LE NIGERIA DEMANDE UN REPORT DU LANCEMENT DE L’ECO
"La position d'Abuja sur l'eco est que les critères de convergence (entre Etats) n'ont pas été atteints par la majorité des pays" devant adopter cette monnaie commune
Le Nigeria a demandé lundi un report du lancement de l'eco, monnaie unique ouest-africaine, prévu théoriquement cette année.
"La position du Nigeria sur l'eco est que les critères de convergence (entre Etats) n'ont pas été atteints par la majorité des pays" devant adopter cette monnaie commune, a indiqué la présidence nigeriane sur son compte Twitter.
"Il doit par conséquent y avoir un report du lancement de la monnaie unique", ajoute-t-elle.
Les quinze pays membres de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédeao), dont le Nigeria est membre, avaient indiqué l'an dernier qu'ils souhaitaient lancer l'eco en 2020, après bientôt trente de débats.
Mais fin décembre, huit pays francophones d'Afrique de l'Ouest, qui utilisent le franc CFA, avaient annoncé leur décision de remplacer leur monnaie commune par l'eco et de rompre ainsi les liens très controversés avec la France, ancienne puissance coloniale, qui accueillait notamment la moitié de leurs réserves de changes en échange de la convertibilité du CFA avec l'euro.
L'annonce surprise avait été faite par le président ivoirien Alassane Ouattara lors d'une visite de son homologue français Emmanuel Macron au lendemain d'un sommet de la Cédeao qui avait encouragé les efforts visant à mettre en place une monnaie unique ouest-africaine d'ici à juillet.
Le Nigeria et plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, notamment anglophones, avaient deux semaines plus tard dénoncé cette décision de remplacer le franc CFA par l'eco, affirmant qu'elle n'était "pas conforme" au programme adopté récemment par l'ensemble de la région pour mettre en place une monnaie unique.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
COMMUNICATION PRÉSIDENTIELLE IRRESPONSABLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand on veut gérer une crise, il faut savoir prendre les bonnes décisions au moment approprié en manageant avec intelligence et humanisme ses compatriotes - Ce n'est pas le cas de Macky Sall
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 10/02/2020
«La question du rapatriement (ndlr : des 13 étudiants qui se trouvent à Wuhan dans la province de Hubei en Chine) n’est pas simple et le Sénégal n’a pas les moyens de les faire rentrer et de les prendre en charge en toute sécurité. Même les grands pays qui ont pu faire des rapatriements l’ont fait avec beaucoup de difficultés. Cela requiert une logistique tout à fait hors de portée du Sénégal. Il faut des avions spéciaux qui puissent aller sur place, il faut du personnel, ce ne sont pas des compagnies aériennes mais des appareils militaires. Lorsque ces personnes reviennent, il faut pouvoir les mettre en quarantaine dans un lieu équipé en conséquence, ce qui n’est pas encore le cas pour le moment de notre pays et des pays africains », a-t-il déblatéré sur la situation qui prévaut en Chine le lundi 3 février à Dakar en marge de la cérémonie de levée des couleurs au palais présidentiel. Une telle déclaration, synonyme d’aveu d’impuissance, qui secrète une profonde violence discursive, a fait l’effet d’une bombe en semant le désarroi chez les étudiants pris en otage à Wuhan à 12 790 km de Dakar, chez leurs familles respectives et chez tous leurs compatriotes d’ici et de la diaspora. En le martelant de façon aussi péremptoire, il ne savait pas que, ce même jour du 3 février, Air Algérie en provenance de Wuhan, avec à son bord 36 Algériens, 10 Tunisiens et 24 Mauritaniens et Libyens suivis par une équipe médicale dirigée par deux femmes infectiologues et un infirmier spécialisé, atterrissait à l’aéroport Houari-Boumediene d’Alger. Et dès leur arrivée à l'aéroport Houari Boumedienne d’Alger, tous les ressortissants rapatriés ont été accueillis et pris en charge par un staff qui les a acheminés à l’hôpital d’El Kettar pour un suivi médical spécial.
