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16 juillet 2025
AVANT BOCANDÉ, DIOUF ET MANÉ, MBAYE FALL FUT LA STAR DU FOOT SÉNÉGALAIS
Son redoutable talent de buteur,l'attaquant – vedette du Jaraaf de Dakar et de l’équipe nationale de football des années 1970 – 80, n’a malheureusement jamais eu l’opportunité de le démontrer à la face de l’Afrique en phases finales de Can
Ils ont en commun d’avoir été des footballeurs de grand talent et de n’avoir jamais disputé une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations (Can). Pour une raison ou pour une autre. Nous vous proposons d’aller à la rencontre de cette belle brochette de joueurs qui auraient certainement fait bonne figure dans cette compétition si courue. Aujourd’hui, Mbaye Fall.
Ses grandes qualités de footballeur et son redoutable talent de buteur, Mbaye Fall, attaquant – vedette du Jaraaf de Dakar et de l’équipe nationale de football des années 1970 – 80, n’a malheureusement jamais eu l’opportunité de les démontrer à la face de l’Afrique en phases finales de Can. « À l’époque, c’était beaucoup plus compliqué que maintenant de se qualifier à une Coupe d’Afrique des Nations. Surtout que la phase finale ne regroupait que 8 équipes dont celle du pays organisateur. Ce qui fait qu’il ne restait que 7 places à prendre », justifie l’ancien attaquant du Jaraaf devenu international à 19 ans et qui avait étrenné sa première cape lors de la victoire 2 – 1, le 25 juillet 1971, face à la Sierra Leone. « Depuis, avec 12 équipes finalistes lors de « Sénégal 92 », puis 16 et maintenant 24 depuis « Egypte 2019 », même une équipe qui finit 3ème de sa poule peut se qualifier ».
Autre facteur limitant, selon ce génial footballeur que les spécialistes classent parmi les tous meilleurs que le Sénégal ait jamais vus naître, la formule des éliminatoires. « Avant, c’était à coups de double confrontations alors que depuis plusieurs années, c’est sous forme de poules souvent de 4 que les qualifications se jouent ». Selon Mbaye Fall, l’actuelle formule offre plus de possibilités de se rattraper sur la durée, en cas de contreperformances. « On passait très souvent le premier tour. Mais au deuxième ou au dernier tour, on tombait sur des équipes nord-africaines qui avaient plus de métier voire plus d’astuces de toutes sortes pour nous éliminer », regrette-t-il. En plus, vu le règlement alors en vigueur, une équipe ne pouvait aligner que deux expatriés. « Je me rappelle d’un Sénégal – Tunisie où seuls Badou Gaye et Locotte avaient pu jouer et pas Ibrahima Bâ « Eusebio ». Or maintenant, on peut ne convoquer que des expatriés ».
Mbaye Fall se souvient plus particulièrement d’une double confrontation Maroc – Sénégal en 1973 où les Chérifiens s’étaient largement imposés à l’aller (4 – 0) dans le froid de Fez. « Au retour, on a voulu leur rendre la monnaie de leur pièce en les amenant à Kaolack pour les faire souffrir de la chaleur ambiante. Ils étaient venus avec des maillots à mailles, et bien que nous ayons gagné grâce à 2 buts de Christophe Sagna, c’était insuffisant pour passer », se rappelle-t-il.
Elégant, racé et efficace
Sinon, Mbaye Fall estime qu’il aurait peut-être pu être de la Can 86 en Egypte. Sauf qu’il avait raccroché ses crampons 3 ans plus tôt, histoire de laisser à la postérité le souvenir de l’attaquant élégant, racé et efficace qu’il avait toujours été. C’est après la demi-finale retour Kotoko de Kumasi – Jaraaf où il avait pour la première fois été remplaçant chez les Vert et blanc, qu’il avait jugé que l’heure de la retraite avait sonné. « Je me suis dit qu’il était temps de laisser la place aux plus jeunes. J’ai alors décidé de partir à 33 ans », explique-t-il. Pourtant, des joueurs de sa génération avaient bel et bien disputé cette Can qui marquait le retour du Sénégal au banquet continental, 18 ans après celle de 1968 en Ethiopie, tels Boubacar Sarr « Locotte » ou Christophe Sagna.
Mais il n’en garde aucune amertume, convaincu qu’en football comme dans tous les secteurs de la vie (dont le métier de transit qu’il a embrassé après et où il exerce depuis 18 ans), il faut parfois compter avec la chance. Le mérite aussi, sommes-nous tentés d’ajouter. Car, lui qui n’a jamais été professionnel (il a juste évolué à Saint Quentin en National en France, malgré les sollicitations de clubs pros comme Lille ou Reims)… Lui qui était parti en France justement, en 1974, parce qu’un touriste français qui avait entendu parler de lui comme le meilleur footballeur sénégalais de l’époque et s’était présenté au stade « armé » de sa photo, s’était démené comme un beau diable pour le convaincre de franchir le pas… Lui qui ne s’entrainait que moins de 2 heures par jour sur le terrain sablonneux de l’Ecole Médine, après ses cours au Lycée Maurice Delafosse… Lui qui jouait essentiellement pour le plaisir… Lui qui avait toujours privilégié les études par rapport au football… Lui qui, donc, n’a jamais disputé de phase finale de Can, est tout de même considéré comme l’un des meilleurs footballeurs sénégalais de tous les temps. « Que l’on me classe à côté de joueurs comme Sadio Mané, Bocandé ou Diouf qui sont ou ont été des professionnels au plus haut niveau, est une belle reconnaissance pour moi », dit-il.
Seigneur sur les terrains, Mbaye Fall l’est resté dans la vie. Désormais, il compte partager son expérience en montant un centre de formation. Heureux sont les jeunes qui grandiront sous sa coupole. Pour modèle, ils ne pourront trouver mieux.
Et dire que ce surdoué du ballon rond a failli être basketteur…
Dans l’histoire du football sénégalais, Mbaye Fall restera comme l’un des plus doués toutes générations confondues. Avec le Jaraaf ou avec l’équipe nationale des années 1970 – 80, il a été un redoutable buteur ; mieux un joueur complet. Formé à … l’école de l’Uassu, il aurait également pu devenir basketteur, voire handballeur. Le ballon rond sénégalais aurait raté l’un de ses plus beaux joyaux.
Lorsqu’on lui demande si, comme le disait un ancien footballeur très talentueux, il n’était pas « né trop tôt », Mbaye Fall esquisse un sourire et répond clairement que « non ». « Puisque, ajoute-t-il, en toute chose le facteur chance intervient d’une manière ou d’une autre. Voyez, dans mon secteur d’activité qu’est le transit, depuis 18 ans que j’y suis, il y a beaucoup de personnes qui y sont arrivées bien après moi et qui possèdent des immeubles ou des hôtels. Ce qui n’est pas mon cas ». Il a vécu sa vie de footballeur et continue de vivre tranquillement sa vie, fier d’avoir réussi le parcours qui est le sien.
Mbaye Fall, attaquant du Jaraaf (« je jouais soit comme 9 soit comme 10 », signale-t-il) des années 1970 – 80 est incontestablement l’un des footballeurs sénégalais les plus doués de la période post-indépendance. International à 19 ans, en 1971 face à la Sierra Leone, il a définitivement remisé ses crampons en 1983, à 33 ans. C’était relativement jeune, non ? « Oui, acquiesce-t-il. C’est lorsqu’à la demi-finale retour de Coupe d’Afrique des clubs Kotoko de Kumasi – Jaraaf au Ghana, j’avais été remplaçant que j’avais compris qu’il était temps pour moi de me retirer et de laisser la place aux plus jeunes », explique-t-il. Très grand footballeur, Mbaye Fall n’avait pas voulu faire le match encore moins la saison de trop. C’est peut-être pourquoi, aujourd’hui encore, son nom revient à chaque fois qu’on cite les meilleurs footballeurs sénégalais de tous les temps. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que certains spécialistes l’aient inscrit dans le meilleur onze sénégalais possible depuis l’indépendance. Pour quelqu’un qui ne s’entraînait qu’une heure par jour au terrain de l’Ecole Médine, en fin d’après-midi après les cours, dribbler tous ces pros qui lui ont succédé sur les terrains pour figurer dans l’équipe – type du Sénégal, ce n’est pas banal comme performance.
