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27 juillet 2025
"LA NOTION DU BIEN EST LIÉ À L'ARGENT, AU SÉNÉGAL"
Sokhna Benga, autrice sénégalaise de talent revient sur son dernier livre ‘’L’or de Ninkinanka’’, sur son histoire avec l’écriture, sur la colonisation et le panafricanisme. Entretien
Écrivaine et romancière de référence, Sokhna Benga est l’auteure d’une vingtaine d’ouvrages littéraires, dont les romans ‘’Le dard du secret’’ (Grand Prix de la commune de Dakar pour les Lettres) et ‘’La balade du sabador’’ (Grand Prix du chef de l’Etat pour les Lettres). Actuellement directrice des Transports maritimes et fluviaux et des Ports du Sénégal, l’autrice sénégalaise la plus prolifique dit être bien organisée, de telle sorte qu’elle va pouvoir nourrir sa passion, tant qu’il lui restera un souffle. Sokhna Benga garde un œil attentif sur le monde, en particulier sur la société sénégalaise. Ainsi, elle se définit comme éveilleur de conscience, porte-voix. Dans cet entretien, elle revient sur son livre ‘’L’or de Ninkinanka’’ qu’elle vient de publier, sur son histoire avec l’écriture, sur la colonisation et le panafricanisme. Entretien.
Vous êtes autrice de nombreux ouvrages littéraires. Mais vous semblez plus pencher vers le roman. Pourquoi le choix de ce genre ?
J’ai mes parties poétesse, scénariste et, par moments aussi, nouvelliste (mes nouvelles ne sont pas encore parues), mais je préfère le roman. J’ai écrit aussi une collection de livres pour enfants qui s’appelle ‘’Fadja’’, parce que j’aime bien les collections. Pour mon penchant pour le roman, il s’agit, pour moi, quelque part, par le roman, de parler de ma société, de pouvoir aussi mettre le doigt là où il fait mal. Je pense que nous sommes des éveilleurs de conscience et avons l’obligation d’ouvrir les yeux à notre peuple et de trouver des solutions ensemble.
D’où vous est venue votre passion pour l’écriture ?
Entre l’écriture et moi, c’est quelque chose de bizarre. Mon père était écrivain, et moi je disais que c’était un boulot qui ne m’arrangeait pas. Je suis quelqu’un de très libre dans l’esprit, et je trouvais que l’inspiration, quelque part, emprisonnait la personne dans un rythme de vie assez particulier dans lequel je refusais d’être embarquée. Je suis tombée dans la littérature par hasard, comme je le dis : j’écris parce que j’ai des choses à dire. Et quand j’ai été confrontée au premier sujet qui m’a amenée à écrire, ‘’Le dard du secret’’, j’avais à l’époque 9 ans et je revenais de l’école primaire. Je venais d’apprendre qu’un enfant avait été abandonné dans un pot de tomate de 2 kilos.
Et cette histoire m’a tellement choquée parce que (c’est vrai que nous venions d’une famille assez aisée) je ne pouvais pas concevoir, dans mon esprit d’enfant, qu’une mère soit amenée à abandonner son enfant. C’était pour moi inconcevable et je me suis dit que je ne pouvais pas rester indifférente. Je me suis levée et j’ai commencé à écrire pour dénoncer, parler des enfants abandonnés et surtout du risque qui pouvait exister, si l’enfant survivait. Parce que l’enfant partait en oubliant ses origines. Et dans ‘’Le dard du secret’’, c’est une fille qui était abandonnée et qui, vingt ans après, rencontre son frère et ne sait pas que c’est son frère de même père et de même mère. Ces frères vont se marier, avoir des enfants et c’est seulement là que Hayta va découvrir la vérité sur sa naissance. Pour moi, c’était une façon de dire aux gens : faites attention ! Un enfant n’est pas un jouet, c’est un cadeau de Dieu.
Je pense que le virus m’est entré de par cet évènement et je n’ai plus jamais arrêté. Au Sénégal, on a tellement de choses à dire. Il y a tellement de choses à dénoncer et, par moments, je me dis que ce rôle que j’ai emprunté de porte-voix des sans voix me collera à vie. Car, tant que j’aurai un souffle de vie en moi, j’écrirai. Comme j’ai l’habitude de le dire, je suis issue d’un peuple qui est fait dans la plénitude. Au Sénégal, les gens acceptent le sort, le subissent. J’ai fait le tour du monde, d’autres pays auraient explosé pour moins que ça. Donc, un pays qui est aussi stoïque face aux évènements de la vie, mérite le meilleur. Et tant que je serai là, je dirai le mal qu’ils subissent en silence.
Comment est-ce vous vous organisez pour écrire, vu vos nombreuses responsabilités ?
Au début, c’était difficile, parce que l’inspiration était comme un cheval débridé et à tout moment j’écrivais. Par la suite, je suis arrivée à la domestiquer. Maintenant, je prends mon temps. J’ai une méthode qui me permet de pouvoir écrire beaucoup d’ouvrages. Je fais les ossatures et après, comme un styliste, je les habille. Cet habillage peut prendre des années. ‘’La balade du sabador’’, je l’ai écrit en 3 mois, je pense. Mais le roman a pris 15 ans, parce qu’à part ‘’Le dard du secret’’ que j’ai écrit comme ça parce que j’avais quelque chose à dénoncer, tout le reste a fait l’objet d’enquête approfondie. Ce fut le cas pour ‘’La balade du sabador’’, ‘’L’or de Ninkinanka’’, ‘’Bruit d’ombre’’ ‘’Waliguilan’’. Ils constituent une trilogie qui parle de l’histoire du Sénégal pendant la période coloniale. Une période dont on parle très peu pourtant, qui est tellement lourde de sens que je me suis dit : je ne pouvais pas ne pas parler de toute cette génération de Sénégalais qui s’est enrichie grâce au commerce, à la traite de l’arachide, et qui ont été mis au frigo parce que tout simplement ils avaient pris la décision de créer une intelligentsia sénégalaise qui pouvait un jour permettre aux Sénégalais d’être indépendants. Je trouvais qu’on devait parler de la colonisation parce qu’elle a fait pire que l’esclavage. Elle a amené ce qu’on appelle l’assimilation. Et par assimilation, on entend oublier ce qu’on est, oublier d’où l’on vient et se créer une nouvelle identité. Je pense que dans ‘’Baayo’’ j’en parle.
Êtes-vous panafricaniste ?
Je suis noire et magnifique (avec un sourire généreux). Je suis africaine ; je suis sénégalaise et je trouve que l’Afrique a sa partition à jouer dans l’histoire du monde. Pas cette partition qui nous est imposée, qui nous a fait croire qu’on a été inutile sur cette terre, alors que l’Afrique est le berceau de l’humanité. On n’est pas le berceau de l’humanité pour rien. On porte en nous les germes de la renaissance. Il est très important que les Africains soient fiers de leur continent autant que le sont les autres. Je pense que ce n’est pas une histoire d’Europe contre l’Afrique ou quoi que ce soit, mais nous avons notre partition à jouer dans l’histoire du monde. Nous avons notre rythme, notre chanson, notre rêve. Nous avons le droit de nous exprimer, par les moyens que nous avons.
C’est vrai que c’est difficile, par moments. On a toujours l’impression que l’Afrique a été en dehors des mouvements d’inventions, de créations, alors que l’histoire de l’humanité montre que les civilisations ont toujours cheminé ensemble parce qu’il y a eu des moments de partage d’une intensité rare. Si tout le monde restait dans son coin, peut-être qu’on serait tous morts aujourd’hui (…) Aujourd’hui, nous sommes dans un pays où on connait mieux l’histoire de l’autre que notre propre histoire, alors que nous avons une partition très importante à jouer dans ce que Senghor appelait la ‘’civilisation de l’universel’’, c’est-à-dire montrer à l’autre qui on est, tirer de l’autre le meilleur et le mélanger à ce que nous avons pour faire naitre quelque chose de plus beau : le métissage culturel.
Que pensez-vous de la décision de la France de rendre aux Africains leurs biens culturels ?
