"Complément d’enquête" raconte la suite de ce thriller planétaire. Comment l’homme en résidence surveillée à Tokyo depuis huit mois a-t-il réussi à duper les autorités ? Qui sont ses complices ?
Présenté par Jacques Cardoze. C’est le 10ème round d’un combat sans merci. Mis à terre par la justice japonaise, Carlos Ghosn contre-attaque dans une mise en scène parfaitement orchestrée. "J’étais otage au Japon !" a-t-il lancé d’un ton martial le 8 janvier 2020, lors de sa conférence de presse aux allures de règlement de comptes. L’ancien patron de l’alliance Renault-Nissan est-il victime d’un coup monté comme il le clame ? Les autorités japonaises sont-elles allées trop loin ?
AU SOMMAIRE : - «Quatre inculpations» : Un an après "L’affaire Ghosn", "Complément d’enquête" raconte la suite de ce thriller planétaire. Comment l’homme en résidence surveillée à Tokyo depuis huit mois a-t-il réussi à duper les autorités ? Qui sont ses complices ? Réfugié au Liban parmi ses proches, Carlos Ghosn est aujourd’hui sous le coup de quatre inculpations, pour dissimulation de revenus et abus de confiance aggravée. Grâce à Nissan, il aurait aussi profité de somptueuses soirées au château de Versailles. L’ex-tycoon de l’automobile se serait-il laisser gagner par l’ivresse des cimes ? Déjà en 2016, le PDG le mieux payé de France s’était "auto-augmenté". Salaire annuel à l’époque : près de 15 millions d’euros ! - «Patron visionnaire ou manager impitoyable ?» : De ses jeunes années chez les jésuites à Beyrouth jusqu'à l’épopée japonaise, en passant par l’affaire des faux espions de Renault, amis d’enfance et ex-collaborateurs racontent le phénomène Ghosn. Patron visionnaire, sauveur de Nissan pour les uns, manager impitoyable, paranoïaque avec ses équipes pour les autres. Portrait d’un orgueilleux qui voulait conquérir le monde et se retrouve aujourd’hui dans la peau d’un paria.
« COMPLÉMENT D'ENQUÊTE - Carlos Ghosn : attrape-moi si tu peux ! » [INÉDIT] Diffusé le Jeudi 16 janvier 2020 sur France 2.
"LES AFRICAINS N'ONT PAS BESOIN D'UNE MONNAIE UNIQUE"
Au-delà du symbole qui consiste à renommer « éco » la monnaie unique ouest-africaine, c’est tout un système qui doit être remis à plat, selon Ndongo Samba Sylla. Il plaide pour la mise en place des monnaies nationales souveraines - ENTRETIEN
Le Monde Afrique |
Séverine Kodjo-Grandvaux |
Publication 19/01/2020
Après l’annonce d’une réforme du franc CFA, l’économiste sénégalais prône une refonte totale du système monétaire ouest-africain.
Pour l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla, la réforme du franc CFA en Afrique de l’Ouest, annoncée le 21 décembre 2019 par le président français Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara, est loin d’être la panacée. Au-delà du symbole qui consiste à renommer « éco » la monnaie unique ouest-africaine, c’est tout un système qui doit être remis à plat, estime-t-il. Selon le coauteur, avec Fanny Pigeaud, de L’Arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc CFA (éd. La Découverte, 2018), les Etats africains devraient plutôt mettre en place des monnaies nationales souveraines.
Jeudi 16 janvier, le Nigeria et plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment anglophones, ont dénoncé la décision de remplacer le franc CFA par l’éco, et rappelé la nécessité de suivre la feuille de route pour l’établissement d’une monnaie unique dans la région. De quoi s’agit-il exactement ?
Le projet de monnaie unique pour les quinze pays de la Cédéao [Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest] date des années 1980 et a été reporté à plusieurs reprises. Mais en juin 2019, cette monnaie a été baptisée « éco » – qui est le diminutif d’Ecowas (Cédéao, en français). Selon la feuille de route, elle devait être gérée par une banque centrale fédérale et fixée, non pas à l’euro, mais à un panier de devises (euro, dollar, etc.).
L’annonce d’Emmanuel Macron et d’Alassane Dramane Ouattara de renommer le franc CFA « éco » est une usurpation, un kidnapping. Mais à mon sens, l’éco de la Cédéao n’est clairement pas l’alternative qu’il faut pour les pays africains, car ils devront remplir des critères de convergence. Aujourd’hui, seul le Togo en est capable.
