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26 juillet 2025
KEITA, LE BALDÉ POMPIER
Revenu cet été sur la pointe des pieds de son prêt à l'Inter, le sénégalais semble enfin trouver sa juste place à l'ASM, dans l'intimité du vestiaire comme sur le terrain. Ni crack, ni arnaque : et si Keita Baldé était avant tout un bon soldat ?
So Foot |
CHRIS DIAMANTAIRE |
Publication 15/01/2020
Ça n'est parfois qu'une affaire de mauvais pied. Celui sur lequel la relation entre Keita Baldé et le club du Rocher est parti il y a deux ans et demi. Celui aussi qui aurait peut-être fait de lui un héros dimanche au Parc des Princes si, au bout d'un contre qui n'aurait su être plus parfait dans sa verticalité, l'attaquant monégasque n'avait pas trouvé Keylor Navas pour lui boucher l'horizon. Entre l'ancien Laziale et l'ASM, il y a donc d'abord eu ce détournement de destin, ce mariage de promesses qu'on ne sait tenir. Un joueur fantasmé que l'on attire pour se consoler d'un envol précipité (Mbappé), un tremplin espéré vers un top club : c'était là le contrat bancal d'un transfert bankable qui devait purger les frustrations des uns et des autres. La fameuse relation « pansement » qui finit par décevoir tout le monde.
Nouveau Nabil
De sa première saison sur le Rocher demeure cette sensation étrange d'un joueur qui n'aura pas failli dans les moments clés sans pour autant dégager une réelle empreinte visuelle, manquant là l'occasion de s'ouvrir le chemin des cœurs. À défaut, il avait su remplir correctement sa feuille de stats (8 buts et 11 passes décisives en 33 matchs), écartant la tentation de le qualifier de véritable échec. Un entre-deux également brouillé par son rôle sur le terrain : baladé de gauche à droite, c'est finalement peut-être lors de ses rares apparitions dans l'axe qu'il avait dégagé la plus forte impression. En déficit d'explosivité sur les premiers mètres et décevant dans l'élimination sur les ailes, il avait fait montre de toutes ses qualités dos au but en tant qu'avant-centre, grâce à son jeu en appui aussi physique que subtil. Un prêt tiède à l'Inter plus tard, est-il devenu un autre joueur ? Pas vraiment.
Moins virevoltant que Gelson Martins, moins élégant que Golovin, moins intelligent – dans le jeu – que Ben Yedder, il n'est aujourd'hui qu'un rouage du néo-collectif monégasque, assez éloigné du crack espéré il y a quelques années. Mais c'est bien là la différence avec sa première saison en rouge et blanc : il est passé de cette individualité déconnectée aux coups d'éclat ponctuels à ce lien précieux pour l'équipe. Dimanche, au Parc des Princes, faisant de son profil hybride une force, on l'a ainsi vu combiner aussi bien avec Ballo-Touré – en net progrès – qu'avec Golovin ou Ben Yedder, défendre avec la même ardeur en second attaquant comme en milieu gauche et afficher son enthousiasme communicatif en interview d'après-match. Une évolution – toutes proportions gardées tant les attentes et les montants n'étaient pas les mêmes – qui rappelle celle de Nabil Dirar à une époque pas si lointaine, passé du statut de soliste caractériel à celui de soldat de caractère.
Compatible
Cela résulte-t-il d'une évolution du joueur et de l'homme ou plutôt d'un changement de perception extérieure ? Sans doute un peu des deux. Il est en tout cas difficile d'imputer la douce métamorphose à la simple arrivée de Robert Moreno, tant le visage fédérateur affiché par l'enfant de la Masia se fait ressentir au sein du groupe depuis le début de saison, quand bien même il jouait peu. Mais la venue de l'entraîneur espagnol hypertrophie forcément la motivation de l'international sénégalais : « Quand il arrive une chose nouvelle dans la vie, pas seulement dans le foot, je pense que ça crée beaucoup d'enthousiasme et de force. (...) On a bien compris ses idées. Ce style est facile pour moi, car j'ai fait ma formation à Barcelone. C'est toujours la même façon de jouer. On touche beaucoup le ballon et on doit être patients pour chercher les espaces. »
Contre le Paris Saint-Germain, ce mercredi soir au stade Louis-II, les espaces à trouver et à combler devraient malgré tout être plus nombreux que les ballons touchés. Il faudra encore une fois courir et se battre pour espérer vaincre plus fort que soi. Et s'il faut aussi briller pour cela, peut-être le fantassin saura-t-il devenir un instant le fantastique qu'il aurait dû être.
par Jean-Pierre Corréa
VOTRE ALTESSE, UN PEU DE HAUTEUR…
Le problème n’est pas de savoir « qui c’est », l’important est l’attitude de celui à qui est destinée cette révérence obséquieuse - Révérence dans une République, quelle indignité !
« La Loyauté ne peut jamais s’imposer par la force, par la peur, par l’insécurité, par la déférence, ou par l’intimidation. Elle est un choix que seuls les esprits forts ont le courage de faire ». Paolo Coelho.
Le président Macky Sall est mal barré. Et nous avec. De nombreux sénégalais ont été troublés par les propos du chef de l’Etat au soir du 31 décembre lors de la causerie publi-reportage déroulée avec des médias payés pour la circonstance. Mais là n’est pas le propos. Répondant sans la distance que ne permet pas le tutoiement inhérent au wolof, à une énième question sur l’éventualité d’un troisième mandat, le président Macky Sall demanda un joker et pour nous expliquer son « ni oui-ni non », il nous confia sa crainte, une fois sa décision prise d’éventuellement de ne pas y aller, de voir les membres de son gouvernement et autres directeurs généraux de sociétés nationales, délaisser leurs missions, oublier leurs objectifs, pour, en gros, courir les éventuels dauphins, et plus grave pour lui, ouvrir des guerres de tranchées entre ceux qui nourriraient des ambitions à lui succéder.
On traduit. Le président de la République avoue à un peuple médusé, que ces hommes et ces femmes qu’il a pourtant lui-même nommés pour nous mettre sur la voie du Yonu Yokkute et de l’émergence réunis, ne seraient en fait que de vils opportunistes, juste préoccupés par leurs carrières personnelles à devoir préserver. Son dilemme est compréhensible. Le président Macky Sall est vraiment mal barré. Et nous avec.
On imagine déjà les petits meurtres entre amis, alors que le pays est enseveli sous les urgences comme sous les immondices, on pense aux manœuvres assassines, aux manigances et coups tordus destinés aux adversaires, et les stratégies déroulées pour s’adjoindre tous les circuits de dévotion nécessaires à la création du meilleur réseau d’influences, et tout cela pendant que le roi serait nu et qu’il n’y aurait personne à la barre de notre Sunugal.
