexte comme celui-ci, de façon plus ramassée et avec la bonne intensité. Cela, même s’il justifie son choix de briser le silence par le constat d’un «fiasco» dans la gestion de la crise par le régime ?
Et ce, après sa dernière déclaration, courant mars, à sa sortie d’audience avec le chef de l’Etat, dans le cadre des consultations politiques et citoyennes. A dire vrai, Ousmane Sonko semble ainsi vouloir incarner la place de leader de l’opposition, en l’absence de Me Wade et d’Idy.
Par Calame
IL ETAIT UNE FOI : LE «MONEYTHEISME»
C’est un moment d’urgence sanitaire mondiale dans lequel nous a plongé un virus mystérieux, voyageur sans papier, fiché partout, mais qui a fait le tour du monde, immigré clandestin ayant plus que le don d’ubiquité.
La période que nous vivons depuis le mois de mars est absolument inédite. C’est un moment d’urgence sanitaire mondiale dans lequel nous a plongé un virus mystérieux, voyageur sans papier, fiché partout, mais qui a fait le tour du monde, immigré clandestin ayant plus que le don d’ubiquité.
Face à cette situation, la classe politique, celle au pouvoir comme celle de l’opposition, dont le seul horizon est la prochaine élection, s’est retrouvée projetée sur un terrain qu’il fallait éclairer. Et puisque la « déclaration de guerre » avait été annoncée dans un discours aux intonations martiales, il fallait demander conseil aux experts.
De la même manière qu’il sollicite l’avis des stratèges militaires, en période de guerre et/ou de crise, c’est au Président de la République, Chef des Armées, à qui revient la décision finale de signer, un traité de paix, un armistice ou une reddition. Une décision, finalement politique. Le hic, est que l’ennemi est sournois, inconnu, invisible.
Sur le terrain du Covid-19, les connaissances des experts, virologues, immunologistes, infectiologues, épidémiologistes, anesthésistes-réanimateurs, (qui au passage ne se sont pas exprimé d’une même voix), de qui doivent venir les informations et les stratégies pour vaincre cet ennemi, ont fini de mettre le politique face à un dilemme : tout sanitaire ou réalité sociale?
Entre le spectacle du début de la crise au cours duquel l’exécutif a appelé à l’unité nationale, l'émotionnel pur et les discours convenus en pareilles circonstances, il n’a fallu que peu de temps pour que fusent les critiques sur la gestion du Covid-19, auxquelles des interventions officielles répondent pour tenter d’enrayer la défiance de plus en plus grande et de plus en plus audible de pans entiers de la société sénégalaise.
Le président de la République, en cette soirée du 11 mai 2020 a-t-il été submergé par le blues du dominant, pris en étau entre cités de Dieu et cités humaines, dans une société où les références à l’histoire, aux « traditions », aux valeurs « religieuses », très souvent cosmétiques, sont évoquées régulièrement ?
La décision d’un assouplissement des mesures prises ce jour-là aura-t-elle pour conséquence de terrasser cet ennemi à qui la guerre a été déclarée par l’intermédiaire de cohortes célestes, au profit d’hommes de bonne volonté, mais qui n’ont d’armes que du gel hydroalcoolique, des masques et une distanciation sociale imposée et qui plus est sont contraints, par décret, à une immobilité hiératique de 21 heures à 5 heures du matin ? Assurément cette crise va laisser des traces et obligera à de profonds changements.
Même s’il est arrivé dans l’arène sanitaire en faisant un consensus autour de lui, le président de la République, n’en était pas moins vierge de mauvaise humeur citoyenne et de toute suspicion démocratique. Son bagage de soldat était déjà chargé, qui pesait lourd dans l’appréciation du traitement de la guerre au Covid-19 par le cumul délétère à son détriment de l’hostilité d’hier et du doute d’aujourd’hui.
C’est ainsi donc qu’il est parti à la guerre avec son gouvernement, tous lestés d’un passif certain (système éducatif affaissé, système judiciaire mis au service d’intérêts particuliers, clientélisme et corruption), et d’une très grande méfiance dans la gestion du fonds de guerre, plus généralement de l’argent public.