Que vont devoir faire les Etats pour remplir les critères de convergence ?
Le projet de la Cédéao s’inspire à 100 % de la zone euro qui avait établi un certain nombre de critères, les fameux critères de Maastricht [qui imposent la maîtrise de l’inflation, du déficit public, de la dette publique]. Or ils ne sont absolument pas adaptés à nos pays volatils. Le Cap-Vert, par exemple, a un taux d’endettement de plus de 100 %. Pour parvenir à moins de 70 %, il devra mettre en place un programme d’austérité. Tout comme la Gambie. Le Liberia, la Guinée, la Sierra Leone et le Nigeria ont des taux d’inflation à deux chiffres. Pour qu’ils descendent sous les 5 %, ils vont devoir mettre en place, eux aussi, des politiques d’austérité qui vont certes diminuer l’inflation, mais qui vont augmenter leur dette publique.
Que faudrait-il faire alors ?
Selon moi – c’est un point de vue très minoritaire –, on doit se demander si les Africains ont besoin d’une monnaie unique à quinze. Je ne le pense pas. De tous les travaux économiques qui ont été menés, aucun ne montre que les pays qui utilisent le franc CFA en Afrique centrale ou en Afrique de l’Ouest devraient partager la même monnaie. Car les critères d’une zone monétaire optimale ne sont pas remplis. D’un point de vue économique, chacun de ces pays devrait avoir sa propre monnaie nationale. Les avantages à maintenir le CFA sont inférieurs aux inconvénients.
Pour avoir une monnaie unique, il faut un taux d’échange important dans la zone comme c’était le cas pour la zone euro qui avait un taux de 60 %. Or le taux de commerce entre les pays africains est très faible, tout juste 5 %, en Afrique centrale. Le seul argument en faveur d’une monnaie unique serait peut-être qu’elle soit précédée d’un gouvernement unique avec un ministère des finances fédéral, capable de mener une politique de solidarité entre les pays.
Chaque Etat devrait donc avoir sa monnaie nationale ?
Oui, c’est important. Si vous n’avez pas votre propre monnaie nationale, vous ne pouvez pas assurer votre indépendance financière. A part les pays de la zone CFA, ceux de la zone euro et ceux de l’Union monétaire des Caraïbes orientales, tous les autres pays au monde ont leur propre monnaie nationale. Dans la logique de la finance globale, les Etats doivent être dessaisis du pouvoir de création monétaire qui revient in fine aux banques centrales dites indépendantes. Le pouvoir monétaire est beaucoup plus fort que le pouvoir budgétaire.
Quand il y a des crises, les Etats sont contraints à limiter leurs dépenses. La seule manière de réagir, c’est alors d’entreprendre des réformes structurelles, c’est-à-dire de diminuer le coût du travail et les charges pour les entreprises et de taxer les classes moyennes et populaires. C’est ce que nos dirigeants et nos économistes doivent comprendre. Il n’y a pas de démocratie si le peuple ne contrôle pas l’instrument monétaire.
N’y a-t-il pas un risque d’inflation voire de dévaluation si l’on met en place rapidement une monnaie flexible ?
En fait, le projet de l’éco n’est pas d’avoir une monnaie flexible, mais un ancrage fixe à un panier de devises et non plus uniquement à l’euro. Le Ghana et le Nigeria ont une tradition d’un taux de change flexible. Mais jusqu’à preuve du contraire, le Nigeria n’est pas intéressé par l’éco. Il abrite 200 millions d’habitants, 400 millions dans vingt-cinq ou trente ans. Il représente plus des deux tiers du produit intérieur brut de la Cédéao. Il n’acceptera jamais de faire partie d’une zone éco s’il n’a pas le leadership.
Quelles seraient les conséquences d’un éco faible pour les économies des pays concernés ?
Je n’aime pas ces notions de monnaie forte ou faible. Car, quand les monnaies sont trop fortes, on doit prévoir une dévaluation. Et avoir une monnaie qui se déprécie dans des pays qui importent, comme c’est le cas en Afrique où les produits exportés sont des produits primaires dont le prix est fixé à l’étranger, crée de l’inflation. Ce qu’il faut, c’est une monnaie souveraine, c’est-à-dire qui garantisse l’indépendance financière de l’Etat, qui peut financer les services publics, participer au développement économique, sans s’endetter en monnaie étrangère. Cela demande des réformes importantes du secteur bancaire. On peut se débarrasser de l’influence française, mais la souveraineté appartient aux banques, pas aux Etats. C’est beaucoup plus important que tout le reste.
texte collectif
POURQUOI A-T-ON SI PEUR DES ÉTUDES POSTCOLONIALES EN FRANCE ?
