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1 octobre 2025
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L'ENDETTEMENT POUR CONTRER CONTRE LE CORONAVIRUS ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Face à la pandémie qui met à mal l'économie mondiale, de quelle marge de manoeuvre dispose le Sénégal en termes de mobilisation des ressources, dans un contexte d'excédent budgétaire ? ENTRETIEN AVEC MOUSTAPHA KASSE
Boubacar Badji et Youssouf Ba |
Publication 20/03/2020
Le professeur Moustapha Kassé, doyen honoraire de la faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg), diagnostique l'impact de la pandémie du coronavirus sur l'économie nationale et décline quelques stratégies pouvant permettre à l'Etat d'amoindrir le choc.
Voir la video de la première partie de l'entretien décalé.
À TOUBA, SERIGNE MOUNTAKHA MBACKÉ A EFFECTUÉ LA PRIÈRE DU VENDREDI
Contrairement, à beaucoup de mosquées qui ont provisoirement suspendues leurs prières collectives, la cité des mourides n’a pas suivi la mesure. Serigne Mountakha Mbacké, s’est prononcé sur l’interdiction des rassemblements, en précisant qu’elle ne concer
Touba a effectué la prière du vendredi. Contrairement, à beaucoup de mosquées qui ont provisoirement suspendues leurs prières collectives, la cité des mourides n’a pas suivi la mesure. Serigne Mountakha Mbacké, s’est prononcé sur l’interdiction des rassemblements, en précisant qu’elle ne concerne pas les mosquées.
Ce vendredi, le khalife des mourides s’est joint à la grande prière de "Tisbar", en présence du Secrétaire général de la Présidence, Mahammad Boun Abdallah Dionne.
Par ailleurs, le khalife des mourides qui appelle au respect strict des mesures d’hygiène s’est livré à une séance de lavage de mains pour donner l’exemple avant de débuter la prière.
Trente-six personnes ont déjà été testées positives au Covid-19 dont une vingtaine de cas à Touba, où un centre de traitement a été installé.
"ALPHA CONDÉ EST PRÊT À TOUS LES RISQUES"
Pour l'écrivain Tierno Monénembo, le passage en force que prépare le président guinéen aura de lourdes conséquences pour le pays dont l'économie est déjà affaiblie par l'épidémie d'Ebola
C'est sous une très forte tension que les Guinéens se rendront aux urnes ce 22 mars pour doter le pays d'une nouvelle assemblée nationale et surtout d'une nouvelle constitution très controversée.
Ce dimanche 22 mars les électeurs guinéens devraient accomplir leurs devoirs civiques dans un contexte sanitaire mondial alarmant dû à la propagation du coronavirus dont plusieurs cas sont signalés en Guinée. C'est une des raisons qui aurait servi de prétexte au président Alpha Condé pour reporter la visite de la mission de médiation de la Cédéao à Conakry.
Ainsi, pour l'écrivain guinéen Tierno Monénembo, le passage en force que prépare le président guinéen aura de lourdes conséquences pour le pays dont l'économie avait été affaiblie par l'épidémie d'Ebola de 2013 à 2016.
"Il est prêt à tous les risques : que la Guinée soit mise à feu et à sang, cela ne le gêne pas. La barbarie de l'armée guinéenne, c'est quelque chose de très connu. Des gens qui ont violé les femmes en plein jour sont prêts à tuer à tour de bras. On verra..."
De son côté, le gouvernement affirme que tout est mis en place pour assurer le bon déroulement du double scrutin, selon le ministre Papa Koly Kourouma qui dirige le directoire de la campagne de la majorité présidentielle.
" C'est l'Etat qui a l'obligation d'assurer la sécurité de tout le monde - des citoyens et de leur biens. Je pense que toutes les dispositions sécuritaires sont prises pour que les gens aillent voter librement. En matière de prévention, on fait en sorte qu’il n’y ait pas d'attroupement, que les gens aillent voter un par un sans que les rangs soient serrés, en observant la distance de sécurité qui est d’un mètre. Voilà toutes les dispositions qui sont prises pour qu'il y ait une bonne élection."