Footballeur professionnel, Mbaye Fall n’a d’ailleurs jamais voulu l’être. Pourtant, ce ne sont pas les occasions qui lui avaient fait défaut. Car, de 1974 à 1978, il avait évolué en championnat amateur en France, à Saint-Quentin. Celui qui rappelle qu’il claquait alors « 26 à 28 buts par saison et était à chaque fois meilleur buteur» avait eu des contacts avec des clubs comme Reims, Lille ou Thonon-les-Bains où vivait un certain Louis Gomis, autre superbe footballeur sénégalais. « Mais, même comme amateur et en plus de mon boulot et de mes études auxquelles mes parents tenaient particulièrement, je gagnais plus que ce que ces clubs pros me proposaient. Alors, cela n’en valait pas la peine », note-t-il sans regret. Sur les conditions de son départ en France, Mbaye Fall a une anecdote amusante. Selon lui, un Français passionné de foot en vacances au Sénégal s’était un jour présenté au stade muni de sa photo à lui Mbaye Fall, parce qu’on lui avait dit que c’était le meilleur footballeur sénégalais du moment. Et il avait entrepris de le faire partir en France. Ça tombait bien : l’attaquant du Jaraaf aussi avait fortement envie d’aller faire admirer son talent en Europe. « Comme à l’époque, c’était plus facile puisqu’on n’avait même pas besoin de visa pour aller en France, cela s’était vite fait ».
Des goûts et des couleurs
Joueur technique, habile des deux pieds et d’une adresse diabolique devant le but, Mbaye Fall refuse cependant de se situer dans la hiérarchie des footballeurs sénégalais ou de se comparer à qui que ce soit. « Vous savez, tout cela est très subjectif. D’ailleurs, je connais au moins 2 joueurs totalement inconnus du grand public qui, de mon point de vue, sont meilleurs que toutes nos célébrités du ballon rond dont moi-même. C’est comme pour les goûts et les couleurs », note-t-il. La preuve, il ne connaît pas son nombre exact de sélections en équipe nationale, encore moins le nombre de buts inscrits en club et en sélection. Même les titres remportés avec le Jaraaf, il ne se les rappelle pas exactement. « Quelques victoires en Coupe du Sénégal (en 1973, 1981 et 1982 Ndr) et en championnat national (en 1982 Ndr) », parvient-il juste à dire.
C’est que Mbaye Fall s’est beaucoup déconnecté du football. « Je ne vais même plus au stade voir les matches ». Mais, il reste un conseiller du président du Jaraaf, Cheikh Seck. Et, super bonne nouvelle, il envisage de revenir dans son « milieu naturel » et partager son expérience à travers un projet qui lui tient particulièrement à cœur : mettre en place un centre de formation. « Je pense qu’il est temps que je m’investisse davantage », se décide-t-il, convaincu de franchir le pas par un de ses enfants « malheureux » de constater que malgré tout ce qu’on lui a raconté sur son père en tant que footballeur, celui-ci n’en fasse pas profiter aux plus jeunes.
Ce serait peut-être sa contribution à l’essor du football sénégalais dont il a été l’un des plus beaux spécimens à travers les âges. Mbaye Fall se félicite d’ailleurs que les centres de formation existant aident à combler un tant soit peu « le cruel manque d’infrastructures de qualité qui plombe le développement de nos clubs ». Selon lui, tous les clubs professionnels devraient disposer de centres de formation. Il faut aussi changer de méthode de gestion des clubs pour espérer les voir décoller.
Ce n’est pas qu’il soit nostalgique, mais Mbaye Fall est d’avis que beaucoup de choses ont changé ; mais forcément pas dans le bon sens. « Au début, j’étais plus basket que foot. J’étais avec les Demba Ndir, Serigne Der et autres Thioub. Et j’excellais même au handball », rappelle-t-il. Alors, qu’est-ce qui l’a décidé à opter finalement pour le football ? « C’est un certain Grand Mbodj avec qui j’ai joué dans l’attaque du Ceg (Collège d’enseignement général, Ndr) Malick Sy qui m’a inspiré. C’était mon modèle ». On peut donc remercier cet ancien super attaquant de l’Us Gorée d’avoir sorti Mbaye Fall des parquets pour le projeter sur le rectangle vert.
MILLE MILLIARDS DE QUESTIONS AUTOUR DU FONDS FORCE COVID-19
Les acteurs du secteur touristique se taillent la part du lion dans la répartition de cette manne financière ; pendant que les pauvres débrouillards de l'informel, les ouvriers et certains travailleurs, même de la classe moyenne, souffrent en silence
Depuis l’annonce des 1 000 milliards du fonds Force-Covid-19, ça s’agite de partout pour demander sa part. Même des artistes qu’on n’a pas vus sur scène depuis des lustres, se sont levés pour se plaindre de la perte de millions de F CFA. Pour leur part, les milliardaires du secteur touristique se taillent la part du lion, dans la répartition de cette manne financière ; pendant que les pauvres débrouillards du secteur informel, les ouvriers et certains travailleurs, même de la classe moyenne, souffrent en silence.
Après plus de deux mois de crise du coronavirus, le Sénégal n’entrevoit toujours pas le bout du tunnel. Les choses empirent même, jour après jour. Chaque matin, l’Etat, à travers le ministère de la Santé et de l’Action sociale, compte ses malades et ses morts. Mais il ne donne aucun chiffre sur ses nouveaux pauvres, ceux-là qui sont plongés dans un dénuement total à cause de la pandémie et de ses mesures barrières. Par milliers, travaillant dans l’informel, l’artisanal, dans les chantiers, dans certaines entreprises, ils ont perdu tout ou partie de leurs revenus.
Marché central de Rufisque, à côté des attelages de tissus, de prêt-à-porter, il y a les commerces de légumes, de viandes, d’alimentations, de produits de beauté, presque de tout ce qui se vend dans le commerce juridique. Bon an, mal an, les acteurs parvenaient à subvenir à leurs besoins, grâce à leurs activités quotidiennes.
Aujourd’hui, ils peinent à assurer même l’essentiel. Adama Thioune est un jeune boucher. Il arrive difficilement à joindre les deux bouts. Marié et père de 7 enfants, il témoigne avec plein d’amertume : ‘’Vous ne pouvez imaginer à quel point nous sommes fatigués. Depuis deux mois, presque toute notre activité est à l’arrêt. C’est une situation de plus en plus intenable. Nous avons dépensé toutes nos économies. Et nous ne savons pas à quand la fin de cette crise. Nous ne savons plus où donner de la tête. ‘Sikkim dafa lakandoo’ (tout le monde souffre ; on ne peut solliciter des amis pour demander de l’aide).’’
En fait, renseigne le jeune vendeur de viande, avec la crise, le prix du bœuf a considérablement augmenté. Ce qui est dû, selon lui, au fait que ces ruminants qui venaient essentiellement du Mali n’arrivent plus au Sénégal comme auparavant, à cause des restrictions dans les différents pays. A cela, il faut ajouter la baisse du pouvoir d’achat pour certains de ses clients, les mesures préventives pour les autres... Il ajoute : ‘’Avant, nous pouvions vendre jusqu’à 350, 500 000 F CFA par jour. Maintenant, c’est impossible. Nous ne faisons plus de bénéfices. Souvent même, nous vendons à perte. C’est très difficile. Nous demandons vraiment que l’Etat pense à nous, sinon c’est la catastrophe.’’