C'est la peur panique qui gagne le camp des gardiens de l'Empire français ravitaillé depuis le berceau par la nostalgie de la grandeur coloniale
L'Express |
Alain Mabanckou et Dominic Thomas |
Publication 19/01/2020
Les Etudes postcoloniales - en anglais Postcolonial Studies -, apparues dans les années 1980 en Amérique du Nord et en Inde, et bien plus tard en Europe, nous exhortent à repenser notre vision du monde en prenant en compte l'influence de la colonisation. Ce n'est sans doute que ce mot colonisation que beaucoup retiennent pour décrier à tort ces études et, en passant, certains historiens français de la nouvelle génération oeuvrant depuis des décennies pour ce champ de recherche.
Si dans le milieu universitaire français ces études alimentent encore des réticences c'est que beaucoup de chercheurs sont angoissés à l'idée que leur fonds de commerce - l'histoire racontée ou enseignée unilatéralement sous le prisme de la gloriole occidentale avec ses canons traditionnels - ne tombe définitivement en faillite et qu'une autre page s'ouvre, contredisant ou nuançant le récit national et égocentrique français, pour une conception plus éclatée et la remise en cause des vérités toutes faites.
L'attitude de repliement de ces chercheurs français s'est encore manifestée le 24 décembre 2019 dans une enquête de L'Express intitulée "Les obsédés de la race noyautent le CNRS ". En vérité, cet article préparait une tribune, publiée deux jours plus tard sur le site de L'Express, signée par six chercheurs et universitaires, avec en figure de proue Laurent Bouvet (un des fondateurs du Printemps républicain) et Pierre-André Taguieff, "l'instigateur de cette tribune", précise l'hebdomadaire.
Quand la colonisation est inconsciemment considérée comme une "entreprise positive"
Les auteurs de ladite tribune s'indignent ainsi contre "l'institutionnalisation" en France des études postcoloniales qui seraient caractérisées par "une obsession sur le colonialisme" et auraient pour "objet principal de préoccupation, l'héritage du colonialisme, et leur posture hypercritique à l'égard de l'Occident, supposé intrinsèquement colonialiste, raciste et impérialiste."
Ce mélange idéologique et politique s'écarte de l'esprit d'ouverture scientifique puisque les auteurs empruntent les sentiers embourbés du militantisme grégaire et nous livrent un message à peine voilé : ils préservent avec toute l'énergie du désespoir le discours traditionnel de l'Occident, minimalisent ou normalisent la colonisation qui, dans leur inconscience, et peut-être même dans leur conscience, sera toujours considérée comme une "entreprise positive" que devraient applaudir les descendants des anciens territoires colonisés par la France. La vérité vient donc toujours du Nord, et ce qui provient hors de ce "centre" ne pourrait être pris au sérieux. La pensée serait en conséquence verticale, et ceux qui sont en bas devraient congratuler ceux qui, apparemment, sont au-dessus, bien installés à la droite de Dieu.
C'est quasiment le même état d'esprit que nous retrouvons sur le plan politique à travers la fameuse "affaire Marie NDiaye". En 2009, celle-ci reçut le prix Goncourt pour son roman Trois Femmes puissantes. Métisse née en France d'un père sénégalais et d'une mère française, dans l'esprit de certains elle demeure une "écrivaine noire", donc "venue d'ailleurs". À l'époque, horripilé par les commentaires de l'auteure, qui avait décidé d'aller vivre en Allemagne afin de s'éloigner du pays qu'elle qualifiait de "France monstrueuse de Nicolas Sarkozy", un député de la droite, Eric Raoult, s'en prit ouvertement à la lauréate : "Nous lui avons donné le prix Goncourt [...] C'est la France qui lui a donné ce prix". Il estimait de ce fait que Marie NDiaye avait "un devoir de réserve" qui l'obligeait à "respecter la cohésion nationale" et à "[défendre] les couleurs littéraires de la France". Quelles sont ces couleurs littéraires ? Nous ne sommes donc pas loin du paternalisme colonial puisque la récompense d'un écrivain pour son travail personnel est perçue comme un cadeau de la République, voire une médaille pour ses bons et loyaux services ...