Donc c’est une contrevérité que de dire que les pays africains n’ont pas l’expertise et la technologie médicale appropriée pour rapatrier nos compatriotes qui sont en otage dans l’enfer pandémique de Wuhan. L’Algérie n’a pas utilisé un appareil militaire mais un avion civil pour rapatrier ses ressortissants. Le Canada a, lui, affrété un Airbus A330 auprès de la compagnie aérienne charter « Hi Fly Malta » transportant Canadiens rapatriés de la ville chinoise de Wuhan pour rapatrier ses 176 ressortissants. L’argument financier n’est pas soutenable pour dire que notre pays ne peut pas rapatrier ses fils bloqués à Wuhan puisque un airbus nolisé couterait moins de 100 millions de francs CFA à raison 10 mille dollars chaque heure de route. Si l’argument financier n’est pas rédhibitoire pour ramener les enfants au pays, le prétexte médical nous parait encore léger d’autant que l’Union africaine a choisi l’Institut Pasteur de Dakar pour organiser la riposte contre le 2019-nCoV. Sinon tout le dispositif préventif mis en amont à l’aéroport Blaise Diagne n’est qu’un tape-à-l’œil si notre corps médical mobilisé ne peut pas en aval riposter contre le coronavirus. Pendant trois jours, quinze laboratoires de divers pays africains à savoir du Maghreb (Egypte, Maroc, Tunisie), de l’Afrique de l’Est (Ethiopie, Kenya, Ouganda), de l’Afrique centrale (Cameroun, Gabon, République démocratique du Congo), de l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Nigeria, Sénégal) et de l’Afrique australe (Zambie), ont séjourné dans la capitale sénégalaise pour un atelier de formation continental contre le 2019-nCoV. C’est donc dire que notre pays ne doit rien envier à l’Algérie qui a convoyé avec ses moyens financiers et médicaux et suivi avec succès ses ressortissants. Le seul obstacle qui puisse se dresser contre le rapatriement, c’est l’argument technique. Etant donné que la distance Dakar et Wuhan est de 12 790,31 km, le temps de vol sera approximativement de 15h 32 min. Ainsi, le temps de l’avion ne pouvant pas excéder 10 heures dans une amplitude de 14 heures, des problèmes peuvent surgir à ce niveau d’autant qu’aucun pays ne voudra nous accorder une escale compte tenu des craintes de propagation éventuelle du virus.
Si après son aveu d’impuissance, les familles des Sénégalais de Wuhan sont sortis hors de leurs gonds pour déverser leur bile sur le président Macky Sall, c’est parce qu’ils ont ressenti le manque d’empathie qui a émané de sa communication catastrophique, voire irresponsable. Le talon d’Achille du régime de Macky Sall, c’est la faillite de sa communication. Combien de fois le président a-t-il lui-même déploré l’absence d’une communication qui mettrait en lumière ses réalisations ? Si les Sénégalais se plaignent itérativement de la nullité notoire de Ndèye Tické Ndiaye, ministre de l’Economie numérique et des Télécommunications et porte-parole du gouvernement, c’est parce que cette dernière, les rares fois qu’elle ouvre la bouche pour communiquer, virent au désastre.
Toute crise entraîne des réactions émotionnelles diversifiées (désarroi, anxiété, psychose ou panique) chez les premiers concernés. C’est pourquoi, en temps de crise, le président doit mettre en œuvre toutes ses compétences et son savoir-faire pour rasséréner ses compatriotes en difficulté et être aux avant-postes dans la recherche des solutions. En cette période d’incertitude et de désarroi, les Sénégalais en difficulté dans l’enfer chinois ont plus besoin d’un président qui a plus d’attention et d’empathie que d’une déclaration tonitruante kafkaïenne. Ainsi, Macky Sall qui demeure le seul référent dans cette psychose doit rester calme, avoir le sens de l’organisation et éviter d’alimenter un climat d’impuissance ou faire preuve de démission. Même s’il était avéré que le gouvernement ne peut pas dans ces conditions ramener au pays ses enfants, il fallait procéder d’une manière qui conscientisât les parents sur les difficultés de rapatriement mais qui aussi les rassurât des initiatives prises par l’Etat pour trouver une solution au problème en question. Quand on veut gérer une crise, il faut savoir prendre les bonnes décisions au moment approprié en manageant avec intelligence et humanisme ses compatriotes en situation difficile. Ce qui n’est malheureusement pas le cas avec le président Macky Sall qui se plait et se complait très souvent dans des positions radicales qui choquent ses compatriotes.
