Dans le but de venir en aide aux familles démunies impactées par le Covid-19, le Président Macky Sall a lancé, samedi dernier, le coup d'envoi de la distribution de l'aide alimentaire d'urgence destinée à près d'un million de ménages sénégalais. Pour plus de transparence dans l’opération, l’Ong Jamra déplore la cacophonie qui entoure cette opération et tire la sonnette. Les dirigeants de Jamra appellent le président de la république à faire preuve de beaucoup de vigilance citoyenne afin que tout se passe dans les règles de l’art.
Dans ce contexte de crise économique engendrée par la pandémie du nouveau Coronavirus, 146 000 tonnes de denrées alimentaires vont être distribuées aux ménages ciblés sur l’ensemble du territoire national pour leur venir en aide. Dans un communiqué, l’Ong Jamra appelle le chef de l’Etat à la vigilance et déplore la cacophonie autour des milliards annoncés dans le transport des denrées alimentaires.
Mame Matar Guèye et ses camarades ne manquent pas de s’interroger : «Que signifie cette cacophonie entre l'annonce de milliards de F CFA inscrits au budget prévisionnel du transport des denrées alimentaires en guise de soutien aux populations semi-confinées, et la généreuse et patriotique déclaration des transporteurs routiers qui disent avoir mis gracieusement à la disposition de l'Etat leurs outils de travail pour la distribution des vivres ?»
Les responsables de Jamra trouvent que cette cacophonie est d’autant plus incompréhensible que «le collectif des acteurs des transports routiers du Sénégal" (CATRS) avait annoncé qu'il apportait son soutien à l’Etat dans la lutte contre le Covid-19 en «mettant à la disposition du gouvernement et des organisations contributives à l’aide apportée aux populations en matière de vivres et de médicaments, pendant cette période de pandémie, tout le parc de véhicules, poids lourds ainsi que leurs employés, pour faciliter le transport du matériel et des vivres vers les populations nécessiteuses».
Surpris par ce débat, ils en appellent à la vigilance du Président Macky Sall et au devoir de vigilance citoyenne qui incombe à tous les contribuables sénégalais pour que personne ne puisse transformer cette douloureuse crise sanitaire en corona-business! «Il serait immoral de vouloir profiter du malheur de nos compatriotes victimes du coronavirus, et des angoisses de milliers de familles indigentes et confinées, pour piller les maigres ressources financières dédiées à la "task-force covid-19 », collectées en catastrophe auprès de généreux donateurs, et au prix de mille contorsions budgétaires de plusieurs démembrements de l'État», clament les responsables de l’Ong Jamra qui considèrent que toutes formes de malversations ou de détournement risquent de saper les nobles initiatives de solidarité et d'entraide qui avaient surgi volontiers de plusieurs segments de la société sénégalaise, après l'Appel solennel lancé dès le début de la crise par le chef de l'État.
Pour parer à toute éventualité, souligne Jamra, «il est urgent que la représentation nationale, qui avait unanimement conféré au président de la République des pouvoirs exceptionnels, totalement affranchis des labyrinthes des circuits administratifs décisionnels, monte en première ligne pour, de concert avec l'Exécutif, étouffer dans l'œuf toutes velléités de malversations».
L’Ong Jamra invite en outre le chef d’Etat à impliquer surtout l'opposition et la Société civile, dans la gestion financière de cette crise sanitaire et sociale en prenant « des mesures conservatoires urgentes pour prévenir ces manœuvres, alléguées ou avérées, qui seraient indignes d'un pays sanitairement sinistré».
Par Jean Pierre Corréa
L’APPEL DE MACKY SUR LA DETTE FAIT FLORES
Le traitement du coronavirus va s’ajouter à un fardeau déjà bien lourd : l 'Afrique, c’est presqu'un quart des cas de pathologies les plus lourdes comme la tuberculose, la malaria ou le VIH, mais seulement 1 % des dépenses globales de santé.
Le traitement du coronavirus va s’ajouter à un fardeau déjà bien lourd : l 'Afrique, c’est presqu'un quart des cas de pathologies les plus lourdes comme la tuberculose, la malaria ou le VIH, mais seulement 1 % des dépenses globales de santé.
Pour faire face à l'urgence plusieurs gouvernements ont pourtant réussi à débloquer des fonds destinés en priorité à la santé. Secteur on le sait qui avait lourdement pâti des mesures drastiques imposées par nombre de bailleurs de fonds pour stimuler nos économies. Mais pour le moment aucun État africain n’a les moyens de dégainer des milliards comme l’ont fait les pays occidentaux pour soutenir massivement leurs salariés et leurs entreprises paralysées par le confinement.
Pour dépenser plus d'argent public, il faut pouvoir recourir à l’emprunt, or les États africains sont déjà à l’os. Pour stimuler la croissance ils ont emprunté tous azimuts. De quoi s'inscrire dans la logique de la demande d'annulation faite par le président sénégalais Macky Sall se faisant écho de la forte préoccupation de nombre de ses homologues. Parce que l’Afrique va payer le prix de la récession économique mondiale : chute des matières premières, arrêt des entreprises, chute des exportations… Cela va aggraver le chômage et la précarité sociale, sachant que très peu de pays africains ont des mécanismes de protection sociale. Plus de 1300 milliards venaient régulièrement de ces envois des Sénégalais de l’Extérieur alors qu’on sait que les principaux pays d’émigration des Sénégalais que sont la France, l’Italie, l’Espagne, les Etats-Unis entre autres, restent confinés et que plus aucun envoi ne provient de ces pays, depuis les mesures de confinement préconisées par les gouvernements.