Mallé Diouf, vendeur de divers articles, embouche la même trompette. Les temps, selon lui, sont très durs. ‘’Nous sommes des chefs de famille. Nous ne pouvons pas rester chez nous indéfiniment. Nous souffrons en silence, puisque nous croyons en Dieu. Nos revenus ont drastiquement baissé et les besoins ont augmenté à cause du ramadan. Mais nous nous en remettons au bon Dieu et prions que cette crise disparaisse le plus vite’’. Devant faire face à cette crise à durée indéterminée, ces acteurs du secteur informel sont aussi confrontés aux multiples engagements contractés avant la crise. Khady Ngom renchérit : ‘’On n’arrive plus à avoir le quart de nos revenus. Nous sommes tous plongés dans des difficultés. Comme toutes les femmes, nous sommes dans les tontines et parfois c’est difficile de pouvoir cotiser. Quand on n’a pas de quoi manger, on ne pense pas à la tontine. Il y en a qui suspendent jusqu’à un moment plus propice. D’autres continuent non sans difficultés. Dans tous les cas, c’est difficile pour certains.’’
Le secteur informel, parent pauvre du fonds Force-Covid-19
Durement éprouvés, ces Sénégalais ne sont pas sûrs d’être pris en charge par le fonds Force-Covid-19 mis en place par l’Etat, dans le cadre du Plan de résilience économique et social. Lequel repose essentiellement sur 4 piliers : le soutien au secteur de la santé, l’aide à la résilience et à la cohésion sociale, la stabilité macroéconomique et le maintien des emplois et, enfin, la sécurisation des circuits d’approvisionnement et de distribution pour les denrées alimentaires, les médicaments et l’énergie. A en croire Adama Thioune, ils ne se sentent nullement dans cette pluie de milliards. ‘’Nous n’avons encore rien vu. Nous entendons juste parler de l’aide. Mais, pour le moment, nous n’avons même pas vu quelqu’un qui en a bénéficié’’.
Pourtant, d’habitude si autonomes, ne comptant que sur leurs efforts pour leur survie, ces soldats – même souterrains - de l’économie, ont plus que jamais besoin du soutien de l’Etat.
Selon l’économiste Ibrahima Ndiaye, il serait très dommageable pour le tissu économique d’abandonner ces petits acteurs. En effet, rappelle-t-il, citant une enquête de l’ANSD datant de 2011, ce secteur emploie 48,8 % de la population active et pèse 41,6 % du produit intérieur brut (PIB). Pour beaucoup, l’Etat, non seulement doit les soutenir, mais aussi en profiter pour les formaliser. ‘’A ce jour, indique M. Ndiaye, aucune information ne nous permet de dire que l’Etat va les accompagner ; et comment ? Ce qui est quand même un peu regrettable, vu l’importance de ce secteur. Je pense que, quels que soient, par ailleurs, les problèmes inhérents à ce domaine, l’Etat devrait les accompagner. Sans quoi, notre économie risque d’être plombée à l’issue de cette crise’’. Son collègue Bassirou Bèye confirme et suggère à l’Etat de ne pas se baser uniquement sur la base de données des entreprises. ‘’Parce que, souligne-t-il, plus de 80 % des acteurs de l’économie sont dans l’informel. Ce qui est sûr, c’est que l’impact sur le secteur informel sera plus grand que celui subi par le secteur formel. Et la conséquence sur notre économie sera aussi énorme. L’Etat devrait donc voir comment amoindrir le choc pour ce pan important de notre économie. Si on n’y prend pas garde, on risque de tout donner aux acteurs touristiques, en laissant en rade les autres’’.
SANTE, EDUCATION, AGRICULTURE
Des efforts largement en deçà des défis
Avec la pandémie de la Covid-19, nombre des tares des pays comme le Sénégal ont aussi été exposées au grand jour.
Un système éducatif fragile. L’illusion d’une autosuffisance alimentaire, notamment en riz. Un système sanitaire moribond, malgré ses ressources humaines de qualité… ‘’Tout cela, souligne l’économiste Bassirou Bèye, ancien formateur à l’ESEA, devrait nous amener à bien réfléchir sur le comment utiliser ces ressources financières importantes dégagées par l’Etat. Je dois juste regretter le manque de transparence dans la gestion de ces fonds. On annonce urbi et orbi des chiffres, mais on ne dit rien de précis sur les modalités, les critères pour en déterminer les bénéficiaires, les montants donnés à chacun’’. Pour lui, l’aide ne devrait nullement servir à sauvegarder le profit des entreprises, mais plutôt d’agir sur les coûts.
‘’On doit juste les accompagner, afin qu’elles puissent faire face à leurs charges, dans le but de préserver les emplois et les salaires des travailleurs’’, analyse le spécialiste.
A l’instar de nombre d’observateurs, l’économiste considère que l’Etat devrait profiter de cette situation pour résoudre définitivement les problèmes de certains secteurs clés comme la santé et l’éducation. Hélas, regrette-t-il, les investissements sont largement en deçà des attentes pour la santé, insignifiants, voire nuls pour l’éducation. ‘’La grande clé de répartition, estime M. Bèye, c’est l’intérêt public. Qu’est-ce qui est dirigé vers l’intérêt public ? Ici, c’est la santé, en premier lieu. Ensuite, vient l’éducation que je n’ai pas sentie dans la clé de répartition des 1 000 milliards. Je pense qu’on pouvait mettre en place des plateformes permettant aux élèves et étudiants de faire des cours où qu’ils se trouvent. Même après la Covid-19, ces investissements auraient pu servir pour améliorer le système éducatif’’.
‘’Premier pilier’’ du fonds Covid avec une enveloppe de 64,4 milliards de F CFA, la santé est encore malade de sa gouvernance. Pour certains, comme le spécialiste en santé sécurité Cheikh Faye, ce montant est très insuffisant. ‘’Pour moi, avec ce qui est en train de se passer, on devrait mettre en place un véritable plan Marshall pour le système sanitaire. En fait, la santé est fondamentale dans le développement d’un pays. On parle beaucoup de l’économie, mais quand on n’a pas la santé, on n’est pas productif. Si vous ne soignez pas votre population, vous n’aurez pas des ressources humaines productives. Il est donc inconcevable que l’Etat dépense des centaines de milliards sans penser à équiper davantage les structures de santé’’, souligne l’enseignant-chercheur établi au Canada.
Encore que l’utilisation même de ces 64 milliards est sujette à de multiples controverses. Au lieu de servir à régler de manière structurelle les problèmes de ce secteur vital, l’on en est encore à discuter de questions relatives à la motivation des acteurs, aux subventions des hôpitaux… Au même moment, les structures de santé, dans les coins les plus reculés, réclament des masques, des solutions hydro-alcooliques, des gants pour faire face au coronavirus. Sans compter le nombre étriqué de respirateurs artificiels disponibles sur le territoire pour la prise en charge des cas graves de Covid-19. Chose que déplorait dernièrement le professeur Moussa Seydi, coordonnateur de la prise en charge.
Pourtant, à en croire des sources médicales, lesdits respirateurs artificiels coûteraient aux alentours de 10 millions de F CFA. Et le plus souvent, indique un de nos interlocuteurs, les hôpitaux les achètent en seconde main, entre 5 et 6 millions de F CFA. Mais au lieu de répondre à ces questions essentielles, les services de Diouf Sarr se refusent à tout commentaire relatif à l’utilisation des 64 milliards du contribuable.
Interpellé sur le niveau d’exécution des 64 milliards alloués à son département, dans le cadre du fonds Covid, le directeur de cabinet, Aloyse Diouf, déclare ne pas disposer de toutes les informations et avait promis de nous mettre en rapport avec la personne appropriée. Il ne fera plus signe, malgré nos relances.
C’est d’ailleurs tout le sens des sorties du coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, qui n’a eu de cesse de réclamer la publication des plans d’investissement du ministère, gage de transparence. Mais audit département, l’on semble allergique à toute remarque allant dans ce sens. Aux dernières nouvelles, le bilan dressé par les services d’Abdoulaye Daouda Diallo faisait état d’un taux d’exécution de 26 %, soit 16,790 milliards F CFA déjà mobilisés. Ce montant est réparti comme suit : 1,440 milliard d’avance à régulariser ; 5 milliards d’arrêté de virement de crédits ; 5,350 milliards par un premier arrêté d’ouverture de crédits ; 5 milliards par un deuxième arrêté d’ouverture de crédits. Autrement dit, les 64 milliards vont bientôt être dépensés, alors même que le virus n’aura pas dit son dernier mot.
