SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
17 juillet 2025
LE COVID-19, "MALÉDICTION" DES PÊCHEURS
Sur le quai de pêche de Hann-Bel Air, le mareyeur Galaye Sarr s'en remet à Dieu pour que cesse la "malédiction" du coronavirus. Depuis que les avions sont cloués au sol, les poissons ne s'exportent plus, le privant de ses principaux revenus
Sur le quai de pêche de Hann-Bel Air, aux portes de Dakar, le mareyeur Galaye Sarr s'en remet à Dieu pour que cesse la "malédiction" du coronavirus. Depuis que les avions sont cloués au sol, les poissons ne s'exportent plus, le privant de ses principaux revenus. Galaye Sarr, 23 ans, travaille sur le quai des exportations depuis son enfance. Il achète les prises ramenées par les pêcheurs qui écument la côte atlantique à bord de pirogues multicolores, les trie et les vend à des usines, qui les conditionnent pour l'exportation par avion ou bateau, notamment vers l'Europe.
Depuis l'apparition du Covid-19 début mars au Sénégal, les autorités ont interdit les rassemblements et proscrit la circulation entre les villes. Surtout, la quasi suspension du trafic aérien prive toute la filière de la pêche d'un débouché essentiel.
Au Sénégal, la pêche occupe environ 17% de la population active, elle représente 22,5% des recettes d'exportation et plus de 70% des apports de protéines d'origine animale, indiquait fin 2014 l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)."Ce poisson est un merlot noir. D'habitude, il est exporté vers l'Italie. Mais à cause du coronavirus, tous les vols ont été annulés", explique Galaye Sarr en désignant du doigt des caisses frigorifiques entreposées dans une chambre froide. "Ca, ce sont les thiofs (mérous), là-bas les liches noires et les liches rouges, derrière, les rascasses".
Les portes de l'exportation fermées jusqu'à nouvel ordre, les vendeurs tentent de rediriger leurs stocks vers les marchés locaux, mais ceux-ci sont saturés et les prix ne font que baisser. Certains mois, Galaye Sarr arrivait à épargner jusqu'à 100.000 francs CFA (150 euros), dit-il, mais à présent, il gagne à peine 20.000 CFA (30 euros), à peine de quoi vivre.
En outre, il est quasiment impossible de respecter les distances de sécurité. "Au travail, on mange ensemble, on boit ensemble, on fait tout ensemble. J'ai vraiment peur. Peut-être qu'un jour Dieu va enlever cette malédiction". C'est toute la famille du jeune homme qui subit la crise. Ses proches, pêcheurs, restent à quai. "Même s'ils attrapent des poissons, on ne peut plus le vendre. Alors ils restent chez nous", soupire-t-il. "Mon commerce est familial. Mes enfants et cousins travaillent sur nos pirogues. Si on ne peut plus vendre, comment on va faire ?", s'inquiète Moussa Diop, qui possède deux pirogues.
LES INNOVATEURS AFRICAINS SE LANCENT DANS LA LUTTE CONTRE LE CORONAVIRUS
Arzouma Kompaoré s'entretient avec des innovateurs africains qui contribuent à la lutte contre le coronavirus.
L'AFRIQUE POURRAIT PERDRE 20 MILLIONS D'EMPLOIS A CAUSE DU CORONAVIRUS, SELON L' UNION AFRICAINE
Mais si l'Afrique a été pour l'instant moins touchée par le coronavirus que la Chine, le sud de l'Europe et les États-Unis, elle en subit déjà les conséquences économiques à cause de ses liens commerciaux avec ces régions.
La pandémie de nouveau coronavirus pourrait avoir des conséquences catastrophiques en Afrique, comme par exemple la perte de 20 millions d'emplois ou la hausse de l'endettement, anticipe une étude de l'Union africaine publiée lundi.
"Près de 20 millions d'emplois, à la fois dans les secteurs formel et informel, sont menacés de destruction sur le continent si la situation persiste", prévient cette étude, qui estime que les pays dont l'économie repose largement sur le tourisme ou la production pétrolière sont les plus à risque.
Ce document de 35 pages avance deux scénarios, un qualifié de "réaliste" qui prévoit que la pandémie dure jusqu'en juillet et que l'Afrique "n'est pas trop affectée", et un "pessimiste" durant jusqu'à août et dans lequel le continent souffre plus.
Dans les deux scénarios, la croissance économique en Afrique serait négative, de -0,8% et de -1,1% respectivement. Avant que la pandémie ne touche le continent, la Banque africaine de développement (BAD) tablait sur une croissance de +3,4% pour 2020.
Lundi, 9.198 cas de coronavirus et 414 morts avaient été officiellement recensés dans 51 pays africains, selon le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
Mais si l'Afrique a été pour l'instant moins touchée par le coronavirus que la Chine, le sud de l'Europe et les États-Unis, elle en subit déjà les conséquences économiques à cause de ses liens commerciaux avec ces régions.
Le continent africain pourrait voir ses importations et exportations baisser de 35%, soit d'environ 270 milliards de dollars (259 milliards d'euros).
Le président Issoufou Mahamadou mardi lors de son passage télévisé, à Niamey, le 18 mars 2020. (Présidence Niger)
Avec la progression du virus, la baisse des cours du pétrole devrait profondément toucher des pays comme le Nigeria ou l'Angola, et les restrictions pesant sur le transport aérien pourraient coûter au secteur du tourisme "au moins 50 milliards de dollars" et "au moins 2 millions d'emplois directs et indirects", selon l'étude.
Avec la baisse des revenus, les gouvernements africains "n'auront d'autre option que de se tourner vers les marchés internationaux", ce qui pourrait faire s'envoler l'endettement, estime-t-elle.
Certains dirigeants africains ont déjà anticipé cette difficulté. Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a demandé en mars au G20 d'alléger la dette des économies les plus vulnérables et de préparer un plan d'aide financière d'urgence d'une valeur de 150 milliards de dollars.