Sur le plan national, la morosité économique affecte des pans entiers de l’économie, comme l’hôtellerie, la restauration, les transports aériens, maritimes et terrestres, le secteur des Btp entre autres. L’appel lancé par le Président Macky Sall fait florès, et il est entendu par d’autres leaders mondiaux, comme le Pape François, le Roi du Maroc, l’ancien premier ministre britannique Tony Blair et hier soir par Emmanuel Macron, qui a fait de la solidarité avec le continent africain un élément fort de son allocution de sortie de crise.
C’est une preuve de leadership, d’autant que l’Union Africaine suit et se dote d’un fonds piloté par un de ses fils les plus brillants, Tidiani Thiam. Mais aller au-delà est sans doute nécessaire mais sera hyper complexe à réaliser, car le tiers de la dette africaine est détenu par des créanciers privés. C'est cette dette privée qui génère les intérêts les plus élevés, mais négocier dans l'urgence avec cette nébuleuse d'acteurs, des banques, des fonds, des négociants en matières première relèvera du tour de force. Il sera nécessaire aussi de reconnaître nos errements en matière de gestion de ces endettements contractés, et ne pas donner l’image redoutable d’une partie de notre classe politique et économique qui tirerait profits de ces efforts universellement requis en guise de solidarité face au Covid 19.
Le pire pour l’Afrique ne sera pas le nombre de ses morts, mais le fait de voir son économie ravagée par cette pandémie, sans qu’elle ait su tirer les leçons du passé, qui confinaient tout de même à une certaine forme excessive de gabegies.
Jean Pierre Corréa
DES TALIBÉS CHERCHENT À ÉCHAPPER AU CORONAVIRUS
Les restaurants qui offraient à ces jeunes démunis un peu de nourriture sont fermés. Et les passants qui leur faisaient l'aumône se détournent d'eux, sans parler de la police qui les déloge sans ménagement de leurs points de chute habituels
Décriés par une population craignant la contamination, pourchassés par les policiers chargés de faire appliquer le couvre-feu, les enfants et adolescents qui vivent dans les rues de Dakar se tournent vers une association pour reprendre des forces et échapper au coronavirus.
Dans la capitale sénégalaise, ville de plus de trois millions d'habitants où résidences de luxe côtoient des quartiers surpeuplés, ils sont des centaines, voire des milliers, parfois âgés de cinq ans à peine, à vivre dans la rue.
Ils ont rompu avec leur famille, fui les maltraitances d'un maître coranique ou rejoint la rue simplement par "soif de liberté", explique Cheikh Diallo, l'un des responsables de Village Pilote, une association franco-sénégalaise qui leur vient en aide depuis près de 30 ans.
Ils vivent de petits boulots, de larcins ou de mendicité, dormant à même la rue ou dans des immeubles en construction.
Mais depuis que le coronavirus a fait son apparition dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, contaminant quelque 300 personnes et causant la mort de deux d'entre elles, "la mendicité, ça ne marche plus", explique Bamba Seck, 18 ans.
Ce jeune homme aux traits juvéniles passe d'habitude ses journées et ses nuits près du Palais de justice et de la prison de Rebeuss, aux portes du centre historique et administratif de Dakar.
A l'ombre des acacias
Dans un pays où une rumeur de contamination peut rapidement enflammer un quartier, les gens ont "commencé à se méfier de nous" quand "un gars (du voisinage) a été soupçonné d'avoir attrapé le coronavirus", raconte Bamba, assis à l'ombre d'un acacia du centre d'hébergement de l'association Village Pilote.
Comme une centaine d'autres enfants de la rue, il s'est réfugié il y a quelques jours dans ce vaste domaine aux allures de camp de vacances, implanté dans un paysage de dunes, de baobabs et de fromagers à proximité du Lac Rose, à une heure de route au nord de Dakar.
Dans la capitale, les restaurants qui offraient à ces jeunes démunis un peu de nourriture sont fermés ou tournent au ralenti depuis près d'un mois. Et les passants qui leur faisaient l'aumône se détournent d'eux, explique un responsable de l'association, pour qui ils vivent une "galère" sans précédent.
Les jeunes rencontrés par l'AFP se plaignent surtout d'être délogés sans ménagement de leurs "points de chute" habituels par les forces de l'ordre chargées de faire respecter le couvre-feu nocturne instauré dasn tout le pays.
"Ils jouent au chat et à la souris avec la police, ils se cachent, ils n'ont plus d'endroit où dormir... Ils sont très fatigués", souligne Cheikh Diallo, le responsable du village du Lac Rose.
Avec l'apparition du virus, l'association avait décidé de ne plus accueillir de nouveaux pensionnaires, pour éviter les contaminations. A la place, elle a organisé des distributions de vivres dans les rues de Dakar.
Quarantaine, repos et rugby
Interpellée par des jeunes en détresse, elle a finalement décidé de leur rouvrir ses portes, tout en plaçant les nouveaux arrivants en quarantaine pendant deux semaines, séparant les "petits" des "grands".
Tous les matins, un infirmier vient relever leur température.
Le reste du temps, ils se reposent dans de jolies bâtisses de briques ocres, sur des matelas posés à même le sol. Certains parmi les plus âgés s'improvisent tatoueurs, pendant que d'autres s'échangent des passes avec un ballon de rugby --l'une des spécialités du centre-- ou lavent leur linge à l'eau d'un puits.