Pour le pouvoir, il semble donc hors de question de reporter à nouveau les élections. Il ne semble pas non plus à l’ordre du jour d’intégrer les grands partis politiques de l’opposition.
Enfin, jeudi (18.03), le président Alpha Condé a augmenté la solde des militaires de 20%. Les opérateurs de la téléphonie mobile ont par ailleurs annoncé que les liaisons internet seront coupées du 21 au 22 mars et les communications vers l’international pourraient l’être aussi. Quant aux écoles, elles devraient être fermées jusqu’au 24 mars.
C'est dans ce contexte assez tendu que le Front national pour la défense de constitution appelle à manifester ce samedi et dimanche à Conakry et dans les régions du pays pour empêcher le déroulement du double scrutin, dont l'organisation divise plus que jamais les Guinéens.
LA BIENNALE DE DAKAR REPORTÉE
Les nouvelles dates seront communiquées par les moyens les plus appropriés
Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a décidé vendredi de reporter à une date ultérieure la quatorzième de la Biennale de l’Art africain contemporain (Dak’Art 2020), initialement prévue du 28 mai au 28 juin à Dakar.
Les nouvelles dates seront communiquées par les moyens les plus appropriés, a-t-il indiqué dans le communiqué annonçant ce report.
Par cette décision, le ministère de la Culture et de la Communication veut ainsi se conformer à la décision du président de la République, Macky Sall, de suspendre les manifestations publiques et d’interdire les regroupements dans les endroits ouverts ou clos, à cause de la pandémie de coronavirus, explique le texte.
La quatorzième édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art 2020, 28 mai-28 juin) a été officiellement lancée, mardi 18 novembre au Musée des civilisations noires de Dakar. Le Ghana et la Chine sont pressentis comme pays invités d’honneur.
"La Biennale de Dakar se veut un cadre de méditation et de publicisation pour une forme de création esthétique et aussi de la matérialisation d’une Afrique dont le destin est d’accompagner le monde nouveau’’, souligne le site de la manifestation.
Cette année, les organisateurs ont choisi comme thème général "Ĩ’Ndaffa/Forger/Out of the fire’’. Sur la liste des 64 artistes retenus pour l’exposition internationale, figurent sept Sénégalais.
TIDJANE THIAM REBONDIT DANS LE LUXE
L’homme d’affaires franco-ivoirien est annoncé au conseil d’administration du groupe Kering. Sa nomination doit être entérinée le 23 avril
Jeune Afrique |
Aurélie M'Bida |
Publication 20/03/2020
Au risque de décevoir ses supporters en Côte d’Ivoire, qui le voyaient déjà endosser le costume de ministre après son « départ forcé » de Credit Suisse, Tidjane Thiam semble décidé à poursuivre sa carrière dans le milieu des affaires.
Dernier indice en date : le financier franco-ivoirien vient d’être nommé au conseil d’administration de Kering (autrefois connu sous le nom de PPR) de François-Henri Pinault.
Nomination définitive le 23 avril
« L’assemblée générale, statuant aux conditions de quorum et de majorité requises pour les assemblées générales ordinaires, connaissance prise du rapport du conseil d’administration, décide de nommer Monsieur Tidjane Thiam en qualité d’administrateur pour la durée statutaire de quatre années, laquelle prendra fin à l’issue de l’assemblée générale ordinaire qui sera appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2023 », peut-on lire dans le bulletin des annonces légales obligatoires publié par le groupe coté à la Bourse de Paris du 18 mars.