POUR UNE RUPTURE AVEC LE DISCOURS NÉO-LIBÉRAL DOMINANT
EXCLSUIF SENEPLUS - Au même titre que le Fcfa, l'Eco est une imposture - Ces africains qui se prennent pour des économistes ne sont qu'en réalité des répétiteurs - ENTRETIEN AVEC UPAHOTEP KAJOR MENDY
Il a fallu qu'il dévore les œuvres du professeur pour savoir exactement ce qu'il doit faire pour être au service de l'Afrique. 34 ans après le décès de Cheikh Anta Diop, Upahotep Kajor Mendy reste déterminé pour l'éveil des consciences en Afrique. Dans cet entretien accordé à SenePlus, l'auteur de "Histoire politique de l'Afrique, l'exigence de leadership" fait le plaidoyer pour la valorisation de l'oeuvre de l'égyptologue, lance un appel pour l'introduction des langues nationales dans le système scolaire et dénonce l'incompétence des économistes africains à proposer une alternative monétaire pour l'Afrique.
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LA CAF, GENTIL TOUTOU DE LA FIFA
Si le mandat d'Ahmad Ahmad devait être celui de la transparence, il n'en est rien. Soutenu par la FIFA, lui et les autres dirigeants africains obtempèrent aux volontés de Gianni Infantino qui déroule son agenda politique sans sourciller
La Confédération Africaine de Football (CAF) est confrontée à un nouveau scandale de détournement des subventions FIFA par dizaines de millions.
Si le mandat d'Ahmad Ahmad devait être celui de la transparence et du changement, il n'en est rien. Soutenu coûte que coûte par la FIFA, lui et les autres dirigeants africains obtempèrent aux volontés de Gianni Infantino (changer la date de la prochaine CAN par exemple), qui déroule son agenda politique sans se soucier du reste...
MACKY SALL-CHEIKH OUMAR HANN, LES SECRETS D'UNE LONGUE ENTENTE
Entre le président de la République et le ministre de l’Enseignement supérieur, qu’il défend en tout lieu, malgré les fortes accusations de prédation de deniers publics, il y a une forte relation qui déborde du lit politique
OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE & SOPHIE BARRO |
Publication 10/02/2020
C’était pas la Saint-Sylvestre, mais une Saint-Macky. Pour la dernière soirée de l’an 2019, le Sénégal n’avait d’yeux que lui. Le Président aimante tous les regards, magnétise toutes les attentions. Juché sur son statut de chef…d’Etat, au cœur du Palais présidentiel, il débriefe les dits et les non-dits de son allocution de fin d’année, questionné par un parterre de journalistes triés sur le volet. Entre sourire millimétré, verbe calibré et omission volontaire, Macky Sall mène un show sur mesure, quand surgit une question sur la «promotion» de Cheikh Oumar Hann, passé du strapontin de Directeur décrié du Coud au rang de ministre révéré de l’Enseignement supérieur, malgré le rapport à charge de l’Ofnac sur sa gestion du Centre des œuvres universitaires de Dakar. Visage subitement crispé, verbe raidi, le Président bredouille une réponse teintée de colère froide : «Le cas de Cheikh Oumar Hann, quand il était au Coud, je l’ai appris à (travers) la presse. Parce que l’Ofnac transmet son rapport au procureur (de la République), ce qui signifie qu’il est indépendant. (…) Ce n’est pas le rôle de l’Ofnac de parler des subventions et autres. Il gère les questions de corruption. (…) Ce n’est pas parce que quelqu’un est cité dans un rapport qu’il est forcément coupable. Parce que, comme nous le savons tous, il y a un principe contradictoire consistant à recueillir la version de la personne incriminée.» Et ce ne fut pas le cas, selon celui qui s’est posé ce soir-là comme l’avocat-défenseur d’une des figures les plus clivantes de sa majorité. En sous-texte, le message présidentiel semblait bluffant de limpidité : «Touche pas à mon Cheikh Oumar Hann !» Une posture incomprise par beaucoup de suiveurs de la République et qui interroge sur la nature foncière de la connexion affective et politique entre Macky Sall et l’un de ses ministres les plus controversés. Un rapport quelque peu singulier entre Sall et Hann qui (entre)mêle l’histoire, la famille, la politique et la religion.