A la fin de la crise sanitaire, ils pourront retourner dans la rue, tenter de renouer avec leurs familles ou rester au Village Pilote pour y suivre des cours d'alphabétisation ou une formation aux métiers de l'hôtellerie, de la menuiserie ou de la mécanique.
Ansu Sané, 19 ans, fait partie du groupe des adolescents en quarantaine, uniquement composé de garçons. Cinq ans après avoir quitté la Casamance, dans le sud du pays, cet "apprenti chauffeur" accompagnait jusqu'il y a peu les cars de voyageurs, juché à l'arrière du véhicule.
Mais depuis l'instauration de l'état d'urgence, la circulation entre les régions du Sénégal est interrompue et il "ne gagne plus rien", dit-il.
Au village, il prend bien soin de se laver les mains et s'inquiète pour sa famille, restée en Casamance. Fataliste, il pense que si "Dieu veut qu'il attrape le coronavirus, (il) n'y peut rien".
8 TESTS POSITIFS DONT 2 CAS COMMUNAUTAIRES
Selon les examens virologiques reçus par le ministère de la Santé, ce mardi, 14 avril 2020, sur les 272 testés qui ont été réalisés, 8 sont revenus positifs. Il s’agit de 6 cas contacts suivis et de 2 cas communautaires.
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a fait le point de la maladie du Coronavirus au Sénégal. Selon les examens virologiques reçus par le ministère de la Santé, ce mardi, 14 avril 2020, sur les 272 testés qui ont été réalisés, 8 sont revenus positifs. Il s’agit de 6 cas contacts suivis et de 2 cas communautaires.
La bonne nouvelle est que 5 cas ont été testés négatifs donc guéris. Le ministère de la Santé informe que l’état de santé des patients est stable.
A ce jour, le Sénégal compte 299 cas déclarés positifs dont 183 guéris, 1 évacué, 2 décès et 113 sous-traitements.
Le ministère de la Santé rappelle aux Sénégalais le respect des mesures de prévention.
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DAAN CORONA
Le roi est sorti pour faire face au Corona. Pour ce combat planétaire, Youssou Ndour a ratissé large pour faire passer le message au Studio Sankaré dirigé de main de maitre par Didier Awadi
Le roi est sorti pour faire face au Corona. Pour ce combat planétaire, Youssou Ndour a ratissé large pour faire passer le message au Studio Sankaré dirigé de main de maitre par Didier Awadi. ''DAAN CORONA'' est le titre de ce nouveau single de 4 minutes 58 secondes qui a regroupé autour du leader du super étoile des rappeurs et des mbaalaxmanes. Ensemble ils mènent le combat contre la propagation du virus au Sénégal.
LA PANDÉMIE DU COVID-19 TOUJOURS À LA UNE DES QUOTIDIENS
Dakar, 14 avr (APS) – Les quotidiens reçus mardi à l’APS s’intéressent largement au Covid-19 avec des sujets se rapportant à l’évolution de la courbe des contaminations, la polémique sur le coût du transport des vivres destinés aux familles vulnérables et aux ’’échos considérables’’ à l’appel de Macky Sall pour l’annulation de la dette des pays africains.
Libération s’inquiète de la transmission communautaire et affiche à la Une : ‘’Dakar sous tension’’. ‘’Presque tous les districts de la région de Dakar ont enregistré des cas de transmission communautaire, du coronavirus (…). La situation de la région de Dakar est plus que préoccupante : à la date du 13 avril, elle enregistrait 189 cas positifs depuis l’apparition de la maladie sur un total national de 291 cas’’, écrit le journal.
La Tribune pose ‘’l’équation’’ du coronavirus au Sénégal et note que 25 cas positifs ont été identifiés à Louga tandis que 20 personnes ont été placées en quarantaine à Touba.
Le journal Source A donne ‘’les raisons de paniquer’’ après l’annonce des 26 cas testés positifs en 72 heures, avec à la clé, le retour des cas communautaires.
‘’Entre samedi, dimanche et lundi, 26 nouveaux positifs ont été enregistrés. Il s’agit de cas contacts et de cas issus de la transmission communautaire. Sur la liste des 11 cas recensés, hier, Louga caracole en tête, avec sept malades. Ensuite Guédiawaye, le district Dakar-Sud ; Yeumbeul et Goudiry (Tamba) (ont enregistré) chacun 1 patient’’, informe le journal.
L’augmentation des cas communautaires fait dire à Waa Grand-Place que ‘’les Sénégalais narguent le danger’’. Et le journal note que le président Macky Sall, ‘’fâché’’ en appelle à ‘’la conscience citoyenne et au respect des mesures’’.
A propos des mesures de protection, Sud Quotidien aborde l’éventualité d’un confinement et affiche à la Une : ‘’L’alerte de Macky Sall’’. Le chef de l’Etat n’écarte pas le confinement général si la maladie du Covid-19 ’’arrive à un certain niveau’’ de propagation au sein de la population, déplorant le non respect des consignes sanitaires édictées par les autorités.
’’Si nous continuons à ne pas respecter les consignes sanitaires, la pandémie va demeurer et se propager. Si ça continue, on sera obligé de faire ce qu’on ne voulait pas faire, qui est d’ arrêter complétement la circulation. Si la maladie arrive à un certain niveau, on va vers le confinement général’’, a-t-il dit.