Autre inquiétude, c’est le secteur éducatif plongé dans un trou sans fond. Ailleurs, constatait le secrétaire exécutif du Cnes Mor Talla Kane pour s’en désoler, ce secteur est au cœur des préoccupations. Au Sénégal, il semble totalement oublié, malgré certaines promesses assez vagues. Et pourtant, l’enseignement privé, qui est partie intégrante du secteur éducatif, fait partie des secteurs les plus touchés. Contrairement au tourisme qui subit les effets induits par la situation au niveau international, le secteur de l’éducation souffre directement d’un préjudice causé par l’Etat. Quel qu’en soit le motif.
Tourisme et transport aérien, les privilégiés
C’est à croire qu’ils sont les seuls impactés par la crise. Sur les 300 milliards de francs CFA (200 milliards de remise fiscale et 100 milliards d’aide directe) composés de dons, subventions et financements, les patrons du secteur touristique se taillent la part du lion. En attendant d’y voir plus clair sur les bénéficiaires de l’effacement de la dette, on sait que sur les 100 milliards d’aide directe aux entreprises les plus affectées, 77 milliards vont revenir aux enfants gâtés de la République. Quarante-cinq milliards sont réservés au hub d’Air Sénégal, 15 milliards pour le crédit hôtelier, 12 milliards pour le paiement des hôtels réquisitionnés, 5 milliards pour soutenir et accompagner les entreprises et agences du portefeuille de l’Etat. Ce qui signifie que seule une portion congrue de 23 milliards pourrait être partagée entre tous les autres acteurs impactés, y compris encore les acteurs touristiques.
Au demeurant, les amis de Racine Sy pourraient également compétir pour les 200 milliards de F CFA dégagés au titre du mécanisme de financement, destinés aux entreprises affectées pour la relance de leurs activités.
En fait, des 1 000 milliards dégagés par l’Etat, dans le cadre du fonds Force-Covid-19, une enveloppe de 802 milliards de F CFA est prévue pour le volet sauvegarde de la stabilité macroéconomique et financière, dont le but est de ‘’soutenir le secteur privé et maintenir les emplois’’. Le plus grand chapitre de ce pilier concerne un montant de 302 milliards de francs CFA, destiné au paiement des fournisseurs de l’Etat. Parmi les secteurs qui vont bénéficier en priorité de cette mesure, il y a encore le tourisme et l’hôtellerie, et les transports. Ensuite, viennent l’agriculture, les BTP, l’éducation, la santé (programme de couverture maladie universelle), les services, l’énergie et l’industrie.
Quant au pilier n°2 consacré au renforcement de la résilience et de la cohésion sociale, il va engloutir 100 milliards de F CFA répartis comme suit : prise en charge des factures d’électricité (15,5 milliards pour 975 522 ménages), d’eau (3 milliards pour 662 000 ménages), de l’aide alimentaire d’urgence aux populations défavorisées (69 milliards pour 1 million de ménages), et de l’appui à la diaspora (12,5 milliards). Mesure largement saluée par l’opinion, sa matérialisation a permis de mettre en évidence la grande dépendance alimentaire des Sénégalais vis-à-vis de l’extérieur.
L’image d’un président de la République recevant des milliers de tonnes de riz au Port autonome de Dakar a définitivement convaincu que les multiples programmes d’autosuffisance alimentaire ont échoué. Et ce n’est pas demain la fin de cette dépendance, si l’on sait que seules des miettes sont réservées à l’agriculture, dans le cadre du Fonds Covid. Heureusement, lors du dernier Conseil des ministres, le chef de l’Etat a annoncé une enveloppe de 60 milliards de F CFA pour la prochaine campagne agricole.
MACKY SALL S’ADRESSE À LA NATION, MARDI
Le président de la République, Macky Sall, va s’adresser à la Nation, mardi 12 mai à 20 heures, pour évoquer la situation et la gestion de la pandémie de Covid-19 au Sénégal, a annoncé la Radiotélévision sénégalaise
Le président de la République, Macky Sall, va s’adresser à la Nation, mardi 12 mai à 20 heures, pour évoquer la situation et la gestion de la pandémie de Covid-19 au Sénégal, a annoncé la Radiotélévision sénégalaise (RTS, publique).
La Télévision publique sénégalaise indique que ‘’d’importantes décisions ont été prises ce samedi lors de la réunion du comité national des gestion de l’épidemie’’.
Mi-mars, le président de la République avait pris cinq mesures pour endiguer la propagation du coronavirus, à l’issue d’une réunion du Comité national de gestion des épidémies.
Il s’agit de l’annulation pour une durée de 30 jours de toute manifestation publique, de la fermeture du port pour les bateaux de croisière, des écoles, universités et crèches pour 3 semaines à partir du lundi 16 mars 2020.
Il avait aussi décidé d’un renforcement des moyens de lutte contre le virus pour le personnel de santé et de l’arrêt des formalités pour les pèlerinages religieux.
Le 23 mars, dans une adresse à la Nation, il avait décrété l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu de 20h à 6 h du matin.
A ce jour , on dénombre 1.634 cas confirmés, dont 643 guérisons et 16 décés.
Ces derniers jours, le nombre journalier des nouvelles contaminations a beaucoup augmenté dans un contexte marqué par une hausse des cas issus de la transmission communautaire.
Limitée dans un premier temps aux régions de Dakar et à la ville de Touba, la maladie s’est étendue à certaines autres localités, dont Louga, Thiès, Saint-Louis, Tambacounda, Ziguinchor, Sédhiou, Médina Gounass, Kaolack et Mbacké.
LE COVID-19 PLONGE 1284 TRAVAILLEURS DANS LE CHÔMAGE
Mille deux cent quatre-vingt-quatre travailleurs du cinéma et de l’audiovisuel sénégalais sont au chômage, à cause des annulations de tournage et des fermetures de salles de cinéma entraînées par la crise liée au Covid-19
Dakar, 10 mai (APS) – Mille deux cent quatre-vingt-quatre travailleurs du cinéma et de l’audiovisuel sénégalais sont au chômage, à cause des annulations de tournage et des fermetures de salles de cinéma entraînées par la crise liée au Covid-19, indique un rapport de la Direction de la cinématographie du Sénégal (DCI), reçu samedi à l’APS.
Le document répertorie les effets et impacts du coronavirus sur une cinquantaine d’activités et d’entreprises formelles du secteur. Il signale la mise au chômage de 244 membres du personnel salarié permanent et de 1.040 autres du personnel employé à temps partiel ou intermittents.
L’annulation de nombreux plateaux de tournage et la fermeture des salles de cinéma et lieux d’exploitation et de distribution de films a fini d’annihiler, voire de freiner tous les efforts et actions de relance du 7ème art national durant les mois de mars et avril, selon le directeur de la cinématographie, Hugues Diaz.
Toutes les filières, dit-il, sont affectées par cette pandémie, notamment, la production, l’exploitation, la distribution, la promotion, les marchés, la formation et la coopération internationale.
Le rapport constate que la production est plus touchée. Chez le personnel permanent, 159 personnes ne travaillent plus, tandis que pour le personnel à temps partiel, ils sont 653 intermittents, dont des techniciens, des acteurs, des agents de production.
Côté exploitation et distribution, 85 agents permanents et 62 personnes à temps partiel, tant pour les salles de cinéma que pour les projets de cinéma numérique mobile ou itinérant, sont concernés par ce chômage.
Dans les projets de coproduction, le chômage touche plus de 325 intermittents d’événementiels du cinéma.
A cet arrêt de travail s’ajoutent les charges fixes pour deux mois (salaires, eau, électricité, location locaux) d’une trentaine d’entreprises de cinéma. Le montant cumulé pour toutes les filières est estimé à 148.355.255 millions de francs CFA.
