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27 juillet 2025
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
LA MESSAGÈRE DU CHRIST
EXCLUSIF SENEPLUS - Il y a un trop-plein de religion en Afrique - Pour la majorité des citoyens-croyants, toutes les incommodités deviennent acceptables - On se complait dans la laideur de la vie - NOTES DE TERRAIN
- Avez-vous cinq minutes à m’accorder. Je veux vous parler de quelque chose.
- Bien-sûr ! Vous voulez me dire quoi ?
- Je veux que nous discutions de Jésus.
- Désolé, peut-être une prochaine fois.
Je venais juste de finir ma pause. J’allais rejoindre mon bureau lorsqu’une jeune femme m’a interpellé dans la rue. Elle était hésitante. Je l’ai vue se diriger vers moi, sans enthousiasme, comme un parieur qui n’a aucune stratégie de mise mais qui joue malgré tout. Elle parlait timidement, en français, d’une voix faible et cassée. Sa main droite était posée sur sa bouche. Elle portait une chemise blanche, rentrée dans une jupe longue à rayures. Un pull, dont je ne me rappelle plus la forme, était accroché à sa main gauche. J’ai cru d’abord qu’elle allait me demander de l’argent. J'étais disposé à faire de mon mieux pour l’aider. J’ai rapidement fait le calcul. J’avais un billet de 2000 F CFA avec moi, et 300 ou 350 F CFA en petites pièces de monnaie. Je pouvais lui filer les 2000 F CFA, car je n’avais besoin que de 150 F CFA pour mon transport en fin de journée.
J’étais un brin agacé, déçu même, lorsqu’elle m’a avoué ses intentions. Mais je m’en suis un peu voulu de ne pas l’avoir laissé parler. Surtout, sa démarche fébrile et sa personnalité indécise m’ont touché. Elle a certainement surmonté beaucoup de peurs pour raconter Jésus, à des inconnus, au Sénégal. Que peut-elle espérer d’autre que de nombreuses réponses négatives, ici, à Dakar ? Qu’est-ce qui justifie sa mission ? J’avais l’impression de l’avoir rabrouée, blessée. Cinq minutes, ce n’est tout de même pas long. Et puis, je pouvais lui dire ce que je pense de son action, et l’idée que je me fais de Jésus. Ç’aurait pu être un beau dialogue. Je me suis posé toutes ces questions après notre rencontre. Rien ne m’empêchait d’accepter la conversation avec cette jeune femme. J’aurai dû l’écouter. Par élégance d’abord, ensuite parce que l’intelligence des humains se forme principalement dans l’échange, dans la relation. On aurait pu apprendre l’un de l’autre.
La civilisation de la fuite. Au fond, ce qui m’a empêché de tenir une conversation avec cette femme, c’est une répulsion du prosélytisme religieux. Il y a un trop-plein de religion en Afrique. Une hypertrophie, que l'on observe partout sur le continent. Il y a comme un non-sens de la vie qui s’exprime inconsciemment dans nos sociétés. La finitude a une grande emprise sur la conscience collective. Le discours religieux s’est accaparé des imaginaires, de manière excessive. Jusqu’à encercler tout le dispositif de la pensée et de l’action. Aujourd’hui, si on devait définir l’esprit africain, on pourrait dire, sans risque de nous tromper, qu’il est fondamentalement religieux. Particulièrement au Sénégal, notre rapport aux faits sociaux en reste tributaire. L’opinion populaire, l’espace intellectuel et universitaire, le milieu artistique, la sphère politique et économique. Tout le champ social est sous le contrôle des valeurs et idées religieuses, sans possibilité de s’en échapper ou de tenir une pensée libre ou opposée. Les ondes radios, les plateaux de télévisions, et même les réseaux sociaux deviennent des lieux de diffusion du discours sur l’enfer et le paradis, où se bousculent les bigots, jamais à court d’idées pour flageller "les damnées de la terre" et leur promettre l'Apocalypse pour bientôt. Ainsi, pour la majorité des citoyens-croyants, toutes les incommodités deviennent acceptables. Rien à dire sur la reproduction sociale, et les déterminismes à la base de situations d'existence catastrophiques. On se complait dans la laideur de la vie. Le poids écrasant de la violence sociale est ainsi oubliée. Il n’est pas possible, dans ces conditions, de mener des expériences imaginatives renouvelées, ou des actions radicales d’auto-défense contre les éléments conservateurs qui maintiennent le statu quo.
Quels processus mentaux peuvent expliquer l’abandon du corps social dans les nombreux mouvements religieux sur le continent ? Ce n’est pas un hasard. Il s’agit, avant tout, d’une réponse des populations face aux difficultés qu'elles doivent endurer pour survivre. Une forme de résistance devant les incertitudes du quotidien. L’omniprésence de la religion dans notre espace social, politique et médiatique n’est pas seulement liée à un besoin de sens, à l’angoisse existentielle, naturels chez l’homme. Elle traduit aussi une fuite désespérée des crises de la vie. La religion est, très souvent, la seule consolation pour les citoyens. Désemparés, ne sachant pas comment, ni où exprimer les souffrances, à la recherche de lien social que les institutions politiques et académiques ne savent plus produire, ils trouvent un réconfort dans les mouvements religieux. Cette réaction du corps social a été captée par différents acteurs religieux, qui en font un instrument de pouvoir politique et économique. Partout en Afrique, pasteurs, marabouts et prêcheurs sont en compétition pour gagner les consciences de populations exsangues, complètement déboussolées. Fuyant, dans leur écrasante majorité, la misère. Nous assistons, actuellement en Afrique, à une civilisation de la fuite, de l’anti-espoir. De la résignation. Puisque c’est compliqué sur terre, il faut dès maintenant travailler à une résurrection heureuse. Il y a véritablement un désir de mort et d’au-delà. Sauf que nous sommes enracinés dans une réalité sociale, construite par des hommes. C’est donc aux hommes de la transformer.
On peut penser que si les choses allaient mieux, s’il y avait plus d’écoles pour donner une bonne éducation à tout le monde, plus d'hôpitaux pour soigner les indigents, plus de prospérité, moins d’accaparement de richesses par les élites, moins de pauvreté, on n’aurait pas assisté à ce foisonnement de mouvements religieux en Afrique. Mais c’est très réducteur de toujours caricaturer la religion comme étant “l’opium du peuple”. La question religieuse est complexe et elle peut emprunter des voies multiples. Elle joue même dans certaines parties du monde un rôle central dans la critique sociale. La théologie de la libération, en Amérique du Sud, en est la parfaite illustration. La religion, à travers cet exemple, prend fait et cause pour les pauvres et les opprimés. Elle dit à ces derniers qu’ils ne peuvent pas exercer une spiritualité épanouie en vivant dans la misère. Et qu’il ne peut y avoir aucun miracle à l’échelle individuel et communautaire, tant qu’il n’y a pas une résistance orientée vers plus de justice et de coopération sociale. On peut s'en inspirer en Afrique, où la religion est encore un espace clos, préservé des conflits sociaux. La religion peut, sous nos cieux, avoir une vision progressiste. Elle peut demander aux croyants de s’approprier les combats sociaux. En Afrique, il reste à trouver une voie de la religion, humaniste et engagée, qui ne se détourne pas des réalités sociales, qui ne soit pas seulement une bouée de sauvetage qui empêche d’agir sur la souffrance ici-bas. Qui laisse les coeurs et les esprits s’épanouir. Rêver et espérer.
Qui mieux que Jésus, qui est dans l’histoire l’incarnation la plus réelle de Dieu sur terre, peut sauver les corps massacrés par la détresse sociale et leur demander en même temps de ne pas subir. De faire face, frontalement, aux injustices. Le message de Jésus n’est pas seulement religieux. Il est aussi politique. Jésus est un pourfendeur de l’ordre social qui marginalise les plus faibles. Le Christ pose le respect de toutes les dignités comme principe fondamental de la vie. Il nous aide à comprendre le fait religieux comme une coopération “avec Dieu afin d’aider l’humanité en marche”, pour reprendre Muhammad Iqbal. Il ne déresponsabilise pas les humains, en les empêchant de bâtir leur propre existence, ou en les détournant de leur devoir nécessaire de transformation sociale. Pour toutes ces raisons, j’aurai dû écouter attentivement cette jeune femme. Lui dire, en retour, que je porte une grande admiration à Jésus-Christ, que je le considère comme l’une des figures les plus importantes de la liberté et de l’égalité. Et la laisser méditer ces propos, trop souvent éludés, de Marx : “La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans coeur, comme elle est l’esprit des conditions sociales d’où l’esprit est exclu.”
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
On pourrait poser cette question qui parait saugrenue qui influence qui parmi ces deux personnages historiques ? Le temps a fait son œuvre il est temps de revisiter leur pensée et d’en faire un bon usage
Deux figures contrastées de la scène politique et intellectuelle qui ont marqué le paysage du Sénégal et au-delà, Senghor et Seex Anta Joob.