L'ampleur du retard du milieu scientifique français vu des Etats-Unis
Ces querelles franco-françaises, vues des États-Unis ou nous enseignons depuis des décennies illustrent hélas l'ampleur du retard amoncelé par le milieu scientifique français en la matière. Il existe en effet depuis les années 1960, dans les universités américaines un élan vers des départements d'études qui incluent le discours de l'Autre que l'Histoire n'a pas forcément enregistré ou a continuellement ignoré ou muselé : African American Studies, Latino/Hispanic/Chicano Studies, Asian American Studies, Native American Studies etc. Pendant ce temps les adversaires de ces champs de recherche en sont encore à s'insurger contre les "importations anglophones" et à amalgamer études postcoloniales et militance décoloniale, deux choses distinctes.
Notre collègue Didier Gondola, originaire de la République Démocratique du Congo et professeur à Indiana University ne mâche pas ses mots lorsqu'il souligne que "l'Amérique accueille des dizaines de chercheurs français, brimés dans une France viciée par les lourdeurs de son propre système universitaire". C'est désormais presque un cliché de rappeler que les universités américaines ont depuis longtemps porté aux nues et recruté des penseurs français tels Jacques Derrida, Jean Baudrillard, Michel Foucault, Félix Guattari, Roland Barthes, Gilles Deleuze, Emmanuel Levinas, tandis que les études postcoloniales ont connu une ascension extraordinaire grâce à l'influence des théoriciens francophones tels Frantz Fanon, Édouard Glissant, Aimé Césaire, V. Y. Mudimbe, Léopold Sédar Senghor, Achille Mbembe et Souleymane Bachir Diagne entre autres. À New York, en Louisiane, Édouard Glissant, Maryse Condé, Assia Djebar, ou encore Emmanuel Dongala, ont laissé une empreinte comme écrivains professeurs, et aujourd'hui leurs successeurs, les écrivains Abdourahman Waberi (Djibouti), Alain Mabanckou (Congo) entre autres, enseignent aux côtés de leurs homologues africains anglophones, tels que Ngùgì wa Thiong'o (Kenya), Chris Abani (Nigeria), Helon Habila (Nigeria), Wole Soyinka (Nigeria, prix Nobel), et Teju Cole (Nigeria).
Une peur panique gagne le camp des gardiens de l'Empire français
Ce n'est plus un secret de souligner que les pourfendeurs des études poscoloniales ne viennent plus seulement de la droite, mais aussi d'une gauche - ils s'en proclament encore, mais en sont déjà très loin - qui freine le diagnostic des maux de la République française et qui taxe de valets de l'impérialisme américain ou anglo-saxon tous ceux qui se consacrent à une telle recherche. C'est donc la peur panique qui gagne le camp des gardiens de l'Empire français ravitaillé depuis le berceau par la nostalgie de la grandeur coloniale. L'université française passe ainsi à côté de cet élan de progrès, et Achille Mbembe, un des illustres théoriciens des études postcoloniales nous rappelle qu'"à cause de son insularité culturelle et du narcissisme de ses élites", elle "s'est coupée de ces nouveaux voyages de la pensée mondiale".
Qu'est-ce qui justifie alors les réticences quant aux études poscoloniales en France ? L'épineuse question de la race ? Celle des "minorités" ou bien l'éternelle appréhension des "communautarismes" devant une société française qui affiche au grand jour un décalage entre son quotidien de métissage et ses idéaux de nation judéo-chrétienne ? Est-ce cette attitude qui touche progressivement l'université française au moment où quelques-unes d'entre elles essayent, même de façon marginale, d'aborder ces sujets pendant que leurs publications scientifiques sont traînées dans la boue par les auteurs de la tribune de L'Express ?
Le train est en marche. Il est plus que jamais temps de prendre en compte la nécessité d'inclure l'imaginaire de "dispersion" et de "circulation", de libérer l'expression de ceux que Césaire qualifie de "sans voix". Dans ce sens, le Sénégalais Felwine Sarr, qui rejoint cette année Duke University, devient presque un visionnaire lorsqu'il dit dans son ouvrage Afrotopia (2016) : "L'avenir est ce lieu qui n'existe pas encore, mais que l'on configure dans un espace mental." Et cet espace mental, proclamons-le, est notre chantier le plus imminent, contre vents et marées, ou plutôt contre cette France qui n'est pas la France et qui remonte le pont-levis sur le monde avant de cadenasser toutes les issues du manoir et de se recroqueviller dans sa belle et glorieuse histoire occidentale...
Alain Mabanckou, Ecrivain, Professeur de littératures française et francophone, Université de Californie-Los Angeles (UCLA)
Dernier ouvrage paru : Huit leçons sur l'Afrique, Grasset, 2020.