Cette lutte pour que les trésors qui ont été amenés pendant des années, pendant cette période, puisse revenir. Je pense que ‘’L’or de Ninkinanka’’ parle de ce combat-là, de ce bijou qui est partie pendant la période coloniale et qui revient au Sénégal parce que ceux qui l’ont pris ont cru que les pouvoirs qui y sont attachés pourraient être éveillés. Parce que, quelque part aussi, en Afrique, nous avons cet attachement profond pour le mysticisme. Quand je parlais d’hybridité religieuse dans ''La balade du sabador’’, ce n’est pas un mot vain. Ça veut dire qu’aujourd’hui, que ce soit le sabre d’Omar Foutiyou Tall ou d’autres objets, il faut se demander si ces objets doivent rester de manière permanente ailleurs ou revenir. Mais encore, il faudrait que ce soit les objets authentiques.
Est-ce qu’au Sénégal, il est facile d’écrire sur certains éléments relatifs à l’histoire, eu égard à la polémique consécutive à la sortie des 5 premiers tomes de l’‘’Histoire générale du Sénégal’’ ?
Aucun Sénégalais n’assumera que son grand-père à jouer un rôle noir dans l’histoire. Quand on part dans d’autres pays, les gens l’assument. Moi, j’ai vu des gens qui ont revendiqué être des descendants de grands bandits. Mais au Sénégal, tout monde est médecin, entraineur et tout le monde a un grand-père qui est roi.
Parlez-nous de ‘’L’or de Ninkinanka’’
C’est une histoire d’amitié. L’argent et le pouvoir sont des éléments très dangereux. C’est en leur présence que les caractères se dévoilent. Des amies d’enfance qui décident de s’approprier d’un trésor de djinn pour avoir le pouvoir et l’argent. C’est aussi l’histoire d’amitié entre Aida et Marie qui ont grandi ensemble, qui sont devenues des ‘’sœurs’’, des ‘’domu ndey’’, comme elles s’appellent. Et ce groupe d’amies se retrouve dans le piège de vouloir gagner de l’argent dans la facilité. Ninkinanka est le dragon légendaire qui donne l’argent. Mais ce Ninkinanka là est différent de celui de notre légende. Ce Ninkinanka tombe amoureux, et malheureusement, de la personne qu’il ne faut pas : Aida. Alors que le schéma classique voudrait qu’il tombe amoureux de Marie. Donc, c’est un peu cette histoire qui nous enseigne quelque part qu’il y a un principe de vie sur lequel revenir dessus nous amène peut-être à remettre en cause les fondamentaux, les principes qui font qu’une société soit harmonieuse. Ces gens ont osé vouloir remettre en cause le destin et comme vous le savez, nous sommes tous des croyants. Le destin est un chemin tout tracé. Même si vous y amené une éraflure, cette éraflure va s’effacer et le destin va continuer son chemin. Parce que personne ne peut l’empêcher d’arriver à son but. ‘’L’or de Ninkinanka’’ nous rappelle quelque part que nous sommes dans un pays où il y a une profusion de proverbes. Mais on ne s’est jamais demandé ce qui a amené cela. Toutes les sociétés bien constituées sont basées sur la discipline, l’ordre, le travail. Nous, nous voulons tout avoir sans travailler. Moi, je m’amuse avec les proverbes sénégalais.
Pensez-vous que nous sommes dans une société où les gens sont méchants ?
Je ne pense pas que les gens soient foncièrement mauvais. Je pense qu’en l’humain, il y a quelque chose de bon. Tout dépend de l’environnement. Il faut que la société prône elle-même ce qui est bien, que les gens se disent pour une fois la vérité. Allez à Sorano, prenez des millions, jetez-les là-bas, vous êtes le meilleur d’entre tous. Prenez votre force ou autre chose que l’argent pour aider quelqu’un, personne ne verra ce que vous avez fait. La notion du bien est liée à l’argent, au Sénégal. Mais ça, c’est un cheminement social que les gens doivent refuser. Et pour qu’on puisse le refuser, il faut que, quelque part, la machine redémarre. Et cela ne peut se faire qu’avec des femmes fortes et des hommes forts qui ont la notion du refus. On ne se dit pas la vérité. C’est quoi ‘’boula tathio bo fethiul doto fethie’’ ? On nomme quelqu’un et les gens viennent lui dire cela. Or, dans certains pays, quand quelqu’un est nommé à certains postes, il est sous pression. C’est une charge et non un privilège.
Voulez-vous remettre en cause les proverbes sénégalais ?
Pour moi, ces proverbes-là, on devrait les changer. Qu’est-ce que la notion de ‘’Leuk le lièvre et Bouki l’hyène’’ ? Nous devons apprendre à nos enfants des paradigmes qui leur permettent de s’en sortir dans la vie. On prône la ruse et non l’intelligence. L’intelligence, c’est savoir tirer parti, tirer le meilleur de ce qu’on a entre les mains. La ruse, c’est mélanger les choses de sorte d’en tirer ce qu’on veut.
Vous parlez beaucoup de Senghor. Parmi les quatre présidents que le Sénégal a eu à avoir, le quel préférez-vous ?
Oh ! Il ne faut pas m’en vouloir. Moi, j’aime Senghor. J’ai une admiration pour lui. Un président comme Senghor, j’en rêve. Celui qui va amener le respect des institutions, de la République, de la famille, de l’éducation. Vous savez, moi, j’avais beaucoup de respect pour mes enseignants. Pour moi, ils sont des références.
OUMAR SARR, PATRON DE L'AUTRE OPPOSITION
Profitant de l’absence des ténors à la table des négociations, de la dislocation du Front de résistance nationale sur cette question, il est devenu un des interlocuteurs privilégiés des représentants de la majorité au dialogue national
Dissident du Parti démocratique sénégalais, Oumar Sarr a réussi, malgré la volonté de son ex-mentor Abdoulaye Wade de le neutraliser, à s’imposer comme un des principaux leaders de l’opposition participant au dialogue national. Profitant de l’absence des ténors à la table des négociations, de la dislocation du Front de résistance nationale sur cette question, il est devenu un des interlocuteurs privilégiés des représentants de la majorité.
Dans l’ombre de Wade pendant des décennies, Oumar Sarr a pris, depuis mai 2019, sa propre voie. Devenant ainsi l’une des principales cibles de son désormais ex-mentor Abdoulaye Wade et de ses ouailles. Ces derniers le considérant comme démissionnaire du Parti démocratique sénégalais (PDS). Depuis lors, à tort ou à raison, ses rapports avec le pouvoir en place soulèvent des suspicions.
Dans le cadre du dialogue national, en tout cas, l’homme est en train de s’imposer comme un interlocuteur privilégié du camp de la majorité présidentielle. Ce qui s’explique, d’une part, par l’absence des plus grands partis de l’opposition, d’autre part, par son statut au sein du Front de résistance nationale (FRN). Le professeur Moussa Diaw explique : ‘’Oumar Sarr est un leader incontesté dans le Front de résistance nationale. Quel que soit le reproche qu’on puisse lui faire, il a su prendre son courage et ses responsabilités à temps, pour prendre son destin en main. Puisque, pour Wade, seul Karim semble compter.’’
Aujourd’hui, Oumar Sarr mène son propre combat en tant que leader politique, à la tête du mouvement And Suxali Sopi lancé en août 2019. Ainsi participe-t-il aux différentes activités de la vie publique et politique. Et c’est tout à fait légitime, si l’on en croit Pr. Diaw. Qui estime que le dissident du PDS est en train de jouer un rôle majeur, aussi bien dans le FRN que dans le dialogue national et politique. Il est évident, souligne l’analyste politique, que l’ancien SGA du PDS, vu son parcours, ‘’ne peut se contenter d’un statut de figurant dans cet espace. Et cela n’est pas pour plaire à Maitre Abdoulaye Wade et au PDS’’.
Bien que son poids politique ait encore du mal à dépasser les frontières de son Dagana natal, Sarr n’en demeure pas moins une force au sein du plus grand cadre regroupant les partis de l’opposition.
Sa proximité avec les gens du pouvoir, dans le cadre du dialogue national, fait de lui le chef de file de cette opposition. Reléguant, même parfois, à l’arrière-plan, Moctar Sourang, pourtant coordonnateur du FRN. Du côté du Parti démocratique sénégalais, cela ne surprend point. ‘’En fait, confie un responsable libéral, il faut savoir que ce front a été fabriqué de toutes pièces par le PDS. Si Moctar Sourang est aujourd’hui à la tête du front, c’est parce que le PDS l’a voulu. En tant que secrétaire général adjoint du parti à l’époque, Oumar Sarr a su développer un tissu de relations avec les membres du FRN. C’est pourquoi il continue de jouer ce rôle avec Mamadou Diop Decroix, malgré son départ du PDS’’.