17 années séparent la naissance de ces deux grands hommes Senghor 1906 Seex anta Joob 1923 le premier naquit à Joal petite ville sur la côte atlantique l’autre à Thieytou, Diourbel en plein cœur du Sénégal profond en pleine colonisation.
Par-delà leur démarche intellectuelle et leur opposition politique, ils avaient un dénominateur commun : leur intérêt pour l’éducation, la culture et la civilisation (civilisation ou barbarie, civilisation de l’universel, métissage, condition négre).
D’ailleurs, leurs critiques marxistes ne s’y sont pas trompés les taxèrent de » culturalistes » à cause de l’importance qu’ils accordaient à la culture.
Les observateurs se sont plus focalisés sur leur antagonisme politique et philosophique que sur le souci de défense et d’illustration de la civilisation négre.
C’est bien sous le magistère de Senghor qu’il a été sacré avec Web Dubois comme intellectuel qui a le plus influencé la pensée négre durant le 1er festival mondial des arts négres tenu à Dakar en 1966.
Ils ont tous les deux une grande admiration de la civilisation allemande, Senghor envers les romantiques comme Goethe et l‘historien Léon Frobenius, Seex pour l’histoire de l’unité allemande. L’embléme du dernier parti qu’il avait créé était l’aigle déployant ses ailes l’oiseau qui tutoie le ciel comme celui du drapeau allemand.
Ils ont tous deux publié des articles dans la revue « Présence africaine » et participé aux congrès des hommes de culture (écrivains et artistes) du monde noir. L’un parle de négritude l’autre de renaissance africaine. Le mot nègre (non pas noir) auparavant chargé négativement est utilisé par Seex comme par hasard dans son livre « Nations nègres et culture », tout un programme. L’auteur Lylian Kesteloot dans son livre « Les écrivains de la négritude » a classé Senghor et seex Anta joob comme des écrivains de la négritude bien que ce dernier se soit démarqué de ce courant littéraire bien qu’il ait eu une grande sympathie pour Aimé Césaire qui parraina son livre phare.
On peut à travers leurs héros décrypter leurs personnalités Senghor : les mansa de l’empire du Mali, Chaka le fondateur de l’empire zoulou et les guelowar du Sine quant à Seex anta joob : les candaces reines de Nubie, Samory Touré le résistant à l’expansion coloniale dans l’Afrique de l’Ouest et Jomo Kenyatta le chef de la révolte mau mau au Kenya contre l’occupation anglaise et Seex Amadou Bamba expression de la résistance passive non violente.
Pour Senghor, la colonisation est un mal nécessaire et une ouverture alors que selon Seex, la colonisation est une parenthèse par rapport à l’histoire millénaire de l‘Afrique et l’illustration de sa grandeur se trouve en Egypte Kmet.
Les mots ont un sens et celui-ci est chargé nègre négativement par ceux qui hiérarchisent les races et Senghor utilise le mot nègre puis qu’il appartient au mouvement de la négritude plus que le mot noir anthologie de la nouvelle poésie négre, l’apport de la poésie nègre, esthétique négro-africaine, il y a une négritude, de la négritude, négritude et humanisme.
En 2006, l’écrivain Boubacar Boris Diop a écrit un article intitulé « Le Sénégal entre Senghor et Seex Anta Joob » et essaie de les réconcilier après la mort de ces deux géants de la pensée africaine.
Senghor agrégé de grammaire a pu exercer son métier de professeur de grec et latin dans un lycée français à Tours et à l’école nationale de la France d’outre-mer ENFOM qui formait les administrateurs des colonies.
Seex Anta Diop quant à lui professeur vacataire de lycée à Paris, enseignait la physique en France, docteur ès lettres option histoire avec une mention honorable qui ne pouvait lui permettre d’enseigner dans une université française en l’occurrence celle de Dakar, il se contenta du poste de chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire IFAN et chef du laboratoire carbone 14. Ce n’est qu’en presque fin de carrière en 1981 qu’il fut nommé professeur associé à la faculté de lettres et de sciences humaines après la sénégalisation de l’université.
Senghor n’avait pas la même approche historique de la notion de « civilisation », il avait une admiration sans borne à la civilisation grécoromaine et méditerranéene quant à Cheikh Anta Diop, la mère des civilisations est l’Egypte kmet institutrice de la Grèce dans la voie du progrès humain, mère des sciences et des arts.
En tant que linguiste, il partagea la même opinion que Homburger sur la parenté des langues dravidiennes le tamoul avec les langues négro-africaines du Sénégal wolof, sérère et pular.
Dans une formulation lapidaire, Senghor affirma que « l’émotion est nègre et la raison est hellène », ce que Seex ne pouvait admettre car la raison apparut en terre africaine l’Egypte Kmet et se répandit sur la Grèce. La raison était égyptienne avant d’être hellène.
En tant qu’historien et physicien, Seex ne croyait pas à une essence nègre mais à une évolution de l’homme dans des conditions particulières, l’Egypte, kmet dans son environnement naturel le Nil. Tout peuple placé dans les mêmes conditions aurait produit une si prestigieuse civilisation, il n’y a ni miracle égyptien ni miracle grec terme abondamment utilisé par les occidentaux.
Selon Seex, l’aspect historique de la culture n’est pas mis en exergue par le mouvement de la négritude. Il ne croit pas aux facultés psychiques spécifiques à une race, que l’émotion soit d’essence nègre.
Sur le plan des idées, à propos de l’utilisation d’une langue étrangère par les poètes africains, il cite dans son livre « Parenté génétique de l’égyptien ancien et les langues négro-africaines » éd. NEA « un poète génial « et » nègre de haute intellectualité » Senghor pas nommément, une exception, car la poésie dans une langue étrangère est vouée à l’échec car incapable de prendre en compte l’environnement naturel. Comment traduire un chêne en wolof par exemple ?
Sur le plan personnel et social, Senghor à l’époque se plaignait auprès de son ministre de l’Education nationale M. Assane Seck du sort de Seex sur le plan salarial et de Léonard Sainville directeur du centre de recherche et de documentation de St Louis CRDS qu’il considérait comme des militants de la négritude. En effet depuis son intégration dans le statut des chercheurs en 1960, Seex n’a pas voulu avancer dans le cadre français de l’université, l’IFAN était sous-direction française.
Dans ses études sur la civilisation africaine, Senghor s’est appuyé sur l’ethnologie coloniale le RP Tempels la philosophie bantu sur les africanistes, savants européens philosophes Teilhard de Chardin le phénomène humain, Henri Bergson les données immédiates et la conscience et autres ethnologues se spécialisant sur l’Afrique Léon Frobenius la culture ouest africaine, et les administrateurs coloniaux Maurice Delafosse le haut Sénégal Niger et des linguistes comme lillas homburger les peuples et les civilisations de l’Afrique etc.
Seex Anta Diop quant à lui, peut être considéré comme un encyclopédiste du 18ème siècle ayant un regard dans les domaines les plus variés l’égyptologie, la philosophie, la linguistique, l’esthétique, les sciences politiques, l’énergie nucléaire et hétérodoxe ne s’appuyant surtout des auteurs classiques grecs non européocentristes dépourvus de préjugés raciaux qu’il cite à profusion Diodore de Sicile, Hérodote, Strabon, Pline Tacite et Aristote, sur la tradition historique africaine, l’égyptologue Champollion le jeune, Marx, le pan négriste Marcus Garvey, les panafricanistes Edward Blyden et WEB Dubois, l’épistémologue avec le nouvel esprit scientifique Gaston Bachelard, Germaine Dieterlen et Marcel Griaule de Dieu d’eau des Dogons.
Pathé Jaan l’auteur qui a bien vu (et le seul à ma connaissance) les relations intellectuelles qu’il appelle « dialogue intertextuel « comme il l’appelle entre Senghor et Seex .
Le problème culturel en AOF 1937, vue sur l’Afrique noire ou assimilé non être assimilé, défense de l’Afrique noire 1945 versus alerte sur les tropiques 1949, nations négres et culture 1953.
1960 fondements culturels d’un futur état d’Afrique noire 1966 versus les fondements de l’africanité négritude et arabité.
Antériorité des civilisations nègres 1967 versus fondements de l’africanité négritude et arabité 1966.
Fondements de l’africanité négritude et arabité 1966 versus civilisation ou barbarie 1981.
Selon Pathé Jaan dans son livre « La négritude servante de la francophonie » éd. Sankoré Seex Anta Joob sur le plan linguistique s’est appuyé sur Senghor dans son étude sur les langues parue en 1944 journal de la société des africanistes « les classes nominales en wolof et les substantifs à vocation nasale » et « l’article conjonctif en wolof « 1947 journal de la société des africanistes qu’il n’a pu traduire en thèse de doctorat pour des raisons liés à sa pratique politique. Le titre de l’article de Cheikh Anta Diop était en question » étude linguistique ouolove, origine de la langue et de la race valaf paru dans la revue présence africaine 1948.