Il y a de la passion dans sa rage, de l’affection dans son verbe. Il la revendique, cette parole, lui l’oncle, le frère puiné à la «mère de…». Ce n’est pas une simple intervention à enfouir dans une page de journal. C’est une question d’honneur, un exercice à portée symbolique, historique. Un devoir de loyauté envers un neveu que la chronique présente comme le symbole de la mal gouvernance du régime de Macky Sall. Un sulfureux gestionnaire à qui on ne refuse rien et qui ne se refuse rien. Une accusation qu’il a longtemps perçue comme un outrage contre sa famille et dont le livre de Pape Alé Niang, «Scandale au cœur de la République : le dossier du Coud», basé intégralement sur un rapport de l’Office National de lutte contre la Fraude et Corruption (Ofnac), est venu exacerber, accentuant sa douleur. Un peu comme on remue le couteau dans une plaie. Alors, quand on interpelle Mamadou Diagne dit Kopa, ancien garde pénitentiaire à la retraite, sur les relations entre Macky Sall et Cheikh Oumar Hann qu’il défend en toute occasion malgré la clameur publique, le frangin de Khardiata Diagne dite Coumba, mère du ministre de l’Enseignement supérieur, est comme investi d’une mission. Celle, selon ses mots, de rétablir la vérité. Il en est intimement persuadé. Il dit, comme on tisse un fil d’Ariane : «Entre les deux, la relation remonte à quand ils étaient étudiants.»
Cheikh Oumar Hann, professeur de Marième Faye Sall
A l’époque, l’actuel chef de l’Etat et son ministre de l’Enseignement supérieur militent tous les deux, à And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme. Un parti de la Gauche sénégalaise. Même s’ils ne sont pas des inséparables, Macky Sall et Cheikh Oumar Hann se fréquentent. Ils partagent en commun leur origine foutanké, mais aussi un idéal : celui porté par ce parti, né dans la clandestinité en 1973, dans un contexte général influencé par les manifestations contre la guerre du Viêt Nam, en mai 68 et la Révolution culturelle chinoise. Un parti officiellement reconnu le 14 avril 1992. Les jeunes Sall et Hann ont un rêve commun : la transformation structurelle du Sénégal. Un objectif que AJ/Pads peine à atteindre à cause d’une régression idéologique face à la marche du monde et un surplace électoral qui feront plus tard partir beaucoup de cadres, dont Macky Sall. Pas Cheikh Oumar Hann.
Selon des témoins de l’époque, quand l’actuel président de la République est parti rejoindre le Parti démocratique sénégalais (Pds) de Me Wade, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation est resté dans les rangs. «Par pur opportunisme», accuse-t-on. Une occasion unique de profiter de sa proximité avec Landing Savané… qu’il «trahira» plusieurs années plus tard pour rejoindre le camp de Mamadou Diop Decroix. Quelques années après que sa trajectoire politique a (re)croisé celle de Macky Sall, dont l’épouse, l’actuelle Première Dame, Marième Faye Sall, est l’étudiante en 1re année à l’Ecole Nationale Supérieure Universitaire de Technologie (Ensut) devenue Ecole supérieure polytechnique. Docteur ingénieur en sciences physiques, option Génie des Procédés, l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur a servi dans cet établissement où il a été un assistant-stagiaire avant de devenir plus tard maître-assistant. «C’est dans ces circonstances, explique un proche du couple présidentiel, qu’il a connu Marème Faye Sall qui fut son étudiante.» Et plus tard, l’amie de son épouse, Astou Niane. Mamadou Diagne dit Kopa, oncle de Cheikh Oumar Hann, en témoigne. «Le jour où la mère de Cheikh Oumar Hann est revenue de La Mecque, à cette époque Macky Sall n’avait pas de grandes responsabilités sous le régime de Me Wade, Marième Faye Sall était venue ici à la maison (à Thiès) accompagnée de Astou Niane, épouse de Cheikh Oumar pour présenter ses hommages à ma sœur. Leurs relations datent de longtemps.» Elle est à l’image de celle de leurs époux engagés en politique.
Macky Sall, patron de Cheikh Oumar Hann au ministère de l’Industrie
L’élection du Président Wade en 2000 va réunir les deux amis qui vont activement participer à la gestion des affaires publiques. Ils font partie des premiers servis par le Pouvoir de l’alternance. De simple agent, Macky Sall est bombardé Directeur général de la Société des Pétroles du Sénégal (Petrosen). Nommé ministre de l’Industrie, Landing Savané envoie son ombre, Cheikh Oumar Hann, à l’Agence sénégalaise pour l’innovation technologique (Asit). Et si Macky Sall qui va, un an plus tard, devenir le ministre de tutelle de son camarade d’infortune, prend du galon au sein du gouvernement dont il sera le chef en 2007, avant d’être atrocement combattu par Me Wade qui le fera ensuite tomber du Perchoir de l’Assemblée nationale, Cheikh Oumar Hann, lui, est resté tout ce temps au même poste. Un strapontin qu’il cédera juste après la réélection du Pape du Sopi. En 2007.