L'étude suggère que la Commission de l'Union africaine "devrait mener les négociations en faveur d'un plan ambitieux d'annulation de la dette extérieure totale de l'Afrique", estimée à 236 milliards de dollars.
LA NIGERIANE FUNKE AKINDELE ARRÊTÉE POUR "ENJAILLEMENT" EN PLEIN CONFINEMENT
Pendant la période de propagation du coronavirus, les célébrités contribuent à la sensibilisation aux gestes barrières. Ou pas. La star nigériane a été interpellée pour excès de festivité…
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 06/04/2020
Le rôle-titre de la série nigériane Jenifa’s Diary (« Le journal de Jenifa») est une villageoise naïve confrontée à la jungle urbaine de Lagos. Son interprète a peut-être fait preuve d’une naïveté moins fictionnelle dans sa confrontation avec les réseaux sociaux, en ces temps de Covid-19.
Pour avoir organisé une fête samedi, dans son manoir de Lagos, alors que l’État est supposé être en confinement, Funke Akindele a été arrêtée et conduite au département d’enquête criminelle de l’État, dans la banlieue de Yaba.
Ceux qui dérogent au nouveau règlement local sur les maladies infectieuses, en matière de regroupements, encourent un mois de prison et une amende de 100 000 nairas (plus de 150 000 francs CFA).
Funke Akindele, elle, n’a pas hésité à organiser cette fête qui ne pouvait que fuiter sur des réseaux sociaux avides de bling-bling…
L’actrice avait-elle oublié le tempérament de fer du président Muhammadu Buhari pour qui la lutte contre le virus est « une question de vie ou de mort » ? N’avait-elle pas entendu parler des récentes interventions policières dans des mosquées ou des maisons closes ?
D’autres stars recherchées
Le responsable des relations publiques de l’État de Lagos, Bala Elkana, affirme rechercher les autres participants à la soirée polémique. Sur les vidéos de la fête, les fans ont notamment reconnu le chanteur Azeez Fashola, alias Naira Marley. Quant au mari de l’hôte, le chanteur JJC Skillz dont c’était l’anniversaire, il est l’auteur de la vidéo incriminée.
Tout en présentant ses excuses, face au tollé populaire suscité par son « enjaillement » jugé irresponsable, Funke Akindele a tenté de se dédouaner en affirmant que la plupart des convives n’avaient pas violé l’interdiction de circuler dans l’espace public, puisqu’ils vivaient, depuis deux semaines, en réclusion sanitaire dans la propriété.
En ce qui concerne le nombre de personnes autorisées à se rassembler, les images sont étudiées pour établir si la fête a dépassé le quota permis. Mais les réseaux sociaux, eux, ne tiennent pas des comptes d’apothicaire.
Et si les appels à arrêter la comédienne ont largement circulé sur ces mêmes réseaux sociaux, c’est que celle-ci est accusée d’incarner un double langage : ambassadrice du Centre nigérian pour le contrôle des maladies, Funke Akindele est notamment apparue dans des spots télévisuels appelant les Nigérians à observer, contre le Covid-19, les règles d’hygiène et de distanciation sociale. La joie festive des stars console… quand elle n’agace pas.
par Florian Bobin
LE MYTHE SENGHOR À L’ÉPREUVE DU SOUVENIR DE L’INDÉPENDANCE
Rappeler qu’il fut et poète et président n’est, en soi, que factuel. Mais associer les deux et refuser de reconnaître l’autoritarisme dont il fit preuve, sous prétexte qu’il fut poète, relève d’un négationnisme historique dangereux
Le 4 avril 2020, Radio France Internationale a publié le portrait de Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal (1960-1980), dressé par le professeur de littérature et critique Boniface Mongo Mboussa. À l’occasion des soixante ans de l’indépendance du pays, le message est clair : « Senghor a dirigé son pays en professeur, avec méthode et esprit d’organisation. Pendant la saison scolaire, il est président au Sénégal ; en été, il est poète en Normandie ». En somme, Mboussa nous explique que son action politique s’est nourrie de son œuvre poétique car, « poète-président, Senghor ne fut pas l’un sans l’autre ».
Ce récit officiel, devenu monnaie courante depuis plus d’un demi-siècle, est périlleux car il fait l’éloge, en filigrane, de « celui dont la plume importa davantage que l’épée ». Quand bien même le Sénégal n’a pas connu les mêmes crises politiques que ses voisins, la mythification de « l’humanisme républicain » du « poète-président » Léopold Sédar Senghor a brouillé notre appréciation de son action politique. Sous l’Union progressiste sénégalaise (UPS), le parti unique qu’il dirigea, son régime déploya des méthodes brutales de répression ; intimidant, arrêtant, emprisonnant, torturant et tuant ses dissidents. Rappeler qu’il fut et poète et président n’est, en soi, que factuel. Mais associer les deux et refuser de reconnaître l’autoritarisme dont il fit preuve, sous prétexte qu’il fut poète, relève d’un négationnisme historique dangereux. Le pire des défauts est de les ignorer.
Né à Joal en 1906, Léopold Sédar Senghor quitte le Sénégal à l’âge de 22 ans. Arrivé en France en 1928, il y fréquente les cercles littéraires d’intellectuels noirs. Dans les colonnes de L’Étudiant Noir, aux côtés d’écrivains comme Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas, il décrit sa volonté de porter « un mouvement culturel qui a l’homme noir en but, la raison occidentale et l’âme nègre comme instruments de recherche ; car il y faut raison et intuition » [1]. Alors que se développe le courant de la négritude, Senghor poursuit ses études et obtient l’agrégation de grammaire en 1935, devenant ainsi professeur de lettres classiques. D’après son ancien collaborateur Roland Colin, la négritude pour Senghor est davantage un idéal qu’une réalité : heurté à une confiscation identitaire dès le plus jeune âge, à l’école des « pères blancs », il cherchera à la conquérir tout au long de sa vie. « Depuis l’âge de sept ans jusqu’à la fin de sa vie, Senghor a été un homme aux prises avec ses contradictions, avec des sensibilités intimes qui le portaient vers des projets qu’il n’avait pas les moyens d’installer dans sa vie personnelle, à la hauteur de ses aspirations », analyse Colin [2].