Un des rares intellectuels qui s’est penché sur ces deux personnages historiques, Senghor ou la négritude servante de la francophonie éd. Sankoré 2002 et Cheikh Anta Diop, l’Afrique dans l’histoire du monde éd. Sankoré l’harmattan 1997 avec une rare objectivité vu les relations qu’il avait avec un de ses personnages.
Une table ronde a été organisée en 2016 par le WARC intitulée Senghor versus Cheikh Anta à Dakar .
Senghor dans une conférence donnée au Caire lors d’un voyage officiel en Egypte en 1967 intitulée « fondements de l’africanité ou négritude et arabité » éd. dar al kitab allubnani transformée en livre insiste sur le métissage entre sémites (arabes et berbères) et noirs, parle d’unité culturelle élargit à ces deux races berbère et négro-africaine, Seex quant à lui parle dans ses livres » d’unité culturelle de l’Afrique noire » et « fondements culturels d’un futur Etat d’Afrique noire ».
Dans le cadre de ladite conférence, il partage avec Seex l’apparition du premier hominidé sur la terre en Afrique en se référant à Teilhard de Chardin, Furon et Moret et ne citant pas Seex Anta Joob.
En 1973, à Addis Abéba lors de la remise du prix Haïlé Sélassié Senghor parle de l’antériorité des civilisations négres dans une conférence et dit textuellement en effet les anciens grecs employaient le mot Ethiopien pour désigner tous les hommes noirs, qu’ils fussent d’Afrique ou d’Asie, qu’ils eussent le nez étroit ou camus, les lèvres épaisses ou minces, les cheveux crépus comme les sénégalais du sud frisés comme les éthiopiens raides comme les dravidiens de l’Inde à juste raison, car les anciens grecs, qui s’y connaissaient, ont quelque mille ans, loué les éthiopiens, c’est-à-dire les NÈgres comme les plus anciens des hommes qui avaient inventé l’écriture la religion, l’art. Je vous renvoie à l’ouvrage du sénégalais Cheikh Anta Diop « nations nÈgres et culture » du négro-américain Edgard Snowden « blacks in antiquity », du camerounais rp Engleberg Mveng qui porte le titre « Les origines grecques de l’histoire négro-africaine », enfin du congolais Théophile Obenga qui porte celui de « l’Afrique dans l’antiquité ». Fin de citation.
En 1977, se tint à Dakar une conférence intitulée l’Afrique noire et le monde méditerranéen qui a vu un débat très vif à travers le journal Le Soleil sur le peuplement de l’Egypte ancienne entre Raoul Lonis professeur de lettres classiques et spécialiste de la Grèce et Seex Anta Joob, et sur les rapports entre la Grèce et l’Egypte. Senghor a joué les médiateurs d’ailleurs. Seex n’y était pas invité.
En 1988 (2 ans après le décès de Seex) dans son livre « Ce que je crois » éd. Grasset, Senghor adopte carrément les idées de Seex et de Théophile Obenga qu’il cite beaucoup d’ailleurs. Les auteurs qu’il cite sont les auteurs de l’histoire générale de l’Afrique UNESCO non plus les ethnologues et autres savants africanistes européens.
Deux parties de l’ouvrage ont attiré mon attention
La préhistoire africaine
De la biologie à la culture africaine
Les points de convergence entre Seex Anta joob :
Origine nègre de l’Egypte ancienne
Apparition des premiers hominidés en Afrique
Parenté de l’égyptien ancien des langues négro-africaines
Origine des sénégalais dans la région des grands lacs.
En définitive, on pourrait poser cette question qui parait saugrenue qui influence qui parmi ces deux personnages historiques ?
Le temps a fait son œuvre il est temps de revisiter leur pensée et d’en faire un bon usage.
En lisant le livre de Senghor ce que je crois « j’entends comme un murmure, la voix de Seex ».
par Elhadji Gora Sene
ARCHIVEZ D’ABORD, AINSI VOUS CONTROLEREZ BIEN ET MIEUX !
Les archives, au-delà de leur fonction mémorielle ou patrimoniale, sont de véritables outils de gouvernance car elles contiennent des informations stratégiques pour les décideurs et elles sont indispensables pour garantir la transparence
La presse de cette semaine rapporte que dans le cadre du « Renforcement de la fonction de contrôle et de la performance de l’action administrative », le Président de la République a instruit l’Inspection Générale d’Etat (IGE) de : « Lancer, sans délai, une étude sur l’environnement du contrôle dans les ministères ». Est-ce une prise de conscience (trop tardive) des conséquences désastreuses des défaillances en la matière ou une simple annonce qui ne connaîtra pas de suite. Quoi qu’il en soit, une telle affaire ne saurait échapper à l’intérêt de l’archiviste que je suis, car elle pose en filigrane la question de l’archivage dans nos administrations publiques sénégalaises.
On ne cessera de le rappeler, l’archivage comporte trois principaux enjeux pour une administration publique : la traçabilité, la performance et la conservation de la mémoire organisationnelle (patrimoine documentaire). D’où le rôle essentiel que joue (ou doit jouer) la fonction archives pour le bon fonctionnement des services administratifs.
En matière d’archivage, l’administration publique sénégalaise connaît de nombreux manquements et défaillances (déficit de moyens, qualification du personnel, absence de procédures et de réglementation, manque de reconnaissance du métier, etc.) qui constituent un obstacle majeur au contrôle des services administratifs. D’où la sortie récente du Directeur de l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP) qui déplorait les contraintes que (l’absence) d’archivage imposait au travail de ses équipes. En effet, l’archivage constitue un préalable pour le contrôle de l’action administrative. Autrement dit, en l’absence de procédures et d’opérations d’archivage il serait impossible de procéder au contrôle de l’action d’un quelconque service administratif car les archives sont essentielles et indispensables dans toute opération de contrôle.
Ainsi, les décideurs publics doivent davantage prioriser la question de l’archivage au sein de l’administration publique sénégalaise. Sinon il serait illusoire de croire en leur volonté de mettre en place une administration performante et transparente. Au-delà des vœux pieux et des discours, ils doivent poser des actes (recrutement d’archivistes formés et qualifiés notamment par l’EBAD, mise en œuvre de procédures et d’une réglementation exhaustive en matière d’archivage, contrôle régulier de l’archivage au niveau des services administratifs, prise de sanctions en cas de manquements en matière d’archivage, etc.) allant dans le sens de corriger les défaillances en matière d’archivage qui je le rappelle constituent un obstacle majeur au contrôle de l’action des services administratifs.
En somme, notons que les archives au-delà de leur fonction mémorielle ou patrimoniale (qui est bien plus connue) sont de véritables outils de gouvernance car elles contiennent des informations stratégiques pour les décideurs et elles sont indispensables pour garantir la transparence et la traçabilité des actes et actions administratifs.
Elhadji Gora Sene est archiviste
LES PEUPLES ONT LEUR MOT À DIRE, SELON LE PRÉSIDENT DE LEGS-AFRICA
Les peuples ont leur mot à dire dans la réforme annoncée du franc CFA qui n’a pas été suffisamment discutée et débattue par les populations des pays concernés, a déclaré, samedi, à Dakar, Elimane Haby Kane
Dakar, 25 jan (APS) - Les peuples ont leur mot à dire dans la réforme annoncée du franc CFA qui n’a pas été suffisamment discutée et débattue par les populations des pays concernés, a déclaré, samedi, à Dakar, Elimane Haby Kane, président de l’association Leadership, Equité, Gouvernance et Stratégie (LEGS- AFRICA).
"Il n’y a pas suffisamment de débats surtout au niveau des peuples sur la question de la réforme en cours du franc CFA. Nos chefs d’Etat prennent des décisions sans au préalable discuter avec leurs peuples", a-t-il souligné lors d’une conférence publique organisée sur la question par LEGS-AFRICA, une initiative panafricaine d’orientation scientifique, politique, économique et sociale.
La rencontre, animée par des économistes et experts en finances, portait sur le thème : "Monnaie, banques, financement du développement et souveraineté démocratique : Les enjeux des réformes du franc CFA".
"Ici, au Sénégal, nous n’avons jamais entendu l’Etat initier des discussions, des débats sur la question de cette réforme du franc CFA. Nous avons juste entendu le président français Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Dramane Ouattara annoncer cette réforme du franc CFA qui sera remplacé par l’Eco. Nous disons qu’il faut que ce débat ait lieu", a-t-il déclaré.
Selon M. Kane, la question de la réforme du franc CFA n’est pas seulement technique. Elle a aussi une dimension politique et psycho-sociale.