Le rapport mentionne aussi les difficultés de paiement en avril-mai 2020 de la dette fiscale des entreprises de production, estimée à 21.020.194 millions de francs CFA.
Selon M. Diaz, le document transmis au ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération dans le cadre du Plan national de résilience économique et sociale, prône des mesures d’appui et de relance du sous-secteur cinéma.
‘’Le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuel (FOPICA) devrait être plus renforcé et renfloué pour jouer son rôle d’impulsion à la structuration d’une véritable industrie cinématographique et d’une économie viable du cinéma au Sénégal’’, explique le texte.
Ses rédacteurs estiment qu’‘’il convient de rendre exécutoire en 2020, avec la +Force Covid-19+, la décision du président de la République de porter la dotation annuelle à deux milliards FCFA’’.
La mise en place urgente d’un fonds d’aide au bénéfice des professionnels du secteur culturel vraiment impactés par la crise durant la période d’avril à juin 2020, doit être envisagée, ajoutent-ils.
‘’L’appui pourrait être sous forme de don non remboursable ou de prêt remboursable sans intérêt pour une durée compréhensible. A ce niveau, les besoins du sous-secteur du cinéma pourraient être estimés à 478.612.000 F Cfa’’, relève le rapport de huit pages, fruit d’une enquête du ministère de la Culture et de la Communication par le biais de la DCI.
par Lamine Niang
LA PAUVRETÉ, CETTE ÉPIDÉMIE PIRE QUE LA COVID-19 !
La pandémie et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir
La Covid-19, cette pandémie qui hante nos sommeils et perturbe tristement nos vies depuis quelques mois aura le mérite de mettre en exergue le quotidien difficile des millions de Sénégalais résilients face à cette autre pandémie, plus sournoise et plus meurtrière qu'est la pauvreté chronique. Sa généralisation dans la population fait qu’elle passe de plus en plus inaperçue et fait dorénavant partie du décor hybride dans lequel l’insolente richesse côtoie l’indigence la plus troublante, dans un pays qui se veut émergent ! Celle-ci nous interroge tous autant que nous sommes car elle est bien réelle et refuse même d’abdiquer devant l’artifice de l’apparence que l’égo mal placé de la société veut toujours garder intact.
Paradoxe honteux
Les victimes de pauvreté auraient mieux supporté la douleur que ce fléau fait circuler dans l’esprit, le corps… et les paniers des vulnérables ménages si cette maladie était aussi juste que la maladie à coronavirus. Celle-ci ne fait pas de distinction de classe sociale, de genre ou de zone géographique. Elle est impitoyable et ne ménage personne. Et c’est ce qui la rend même insaisissable dans son cynisme meurtrier. Tout le contraire de cette pauvreté si répandue, laquelle, dans sa forme la plus bénigne, écrase ce qui reste de dignité aux plus solides de la population et, dans ses contours les plus hideux, emporte discrètement des vies humaines en grand nombre après les avoir éprouvées dans les méandres d’une santé précaire, faute de moyens.
Cela fait bien longtemps qu’on la côtoie sans nous en émouvoir réellement. Les sensibleries feintes dans les médias, le temps d’un mini reportage, ou bien les multiples commentaires laissés sur le fil des réseaux sociaux servent davantage à soulager temporairement nos consciences de notre coupable indifférence qu’à prendre le taureau de la misère sociale par les cornes. Elle est pourtant bien là, tout près. Dans le voisinage proche des grandes villes jusqu’aux interstices des cases en paille des villages les plus reculés de nos arides terroirs. Chacun cherche à sauver sa peau, individuellement, égoïstement et… malheureusement. Nous exécrons de toutes nos forces ce malheur tant qu’il nous est étranger. Ailleurs et chez les autres, notre brève compassion suffira.
En pleine tragédie de la COVID-19, la presse nous révèle qu’à Sédhiou, il y a moins de 10 médecins pour une population de plus d’un demi-million d’habitants, soit un ratio d’un médecin pour 50 000 personnes. Le brillant Pr Seydi, en tournée à Ziguinchor où se réveillent 662 170 âmes, pestait contre le service de réanimation qui ne serait «ni fonctionnel, ni construit selon les normes». Les résidents de Bopp Thior, un village oublié en périphérie de la ville de Saint-Louis, bravent quotidiennement la vie pour s’offrir le luxe de quelques litres d’eau potable. Les femmes y accouchent encore dans les pirogues faute d’infrastructures sanitaires.
Clan politico-affairiste
Pire que la pandémie actuelle, voilà ce qui tue depuis des lustres sous nos tropiques, moralement d’abord avant de vous achever…, et dans l’indifférence collective. Des dizaines, des centaines, des milliers… On ne le saura pas, obnubilés que nous sommes par le décompte hystérique des décès liés à la COVID-19 et alimenté par la psychose médiatique mondiale.
Pendant ce temps, le clan politico-affairiste au sommet de l’État déroule sans coup férir ce qu’il sait faire de mieux : comploter, détourner et thésauriser. Des milliards. Dans l’impunité totale. Des scandales financiers à répétition qui font les choux gras de la presse locale avant de nourrir les interminables assemblées des indignés virtuels. L’énergie, la pêche, l’agriculture, le foncier, les ressources pétrolières et gazières… Aucun domaine n’est épargné par la voracité et la boulimie de cette caste de sangsues. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Les mêmes patronymes, les mêmes filiations corporatistes et les mêmes obédiences politico-syndicales. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Ils traversent toutes les générations et sont mêlés à tous les coups bas financiers contre le peuple. Ils se reconnaissent !
Ce n’est pas parce qu’ils ignorent les affres de la pauvreté qu’ils se montrent indifférents au sort de leurs compatriotes, car la plupart sont issues de familles indigentes. Mais c’est le propre des arrivistes de toujours renier leur passé ; s’ils y font référence, c’est pour mieux titiller l’ethos dans le discours et appâter la candeur de l’interlocuteur. Les amarres sont ainsi rompues avec ce passé de miséreux. Entre copains opportunistes, sortis des griffes de la précarité sociale et ils se tiennent, se soutiennent et restent confinés dans leur bulle imaginaire de vils parvenus. Il leur manque le courage d’affronter la dure réalité.
Futur sombre
La crise économico-sanitaire du moment aura certainement le dos large. On lui imputera subtilement l’exacerbation des difficultés à venir. Celles-ci seront certes douloureuses et longues mais elles trouveront un terreau fertile, déjà défriché par un État prédateur et dirigé par un chef dont le cœur ne bat que pour les intérêts d’une minorité de privilégiés, pour les beaux yeux de la famille et…la pression libidinale de la belle-famille. La porte-parole du Programme alimentaire mondiale prévoit que «plus de 21 millions de personnes en Afrique de l’Ouest vont lutter pour se nourrir pendant la saison maigre, c’est-à-dire de juin à août qui sépare les deux récoltes.»
L’hivernage, les inondations, l’arrêt de l’activité économique mondiale, la menace d’une deuxième vague, les échanges commerciaux en berne… un cocktail de mauvaises nouvelles à venir qu’un État prévoyant et responsable aurait pu amortir avec la collaboration et la compréhension d’un peuple résilient. Mais la COVID-19 et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir.
Au lieu d’investir dans le service public et l’économie réelle, ils ont préféré enrichir une clique de mafiosos locaux et étrangers. Avec la complicité d’une justice aliénée et une administration affaiblie, ils ont choisi de fermer les yeux sur les détourneurs de fonds publics afin d’entretenir la rapacité d’une clientèle politique. La COVID-19 viendra révéler au grand jour et sans aucun doute l’ampleur d’un cuisant échec de gestion, que l’on tente de dissimuler, depuis plusieurs années, par la ruse de l’endettement et la manipulation des chiffres. Le peuple oublié boira certes le calice jusqu’à la lie, mais vous ne dormirez plus du sommeil inconscient des repus.