Dominic Thomas, Professeur, Directeur du Départment des Études françaises et francophone, Université de Californie-Los Angeles (UCLA)
Dernier ouvrage paru : Noirs d'encre. Colonialisme, immigration et identité au coeur de la littérature afro-française, La Découverte, 2013.
"LE TRAFIC DES FAUX MÉDICAMENTS EST UN CARNAGE SILENCIEUX"
Aminata Touré, participe du 17 au 18 janvier à l’Initiative de Lomé, au cours de laquelle des chefs d’État africains ont signé un engagement politique visant à lutter contre le trafic de faux médicaments. Elle appelle à la criminalisation du phénomène
Jeune Afrique |
Aïssatou Diallo |
Publication 19/01/2020
La présidente du Conseil économique, social et environnemental du Sénégal, Aminata Touré, participe du 17 au 18 janvier à l’Initiative de Lomé, au cours de laquelle des chefs d’État africains ont signé un engagement politique visant à lutter contre le trafic de faux médicaments. Elle appelle à la criminalisation du phénomène et à une meilleure coopération entre les États.
Dans certaines régions d’Afrique, 60 % des médicaments vendus seraient falsifiés, selon l’Organisation mondiale de la santé. Cela concerne aussi bien les antibiotiques et les antipaludéens que des médicaments contre le cancer, le viagra et les produits cosmétiques, qui proviennent le plus souvent d’Asie (Chine, Inde) ou du Nigeria. Pour les trafiquants, le business du faux médicament est plus lucratif que celui de la cocaïne. Pour 1 000 dollars investis, ils en retirent 500 000 dollars de bénéfices, contre 20 000 pour celui de la drogue. Pour lutter contre ce phénomène qui représente un problème de santé publique, chefs d’État, anciens présidents et Premiers ministres, ministres de la santé, présidents d’institutions africaines et internationales et spécialistes du secteur de la pharmacie se sont donné rendez-vous les 17 et 18 janvier à Lomé. Lancée par la Fondation Brazzaville, cette initiative se veut originale. C’est la première fois que des leaders politiques africains s’organisent pour combattre les faux médicaments. Sur les sept présidents initialement attendus dans la capitale togolaise, seuls trois étaient finalement présents : Macky Sall, Yoweri Museveni et Faure Gnassingbé. Alors que la Gambie n’était pas représentée, Nana Akufo-Ado, Denis Sassou Nguesso et Mahamadou Issoufou étaient, eux, représentés par leurs ministres de la Santé. Un avant-projet du protocole d’accord pour une meilleure collaboration et la criminalisation du trafic de faux médicament a été signé à cette occasion ce samedi. Celui-ci devrait être entériné dans les mois à venir, au terme de travaux entre les différents acteurs impliqués dans la lutte dans chaque pays. Aminata Touré, présidente du Conseil économique et social du Sénégal, ancienne Première ministre et ancienne ministre de la Justice, a prêté sa voix à l’organisation de ce sommet, en assurant la modération de la cérémonie. La Sénégalaise estime que la lutte contre les faux médicaments passe par la criminalisation de ce trafic, une meilleure coopération entre les États et l’amélioration des systèmes de santé.
Jeune Afrique : Derrière l’appellation courante « faux médicaments » se cachent de nombreuses réalités. Qu’est-ce qu’un faux médicament, selon vous ?
Aminata Touré : Un faux médicament, c’est d’abord un médicament qui ne remplit pas l’objectif de soigner tel qu’il le déclare. Il y a les médicaments de qualité inférieure, qui sont autorisés, mais qui ne répondent pas aux critères de qualité, à cause de la contrefaçon par exemple. Les médicaments falsifiés, eux, sont des produits dont l’identité, l’origine ou la composition sont trompeurs. Il y a également des faux médicaments bien plus dangereux : non seulement ils ne soignent pas, mais en plus, ils tuent. Selon des chiffres de l’American institute of tropical medicine, 120 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année à cause d’antipaludéens falsifiés. L’OMS considère que les faux médicaments causent environ un million de morts dans le monde chaque année. On estime que 10 à 15 % des produits pharmaceutiques vendus dans le monde sont falsifiés. Dans ce trafic mondial, l’Afrique est la plus touchée, en raison de la difficulté d’accès aux médicaments. C’est un carnage silencieux, qui touche surtout les plus pauvres, qui achètent des plaquettes d’antibiotiques sur des étals. Mais les classes moyennes et les couches privilégiées sont également de plus en plus concernées, car ces faux médicaments sont aussi vendus en pharmacie.