Disciple d’Abdoulaye Wade, Oumar Sarr connait l’art de faire des crocs-en-jambe en politique, de se positionner dans la jungle politique nationale. Exclu de l’instance dirigeante du Parti démocratique sénégalais depuis août 2019, il se bat de toutes ses forces pour ne pas se laisser écraser par son ex-mentor. Le moins que l’on puisse dire c’est que, jusque-là, l’ancien bras droit de Wade parvient à surnager. Ce, malgré les nombreuses tentatives du PDS de l’isoler.
En effet, aussi bien le retour des Libéraux dans le dialogue politique que la rencontre entre leur boss et le chef de l’Etat n’ont, pour le moment, eu raison de sa ténacité. Le dernier bras de fer remporté par l’homme fort de Dagana, c’est sa cooptation dans le Comité de pilotage du dialogue national. Même s’ils ne le disent pas, les Libéraux auraient souhaité le contraire.
2016, début du rapprochement avec le régime
Mais entre Oumar Sarr et le régime, le rapprochement remonte, au moins, à 2016. Malgré un passé difficile, le maire de Dagana est, au fil des années, passé d’ennemi juré à interlocuteur assez singulier du chef de l’Etat. Au dialogue national de mai 2016, il était au cœur de la participation du Parti démocratique sénégalais, malgré le refus initial de Wade. Babacar Gaye révélait, lors du lancement du mouvement And Suxali Sopi : ‘’J’étais le seul à soutenir Abdoulaye Wade dans sa position (refus de participer au dialogue) comme je l’ai toujours fait. J’étais alors à Kaffrine. Lui-même (Wade) m’avait appelé pour me demander de revenir à Dakar puisque, disait-il, ignorant certainement ce qui était en jeu, la direction (Oumar Sarr et les autres) voulait participer au dialogue alors que lui n’était pas d’accord. Je lui ai dit que je ne peux pas venir, mais j’ai appelé d’autres responsables dont Fabouly Gaye, Toussaint Manga, Ablaye Faye, Farba Senghor pour leur demander d’aller défendre cette position qui était celle du président…’’
Finalement, Oumar Sarr, qui avait déjà convaincu Karim Wade de l’intérêt de participer au dialogue, finit par obtenir gain de cause. Wade lâche prise et autorise le parti à aller à la table des négociations.
Déjà, Oumar avait des entrées au palais, au moment même où son parti prenait ses distances avec la présidence, que son candidat était dans les geôles. Et c’est lui-même qui faisait la révélation, toujours à l’occasion du lancement de leur mouvement. Sans entrer dans les détails, il avait révélé son audience avec le chef de l’Etat en 2016 pour négocier la libération de ‘’son frère’’. Suite à l’accord de Macky Sall, il s’en est ouvert à Wade fils qui était d’accord. La condition, c’était la participation au dialogue politique. Une information que les comploteurs n’ont donné à Wade qu’au dernier moment.
Il aura fallu plus de trois ans, pour assister à un remake de la situation. Encore le chef de l’Etat qui appelle au dialogue ; encore Oumar Sarr qui décide de répondre ; encore Wade qui refuse de participer. Le fait nouveau, c’est que, cette fois, en plus du désaccord du père, Oumar Sarr se heurte au veto du fils. Il s’entête quand même et fonce à la salle des banquets du palais de la République, le 28 mai 2019. Sur place, il disait : ‘’J’ai pris la responsabilité de participer au dialogue pour répondre à l’appel du Sénégal qui est au-dessus de tous les partis politiques. Donc, quand le Sénégal appelle, je dois répondre, même si un communiqué du PDS dit le contraire. Je ne sais pas d’où vient ce communiqué et comment on l’a écrit. Ma responsabilité est de venir parler aux Sénégalais.’’
‘’On note une nette différence entre les approches de Wade et d’Oumar’’
Dans sa guerre contre son ancienne formation, Oumar Sarr peut compter sur le président Macky Sall qui le convie à toutes les rencontres. Il peut aussi compter, pour le moment, sur le soutien de ses camarades du Front de résistance nationale, entité dont il a été un des principaux bâtisseurs. Dernièrement, le parti de Wade a réagi vigoureusement, en claquant la porte dudit cadre qui regroupait les partis de l’opposition. Aussi, le PDS accuse certains responsables dont son dissident d’être de connivence avec le chef de l’Etat.
A en croire Moussa Diaw, c’est juste un mauvais procès. ‘’En tout cas, jusque-là, il n’y a aucun signe qui le démontre. Peut-être, quand il y aura des enjeux, on y verra plus clair. Ce qu’on peut dire, c’est qu’Oumar assume ses divergences avec le parti de Wade qui essaie de le discréditer. C’est de bonne guerre’’, analyse le politologue. De l’avis de Prof Diaw, un rapprochement entre ces parties est difficilement envisageable, à l’heure actuelle. ‘’On note une nette différence entre les approches de Wade et d’Oumar. Wade est dans la radicalisation, alors qu’Oumar est dans les dispositions de dialoguer. Chacun va essayer de tirer son épingle du jeu, mais séparément’’.
Toutefois, malgré le courage, malgré la caution du chef de l’Etat et de ses alliés de l’opposition, Oumar Sarr et son mouvement semblent souffrir d’un mal congénital. Le Pr. Diaw justifie : ‘’Le mouvement manque de dynamisme au niveau national. En dehors d’Oumar Sarr, les autres (Amadou Sall et Babacar Gaye) n’ont pas de base. Et c’est ce qui fait la faiblesse de ce mouvement. Si Oumar était entouré d’hommes et de femmes ayant une base, cela pourrait doper la structure. Mais c’est loin d’être le cas. Quelque part, on a l’impression que ça ne bouge pas. Certes, ils ont résisté à Wade, mais ils n’ont pu proposer une alternative solide leur permettant de débaucher d’autres responsables du PDS.’
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
LES FORÇATS DE LA RUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le métier de marchand ambulant précise la condition du sous-prolétariat urbain - Quelle promesse de bonheur peut-on trouver en menant cette activité aléatoire et difficile ? NOTES DE TERRAIN
Samedi 18 janvier 2020. 13h30. La brise fraîche du matin s’est dissipée depuis plusieurs heures maintenant. Le soleil a bien repris ses droits. Il a atteint son point de culmination. Ses rayons percent l’épais brouillard de nuage qui enveloppe le ciel. La chaleur arrive par vague et bouscule l’air. Mes yeux sont agressés. Je visse ma casquette pour protéger mon regard des halos lumineux. La poussière est partout. Elle flotte dans l’atmosphère et lui donne un aspect grisâtre. Quelques piétons défilent sur le trottoir. Les voitures sont immobilisées par les bouchons. Une dizaine de marchands ambulants s’aventurent dans ce plein midi arrosé par le feu solaire.
L’un d’eux avance. Il porte un survêtement adidas vert, visiblement contrefait. Son pantalon jean usé est mis façon “check down”. Il vend des noix de cajou grillés, contenus dans des sachets. Sa tête est couverte d’un bonnet bleu “cabral”. Il est très jeune. Sa démarche est calme, régulière. Il s’arrête devant une Ford Escape rouge et une Peugeot 3008 beige, freinées par les embouteillages. Il jette un coup d’oeil furtif à sa gauche, puis à sa droite. Les passagers des deux voitures ne bronchent pas. Il progresse et continue son commerce.
Un autre marchand ambulant arrive, l’allure lente. Il tient un meuble à lunettes sur son épaule gauche et se faufile entre les véhicules. Il lève la main pour saluer un mendiant, debout sur le terre-plein central de la route. Un troisième vendeur, la conduite chancelante, se coltine le portrait géant d’un marabout. Son corps est incliné. Il parle tout seul. Une femme lui emboîte le pas. Elle vend des produits chimiques contre les insectes. Elle est voilée, une casquette noire est posée sur sa tête, par-dessus le tissu bleu qui lui couvre le visage. Ce peloton, en mouvement sur la Vdn, juste après l’immeuble “Mariama”, fait fi de la chaleur et de l’air irrespirable.