Et voilà que pendant qu’on tente de réfléchir aux solutions qui feraient reprendre un peu de hauteur républicaine à notre président, paraît cette ahurissante image d’un homme du sérail en dévotion devant lui, en attitude de révérence mystique, qui laisse penser que c’est un « jebelou républicain » qui fait peine à voir.
Même le Roi du Maroc refuse ces attitudes de paltoquets, même le Pape les éloigne d'une main délicate, mais ces hommes c'est vrai, lui témoignent ainsi leur gratitude de simplement exister, leur premier costard, leur premier flirt avec une fille qu'ils ont osé approcher, forts d'une petite liasse à leur glisser avec arrogance, leur premier voyage en avion...Ils lui doivent tout ... Révérence dans une République... Quelle indignité...
Le problème n’est pas de savoir « qui c’est », l’important est l’attitude de celui à qui est destinée cette révérence obséquieuse.
Il est urgent que le chef de l’État prenne de la hauteur, et édicte un code de conduite à son égard qui nous éloigne de ces tartufferies. Qu’il se mette en situation d’éprouver le plaisir d’être entouré de gens loyaux, et qui ne commencent pas à aller proposer leurs indécentes danses du ventre à d’improbables présidentiables qui vont surgir du Macky. Prendre de la hauteur pour ressentir ce qu’est de gouverner un pays et le mener vers l’émergence, avec des gens intellectuellement outillés pour le faire et qui ont le patriotisme et l’engagement citoyen chevillé au cœur. On peut toujours rêver… Et lui proposer de déposer cette phrase sur sa table de chevet, et qui lui dirait que : « La Loyauté ne peut jamais s’imposer par la force, par la peur, par l’insécurité, par la déférence, ou par l’intimidation. Elle est un choix que seuls les esprits forts ont le courage de faire ».
Ainsi soit-il.
"AFRICA2020, C'EST L'AFRIQUE QUI PARLE D'ELLE-MÊME"
Commissaire général de la Saison Africa2020, N'Goné Fall : C'est dans la jeunesse qu'il y a les leaders de demain. À travers leurs innovations, réfléchies, pensées, produites, ils peuvent être la force qui nous embarque dans ce XXIe siècle
Le Point Afrique |
Malick Diawara |
Publication 15/01/2020
Quelle perception aura-t-on de l'Afrique à l'issue de la Saison Africa2020 qui va se dérouler du 1er juin à la mi-décembre de cette année ? La question est posée. En attendant, il y a lieu de retenir que ce projet lancé à l'initiative du président Emmanuel Macron est d'ores et déjà inédit et hors normes. Hébergée à l'Institut français qui se promet de « faire vivre les cultures », la Saison Africa2020, dédiée aux 54 pays d'Afrique, est annoncée comme « conçue autour des grands défis du XXIe siècle » et se propose de « présenter les points de vue de la société civile africaine du continent et de sa diaspora récente ». Pour orchestrer tout ça, c'est une commissaire d'exposition sénégalaise qui a été choisie. Son nom : N'Goné Fall. Diplômée de l'École spéciale d'architecture à Paris, cette ingénieure culturelle a fait ses preuves dans un parcours qui parle de lui-même. Professeure associée au département master en industries culturelles de l'université́ Senghor d'Alexandrie en Égypte (2007-2011), N'Goné Fall a également enseigné au département Curating the Archives à la Michaelis School of Fine Arts de Capetown en Afrique du Sud (2017) et à la filière arts et culture de l'université́ Abdou-Moumouni de Niamey au Niger (2018). Auparavant, elle a été directrice de la rédaction de l'emblématique magazine d'art contemporain africainRevue noire de 1994 à 2001, puis dirigé des ouvrages sur les arts visuels en Afrique, dont Anthologie de l'art africain du XXe siècle (Revue noire 2001), Photographes de Kinshasa (Revue noire 2001), Anthologie de la photographie africaine et de l'océan Indien : un siècle de photographes africains (Revue noire 1998), sans compter les nombreux plans d'orientation stratégique, d'études de programmation et de rapports d'évaluation pour des gouvernements et institutions culturelles nationales et internationales qu'elle a mis en place en Afrique, en Europe, aux USA et dans les Caraïbes. Cet entretien avec elle permet de mettre le doigt sur tous les challenges qu'elle a identifiés pour faire d'Africa2020 une réussite.
Le Point Afrique : En quoi est-il pertinent d'organiser Africa2020 maintenant ?
N'Goné Fall : L'Afrique est le continent qui a la population la plus jeune. À mes yeux, c'est dans cette jeunesse qu'il y a les leaders de demain. À travers leurs innovations, réfléchies, pensées, produites, ils peuvent être force de proposition et nous embarquer dans un XXIesiècle très différent du XXe siècle que nous avons connu.
Qu'est-ce que cela peut changer pour l'Afrique ?
D'abord, la façon dont cette jeunesse voit le continent et ses propres sociétés. Ensuite, le regard porté sur le passé et les générations qui l'ont précédée, sur le présent et sur l'avenir. Enfin, la confiance qui lui est donnée par l'écoute de ce qu'elle a à dire, ses propositions, ses rêves et ses défis. Pour moi, ce qui fait sens dans cette saison, c'est d'être une opportunité de donner la parole aux jeunes.
Quelle démarche comptez-vous adopter pour permettre une meilleure compréhension des univers africains et par les Africains et par les acteurs extérieurs ?
Cela est résumé dans le sous-titre : « Une invitation à comprendre et à regarder le monde d'un point de vue africain ». Il s'agit donc de donner la parole aux Africains. Cela signifie que la programmation est co-construite avec des professionnels du continent, soit des commissaires d'exposition, des responsables de centres d'art, de festivals, des professionnels de centres de recherches, dans tous les domaines et dans tous les secteurs professionnels. Ce dont il s'agit, c'est le regard de l'Afrique d'abord sur elle-même et comment ce regard est en résonance avec le reste du monde.
Il y a un domaine qui est extrêmement important qui est celui de la fiction. À travers lequel il y a aussi celui de l'audiovisuel et de l'éducation. Comment comptez-vous donner un impact fort à ces secteurs-là dans Africa2020 ?
Par les films d'animation et les bandes dessinées, qui sont deux secteurs où se fabriquent les nouveaux imaginaires africains. On assiste à une explosion de studios d'animation sur tout le continent. Par exemple en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Ghana, au Kenya, en Tunisie ou encore en Afrique du Sud. Ce qui se passe, c'est que les jeunes sont en train de se réapproprier leur histoire et de transcender leur futur en créant l'Afro-futurisme et cela a commencé bien avant le film Black Panther. Les jeunes sont tout simplement en train de nous raconter des histoires d'un point de vue africain.