Dans certaines régions d’Afrique, plus de la moitié des médicaments vendus sont des faux. Comment expliquer l’absence de criminalisation sur la question dans la plupart des pays du continent ?
C’est pour cela qu’un engagement a été pris par des chefs d’État pour criminaliser cette activité. On considère que le trafic de faux médicaments rapporte près de 200 milliards de dollars chaque année dans le monde. Ce sont des profits énormes. C’est l’activité criminelle la plus rentable. D’autant plus que les victimes de ce trafic sont souvent mal informées. Prenons l’exemple d’une mère de famille qui vit dans un village, et qui va acheter des médicaments au marché pour soigner la fièvre de son enfant. En administrant ce médicament à son enfant, elle espère le voir guérir. Mais en réalité, ce médicament peut le tuer. Il faut plus de campagnes de prévention pour informer de la gravité de la situation. Il faut que l’on sache qu’acheter un médicament au marché ou dans la rue, ça tue. Nous devons renforcer notre législation et la coopération entre les États pour lutter contre le trafic transfrontalier.
Plusieurs initiatives ont déjà été lancées pour contrer la vente des faux médicaments. Comment la signature de cet accord va-t-elle contribuer à enrayer le phénomène ?
C’est une initiative africaine et il faut le relever. En prenant le leadership sur cette question dramatique, ces hommes politiques s’impliquent personnellement. C’est un premier pas. L’initiative de Lomé, soutenue par la fondation de Brazzaville, doit remonter jusqu’à l’Union africaine. C’est une initiative endogène qui appelle à la modification des cadres législatifs des pays eux-mêmes et de renforcement de leur coopération.
L’ampleur du trafic ne met-il pas en lumière la défaillance des différents échelons de nos systèmes de santé, de la régulation, au contrôle douanier et aux chaînes de distribution ?
Je préfère voir ça comme des défis qui nous restent à relever, car nous avons enregistré de nombreuses avancées. N’oubliez pas qu’en vingt ans, l’espérance de vie en Afrique a augmenté, plus que partout ailleurs dans le monde. L’accès aux services de santé s’est amélioré, même s’il reste beaucoup à faire. Mais ce qui est justement scandaleux, c’est que des entreprises criminelles s’appuient sur ce besoin de santé pour engranger des milliards de dollars. Nous devons travailler à rendre les médicaments accessibles dans les structures de santé à travers la production de génériques. C’est pour cela que dans le cadre de la coopération intergouvernementale, les pays doivent travailler à la création d’industries africaines de médicaments de qualité et à moindre coût. Il existe déjà des structures de ce type dans certains pays, mais je pense qu’il faut une plus grande coopération, par exemple au niveau régional, afin que nous ayons nos propres compagnies pharmaceutiques. Mais cela ne règle pas nécessairement le problème. Ces mêmes produits peuvent être falsifiés. L’entreprise criminelle doit donc être d’abord arrêtée. Il faut également des missions de contrôle de la qualité des médicaments mis sur le marché au niveau des États.
Les systèmes de couverture santé sont déficients dans de nombreux pays ouest-africains. Quel bilan tirez-vous de la CMU au Sénégal ?
Les systèmes de santé efficaces sont un autre grand défi. C’est un choix politique qui fait parfois débat, comme aux États-Unis, avec le projet entamé par Barack Obama, aujourd’hui remis en question. Pour moi, l’accès à la santé est un droit universel et l’une des stratégies pour le réaliser progressivement est l’assurance maladie universelle. Ce n’est pas simple, car cela coûte cher. Il faut mettre en place un système transparent de recouvrement des coûts, décentraliser l’offre d’assurance à travers les caisses de quartier, de villages ou les caisses professionnelles, et mettre en place un mécanisme de contrôle rigoureux. Pour ce qui est du Sénégal, la CMU était l’un des chantiers de Macky Sall dès son arrivée au pouvoir. Il y a eu un grand bond en avant car nous sommes passés d’un taux de couverture de 10 % à une couverture de 50% en sept ans. L’objectif est d’atteindre au moins un taux de 80%. Lorsque les populations peuvent avoir accès aux centres de santé qui respectent les standards définis par le ministère de la Santé, avec des contrôles de la qualité des médicaments, nous avançons dans la lutte. Mais il ne faut pas attendre d’avoir une CMU pour combattre les réseaux criminels qui prospèrent sur ce besoin.