Au sortir de la Second Guerre mondiale, Senghor intègre la commission Monnerville, chargée d’assurer la nouvelle représentation des territoires sous occupation coloniale à la future Assemblée constituante française. L’année suivante, il rejoint les rangs de la Section française de l’internationale ouvrière et siège, aux côtés de Lamine Guèye, en tant que député du Sénégal et de la Mauritanie. Dans la foulée, Senghor participe à la création du Bloc démocratique sénégalais, ancêtre de l’UPS, avec Mamadou Dia et Ibrahima Seydou N’daw.
Aimé Césaire disait de Senghor qu’il « savait qu’un jour les Français partiraient ; seulement il prenait son temps. Au fond, il les aimait » [3]. Lorsque, dans son poème « Tyaroye », écrit au lendemain de la tuerie de centaines de tirailleurs au camp militaire de Thiaroye le 1er décembre 1944, Senghor déplore une France « oublieuse de sa mission d’hier », il ne se positionne pas en dehors du cadre colonial. Pour Lilyan Kesteloot, professeur des littératures africaines et critique littéraire, il « avoue [ici] que [la France] représente encore pour lui un idéal de justice, d’honneur, de fidélité à l’engagement pris » [4]. Sa légère défiance ne remet donc pas en cause un solide sentiment républicain qui le voit passionnément chanter, dans Hosties Noires (1948), la bravoure de Charles de Gaulle et Felix Éboué, deux figures de la résistance française à l’occupation allemande.
Naturellement, Senghor est tiraillé quand de Gaulle revient au pouvoir en 1958. Ce dernier promeut alors ardemment le projet de « Communauté française », prévoyant une relative autonomie des colonies en Afrique tout en les maintenant sous tutelle française. De nombreuses plateformes politiques africaines aspirent à trouver une position commune autour du référendum prévu pour septembre 1958 et décident de se regrouper à Cotonou dans un congrès tenu en juillet. L’UPS y envoie une délégation et décide, à son tour, de rallier la position du « non ». Mais à l’approche du vote, Senghor émet ses réserves, ne voulant pas déroger « à une promesse non avouée qu’il avait faite au gouvernement français – à Pompidou et à Debré en fait – de rester dans la Communauté ». Une séparation brutale avec la France n’est pas une option pour lui. « Oui, l’indépendance, personne ne peut y renoncer, mais prenons le temps », argumente-t-il. « Combien de temps ? », lui demande son camarade Dia, en apprenant ce soudain revirement de position. « Vingt ans ! », Senghor lui rétorque-t-il, avant que les deux ne tombent d’accord sur une échéance de quatre ans [5].
Les accords de transfert de compétences de la France à la Fédération du Mali sont finalement signés le 4 avril 1960, mis en application le 20 juin. En à peine deux mois, des tensions internes font cependant éclater l’ensemble fédéral. Au Sénégal, un régime parlementaire à deux têtes, dans lequel Senghor dispose du prestige de la fonction de président de la République, est instauré. Dia, pour sa part, est chargé d’appliquer les politiques intérieures en tant que président du Conseil des ministres et détient le véritable pouvoir décisionnel. Rapidement, les deux camps se polarisent.
En poussant pour la décentralisation de la fonction publique et le renforcement des collectivités paysannes, la politique de Dia met à mal les intérêts de la France. Une faction au sein de l’UPS prépare alors une motion de censure à l’encontre de son gouvernement. Le président du Conseil s’y oppose, au nom de la primauté effective du parti. Accusé de mener un coup d’État, il est arrêté dans la foulée, incarcéré jusqu’en 1974 aux côtés des ministres Valdiodio N’diaye, Ibrahima Sarr, Alioune Tall et Joseph Mbaye [6]. Tout juste deux semaines après les événements, Senghor estime que « dans un pays sous-développé, le mieux est d’avoir, sinon un parti unique, du moins un parti unifié, un parti dominant, où les contradictions de la réalité se confrontent entre elles au sein du parti dominant, étant entendu que c’est le parti qui tranche ». En refusant une motion de censure déposée par des membres du parti, sans que celle-ci soit discutée en interne au préalable, c’est précisément ce que Dia fait. Mais il n’a plus le soutien de Senghor qui, l’année suivante, renforce le poids du pouvoir exécutif en supprimant le poste de président du Conseil.
Dans le contexte international des mobilisations anti-capitalistes et anti-impérialistes de 1968, l’université de Dakar concentre les frustrations. Les tracts qui y circulent accusent Senghor d’être un « valet de l’impérialisme français » et de nombreux étudiants estiment que le pays n’est rien de plus qu’une « néo-colonie ». Le maintien de l’ordre confié à l’armée, les descentes sur le campus provoquent au moins un mort et des centaines de blessés. Étudiants et syndicalistes sont alors déportés et internés dans les camps militaires d’Archinard et Dodji. Non seulement Senghor fait-il appel aux troupes françaises stationnées à Dakar afin de protéger l’aérodrome de Yoff et la centrale électrique de Bel-Air [7], mais il tient également une correspondance régulière avec l’ambassadeur de France au Sénégal à propos de l’évolution de la situation [8]. Au plus fort de la crise, le président propose même au général Jean-Alfred Diallo de prendre le pouvoir s’il le souhaite [9].
Senghor accueille le président français Georges Pompidou au Sénégal pour la première fois en février 1971. À son arrivée, il déclare : « Le peuple sénégalais se sent particulièrement honoré de recevoir le président de la République française […]. Car l’amitié franco-sénégalaise remonte à près de trois siècles. […] Enfin, je suis heureux d’accueillir dans mon pays un vieux camarade de lycée et un ami ». Emblématique de l’ambiguïté des rapports post-coloniaux, cette visite d’État est contestée pendant des semaines par un groupe de jeunes militants. En guise de protestation, ils incendient le Centre culturel français de Dakar, symbole de la culture française au Sénégal. Au moment de la visite, leur tentative d’attentat sur le cortège officiel est déjouée de peu. Ses commanditaires écopent de lourdes peines d’emprisonnement.