Pour ce qui est de l'éducation, c'est vraiment très important pour moi. J'en ai une vision transversale. Une réflexion est engagée autour d'un partenariat stratégique en France avec le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse. Il y en a un premier avec le département de l'Histoire générale de l'Afrique de l'Unesco pour justement mettre à disposition de ce ministère français les mêmes outils pédagogiques que ceux mis en place par l'Union africaine pour enseigner l'histoire de l'Afrique sur des contenus validés des experts africains. Parallèlement, sur le plan artistique, des contenus pédagogiques sont mis en œuvre en partenariat avec des experts africains pour que les jeunes Français aient une vision plus réaliste de l'Afrique, plus proche de celle des Africains sur le continent.
Au-delà de la co-construction avec la France et les pays africains, il y a celle entre pays africains. Comment opérez-vous votre approche par aires culturelles ?
Tout projet doit être panafricain, pluridisciplinaire et axé sur la création contemporaine. Pour chaque projet, nous envisageons qu'il y ait aussi un professionnel africain qui développe ses propositions en collaboration avec un homologue français. Ensemble, ils vont réfléchir à un projet et les artistes africains sélectionnés le seront par le professionnel venu du continent.
Comment comptez-vous vous y prendre pour organiser une meilleure inclusivité, pour qu'il y ait à la fois des acteurs officiels, mais aussi des acteurs de terrain issus tout simplement des quartiers ?
Cette saison se fait avec la société civile. Moi-même, je viens de la société civile. Je ne représente pas l'État du Sénégal dans ce projet. Pour ce qui est des thèmes de cette saison, nous les avons élaborés avec des collègues venus des quatre coins du continent. À la sortie du premier atelier de réflexions, on a construit cinq thèmes. J'ai ensuite déroulé la feuille de route de la saison et chacun d'entre nous a alerté ses réseaux. Lors de grands événements culturels ou de festivals, sur le continent ou en France, j'ai aussi organisé des points d'information afin que l'information arrive dans tous les milieux de la société civile.
Actuellement, on parle beaucoup en économie de création de valeurs. Comment va-t-on pouvoir, de manière concrète, créer de la valeur sur le plan culturel en Afrique avec cette manifestation ?
Il y a déjà tout le volet de la création culturelle, dont font partie le cinéma ou les films d'animation. Il y a la mode également. On est en train de réfléchir non pas à faire des défilés de mode sympathiques où les gens applaudissent à la fin, mais justement montrer en quoi c'est une industrie. On est également en train de voir du côté des arts appliqués, de l'artisanat, bref de tous les domaines qui sont porteurs de transformations économiques. C'est pour ça que dans les axes proposés, il y a celui consacré à l'économie et à la création. Les thèmes tournent autour de la redistribution des ressources et de l'émancipation économique qui sont de grandes questions qui nous taraudent sur le continent. Il y a énormément d'économistes, d'intellectuel et d'artistes qui réfléchissent à l'état des économies dans les différents pays. Donc, pour Africa 2020, cela va se traduire dans la mise en place de résidences de réflexions, de conférences et d'expositions qui vont regrouper des artistes, des économistes, des politologues et des sociologues.
Donc, au-delà de la dimension que certains pourraient appeler poétique de l'approche culturelle, il y a une vraie vision de marché, d'économie, puisque l'Afrique en a besoin aussi…
Ce n'est pas tellement que l'Afrique en a besoin. Le monde entier en a besoin. Alors que certains pays africains ont des taux de croissance bien supérieurs à ceux de plusieurs pays occidentaux, je pense au Ghana, à l'Ouganda, au Sénégal, la question est de savoir ce qui va rester de cette saison à partir de 2021. L'idée est justement de planter dès à présent des graines. Tous ces projets vont avoir un impact. D'ailleurs, les professionnels africains impliqués sont déjà en train d'impacter les écosystèmes de leur pays sur le plan social, économique ou politique. Ce sont vraiment eux qui sont en train de faire bouger les lignes sur le continent.
Il y a la diaspora africaine qui joue un rôle important autant sur le continent que dans les pays où elle est installée, en l'occurrence la France. Quelle place va-t-elle pouvoir occuper ?
Cette saison sera portée par des professionnels de France et d'Afrique. Je souhaite que les diasporas soient partie prenante de l'organisation de la saison Africa2020. Nous nous employons d'ailleurs à les intéresser à proposer des projets dans le cadre de cette saison.
Il y a deux thématiques de la saison qui me frappent particulièrement par leur intitulé : fictions et mouvements non autorisés et systèmes de désobéissance. C'est un appel à une insurrection culturelle ?
Non, pas du tout. Quand nous avons fait cet exercice de réflexion à Saint-Louis du Sénégal, nous étions cinq de cinq pays différents, de quatre régions différentes et de générations différentes. C'était important pour moi d'avoir cette diversité parce qu'il n'était pas question que l'on soit dans la pensée unique. On s'est vraiment penché à l'échelle d'un continent à mieux cerner ce à quoi les gens pensent, à quoi les gens réfléchissent et à quoi ils aspirent. Et pour ces thèmes, nous avons donné des thèmes poétiques exprès pour voir comment les gens les transcenderaient. Et par fictions et mouvement non autorisés, on parle vraiment de la manière dont les populations circulent sur ce continent. Qui a le droit de circuler ? Comment se sont organisés ces déplacements depuis les millénaires depuis l'époque des caravanes ? Nous voulions également savoir ce que cela signifie aujourd'hui de circuler aujourd'hui dans des frontières héritées de l'époque coloniale. Nous souhaitions par exemple savoir d'où est-ce que vous veniez au regard de votre patronyme. En fait, tout l'enjeu de cette saison est de savoir comment ces barrières sont cassées, comment est transcendée la notion de territoire. Il faut savoir que beaucoup d'artistes travaillent sur les réalités virtuelles, il est alors intéressant de s'interroger sur comment ils réunissent les différents imaginaires ?
Le programme sur la désobéissance est assez incontournable. On ne va pas se voiler la face. Il y a beaucoup de citoyens qui militent et qui prennent position. À travers cette thématique, l'idée est d'aborder les questions de consciences et de mouvements politiques. On peut ainsi remonter très loin dans le temps et évoquer des moments de conquêtes, de révoltes, des grands personnages aussi comme Samory Touré. On va aussi aborder les périodes plus contemporaines avec la fin de l'apartheid ou bien les différents mouvements comme Y en a marre au Sénégal, ou Le Balai citoyen au Burkina Faso, voire les mouvements populaires au Maghreb comme le hirak. C'est d'autant plus important que la question de la citoyenneté est fondamentale non seulement pour les jeunes, mais pour leurs aînés aussi dont je fais partie.