Deux ans plus tard, en 2009, une fronde éclate au sein d’Aj/Pads. Cheikh Oumar Hann choisit son camp. Il quitte Landing Savané pour s’allier avec Mamadou Diop Decroix. Homme politique controversé, il sera accusé à tort ou à raison d’avoir fait le vide autour de Landing Savané. Vieux Sow est membre du secrétariat permanent de Aj/Pads. Il révèle : «Ils voyageaient ensemble partout dans le monde. Mais bon nombre de nos camarades ne l’appréciaient pas parce qu’il avait réussi à créer le vide autour de Landing Savané. D’ailleurs, il avait réussi à créer un cercle restreint autour de Landing Savané. Ce qui n’avait pas plu à beaucoup de responsables du parti. En vérité, il a participé à créer le différend entre Landing et Decroix. Devant ses intérêts, Cheikh Oumar Hann ne recule jamais.» Et lors du Congrès de la scission portant Mamadou Diop Decroix secrétaire général de Aj/Pads, Cheikh Oumar Hann fait partie des trois secrétaires généraux adjoints. «Durant cette période, Mamadou Diop Decroix s’était arrangé avec Me Abdoulaye Wade pour faire nommer Cheikh Oumar Hann, ministre-Conseiller à la présidence de la République», informe un haut responsable de Aj/Pads. Mais il ne prendra pas fonction. Il n’a pu rejoindre son poste de ministre-conseiller à la Présidence de la République. «Parce qu’il voulait plus qu’un simple poste de ministre-conseiller», explique-t-on.
Cheikh Oumar Hann lâche Aj-Pads et Wade pour soutenir Macky Sall
Alors que son ami Macky Sall, qui se cherche un destin présidentiel, lance son propre parti, l’Alliance pour la République (Apr), Cheikh Oumar Hann, lui, au plus fort de la crise au sein de Aj/Pads entre Mamadou Diop Decroix et Landing Savané, veut se positionner à Thiès. Mais il sera rudement rejeté par ses camarades. Touché dans son orgueil, il se radicalise et décide de se ranger du côté de Decroix. Vieux Sow raconte : «A l’époque, Cheikh Oumar Hann était le Secrétaire général adjoint (Sga) de And-Jëf, proche de Mamadou Diop Decroix. Il était venu assister à une réunion du Bureau permanent (Bp) de Aj à Thiès. Il a manifesté son souhait de militer à Thiès. Les responsables du parti lui ont fait comprendre qu’il pouvait militer, mais il était impensable qu’il aspire à diriger le parti à Thiès. Quand il a été rejeté à Thiès, il est allé militer à Ndioum.» L’intégration de Cheikh Oumar Hann à Ndioum, cité d’origine de ses parents, sera facilitée, selon des témoins, par l’ancien maire de la localité, Habibou Datt, mari de Oumou Salamata Tall. Les deux hommes étaient des alliés politiques et, de 2002 à 2009, Cheikh Oumar Hann a été le premier adjoint au maire de cette ville du nord. «Aux Locales de 2009, ils se représentent mais sont battus par l’ancien directeur général du Cosec, Amadou Kane Diallo, devenu maire de Ndioum.» Macky Sall, lui, rempile à Fatick sous la bannière de la coalition «Dékkal Ngor», regroupant les partis alliés du leader de l’Alliance pour la République (Apr).