"La question de la monnaie est question politique de souveraineté qu’un Etat doit prendre pour mieux s’occuper de son économie. Elle a également une dimension psycho-sociale’’, a-t-il indiqué.
"Par exemple, un Sénégalais qui utilise au quotidien le franc CFA, se réveille un beau jour et apprend que cette monnaie va changer, mais il va se poser énormément de questions. Et il faut lui apporter des réponses à ces questions", a-t-il ajouté.
A ses yeux, la souveraineté suppose que les pays doivent avoir la maîtrise de leur politique monétaire, et pour cela, "il faut laisser le peuple s’exprimer parce qu’il faut qu’on arrête d’infantiliser les peuples africains".
"Nous devons être capables de réfléchir pour nous-mêmes. Nous savons ce qui est mieux pour nous, et nous avons envie de sortir définitivement de cette servitude qu’on nous impose depuis la colonisation. Il est temps quand même qu’on décide de nous-mêmes de ce qui concerne notre avenir", a conclu M. Kane.
L’association LEGS-AFRICA est un ’’think tank’’ regroupant la nouvelle génération de l’élite africaine pour promouvoir la citoyenneté́ de transformation en Afrique.
LES MILLE ET UNE MAUX DE L'ETAT CIVIL
Entre lenteurs et lourdeurs administratives, fraude aux papiers, les centres d’état civil sont gangrenés par des pratiques malsaines. En attendant, l’Etat essaie de régler la question en modernisant le système.
Mamadou Ly et Serigne Babacar Seye |
Publication 26/01/2020
Au Sénégal, l’obtention d’un acte d’état civil est un véritable casse-tête. Entre lenteurs et lourdeurs administratives, fraude aux papiers, les centres d’état civil sont gangrenés par des pratiques malsaines. En attendant, l’Etat essaie de régler la question en modernisant le système.
Sous un soleil accablant, Ibrahima Pouye hâte le pas en compagnie de son camarade de classe, Mamadou Sow, pour rentrer chez eux après une journée de cours chargée. Natif de Touba Toul, située dans la région de Thiès, le jeune homme ne connaît pas le stress des Dakarois qui sont trimballés de gauche à droite pour obtenir un extrait d’état civil. En cette journée du lundi, Grand Dakar est toujours figé dans son ambiance quotidienne.
C’est le règne de l’anarchie dans ce quartier populaire. Ibrahima Pouye vit à Grand Dakar depuis qu’il a débarqué à Dakar, passe les portes de la mairie de cette commune qui grouille de monde 5/7 jours. Il dit : «Je n’ai pas de problèmes pour avoir un extrait de naissance. Peut-être, parce qu’à Thiès il n’y a pas autant de demandeurs qu’à Dakar. Par contre, lorsqu’il s’agit d’un casier judiciaire ou d’un certificat de nationalité, c’est tout un problème parce que je dois partir à Thiès pour obtenir ce papier. Je pourrais passer une journée entière à attendre.»
C’est le lot quotidien de tous les demandeurs de papiers d’état civil dans ce pays. «J’ai vécu cette asphyxie organisée», dixit Babacar Dia qui est domicilié aux Parcelles Assainies. Agé de 25 ans, étudiant en Master en gestion des ressources humaines,
il justifie les lenteurs administratives par l’absence de personnel qualifié dans les centres d’état civil. «Parmi les agents municipaux, beaucoup sont incompétents. Il s’agit, en guise d’exemples, des joueurs de navétanes placés à la municipalité par le maire parce qu’ils sont des soutiens politiques», révèle Babacar Dia. Dans certaines communes, les autorités semblent être sur le chemin de la dématérialisation, mais le projet assez coûteux n’est pas encore bouclé.
«Tout est déjà informatisé. Les branchements sont déjà faits au niveau des Parcelles Assainies et de Grand Yoff. Actuellement, tout devrait se faire rapidement. Mais ils n’utilisent pas ce moyen qui leur permettrait de faire du fast track. Cela ne les arrangerait pas. C’est un deal. Et c’est une chaîne qui provient du haut de l’échelle pyramidale. Parce qu’une fois que tout est informatisé, certains n’auront plus leur place à la mairie et au centre d’état civil. Et parfois, cette lenteur est provoquée à dessein pour inciter les demandeurs à corrompre en vue d’accélérer le processus d’obtention de tel ou tel autre document. Parfois, tu es éconduit pour juste un problème de signature», dénonce M. Dia. En tout cas, deux employés des mairies des Parcelles Assainies et de Grand Yoff ont affirmé dans l’anonymat que le processus d’informatisation est en cours.
«C’est à cause de l’Etat que ce projet n’est pas encore arrivé à terme. Mais il faut aussi savoir que s’il y a une lenteur lors de la délivrance des papiers administratifs, c’est parce qu’il faut vérifier l’existence de l’acte, sa légalité, sans compter les nombreuses sollicitations», explique un agent municipal. Aujourd’hui, certaines collectivités locales essaient de trouver des solutions structurelles à cet épineux problème.
A la Médina et Colobane- FassGueule Tapée, on semble accélérer la cadence de la modernisation. Assis sur une chaise roulante, accoudé sur une table, stylo entre les doigts, l’officier d’état civil Youssoupha Mbengue signe les extraits de naissance dont les demandeurs s’impatientent dans les couloirs bondés.
Chef du centre d’état civil de Colobane, M. Mbengue est diligent dans son travail. Même s’il est interrompu souvent par des demandeurs pressés : «Non tu peux rester. Je vais juste signer, après tu le prends», dit-il sèchement à une personne qui aimerait revenir un autre jour pour retirer l’acte de naissance de son fils.
Son acte n’est pas aussi automatique chez certains parents. Selon l’Unicef, 230 millions d’enfants de moins de 5 ans ne sont pas déclarés à la naissance dans le monde aujourd’hui. En 2012, 62% des enfants nés en Afrique subsaharienne n’ont pas été déclarés.
D’après des statistiques de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, près d’un quart des enfants (23,8%) âgés entre 1 et 9 ans ne possède ni bulletin de naissance, ni jugement supplétif.
Selon les résultats du Recensement général de la population, de l’habitat, de l’agriculture et de l’élevage de 2013, près de trois millions d’enfants, dont 60% de filles, n’étaient pas inscrits à l’état civil. Comment s’étonner que les Objectifs du millénaire pour le développement n’aient été que partiellement atteints ?
Comment espérer atteindre les Objectifs du développement durable d’ici 2030 ? Comment prétendre que personne ne doit être oublié du développement si 1 enfant sur 3 dans le monde n’a pas d’existence légale ? Ce combat est mené par les organisations de défense des droits des enfants qui estiment à juste titre que l’absence d’état civil constitue un mécanisme absolu d’exclusion sociale, car les enfants non déclarés sont en état de mort civile.
Cette situation freine l’épanouissement scolaire des enfants qui ne pourront pas passer les examens de fin de cycle. En 2016, 34 mille 670 candidats au Cfee (Certificat de fin d’études élémentaires) et au Bfem (Brevet de fin d’études moyennes) étaient sans acte d’état civil contre 53 mille 240 en 2015.
Face à cette situation, les directeurs d’école sont obligés d’aider ces élèves à obtenir une procédure de jugement d’autorisation d’inscription devant un Tribunal ou à l’occasion d’une audience foraine organisée périodiquement par l’Etat afin de bénéficier d’un jugement déclaratif de naissance pour rester à l’école.
«A l’état civil, il y a des demandes d’enregistrement de naissances chaque jour. Mais à travers ces demandes, il y a des constats que j’ai faits : La plupart sont des élèves du Cm2 et de la Troisième et on leur donne de faux papiers. Dans ce cas, ils finissent par ne pas faire leur examen», regrette M. Mbengue.
«Le premier cadeau qu’un père doit offrir à son fils, c’est l’extrait de naissance»
Dans la même veine, le chef du bureau des actes d’état civil de la mairie de Fass-ColobaneGueule Tapée pointe du doigt la négligence des parents d’élèves qui devraient permettre à leurs enfants de mieux progresser dans leur cursus scolaire.
«La plupart sont des gens qui viennent des villages et n’ont pas de papiers. Dans ce cas, ils auront aussi des problèmes. Mais quand les enfants sont sans déclaration de naissance, nous leur donnons un certificat de noninscription pour qu’ils partent au Tribunal avec deux témoins. Et au retour, ils viendront avec une autorisation pour que nous leur fassions des extraits de naissance», explique le chef du bureau des actes d’état civil de FassColobane-Gueule Tapée.