Les actionnaires du holding des marques de luxe Yves Saint-Laurent, Gucci ou encore Alexander McQueen, qui a dégagé un chiffre d’affaires de 15,9 milliards d’euros en 2019, procéderont à la validation de cette nomination, ainsi qu’à celle de deux autres nouveaux administrateurs désignés en AG, le 23 avril.
Formé à Polytechnique et passé par McKinsey et l’assureur britannique Prudential, Tidjane Thiam, né en 1962, a dirigé pendant cinq ans la banque zurichoise Credit Suisse avant de démissionner le 7 février dernier.
CORONAVIRUS : EN AFRIQUE DE L'OUEST, "VIVRE À DISTANCE DES AUTRES EST UN LUXE"
Distanciation sociale, quarantaine pour les cas suspects… Deux concepts incompatibles avec la culture africaine, où l’on va saluer et aider les malades
Le Monde Afrique |
Youenn Gourlay |
Publication 20/03/2020
Dans la cour familiale, Ousmane s’ennuie ferme. Bloqué chez lui depuis le 16 mars et la fermeture de tous les établissements scolaires ivoiriens pour trente jours, le jeune homme semble paralysé par la menace du Covid-19. Il ne sort quasiment plus et dit respecter scrupuleusement toutes les mesures décrétées par le gouvernement, dont celle particulièrement difficile à tenir du maintien d’au moins un mètre entre chaque personne dans les lieux publics.
« Je fais très attention, cette maladie me fait peur. J’essaie de m’écarter des autres mais, une fois chez moi, dans la cour, c’est impossible. Le soir, on est plus de cent à vivre ici : les Compaoré, les Kouanda, les Zangré », énumère le jeune Abidjanais en pointant chacune des vingt-deux petites habitations plantées autour de cette courette. Autant de maisonnettes bien trop chaudes et trop mal aérées pour y passer la journée.
A Abidjan, la vie se passe dehors. Les lieux de rassemblement y sont nombreux et la promiscuité permanente : dans les centaines de wôrô-wôrô – les taxis collectifs –, mais aussi et surtout dans les milliers de gbaka, ces petits utilitaires convertis en bus, où les passagers s’entassent encore chaque jour pour se déplacer. Ces lieux, déjà suspectés de faire le lit des maladies très contagieuses comme la tuberculose, sont à nouveau pointés du doigt.
« Qui nous aidera à vivre ? »
Reste que ces moyens de transport, toujours bondés, sont dix fois moins chers qu’un taxi individuel. Alors comment faire ? Biata Compaoré, qui vit autour de la même cour qu’Ousmane, avoue son désarroi. « Bien obligée de les prendre pour aller chercher les marchandises au port », justifie la commerçante, consciente des risques encourus.
Mais « en Afrique, vivre à distance des autres est un luxe, analyse Francis Akindès, sociologue et professeur à l’université de Bouaké. Dans la Côte d’Ivoire urbaine d’aujourd’hui, le contact est omniprésent. « Si on ajoute qu’ici 46 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, vous pouvez imaginer combien de personnes pauvres au minimum ont ce mode de vie les uns sur les autres », ajoute le spécialiste de cette société ivoirienne qui compte quelque 25 millions d’habitants.
Au marché d’Anono à Abidjan, les commerçantes peuvent encore travailler, même si les maires de chaque commune ont désormais toute latitude pour fermer s’ils le souhaitent ces lieux essentiels à l’approvisionnement des familles. Ce qui commence à inquiéter Esther, vendeuse de téléphones, un masque sur le visage et une bouteille de gel hydroalcoolique sur l’étal. « S’ils décident de tout fermer puis de nous confiner, qui nous aidera à vivre ? Si on ne travaille pas, l’Etat ivoirien ne pourra pas nous appuyer comme en France ou en Italie, réalise-t-elle, effarée à cette idée. On n’a vraiment pas les moyens de rester à la maison, ici. »
« Tout le monde va voir le malade »
En Côte d’Ivoire, où 92 % de l’emploi est informel, c’est-à-dire sans contrat, la vie se décline au jour le jour. La fermeture de certains lieux économiques et le potentiel confinement de la population « seraient catastrophiques, selon l’anthropologue Issiaka Koné. En Afrique, on n’a pas la culture du travail à domicile, les gens ne feront plus rien. Cela va gréver le budget familial, le coût sera exorbitant pour la population ». Selon lui, ce manque à gagner pourrait même générer du « petit banditisme » si cette population déjà fragile s’appauvrit encore un peu.