Le président sénégalais Macky Sall s’exprimait samedi au Port autonome de Dakar, lors du lancement de l’opération de convoyage des vivres dans les régions, dans le cadre de l’assistance aux ménages vulnérables.
L’As aborde le transport des vivres destinés aux populations et titre : ‘’Micmac autour des vivres’’. ‘’L’information selon laquelle le budget du transport des vivres est estimé à 6 milliards de francs Cfa est venue perturber les plans du gouvernement, l’obligeant même à se prononcer sur le sujet’’, souligne la publication.
Selon L’As, ‘’la gestion du marché du transport des vivres a laissé planer le doute dans l’esprit de certains Sénégalais. D’aucuns n’ont pas compris qu’un appel d’offres soit lancé à ce propos, alors qu’un collectif des acteurs des transports routiers était prêt à acheminer gratuitement les vivres. A cela s’ajoute la polémique sur le budget prévisionnel pour cette opération’’.
Le Témoin parle de ‘’polémique’’ sur les milliards du transport des denrées et note que Mansour Faye, ministre du Développement communautaire, qui pilote cette opération, est ‘’rattrapé par une nouvelle affaire de …bennes’’.
’’Après les bennes tasseuses, le ministre du Développement communautaire se retrouve au centre d’une autre affaire de bennes. Plus précisément, il s’agit de facturation du parc de camions-bennes chargés d’acheminer les vivres aux populations’’, écrit le journal.
Dans le journal L’Observateur, Mansour Faye assure que ‘’les frais de transport vont coûter au plus 1, 5 milliards de francs Cfa’’. De son côté, le député Demba Diop Sy dont l’entreprise a gagné une partie du marché répond : ‘’(…) ça tourne autour de 1, 5 à 2 milliards de francs Cfa. Ce montant est destiné à convoyer l’aide à un million de familles. (…) le transport réel pour convoyer l’aide alimentaire est de 2000 francs Cfa par famille’’.
Le Soleil note ‘’des échos considérables à l’appel de Macky Sall’’ pour l’annulation de la dette des pays africains. ‘’Le Pape François, le président Emmanuel Macron, le Roi Mohamed VI, l’ancien Premier Tony Blair (sont) en phase avec le président sénégalais’’, selon Le Soleil.
Le Pape et Macron ‘’rejoignent’’ Macy Sall à propos de l’annulation de la dette de l’Afrique, dit Le Quotidien qui affiche à la Une : ‘’Vaccins en bonne voix’’.
Par CALAME
MA MAISON, LA RUE !
Abandonnés par leurs parents biologiques, confiés à des « daaras » portés par « des maîtres » qui les jettent dans la rue avec la mission d’assurer leurs rentes journalières, ils sont tenus de rapporter une somme d’argent, du sucre, du riz (…).
Il vous est certainement arrivé, dans la rue, à un carrefour, au coin d’un feu rouge, d’avoir été interpellé par de petits talibés tendant la sébile, le regard un peu hagard, parfois plein d’intelligence, illuminant un visage marqué par les souffrances d’une vie malmenée par la précocité des épreuves intimes.
Abandonnés par leurs parents biologiques, confiés à des « daaras » portés par « des maîtres » qui les jettent dans la rue avec la mission d’assurer leurs rentes journalières, ils sont tenus de rapporter une somme d’argent, du sucre, du riz (…). A un âge censé être celui des insouciances heureuses, flottant dans des habits sales, trop amples par endroit, la peau parsemée de cicatrices, ils affichent sur des corps et des visages lavés par des larmes de tristesse, l’indignité et la brutalité de leurs quotidiens.
Combien sont-ils de petits talibés ? Combien sont-ils d’enfants dont la maison est la rue, abandonnés de tous, chapardant dès qu’ils peuvent, soumis aux intempéries, exposés aux risques de tous ordres, au viol, à la maladie, à l’alcool, à la drogue ?
Selon des chiffres publiés par l’Ong Human Watch Rights et le Samu Social, ils sont quelque 100.000 pour les premiers, 7000 pour les seconds, à avoir basculé dans les expériences douloureuses de l’arrachement et du déchirement.
Loin des parents, loin de leurs repères. Il n’est donc pas étonnant, à la lecture de l’émouvante lettre ouverte des enfants-talibés (lire ci-contre), que leur demande fondamentale soit de se rapprocher de leurs parents. « Au nom de l’humain », ils exhortent le chef de l’Etat à les « aider à retourner pour toujours » auprès des leurs.
Echaudés par leurs expériences, ils appellent à la construction de « daaras modernes intégrant l’enseignement général ». Tout en précisant ne pas vouloir d’internats, afin que leurs parents puissent assumer leurs responsabilités. Bien que lourd, le traumatisme de l’abandon ne devrait pas pour autant les pousser à jeter le bébé et l’eau du bain. Les internats ont en effet eu à jouer un rôle important dans la vie de nombre d’élèves, pour leur avoir permis de se retrouver dans des conditions matérielles et pédagogiques propices à l’apprentissage.