J’ai toujours été impressionné par la capacité d’endurance des vendeurs parcourant les rues de Dakar. Ces braves gens sont à la tâche, tous les jours de la semaine, quel que soit le temps. Ils mènent une vie de labeur. Je n’arrête pas de penser que c’est un métier cruel. Un boulot indécent. En les voyant, je médite sur des questions gênantes. Quelle promesse de bonheur peut-on trouver en menant cette activité aléatoire et difficile ? Peut-on avoir une existence positive et intègre en exerçant un travail éreintant, qui contraint à respirer tous les polluants de la ville ? Je ne le pense pas. J’entends qu'il est presque impossible d’aspirer à un destin ascendant, dans tous les aspects de la vie sociale, politique et économique, lorsque l’on travaille dans ces conditions. On me rétorquera qu’il y a pire et qu’ils n’ont, de toute manière, pas le choix. Qu’il vaut mieux faire ce travail que d’être agresseur, voleur, ou de rester au chômage. Mais ce raisonnement est mauvais et ne pousse pas à rompre avec le conformisme.
Cette approche, qui pose la hiérarchie sociale comme inchangeable, n’est pas constructive. Elle est cynique même, puisqu’elle ne prend pas en compte l’idée supérieure du bien-être humain. Evidemment, l’oisiveté n’est pas préférable. ll y a toujours beaucoup d’honneur à travailler pour rester digne. Mais nous ne pouvons pas accepter de voir ces personnes soumises à l’insoutenable sclérose sociale. Tout notre malheur est de croire que ces situations d’extrême précarité sont recevables. Nous avons inscrit dans notre conscience l'idée que la violence subie par une grande partie de la jeunesse sénégalaise est normale. La réalité, c’est que l’activité du marchand ambulant est inflexiblement oppressante.
La condition générale des marchands ambulants est objectivement exécrable. Parmi les gens qui effectuent ce travail, en existent-ils qui le font par bonheur, ou par vocation ? Qui se lèvent tous les jours, avec un sourire radieux, et écrivent un message sur Facebook, Twitter ou Linkedin : “Je vais encore faire aujourd’hui le métier que j’ai choisi. Je vais y mettre beaucoup de coeur. Que du bonheur ” ? Ou qui se disent : “Alhamdoulilah ! Dieu m’a gratifié du plus beau travail du monde” ? Se trouve-t-il un seul marchand ambulant qui prend un selfie et le met sur WhatsApp ou sur sa page Instagram, avec de joyeuses émoticônes, en s’exclamant : “What a great day ” ? Certains peuvent être épinglés comme des modèles de réussite. Mais le raisonnement qui consiste à donner en exemple une petite minorité est un renversement des perspectives.
La société sénégalaise maintient une fermeture sociale intolérable. La plupart des individus dotés d'avantages économiques oublient de voir les grands écarts qui se sont formés dans notre pays. Ainsi se mettent-ils à projeter une vision darwinienne de la vie et poussent la société tout entière à croire que la misère est une fatalité. Ce conservatisme étroit nous empêche de libérer les consciences. D’ouvrir l’horizon à un devenir collectif meilleur, de construire un pays où l’égalité des chances est offerte à tous les citoyens, l’abondance partagée. Nous finissons alors par désidéaliser la vie et justifions les servilités. Or, on peut toujours agir sur le réel. L’homme a des capacités d’innovations formidables. Notre société est aussi en mesure, à l’heure où le savoir est plus que jamais abordable, de bâtir une intelligence collective dirigée vers le progrès humain. Ce n’est que par réflexe social que nous épuisons notre enthousiasme et acceptons la banalité de la misère.
Les sacrifices endurés par le marchand ambulant ne sont pas proportionnels à ses gains économiques. À l'échelle de son village ou de son quartier, le marchand ambulant ayant un revenu peut impacter résiduellement et subvenir à ses besoins. Seulement, son travail ne lui donne pas un prestige social, ne lui permet pas de cultiver sa valeur, afin d’agir considérablement sur le plan communautaire. Tomber dans le panneau du “la vie est injuste, on n’y peut rien”, c’est abdiquer face aux forces d’inertie et mutiler notre imagination. Le métier de marchand ambulant précise la condition du sous-prolétariat urbain. Ces femmes et ces hommes, moteur central de notre nation, sont ségrégués par un ordre social arriéré. Nous devons radicalement interroger cette misère en mouvement dans les rues de Dakar. Pour réfléchir et nous engager vers une nouvelle forme sociale plus respectueuse de l’Homme.
Retrouvez désormais sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Moustapha Diakhaté, militant de l'APR, ancien président du grouparlementaire BBY à l'Assemblée nationale, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
LA FOLLE ODYSSÉE DE COUMBA KANE
Soixante-douze heures après sa disparition, Coumba Kane a été retrouvée, hier, saine et sauve, dans la ville de Touba. La dame a raconté, lors de son audition, son kidnapping et comment elle a faussé compagnie à ses ravisseurs
CHEIKH THIAM ET BOUCAR ALIOU DIALLO |
Publication 18/01/2020
Portée disparue mercredi dernier, la dame Coumba Kane a fait l’objet d’intenses recherches de la part des forces de sécurité. En effet, les forces de l’ordre en avaient fait une question de sécurité nationale. L’enquête ouverte a été confiée, dans un premier temps, aux pandores de la brigade de gendarmerie de la localité. Puis, l’affaire prenant une tournure inquiétante, la haute hiérarchie des différentes forces de l’ordre a décidé de travailler en synergie pour diligenter cette affaire et la résoudre dans un délai record. La dame a finalement été retrouvée, hier, dans la ville sainte de Touba, après des péripéties qu’elle raconte de manière exhaustive.
C’est durant la journée d’hier samedi que les limiers l’ont retrouvée à Touba. Dans la foulée, elle a été conduite dans leurs locaux pour les besoins de son audition. Selon nos informations, lors de son face-à-face avec les enquêteurs, Coumba Kane est largement revenue sur les circonstances de son kidnapping et la manière dont elle a faussé compagnie à ses ravisseurs.
‘’Le mercredi dernier, après mes courses au marché, j’ai pris un ‘clando’ pour me rendre à l’hôpital de Thiaroye. A bord, il y a avait le chauffeur et une autre dame. Quelqu’un m’a dit de faire attention à mon téléphone que je manipulais. C’est à ce moment que j’ai perdu connaissance’’, a-t-elle confié aux hommes en tenue. Puis, reprenant son souffle après quelques gorgées d’eau pour baisser sa tension, elle a continué à dérouler le film de son kidnapping dans les moindres détails.
‘’A mon réveil, j’étais dans la brousse, à Linguère. Avant-hier, dans la nuit, j’ai profité d’un moment d’inattention de mes ravisseurs qui dormaient pour prendre la fuite. Quelqu’un a voulu m’en empêcher, je lui ai donné un violent coup et il est tombé. Une dame du gang a tenté de me poursuivre, mais puisque je courrais très vite, elle a été obligée d’abandonner’’.
Après plusieurs kilomètres parcourus, Coumba Kane s’est retrouvée dans un village non loin de la commune de Linguère. Elle a été mise sur une charrette, pour rallier la ville. Là, elle a pris une voiture pour se rendre à Touba, puisque c’était la seule destination qui lui venait en tête. Une fois dans la ville sainte, elle est parvenue à joindre ses proches par téléphone. Ceux-ci ont alerté la police de Touba.
Selon toujours nos informations, la dame est bien portante et elle ne laissait paraitre aucun signe de blessure, encore moins d’abus sexuel.
Quid des ravisseurs ?
Nos interlocuteurs renseignent qu’après son audition, elle a été remise entre les mains de la gendarmerie spéciale de la ville sainte qui avait commencé l’enquête, dans le cadre d’une procédure de mise à disposition. Ils précisent aussi que l’enquête de la maréchaussée permettra d’en savoir davantage sur les ravisseurs.
Le mercredi dernier, en début de journée, la dame Coumba Kane, âgée de 36 ans, avait quitté sa demeure, à Keur Mbaye Fall, en banlieue dakaroise, pour aller au marché de Thiaroye. Depuis, elle n’était pas rentrée. Avant-hier encore, sur Facebook, sa famille continuait les annonces, précisant qu’elle a été kidnappée. “Bonjour, c’est ma grande sœur. Elle a été kidnappée depuis hier, alors qu’elle partait au marché Thiaroye. Ses ravisseurs ont appelé pour dire qu’ils l’ont kidnappée. Elle est partie vers 11 h. On a parlé avec elle au téléphone. Elle a juste dit ‘Prenez soin de mes enfants’, disait un post de son frère largement partagé sur les réseaux sociaux.
La dame va pouvoir retrouver ses 4 enfants dont le plus jeune a 2 ans.