S'agit-il de citoyenneté culturelle ?
De citoyenneté tout court, dans tous les domaines. Tout est lié. Il n'y a pas que le culturel. Je ne suis pas que culturelle. Il y a l'être social, le politique, l'économique, etc. C'est un tout.
Quid de l'impact de la langue dans votre organisation ?
Le défi est le même pour tous : transcender les frontières, les barrières qu'elles soient physiques, mentales ou linguistiques. Les jeunes d'aujourd'hui ont complètement transcendé ces histoires. C'est d'ailleurs très rare de trouver un Africain qui ne parle qu'une langue. En fait, l'idée avant tout est de réunir tous les professionnels, qu'ils soient anglophones, francophones ou autre. Nous sommes dans une dynamique panafricaniste.
Puisque vous parlez de panafricanisme, Africa2020 n'est-elle pas aussi une manifestation de réveil ou de manifestation de la mémoire... ?
Non ! Parce que cela voudrait dire que la mémoire est morte. Ce qui n'est pas le cas. Moi, j'ai grandi au Sénégal au temps du président Senghor et je me souviens qu'à l'école on apprenait l'histoire de toute l'Afrique. Ce qui fait qu'on se sentait véritablement africain. Pour nous, c'était une réalité. Donc, il s'agit juste de rappeler qu'il y avait un rêve d'unité, de panafricanisme, un destin collectif.
Sur un autre plan, cette manifestation arrive un ou deux ans après la démarche de restitution des biens culturels, quel est le lien que vous faites entre ces deux événements ?
Il n'y a pas de lien entre les deux annonces. Pour la restitution des biens culturels, il s'agit d'une commande du président de la République Emmanuel Macron à deux experts qui sont Bénédicte Savoy et Felwine Sarr. La Saison Africa2020 s'intéresse à la création contemporaine. Là où il y a aussi une différence, c'est que les restitutions ne concernent que les pays francophones dans lesquels la France a agi.
Quel est le regard que vous posez sur la création contemporaine plurielle africaine ?
Je vois une continuité, mais aussi une explosion de propositions, de l'énergie et surtout de la pertinence, qu'elle soit artistique ou conceptuelle de la part des créateurs dans tous les domaines. C'est un domaine que je connais bien puisque je travaille dans ce secteur depuis 1993. Il y a de nouveaux acteurs, il y a des scènes émergentes, que ce soit l'Ouganda qui est une grande surprise en ce moment, le Malawi, le Kenya, la Tanzanie, je peux citer l'Éthiopie. L'Égypte, quant à elle, a toujours été un pôle formidable, l'Afrique du Sud également, le Nigeria, etc.
C'est parce que dans tous les pays que vous avez cités il y a une prise de conscience beaucoup plus forte qui s'exprime ? À quoi est-ce dû ?
J'essaie de comprendre parce qu'effectivement ce sont des pays, surtout ceux de l'Afrique de l'Est, où je n'allais pas spécialement jusqu'en 1992. Je me disais qu'il ne s'y passait pas grand-chose. Et quand j'ai commencé à m'intéresser à eux vers les années 2010, j'ai reçu une claque. Et je me suis alors dit que c'était justement le moment.
À quoi est-ce dû ? Je me dis que c'est justement grâce aux jeunes. Les jeunes d'Afrique de l'Est voyagent beaucoup plus que ce soit physiquement ou aussi virtuellement. Cela crée une sorte d'émulation dans la sous-région. Ils circulent plus sur le continent justement avec cette volonté de savoir ce qu'il se passe dans le pays voisin, ce qui n'était pas forcément le cas dans les années 1980-1990 où c'était plus instable. Aujourd'hui, ce qui impressionne avec ces jeunes, c'est leur capacité à se mettre en réseaux. L'étendue de la toile qu'il tisse à travers le continent est vraiment impressionnante.
Avez-vous été frappée par cette différence en Afrique entre les francophones, les anglophones et les Sud-Africains par exemple ?
En effet. Je vais sur le continent depuis les années 1992. À l'époque, il n'y avait pas de réseaux sociaux, de mobile, d'Internet ni même d'e-mails. Il fallait y aller pour savoir. C'est vrai que les pays anglophones sont beaucoup plus dynamiques sur le plan économique et culturel. Les lusophones étaient un peu à la marge parce que beaucoup pris dans des guerres civiles et dans une certaine instabilité politique. Aujourd'hui, dans les pays comme l'Angola et le Mozambique, je suis ravie de découvrir toujours plus d'artistes, d'entrepreneurs, de sociologues, de philosophes. L'Afrique du Sud, différente à cause de son histoire, était repliée sur elle-même. Maintenant, des jeunes Sud-Africains bougent. Ils vont découvrir les autres pays du continent y compris les pays francophones en Afrique centrale ou Afrique de l'Ouest. Et ils s'intéressent de plus en plus à l'histoire de l'Afrique qu'ils ne connaissent pas parce qu'ils ne l'apprennent toujours pas à l'école.
On ne peut pas parler d'Africa2020 sans penser aux DOM-TOM, c'est-à-dire à ce qui relie de manière particulière le continent africain, les Africains et ceux qui vivent dans les départements d'outre-mer. Est-ce qu'il y a quelque chose de prévu de particulier avec ces territoires ?
La saison se déroule partout en France métropolitaine, mais aussi dans les DOM-TOM, avec des propositions de projets, de La Réunion, de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe... Donc, il y aura des projets construits de la même manière qu'en métropole, co-construits avec des professionnels africains.
Qu'est-ce qu'Africa2020 va apporter de plus aux politiques culturelles dans les pays africains et dans le rapport de la France à l'Afrique ?
Africa 2020 va permettre de dire qu'on a des professionnels en Afrique et que, dans certains pays, il y a des politiques culturelles pertinentes même si dans d'autres, elles le sont moins, et pour certains, inexistantes. En fait, quel que soit le contexte, la société civile s'est prise en main et c'est justement grâce à ces catégories socio-professionnelles que les écosystèmes sont en train de bouger. L'objectif est aussi de démontrer à nos dirigeants africains et aussi à la France que, quel que soient le discours du politique ou son immobilisme, son décalage par rapport à la réalité, les populations avancent.
Ne vit-on pas en Afrique dans une certaine schizophrénie culturelle qui consiste à dire que « le culturel est super important » et en même temps à ne rien faire pour le développer ?
Si, je suis d'accord avec vous, et je ne parle plus de culture avec les politiques africains.
Africa2020 est une manifestation organisée par la France avec les pays africains. Qu'est-ce qui, à l'arrivée, fera le succès de la manifestation dans la découverte que les Français vont avoir de l'Afrique à travers l'art de vivre ?