L’envie de retrouver la chaleur et la sécurité du concon familial rencontre toutefois des situations empêtrées dans les difficultés à satisfaire les besoins vitaux : boire, manger, dormir. Aussi, nombre de familles de talibés ont-elles préféré se défaire de leur progéniture. On ne saurait cependant s’en arrêter là, pointer du doigt la seule irresponsabilité parentale. Il en est une autre relevant des prérogatives exclusives de l’Etat. Il a en effet, à l’endroit des talibés et des enfants de la rue, une obligation de réparation, pour avoir précisément manqué à ses obligations constitutionnelles. Ainsi la loi d’orientation de l’Education nationale indique-t-elle, en son article 3 bis, que « la scolarité est obligatoire pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 ans à 16 ans ». Qu’elle « est assurée gratuitement au sein des établissements publics d’enseignement ».
Et elle précise : «Il est fait obligation aux parents, dont les enfants atteignent l’âge de 6 ans, de les inscrire dans une école publique ou privée. Les parents sont tenus de s’assurer de l’assiduité de leurs enfants jusqu’à l’âge de 16 ans ».
A défaut, « tout enfant âgé de moins de 16 ans et n’ayant pu être maintenu dans l’enseignement général, est orienté vers une structure de formation professionnelle ». Parce que la loi définit de façon claire et cohérente les droits et devoirs de chacune des parties, la détresse exprimée dans la lettre ouverte au président de la République met à nu les graves manquements de l’Etat par rapport à ses propres engagements. Il reste alors aux associations civiles et politiques d’ester en justice car la condition insoutenable des talibés et des enfants de la rue raconte, surtout en cette période de pandémie de coronavirus, le non-respect de la loi.
A ces organisations donc de contraindre les décideurs à remplir leurs obligations.
CALAME
L’AUDIT DE NDEYE FATOU TOURE DU PWC
L’évolution quotidienne de la pandémie du Coronavirus au Sénégal, durant les premiers jours, avait atteint un taux de 23%, là où la France avait fait durant les 26 premiers jours 19%.
L’évolution quotidienne de la pandémie du Coronavirus au Sénégal, durant les premiers jours, avait atteint un taux de 23%, là où la France avait fait durant les 26 premiers jours 19%. C’est du moins ce qu’a révélé, Ndeye Fatou Touré, Directrice du Cabinet d’audit et de conseil Price Water House Coopers (Pwc). Toutefois, l’invitée de l’émission Objection de la radio Sud Fm d’avant-hier, dimanche 12 avril, a informé que contrairement aux autres pays, dès qu’il a atteint la barre des 100 contaminés, le Sénégal a vu sa courbe quotidienne de contagion baisser à 11%.
Analysant la courbe de contagion du Coronavirus dans le pays, la Directrice du Cabinet d’audit et de conseil Price Water House Coopers (Pwc), Ndeye Fatou Touré ; a fait relever le cas «atypique» du Sénégal.
L’invitée de l’émission Objection de la radio privée Sud Fm, du dimanche 12 avril dernier, explique qu’en observant le cas du Sénégal, son cabinet d’audit a noté, durant les premiers jours de la détection du premier cas de Covid-19, «une progression plus rapide que la France et l’Espagne». A son avis, «durant les 26 premiers jours, après l’évolution du Coronavirus, le Sénégal a eu un nombre de cas qui dépassait celui de la France et de l’Espagne.
Par contre, on était en dessus de l’Italie». Avec des chiffres à l’appui, Ndeye Fatou Touré dira que «dans les premiers jours de la maladie, en moyenne, sur le Sénégal ont était à un taux de 23%, la France était à 19%, l’Italie 28%». La Directrice du cabinet Price Water House Coopers dit, par ailleurs, avoir remarqué un phénomène «atypique», en analysant la courbe de contagion, dès que la barre des 100 cas est atteinte. Elle explique que dès qu’on atteint le centième cas, «on a vu une explosion de ce taux d’évolution», dans les pays européens. Comme raison, il dira que c’est «parce que quand on se dit, dès qu’on atteint 100 cas, on a du coup 100 personnes qui sont susceptibles de contaminer plusieurs personnes. C’est normal qu’à partir de ce centième cas-là, on ait une vitesse de propagation très rapide». Ce qui est tout autre au Sénégal, ou sinon même, un phénomène «inverse». Selon elle, «au Sénégal, c’est le phénomène inverse.
Avant le 100ème cas, on était à 23%, dès qu’on a atteint la barre des 100 cas et que j’ai recalculé pour le Sénégal, le taux d’évolution moyen a baissé à 11%». Pour comprendre ledit phénomène, l’invitée du journaliste Baye Oumar Gueye dira avoir regardé les densités par habitants. Ce qui lui permettra de noter qu’un pays comme la France, notamment Paris, «la densité par habitant est plus élevée que chez nous au Sénégal. Les gens vont vivre dans des immeubles à plusieurs étages, en prenant tous les jours les ascenseurs, utilisant les mêmes boutons. Du coup, ce qui fait qu’à ce niveau-là, la propagation est beaucoup plus rapide».
Alors qu’au Sénégal, précise-t-elle, «nous, même si dans certains quartiers, on a l’impression qu’on vit un peu les uns sur les autres, on vit quand même dans ces quartiers-là sur des niveaux d’immeubles moins hauts. Ce qui fait que la densité par habitant est plus réduite». Elle a aussi relevé un autre fait, notamment la fermeture des frontières qui a permis de stopper les cas de Covid-19 importés. Pour elle, «peut être que ce sont ces événements-là qui ont entrainé cette baisse du taux d’évolution quotidien au niveau du Sénégal».
LE FMI ZAPPE LE SENEGAL
Le conseil d’administration du FMI a décidé hier, d’approuver un allégement de la dette immédiat pour 25 pays dont 19 en Afrique.