Lamine Niang est Secrétariat national à la communication Pastef
EXCLUSIF SENEPLUS - En plus de ses collègues du champ politique, d'une ‘’certaine presse’’ et des figures du journalisme, la nouveauté sous ce registre des attaques tous azimuts contre Macky en tant que chef de l’Etat, est internet et ses réseaux sociaux
Il en a été toujours ainsi et il le sera pour toujours au Sénégal, tant que la conquête et l’exercice du pouvoir politique d’Etat sera une compétition sous fond d’élections. Et c'est de bonne guerre pour l’espace pluriel médiatico-politique. Du président Senghor au président Macky Sall en passant par les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, chaque président de la République en avait pour son grade et ses pourfendeurs attitrés. Ce sont les supports et les angles d’attaque qui ont évolué mais jamais l’art de la contestation et des attaques tous azimuts, en question.
La contestation sous Senghor
Sous le magistère du président Senghor, ce sont les politiques, au plus haut niveau, comme Cheikh Anta, Majhmout Diop, et les syndicalistes de la trempe de Feu Madia Diop, qui lui auront faire voir de toutes les couleurs, dans la contestation et les attaques tous azimuts. A cette époque-là, la contestation contre le chef de l'Etat et les attaques contre le président de la République que fut Senghor, étaient très documentées voire même scientifiques dans l’argumentaire. Le Sénégal venait d’accéder à l’indépendance et la contestation politique était d’abord l’affaire des lettrés et des ''sachants'' qui n’étaient pas d’accord sur les rails nouveaux sur lesquels il fallait poser la locomotive et les wagons ‘’Sénégal’’. Sous le président Senghor, les médias étaient publics et téléguidés et c’est dans la rue, à travers des accrochages physiques et guerrières, que se manifestèrent les contestations et les attaques tous azimuts contre le chef de l’Etat. Mai 68 en était la parfaite illustration.
La contestation sous Diouf
Sous le président Abdou Diouf, durant la première décennie de sa gouvernance (1981-1991), la contestation et les attaques tous azimuts, provenaient de la classe politique, avec un certain Me Abdoulaye Wade comme vaisseau amiral, secondé par des flottilles comme Jean Paul Dias, Me Ousmane Ngom. La contestation et les attaques tous azimuts étaient l'affaire des politiciens. C’est durant la seconde décennie (1991-2000) de son magistère, qu'il va y avoir un fait nouveau dans la contestation et les attaques tous azimuts contre la station de président de la République et contre la personne du chef de l’Etat que fut Abdou Diouf : l’arrivée de la presse privée (le Groupe Sud, Témoin, Le Cafard, Le Politicien, Walfadjri etc.) comme contestataire, sentinelle et vigie. Jamais une presse privée n’aura été un gant de velours dans une main de fer dans l’exercice de sa mission. C’est à partir de cette période que la gouvernance publique et politique a cessé d’être la seule affaire des politiciens et des lettrés, pour devenir aussi l’affaire du peuple et des forces vives dans leurs différentes composantes. Sous le président Abdou Diouf, la contestation et les attaques tous azimuts envers la personne du chef de l’Etat, étaient l’œuvre des acteurs politiques et du quatrième pouvoir- la presse - mais en tant ‘’qu’institution’’ ou organisation, donc en tant qu’organe de presse.
La contestation sous Wade
Sous le président Abdoulaye Wade, le tableau va évoluer. Désormais, en plus des acteurs politiques, ce sont des identités remarquables de la presse - non plus les organes et structures de presse - qui vont venir amplifier la contestation et les attaques tous azimuts contre le chef de l’Etat. Ils ont pour noms un certain Souleymane Jules Diop, un certain Abdou Latif Coulibaly pour ne citer que ceux-là. D’ailleurs, pour la petite histoire dans la grande, au plus profond de la contestation d’Abdou Latif Coulibaly contre le chef de l’Etat et son régime, le président Wade s’en était ouvert au Groupe Sud et à son patron Babacar Touré qui a préféré joué la neutralité. Ce qui sera fatal aux projets de télévision du Groupe Sud. Aussi, sous le président Wade, la contestation et les attaques tous azimuts n’étaient pas seulement une affaire des acteurs politiques de l'opposition et des identités remarquables de la presse, mais également et surtout de la société civile (Forum Civil, Raddho, Amnesty). Journalistes et société civile, vont finir par reléguer au second plan, les acteurs politiques de l’opposition, dans le paysage médiatico-politique de la contestation, de la dénonciation et des attaques tous azimuts.
La contestation et les attaques sous Macky
Sous le président Macky Sall, la donne va complètement changer tout en s’amplifiant. Les innovations technologiques aidant et les réseaux sociaux facilitant, la contestation sera multiforme et multi-canal. Comme à l’accoutumée, les acteurs politiques de l’opposition, sont aux avant-postes, avec un certain Ousmane Sonko, qui ‘’n’offre rien au président Macky Sall et à son régime’’ pour parler comme les lutteurs avant le combat. Ayant tiré les leçons de la capacité de nuisance des identités remarquables de la presse, le président Macky Sall s’est entouré et barricadé de journalistes. Au point qu’on peut dire que si du temps de Senghor, ce fut ‘’l’Etat par les enseignants'', du temps de Diouf ‘’l’Etat par les administrateurs civils’’, du temps de Wade ‘’l’Etat par les avocats’’, sous Macky, on pourrait dire ‘’l’Etat par les journalistes’’. En plus de ses collègues du champ politique, d'une ‘’certaine presse’’ et des nouvelles figures du journalisme sénégalais, la nouveauté sous ce registre des attaques tous azimuts contre le président Macky Sall en tant que chef de l’Etat, est Internet et ses Réseaux sociaux. Comme si cela ne suffisait pas de devoir livrer une bataille asymétrique contre internet et les réseaux sociaux (fake news et real news divulguées par des proches-saboteurs ou dissidents), voilà que le président Macky Sall devra aussi faire face à des contestations et des attaques tous azimuts des éléments dans son propre camp. ‘’Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge !", disait Voltaire.
Think Tank Africa WorldWide Group
UN CAS DE CORONAVIRUS À LA BNDE
La banque prie toute personne s'étant rendue au siège entre lundi et vendredi 8 mai à effectuer le test de dépistage
Un cas positif au coronavirus a été détecté, ce samedi, au siège de la Banque nationale de développement économique (BNDE), en face de l'Assemblée nationale. C'est la direction de l'institution financière qui a fait l'annonce à travers un communiqué.
D'ailleurs, elle a annoncé un certain nombre de mesures d'hygiène sur les lieux.
Également, la BNDE prie toute personne s'étant rendue au siège entre lundi et vendredi 8 mai à effectuer le test de dépistage au Covid-19.
17e CAS DE DÉCÈS LIÉ AU CORONAVIRUS, LE 8e CETTE SEMAINE
A peine a-t-on commencer d’évoquer le 16e cas de décès lié au coronavirus qu’un autre s’ajoute au décompte macabre.
A peine a-t-on commencer d’évoquer le 16e cas de décès lié au coronavirus qu’un autre s’ajoute au décompte macabre. Un homme âgé de 45 ans, est décédé ce samedi, à 15h au centre CUOMO de l’hôpital Fann, portant à trois le nombre de décès annoncés ce samedi et à 8 les cas de décès enregistrés depuis lundi. Le défunt, qui habitait Touba, était admis en réanimation audit centre de traitement réservé aux cas graves.
En effet, le premier est survenu à 4h du matin, concernant une femme âgée de 37 ans, originaire de Fass et souffrant d’une maladie chronique.
Puis, en début d’après-midi, le ministère de la Santé et de l’Acton sociale a annoncé un cas de décès post-mortem, avec un homme âgé de 69 ans, qui a rendu l’âme jeudi dernier au centre de santé Nabil Choucair, sis à la Patte d’Oie (district Dakar Nord). Le test réalisé après son décès est revenu positif deux jours plus tard, ce samedi.
À ce jour, selon les chiffres officiels du ministère de la Santé et de l’Action sociale, le Sénégal compte au total 1634 cas positifs recensés depuis le 2 mars, dont 643 patients guéris, 16 cas de décès déplorés, 1 patient évacué à sa demande, en France, et 975 autres qui sont encore sous traitement dans les différents centres de traitement prévus à cet effet.