Parmi les condamnés figurent deux frères d’Omar Blondin Diop, jeune militant et artiste devenu une figure emblématique du militantisme politique révolutionnaire au Sénégal. Emprisonné en mars 1972 sur l’île de Gorée, il est retrouvé mort dans sa cellule le 11 mai 1973. Les autorités défendent rapidement la thèse du suicide mais de nombreux témoignages, dont celui du juge d’instruction chargée de l’affaire, font état d’un crime maquillé. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, qui entretient avec vigueur le mythe des « conditions humaines de détention » des prisonniers politiques, est le sulfureux Jean Collin, neveu par alliance du président [10]. Le poème de Senghor « Il est cinq heures », paru dans le recueil Lettres d'hivernage (1973), semble faire part du drame : « Il y a Gorée, où saigne mon cœur mes cœurs / […] le fort d’Estrées / Couleur de sang caillé d’angoisse ».
Aux côtés d’autres camarades, Blondin Diop avait participé à la fondation du Mouvement des jeunes marxistes-léninistes, regroupement qui donnera naissance au front anti-impérialiste And Jëf. Frappé par plusieurs vagues d’arrestations massives en 1975, ses militants sont sévèrement torturés dans les geôles du régime de Senghor : mégots de cigarette sur la peau, pendaison par les pieds, chocs électriques dans les parties génitales.
Senghor annonce sa démission de la présidence du Sénégal le 31 décembre 1980. Après la réinstauration en 1970 du poste de Premier ministre, anciennement président du conseil, il modifie la Constitution en 1976 afin d’assurer que son dauphin Abdou Diouf puisse prendre l’intérim. Dès 1977, il lui expose son plan : « Je t’ai dit que je voulais faire de toi mon successeur et c’est pourquoi il y a cet article 35. Je vais me présenter au suffrage des électeurs en février 1978 et, si je suis élu, je compte partir […]. À ce moment, tu continueras, tu t’affirmeras et tu te feras élire après ». Senghor se retire ainsi du Sénégal pour s’installer en France, où il y conceptualise sa normandité.
Le temps où Léopold Sédar Senghor chante, dans « Prière de Paix » (1948), le peuple « qui fait front à la meute boulimique des puissants et des tortionnaires » semble lointain. Lui-même est décrié, au cours de sa présidence, comme incarnation de ces puissants, à la source de la gestion néo-coloniale du pays. Bien que déclarant en 1963 que « l’opposition est une nécessité, […] la dialectique de la vie, de l’Histoire », sa légalisation n’intervient au Sénégal qu’à partir de 1981, après un multipartisme limité initié en 1976. Jusque-là, certains partis politiques (comme le Parti africain de l’indépendance, le Bloc des masses sénégalaises ou le Parti du regroupement africain) existent pour un temps, mais sont rapidement dissous ou absorbés par le parti unique.
L’indépendance du Sénégal n’est ni une coïncidence de l’Histoire ni un généreux cadeau octroyé par la France. Elle est un idéal d’émancipation de la conquête du profit par les terres, les corps et les esprits d’ailleurs que le temps ne tarit pas, pour laquelle des générations successives se sont battues, de Lamine Arfang Senghor en 1927 devant la Ligue contre l’impérialisme à Valdiodio N’diaye en 1958 devant les fameux « porteurs de pancartes ». L’indépendance n’est pas une finalité, mais un préalable. Si, comme nous l’indique Boniface Mongo Mboussa, « rigueur et dignité » sont les valeurs qui caractérisent Léopold Sédar Senghor, nous nous devons de refuser la complaisance dans notre souvenir de sa présidence. Décisive dans l’édification de la nation sénégalaise, il nous est indispensable de continuer à nous pencher sur ses non-dits, la culture de répression politique qu’elle maintint et la porte ouverte qu’elle laissa à la permanence d’intérêts étrangers. Être poète permet à l’âme de s’exprimer, mais ce n’est pas la garantie d’une gestion poétique des affaires politiques.
Florian Bobin est étudiant en Histoire africaine. Ses recherches portent sur les luttes de libération en Afrique dans l’ère post-coloniale, notamment au Sénégal sous la présidence de Léopold Sédar Senghor.
[4] Lilyan Kesteloot. Comprendre les poèmes de Léopold Sédar Senghor (Issy les Moulineaux : Les Classiques africains, 1986), 40.
[5] Roland Colin. Op. cit., 117-118.
[6] Mansour Bouna Ndiaye. Panorama politique du Sénégal ou Les mémoires d’un enfant du siècle (Dakar : Les Nouvelles Éditions Africaines, 1986), 136-154.
[7] Omar Gueye. Mai 1968 au Sénégal, Senghor face au mouvement syndical (Paris : Éditions Karthala, 2017), 246.
SenePlus publie ci-dessous l'intégratlité du communiqué de presse reçu de l'Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) relative à la crise sanitaire causée par le coronavirus.
Dans le cadre de la prévention de la propagation de la maladie à coronavirus - COVID-19, l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) informe les acteurs de la commande publique des nouvelles mesures de réorganisation de ses services.
SUR L’ACCES AU SIEGE
La porte sur la rue Alpha Hachamiyou TALL est réservée uniquement aux visiteurs et à la réception du courrier arrivé.
Sur tous nos sites, le lavage des mains, l’utilisation du gel hydro-alcoolique et le respect de la distance réglementaire d’au moins (1) mètre sont obligatoires. Les visites non professionnelles sont interdites.