Cheikh Oumar Hann, qui a gardé les meilleures relations avec Macky Sall n’aura aucun scrupule à le rejoindre au second tour de la Présidentielle de 2012. Vieux Sow se rappelle le spectaculaire retournement de veste de Cheikh Oumar Hann : «Lors d’une réunion du secrétariat permanent d’Aj/Pads en 2012, il a voulu convaincre nos camarades de gauche de soutenir Macky Sall au second tour de la Présidentielle. Mamadou Diop Decroix et nos camarades avaient décidé d’être du même bord que Me Abdoulaye Wade. Cheikh Oumar Hann, qui avait senti que les carottes étaient cuites pour le Président sortant, décide de quitter Aj/Pads pour soutenir Macky Sall. Il n’a pas attendu la tempête marron-beige qui va emporter Wade.» Cheikh Oumar Hann aurait voulu faire payer à Me Wade son refus de le nommer ministre plein. «Mamadou Diop Decroix avait 3 secrétaires généraux adjoints. Il y avait Seydou Touré qui était directeur général d’une société nationale, Mouhamadou Daff était président de conseil d’administration (Pca), Cheikh Oumar Hann était le seul Sga qui n’avait pas de poste de responsabilité dans l’appareil d’Etat. Il a très mal pris cela. Il n’a donc pas hésité à rejoindre Macky Sall au 2nd tour», explique Vieux Sow. Il ajoute : «Je ne dis pas qu’il n’a pas de vertus politiques, mais il a au moins beaucoup de qualités humaines. Il donne tout ce qu’il a. Quand il a un million de FCfa en poche, il peut le distribuer tout de suite et se retrouver avec zéro franc l’heure suivante. C’est sa nature. Il donne sans compter.» Jusque dans ses croyances… religieuses qu’il partage également avec Macky Sall.
Le président et son ministre ont le même marabout
Une grande partie de la confiance à toute épreuve que le chef de l’Etat accorderait au ministre de l’Enseignement supérieur est à chercher à Louga, auprès de la famille Omarienne. Cette famille religieuse, plus précisément son Khalife actuel, Thierno Bachirou Tall, est, selon beaucoup de témoignages, le point d’ancrage entre les deux hommes. «Pour ne pas exagérer, explique un proche du marabout, je dirais juste que Cheikh Oumar Hann fait partie des hommes de confiance du Khalife. Il est dans le premier cercle de proches du saint-homme. C’est à lui qu’il avait confié les travaux pour le désenclavement de la ville de Halwar. Et ce sont les mêmes relations que le Président entretient avec le marabout, qui est également un ami et un père pour lui. En signe d’affection à Macky Sall, il lui a récemment offert une maison à Louga.» C’était en janvier dernier, lors de la 56e édition de la ziarra annuelle de la famille omarienne dédiée à Thierno Mountaga Daha Tall.
Entre Macky Sall et Cheikh Oumar Hann, la relation déborde même du lit du sentimentalisme, de l’historicité des rapports familiaux et du spirituel, elle aurait aussi épousé les formes d’une stratégie politique. «Dès les premières fuites du fameux rapport, le Président a encaissé le travail de l’équipe de l’Ofnac comme une attaque à son encontre personnelle, explique un proche du Palais. Outre la personne de Cheikh Oumar Hann, il se sent visé par une enquête qui cherche, selon lui, à éclabousser sa mandature. Déjà que pour le Président, l’Ofnac a outrepassé ses prérogatives dans cette affaire. Macky Sall ne veut pas aussi offrir Hann comme une victime sacrificielle pour tenter de se donner bonne conscience ou de contenter une partie de l’opinion qui lui est défavorable.» Mieux, il y aurait, en arrière-plan, une stratégie politique derrière ce soutien accru du Président de la République à son ami Cheikh Oumar Hann. «C’est en partie pour réduire l’ascension du ministre Abdoulaye Daouda Diallo à Podor, explique un célèbre parlementaire. En appuyant et renforçant Cheikh Oumar Hann, Macky Sall a aussi voulu atténuer la puissance d’Abdoulaye Daouda Diallo à qui on prête une ambition présidentielle à Podor.» De quoi offrir une énième grille de lecture et complexifier davantage l’exégèse du rapport entre un Président et «son» ministre dont la relation reste sourde face à la clameur des vigies de la bonne gouvernance.
MINA LA VOILÉE, LA RÉSISTANTE DE LA SCÈNE HIP-HOP SENEGALAISE
On lui avait dit que le voile et le rap n'étaient pas compatibles : Mina la voilée a prouvé le contraire. Artiste et féministe revendiquée, elle défend, avec un flow percutant, la liberté et les droits des femmes
"Quand je chante, je ne suis pas musulmane, ni catholique, ni animiste. Je suis juste une femme qui fait du rap." À 27 ans, Mina la voilée s'est imposée comme une artiste incontournable du hip-hop "galsen" (verlan de "Sénégal"). Une bataille durement menée pour celle qui cumule deux "stigmates" : femme et voilée.