Pour l’instant, dans les rues d’Abidjan, seuls quelques Ivoiriens portent un masque. « Tant que les personnes n’ont pas un proche touché par la maladie, ils n’y croient pas. Il y a une sorte d’incrédulité face au phénomène et les mesures ne sont pas respectées », développe pour sa part Francis Akindès, qui se fonde sur ses recherches faites lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, entre 2013 et 2016.
Plus inquiétant encore à ses yeux, quand quelqu’un est malade, « tout le monde va le voir pour lui serrer la main, pour lui souhaiter du courage et lui donner de l’argent. C’est une culture du partage, de la parole et de la compassion. Ici, la sociabilité est partout », développe le sociologue. Se confiner ou se replier sur soi-même est peu admis. Ni financièrement, ni culturellement.
« Refus du confinement »
Même pendant la crise politique de 2002 qu’a connue le pays, les Ivoiriens avaient du mal à se confiner seuls chez eux. « Les soldats étaient dans la rue et le couvre-feu entre 19 et 6 heures était globalement respecté. Mais la classe moyenne organisait des soirées le week-end. Il y avait comme un refus du confinement en tant que privation de liberté. Celui qui vit seul est très mal perçu. On dit qu’il vit “comme un Blanc”, qu’il est “humainement pauvre” », continue M. Akindès.
« Ici, on a tendance à dire que la famille est envahissante, mais on ne peut ni ne veut faire autrement », poursuit Issiaka Koné, pour qui c’est profondément culturel. « La relation entre l’individu et la communauté est une ambiguïté toute africaine : elle nous oppresse par ses principes, mais on en a besoin quand on est affligé. On souhaite la compassion, mais on en souffre quand le porte-monnaie est sollicité. »
En cas de restrictions plus sévères, les urbains risquent une nouvelle fois d’être tentés de retrouver leur famille au village, comme durant les différentes crises sociopolitiques des années 2000. « On va forcément assister à un important retour à la campagne. Le village est beaucoup plus rassurant que la ville, la sociabilité y est maîtrisée », anticipe M. Akindès. D’autant que si la saison est bonne, les villages peuvent aussi assurer une certaine stabilité alimentaire grâce à l’agriculture, quand les magasins de la ville, eux, risquent de se vider.
Aujourd’hui, avec ses neuf cas de personnes contaminées confirmés, la Côte d’Ivoire n’en est pas à un confinement total. Les cas suspects entrant sur le territoire sont théoriquement placés en quarantaine dans les 2 000 chambres prévues à cet effet. Mais les premiers isolements sont déjà mis à l’épreuve par le gouvernement ivoirien qui y a mis fin. Et si même l’Etat n’arrive pas à isoler correctement 200 à 300 personnes, certains s’inquiètent déjà pour la suite.
par Mamoudou Ibra Kane
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FAUT-IL EXCLURE LE CONFINEMENT GÉNÉRAL ?
Nous sommes en guerre. La phrase répétée à souhait par Macron lors de l’annonce du confinement général décrété en France pourrait s’appliquer à tous les autres pays visités par Covid 19. Autant pêcher par excès que par défaut dans ce type de situation
e-media |
Mamoudou Ibra Kane |
Publication 20/03/2020
Nous sommes en guerre. La phrase répétée à souhait par Emmanuel Macron, président de la France, lors de l’annonce du confinement général décrété dans son pays pourrait s’appliquer à tous les autres nations visitées par Covid 19. Le Sénégal n’y échappe pas.