SUR LES ATTESTATIONS DE REDEVANCE
Pour la demande : les usagers sont invités à envoyer les copies de leurs demandes et les pièces afférentes scannées PAR MAIL à l’adresse suivante : redevance@armp.sn ; Contacts : 76 569 57 92 / 76 644 14 08.
Pour le retrait : les usagers sont priés de nous communiquer une adresse mail et deux numéros de téléphone usuels (fixe et portable). La version scannée de l’attestation sera envoyée par mail aux titulaires de marchés. La version papier peut être récupérée au guichet ouvert au bureau du courrier de l’ARMP de 8H30 à 13H30 et 14H30 à 17H30.
SUR LA FORMATION
Les cours sont temporairement suspendus à l’Institut de Régulation des Marchés publics (IRMAP), sauf pour les enseignements à distance disponibles sur le site de l’ARMP (rubrique : E-learning).
SUR LE CENTRE DE DOCUMENTATION
Les locaux sont fermés, et les consultations et prêts de documents suspendus jusqu’à nouvel ordre.
Toutes les informations utiles et mises à jour sont disponibles sur le portail www.marchespublics.sn et le site www.armp.sn ; contacts : 33 889 11 60 - 76 645 89 09 / 76 644 28 88.
Ensemble, respectons les mesures de prévention édictées par les Autorités !
par Rama Yade
SEULE L'AFRIQUE APPARAÎT EN CAPACITÉ DE PENSER LA DESTINÉE COLLECTIVE DE L’HUMANITÉ
Au moment où le Covid-19 provoque des comportements paniqués avec d’incalculables conséquences à venir, il revient à l’Afrique de prendre l’initiative politique en proposant une feuille de route à la communauté internationale, plutôt que de l’attendre…
La pandémie de Covid-19 ne bouleverse pas seulement des certitudes technologiques, des modes de vie et un ordre géopolitique. C’est l’idée même qu’on se fait de la trajectoire du progrès humain qui est ébranlée. Si, aujourd’hui, beaucoup laissent entendre que plus rien ne sera comme avant, rien n’est moins sûr. La crise financière de 2008 est là pour le rappeler. Il faudra de la détermination pour changer la donne. Pourquoi pas à partir de l’Afrique ?
Malgré les défaillances de ses structures sanitaires aggravées par les politiques d’ajustement structurel qui lui ont été imposées depuis les années 1980, l’Afrique dispose d’atouts (contamination plus tardive, expériences de pathologies plus sévères, jeunesse de sa population…).
Surtout, alors que, depuis plusieurs années, l’Europe et les Etats-Unis ont fait le choix de se protéger des migrations derrière des frontières militarisées, s’interdisant de facto de penser la destinée collective de l’humanité, seule l’Afrique, avec sa jeunesse en perpétuel mouvement, apparaît en capacité d’envisager ce commun. Tel n’est pas le moindre des paradoxes que de voir les pays riches, initiateurs de la mondialisation, la refuser lorsqu’il s’agit de la circulation des hommes, à moins que ceux-ci ne soient leurs propres ressortissants, dès lors pourvus de la capacité d’aller où bon leur semble et même d’y importer le coronavirus !
Cette attitude a déjà gravement affaibli la gouvernance mondiale à travers le dépérissement progressif du multilatéralisme qui ne connaît de dynamique qu’en Afrique (renforcement de l’Union africaine, lancement de la monnaie « éco » et surtout, création de la plus grande zone de libre-échange au monde, la zone de libre-échange continentale africaine).
De nouveaux schémas de pensée
Au moment où le Covid-19, entre hôpitaux débordés et vols de masques entre pays riches, provoque des comportements paniqués avec d’incalculables conséquences politiques à venir, et où les prétentions dominatrices de la Chine inquiètent plus qu’ils ne rassurent, il revient à l’Afrique de prendre l’initiative politique en proposant une feuille de route à la communauté internationale, plutôt que de l’attendre. Après tout, cela fait maintenant quinze ans qu’elle connaît une impulsion prometteuse, six des économies africaines ayant réussi en 2018 à se hisser parmi les dix plus dynamiques au monde, selon la Banque mondiale.
Sur les sentiers de l’émergence, elle brosse de nouveaux schémas de pensée dans bien des domaines de sorte qu’aucun des problèmes globaux ne se règlera en dehors de l’Afrique. Comment est-il encore possible d’imaginer que les drames en Méditerranée et dans le Sahara se résoudront sans elle ? Comment croire qu’on combattra le réchauffement climatique sans le bassin du Congo, l’autre poumon vert de la planète ou le lac Tchad qui, ayant perdu 90% de sa superficie, met en danger pas moins de 40 millions de futurs réfugiés climatiques ?
Le fossé est grand entre l’expérience que l’Afrique pourrait revendiquer et son déclassement dans les instances internationales de décision. On en vient à ignorer dangereusement le leadership africain dans deux domaines stratégiques pour le monde : d’une part, la démographie (d’ici 2050, un terrien sur quatre sera africain) et le foncier (le continent abrite près de 60% des terres arables).
Le continent africain doit désormais transformer l’essai sur le plan politique. Il se donnerait la possibilité méritée de redéfinir la notion de progrès, en y introduisant ses propres critères. C’est même un devoir devant l’épuisement intellectuel de la communauté internationale, à court de solutions et dans l’incapacité de répondre aux limites d’un modèle économique de plus en plus décrié.
C’est un agenda de rupture que l’Afrique peut présenter dès maintenant. Autour de 5 priorités :
1. La création d’un Tribunal sanitaire international. Au moment où la course au vaccin est lancée, il apparaît indispensable de se pencher, avec la même urgence, sur l’origine du nouveau coronavirus. Un Tribunal, avec un pouvoir d’investigation et de sanctions (trafics d’animaux sauvages, manipulations génétiques ou autres en laboratoires), consacrerait un principe de responsabilité sanitaire. Il n’est plus supportable que le monde soit entraîné aussi régulièrement (SRAS en 2002, H1N1 en 2009, MERS en 2012, H7N9 en 2013, etc….), au bord du précipice du fait de l’irresponsabilité de quelques-uns jamais mis en cause encore moins condamnés. Il s’agit de leur ôter toute envie de recommencer !