UN PRÊTRE SCHISMATIQUE AU KENYA
La controverse sur le célibat des prêtres a fait rage cette semaine au Vatican. Le camp des « réformistes », s'oppose à celui des conservateurs. Godfrey Shiundu a quitté l’Église catholique pour pouvoir épouser sa compagne et s’occuper de sa fille
La controverse sur le célibat des prêtres a fait rage cette semaine au Vatican. Le camp des « réformistes », s'oppose à celui des conservateurs. Mais certains au sein de l'Église n'ont pas attendu que les choses changent. C'est le cas de Godfrey Shiundu, qui a quitté l’Église catholique pour pouvoir épouser sa compagne et s’occuper de sa fille.
Cette controverse a cependant le mérite de jeter un coup de projecteur sur le célibat des prêtres, sujet épineux s'il en est. C'est du moins l'avis de l'ancien prêtre Godfrey Shiundu, qui a quitté l’Église catholique pour pouvoir épouser sa compagne et s’occuper de sa fille. Il est aujourd’hui « évêque pour l’Afrique » de l'Église catholique œcuménique du Christ, une Église chrétienne qui autorise le mariage des prêtres.
Un prêtre catholique peut-il avoir des relations sexuelles ? Pour beaucoup de prêtres, la réponse n’est pas simple. Lorsque Godfrey Shiundu a été ordonné, en 1994, la plupart de ses collègues, dit-il, avaient des maîtresses.
« En mon for intérieur, je me demandais : c’est vraiment la vie que je veux ? Coucher avec une femme le samedi soir et dire la messe le dimanche matin? C’est à ce moment-là que j’ai commencé à me poser des questions. »
Les choses se compliquent lorsqu’il rencontre une infirmière qui lui donnera une fille. Le père Shiundu se sent coupable, surtout lorsque la petite finit par réclamer son papa.
« Elle ne cessait de demander à sa mère : " Où est mon père ? Pourquoi il ne vit pas avec nous ? Pourquoi on ne peut pas faire de promenades ensemble ? " C’est à ce moment-là que je me suis dit, ça suffit. »
Le père Shiundu se penche sur l’histoire de l’Église et finit par comprendre que le mariage des prêtres était monnaie courante jusqu’au Moyen-Âge : « Tout à coup, cela m’a frappé : le célibat n’est qu’une règle de vie de l’Église, ce n’est pas un commandement de Dieu. »
En 2003, le père Shiundu décide de mettre fin à sa double vie. Il sera excommunié avant de rejoindre une Église américaine qui, elle, autorise le mariage du clergé. Un prêtre viendra des États-Unis pour célébrer son union et l’accueillir dans sa nouvelle Église. Godfrey Shiundu, aujourd’hui « évêque pour l’Afrique » de l’Église catholique œcuménique du Christ, vit avec sa femme, Stella, et leur fille, Natalia.
LES MYSTÈRES DE L'ARGENT LIBYEN
La campagne de Nicolas Sarkozy, en 2007, a-t-elle été financée par de l’argent du clan Kadhafi ? Depuis six ans, la justice essaie de démêler le vrai du faux dans les accusations. Le point sur l'enquête
Le Monde |
Simon Piel et Joan Tilouine |
Publication 18/01/2020
Six ans que la justice française fouille les arrière-salles de la république sarkozyste à la recherche de l’argent libyen. Huit ans que la presse, le site Mediapart en tête, documente les soupçons de plus en plus lourds qui entourent les relations aux forts relents de corruption entre Paris et Tripoli depuis 2005 et jusqu’en 2011, année de l’intervention militaire de la France et de ses alliés sous l’égide des Nations unies. Avec une question centrale : la Libye de Mouammar Kadhafi a-t-elle financé la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007 ? Autant d’années de recherches, de perquisitions, de commissions rogatoires internationales, de gardes à vue, de tentatives de déstabilisation, de révélations, de démentis et de déclarations fracassantes. Avec aujourd’hui quelques certitudes et encore de nombreuses questions. Des indices de plus en plus troublants, mais pas de preuve décisive.
Il est aujourd’hui établi que de l’argent du régime de Mouammar Kadhafi a abondamment transité entre la Libye et la France durant ces années-là pour atterrir notamment dans les poches de certaines personnes gravitant dans l’entourage proche de Nicolas Sarkozy. Mediaparta récemment révélé que Thierry Gaubert, un intermédiaire longtemps proche de Nicolas Sarkozy et ami de Brice Hortefeux, avait reçu un virement de 440 000 euros en février 2006 du Franco-Libanais Ziad Takieddine, le principal accusateur, lui-même nourri par de l’argent libyen. Il est également documenté qu’en 2005 de nombreux intérêts convergents, aussi bien économiques que géopolitiques, ont conduit Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy à se rapprocher, comme en témoigne la réception en grande pompe à Paris du dirigeant libyen en décembre 2007. Il est enfin certain que de l’argent liquide dont l’origine n’a pu être identifiée à ce jour a abondé les frais de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Dès lors, que penser ? Que seule une myriade d’individus peu scrupuleux installée au plus près de l’Etat s’est enrichie personnellement sur le dos de la nouvelle idylle franco-libyenne ? Que les anciens kadhafistes ont affirmé à tort avoir financé Nicolas Sarkozy pour se venger de l’intervention militaire menée sous la conduite de la France, comme le clame l’entourage de l’ancien président ? Ou, plus prosaïquement, que l’accumulation d’indices justifie la poursuite des enquêtes ? Au milieu des tentatives d’intoxications, des manipulations et des revanches opportunes, Le Monde fait le point sur l’enquête.
Des intérêts convergents
Quand la France se rapproche de la Libye au début des années 2000, le pays pétro lier sort de vingtsept ans de sanctions de l’administration américaine. Pour le clan Sarkozy, c’est Ziad Takieddine qui se charge d’articuler des offres commercia les permettant d’amorcer une normali sation des relations. Il s’appuie sur
Claude Guéant, avec qui il avait déjà œuvré en 2003 pour tenter de vendre un dispositif de surveillance des frontières à l’Arabie saoudite. Un contrat qui devait générer d’immenses commissions pour l’intermédiaire francolibanais et qui fut bloqué par le président Jacques Chirac, re doutant que son ambitieux ministre de l’intérieur se constitue un trésor de guerre pour marcher vers la présidence.
Le duo composé de Takieddine et Guéant retente sa chance en Libye. Mouammar Kadhafi désire alors, entre autres, rénover ses avions militaires et acquérir, là encore, du matériel de sécuri sation des frontières. Nicolas Sarkozy se tourne vers des grands groupes de l’in dustrie militaire française, et, en cou lisse, M. Takieddine joue au facilitateur. Il agit en Libye pour le compte de Total et pour une société informatique, i2e (deve nue Amesys, puis Nexa Technologies). Celleci propose, en 2006, un système de traitement massif des télécommunica tions, un outil fort prisé par les dictatu res, car il permet une surveillance élec tronique de toute une population. Le ré gime Kadhafi s’entiche de cette technolo gie française. Claude Guéant intervient pour obtenir l’autorisation d’export du produit et ainsi permettre à i2e de signer en 2007 un contrat avec la Libye.
Quelques jours après son élection, Sarkozy s’entretient au téléphone avec le colonel Kadhafi, qui se réjouit de comp ter un véritable « ami » en Europe. Le nou veau président français multiplie les pro positions de contrats. Puis, il demande au « Guide » de désigner la personne avec qui « échanger sur les questions délica tes ». De quoi s’agitil ? « Je suis dans mon obsession d’obtenir la libération des infir mières [bulgares] », rétorque Nicolas Sarkozy aux enquêteurs.
Après moult tractations, cellesci sont libérées le 24 juillet 2007, en échange de centaines de millions de dollars finale ment réglés par le Qatar. Le lendemain, à Tripoli, Nicolas Sarkozy signe une ky rielle d’accords, dont un « mémorandum d’entente sur la coopération dans le do maine des applications pacifiques de l’énergie nucléaire ». Etrangement, le groupe nucléaire français Areva « n’a été associé à aucune des étapes», a confié sa dirigeante d’alors, Anne Lauvergeon, aux enquêteurs.
Tripoli, destination sarkozyste
Dès 2005, Ziad Takieddine sensibilise l’entourage de Nicolas Sarkozy aux op portunités d’un rapprochement avec la Libye, comme en témoignent de nom breuses notes de l’intéressé qui ont été versées à l’enquête. A Tripoli, cet inter médiaire rompu aux règles byzantines du business international s’appuie sur le puissant chef des services de renseigne ment et beaufrère du « Guide », Abdallah Senoussi. Dans le même temps, Nicolas Sarkozy, fraîchement nommé ministre de l’intérieur, est invité par la Libye pour une visite officielle.