MATAR BA CONFIANT À PROPOS DES JOJ 2022
La préparation de la compétition se déroule correctement et des échanges ont lieu périodiquement entre le Comité international olympique et son pendant sur le plan local, selon le ministre des Sports
La préparation des Jeux olympiques de la jeunesse se déroule correctement et des échanges ont lieu périodiquement entre le Comité international olympique (CIO) et son pendant sur le plan local, a annoncé ce samedi le ministre des Sports.
‘’Des échanges entre le Comité olympique sénégalais et le CIO se poursuivent et il n’y a pas encore de changement’’, a assuré Matar Ba, invité d’un panel de journalistes sur le réseau social WhatSapp.
Avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), le travail se poursuit correctement, a-t-il insisté. Il affirme que le Covid-19 n’a pas encore d’impact sur l’agenda de cette manifestation sportive prévue du 22 octobre au 9 novembre 2022 au Sénégal.
Il a annoncé que les travaux du stade olympique de Diamniado, prévus pour durer 17 mois, vont démarrer fin mai.
La première pierre du stade olympique de Diamniadio a été posée le 20 février dernier par le chef de l’Etat, Macky Sall.
Dans le même ordre d’idées, il est prévu le démarrage des travaux de réhabilitation du stade Iba Mar Diop et de la Piscine olympique, qui serviront à la tenue des JOJ 2022, a-t-il par ailleurs ajouté.
par Boubacar Diallo
L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE POUR REBÂTIR LE SÉNÉGAL ET L’AFRIQUE POST-CORONAVIRUS
Il faudrait repenser la définition de la souveraineté ou réfléchir à une forme de gouvernance nouvelle de nos Etats africains parce que le numérique constitue le nouveau terrain de compétition mondiale
Avec plus de 3 milliards de personnes confinées dans le monde, la pandémie de coronavirus (covid-19) a paralysé un grand nombre de pays quel que soit leur continent. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : plus de 3,85 millions de cas infectés, 1,28 millions de patients guéris et plus de 270 000 morts du covid-19, selon les chiffres de l’organisation mondiale de la santé (OMS) à la date du 8 mai dernier. Cette épidémie n’a pas fait que des pertes en vies humaines. Elle a révélé des faces cachées du monde d’une part la faiblesse de la gouvernance internationale (sur le plan sanitaire en particulier), des systèmes de santé, le basculement des rapports de force vers la Chine et l’Asie en général, et d’autre part, la résistance du continent africain face au covid-19 et aux prédictions internationales catastrophiques. L’objectif de cet article est d’apporter une grille de lecture sur les rapports de force internationaux et le positionnement que doivent adopter des Etats africains pour rebondir de plus haut au lendemain de cette crise sanitaire en s’appropriant de l’intelligence économique et stratégique.
Le covid-19, une épidémie à dimension géopolitique internationale : une guerre des modèles ?
Au-delà des conséquences sanitaires considérables, on assiste à une recomposition géopolitique du monde, un basculement des rapports de forces et le déplacement du centre de gravité géostratégique vers l'Asie (Chine) mais également une nouvelle lecture sur l'Afrique qui a pu (pour le moment) limiter la crise du covid19. La mondialisation n’a jamais été aussi à genoux. Les échanges en biens matériels ont chuté considérablement de 32%, selon l’organisation mondiale du commerce (OMC). Beaucoup d’acteurs économiques se rendent compte de leur dépendance en matière d’approvisionnement vis-à-vis de la Chine en particulier et pensent à des pistes de relocalisation notamment en Europe. Les multinationales sont dans un nouveau dilemme à savoir l’analyse du coût de la relocalisation (salaires, investissements, réglementations fiscales) et l’avantage (conquête de nouveau marché, nouveau clients, etc.).
Cette situation donne raison à l’analyse du célère « triangle d’incompatibilité»[1] de Dani Rodrik, professeur à l’université d’Harvard et spécialiste d’économie politique internationale, selon laquelle « il est impossible d’allier démocratie, Etat-nation et hypermondialisation, car l’Etat-nation est incompatible avec l’hypermondialisation ». Cette épidémie a révélé les failles des Etats et leur modèle. Par exemple aux Etats-Unis, plus de 26 millions de personnes ont perdu leur travail. Dans les pays européens le modèle de sécurité sociale a sauvé l’emploi grâce à la mise en place de l’activité partielle, le télétravail notamment dans les pays nordiques (Danemark, Suède), en France et en Allemagne. En chine, le modèle communiste « crédit social » et l’usage du numérique l’ont permis de maitriser l’épidémie et de relancer l’activité économique du pays. Aujourd’hui, la Chine en profite pour vanter les mérites de son modèle social.
Cependant, on assiste à une vraie confrontation des modèles chinois et occidentaux, c’est-à-dire une forme de compétition cognitive dont la finalité est l’occupation du fauteuil de puissance hégémonique internationale. Cette situation conduit à une décomposition de l’ordre international. En effet, dans un entretien au journal Le Monde, Thomas Gomart, expert en géopolitique et directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI) affirme que « le covid-19 est la première crise d’un monde post américain ». Les Etats-Unis de Donald Trump accusent la Chine d’avoir dissimilé les informations sur le nombre réel de cas covid-19 et d’avoir influencé l’OMS sur le retard de l’alerte mondiale de l’épidémie et de son taux de contagiosité. Par conséquent le président Trump a décidé de suspendre la contribution américaine de 400 à 500 millions de dollars au budget annuel de l’OMS en raison de sa mauvaise gestion de l’épidémie du Covid-19. Cette situation met en difficulté l’OMS car c’est son plus gros contributeur, soit dix fois plus que la part de la Chine (40 millions dans le budget)[2]. De leur côté, les Etats européens semblent difficilement agir ensemble et s’accorder dans le soutien financier des pays européens très touchés par le covid-19 comme l’Italie, l’Espagne. C’est plutôt le chacun pour soi. Quant au continent africain, beaucoup de positions politiques et d’initiatives voient le jour notamment la demande d’annulation de la dette africaine et le remède appelé « Covid-Organics » contre le covid-19 proposé le Madagascar dont l’OMS n’approuve pas en disant « qu’il n'existe aucune preuve que ces substances peuvent prévenir ou guérir la maladie »[3].
Le continent africain surprend le monde occidental et leurs prédictions pessimistes face au covid-19
Les opinions pessimistes des scientifiques, de certains politiques occidentaux et les experts de l’OMS tant redoutées, ne se sont pas produites en Afrique. En effet, selon le rapport du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) datant du 8 mai le continent africain n’a enregistré que 54027 cas de contaminations (soit 1,4 % du total mondial) et 1 788 morts (0,7 % du total mondial de décès du covid-19) tandis que des pays développés ayant les meilleurs systèmes de santé enregistrent plus de 25 000 à 30 000 morts du covid-19. L’Afrique reste le continent le moins touché en nombre de morts et de cas de Covid-19. Selon l’économiste sénégalais Felmine Sarr, professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis : « les représentations négatives sur l’Afrique sont si ancrées qu’on ne prend même plus la peine de regarder la réalité. Et quand la réalité présente va à l’encontre des représentations, on les déplace alors dans le temps futur. Même si le continent s’en sort plutôt bien, il faut donc prédire une catastrophe. Tout, sauf admettre que l’Afrique s’en sort face au Covid-19 ».