Le rap et le voile, "ça colle pas ensemble"
Pour Mina, le rap a toujours été synonyme de résistance. Elle tombe dedans en 2012, alors que le Sénégal est en proie à une fronde populaire depuis plusieurs mois. La rue s'oppose à la candidature d'Abdulaye Wade à la présidentielle et les rappeurs sont en première ligne de la contestation. Alors que leur lycée du quartier de Parcelles, à Dakar, est tout le temps en grève, Mina et sa bande s'infusent des sons des rappeurs Keur Gui, Fou Malade ou 5kiem Underground, chefs de file du collectif "Y'en a marre", mouvement d'opposition qui porte les revendications de la jeunesse dans la rue.
"L'école était tout le temps fermée et avec mes copains, on redoutait une année blanche", raconte Mina à France 24 (une année scolaire est considérée comme blanche quand il y a plus de jours de grèves que de jours de cours, entraînant l'annulation des examens). "Le collectif de rap du lycée a sorti une chanson pour dénoncer la situation. Ils m'ont invitée à chanter."
Seule fille du groupe, elle impose son flow percutant. Mais Mina porte le voile : "Le collectif trouvait que le rap et le voile, ça collait pas ensemble. Alors ils m'ont demandé de l'enlever". Ce qu'elle fait. Elle tourne son premier clip à tête découverte et fait une entorse à sa pratique religieuse pendant plus d'un an, concession indispensable pour se faire sa place dans le milieu. "Je n'étais pas très à l'aise mais mon envie de rapper était plus forte", explique Mina.
Artiste "en cachette"
Elle doit aussi surmonter les pressions familiales. Mina a grandi dans une famille qu'elle qualifie de "conservatrice", et son père ne voit pas d'un bon œil ses velléités artistiques. "Chez moi, on doit se lever tôt, travailler et se coucher tôt. Je n'avais pas le droit de sortir le soir", nous raconte la jeune femme. Elle se entame des études de communication, mais sa passion ne la lâche pas.
"Je séchais les cours pour faire du free style et avec la complicité de ma mère, j'arrivais à aller à quelques concerts. Pendant quatre ans, j'ai vécu ma vie artistique en cachette", se souvient-elle. Puis en 2016, elle se décide de s'imposer : elle arrête ses études, enregistre un premier titre et assume le port du voile.
Son premier single "Sale Rap Malékoum", écrit en wolof, est un cri de colère. "J'y dénonce le rap qui favorise le business plutôt que l'engagement, celui qui ne montre que des filles nues, qui ne m'accepte pas. Je dénonce ceux qui veulent me dicter ma conduite, mon style vestimentaire. Je leur dis 'basta'."
Ce titre lui vaut de violentes charges sur les réseaux sociaux et elle rencontre des oppositions de toutes parts. Soit on lui reproche le port du voile, "incompatible avec la scène hip-hop"; soit on lui reproche la scène, "incompatible avec l'islam". "Beaucoup d'hommes m'ont insultée, m'ont dit que je gâchais la religion, que j'étais l'incarnation de Satan, etc.", se souvient Mina.
Le rap, acte de résistance féministe
Mais plutôt que de la décourager, ces attaques la rendent plus combative ; elle intègre Gënji Hip Hop ("gënji" qui veut dire "femme", en wolof), un collectif de plus de 70 femmes militantes issues des cultures urbaines (rappeuses, vidéastes, slameuses, graffeuses, désigneuses, techniciennes, journalistes, etc.). Ensemble, elles défendent leur place dans un milieu encore très largement dominé par les hommes.
"Même si ça va mieux qu'avant, les femmes du milieu restent plus 'renouvelables'. L'injonction socio-culturelle reste forte. Dès qu'une femme se marie, elle doit arrêter de chanter. Dès qu'elle fait des études, elle doit arrêter. C'est difficile de s'imposer sur le devant de la scène", nous explique Mina. "Aujourd'hui, on a envie de montrer qu'on peut être au premier plan et qu'on peut exister durablement dans la musique."
La collectif, qui a l'ambition de créer, à terme, des structures autonomes 100 % féminines, a élargi son combat pour défendre plus largement les droits des femmes au Sénégal. Dans leurs titres, les rappeuses du Gënji Hip Hop dénoncent les mariages précoces, l'excision ou les violences sexuelles. "La musique m'a forgée, m'a rendue plus combative, assure Mina. Je ne me laisserai plus jamais dicter ma conduite. C'est ce message de femme libre que je veux faire passer".