Peu avant et peu après sa rencontre avec le colonel Kadhafi, deux de ses très proches se rendront à Tripoli. Claude Guéant d’abord, en septembre. Brice Hortefeux ensuite, en décembre. Un voyage discret pour le premier. Officiel pour le second en tant que ministre des collectivités territoriales, ce qui n’a pas « grand sens », selon l’ambassadeur de France d’alors. Le propre directeur de ca binet de Brice Hortefeux expliquera plus tard aux policiers n’avoir aucun souvenir de la préparation d’un tel dossier, s’esti mant « mal placé pour juger les collectivi tés territoriales en Libye ». Puis s’agaçant face aux questions des enquêteurs, il lâ che : « Qu’estce que vous voulez que je vous dise ? Ce voyage a été organisé en de hors du cabinet que je dirigeais. » Ces dé placements avaientils d’autres finalités ? Ils furent en tout cas l’occasion pour les deux hommes de rencontrer Abdallah Senoussi par l’entremise de Ziad Takied dine. L’ambassadeur français n’est pas tenu informé de ces rencontres avec un homme visé par un mandat d’arrêt inter national pour son rôle dans l’attentat du DC 10 d’UTA, au Niger, en 1989. Devant les policiers, Nicolas Sarkozy dit tout ignorer de ces rencontres. «A aucun moment, je ne voulais avoir le moindre contact avec M. Senoussi à l’encontre duquel les servi ces de police français m’avaient mis en garde », précisetil.
Selon M. Senoussi et M. Takieddine, de même que pour Saïf AlIslam Kadhafi, le second fils du « Guide », ces rendezvous furent l’occasion de discuter des modali tés du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy. Une version démentie par Claude Guéant et Brice Hortefeux, qui assurent que Takieddine les a piégés en leur faisant rencontrer Senoussi. « Je suis allé en Libye pour des raisons d’Etat », précise au Monde M. Guéant, qui a tou jours contesté «avoir vu le moindre cen time d’argent libyen ».
Durant toute cette période, c’est une constante dans les relations francoli byennes: il y a les rencontres officielles et la diplomatie parallèle. Les enquêteurs s’interrogent en outre sur la possibilité que d’autres déplacements secrets de Nicolas Sarkozy ou de ses proches aient pu avoir lieu, ce que les intéressés ont tou jours nié. C’est notamment le cas pour un second voyage de Brice Hortefeux qui aurait pu avoir lieu le 17 novembre 2006, date à laquelle Ziad Takieddine se trou vait à Tripoli, et quatre jours avant qu’il ne reçoive au Liban, sur le compte de la société Rossfield, la somme de 2 millions d’euros en provenance de l’Etat libyen. Cette même société qui, en février 2006, avait versé 440 000 euros à Thierry Gaubert. Brice Hortefeux a toujours nié s’être rendu en Libye.
D’autres escapades libyennes sont au cœur des investigations. II s’agit de celles de deux avocats parisiens, Thierry He rzog et Francis Szpiner, aujourd’hui dési gnés respectivement comme conseil de Nicolas Sarkozy et d’Alexandre Djouhri dans l’enquête. A la fin du mois de no vembre 2005, les deux avocats se se raient en effet rendus à Tripoli pour ren contrer l’équipe locale de la défense pé nale d’Abdallah Senoussi, qui cherche alors activement à faire annuler le man dat d’arrêt qui le vise dans le cadre de l’attentat du DC 10 d’UTA. Selon des do cuments révélés par Mediapart, Francis Szpiner et Thierry Herzog auraient alors présenté « une offre » aux Libyens à la suite de « contacts politiques entre les res ponsables libyens et français pour régler [cette] affaire bloquée entre les deux Etats ». Pour quelles contreparties ? In terrogé sur ce point, Thierry Herzog a fait valoir son droit au silence. Quant à Me Szpiner, qui était aussi l’avocat des fa milles de victimes de l’attentat du DC 10, il a démenti.
Discrètes visites à Beauvau
Deux témoignages récents n’ont encore jamais été rendus publics. Les 30 et 31 oc tobre 2019, deux anciens chauffeurs de l’intermédiaire Ziad Takieddine sont ve nus confirmer devant la police judiciaire les liens étroits que celuici avait entrete nus avec Claude Guéant. Les deux hom mes assurent que le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’inté rieur (entre 2005 et 2007) et Ziad Takied dine se voyaient plusieurs fois par se maine dans les mois qui ont précédé l’élection présidentielle. Soit chez l’un, soit chez l’autre, ou encore à l’Hôtel As tor, dans le 8e arrondissement de Paris. L’un d’eux affirme avoir conduit M. Guéant à « une cinquantaine » de ren dezvous avec Ziad Takieddine. Claude Guéant luimême avait reconnu, par exemple, avoir dîné chez l’intermédiaire en compagnie de Saïf AlIslam Kadhafi, l’un des fils du dirigeant libyen, avant l’élection présidentielle.
Les deux chauffeurs racontent égale ment avoir souvent conduit l’intermé diaire au ministère de l’intérieur à l’épo que où Claude Guéant dirigeait le cabi net de Nicolas Sarkozy. Contre toutes les règles habituelles des visites dans les ministères, il suffisait au FrancoLiba nais de dire « Tak » à l’entrée pour que sa Mercedes V12 puisse pénétrer dans la cour. Les chauffeurs ignorent toutefois qui M. Takieddine allait rencontrer et ne l’ont jamais vu y entrer avec des mallet tes. Entre fin 2006 et le début de l’année suivante, l’un d’entre eux se souvient avoir conduit « Tak » directement de Roissy jusqu’au ministère de l’intérieur. «Il me semble qu’il revenait de Tripoli, parce que comme c’était le terminal 1, c’était cette destination », dit le chauf feur, qui confirme ainsi des propos de son ancien patron.
En 2017, l’intermédiaire avait raconté, avec moult détails, trois visites au minis tère de l’intérieur dix ans plus tôt à l’occa sion desquelles il aurait remis près de 5 millions d’euros. Des espèces données, ditil, par le régime libyen à Claude Guéant et à Nicolas Sarkozy. Les déclara tions devant la police des deux chauf feurs viennent aussi conforter l’idée d’une très grande proximité entre M. Ta kieddine et M. Hortefeux, un autre fidèle d’entre les fidèles de Nicolas Sarkozy. « C’était une relation très très soudée. (...) Il venait au moins une fois par semaine chez M. Takieddine. Parfois peutêtre deux fois, peutêtre trois fois dans une semaine. Et cette relation a duré sur une longue pé riode. Ils étaient très très amis.» L’un des chauffeurs décrit son ancien patron comme un homme généreux, maniant volontiers les espèces. « C’était des gros ses coupures. Nous avions parfois des billets de 500 euros. Souvent, il nous don nait ça pour faire les courses. (...) Vous me posez la question des cadeaux. Oui. Il achetait des choses de valeur. Il prenait des choses chez Smalto, chez Christian Dior, pour les offrir à ses amis. Je me sou viens avoir récupéré 5 ou 6 chemises chez Christian Dior qui avaient une grande va leur. C’était pour M. Copé. »
Cash partout, Libye nulle part
Autre mystère : l’enquête a permis d’éta blir que du cash en quantité avait circulé au sein de l’équipe de campagne de Nico las Sarkozy mais aussi dans les mains de certains de ses proches, sans pour autant parvenir à en établir l’origine. Aucune déclaration de versements d’espèces n’apparaît dans les comptes de la campa gne. Pourtant, plusieurs membres de l’équipe de Nicolas Sarkozy ont reçu des gratifications en espèces pendant et après la campagne.
« Un véritable défilé » dans le bureau du trésorier de l’UMP d’alors, Eric Woerth, selon une ancienne employée. Au moins 30 000 euros distribués à 25 personnes. Des dons en numéraires envoyés par des militants anonymes, selon M. Woerth. Ses explications ont été qualifiées de « captieuses » par les policiers, pour qui « les auditions de messieurs Woerth et Tal vas [alors directeur financier de l’UMP] apparaissaient discordantes dès qu’il fal lait rentrer dans les détails ». Dans le cadre du dossier Bettencourt, M. Woerth avait menti, niant alors tout usage d’argent li quide durant la campagne.