Des experts affirment que le trafic de faux médicaments est l’une des sources de financement des groupes terroristes dans le Sahel. Pourquoi et comment se sont-ils saisis de ce « marché » ?
Les réseaux criminels utilisent les mêmes routes et sont souvent impliqués dans d’autres trafics, tels que celui de la drogue et des être humains. De plus, c’est un trafic très lucratif. Comment la Cedeao y fait-elle face ? C’est tout le sens de ce sommet. La première étape consiste à introduire rapidement des législations qui criminalisent le trafic avec des sanctions plus sévères. Tous les pays membres de l’UA doivent également signer les conventions de lutte contre la corruption et de lutte contre les crimes transnationaux. Il faut former les services de douanes, les magistrats, les personnels de santé à déceler les faux médicaments. Il faut enfin créer des technologies qui permettent d’attester de la validité des médicaments. C’est une lutte qui se mène sur le long terme et c’est encourageant de voir des chefs d’États se saisir d’une question aussi vitale.
En plus du développement d’une industrie pharmaceutique en Afrique, la normalisation de la médecine traditionnelle peut-elle être une solutions selon vous ?
En ce qui concerne la médecine traditionnelle, c’est un autre débat. Il y a encore un travail à faire sur les normes à définir et sur la reconnaissance scientifique. Nous devons d’abord arrêter ces marchands de la mort.
LA VIE DU COUPLE DE COM' DE MACKY SALL
Depuis le départ d’El hadji Kassé, Seydou Guèye est aux commandes de la communication de la présidence tandisque Latif Coulibaly en porte la parole. Un duo qui, selon les analystes, fait des résultats sur la forme. Mais le fond laisse encore à désirer
Depuis le départ d’El hadji Hamidou Kassé, le ministre Seydou Guèye est aux commandes de la communication de la présidence de la République. D’un autre côté, le journaliste Abdou Latif Coulibaly porte la parole de la présidence. Un duo qui, estiment des journalistes et analystes politiques, fait des résultats sur la forme. Le fond laisse encore à désirer. Pour les convaincre, le couple devra corriger beaucoup d’aspects dans la communication de Macky Sall.
«Sans enjeu personnel ni aucune forme de compétition»
L’instant est une occasion en or, une immense opportunité pour jeter un faisceau de lumière sur le couple de com’ du Présidence de la République, sur le duo Abdou Latif Coulibaly-Seydou Guèye, le nouveau binôme de communicants censés redonner du tonus à la voix du Palais. Malmenée par une sortie de route de El Hadji Kassé au lendemain de retentissante affaire Aliou Sall-Bbc-Bp, qui avait tenu en haleine le pays, voire le monde, et lancée dans une drôle d’opération de rattrapage, la communication de la Présidence de la République est restée pendant un bon moment dans un sale état. Critiquée de tous, jugée incohérente dans ses sorties, incompétente dans son contenu. Une situation qui aurait obligé Macky Sall à réorganiser ce service de la Présidence, avec des hommes rompus à la tâche. Journaliste de profession, communicant au bagout de rhéteur, Abdou Latif Coulibaly, qui est militant de l’Alliance pour la République (Apr), est nommé le 25 juin 2019 par le même décret n°2019/1066 que Seydou Guèye, ancien ministre porte-parole du gouvernement et du parti présidentiel. Depuis, la com’ du Palais semble travailler sur de nouvelles bases, avec des innovations. Dont la plus éloquente est la conférence de presse du 31 décembre dernier, organisée avec des journalistes triés sur le volet, juste après l’adresse à la Nation du chef de l’Etat. Mais comment Abdou Latif Coulibaly et Seydou Guèye travaillent-ils ensemble ? Quelle est l’organisation actuelle de la communication de la Présidence de la République, siège de l’Exécutif Sénégalais ? N’y a-t-il pas chevauchement dans les prérogatives de l’un et de l’autre, tellement les missions semblent identiques ?