A la mairie de Médina, les demandeurs qui remplissent les couloirs suffoquent sous la chaleur. Ils forment une longue queue et trépignent d’impatience. Trouvé dans son bureau en train de signer des actes de naissance, Papa Saloly Ndiaye, chef du bureau d’état civil de la mairie de Médina, partage la politique coup de poing de la mairie pour régulariser les enfants :
«Exceptionnellement, sous la demande des enseignants, des écoles de la commune de Médina, le maire a fait de sorte que chacun de ces enfants ait son acte de naissance pour ne pas avoir des problèmes pendant les examens de fin d’année. La négligence des parents de ces élèves est flagrante aussi, car ils tardent à faire des déclarations de naissance pour leurs fils. Nous délivrons plus de 1 000 actes de naissance par an. Même si les gens finissent par oublier qu’ils doivent les retirer, on les garde jusqu’à ce qu’ils reviennent.»
C’est le même constat à ColobaneFass-Gueule Tapée : «Nous demandons aux parents de venir très tôt déposer des actes de naissance pour leurs enfants, car on leur donne un délai très long qui est douze mois pour qu’ils puissent déposer et retirer une pièce justificative d’acte de naissance. Le premier cadeau qu’un père doit offrir à son fils, c’est l’extrait de naissance. Chaque année, nous délivrons plus de 800 actes de naissance à desparents. Surtout les footballeurs qui veulent des pièces pour signer des contrats ici ou ailleurs. Mais des extraits de naissance dorment ici, car leurs propriétaires ne viennent pas les récupérer.»
Il faut savoir que l’Etat a mis un plan national pour améliorer des systèmes d’enregistrement des faits d’état civil et d’établissement des statistiques d’état civil suivantes pour arriver à l’informatisation de l’état civil et la mise en place d’un dispositif d’éradication de la fraude.
En plus, le gouvernement a bénéficié d’un don de 17 milliards de francs Cfa de l’Union européenne dans le but de moderniser son état civil. Le vote du budget du ministre des Collectivités territoriales, du développement et de l’aménagement du territoire va permettre de créer de nouveaux centres secondaires d’état civil et d’instituer un numéro d’identification unique pour chaque citoyen, de sa naissance à son décès. Une révolution…
CHAMPS DE TENSION
Hier, des heurts ont failli éclater entre les populations du village de Tobène, situé dans la commune de Méouane, et les Forces de l’ordre venues encadrer l’opération du projet d’extension des Industries chimiques du Sénégal
Hier, des heurts ont failli éclater entre les populations du village de Tobène, situé dans la commune de Méouane, et les Forces de l’ordre venues encadrer l’opération du projet d’extension des Industries chimiques du Sénégal (Ics) dans la zone. Les populations dénoncent le forcing de l’autorité sous-préfectorale qui veut «im poser» aux populations des «som mes dérisoires à l’hec tare proposées par l’industrie extractive». Inter pellées, les Ics disent avoir simple ment «appliqué le barème départemental de la commission compé tente, présidée par le préfet»
Sulfureux ! Le face-à-face entre les Forces de l’ordre et les populations de Tobène, situé dans la commune de Méouane, montre la tension qui règne dans la zone. A l’origine de la colère des populations, le «forcing» du sous-préfet de Méouane, Ibrahima Ndao, pour délimiter les terres des paysans de cette localité dont les Industries chimiques du Sénégal (Ics) veulent exploiter le sous-sol.
Et la goutte de trop a été la mobilisation de plusieurs Forces de l’ordre pour encadrer les opérations. Une situation qui a choqué les paysans qui ont déversé leur colère devant les gendarmes, en refusant de céder leurs champs. Les manifestants dénoncent :
«Le problème, c’est que jusqu’à présente, les Ics et les populations n’ont pas encore trouvé de consensus par rapport au barème à payer. Et le sous-préfet, au lieu d’être un bon intermédiaire en gérant le dossier à l’amiable, a voulu faire un forcing. Il a tenté par deux fois et cela a échoué. Mais aujourd’hui (hier), à notre grande surprise, il est venu dans les champs en compagnie de plusieurs pickups remplis de Forces de l’ordre pour intimider les populations. Mais nous avons fait face.»
Les populations de Tobène poursuivent pour exprimer leur incompréhension : «D’habitude quand les Ics veulent exploiter les terres d’un village, elles proposent un barème aux paysans et les discussions sont ouvertes pour trouver un consensus.»
Mais cette fois-ci, s’offusquent-elles, «les Ics sont venues nous imposer leur barème. Et la somme de 9 millions de francs Cfa à l’hectare qu’elles nous ont proposée est dérisoire. Nous n’allons pas accepter cela, quitte à y laisser notre vie. Et nous allons poursuivre à défendre nos intérêts jusqu’au dernier souffle».
Pour régler le problème, les populations de Tobène ont demandé le départ du sous-préfet. Elles refusent que «cette autorité soit notre intermédiaire auprès des Ics». Interpellées, les Ics précisent que les champs en question se trouvent dans le domaine minier et qu’elles ont le droit de les exploiter. «Le fond du problème, ce que les populations ne disent pas, c’est qu’elles veulent la même indemnisation à hauteur de 17 millions de francs à l’hectare que les populations de Mbar Diop et Mbar Ndiaye, délocalisées à Pire par les Ics.
Lesquelles populations avaient implanté dans leurs champs des arbres fruitiers», dit-il. Par contre, «les terrains des populations de Tobène sont nus». Selon les Ics, «les deux indemnisations ne peuvent pas être les mêmes. Les populations qui ont des manguiers et autres anacardiers dans leurs terrains gagnent plus que celles qui ont des terrains nus, même si elles ont la même superficie». En tout cas, les Ics ont tenu à faire savoir qu’elles ont appliqué «le barème départemental de la commission compétente présidée par le préfet».
Lequel barème, disentelles, «est applicable dans toutes les communes du département e Tivaouane. Et il est meilleur que le barème que l’Etat propose parce qu’il est consensuel». Les Ics désapprouvent la méthode utilisée par les contestataires : «A chaque fois qu’on doit exploiter des terres, on demande au sous-préfet d’aviser les populations par rapport aux hectares dont on a besoin. Et à Tobène, on a besoin 6ha. Et normalement, le projet impacte au maximum dix personnes.»
ACCÈS AU NOTARIAT, LE VIVIER DE LA DISCORDE
Une liste de 18 personnes considérées par la Chambre des notaires du Sénégal comme des stagiaires devant bénéficier des mêmes droits que les 22 issus du seul concours organisé en 2013, sème la colère chez des clercs
La politique du deux poids, deux mesures se poursuit dans le milieu du notariat sénégalais. Pour intégrer cette profession, le chemin le plus facile reste d’avoir un parrain. Pape Ameth Diallo, lui, n’a pas eu ce privilège. Entré dans la profession le 13 septembre 1999, l’ancien clerc a fini de claquer la porte en 2015, du fait de certaines injustices et de l’ostracisme dont il dit avoir été victime. Depuis, il mène sa petite vie, loin des études notariales qu’il a servies, avec loyauté, pendant plus d’une décennie.
L’homme a été tiré de son mutisme, suite à la volonté de la Chambre des notaires du Sénégal de faire bénéficier, à une liste de 18 personnes, des mêmes droits que les 22 notaires stagiaires ayant subi avec succès le seul concours organisé en 2013.
Le hic, c’est que ces derniers n’ont jamais passé de concours, malgré les prescriptions du décret 2002-1032 du 15 octobre 2002 portant statut des notaires. Lequel indiquait déjà, en son article 28, que pour être notaire au Sénégal, il faut, en plus d’une multitude de conditions, ‘’subir avec succès les épreuves du concours d’aptitude au stage’’. Cependant, la Chambre des notaires a fait fi de cette disposition, en continuant d’inscrire des personnes au registre, de 2003 jusqu’en 2010. Comme cela se faisait avant l’entrée en vigueur du décret susvisé.
Ainsi, durant cette période, plusieurs personnes ont été inscrites en toute illégalité dans ledit registre. Leur seul mérite, être parrainé en haut lieu. Ameth Diallo, comme tant d’autres clercs n’ayant pas de parrains, n’a pu profiter des mêmes largesses.
L’affaire a pris de nouvelles tournures à cause de la rébellion des 22 stagiaires issus du seul concours qui a été jusque-là organisé par la Chambre des notaires. Alors que les discussions étaient en cours avec la chancellerie pour trouver une issue heureuse à leur problème, la chambre a sorti la liste des 18, considérés comme des intrus, pour réclamer les mêmes droits en leur faveur. Ce qui eut le mérite de sortir Diallo de sa longue réserve et à revendiquer le même droit, au nom du principe de l’égalité entre tous les citoyens. Une demande rejetée par la Cour suprême.
Deux motifs ont été principalement invoqués. D’une part, la haute juridiction a estimé qu’il n’y a pas eu de rupture d’égalité, puisque les supposés intrus étaient considérés comme stagiaires. D’autre part, ces derniers avaient déjà leur diplôme de Maitrise à l’époque où on les inscrivait sur la liste des notaires stagiaires.