Pour Mamoudou Ibra Kane, c’est donc l’occasion de parer à toute éventualité car, estime-t-il, dans sa chronique de ce vendredi, autant pêcher par excès que par défaut dans ce type de situation. Mais, pour cela, il faudrait déjà préparer la population et mesurer les conséquences sociales et économiques qui iraient avec. Et, pour ça, pense-t-il, le sans-faute jusqu’ici mené par le Chef de l’Etat Macky Sall, en chef de guerre dès les premières lueurs du coronavirus, laisse nourrir de l’espoir.
Une bataille est gagnée et le combat est mené aux points depuis la décision de ne pas rapatrier les 13 étudiants sénégalais établis à Wuhan, ex épicentre de la pandémie... "Ey buñu leen rapatrier woon"...
par Mohamadou Fadel Diop
LE SÉNÉGAL PEUT-IL GAGNER LA GUERRE SANITAIRE CONTRE LE CORONAVIRUS ?
endiguer la propagation du coronavirus sur le territoire est la priorité, mais il est également décisif d’exploiter les opportunités rares de corriger les défaillances structurelles qui font que notre système de santé est si vulnérable
On dirait que le monde s’effondre. Plus de 8 000 morts recensés depuis le début de l’épidémie du coronavirus. 3 000 morts déclarés en Chine, 2000 en Italie, 1000 en Iran. Des millions de personnes qui ne se déplacent plus pour aller au travail. En Afrique du Sud, la bourse de Johannesburg a connu une chute extraordinaire de 12%. Le Sénégal a annoncé la fermeture de toutes ses frontières aériennes, toutes ses écoles, ses universités et ses marchés. Le roi du Maroc a déclaré la fermeture de toutes les mosquées de ce pays islamique. A New York, les rassemblements sont limités à 10 personnes maximum. En France, on n’a plus le droit de rendre visite à sa famille et à ses amis. Tout déplacement qui ne relève pas de l’essentiel est tout simplement interdit. Du jamais vu.
Il y a une semaine, je débutais l’écriture d’un article sur le coronavirus vu du Sénégal. Je suis content de ne l’avoir pas publié comme cela était prévu. Pour cause, j’y disais littéralement que le coronavirus était une distraction face aux principaux défis des systèmes de santé en Afrique. Dans un monde où les actualités sont devenues plus que jamais un produit commercial, où le buzz attire comme un vase de miel devant des millions d’abeilles, le sujet du coronavirus avait brusquement surgi comme la principale menace de santé publique dans le pays. Alors que c’était faux !
Cela me paraissait d’autant plus ridicule que pas plus tard qu’en 2019, j’avais été là, à Kolda, assis devant une vingtaine de femmes qui exprimaient leur frustration de n’avoir qu’un seul gynécologue pour toute la région, comme par hasard la plus pauvre du pays. Alors que la santé mentale est un sujet négligé dans ce pays, alors que des centaines de personnes déambulent dans les couloirs des hôpitaux pour mendier de quoi payer leurs ordonnances, alors que des centaines de jeunes filles et de femmes enceintes meurent dans les villages reculés du Sénégal parce qu’il n’y a pas de centres de santé proches d’elles, j’étais sidéré que nous tournions tous si facilement le regard sur le sort des quatre seules personnes contaminées par le Covid-19 alors, mais que nous ne faisions pas de même pour résoudre les problèmes de fond de notre système de santé défaillant.
Aujourd’hui, je ne peux plus tenir ce discours. Entretemps, le coronavirus a été déclaré pandémie par l’Organisation mondiale pour la santé (OMS). La menace est devenue aussi redoutable que la trompette de l’apocalypse. Le Covid-19 ne peut plus être traité de distraction car, en plus de menacer les systèmes de santé déjà très faibles des pays africains, le virus porte un coup violent à leurs économies. A présent, deux constats me paraissent strictement incontournables sur le plan sanitaire.