Si on a une chose en partage sur ce continent de plus de 30 millions de km2, c'est le sens de l'hospitalité. C'est ce qu'on appelle la « Téranga » en wolof, langue parlée au Sénégal. Je l'ai retrouvée partout où je suis allée. Nous allons donc la mettre en avant.
Il y a une importance de plus en plus forte du numérique. Comment la France et l'Afrique peuvent-elles rattraper les années perdues de connaissances l'une de l'autre, de plongée dans la mémoire et de création de marchés ?
Cela va prendre du temps et il faudra plus qu'une saison. Il faudra d'abord accepter qu'on ne sait pas tout ou qu'on a mal appris. Il faudra ensuite accepter réapprendre à travers Africa2020. Il faut en effet savoir que quand on invite un professionnel à réfléchir avec nous sur des projets, on est dans l'idée d'impacter les gens et de sortir de tous les clichés de part et d'autre. On verra à partir de 2021 et plus tard si on peut faire un bilan pour savoir à quoi a servi cette saison.
Une manifestation comme celle-ci est suffisamment importante pour courir des risques, c'est-à-dire qu'il y a des pièges. Quels sont les pièges qu'Africa2020 doit éviter pour atteindre tous ses objectifs ?
Il faut éviter le piège de la complaisance et s'assurer que tous les projets qui sont proposés respectent la feuille de route : panafricain, pluridisciplinaire, de création contemporaine co-construit avec un professionnel africain. C'est l'Afrique qui parle d'elle-même. Nous avons été invités en France pour parler de nous. Et cela, personne ne doit le faire à notre place. Quel que soit le public et quel que soit l'opérateur. Avant toute chose, je garde en tête de bien toucher les jeunes.
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D'ABIDJAN A PARIS RETOUR SUR LE PARCOURS DE L'ENFANT RETROUVÉ MORT DANS LE TRAIN D'ATTERRISSAGE
Comme des milliers d'Ivoiriens qui tentent l'émigration clandestine chaque année, Laurent Barthélémy a voulu rejoindre l'Europe sans prévenir ses parents.
Comme des milliers d'Ivoiriens qui tentent l'émigration clandestine chaque année, Laurent Barthélémy a voulu rejoindre l'Europe sans prévenir ses parents. Aveuglé par ce rêve d'eldorado, le garçon de 14 ans a été retrouvé mort le 8 janvier dans le train d'atterrissage d'un avion, à l'aéroport parisien de Roissy. Pour sa famille, son départ est incompréhensible.
Il s'appelait Laurent Barthélémy Ani Guibahi. Il avait 14 ans et rêvait d'exil. Le jeune Ivoirien a été retrouvé mort, mercredi 8 janvier, à l'aéroport parisien de Roissy, dans le train d'atterrissage d'un avion, à 5 000 kilomètres de chez lui. Pour sa famille et ses proches, le choc est difficile à surmonter.
"On me dit que mon enfant est retrouvé en France. C'est presque une folie. Imaginez un enfant que vous laissez à la maison...", témoigne son père, en s'effondrant en larmes.
L’adolescent a voulu rallier l’Europe à tout prix. Alors, le 6 janvier, il quitte Yopougon, le quartier pauvre d'Abidjan où il a grandi, sans prévenir ses parents. Au lieu de se rendre à l'école, il parcourt à pied les 30 kilomètres qui le séparent de l'aéroport, escalade les barrières de sécurité et s'agrippe au train d'aterrissage d'un Boeing 777 d'Air France qui s'apprête à décoller en direction de la France. Aveuglé par son rêve d’eldorado, il n’imaginait pas que le froid et l’altitude le tueraient. Son corps est découvert sept heures plus tard à Roissy.
"Il aimait beaucoup parler des pays, de l'Allemagne, l'Espagne, la France. Il parlait de la tour Eiffel et il avait dit qu'il voulait la voir, un jour", confie l'un de ses amis.
Au lycée Simone Gbagbo de Yopougon, l'équipe pédagogique est sous le choc. Un hommage lui a été rendu devant les 7 000 élèves. "Le bonheur, c'est pas toujours ailleurs. Le bonheur peut être ici", tente de convaincre le directeur. Chaque année, des milliers d'Ivoiriens tentent comme Laurent Barthélémy d'émigrer clandestinement.
YENGOULENE ET SES RIVERAINS REÇOIVENT LA VISITE DES ENGINS DE LA DSCOS
La Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du sol a procédé, ce mercredi 15 janvier 2020, à la démolition d’une partie du célèbre dancing
Chose annoncée, chose faite. La Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du sol (DSCOS) passe à l’acte. Elle a procédé, ce mercredi 15 janvier 2020, à la démolition d’une partie du célèbre dancing « Yengoulène » sis à Nord-Foire, ainsi que d’autres constructions anarchiques réalisées à hauteur du prolongement de la voie de dégagement nord (VDN) 3. La DSCOS avait adressé une sommation interpellative au propriétaire de la boite de nuit ainsi qu’aux autres habitants de la zone.
DAOUDA MINE A LA TÊTE DE LA COMMISSION
Daouda Mine, Directeur des Supports Numériques de GFM et Directeur de Publication d’IGFM, a été élu ce mercredi président de la Commission nationale de la délivrance de la carte de presse et de la validation des acquis.
L’information vient de tomber. Notre confrère Daouda Mine, Directeur des Supports Numériques de GFM et Directeur de Publication d’IGFM, a été élu ce mercredi président de la Commission nationale de la délivrance de la carte de presse et de la validation des acquis.
Bakary Domingo Mané est élu vice-président de ladite commission composée de 8 membres. Elle sera installée la semaine prochaine par le ministre de la Communication et de la Culture, Abdoulaye Diop.
« Une grande victoire pour APPEL », selon son président Ibrahima Lissa Faye qui réagissait à l’élection du représentant de APPEL à la tête de cette importante et Auguste Institution ». Toutes nos félicitations à M. Mine.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
LAURENT-BARTHÉLÉMY ANI GUIBAHI, MARTYR SANS CAUSE
EXCLUSIF SENEPLUS - Pourquoi l’adolescent ivoirien ne suscite-t-il pas un grand élan mondial ? Nous n’aimons pas assez nos morts. Nos victimes sont des tas uniformes, sans identités, dont on ne retrace pas les histoires - INVENTAIRE DES IDOLES
Plus ou moins 48 heures, c’est ce qu’il a fallu pour découvrir l’identité de l’adolescent ivoirien mort dans un train d’atterrissage et découvert à son arrivée à l’aéroport de Roissy. 14 ans, au seuil de sa 15eme année, élève sans histoires, père prof, mère vigile ; enfant peu fuyard, équilibré, pensionnaire du lycée Simone Ehivet Gbagbo de Youpougon, découvre-t-on dans les portraits qui rares émergent progressivement pour donner un corps, un visage et une psychologie à la victime. Le garçon coche toutes les cases de la famille moyenne traditionnelle. Le profil a priori très éloigné, se dit-on, de celui d’un fugueur aussi irrationnel. Pas rentré des cours après la journée à l’école, selon le déroulé des faits, l’incertitude gagne, l’émoi aussi. On ne se doutait pas, dans cette terrible attente, que sa fugue était une fuite, voire un projet insensé. Le drame s’est produit : il est arrivé à bon port, mais mort.