2. C’est tout le système onusien qu’il s’agit de refonder, en consacrant l’entrée d’un nouveau membre, l’Union africaine, au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Il s’agit là aussi de répondre à la longue succession des échecs de l’ONU (missions en débandade comme la Monusco en RDC, marginalisation sur les dossiers syrien et libyen). Pour faire bonne mesure, l’entrée de l’Union
européenne (qui remplacerait la France et la Grande-Bretagne) renforcerait l’intégration européenne, qui en a bien besoin.
3. La prise en charge par les Etats africains des migrants en déshérence. Il leur revient d’exercer davantage leur devoir de protection vis-à-vis de leurs ressortissants en Méditerranée et dans le Sahara via des missions de secours et d’assistance, plutôt que de les déléguer aux ONG européennes. Ces dispositifs seraient financés -pourquoi pas de manière innovante- par des obligations auprès de la diaspora africaine dont on connaît la volonté d’implication au point que leurs transferts financiers constituent près du triple de l’aide publique au développement !
4. Des industries de transformation pour absorber l’arrivée sur le marché du travail d’un milliard de jeunes d’ici 2030. C’est un enjeu fondamental souligné par le dernier rapport de la Banque africaine de Développement (BAD), qui estime à 12 millions le nombre d’emplois à créer. Impossible quand les ressources agricoles et minières sont transformées à l’étranger. L’Afrique exporte ses emplois ! Le défi est de multiplier les TPE-PME et les aider à fabriquer sur place biens et services puis les écouler.
5. La souveraineté numérique de l’Afrique : si le leapfrog africain a permis la plus grande révolution des télécommunications au monde (en 2019, 2 mds $ -un record absolu- ont été investis dans environ 250 start-up africaines, selon le rapport annuel de Partech Africa), il ne faudrait pas qu’après avoir perdu des pans entiers de sa souveraineté politique, l’Afrique voit les données personnelles de sa population lui échapper. Voilà qui justifierait la mise en place de dispositifs de cyberdéfense face aux piratages informatiques et de datas centers pour la protection des dites données.
Qui pour incarner cette feuille de route africaine pour le monde ?
Elle ne peut être portée que par les chefs d’Etat africains les plus crédibles en ce qu’ils ont montré leur efficacité dans leurs pays, ou, à défaut, par des personnalités civiles africaines emblématiques d’une Afrique décomplexée.
Comme la génération précédente, de Nkrumah à Senghor, a su en dix années fulgurantes énoncer des principes à vocation universelle, en obtenant les indépendances et en offrant au monde des humanismes (la négritude, le panafricanisme, la francophonie…), un ordre géopolitique (le courant des non-alignés), un rendez-vous artistique mondial (le Festival des arts nègres), il appartient à la génération présente des Africains d’avancer enfin une offre susceptible d’insuffler un nouveau cours dans les relations internationales.
Mieux, une initiative africaine ne manquerait pas d’être endossée au-delà de l’Afrique, notamment par les sociétés civiles du monde entier en recherche de modèles politiques et économiques alternatifs.
Il est vrai, qu’entre révolutions démocratiques avortées au Sud et crises financières sans lendemain au Nord, le fossé n’a jamais semblé aussi grand entre l’inertie exaspérante d’une gouvernance mondiale qui tourne à vide et l’immense aspiration des peuples à davantage de justice.
Rama Yade est Ex-Secrétaire d’Etat frnaçaise chargée des Affaires Etrangères et des Droits de l’Homme, Enseignante à Sciences-Po Paris, Senior Fellow, Atlantic Council.
par Ndèye Fatou Kane
IMMIGRÉE ET CONFINÉE À PARIS (1)
Le concept d’intersectionnalité, popularisé par la juriste américaine et théoricienne de la critical race theory Kimberlé Crenshaw, ne m’a jamais paru aussi pertinent qu’en cette période
Ndèye Fatou Kane est écrivaine, bloggeuse et chercheuse en études sur le genre à l’Ehess à Paris. Dans cette première chronique, elle relate le confinement intimement vécu dans la capitale française.
Depuis dix jours que je suis enfermée chez moi, entre quatre murs, à l’exception de quelques sorties pour aller acheter de quoi me sustenter à 100 mètres de mon immeuble, je prends la pleine conscience de la mesure de confinement qui s’est abattue sur la France entière.
Le Lundi 16 Mars fut le Jour 1 de cette période noire. Le Président Macron, à travers une adresse télévisée, demandait à tout le monde de rester chez soi et de limiter les déplacements au strict nécessaire : activités professionnelles, courses, consultations médicales …
Depuis lors, je tourne et retourne dans tous les sens cette situation de confinement imposée et j’essaie d’en trouver le bout, ce qui me permettrait de retrouver un semblant de vie normale. Ne pouvant démêler ce nœud, je décidai de coucher sur le papier mon ressenti. Non pas pour « romantiser » cette situation qui n’a absolument rien d’idyllique, encore moins attirer la commisération, mais pour tout simplement dire, me raconter, afin de cueillir chaque jour comme il vient dans cette morosité ambiante.
Le concept d’intersectionnalité, popularisé par la juriste américaine et théoricienne de la critical race theory Kimberlé Crenshaw, ne m’a jamais paru aussi pertinent qu’en cette période de confinement. Loin de moi l’idée de me plaindre, car je me dis qu’en cette période sanitaire trouble, beaucoup de personnes sont dans la précarité la plus totale. Mais être une femme, Africaine de surcroît, à la peau noire, dans un pays qui n’est pas le mien, cela me fait porter plusieurs identités; identités qui participent à accroître mon angoisse et mon altérité.