Le conseil d’administration du FMI a décidé hier, d’approuver un allégement de la dette immédiat pour 25 pays dont 19 en Afrique. Ce, quelques minutes seulement après la sortie radio-télévisée d’Emmanuel Macron demandant l’annulation de la dette africaine.
Paradoxalement, le Sénégal dont le Chef de l’Etat a été à l’initiative d’un tel appel, dans une déclaration dite désormais de Dakar, ne figure pas sur la liste. Les pays qui bénéficieront d’un allégement du service de leur dette sont plutôt les suivants : Afghanistan, Bénin, Burkina Faso, Comores, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Haïti, Îles Solomon, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Népal, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Tadjikistan, Tchad, Togo et Yémen.
Dans un communiqué qui est parvenu à la Rédaction de Sud Quotidien, la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), déclaré : «notre conseil d’administration a approuvé un allégement immédiat du service de la dette pour 25 pays membres du FMI au titre du fonds fiduciaire réaménagé d’assistance et de riposte aux catastrophes (fonds fiduciaire ARC), dans le cadre des mesures que le FMI prend pour aider ses pays membres à faire face aux conséquences de la pandémie de COVID-19».
Kristalina Georgieva d’ajouter : «Nos pays membres les plus pauvres et les plus vulnérables recevront ainsi des dons qui couvriront leurs obligations envers le FMI pour une phase initiale de six mois, ce qui leur permettra de consacrer une plus grande partie de leurs faibles ressources financières aux soins médicaux et autres efforts de secours d’urgence vitale».
«Le fonds fiduciaire ARC peut actuellement fournir un allégement du service de la dette sous forme de dons à hauteur d’environ 500 millions de dollars, y compris les 185 millions de dollars promis récemment par le Royaume-Uni et les 100 millions de dollars fournis par le Japon comme ressources immédiatement disponibles.
D’autres pays, parmi lesquels la Chine et les Pays-Bas, s’apprêtent également à apporter des contributions importantes», précise l’édit. «J’engage d’autres donateurs à nous aider à reconstituer les ressources du fonds fiduciaire et à renforcer davantage notre capacité à offrir à nos pays membres les plus pauvres un allégement supplémentaire du service de la dette pendant pas moins de deux ans», a conclu Kristalina Georgieva.
Par Mamadou DIOUF
THANDIKA MKANDAWIRE LE BOSS
Le professeur Thandika Mkandawire, chercheur-enseignant émérite, ancien patron du Codesria -organisme de pointe dans la recherche en Afrique, basé à Dakar s’est éteint le 27 Mars dernier à Stockholm (Suède) des suites de maladie
Le professeur Thandika Mkandawire, chercheur-enseignant émérite, ancien patron du Codesria -organisme de pointe dans la recherche en Afrique, basé à Dakar s’est éteint le 27 Mars dernier à Stockholm (Suède) des suites de maladie. Il venait de boucler ses 79 ans. Son collègue, le Professeur Mamadou Diouf salue la mémoire de l’Africain universel qu’il a connu et apprécié.
Je n’aime pas les oraisons funèbres. Elles annoncent, avec brutalité et désespoir, la disparition d’un être cher qui a vécu son temps et laissé une marque. Elles s’évertuent à tracer une histoire, exhumer une contribution remarquable, pour attester de sa clôture, même si l’on clame la continuité. Nonobstant nos efforts, l’oraison funèbre signale la mort; elle enterre la personne pour n’en laisser qu’une trace et obturer une vie. Que vais-je dire de Thandika ? Quel témoignage qui rende compte de la complexité de sa personnalité ? Il m’a recruté au Codesria pour l’assister à la mise en place du programme de recherches, à la suite du remplacement de ma collègue Zenebaworke Tadese, au département des Publications qui m’avait elle-même sollicité. Je connaissais les publications du Codesria, quelques-uns de ses animateurs, sans familiarité, ni avec eux, ni avec l’institution.
En effet, j’y arrive quand mon collègue Boubacar Barry quittait le conseil. Les économistes et autres spécialistes d’économie politique et de sciences sociales, mais aussi ses amis les plus proches, Issa Shivji, Peter Anyang Nyong’o, Mahmood Mamdani, Zen Tadese et son compatriote et jeune frère Paul Zeleza, proposent (proposeront) des témoignages qui l’inscrivent (l’inscriront) avec une profusion de détails dans les paysages académiques et humain dans lesquels, sa forte personnalité et ses qualités sont affichées avec une sincérité désarmante. Ils vont certainement interroger sa contribution scientifique et mesurer les résultats de ses efforts incessants à assurer la pérennité et le rendement scientifique de l’institution africaine qui prétendait, dans un monde troublé par les conséquences de la Guerre froide, la crise des états postcoloniaux, les fractures linguistiques et la variété des traditions de production de savoirs et de formation, s’afficher sur la scène universitaire. Certains d’entre eux décrypteront ses questions iconoclastes et ses argumentations alimentées par une documentation considérable, produite par un braconnage qui ratissait l’ensemble du continent.