Hormis quelques articles tardifs, qui sont majoritairement le fait de la presse ivoirienne et française, le délai de prudence pour disposer de toutes les informations n’a pas permis une communion immédiate et un deuil de grande ampleur. Il y a ainsi eu, dès le départ, un contretemps. A évaluer l’émotion suscitée par cette mort, l’épisode n’a pas soulevé une grande vague d’indignation dans le monde. L’absence d’images, le huis clos du train d’atterrissage, ont presque empêché le deuil, tellement différé, pour ne plus avoir lieu que dans une proportion réduite. Comme si sa gravité devait en être fatalement dévaluée…
Pour le jeune adolescent, pas la même émotion mondiale que pour le petit Aylan – cet enfant syrien devenu symbole de la crise migratoire en 2015. L’image de ce petit garçon gisant sur la grève, au bord de la mer Egée, dans son t-shirt rouge, avait déclenché un torrent de messages qui avaient contribué à réveiller de sa torpeur la culpabilité de l’Europe face au drame des réfugiés. Angela Merkel, la chancelière allemande, y avait même bâti sa réputation et celle de l’Allemagne comme pays d’accueil, avec sa célèbre formule « wir schaffen das », nous y arriverons. Des débats fondateurs avaient prospéré, à la suite de cette apogée, pour la redéfinition d’une nouvelle humanité riche de cette leçon.
Pour le jeune adolescent, pas la même émotion mondiale non plus que pour les koalas brûlés en quête de secours – ces petits animaux devenus symbole des terribles incendies australiens de 2020. La viralité de ces images a conduit à une vague de tristesse qui a mis le monde à l’unisson et déclenché une avalanche de soutiens et de dons pour tenter de sauver la faune rescapée des feux.
Exemples récents et anciens de la fortune et de l’infortune dans l’indignation, chacun de ces drames a eu son image-symbole, laquelle devenait le nœud autour duquel s’articule une prise de conscience. Pour le jeune ivoirien, rien du tout. Pas d’image, pas de visage, pas de détails. Ou alors, très tard. Et bien plus cruel encore, le drame parait sorti de nulle part. Avec 10% de croissance, vitrine des récits enchanteurs sur l’Afrique, lieu festif du nouvel an du président Macron, place annoncée du nouvel envol libérateur avec la mort du CFA, la Côte d’Ivoire paraissait bien loin d’être pays à fournir un adolescent martyr dans de telles circonstances.
Plus quotidiennement, en Lybie, sur les côtes européennes, dans les migrations intérieures du continent (les plus nombreuses), le départ n’est jamais sans risque. La dépréciation de leur pays est le point commun des jeunesses africaines, plusieurs études en font part. 20 ans après les deux enfants guinéens, toute la question demeure ; elle est plus criante, dans ce temps laudatif sur le miracle supposé du continent que beaucoup de postures, avec un curieux sens de la réalité, présentent comme la condition de la prospérité du monde. Les mantras et les prophéties ne cessent d’être accablés par les faits, mais que nenni, comme l’écrit Régis Debray : « l’optimiste fait un tabac ; l’avisé fait un four ».
Pourquoi l’adolescent ivoirien ne suscite-t-il pas un grand élan mondial ? Qui est responsable de cet enfant ? Comment lire son geste ? La tentation à la démagogie est simple et peu vite affleurer si on ne prend garde. Sans doute faut-il se garder des désigner des coupables définitifs et uniques. Mais si on se risque à une réponse, on peut s’émouvoir du fait que les drames africains ne sont jamais pleurés à leur juste mesure, et ce d’abord à l’intérieur du continent. Si on remonte à 5 ans, en janvier 2015, quand Charlie Hebdo a été décimé la France a convié le monde. En pleine vague d’attentats partout, le Jesuischarlie est devenu la bannière de ralliement de tous, jusqu’aux chefs d’Etats africains. Un beau deuil, suscitant même de la jalousie sur fond de discrimination géographique. Au même moment quasiment, à Baga, au Nigéria, Boko Haram faisait une de ses razzias les plus sanglantes. Pas une seule image de ce cranage, sinon quelques paysages calcinés, et nul ne sait l’identité des morts, encore aujourd’hui. Face à cette réalité, le réductionnisme désigne le racisme comme responsable, l’indignation àgéométrie variable pour reprendre Damien Glez. Il peut y avoir du vrai mais on aurait tort de s’y arrêter. Ce serait prendre l’écume pour la vague.
Ce n’est pas seulement la cause. L’explication tout-au-racisme périme vite. Nous n’aimons pas assez nos morts. Le constater n’est pas si ardu. Nos victimes sont des tas uniformes, sans identités, dont on ne retrace pas les histoires. A force de drames enchainés, la compassion se tarit, et la mort, vécue principalement comme un décret divin, n’est plus interrogée comme résultat potentiel de notre propre faillite. Les politiques exonérés de tout devoir de réédition de comptes, les familles résignées, les journalistes paresseux à retracer l’histoire des victimes, les intellectuels peu pressés à se connecter avec cette urgence, tout crée un contexte de normalisation qui in fine satisfait tout le monde, en désignant l’étranger comme cause principale de notre malheur. Chez nous, pour les nôtres, nous ne semblons être comptables de rien. Voici la tragédie originelle qui dure. Et, contraste plus cruel, la cérémonie du deuil chez nous étrenne souvent le faste, où la gabegie tient lieu de compassion. Il ne peut y avoir d’injonction pour le monde à s’indigner ou à aimer nos morts. C’est notre affaire. La nôtre d’abord. Les autres nous perçoivent comme nous nous percevons.
Pour Laurent-Barthélémy Ani Guibahi, la presse française a été beaucoup plus active que toute la presse africaine réunie. La presse ivoirienne a été esseulée, elle a fait le boulot. Il risque, malgré tout, de n’y avoir aucune suite à ce drame. Un drame politique à l’heure où la politique, comme offre institutionnelle de solutions, est disqualifiée voire impuissante. Une dissonance majeure de notre temps qui fait le lit des radicalités diverses et des surenchères victimaires. Fort à parier que l’oubli qui s’esquisse sera commode pour tout le monde. Qui se souvient du marché des esclaves libyens ? Au suivant, chante Jacques Brel. Le jeune adolescent alonge la longue liste des martyrs sans cause du continent. La cause n’est plus populaire, étouffée sous la massive résignation qui frappe le cœur de la jeunesse et qui est sans doute le sujet essentiel continent.