En arithmétique, on dit que les soustractions s’additionnent. Covid-19 semble avoir jeté aux orties toutes les convenances et toutes les conventions d’une République laïque. La faillite de l’Etat, -bien antérieure à Covid 19, la non-réalisation de l’intégration sont-elles la cause structurelle de cette situation et l’absence d’un sentiment d’appartenance à une même Nation. Tout semble accréditer le fait que nous vivons dans un univers de fragments qui se constituent des ressources de toutes natures qu’ils mettent au service de leurs communautés, de leurs clans et/ou de leurs familles, quelles qu’elles soient. On aurait dit que ce pays se retourne sur lui-même pour s’engouffrer dans une zone où il n’y a pas/plus de bornes pour délimiter un espace où normes, droits, responsabilités, sanctions et récompenses n’ont pas/plus de signification.
Dans ce no man’s land, s’est installée une culture arc-boutée sur elle-même, réfractaire aux lois que la République s’est données et qui les enfreint elle-même allègrement, prête à mordre et à aboyer contre qui sourcille ou élève la voix. Cette culture est entretenue par l’argent, les honneurs et les biens, souvent mal acquis et les pressions plus ou moins fortes dont on est capable. L’argent et les biens matériels en sont le ciment, le motif et la motivation. Certains diront on est dans le moneytheisme, qui entretient les amitiés et les querelles, consolide les alliances ou entraine leur effondrement.
Les idées démocratiques dont on se gausse n’ont pas résolu le problème du partage équitable, comme celui -le dernier en date- de la distribution chaotique des vivres « remis » dans le cadre de «Force Covid-19 », qui sera suivi par l’hivernage s’installant bientôt, de celui des semences et des engrais. Dans l’un comme dans l’autre cas, il sera encore question de quotas, de rétrocommissions, de contrats non exécutés mais payés et de non reddition des comptes. Ces actes ont infiltré l’architecture des institutions, affaiblissent la République et engendrent un ras-le bol de tous ces hommes et femmes qui les posent, considérés comme des sangsues et/ou des mercenaires. Comme en temps de guerre.
Covid-19 qui a mis à nu les tares que nous traînons mais qu’on cache avec le petit doigt, nous appelle cependant à un redressement qui devient urgentissime, dans un moule Etat/Société qui établisse le fonctionnement cohérent d’abord, harmonieux ensuite d’une République, aux grands enjeux captivants sans être captifs.
Calame
par Madiambal Diagne
MACKY A PRIS LES RISQUES DU CHEF
L'ignorance et l’irresponsabilité de nombreuses élites constituent un handicap pour le développement du pays. L’attitude des populations durant cet épisode doit convaincre de faire de l’éducation une nécessité impérieuse
On ignore les circonstances ou les paramètres sur lesquels le Président Macky Sall a fondé ses décisions, annoncées le 11 mai 2020, allégeant le dispositif de prévention contre le Covid-19. L’exercice a pu être très délicat, au moment où la propagation de la pandémie s’est accélérée (le 11 mai 2020, le record journalier de 177 nouveaux tests positifs au Covid-19 a été révélé). Mais pour diverses raisons, on peut trouver l’allégement du dispositif approprié dans le contexte.