Deux des questions, sur lesquelles, même s’il n’a pas élaboré précisément là-dessus, informent, me semble-t-il, ses recherches, sont les suivantes : d’une part, le passé et le futur d’un capitalisme porté par une bourgeoisie «africaine» conquérante. Thandika était l’avocat d’une investigation approfondie des manifestations de ce capitalisme «africain», naissant étouffé par le colonialisme (dans les colonies de Gold Coast, du Kenya et en Afrique du Sud et) et les régimes postcoloniaux (Sénégal, Côte d’Ivoire et Ghana). D’autre part, il s’interrogeait sur les engagements panafricain» de deux pays «résolument néocoloniaux», réfractaires à tous les «socialismes», même africain, son pays de naissance, le Malawi et la Côte d’Ivoire. Deux pays qui ont, au moins pendant trois décennies, accueilli les migrants provenant des pays voisins.
Dans le cas de la Côte d’Ivoire, en leur accordant le droit de vote. Son hypothèse qui reste à vérifier par des recherches futures: les économies de plantations, malawienne et ivoirienne étaient de fortes consommatrices de main d’œuvre. A tort ou à raison, j’ai toujours pensé que certaines de ces questions iconoclastes, dont les deux que j’ai retenues, auxquelles on peut ajouter sa participation sur les transitions démocratiques, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, sont la raison de son intérêt pour l’étude des programmes d’ajustement structurel. Une manœuvre qui malgré ses proclamations, explorait, de manière systématique, le deuxième des trois mécanismes qui ont établi «la structure coloniale» (colonizing structure), l’incorporation des économies coloniales dans celles des métropoles impériales. Le premier mécanisme est la conquête territoriale et le dernier, la réformation de l’esprit indigène (Valentin Y. Mudimbe, The Invention of Africa, 1988). Les interventions de Thandika tout en contribuant aux discussions sur «la déconnexion» si chère à Samir Amin, se consacraient plutôt à documenter la connexion et les manœuvres coloniales visant à étouffer les entreprises économiques et démocratiques africaines.
Les concepts structurants de l’analyse de Samir Amin de la géographie mondiale du centre et de la périphérie et du développement inégal, privilégient en effet la déconstruction systématique de la relation impérialiste. Les interventions de Thandika, sans sortir de cette géographie, prêtaient plus attention aux situations internes dans leur espace local africain et aux logiques économiques, politiques et sociales qui leur sont associées. Elles ne se préoccupaient qu’obliquement de la rupture révolutionnaire, si centrale à la théorie du centre et de la périphérie et du développement inégal; ou d’une troisième voie promue par le mouvement des non-alignés. Je l’ai toujours suspecté, (peut-être à tort), de s’être installé dans un entre-deux théorique et pragmatique, imposé par ses thèmes de recherches (les politiques économiques et leurs conséquences sociales et politiques). Un positionnement qui parfois intriguait ses amis de la gauche africaine et les économistes des institutions de Bretton Woods. N’était-il pas devenu, un tout petit peu, un Suédois ?
Aussi bien dans sa gouvernance du conseil et dans ses conversations, surgissaient les traces de la tradition sociale-démocrate de son pays d’adoption. L’écart qu’il décelait dans les discussions des universitaires africains, en marge des rencontres du Codesria et d’autres institutions et leurs doctes interventions dans les sessions officielles, lui faisait dire que l’intelligence africaine atteignait un point d’incandescence à la marge. Peut-on réconcilier les deux, se demandait-il? Il soulignait, avec des exemples précis, la perspicacité qui sourdait des analyses. Elles sortaient des sentiers battus universitaires, pour explorer, dans un langage ironique et vernaculaire, la vie quotidienne et ses manifestations. Autant l’ethnographie locale sur laquelle elles s’appuient, que les éléments théoriques primaires qu’elles bricolent, affectent aux analyses, une ampleur inégalée, observait-il. Elles rendent compte de manière pertinente des trajectoires heurtées et d’une obscène brutalité de la gouvernance des sociétés africaines.
Des analyses qui s’inscrivent profondément dans le dévoilement des mécanismes internes de la domination. Une quête qui est restée au cœur de sa recherche universitaire. Thandika s’est toujours soucié du temps du monde dans ses manifestations locales. Thandika a été aussi à la manœuvre pour apporter des réponses pratiques et programmatiques aux conséquences des programmes d’ajustement structurel, sur les infrastructures d’enseignement supérieur et de recherche. Pour certains, dont Thandika, le Codesria doit participer directement à la formation de la troisième génération de chercheurs africains en sciences sociales et humaines (Three generations of African Academics: A Note », Transformation 28, 1995), face à la terrible crise qui retournait les universités africaines sur elles-mêmes.
Pour d’autres, il ne fallait aucunement dévier le conseil, de sa tâche principale : la promotion de la recherche africaine en sciences sociales et humaines. Thandika est parvenu à garder un certain équilibre, en renforçant la présence des institutions universitaires dans les activités du Codesria et en mettant en place un programme de petites bourses pour les étudiants de maitrise et de thèse. C’est probablement le programme dont la réussite est la plus incontestable. Il est parvenu à maintenir une recherche d’une qualité certaine, dans de nombreuses universités africaines et à rendre compétitifs sur la scène éducative internationale, de nombreux étudiants africains. Au registre de la recherche, s’est manifestée chez Thandika, une forte conscience du temps et de la scène du monde, qui sont nécessairement, les espaces d’inscription de la recherche en sciences sociales et humaines en Afrique.