Les Etats africains ont pu anticiper l’arrivée de cette épidémie en prenant des mesures comme la limitation des déplacements, le couvre-feu, l’état d’urgence, les tests de dépistages. C’est le cas du Sénégal (14 décès du covid-19), de la Mauritanie (un décès du covid-19). D’autres pays comme l’Ile Maurice, Djibouti et le Ghana ont enregistré d’importants résultats en matière de dépistage conduisant à une bonne maitrise du covid-19 pour le moment. Les initiatives africaines en matière de lutte contre le covid-19 se multiplient. Un groupe d’experts scientifiques réuni au bureau de prospective économique du Sénégal travaillent d’arrache-pied à la construction d’un « indice de sévérité du Covid-19 » au niveau mondial afin de proposer des mesures de résilience au gouvernement du Sénégal. Ce bureau pourrait être converti en structure pluridisciplinaire ayant des missions de prospective pour anticiper tout événement à venir. Le Madagascar montre un exemple, en produisant un médicament de lutte contre le covid-19, « Covid-Organics » fait à partir de l’artémisia et des masques mis à disposition pour les gouvernements africains qui le souhaitent. Une autre startup sud-africaine, appelée Cape Bio a conçu un qCPR, un test de dépistage novateur permettant d’obtenir des résultats en 65 minutes[4]. A la date du 4 mai l’Afrique du Sud avait réalisé 200.000 tests. Aujourd’hui, ces initiatives montrent l’importance de l’innovation et la nécessité de coopérer. C’est un enjeu majeur que les Etats africains doivent intégrer dans l’équation à résoudre pour accélérer leur croissance, booster la création d’emploi et développer d’importants mécanismes de financement souverains.
En revanche, l’absence de priorités stratégiques met en lumière les failles accumulées par les gouvernements africains successifs au pouvoir depuis plusieurs décennies. Il faudrait donc que les puissances régionales africaines développent des mécanismes de solidarité continentale, à travers l’Union Africaine (UA), la Banque Africaine de Développement (BAD) et la création de fonds stratégique alimenté par les Etats africains pour financer la recherche médicale, l’utilisation des technologies, la construction d’hôpitaux, de centres de réanimation, des laboratoires épidémiologiques, des centres de dépistage et des hubs technologiques dédiés à aider au progrès de la recherche médicale. Il s'agit également d'assurer un partage du savoir-faire et de l’expérience liés à la gestion des pandémies. Des groupes de travail permettraient de pallier ce point. Le Sénégal, le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Congo RDC, le Ghana, le Nigéria, le Rwanda et d’autres pays africains peuvent former une solide coopération dans ce sens.
Les pays africains doivent apprendre des erreurs de l’Union Européenne en particulier l’absence de solidarité sanitaire. Il y va de la souveraineté en matière de santé pour l’Union Africaine. Cette crise sanitaire livre un enseignement important : en période de guerre, il ne faut pas compter sur l’aide étrangère car chacun cherche à sauver sa peau. En d’autres termes, aucun Etat n’est à l’abri et donc il ne faut rien attendre de personne. C’est pourquoi beaucoup d’intellectuels africains comme Kaku Nubukpo, macroéconomiste togolais et d’autres économistes et professeurs d’universitaires sénégalais, Ndongo Samba Sylla, Chérif Salif Sy et Felmine Sarr, invitent les décideurs africains à s’organiser, d’arrêter de tendre la main et prendre leur destin en main. D’où l’intérêt et l’urgence pour les Etats africains d’agir stratégiquement.
Le covid-19 révèle les prémices d’un passage de la mondialisation matérielle vers le monde numérique : une opportunité pour le Sénégal et l’Afrique ?
La crise du covid-19 montre une chose essentielle : nous sommes au crépuscule de la mondialisation et du modèle néolibéral qui s’est traduit par une chute vertigineuse des échanges mondiaux de biens matériels. C'est peut-être le début de la déglobalisation et du virage au numérique. Les nouvelles technologiques abolissent les frontières physiques. Partout dans le monde en particulier en Afrique, on communique, travaille à distance via des outils collaboratifs. Par exemple, le gouvernement sénégalais tient désormais ses conseils des ministres et réunions via des outils collaboratifs ! Cette situation met en lumière un élément fondamental : les prémices d’un basculement du monde physique vers un monde numérique que les Etats ne maitrisent pas encore. Par conséquent, leur souveraineté est remise en question car ils subissent le numérique. Il faut sortir de la courbe d’aveuglement, et penser autrement parce qu’il n’y a pas de gratuité dans l’usage des outils technologiques étrangers « gratuits ».
Autrement dit, leur (Etats) souveraineté numérique est quasiment inexistante puisqu’ils ne contrôlent ni la captation des données, ni leur lieu de stockage, ni leur potentielle exploitation et encore moins les outils numériques utilisés. Dès lors deux questions deviennent stratégiquement capitales : devrions nous partager notre souveraineté numérique en acceptant les ressources numériques étrangères ? Ou devrions nous plutôt bâtir un numérique souverain, c’est-à-dire utiliser dans les activités stratégiques des outils technologiques conçus par des africains sur le sol africain ? Ce qui sous-entend la nécessité d’une part de financer des investissements dans les technologies d’avenir (intelligence artificielle, les plateformes collaboratives, infrastructures de stockage des données en Afrique). Il faudrait repenser la définition de la souveraineté ou réfléchir à une forme de gouvernance nouvelle de nos Etats africains parce que le numérique constitue le nouveau terrain de compétition mondiale et des affrontements exacerbés (cyberattaques, espionnages, manipulation d’informations, etc.).
Comment penser la souveraineté économique sénégalaise au lendemain du covid-19 ?
Concrètement, le gouvernement sénégalais devrait parallèlement, à la lutte quotidienne contre le covid-19, construire un radar stratégique dont le rôle principal est de détecter les pépites technologiques sénégalaises issues de l’innovation et de la créativité des jeunes sénégalais. Ensuite de les protéger financièrement pour les propulser et éviter toute prédation étrangère. D’abord par définition, il faut comprendre par « stratégique », tout ce qui garantit l’autonomie, la sécurité économique et la souveraineté d’un Etat ou d’une entreprise. C’est la raison pour laquelle on doit prioritairement définir des critères d’intérêt stratégique comme par exemple la notion d’approvisionnement, d’avance technologique, de sécurité des données, de santé, systèmes d’information, etc., qu’on peut faire évoluer en fonction des mutations technologiques et géopolitiques mondiales internationales. En en intelligence économique il faut éviter de penser en secteur stratégique mais plutôt en entreprise stratégique pour deux raisons principales : premièrement raisonner en secteur stratégique est une erreur. Car n'importe quel secteur pris dans son ensemble peut être considéré comme stratégique. Deuxièmement, une activité donnée peut gagner ou perdre son caractère sensible ou stratégique en fonction de l’humeur de l’environnement mondial. Par exemple, la crise du Covid-19 a montré la dimension stratégique des entreprises qui fabriquent des gels hydro-alcooliques, des masques, des testeurs ou encore des applications de géolocalisation des patients.
Par ailleurs, il ne faut pas se limiter à la sécurité économique, la protection juridique est fondamentale pour les pépites technologiques qui naissent à Dakar et partout au Sénégal et la création de fond souverain stratégique national pour contrer les rachats étrangers en ce sens que le droit est l’une des armes de guerre économique la plus dangereuse. Certains acteurs économiques notamment les multinationales profitent des situations de crise pour tenter de mener des opérations stratégiques car ils ont les capacités financières. Par conséquent, il faudrait élaborer des lois qui protègent les activités jugées d’importances vitales (énergie, eau, stockage des données de santé, etc.), et les technologies en phase embryonnaire. Cela pourrait passer concrètement par l’introduction de décrets ou d’articles dans la constitution sénégalaise pour des raisons de sécurité nationale. Pour le faire, il faut que les décideurs politiques et les acteurs économiques du privé s’associent et s’approprient de l’intelligence économique (l’intelligence économique est un état d’esprit permanant, une pratique offensive et défensive de l’information. Son objet est de relier entre eux plusieurs domaines pour servir à des objectifs tactiques et stratégiques de l’acteur économique). Autrement dit, c’est l’art de détecter les menaces et les opportunités en coordonnant la collecte, le traitement, l’analyse et la diffusion de l’information stratégique aux décideurs économiques. Donc, il faudrait sensibiliser les acteurs politiques sur l’intérêt d’utiliser l’intelligence économique et travailler à la mise en place d’une politique publique d’intelligence économique pilotée par une structure rattachée directement à la présidence de la République du Sénégal.
Boubacar Diallo, spécialiste en Intelligence Economique