Faire face avec des systèmes de santé vulnérables
Premièrement, quoi qu’il en soit, cette épidémie sera fatale pour les pays africains. Et cela parce que, en l’état actuel des choses, nos systèmes de santé ne sont pas assez robustes pour y faire face. La majeure partie des États du continent n’ont pas la capacité de recenser le nombre de cas de coronavirus sur leurs territoires. Soit, ils n’ont pratiquement pas de kits de test et ils font semblant d’ignorer que cette maladie affole le monde comme au Malawi, soit ils ont des kits mais en nombre encore très insuffisant pour estimer le nombre de cas réels si la maladie se propageait. C’est le cas du Sénégal.
A cela s’ajoute le fait que nos structures sanitaires soient exagérément pauvres en équipements. Au Sénégal, longtemps les plaintes désignaient le manque d’équipements lourds comme les machines de radiothérapie, mais la crise actuelle montre que nous n’avons même pas assez de lits pour accueillir une grande quantité de victimes du coronavirus. La recherche scientifique notamment dans le domaine médical, qui devait être hautement financée en tout temps, a été négligée. Le personnel de santé est insuffisant. Au moment où en Europe, on compte 79 infirmières et sages-femmes pour 10 000 personnes, en Afrique, il n’y en a que 11 selon l’OMS.
Si l’on s’en tient à l’expérience du virus Ebola de ces dernières années, le risque est que ces maigres ressources soient désormais consacrées à combattre le virus au détriment de la lutte contre le paludisme, des vaccinations, des soins primaires, etc.
Face à l’actuelle menace, nous devrons adopter les meilleures réponses pour contenir les risques pour la santé publique. Mais avant d’avancer, il faudra reconnaître que la vulnérabilité des pays africains face à l’épidémie du Covid-19 n’est pas seulement due à la pauvreté endémique de ces États. Est aussi à souligner leur procrastination systématique alors qu’ils auraient dû engager des réformes de leurs systèmes de santé non seulement afin qu’ils satisfassent aux besoins de leurs populations mais également pour qu’ils puissent être prêts à faire face à des chocs imprévus. Toutes les leçons n’ont pas été tirées de l’expérience de la maladie à virus Ebola. Certains pays comme le Sénégal ont certes mis en place des dispositifs pour améliorer la surveillance des risques d’épidémie mais ils n’ont pas répondu à l’appel de réforme plus profonde des systèmes de santé.
Toutefois, malgré tout le malheur et le désespoir que la pandémie génère, elle offre une petite fenêtre d’opportunité pour introduire des réformes sérieuses dans le système de santé au Sénégal. En dépit de la panique générale et de la propagation de l’épidémie sur son territoire, la gestion de cette crise sanitaire par l’État du Sénégal est pour l’instant honorable. Cela est essentiellement dû au fait que la réponse de l’État est basée sur une approche qui met en priorité la prévention.
Le ministère de la Santé nous envoie des messages pour qu’on se lave les mains et qu’on reste vigilant, les règles d’hygiène de base sont rappelées dans les espaces de travail, dans les lieux de cultes, dans les administrations, les commerces, etc. Il n’y a jamais eu autant de cohésion entre tous les acteurs importants du pays pour demander au Sénégalais de faire des questions de santé une priorité quotidienne.
La pandémie du coronavirus passera, mais ces pratiques devront rester, et être renforcées. Avec le succès des efforts qui sont en train d’être faits pour mettre la santé au cœur des préoccupations communes, le moment est bien choisi pour faire passer notre système de santé très curatif à un système de santé axé sur la prévention. Daouda Diouf, le directeur exécutif de Enda Santé, une organisation non gouvernementale, rappelait, à juste titre, dans un entretien avec WATHI que « la dimension préventive est le parent pauvre (des systèmes de santé africains), alors que les pays à ressources limitées devraient dépenser dans ce domaine plutôt que dans la prise en charge. »
Penser long terme même en temps de crise
Outre cet élément, plusieurs autres secteurs devront être réformés pour faire face au potentiel accroissement des besoins en services de santé qu’entrainera l’épidémie. Dans son Mataki sur les systèmes de santé en Afrique de l’Ouest publié le 24 février 2019, le think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest WATHI détaille certaines pistes d’action stratégiques pour s’y atteler.