Altérité qui est caractérisée par le fait qu’un des réflexes naturels lorsque survient une situation malencontreuse, est d’aller auprès des siens. Mais vu que les frontières sont fermées aux avions, la seule issue est de rester là où on est, le temps que ça se tasse. Et chez moi, c’est Dakar …
Il il suffit de risquer le nez dehors pour s’en rendre compte. L’immeuble n’a pas âme qui vive, je n’ai croisé aucun de mes voisins depuis que la mesure s’est abattue, car ils ont tôt fait de courir retrouver leurs proches. Les quelques rares personnes que j’ai croisées en m’aventurant dehors, sont des couples ou des familles, avançant en petits groupes, à la manière d’une meute faisant bloc face à l’inconnu. Et ma solitude me paraît encore plus criarde.
Le contact téléphonique avec ma patrie, le Sénégal, est maintenu avec ma mère et tous ceux qui me sont chers. Car j’ai beau ne pas y être, de même qu’ils se font un sang d’encre pour moi me sachant seule et isolée, je m’inquiète aussi pour eux, vu la course folle qu’effectue le virus de par le monde … Les autorités étatiques ont beau avoir déclaré l’état d’urgence et mis en place un couvre-feu, l’inquiétude grandit.
Dans Écrire en pays dominé (Paris, Gallimard, 1997), Patrick Chamoiseau écrit : « Le royaume lui-même se retrouve aplati malgré ses fastes et ses espaces ; il lui manque les ourlets de nuages, la brume, les vents fermentés, le sucre qui anmiganne, la muraille des cannes émotionnée d’ombres vertes, et l’épaisseur que donne au monde l’eau vivante dispersée ». Je me retrouve dans ces mots de l’écrivain martiniquais, car j’ai navigué dans une quasi-brume tout le long de ces dix jours, le quotidien affadi, les sons inexistants, la présence humaine raréfiée.
Habituellement, j’aime m’enfermer des jours durant (surtout les week-ends), pour m’adonner à des activités, scripturales surtout, tout en m’accordant quelques petites pauses. Mais en cette période de confinement, savoir que si l’on sort, on risque de se voir intimer l’ordre de retourner là d’où l’on vient – la police veille – c’est ce qui rend la situation difficilement supportable. Entre la psychose qu’installent les cas qui augmentent de jour en jour, et l’enfermement qui agit sur mes facultés physiques et mentales, j’en suis arrivée au point où faire ce que j’aime le plus – et donc écrire – permettrait de tenir, jusqu’à ce qu’une éclaircie ait lieu.
Les jours s’étirant interminablement, et après avoir tourné en rond sur moi-même un nombre incalculable de fois, je me suis dit que me mettre face à ma feuille blanche et laisser mes doigts former des lettres, des phrases, des paragraphes, serait la meilleure des occupations en attendant que l’on se réveille tous de ce mauvais rêve.
Cueillir chaque jour comme il arrive, jusqu’à ce que cette épidémie de coronavirus fasse partie des souvenirs qu’on enfouit très loin dans nos mémoires.
À dans quelques jours,
Ce texte a été publié le 27 mars.
par Aminata Touré
FACE AU COVID-19, L'AFRIQUE SE BAT ET COMPTE SUR SES PROPRES FORCES
La coopération internationale, aussi souhaitable et utile qu’elle puisse être, ne peut qu’accompagner l’engagement des gouvernements africains dans leur volonté de prendre en charge leur propre développement
Il est certainement bien trop tôt pour tirer des leçons de la pandémie du Covid19 alors qu’elle charrie toujours son lot de désolation et demeure à bien des égards une énigme aux yeux des scientifiques du monde entier. Néanmoins, à partir de certains constats nous pouvons déjà tirer quelques enseignements préliminaires pour notre continent.
La mondialisation présentée comme le modèle universel infaillible a rapidement cédé la place à un repli sur soi des nations sans précèdent dans l’histoire récente de l’humanité. La fermeture quasi-universelle des frontières, le rapatriement massif d’expatriés vers leurs pays originaires et un transport aérien international à l’arrêt sur l’ensemble du globe concourent à sérieusement battre en brèche le mythe certainement trop vite construit du village planétaire que serait devenu notre planète-terre.
Depuis près d’un mois, les pays africains vivent dans le périmètre strict de leurs propres frontières et tentent vaillamment de trouver leurs propres réponses à cette crise sanitaire mondiale imprévue il y’a seulement trois mois.
La meilleure réponse
Les gouvernements africains, à divers niveaux, mobilisent leurs experts, développent des stratégies et prennent des mesures inédites pour limiter l’expansion de virus. C’est assurément la meilleure réponse à apporter aux tenants de l’afro-pessimisme annonciateurs d’un très prochain cataclysme africain.
Le scénario apocalyptique prédit au début de la pandémie du Sida pour l’Afrique n’a pas eu lieu grâce à l’efficacité d’un partenariat mondial intelligent, mais surtout par l’engagement des gouvernements africains qui ont su élever la lutte contre le VIH-Sida au niveau de priorité nationale, en dépit de leurs nombreux autres défis de développement.
Ce sont ces mêmes efforts qui ont permis de lutter efficacement contre les grandes endémies et baisser la mortalité infantile et maternelle, même s’il reste encore des défis sanitaires importants à relever.
Il est important de relever que, lorsque les gouvernements s’engagent résolument à résoudre les grandes questions qui se posent à eux, lorsqu’ils leur accordent la priorité qui sied et l’engagement patriotique qui convient, les progrès sont au rendez-vous.
Ce qui, par la même occasion, renforce la confiance des citoyens africains envers leurs propres institutions et consolide la stabilité sociale. C’est le cas des pays africains qui connaissent des évolutions économiques et sociales appréciables. La coopération internationale, aussi souhaitable et utile qu’elle puisse être, ne peut qu’accompagner l’engagement des gouvernements africains dans leur volonté de prendre en charge leur propre développement.