Un autre proche de Nicolas Sarkozy a vu circuler du cash. Beaucoup de cash. Il s’agit de Claude Guéant. L’enquête judi ciaire a permis de décrire précisément le rapport que celuici entretenait avec l’ar gent liquide. C’est l’un des points les plus forts de l’accusation. Il a ainsi été relevé par les policiers qu’entre mai 2003 et mai 2013 M. Guéant n’avait retiré que 2 450 euros de ses comptes bancaires. Pour explication, l’ancien ministre a in diqué puiser dans les frais d’enquêtes et de surveillances du ministère de l’inté rieur, ce qui lui a valu d’être définitive ment condamné en 2019 pour détourne ments de fonds publics. Mais le compte n’y est pas. Selon les policiers, le montant des espèces manipulées par Claude Guéant et dont l’origine est injustifiée s’élève à au moins 200 000 euros. Estce pour stocker discrètement des espèces en quantité que M. Guéant a loué le temps de la campagne de 2007 une chambrefortedansuneagencedelaBNP, où il s’est rendu sept fois entre le 23 mars et le 19 juillet 2007 ? Il s’agissait d’y dispo ser des anciens discours de Nicolas Sarkozy, se défend-il.
Le 31 juillet 2013, Boris Boillon, l’ancien ambassadeur de la France en Irak, puis en Tunisie, est interpellé par les douanes alors qu’il s’apprête à prendre un train pour Bruxelles avec un sac contenant 350 000 euros et 40 000 dollars en li quide. Reconverti dans le privé, il expli que qu’il s’agit d’une rémunération liée à son rôle dans la construction d’un stade en Irak. Or, selon un ancien membre du protocole de Kadhafi qui a témoigné sous le couvert de l’anonymat, 20 mil lions d’euros « ont été donnés directe ment à Boris Boillon et à Claude Guéant ».
La proximité de M. Boillon avec Kad hafi, qu’il appelait « papa », et son impli cation, alors qu’il est ambassadeur en Tu nisie, dans l’exfiltration de son directeur de cabinet, Bechir Saleh, après le déclen chement de la guerre, viennent ensuite semer le trouble. Et si ce cash transporté par M. Boillon ne venait pas lui aussi de Tripoli ? Malgré plusieurs demandes d’entraides pénales, la justice française n’est pas parvenue à établir le circuit complet de ces billets.
Les carnets de Choukri Ghanem
Quatre mois après le déclenchement de la révolution libyenne, le 15 février 2011, Choukri Ghanem annonce sa défection, depuis Rome. Mouammar Kadhafi, dont il fut chef de gouvernement (20032006) puis ministre du pétrole (20062011), me nace son peuple de « boucheries ». Déten teur de nombreux secrets, orchestrateur de contrats pétroliers douteux et de tran sactions financières opaques, M. Gha nem, 69 ans, craint pour sa sécurité et s’établit à Vienne. Le 29 avril 2012, entre les deux tours de l’élection présidentielle française, son corps est repêché dans les eaux du Danube. Aucune trace de vio lence n’est constatée, et la piste crimi nelle est écartée par la police de Vienne, qui conclut à la noyade. Pourtant, il aurait bien pu être la cible de « membres du régime » ou de « mafias étrangères », comme l’écrit un ambassadeur améri cain à Hillary Clinton dans un courriel rendu public par WikiLeaks. Dans l’en tourage d’Alexandre Djouhri, certains vont même jusqu’à se vanter d’avoir « fait faire glouglou » au Libyen.
M. Ghanem laisse derrière lui des do cuments parmi les plus troublants de ce dossier. Ce sont des carnets de bord ma nuscrits transmis par les autorités néer landaises à la justice française. A la date du 29 avril 2007, il restitue des propos te nus à un déjeuner auquel il participe, de même que le premier ministre, AlBa ghdadi AlMahmoudi, à la ferme de Be chir Saleh, en banlieue de Tripoli. «Be chir a parlé, disant avoir envoyé 1,5 mil lion d’euros à Sarkozy quand Saïf [AlIs lam Kadhafi, fils du numéro un libyen] donnait 3 millions d’euros », peuton lire sous la plume de M. Ghanem, pour qui il est probable que cet argent ait été dé tourné. « Il semblerait que les “types” l’ont intercepté en cours de route, tout comme ils ont mis la main sur les 2 mil lions d’Abdallah Senoussi », note M. Gha nem en consignant ses doutes sur l’im pact de tels versements.
Ces écrits fragilisent l’argument selon lequel les accusations des Libyens contre Nicolas Sarkozy n’auraient commencé qu’après le déclenchement de la guerre en 2011. Ils restent néanmoins délicats à exploiter tant les souvenirs des person nes citées sur ce déjeuner paraissent flous. Interrogé par Le Monde en septem bre 2017, seul Bechir Saleh confirmait la tenue de ce déjeuner – qu’il avait niée auparavant –, mais lui aussi disait ne pas se souvenir de tels propos. Il lâchait tout de même, sibyllin : « Kadhafi a dit qu’il avait financé Sarkozy. Sarkozy a dit qu’il n’avait pas été financé. Je crois plus Kad hafi que Sarkozy. »
Le réseau Djouhri
Il n’a pas le droit de quitter le centre de Londres depuis son arrestation le 8 jan vier 2018, en vertu d’un mandat d’arrêt européen délivré par la justice française dont il conteste le bienfondé. Passé du clan Chirac déclinant à la Sarkozie conquérante, Alexandre Djouhri, 60 ans, ancien flamboyant intermédiaire et rival de Ziad Takieddine, est soupçonné d’être un personnageclé de cette affaire. Dans sa villa genevoise, les enquêteurs ont ainsi eu la surprise de retrouver, en 2015, un RIB de Claude Guéant, qui n’a su ex pliquer ce fait.
Interrogé sur l’achat pour la somme de 715000 euros, en 2008, de son apparte ment dans le 16e arrondissement de Pa ris, M. Guéant avait dit avoir vendu deux
tableaux pour 500 000 euros la même année à un avocat malaisien, Siva Rajen dram. Après expertise, la valeur des toi les oscille pourtant entre 35 000 et 50 000 euros. Les enquêteurs de Tracfin ont ensuite découvert que le compte de M. Rajendram avait bénéficié, le 27 fé vrier 2008 – soit une petite semaine avant le virement de 500000 euros à Claude Guéant – d’un virement de 500000 euros de la part du milliardaire saoudien Khaled Bugshan, considéré par les enquêteurs comme le « trésorier » de « l’organisation » Djouhri.
A travers des montages financiers tor tueux, M. Djouhri atil cherché à dissi muler le règlement d’une grande partie de l’appartement de M. Guéant avec de l’argent dont l’origine est suspecte ? Et pour quelle contrepartie ? Cette même année, Alexandre Djouhri gère une autre affaire, dans le sud de la France : la vente d’une villa qu’il a acquise dix ans plus tôt, à Mougins (AlpesMaritimes). L’acheteur tient autant à la discrétion que M. Djou hri dont le nom n’apparaît jamais. Il s’agit de son ami libyen, Bechir Saleh, di recteur de cabinet de Mouammar Kad hafi et patron du Libyan African Invest ment Portfolio (LAP), le plus important fonds souverain d’Afrique. A travers la fi liale suisse du LAP, M. Saleh, alors soup çonné de détournements de fonds par l’un des fils Kadhafi, acquiert cette de meure au prix de 10 millions d’euros, alors qu’elle est évaluée à 4 millions d’euros et est grevée d’une dette fiscale d’environ 1,5 million d’euros.
Cette vente dévoile de nouveaux cir cuits financiers opaques soupçonnés d’avoir pu servir, après la campagne vic torieuse de Nicolas Sarkozy, à l’enrichis sement personnel de Claude Guéant grâce à d’importants détournements de fonds libyens. Coryphée de ces transac tions suspectes au profit de Djouhri et passées en partie par le Crédit agricole suisse, l’ancien banquier francodji boutien, Wahib Nacer, ami de Djouhri et banquier historique de la famille Bugs han, se défend malgré les nombreuses annotations «AD» rédigées sur des do cuments relatant ces virements découverts lors des perquisitions. « Lorsqu’il y a marqué “fonds AD”, il ne s’agit pas d’Alexandre Djouhri, mais de AD “mys tère” », se défendil sans rire devant les ju ges venus l’entendre à Djibouti.