Des interventions qui se déclinent par l’assurance de l’autonomie de cette dernière et sa confrontation scientifique avec la recherche internationale. Le refus d’être une annexe est, par exemple, à l’origine de la mise en place, à la suite de nombreux fora, des instituts sur le genre et sur la gouvernance démocratique. En inscrivant la discussion sur le genre dans les terreaux de l’histoire africaine et de la diaspora et en qualifiant la gouvernance de «démocratique», il ouvrait une voie sur une réflexion indigène plurielle qui interroge puissamment la bibliothèque des sciences sociales et humaines et contribue à sa révision par l’introduction des expériences africaines. Je voudrais aussi parler de l’homme que j’ai côtoyé tous les jours ouvrables pendant six ou sept ans au siège du Codesria, à Fann Résidence et ensuite sur l’Avenue Cheikh Anta Diop. Il signalait une réticence à la bureaucratie qui paradoxalement faisait de lui un parfait bureaucrate. En atteste son aventure réussie dans les arcanes de la bureaucratie onusienne, à la tête de UNRISD (l’Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (1998-2009). Il a mobilisé l’institution sur les questions de politiques sociales (en particulier la protection sociale, l’éducation et la santé) articulées étroitement à la question du développement. Personnellement, au cours de cette période, Thandika s’est investi dans l’examen des figures qui traitent de la situation africaine et des figurations conceptuelles et politiques, universelles ou vernaculaires du développement.
Dans le désordre ahurissant de son bureau, il trouvait des formules d’ordonnancement qui récusait l’ordre bureaucratique. Thandika savait séduire les fondations européennes (scandinaves en particulier) et américaines. Ils savaient comment les prendre, répondre à leurs exigences et maintenir l’autonomie du Conseil. La règle était simple: tout financement devait répondre au programme élaboré par le Codesria. Pas par les donateurs. Contre vents et marées, il est parvenu à maintenir cette règle. Il était persuasif parce que le programme scientifique qu’il soumettait était solide et argumenté; à la fin du parcours le compte-rendu intellectuel et financier ne faisait l’objet d’aucune contestation. Comment de fois ai-je entendu des partenaires du Codesria dire «cette fois-ci ton patron ne va rien obtenir».
Son sourire désarmant, son rire si terrestre, son humeur parfois caustique, toujours léger, jamais agressif, faisaient céder les barrages mis en place Thandika était un pont. Il savait gérer les egos surdimensionnés d’une communauté qui se sentait à l’étroit et marginale à qui le Codesria offrait un espace d’engagement incomparable. Son long exil, tout comme ses activités professionnelles, à Stockholm, à Dakar, à Harare, à Genève et à Londres, lui ont ouvert des horizons multiples et une acuité ethnographique sans commune mesure. La lecture et la fréquentation des lieux populaires combinées à une connaissance parfaite du mbalax sénégalais et de la musique de l’Afrique australe qu’il qualifiait de Raceland par opposition au Graceland de Paul Simon, lui ouvraient une multiplicité de territoires. Son cosmopolitisme était sous contrôle parce qu’il était le produit de transactions variées. Il rendait difficile l’identification d’un chez soi (le Malawi ?) sur le continent. Je me suis toujours demandé s’il avait acquis son esprit nomade, à cause de ses pérégrinations. Thandika est né au Nyassaland (actuel Malawi), a grandi dans les villes minières des Rhodésies. A la différence de la forte majorité des intellectuels de sa génération, il n’avait pas une origine paysanne. Il était un urbain. Il avait des réflexions hilarantes sur l’impact de cette origine paysanne dominante sur l’agenda intellectuel du Codesria. Je me rappellerai toujours de nos fous rires quand je suis venu lui dire que la couleur verte des publications du Codesria était vraiment « boring and unattractive».
Que j’avais demandé à une artiste sénégalaise, Aicha Dionne, de nous proposer une couverture. En lui soumettant le résultat, sa réaction amusée a été de dire : «c’est une couverture aux couleurs du Sahel, l’ocre/marron de la sècheresse, contre les paysages arrosés et verts des savanes arborées et herbacées». En quelque sorte, il signalait comment l’eau et son absence avaient configuré nos imaginations et imaginaires. Thandika est parti du Codesria. Ce fut ensuite mon tour quelques années plus tard. On a poursuivi notre conversation de manière intermittente lors des différentes réunions du Conseil. Nous nous rencontrions deux fois par an lors des réunions du Conseil des Directeurs du Social Science Research Conseil américain. Sa plaisanterie favorite lorsqu’il se présentait à chaque séance était de conclure en disant qu’il fut mon patron. Que la situation a changé à cause de mon rôle de président du Conseil des Directeurs. Ma réplique était toujours la même. Il restera à jamais «my boss». Il m’a fait découvrir le monde de la recherche africaine, internationale anglophone et les relations entre les différentes traditions de recherches universitaires. Je ne me souviens plus où je l’ai rencontré la dernière fois.
Est-ce à Dakar ou à New York ? Il m’a parlé avec retenue et décence de sa maladie. Et comme de coutume, il m’a fait rigoler en me confiant avec dégoût, qu’à la place de son breuvage favori, la bière, il buvait désormais du thé. Cela m’avait fait sourire. Il m’a aussi dit « Aging sucks », marquant la distance avec la sagesse attribuée aux vieillards. Un iconoclasme très urbain.
Mamadou DIOUF
LEITNER FAMILY PROFESSEUR D’ÉTUDES AFRICAINES ET D’HISTOIRE
DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT D’ÉTUDES SUR LE MOYEN ORIENT, L’ASIE DU SUD ET L’AFRIQUE. COLUMBIA UNIVERSITY, NEW YORK