1. La létalité du Covid-19 est assez marginale au Sénégal
On peut observer que pour la période du 2 mars 2020 (date de recensement du premier cas de malade du Covid-19) au 11 mai 2020 (soit 71 jours), le Sénégal a enregistré un nombre de 19 personnes malheureusement décédées de la pandémie. Trois nouveaux décès se sont ajoutés à ce bilan deux jours après. Cela équivaudrait à un ratio de moins de 2 morts par semaine. L’extrapolation donnerait un nombre de morts sur l’année de l’ordre de 100 cas. Le scénario le plus pessimiste, la situation la plus catastrophique, si on en juge par les méthodes de projection utilisées par les experts sur les statistiques du Covid-19 à travers le monde, serait la multiplication des cas par 3. Cette situation catastrophe nous amènerait à un nombre total de 300 morts sur l’année. On conviendrait que c’est beaucoup car toute mort de personne constitue une catastrophe, un drame pour les familles, les proches et la société de façon générale. En effet, «rien ne vaut une vie», mais on ne perdra pas de vue qu’il y aura fatalement des morts de personnes tous les jours que Dieu fait. Il reste que les statistiques montrent que le taux de mortalité au Sénégal est de 7,9 pour 1000, soit quelque 118 mille morts par an, sur une population moyenne de 15 millions d’habitants. Chaque année on recense plus de 13 mille cas de tuberculose avec plus de 300 décès. Quelque 750 mille personnes souffrent annuellement du paludisme avec des centaines de morts. C’est dire que le Covid-19 tue beaucoup moins que les autres causes de décès. 3000 enfants meurent chaque année de pneumonie. On remarquera pour l’anecdote, que le taux d’homicides au Sénégal est de 3 morts pour 100 mille habitants, soit une moyenne annuelle de 450 morts par homicide. Ce bilan macabre dépasse largement les projections les plus sombres pour le Covid-19. On retiendra également que les accidents de la route provoquent plus de 600 morts par an au Sénégal. Pour autant, le Sénégal n’a pas empêché la circulation des véhicules et autres engins sur les routes, encore moins décrété un couvre-feu permanent pour empêcher d’éventuels homicides ou fermé les marchés et les lieux de culte pour barrer la route à la propagation de la tuberculose.
2. L’Etat a commis l’erreur de prendre des mesures dont il ne peut assurer l’observance
On peut comprendre qu’à l’arrivée de la pandémie au Sénégal, le gouvernement ne pouvait pas ne pas s’inscrire dans le sillage des autres pays infectés et a alors préconisé des mesures de restriction des déplacements des populations et de leurs activités sociales. La maladie étant toute nouvelle et la vitesse de sa propagation, stupéfiante. Aussi, le grand nombre de décès, provoqués dans les premiers pays touchés, a pris tout le monde de court, qu’aucun protocole de riposte n’est encore jugé suffisamment efficace. Il n’y avait pas de leçon apprise, il fallait faire comme tout le monde et adapter la situation, au fur et à mesure. La peur était légitime et la psychose s’est installée car, même s’il était annoncé que ce serait une seule personne qui devrait mourir du Covid-19, chacun voudrait éviter d’être cette victime ou de voir son proche succomber. Le gouvernement n’aurait-il pas pris de telles mesures qu’il ne serait pas excusable. Seulement, était-il très vite apparu que les populations violaient allègrement le dispositif du couvre-feu ou de l’interdiction de rassemblement dans des lieux de culte, sans pour autant que les forces de sécurité, préposées à la mission de veiller à son application, n’arrivassent à empêcher cela. Il demeure qu’a posteriori, on peut considérer que les autorités de l’Etat avaient fait une mauvaise évaluation de la situation (c’est le sort ingrat de tout gouvernement), pour prendre des mesures de police dont elles ne pouvaient pas garantir ou assurer le respect. On a observé des situations qui pourraient engendrer des drames et de graves périls. Des populations ont bravé les Forces de l’ordre pour ouvrir certains lieux de culte. Fallait-il faire usage de la force armée pour faire appliquer la mesure ? Sans doute pas, car le remède aurait été pire que le mal. L’Etat n’avait aucun intérêt à déclencher une escalade qui pouvait être violente meurtrière même, quand on sait la détermination des groupes de populations à en découdre avec les éléments de police et de gendarmerie. Il y avait donc une grave menace à la paix et la sécurité publiques, avec des risques de confrontation et des actions manifestes de