Soit ! Mais la question qui taraude est surtout comment des personnes n’ayant passé aucun concours ont pu bénéficier de tels passe-droits. Malgré l’existence de dispositions contraires. Un avocat s’étonne et fait le parallélisme avec les autres professions réglementées. ‘’Ce n’est, en tout cas, pas possible chez nous. Le barreau ne peut pas tenir de registres pour inscrire des personnes n’ayant pas passé le concours’’. En l’absence du Conseil de la Chambre des notaires, l’agent judiciaire, M. Hann, a invoqué le décret de 2009-328 du 8 avril 2009 qui modifie celui de 2002. C’est pour justifier qu’il existe des mesures transitoires destinées à préserver les droits acquis des supposés intrus.
Ainsi, a-t-on voulu rendre licites des droits illicitement obtenus.
La représentante de la société, elle, a trouvé cette situation un peu problématique et avait demandé que l’affaire soit renvoyée en instruction. L’objectif de l’avocate générale, c’était, justement, d’être mieux informer sur les conditions dans lesquelles ces personnes ont pu être inscrites au registre, entre 2003 et 2010, malgré l’exigence de concours. Mais elle n’a pas été suivie par la cour.
L’affaire Ameth Diallo est ainsi pliée, mais la question de la légalité de l’inscription des 18 autres stagiaires inscrits sans avoir passé de concours reste entière.
Légalement ou illégalement ? Ces 18 sont traités au même pied que les 22 qui, entre 2002 et nos jours, sont les seuls Sénégalais à être passés par un concours pour espérer devenir notaires. Depuis 2016, date de la fin de la durée légale de leur stage, ils sont confrontés au veto des barons de la profession pour disposer de leur propre charge.
AUX ORIGINES COLONIALES DE LA CRISE ÉCOLOGIQUE
Pour les chercheurs décoloniaux, le dérèglement climatique serait lié à l’histoire esclavagiste de la modernité occidentale. Selon eux, le capitalisme s’est structuré sur des monocultures intensives qui ont détruit la biodiversité
Le Monde |
Séverine Kodjo-Grandvaux |
Publication 25/01/2020
Pour les chercheurs décoloniaux, le dérèglement climatique serait lié à l’histoire esclavagiste et coloniale de la modernité occidentale. Selon eux, le capitalisme s’est structuré sur une économie extractive et des monocultures intensives qui ont détruit la biodiversité.
C’est une petite phrase qui n’a pas manqué de faire réagir les nombreux critiques de Greta Thunberg, la jeune égérie suédoise du combat contre le dérèglement climatique. Le 9 novembre 2019, une tribune intitulée « Why we strike again »(« Pourquoi nous sommes à nouveau en grève »), dont elle est une des trois signataires, affirme que « la crise climatique ne concerne pas seulement l’environnement. C’est une crise des droits humains, de la justice et de la volonté politique. Les systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. » « Nos dirigeants politiques ne peuvent plus fuir leurs responsabilités », poursuit ce texte, reprenant là l’un des arguments avancés par l’écologie décoloniale : la crise climatique serait liée à l’histoire esclavagiste et coloniale de la modernité occidentale.
Dès les années 1970, des chercheurs afro-américains ont fait le lien entre la question écologique et la colonisation. « La véritable solution à la crise environnementale est la décolonisation des Noirs », écrit Nathan Hare en 1970. Cinq ans plus tard, le sociologue Terry Jones parle, lui, d’« écologie d’apartheid ». Cette approche sera développée dans les années 1990 par les penseurs décoloniaux latino-américains présents dans les universités américaines, tels Walter Mignolo à Duke (Caroline du Nord), Ramón Grosfoguel à Berkeley (Californie) ou Arturo Escobar à l’université de Caroline du Nord.
Tout récemment en France, des chercheurs s’efforcent de démontrer que la traite négrière, la servitude et la conquête puis l’exploitation des colonies ont permis au capitalisme de se structurer comme une économie d’extraction. Cette manière destructrice d’habiter la Terre serait responsable d’une nouvelle ère géologique du fait de l’activité humaine industrielle baptisée anthropocène.
« Le véritable début de l’anthropocène serait la conquête européenne de l’Amérique. Cet événement historique majeur, dramatique pour le peuple amérindien et fondateur d’une économie monde capitaliste, a en effet laissé sa marque dans la géologie de notre planète. La réunification des flores et des faunes de l’Ancien et du Nouveau Monde aura bouleversé la carte agricole, botanique et zoologique du globe, mêlant à nouveau des formes de vie séparées deux cents millions d’années plus tôt avec la dislocation de la Pangée et l’ouverture de l’océan Atlantique », notent les chercheurs Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz dans leur ouvrage L’Evénement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous (Seuil, 2013) en évoquant les travaux des géographes britanniques Simon Lewis et Mark Maslin.
Le « plantationocène »
Aux yeux des penseurs décoloniaux ce n’est pas l’homme (anthropos), c’est-à-dire l’humain en tant que tel, qui est responsable du dérèglement climatique, mais une certaine activité humaine portée par le capitalisme occidental. La crise écologique actuelle serait une conséquence directe de l’histoire coloniale.
Les populations des pays dits du Sud n’en sont pas responsables mais en constituent les premières victimes. Une étude, publiée en mai 2019 dans la revue américaine PNAS, montrait, selon le climatologue Noah Diffenbaugh, que « la plupart des pays pauvres sur Terre sont considérablement plus pauvres qu’ils ne l’auraient été sans le réchauffement climatique. Dans le même temps, la plupart des pays riches sont plus riches qu’ils ne l’auraient été ».
Pour bien montrer l’origine esclavagiste et coloniale du dérèglement climatique, les chercheurs Donna Haraway, Nils Bubandt et Anna Tsing ont forgé la notion de « plantationocène ». « Il s’agit là de désigner la transformation dévastatrice de divers types de pâturages, de cultures, de forêts en plantations extractives et fermées, qui se fondent sur le travail des esclaves et sur d’autres formes de travail exploité, aliéné et généralement spatialement déplacé », expliquait en 2019 Donna Haraway dans une interview au Monde. Et de rappeler que « ces modèles de plantations à grande échelle ont précédé le capitalisme industriel et ont permis sa mise en place, en accumulant du capital sur le dos d’êtres humains réduits en esclavage. Du XVe au XIXe siècle, les plantations de canne à sucre au Brésil, puis aux Caraïbes, furent ainsi étroitement liées au développement du mercantilisme et du colonialisme. »
Déforestations massives
L’instauration de monocultures intensives destructrices de la biodiversité et responsable de l’appauvrissement des sols s’est faite par des déforestations massives. Les conséquences aux Caraïbes en sont aujourd’hui encore dramatiques. Dans son essai Une écologie décoloniale (Seuil, 2019), Malcom Ferdinand, ingénieur en environnement et chercheur au CNRS, explique que le plantationocène permet de contextualiser et d’historiciser l’anthropocène ou le capitalocène de telle sorte que « les génocides des Amérindiens, les mises en esclavage des Africains et leurs résistances sont alors compris dans l’histoire géologique de la Terre et du temps ».
Selon lui, l’autre face de la plantation est « la politique de la cale » – en référence au navire négrier – où une minorité s’abreuve de l’énergie vitale d’une majorité et produit matériellement, socialement et politiquement du « nègre », lequel est l’homme réduit à sa valeur énergétique, en « bois d’ébène » et à un outil de transformation des sols.
Marquée par une « double fracture, coloniale et environnementale », la modernité a engendré un « habiter colonial » qui crée « une Terre sans monde », dit Malcom Ferdinand. Il y a d’un côté une population dominante, celle de l’Occident. De l’autre, des populations dominées, jugées en trop, exploitables à merci. Cette séparation entre la « zone de l’être » et la « zone du non-être » reste d’actualité à travers la globalisation d’une économie d’extraction, de monocultures intensives, et des écocides… engendrant des injustices spatiales – on exploite et la terre et les hommes pour la consommation et le plaisir d’un là-bas lointain.
Cancer Alley
« Dès les années 1970, explique Malcom Ferdinand au Monde, des chercheurs afro-américains constatent que les décharges de produits toxiques sont placées aux abords des quartiers des communautés noires. Ils ont qualifié cette exposition inégale de minorités racialisées à des dangers environnementaux de racisme environnemental. » A titre d’exemple, le couloir pétrochimique entre Bâton-Rouge et la Nouvelle-Orléans (Louisiane), surnommé Cancer Alley, enferme des populations majoritairement noires, installées depuis l’esclavage et la ségrégation dans une zone où le taux de cancer est parfois soixante fois supérieur à la moyenne nationale. Malcom Ferdinand rappelle qu’en France, les essais nucléaires n’ont pas été réalisés sur le territoire de l’Hexagone mais en Algérie et en Polynésie.
Ce chercheur souligne aussi que la contamination de la Martinique et de la Guadeloupe par le chlordécone utilisé pour la production de bananes à l’exportation s’inscrit dans l’histoire d’une « filière agricole (…) détenue en majorité par un petit nombre d’individus appartenant à la communauté des békés, personnes se reconnaissant une filiation avec les premiers colons esclavagistes des Antilles ».