Pour le gouvernement du Sénégal, il s’agit de ne pas réagir à la crise sanitaire avec des mesures efficaces sur le court terme seulement. Certes endiguer la propagation du coronavirus sur le territoire est la priorité, mais il est également décisif d’exploiter les opportunités rares de corriger les défaillances structurelles qui font que notre système de santé est si vulnérable, en se basant si nécessaire sur les réflexions stratégiques de la société civile qui existent.
Le second constat que j’ai annoncé sera plus rapide à brosser. Il est le suivant. Il n’a fallu qu’un virus pour faire ressortir les instincts les plus individualistes des États. A tout bout de champ, chacun décide unilatéralement de mesures drastiques pour faire face à une menace qui pèse sur tout le monde. Le coronavirus révèle à quel point les institutions de gouvernance mondiale comme régionale ont été prises de court par une menace brusque.
L’Union européenne, qui a été longtemps un modèle d’intégration, a été paralysée par la crise transnationale. En Afrique de l’Ouest par contre, les ministres de la santé des pays de la CEDEAO se sont réunis au mois de février sous l’égide de l’Organisation ouest-africaine de la santé. L’OOAS est l’institution de la CEDEAO en charge de la santé. Elle souffre cependant d’un manque de moyens et d’une confiance politique de la part des chefs d’État comme c’est le cas de plusieurs institutions régionales. Plus que jamais, il est nécessaire d’en faire le pôle régional principal dans plusieurs domaines de la santé comme le détaille WATHI dans son Mataki.
Là encore, il faut que les pays de la région comprennent que la faiblesse structurelle de leurs systèmes de santé leur exige de combattre cette pandémie dans la solidarité et non pas par des démarches individualistes. A ce propos, l’Union africaine devrait faire preuve de plus de leadership en renforçant son initiative « Investir dans la santé » afin de ne pas laisser les États africains attendre l’aide des organisations internationales dont les démarches peuvent être surprenantes et instrumentalisées par les grandes puissances en situation de crise.
APPEL POUR LA PRISE DE MESURES URGENTES DE PROTECTION DES ENFANTS DES RUES FACE AU CODIV-19
A ce jour, aucune mesure n’a été prise pour les enfants qui sont dans les daara privés de prise en charge parentale, ceux pris en charge dans les structures d’accueil - COMMUNIQUÉ DES ACTEURS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué des acteurs de la société civile pour la protection de l’enfant, daté du 17 mars 2020, appelant l'Etat à la prise de mesures appropriées pour les enfants de la rue et en situation de vulnérabilité.
"Le groupe des acteurs de la société civile pour la protection de l’enfant salue les mesures adoptées par le gouvernement pour faire face à la pandémie du coronavirus et lance un appel pour une prise en charge citoyenne et communautaire deces mesures.
Cependant, le groupe déplore que des dizaines de milliers d’enfants, dont les enfants mendiants et ceux en situation de rue, sont comme toujours les oubliés des politiques publiques. Pourtant, les mesures prises par l’Etat visent, entre autres, la fermeture des écoles publiques et privées afin de protéger les enfants et éviter que les lieux d’éducation et d’apprentissage ne deviennent des foyers de propagation de l’épidémie.
A ce jour, aucune mesure n’a été prise pour les enfants qui sont dans les daara privés de prise en charge parentale, les enfants pris en charge dansles structures d’accueil et les enfants en situation de rue.