«Chacun de nous sait ce qu’il doit faire»
Ce 31 décembre 2019, les ministres Abdou Latif-Coulibaly et Seydou Guèye veillent au grain. Ils sont assis derrière le chef de l’Etat, qui déroule face à la presse. Mais le caméraman de la Rts qui filme l’instant télé, suivi par des millions de Sénégalais, ne manque pas de faire des gros plans sur le tendem. Après le Président Sall, très à l’aise dans son grand boubou marron, ils sont les vedettes du jour. Le couple est concentré sur son sujet. Mais quand la pression retombe quelques jours plus tard et que la mission se révèle à ses yeux une grande réussite, le binôme est revenu sur cette soirée exceptionnelle au Palais. Et surtout sur son organisation. «L’initiative de la rencontre entre le président de la République et la presse, le 31 décembre dernier, a été portée, selon le ministre Abdou Latif Coulibaly, par le ministre Seydou Guèye.» Dont le management de la communication relève de sa prérogative. Mais dans l’exercice de cette mission, il n’a pas agi seul. Le responsable de la Communication du Palais a associé son voisin de bureau, son collègue ministre porte-parole du président de la République, Abdou Latif Coulibaly. «Il lui arrive souvent de solliciter son expérience. Les deux hommes dont les liens professionnels sont facilités par l’étroitesse de leurs relations privées, se sont penchés en parfaite intelligence sur les préparatifs de ce grand rendez-vous», trahi un collaborateur du duo en charge de la communication de la Présidence de la République. «A chaque fois qu’il pense que je peux lui apporter quelque chose, on en parle», confirme l’ancien journaliste Abdou Latif Coulibaly.
Même si les champs d’action sont clairement définis, avec des lettres de missions différentes, les deux hommes travailleraient en complémentarité au service du président de la République. «Sans enjeu personnel. Ni aucune forme de compétition», souffle le même collaborateur. Le ministre Abdou Latif Coulibaly intervient dans l’ombre sur les actions de Seydou Guèye, qui le sollicite, le contraire n’est cependant pas évident.» Dans sa mission, l’ancien journaliste n’est chargé que d’une partie du travail de communication. Abdou Latif Coulibaly en fait la précision. Il dit ne pas s’occuper de la communication du président de la République. «Chacun de nous sait ce qu’il doit faire. Je porte la parole de la présidence de la République. Aussi bien celle du président de la République que des services qui sont à la Présidence, explique-t-il. On me demande d’aller dire les choses, je les dis». Et s’il a des initiatives qu’il souhaite prendre, il en parle à qui de droit, le Président Sall. «Soit j’interviens oralement ou par écrit. Je rends compte directement au chef de l’Etat, tout comme lui il rend compte au chef de l’Etat», explique Latif Coulibaly. Histoire de circonscrire son champ d’action, mais aussi de définir son niveau de positionnement sur l’échelle hiérarchique.
La recette pour rendre plus efficace la com’ du Palais
En plus de «travailler en harmonie» avec Abou Latif Coulibaly, Seydou Guèye indique que les nouveaux services rattachés à la cellule de la Présidence de la République sont venus rendre plus efficace la Com’ du Palais. Il évoque le Bureau d’information gouvernementale (Big), lancé en septembre 2018. Ce bureau, dirigé par l’ancien journaliste du Soleil, Doudou Sarr Niang, est composé d’un département administratif et financier, d’un service des opérations et de la production multimédia et d’un département service baromètre, observation de l’opinion publique et sondages. «Le Big, explique le ministre-conseiller Seydou Guèye, a des outils, des instruments qui produisent de l’information sur les réalisations du Président Sall et sur les questions d’intérêt national. Aussi bien au service du président de la République que du gouvernement, ce support travaille à côté du pole communication de la Présidence.»
Le duo de communicants du Palais est aussi épaulé par la cellule de l’unité digitale, qui travaille sur les réseaux sociaux. «A la date d’hier, 16 janvier 2020, le compte Twitter du président de la République, créé depuis 2010, comptait 1 061 000 suiveurs. La page officielle du président de la République sur Facebook enregistrait 464 000 abonnés. Ce qui fait de Macky Sall le Président le plus suivi en Afrique francophone, affirme Ousmane Thiongane, coordonnateur de l’Unité digitale de la Présidence. Et sur le continent, il fait partie des six présidents les mieux suivis. D’ailleurs, la présidence fait moins de communiqués, parce que la page Twitter du président se porte bien.» L’autre changement apporté par le duo Latif-Seydou Guèye et qui impacterait la com’ présidentielle, c’est que maintenant tous les services qui interviennent dans la communication sont regroupés dans le même espace de travail au Palais. Ce qui faciliterait les réunions de coordination pour le suivi et la veille communicationnelle. «Nous essayons d’avoir des démarches stratégiques. Ce qui a changé, c’est que nous avons encore fini d’organiser la communication, nous sommes en train de l’orienter et de l’animer à travers les structures mises en place», explique Seydou Gèye, le ministre en charge de la Communication présidentielle. Il souligne, une dernière fois : «Avec le ministre Abdou Latif Coulibaly, tout se passe super bien.» Les atomes son crochus.