« Le chemin décolonial permet de dépasser la double fracture, coloniale et environnementale. Le décolonial cherche à fonder un monde plus égalitaire, plus juste et, pour cela, il faut reconsidérer les espaces mis sous silence », explique le chercheur. C’est là l’un des credo de l’écologie décoloniale : revaloriser les manières autres, sinon ancestrales, d’habiter le monde, mises à mal par la colonisation. Avec le risque de les folkloriser ou de les idéaliser.
En Amérique latine, où est né le courant décolonial théorique, des penseurs comme l’économiste équatorien Alberto Acosta Espinosa appellent à nouer un autre rapport à la Terre et aux autres, celui du « buen vivir » (bien vivre), inspiré d’une conception quetchua ou du « sentir-penser avec la Terre », de l’anthropologue américano-colombien Arturo Escobar. C’est parfois toute la vision du monde occidental moderne séparant nature et culture, corps et esprit, émotion et raison, qui est remise en question aboutissant à décliner l’universel en « pluriversel », c’est-à-dire un universel pluriel intégrant les différences.
« Opérations de diplomatie cosmologiques »
Ces nouvelles manières de vivre et d’habiter le monde se façonnent aussi « par des opérations de diplomatie cosmologiques », souligne le chercheur bolivien Diego Landivar, évoquant la Constitution bolivienne voulue par l’ex-président Evo Morales, qui avait abouti à la reconnaissance d’un « hypersujet de droit », la Pachamama (Terre Mère). L’Equateur a fait de la nature un sujet de droit et la rivière Vilcabamba a gagné son procès contre une municipalité de la région de Loja accusée d’avoir détourné son cours par des constructions abusives.
Prendre en considération les cosmologies autochtones amène parfois à renoncer à l’exploitation de certaines ressources naturelles. En Australie, par exemple, où les communautés aborigènes ont abandonné, pour des raisons cosmologiques, l’exploitation touristique du mont Uluru, une terre sacrée qui attirait 300 000 visiteurs par an. « L’écologie décoloniale établit des horizons non extractivistes : c’est une écologie du renoncement, analyse Diego Landivar. Dans les cosmologies occidentales, ne serait-ce que par la pensée, l’on peut tout faire. Aujourd’hui, on envisage même de coloniser Mars. Or, je crois qu’on ne peut pas coloniser la Lune, le ciel, Mars, juste parce qu’ils sont vides. »
Savoirs locaux traditionnels
La pensée décoloniale invite à concilier savoirs et savoir-faire locaux avec les connaissances scientifiques et technologiques. Ce qui était également préconisé dans un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié en août 2019, qui incitait à promouvoir l’agroécologie. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) l’a bien compris.
L’agroéconomiste et coordinatrice régionale de cette institution, Coumba Sow, constate que les savoirs locaux traditionnels permettent souvent une meilleure appréhension des phénomènes naturels et sont à même de proposer des solutions efficaces. Dans une interview au « Monde Afrique », en 2019, elle rappelait l’expérience du Burkinabé Yacouba Sawadogo, qui « a eu recours dès 1980 à une technique ancestrale, le zaï, qui consiste à utiliser des cordons de pierres pour empêcher le ruissellement des eaux, mais aussi les rigoles que creusent les termites pour récupérer l’eau. En procédant ainsi, il a gagné des dizaines de milliers d’hectares sur le désert du Sahara ».
A en croire Coumba Sow, « il ressort de nombreuses études que les petits paysans qui observent les pratiques agroécologiques, non seulement résistent mieux, mais encore se préparent mieux au changement climatique en réduisant au maximum les pertes de récoltes entraînées par les sécheresses. (…) Traditionnellement, l’humanité cultive la terre selon les principes écologiques que met en avant l’agroécologie et qui sont profondément ancrés dans de nombreuses pratiques agricoles indigènes ».
Autant de pratiques dévalorisées par les anciens colonisateurs et que l’écologie décoloniale appelle à se réapproprier. Prix Nobel de la Paix 2004, la biologiste kényane Wangari Maathai (décédée en 2011) l’avait bien compris. Dès 1977, elle avait fondé le Mouvement de la ceinture verte, avec pour objectif de reconquérir des sols en voie de désertification en plantant plus de 40 millions d’arbres selon des méthodes kikuyu protectrices de la biodiversité.
PAR ADAMA DIENG
UN APPEL À L'ACTION
75 ans après la libération des camps d'Auschwitz, le monde n'a apparemment pas tiré les leçons de ce passé tragique - Les pays doivent s'attaquer aux causes profondes de la haine, y compris le racisme, défendre l'universalité des droits de l'Homme
Cette semaine, nous commémorons le 75e anniversaire de la libération en 1945 des camps de concentration et d'extermination nazis d'Auschwitz. La gravité de ce qui s'est passé dans ces camps, où plus d'un million de personnes ont été tuées dans d’horribles conditions, ne réside pas seulement dans le nombre de victimes et la reconnaissance de leur sacrifice, mais aussi dans notre capacité collective à tirer les leçons de cette tragédie et à faire en sorte qu'elle ne se reproduise plus. Nous le devons aux victimes.
Malheureusement, les campagnes menées avec succès contre la haine ne peuvent cacher les revers subis. 75 ans après la libération des camps, le monde ne semble pas avoir tiré les leçons de ce passé tragique. Les génocides au Cambodge, au Rwanda et à Srebrenica, les attaques en cours contre la population rohingya, les souffrances des communautés yézidies en Irak, et de nombreuses autres situations où il existe un risque élevé que des populations subissent des crimes d'atrocité, soulèvent de sérieuses interrogations sur notre engagement au-delà de notre rhétorique du «plus jamais cela». Si par le passé, le manque d’informations ou de connaissances suffisantes était invoqué pour ne pas prendre des mesures décisives, aujourd’hui, le monde dispose de nombreuses informations souvent à notre portée par un simple «clic». Pourtant, la volonté d'agir face à des informations crédibles demeure hésitante. Notre promesse de «plus jamais cela» doit commencer par un engagement indéfectible pour la coexistence pacifique, le respect des droits de l'Homme et de l'état de droit. L'Holocauste n'a pas commencé avec des chambres à gaz. Il a commencé par l'intolérance, la discrimination et la déshumanisation des Juifs comme «l'autre».
Gérer les signes d'alerte précoce et les facteurs de risque est la meilleure forme de prévention. Cependant, de plus en plus d’Etats, y compris ceux du monde développé, sont confrontés à des défis pour faire face à ces risques. L'Europe, le continent qui a été témoin de l'Holocauste, connaît aujourd'hui une intolérance et des tensions croissantes entre les communautés locales et ceux qui franchissent les frontières pour y chercher refuge, fuyant la persécution et d'autres violations graves des droits de l'Homme, ou qui cherchent désespérément à échapper à la pauvreté. Les communautés minoritaires, les migrants et les réfugiés sont souvent utilisés comme «cibles» faciles lorsque les débats politiques se polarisent. Alors que les extrémistes injectent un langage incendiaire dans le discours politique dominant répandu sous le couvert du «populisme», les discours et les crimes de haine ne cessent d'augmenter. En jetant le blâme sur les migrants et les réfugiés en les qualifiant de menace pour la sécurité nationale, les dirigeants d'extrême droite et les leaders populistes entretiennent un climat où il est justifié de commettre des actes de violence contre eux comme moyen de «légitime défense». Ces mouvements extrémistes se réapproprient le récit de «l'autre» que Hitler maîtrisait si bien.
De nos jours, la dissémination rapide du discours de la haine à travers les médias sociaux abondamment utilisés par la jeunesse pourrait avoir des conséquences néfastes sur la façon dont les jeunes perçoivent le monde et l'interaction entre les communautés pour les prochaines générations.
Un leadership audacieux est nécessaire pour contrer ces faux discours de haine et de discrimination. Les dirigeants progressistes doivent approfondir leur compréhension du problème et assumer leur responsabilité de protéger toutes les populations menacées. Les pays doivent s'attaquer aux causes profondes de la haine, y compris le racisme et la discrimination, défendre la société civile, l'état de droit et l'universalité des droits de l'Homme. La poursuite de l'érosion des protections que confèrent les droits de l'Homme et celle des normes démocratiques exacerbe le risque potentiel de conflits violents, conduisant à des actes d'atrocités. Aucun pays au monde ou aucune région n'est à l'abri des conflits fondés sur l'identité et, par conséquent, personne ne devrait faire preuve de complaisance quant au respect de sa responsabilité de protéger.