La révolution libyenne de février 2011 devenue une guerre n’entame pas l’acti visme d’Alexandre Djouhri. Avec ses amis Bernard Squarcini, patron du contrees pionnage, et Dominique de Villepin, il s’implique dans l’exfiltration de Bechir Saleh de Libye. A Tunis, le Libyen est pris en charge par Boris Boillon et par M. Djouhri qui facilite sa venue à Paris. Mais la présence de M. Saleh, visé par une notice rouge d’Interpol, finit par consti tuer un « irritant diplomatique », selon les termes des services de renseignement. Le 3 mai 2012, entre les deux tours de l’élection présidentielle, Alexandre Djou hri organise sa deuxième exfiltration, cette fois de France vers le Niger d’où il re joindra l’Afrique du Sud. Le jet privé dé colle à 20 heures du Bourget. Il trans porte Bechir Saleh et ses secrets sur l’ar gent libyen loin de la France.
Des preuves fantômes
Depuis la mort de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011, ses fidèles n’ont trans mis aucune des preuves promises et se contentent de témoignages troublants mais discordants. Incarcérés ou en exil, ces caciques d’un régime vaincu dis tillent des indices, des accusations diffi cilement vérifiables, des détails précieux et parfois aussi des fausses pistes. Cer tains ont proposé, parfois contre plu sieurs millions d’euros, des documents aux services secrets.
«Nous en avons la preuve», avait as suré Saïf AlIslam Kadhafi, dès mars 2011. Un mois après le déclenche ment de la révolution et quelques jours avant les premières frappes aériennes occidentales, le fils aîné de la seconde épouse du « Guide » a lancé l’affaire. Sept ans plus tard, dans une lettre transmise à la justice française par ses avocats bri tanniques, il confirmera ses déclara tions, livrant quelques détails encore, sans toutefois apporter de « preuve ». Des figures « kadhafistes », comme Al Baghdadi AlMahmoudi, ont fini par li vrer leurs versions aux enquêteurs fran çais. L’ancien premier ministre (2006 2011), a longtemps accusé Nicolas Sarkozy d’avoir perçu 50 millions d’euros de la part de Mouammar Kad hafi. Il s’est toutefois montré plus me suré devant les juges français venus l’en tendre en prison à Tripoli, confiant ne pas avoir été « directement investi dans cette opération » et n’avoir « jamais eu de contacts » avec Sarkozy.
Abdallah Senoussi, lui, reste plus constant dans ses déclarations et main tient qu’une «partie du soutien a été ac cordée » à Nicolas Sarkozy. Les chiffres qu’il avance ne portent pas sur 50 mil lions d’euros mais sur une demande de 20 millions et un versement de 7 millions dont une partie par virement bancaire.
Auditionné par les juges en février en prison, il explique que Brice Hortefeux, à l’occasion d’une discrète rencontre orga nisée par Takieddine en décembre 2005, lui aurait remis en main propre un nu méro de compte en banque destiné à re cevoir les fonds. M. Senoussi prétend qu’un raid aérien aurait détruit la preuve. Les coordonnées bancaires de la société Rossfield de Takieddine, qui a perçu près de 6 millions d’euros d’argent libyen au cours de l’année 2006, figuraientelles sur ce document ? « Je ne suis pas en me sure de le confirmer », a dit Senoussi.
Interrogé par les enquêteurs le 21 mars 2018, Nicolas Sarkozy qualifie les soupçons de financement de sa campa gne de « fantastique n’importe quoi » puis fulmine contre des « kadhafistes » quali fiés de « plaisantins » ou d’« assassins » prêts à tout pour se venger. Au lende main de sa mise en examen pour «cor ruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de détour nement de fonds publics libyens », Nico las Sarkozy a rappelé, sur le plateau du « 20 heures » de TF1, sa volonté de « pour fendre cette bande » et de « faire triom pher son honneur ».
FEYENOORD TENTÉ PAR AMADOU CISS
Auteur d'un début de saison très prometteur au Fortuna Sittard, le jeune sénégalais est déjà dans les petits papiers du club de Rotterdam
France Football |
Nabil Djellit |
Publication 18/01/2020
Auteur d'un début de saison très prometteur au Fortuna Sittard, Amadou Ciss est déjà dans les petits papiers du Feyenoord Rotterdam.
Jeune promesse du football sénégalais, Amadou Ciss est une des révélations de la saison en Eredivisie. En 14 matches, le Sénégalais a inscrit 5 buts et offert 4 passes décisives. À 20 ans, l'ancien joueur de Pau a tapé dans l'oeil du Feyenoord Rotterdam qui s'est renseigné sur la possibilité de faire venir le joueur dès cet hiver. Mais la L1 pourrait aussi être tenté par ce joueur capable de jouer sur tout le front de l'attaque (9 et demi ou ailier). Son profil plaît à plusieurs écuries et plus particulièrement Dijon. Pour rappel, le finaliste de la CAN U20 est lié à son club jusqu'en juin 2022.
par Charles Faye
AUDIO
LE SÉNÉGAL À L'HEURE DU PÉTROLE ET DU GAZ
Lions-nous aux majors, mais ne nous marions pas avec eux pour la vie, afin que le Sénégal puisse prendre son indépendance définitive en terme de production, tant sur la forme que dans le volume, comme le Qatar et la Norvège l’ont réussi
Nous voilà à un tournant historique ! Celui d’une économie nouvelle, vaporisée par les atomes du gaz, liquéfiée ou épaissie par l’or noir !
Euréka pourrait-on jubiler, bondissant et s’extasiant du nouveau statut qui nous fait rentrer dans le cercle des pays producteurs d’énergie trébuchant de pétrodollars.
Et on n’aurait pas tort de nous serrer les pinces, fiers de cette nouvelle signature internationale euphorisante. Ce d’autant que les mesures prises par le Macky, pour optimiser nos gains, dès les premiers barils de pétrole et mètres cubes de gaz, confortent la thèse d’une prise de conscience de ce qu’il convient de faire et ne pas faire.
La nomination de spécialistes en la matière, pour une gestion optimale et intelligente, en amont et en aval de l’économie nationale du pétrole et du gaz, rassure.
Leur but, étant de faire bénéficier largement, aux populations et à l’Etat, les retombées des richesses pétrolières et gazières tirées de leur sol mais exploitées par les majors.
Le Sénégal n’ayant, ni les moyens d’explorer, ni ceux d’aménager, et encore moins d’extraire le pétrole et le gaz, il ne peut bien évidemment, que s’en remettre aux grandes compagnies, qui ont fortement réduit leurs investissements, ces dernières années tout en maintenant les dividendes versés aux actionnaires.
De 590 milliards d’euros investis en 2013 et par an, pour trouver du pétrole partout dans le monde, les majors sont passés à la moitié.
C’est dire si le Sénégal n’a pas réussi une prouesse, en les faisant adhérer à son ambition.
Ce qui n’est pas si mal, d’autant qu’il pourrait anticiper, sur la disponibilité du pétrole mondial, dont il semble évident, qu’il sera moindre dans les prochaines années. Ce qui veut dire que le risque de voir son prix flamber est grand.
Quoi de mieux donc que d’avoir des hommes du sérail, pour nous faire rêver d’abord, et nous rendre ensuite, tous, aussi riches que les Saoudiens, Emiratis, Qataris, afin que nous-nous la coulions douce, à notre tour.
Et pourquoi pas, de développer à termes, une politique de franchise et d’indépendance, pour les prochaines générations de blocs à exploiter.
Pour y faire, il n’y a qu’une solution. Ne pas vendanger notre pétrole et notre gaz, et observer et pratiquer vis-à-vis des majors, à la lettre, politiquement et économiquement, s’entend, les caractéristiques des molécules du gaz dont on sait qu’elles sont très faiblement liées et quasi indépendantes.
Lions-nous aux majors, mais ne nous marions pas avec eux pour la vie, afin que le Sénégal puisse prendre son indépendance définitive en terme de production, tant sur la forme que dans le volume, comme le Qatar et la Norvège l’ont réussi.
Nous voilà désormais pétroliers, pas seulement que ça d’ailleurs.
Mais, il nous faudra éviter la malédiction pétrolière, développer une stratégie de gaz to power, pour une baisse de l’électricité drastique et l’impulsion d’une industrialisation très forte, assurer le contenu local, pour le plus grand bien du secteur privé, diversifier notre économie, et enfin ne pas oublier que nous sommes aussi culturels. Et pour ce qui concerne notre Culture, il faut regretter qu’elle soit hélas incomprise, au point d’avoir raté le rendez-vous de son industrie ! Et ça, ça veut tout dire. N’est-ce pas Zeng !