Le multilatéralisme, victime du coronavirus
Dans le contexte actuel, l’une des premières victimes du coronavirus est d’ailleurs le multilatéralisme et ses multiples mécanismes et agences présentes en Afrique qui n’ont toujours pas fait la preuve par neuf de leur valeur ajoutée dans la gestion de la crise actuelle. Manifestement, la coopération internationale fait défaut ou tarde à se manifester, malgré les efforts de plaidoyer du secrétaire général de l’ONU.
Plus que jamais auparavant, l’Afrique se rend compte qu’elle ne peut d’abord compter que sur elle-même pour se préserver du Covid-19. Pour exemple, à l’hôpital Fann de Dakar, structure de prise en charge des cas graves de Coronavirus, il n’y a que des médecins, infirmiers, aides-soignants et autres personnel de santé exclusivement sénégalais qui se battent nuits et jours pour sauver des vies.
Partout ailleurs sur le continent, les gouvernements se battent, trouvent des solutions endogènes avec les moyens dont ils disposent pour protéger leurs populations. C’est dire que l’Afrique cherche ses solutions, forte de ses expériences antérieures de lutte contre les grandes endémies et de son savoir scientifique. Faut-il rappeler qu’il y’a 25 ans, en 1985, le professeur Souleymane Mboup découvrait le VIH 2 dans son modeste laboratoire du Centre hospitalier Aristide- le Dantec, une variante du VIH1 connu et étudié par ses confrères européens et américains ?
Il est grand temps de mettre en place un véritable partenariat scientifique entre nos universités africaines afin de trouver des réponses préventives, thérapeutiques et pharmaceutiques aux pathologies dont souffrent les populations africaines mais aussi en anticipation d’autres pandémies à venir.
Il nous faut activement encourager la diaspora scientifique africaine à tisser des liens de coopération et d’échange avec leurs collègues du continent afin que voient le jour des centres de recherches et laboratoires africains au service d’industries africaines de rang mondial du médicament et du vaccin. C’est la voie véritable de notre souveraineté sanitaire.
Pour l’heure, la mission première de l’Union africaine et des commissions sous-régionales est d’harmoniser le combat de l’Afrique contre le Covid-19 en mettant rapidement en commun nos connaissances, en mutualisant nos moyens et en galvanisant la résilience exceptionnelle de nos peuples.
Aminata Touré est présidente du Conseil Économique, Social et Environnemental du Sénégal ; et ancienne ministre de la Justice, ancienne Première ministre.
par Abdoul Mbaye
LA FABRICATION LOCALE CONTRE LA CRISE GLOBALE DU COVID-19
Il y a lieu de lancer une production locale de masques par notre dynamique artisanat de la confection - La fabrication locale de gel hydro alcoolique doit également être promue -
L’unanimité existe désormais sur le fait que le port généralisé du masque est un des meilleurs moyens pour limiter et même empêcher la dissémination du virus Covid-19.
Malheureusement, la fabrication mondiale de masques produits est en deçà des besoins mondiaux au point de saturer la capacité de production des usines chinoises. En outre, seule une logistique coûteuse passant par l’organisation de ponts aériens permet de couvrir une partie de la demande des pays de la planète les plus nantis, les seuls en mesure de faire face à de telles dépenses.
L’insuffisance de masques au Sénégal a conduit à une vive spéculation sur leur prix, ce qui réduit considérablement l’accès de la majeure partie de la population à cette protection devenue indispensable.
Aussi y a-t-il lieu de lancer une production locale de masques par notre dynamique artisanat de la confection. Ils seraient certes moins performants, ne répondant pas nécessairement aux normes les plus élevées, mais devraient au moins empêcher le voyage du virus par gouttelettes ou par la seule parole (voie de transmission désormais considérée plausible).
Pour ce faire, il conviendrait de :
1 - faire retenir par un comité réunissant spécialistes de la confection et praticiens médecins un patron à appliquer par les futurs fabricants. Il existe d’ailleurs des tutoriels de fabrication de masques en tissu accessibles sur le net ;
2 - définir un prix de vente dans le commerce du masque fabriqué et un prix d’achat par l’État qui devra en passer commande de grandes quantités à l’effet d’organiser des distributions gratuites aux citoyens les moins nantis et les plus exposés ;
3 - sélectionner les ateliers de confection qui seront habilités à fabriquer les masques sur commande de l’État selon des critères de capacités techniques et surtout de respect strict de règles d’hygiène portant sur l’environnement des ateliers (de l’achat des matières premières à la confection) et l’équipement de leur personnel.
La fabrication locale de gel hydro alcoolique doit également être promue. Des pharmaciens et quelques usines particulières (pharmaceutiques et de cosmétiques) devraient être en mesure d’en assurer la production de quantités significatives si les matières premières sont disponibles. L’emballage serait fabriqué par nos usines de plastique. Cette production empêchera également l’importante spéculation sur le prix de ce produit et pourrait être exportée vers les pays voisins.
Je rappelle enfin la nécessité de relancer la production de chloroquine en remettant en activité la société Medis.
Sur un autre registre concernant également la promotion des productions locales, la préparation de la prochaine campagne agricole dans l’urgence et avant la fin du mois en cours doit reposer sur un accent fort mis sur la production des céréales locales (mil, riz, maïs, etc…). Le retour à un niveau satisfaisant du fonctionnement des marchés mondiaux de denrées et produits alimentaires risque en effet de prendre un long temps. Les pays économiquement plus faibles seront les derniers à pouvoir retrouver leurs parts de marché à l’importation. Il est donc essentiel de s’y préparer en développant nos productions agricoles locales.
Au Sénégal, il conviendra alors de mettre à la disposition des agriculteurs des semences de qualité (certifiées et non « sélectionnées »), et des engrais dont les prix devront être négociés avec l’entreprise les ICS puisque cette production est déjà locale.
C’est en outre l’occasion d’encourager notre jeunesse inactive et dont les petits revenus gagnés dans le secteur informel sont très largement compromis, à renouer avec l’intérêt de l’agriculture.
Dans l’espoir que ces quelques propositions vous seront d’utilité, je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de notre considération citoyenne.