Alors que nous commémorons l'anniversaire de la libération des camps d'Auschwitz, ainsi que le 75e anniversaire de la Charte des Nations Unies, nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire pour prévenir la répétition des atrocités et faire avancer les engagements et les valeurs de la Charte. Les atrocités dont le monde a été témoin depuis l’adoption de la Charte devraient nous rappeler constamment que ce qui s’est produit il y a 75 ans se produit encore aujourd’hui, avec des conséquences catastrophiques pour l’humanité. Un engagement renouvelé en matière de prévention est nécessaire pour honorer véritablement les victimes de l'Holocauste non seulement en paroles mais également en actes. Autrement, nous ne tiendrons jamais la promesse de la Charte de «sauver les générations futures du fléau de la guerre».
Adama Dieng est Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide.
Formé à l’Ecole des Arts de Dakar, Abdoulaye Ndiaye Thiossane a été chanteur au petit orchestre Thiossane Club, au Cayor Rythmes, au Royal Band et lead-vocal à l’Inas. Une vie artistique féconde pour ce natif du Cayor aux talents multiples…
Il a tâté au théâtre, au dessin avant de finir musicien et plasticien. Formé à l’Ecole des Arts de Dakar et affecté ensuite comme peintre aux Manufactures des Arts décoratifs de Thiès, Abdoulaye Ndiaye Thiossane a été chanteur au petit orchestre Thiossane Club, au Cayor Rythmes, au Royal Band et lead-vocal à l’Inas puis l’Orchestre national. Une vie artistique féconde pour ce natif du Cayor aux talents multiples…
Autodidacte à ses débuts, il s’est fait tour à tour comédien, musicien et peintre. Plusieurs vies qui se confondent et qu’Abdoulaye Ndiaye Thiossane raconte avec des souvenirs frais dans la tête. Ses cheveux et sa barbe gagnés par la blancheur et son âge avancé, il est né en 1936, ne lui font pas perdre sa mémoire. Il vous cite volontiers le journaliste métis, Petit Jules qui l’a découvert à la fin des années cinquante chez un couple, M. et Mme Tigo alors installés à Thiès. Abdoulaye Ndiaye, doué en dessin, jouait également à l’époque dans la troupe théâtrale Lat-Dior de la Cité du rail. Avec ses amis, comme Kounta Mame Cheikh, disparu récemment, ils occupaient les planches en avant-première des concerts du Tropico Jazz.
«Petit Jules alors journaliste m’a vu à Thiès copier des affiches de cinéma et m’a recommandé de monter à Dakar pour suivre les cours de l’Ecole des Arts…» se souvient l’artiste polyvalent. Ainsi soit-il ! Abdoulaye Ndiaye a vingt-six ans et s’installe à Dakar, à la rue Tolbiac angle Grasland où le directeur du cinéma Royal lui donne une chambre. Il commence à confectionner des affiches de cinéma pour le patron du Royal. Et une fois bien installé dans la capitale, le natif de Sam, dans le département de Tivaouane, va prendre des informations à l’Ecole des Arts, située à l’époque sur la Place Protêt. Lui qui n’a jamais été à l’école française, s’inscrit dans la Section Recherche Arts plastiques dirigée par Iba Ndiaye. Un challenge pour un autodidacte qui a appris à lire et écrire en recopiant les affiches de cinéma et écoutant les dialogues de films.
Le Thiessois suit, jusqu’en 1967, simultanément les cours d’Arts plastiques et d’Art dramatique et décroche son parchemin. Mais le plus intéressant pour Abdoulaye Ndiaye durant son séjour à Dakar sera outre le 2e Prix de décoration en Recherche Arts Plastiques et le Prix d’interprétation en Art dramatique, sera plutôt la rencontre de camarades de promotion comme Kimitan Tounkara, Djibril Diop Mambety, Fatim Diagne, Djibril Bâ, avec qui, il interprète la pièce théâtrale «Djanké». Tout en suivant les cours à l’Ecole des Arts, déplacée par la suite à l’ancien Camp Lat-Dior sur la Corniche dakaroise, Abdoulaye Ndiaye, avec Chérif Mané à la guitare et d’autres élèves de l’établissement, monte également un petit orchestre dénommé « Thiossane Club ». C’est de là qu’il hérite de son surnom. Avec ses potes de l’orchestre, dont Ibou Diouf et Omar Seck, actuel pensionnaire du Théâtre Sorano, ils répètent à l’Ecole des Arts. Et quand leur directeur leur suggère de se faire enregistrer à la radio nationale, Abdoulaye Ndiaye y chantera, entre autres morceaux, le fameux «Aminata Ndiaye», «Modaane», et «Tal léne lamp yi» (allumer les lampions, en wolof). Ce dernier titre lui vaudra par la suite une sélection au Festival mondial des Arts nègres tenu à Dakar en 1966. C’est l’année suivante, après l’obtention de ses parchemins à l’Ecole des Arts que l’artiste cayorien sera affecté comme peintre cartonnier aux Manufactures sénégalaises des Arts décoratifs de Thiès inaugurées auparavant par le Président Léopold Sédar Senghor. Il y travaillera avec des camarades de promotion, Mamadou Niang, Seydou Barry, Ousmane Fall, Mor Fall, avant d’y démissionner.
Des allers-retours en musique
Abdoulaye Ndiaye retourne à son autre passion, la musique. Il retrouve son ami Kounta Mame Cheikh pour faire avec lui les beaux jours du Kajoor Rythmes Orchestra de Thiès. Ils chanteront à la Semaine nationale de la Jeunesse durant deux éditions avant que le directeur du Conservatoire Abdourahmane Diop ne le convoque à Dakar pour, à côté des Mor Dior Seck, frère de Thione, Ousmane Touré qui sera plus tard parmi les Touré Kounda, chanter dans l’orchestre de l’Institut national des Arts du Sénégal (Inas). Ils joueront avec l’Inas un partout à travers le pays. Puis retour à la case départ pour Abdoulaye Ndiaye Thiossane. "J'ai quitté l'Inas
pour retrouver mon atelier de dessin installé chez moi au quartier Médina Fall à Thiès…» explique-t-il. Mais comme si son destin de musicien le tenait à la cheville, l’artiste retrouvera la capitale en 1982. Le directeur du Conservatoire l’a rappelé à nouveau pour la formation de l’Orchestre nationale du Sénégal. Toujours avec Mor Dior Seck, Abdoulaye Ndiaye y chantera aux côtés de Nicolas Menheim, Baba Maal, Doudou Ndiaye Mbengue, Adolphe Coly, Issa Mbaye Sow, avec comme encadreurs feu Pape Seck du Number One et Ouza Diallo. Que de souvenirs pour Abdoulaye Ndiaye Thiossane. En effet c’est au sein de l’Orchestre national qu’il connaîtra davantage les régions du pays et côtoiera des célébrités africaines comme Tshala Mwana en 1985 et feue Mpongo Love, l’année suivante. Invitées à Dakar pour des concerts toutes, alors stars congolaises, interpréteront un morceau tiré du répertoire d’Abdoulaye Ndiaye Thiossane.
Après six ans au sein de l’orchestre national, le chanteur thiessois démissionne et retourne chez lui au quartier Médina Fall. Quelques tournées et contrats remplis avec le Royal Band des Gorel Sarr, Racine Aw, Marcel Nunez, Marcel Faye, Seck, et le revoilà repeindre dans l’anonymat de son atelier installé à domicile. «Vous savez je cultive la philosophie de Serigne Touba qui disait en substance que l’individu, avec un travail bien fait, aussi éloigné qu’il soit dans un endroit de la terre finit toujours par attirer l’attention des autres…» confie Abdoulaye Ndiaye en souriant. Il est vrai qu’avec la peinture, ses œuvres ont été exposées un peu partout dans le monde. Elevé Chevalier de l’Ordre national du Lion, puis dans l’Ordre des Arts et des Lettres, en 2002, Abdoulaye Ndiaye Thiossane a fait un ultime retour au Théâtre national Sorano la même année. Il était invité au lancement du Troisième festival mondial des Arts Négres. Il y fredonné sa fameuse chanson «Tal lene lamp yi » entonnée en 1966 lors de la première édition de cette manifestation panafricaine.
Tourné presque définitivement vers la peinture, Abdoulaye Ndiaye Thiossane, n’en reste pas moins un observateur averti de la musique sénégalaise. «Notre musique actuellement n’a pas trop d’instruments à vent. Presque pas de saxophone, ni de trombone ou violon dans la musique sénégalaise. Il n’y a pas de souffle du chanteur pour laisser le temps aux instrumentistes de faire un solo dans le morceau. On ne met pas en valeur l’instrumentaliste. » regrette l’ex lead-vocal de l’Orchestre national. Et encore, Abdoulaye Ndiaye, qui a été l’un des premiers artistes sénégalais à chanter en wolof dans un style mbalax, alors que cela ne se faisait qu’en rythme salsa, ne comprend pas que les jeunes dansent aujourd’hui dans un clip vidéo en chantant nos saints. C’est vrai que les temps ont changé, les artistes aussi…