provocation. Encore une fois, l’Etat aura fait montre de sagesse en évitant de tomber dans une escalade. Il était illusoire de chercher à maintenir des mesures qui ouvriraient la porte à toutes les formes de défiance. On peut se rappeler qu’en 1999, les Forces de l’ordre s’étaient gardées de charger des hordes de «Baye Fall» qui assiégeaient la prison de Rebeuss, exigeant la libération de leurs condisciples emprisonnés pour avoir incendié la mosquée Ibadou de Niary Tally à Dakar. Le régime du Président Abdou Diouf avait convaincu le juge de prendre une ordonnance de main-levée pour élargir de prison les personnes mises en cause pour éviter que la situation ne dégénérât. La même attitude de retenue des Forces de l’ordre a été observée en France les mois derniers, quand des occupants de l’aire du projet de nouvel aéroport de Notre Dame des Landes de Nantes ou quand des manifestants «gilets jaunes» cherchaient à en découdre violemment avec l’autorité de l’Etat. Aux Etats-Unis, le Président John F. Kennedy avait ordonné, le 11 juin 1963, le retrait des troupes pour ne pas charger le Gouverneur George Wallace et ses affidés qui bloquaient l’entrée de l’université d’Alabama à des étudiants noirs. On ne manquera pas de regretter qu’avec l’épisode des fortes résistances enregistrées contre les mesures édictées par le gouvernement pour barrer la route au Covid-19, l’autorité de l’Etat en a encore pris un sacré coup, mais notre gouvernement devra apprendre qu’un Etat ne doit pas prendre des mesures qu’il ne peut pas faire observer. L’Etat devait bien savoir à quoi s’attendre car, des actes de rébellion provenant des mêmes milieux religieux ont été constatés plus d’une fois. C’est une désinvolture coupable de s’imaginer que les mêmes causes ne produiraient pas les mêmes effets et qu’il fallait mieux se préparer à faire accepter ou faire passer les mesures.
3. L’économie ne pourrait vivre en autarcie
Tous les pays ont pu mesurer que la pandémie du Covid-19 a déjà engendré une situation de régression économique jamais connue. En conséquence, on cherche partout à arrêter l’hémorragie. Après plus de trois mois de blocage des activités économiques, les pays cherchent à rouvrir leurs économies, à les faire redémarrer. Les mesures de limitation de la circulation des personnes et des biens ont freiné les activités économiques, le Sénégal ne pouvait donc continuer de fermer son économie, qu’on sait assez faible et fragile. Des pays voisins comme le Ghana, le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou le Bénin, tout aussi touchés (ou parfois plus touchés) par la pandémie, ont desserré les vis pour permettre aux populations de reprendre le travail. Comment dans un tel contexte, le Sénégal pourrait-il aller à contre-courant et s’obstiner à chercher à renforcer davantage les mesures ? On a entendu des voix continuer de préconiser le confinement total des populations !
4. Impératif d’éducation
Tout le monde peut convenir que les difficultés constatées au Sénégal dans la mise en œuvre des mesures prophylactiques et d’hygiène contre le Covid-19 sont dues à l’obscurantisme. La situation d’ignorance des populations et l’irresponsabilité de nombreuses élites religieuses et sociales constituent un véritable handicap pour le développement économique et social du pays. Il faudrait investir et investir encore dans l’éducation, la seule panacée pour libérer les esprits. L’attitude des populations durant cet épisode doit convaincre davantage de faire de l’éducation une nécessité impérieuse. Il semble donc utile de rouvrir les écoles et permettre aux enfants de retourner en classe pour ne pas continuer de grossir les bataillons d’ignares. Il n’en demeure pas moins que l’allégement du dispositif de riposte ne devrait procéder d’un laisser-aller mais constituerait une volonté de permettre aux citoyens de pouvoir vaquer à leurs occupations essentielles, tout en gardant, encore une fois, des mesures de précaution individuelle. Le travail de discussion, de sensibilisation et de persuasion ne devrait pas être relâché. On jugera à l’heure du bilan si le chef de l’Etat s’était fourvoyé ou pas, quand il a décidé d’alléger son dispositif contre le Covid19. Mais il aura fait montre d’un certain courage. «Il est toujours facile de dire ou d’exiger quelque chose lorsque les gens autour de soi sont d’accord avec ce que l’on affirme. C’est à la portée de tous. C’est tout à fait autre chose lorsque ce que l’on déclare soulève l’hostilité dans son propre entourage.»