Une gestion efficiente des urgences. C’est l’objectif que se fixe le ministre de la Santé et de l’Action sociale Abdoulaye Diouf Sarr. Il l’a formulé hier, au cours d’une tournée dans différentes structures de la banlieue
Une gestion efficiente des urgences. C’est l’objectif que se fixe le ministre de la Santé et de l’Action sociale Abdoulaye Diouf Sarr. Il l’a formulé hier, au cours d’une tournée dans différentes structures de la banlieue
«Le défi que nous avons, c’est le défi lié aux urgences. Nous sommes en train d’y travailler et nous croyons que sous peu, ça sera réglé », a fait comprendre Abdoulaye Diouf Sarr en visite dans la banlieue dakaroise. «La Directrice des établissements de santé a un plan à mettre en œuvre pour que la question des urgences soit réglée définitivement au Sénégal», a-t-il martelé. «Nous avons réalisé beaucoup de choses, mais il reste des choses à faire. Nous sommes en train de faire une mise à niveau, un réajustement par rapport à une situation de référence pour améliorer l’offre sanitaire. Pour nous, cette offre sanitaire est axée sur deux choses. Il y a d’abord l’accessibilité sanitaire, c’est-à-dire faire en sorte que partout où les populations sont, elles puissent se soigner dans des structures d’accueil de qualité. Ensuite, il y a l’accessibilité financière en matière de soins, c’est-à-dire que les populations puissent se soigner à moindre coût.»
Le ministre de la Santé, qui s’est également réjoui de sa tournée au niveau des structures sanitaires de la banlieue dont celle du poste de santé de Malika, a promis son équipement avant de magnifier l’effort considérable fourni par le personnel pour la satisfaction des doléances des populations.
Pour cette visite qui s’est terminée à Malika, Abdoulaye Diouf Sarr a eu à visiter l’unité de néonatologie, l’hôpital Roi Baudoin qui a accueilli plus de 300 nouveau-nés, le Centre de santé Baye Talla Diop (Ex Dominique) avec son service d’urgence, le poste de santé de Tivaouane peul et le Centre de santé de Keur Massar, tout en magnifiant le travail remarquable abattu par le personnel sanitaire. Quant au retard accusé dans l’ouverture respective des blocs opératoires dans les Centres de santé de Keur Massar et Baye Talla Diop, le ministre de la Santé a conclu pour dire qu’ils sont en cours d’étude, avec un processus, tout en niant tout blocage.
HSF DEMANDE A L’ETAT D’AGIR
Mbayang Diop, condamnée à la peine de mort depuis avril 2017 en Arabie Saoudite, est gravement malade et sans assistance médicale.
Mbayang Diop, condamnée à la peine de mort depuis avril 2017 en Arabie Saoudite, est gravement malade et sans assistance médicale. Horizon sans frontière (HSF) qui donne l’information appelle ainsi l’Etat du Sénégal à œuvrer pour que la peine de mort prononcée à l’encontre de la jeune dame soit communiée à une peine de prison à perpétuité ou à demander une grâce humanitaire aux autorités saoudiennes.
Le cas Mbayang Diop inquiète profondément «Horizon sans frontière». L’organisation de défense des migrants sensibilise d’ailleurs l’Etat du Sénégal sur l’urgence d’agir pour venir à la rescousse de cette dame condamnée à mort en Arabie Saoudite.
A en croire HSF, MbayangDiop, gravement malade, préfère déjà mourir que de continuer à souffrir. Face à cette situation, Boubacar Sèye et Cie ont lancé hier un cri du cœur afin que les autorités sénégalaises intercèdent auprès de leurs homologues saoudiens pour alléger la peine de notre compatriote. «L’Etat, par le biais des relations séculaires qui nous unissent à l’Arabie Saoudite, doit faire une demande de grâce à titre humanitaire pour la faire sortir de ce bourbier », suggère l’ONG de défense des migrants.
A défaut, elle propose que la peine de mort de Mbayang Diop «soit communiée à une peine de prison à perpétuité » ; et qu’elle soit rapatriée vers son pays natal. Ainsi, elle pourra finir ses jours au Sénégal, lit-on dans le communiqué de HSF. L’insuffisance de communication des autorités sur l’affaire préoccupe particulièrement Horizon Sans Frontière. C’est pourquoi l’ONG exige « de l’Etat des preuves attestant que la jeune dame est encore en vie et en bonne santé ».
A en croire Boubacar Sèye et ses camarades, le Sénégal ne doit pas rester inerte devant la situation de sa fille qui vit un calvaire infernal. Ils appellent les autorités à un « sursaut diplomatique » pour sauver urgemment Mbayang Diop.
La vingtaine, la jeune dame avait quitté la banlieue dakaroise, il y a 4 ans, pour se rendre en Arabie Saoudite. Suite à une altercation avec sa patronne en 2016, cette dernière avait rendu l’âme. Elle a été ainsi jugée et condamnée à mort depuis avril 2017 en Arabie Saoudite. Depuis sa condamnation, la jeune dame est maintenue dans les geôles saoudiennes, attendant la clémence des enfants de sa victime aujourd’hui mineurs, pour enfin espérer voir le soleil. Au début de l’affaire, beaucoup d’organisations civiles s’étaient réunies dans un collectif dénommé « collectif de soutien à Mbayang Diop » pour soutenir la jeune dame et pour faire pression sur la justice saoudienne. Mais depuis lors, les ardeurs ont baissé et la lutte pour soutenir Mbayang a un peu faibli.
Récemment, le chef de la diplomatie sénégalaise avait évoqué le cas de Mbayang à l’Assemblée nationale. Mais la sortie du ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur avait plus de quoi inquiéter que d’apaiser les proches de la dame. En effet, Amadou Ba avait fait savoir que le sort de notre compatriote dépendait des enfants de la victime qui pourraient lui accorder le pardon.
UNE DECENNIE CONJUGUEE AU FEMININ
Parité, acquisition de la nationalité, criminalisation du viol entre 2010-2020
La loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie récemment promulguée par le président de la république est saluée par la quasi-totalité des acteurs politiques, membres de la société civile et associations féminines. Même si certains pensent que le législateur a cédé à la pression des femmes activistes, force est de constater pour autant que cette loi n’est que l’ultime acte d’une décennie où les femmes ont gagné des batailles pour leur émancipation.
Vendredi 14 mai 2010. Malgré les rigueurs de la chaleur, des milliers de femmes, tout de blanc vêtues, ont marché de l’Assemblée nationale à l’avenue Léopold Sedar Senghor pour rendre hommage au président de la République de l’époque, Me Abdoulaye Wade. Et dans le comité d’organisation, il y avait les personnalités (féminines) des partis politiques toutes obédiences confondues comme Aminata Mbengue Ndiaye du Parti Socialiste et Mata Sy Diallo de l’Afp. Et malgré les divergences de son parti avec Me Abdoulaye Wade, l’ancienne progressiste lâche une phrase qui en dit long sur la solennité du moment : «Merci Président et c’est Mata Sy Diallo qui dit ça».
L’enjeu en valait certainement les lauriers tressés au pape du Sopi. En effet, l’ancienne parlementaire et les défenseurs des droits des femmes venaient de gagner une bataille historique avec le vote de la loi sur la parité à l’Assemblée nationale. Historique parce que cette loi est l’aboutissement de plusieurs années de lutte pour l’émancipation de la femme sénégalaise. Au milieu d’une foule aux effluves féminines, le Président Abdoulaye Wade déclare : «C’est un combat qui prend ses racines dans les profondeurs du Sénégal, mais les autres n’ont pas eu l’heur de l’achever. Et il se trouve par la grâce de Dieu que c’est aujourd’hui que cette conquête a abouti et il faut en féliciter les femmes de l’opposition et de la société civile.»
Dans un phrasé empreint de lyrisme et plein d’espoir, le chantre du Sopi ajoute avec enthousiasme : «Faisons de cette parité un outil de cohésion sociale, un outil de respect mutuel, un outil de solidarité et un outil de travail pour faire progresser le Sénégal.» Mettant en garde certains oiseaux de mauvais augure, il avait soutenu que cette loi ne devait pas créer des problèmes entre les hommes et les femmes. Mais elle doit être un élément qui stimule le travail des uns et des autres et entraîne le respect mutuel de l’homme et de la femme. Cette loi est le fruit d’âpres luttes menées par des associations féminines comme le Caucus ou encore l’Association des juristes du Sénégal. Le processus de la loi pour la parité initiée en 2010 par le président de la République Abdoulaye Wade, se rappelait Pr Fatou Sow Sarr dans un article qu’elle avait publié, a duré deux ans. Il a été marqué par d’intenses activités du Caucus, une organisation regroupant les Femmes leaders pour le soutien de la loi sur la parité, qui s’est attelée à la sensibilisation et au plaidoyer pour construire le consensus national, avec des activités de renforcement des capacités des candidates aux élections législatives de 2012. Une révolution qui a fait bouger les lignes. Et en 2012, le Sénégal a fait encore un pas important sur le chemin de l’égalité en portant le nombre de femmes à l’Assemblée de 33 à 64 députées. Aujourd’hui, avec la treizième législature, ce nombre est passé à 70 même si le taux reste toujours inégalitaire (42%). Même si pour la sociologue Fatou Sow Sarr, les «femmes qui ont été portées à l’Assemblée jusqu’ici ne semblent pas être prêtes à poursuivre le combat car elles se sentent plus redevables à leurs partis.
Entre la fidélité au combat des femmes et la loyauté à leur parti, elles ont choisi leur camp». Et de rappeler : «Les femmes ne doivent jamais oublier qu’elles ne sont pas à l’abri de reculs de l’histoire, car l’histoire nous enseigne que les révolutions connaissent des moments de flux et de reflux, et la bataille pour la parité et l’égalité ne sera pas une exception.» Après cette loi sur la parité, une autre anomalie relative à l’acquisition de la nationalité sénégalaise qui lésait la femme sera réglée en 2013. La réforme modifiant la loi N° 61-10 du 7 mars 1961 sur la nationalité a permis à la femme sénégalaise d’octroyer la nationalité sénégalaise à son conjoint et à ses enfants de nationalité étrangère, dans les mêmes conditions que l’homme sénégalais. Ce qui tranche avec ce qui existait auparavant. Cette possibilité n’était reconnue qu’au père et à la mère veuve qui ont acquis la nationalité. Ainsi le Sénégal faisait un pas de plus vers une égalité effective homme-femme et concrétisant dans la foulée une promesse de campagne tenue par le Président Macky Sall.
PARITE INSTITUTIONNELLE
Le régime du Président Macky Sall a fait aussi des efforts allant dans le sens de mettre en application la loi sur la parité votée en 2010 avec la promotion des femmes dans les hautes instances de décision du pays. L’actuelle présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental(Cese), Aminata Touré, qui devient dans la foulée la quatrième personnalité de l’Etat, est la deuxième femme à occuper le poste de Premier ministre. La police a eu pour la première fois une patronne femme en la personne d’Anna Sémou Faye. La très tenace Nafi Ngom Keita a été portée à la tête de l'Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac). Le Cese a été dirigé pendant de longues années par Aminata Tall avant que cette dernière ne cède la place à l’ancienne ministre de la Justice Aminata Touré. Et pour parachever l’égalité entre homme et femme dans les quatre institutions de la République, Aminata Mbengue Ndiaye est promue présidente du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct) après le décès de Ousmane Tanor Dieng.
L’influence des femmes se ressent aussi dans les lois visant la protection des femmes. A la fin de l’année 2019, la loi sur le viol a été durcie avec une criminalisation allant maintenant de 10 à 30 ans et une possibilité d’être condamné à perpétuité s’il y a des circonstances aggravantes. Même si la loi est impersonnelle par définition, celle-ci vise plus à protéger les femmes et les enfants. Ce qui a poussé certains observateurs à tirer sur le gouvernement en lui reprochant d’avoir cédé au «chantage» des associations féminines du pays. Quoi qu’il en soit, sous l’impulsion des Présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, d’importantes étapes ont été franchies dans l’émancipation féminine, même s’il reste beaucoup à faire avec la pauvreté parfois beaucoup plus ressentie par les femmes et le taux de scolarisation qui reste faible. Mais surtout la maturation citoyenne des femmes engagées en politique.
Présentes dans l’espace politique depuis 1963 avec Caroline Diop qui est la première femme à être députée à l’Assemblée nationale, certains leaders de la cause féminine regrettent que la présence des femmes dans les instances de décision n’ait pas amélioré la qualité des débats sur la question des droits des femmes. ‘’La loi sur la parité, ce n’est pas tout de mettre des femmes à l’Assemblée : il faut surtout qu’elles puissent changer les choses. La parité n’est utile que si elle permet d’accéder à une transformation en profondeur de la société’’, faisait remarquer il y a quelques mois l’historienne Penda Mbow, même si le Sénégal est hissé à la 11e place mondiale, selon une étude récente publiée par ONU Femmes et l’Union interparlementaire (UIP).