Face à cette situation de discrimination et de danger de contamination de milliers d’enfants abandonnés par l’Etat et la société, le groupe des acteurs de la société civile pour la protection de l’enfant, réuni ce mardi 17 mars 2020 à l’initiative de la CONAFE, rappelle que :
l’Etat a l’obligation de protéger tous les enfants sans discrimination et que les mesures de protection des enfants en situations de vulnérabilités spécifiques doivent être fondées uniquement sur l’intérêt supérieur de l’enfant
L’Etat a l’obligation de garantir aux enfants le droit à la protection familiale et communautaire.
Les parents doivent assumer leurs obligations vis-à-vis de leurs enfants.
Suite à ces rappels de principes, le groupe demande à l’Etat :
de procéder immédiatement au retrait des enfants de la rue
de ne pas confiner les enfants dans des structures ou lieux insalubres et inappropriés pour leur prise en charge
de privilégier la réintégration des enfants retirés de la rue dans leurs milieux familial et communautaire et d’accompagner ce processus au plan matériel et financier
de doter de moyens et matériels de protection tous les travailleurs intervenants de rues et en contact avec les enfants
de vulgariser et de mettre en œuvre le Plan Protection de l’Enfant en Situation d’Urgence élaboré par la Direction Générale de l’Action Sociale
de mobiliser l’ensemble des comités départementaux de protection de l’enfant et acteurs communautaires dans la réponse nationale à la pandémie
d’organiser la solidarité nationale pour des stratégies adaptées et efficaces de protection de tous les enfants contre la pandémie et pour l’appui aux structures d’accueil et de prise en charge des enfants séparés de leurs familles.
Le groupe invite les collectivités territoriales, les partenaires techniques et financiers, le secteur privé à accompagner l’Etat pour la mise en œuvre de ces mesures de protection des enfants séparés de leurs familles et livrésdans les rues à desfins de survie ou d’exploitation par la mendicité.
Le groupe renouvelle sa disponibilité à accompagner l’Etat dans la mise en œuvre des actions de protection engagées pour les populations, et en particulier les enfants du Sénégal.
Pour le Groupe
CONAFE – PPDH – RADDHO – AMNESTY – AJS - SOS Villages d’enfants Sénégal– Samu Social Sénégal – Secours Islamique France – UVE- SPER – AJEF – Village Pilote – ONG RABEC"
par Abdourahmane Sarr
ORGANISER LA RÉSILIENCE SYSTÉMIQUE A LA CRISE
L’allocation d’un montant forfaire (25 000 CFA) à 3 millions de sénégalais, à travers des comptes de monnaie électronique (orange money, freecash, etc.) à souscrire par les récipiendaires, représenterait 75 milliards des montants mobilisables au FMI
Nous disions il y a trois jours que la résilience systémique ne peut être que le résultat de réactions diverses et appropriées à nos échelles individuelles et collectives contre des chocs et selon nos circonstances. Il faut donc suivre les recommandations des experts dans tous les domaines et être en alerte sur ce qui se fait bien ailleurs pour éviter de verser dans l’amateurisme.
Au-delà des mesures de prévention et de contrôle de la propagation de la maladie, nous disions que l’Etat devait préparer une riposte contracyclique pour suppléer au ralentissement attendu du secteur privé dans les limites de nos équilibres à gérer. Ceci, par la mobilisation d’une partie des ressources financières que le secteur financier national allait allouer au privé, et financer un déficit budgétaire plus élevé que prévu, accélérer le remboursement des arriérés de l’Etat, accorder des crédits d’impôts aux secteurs les plus affectés et observables par leurs déclarations d’impôts, et compenser nos manques à gagner et besoins en devises au FMI. Au sortir de cette crise, nous disions qu’il nous faudra évaluer nos capacités de résilience systémique dans tous les domaines vitaux de notre pays. Il nous faudra notamment réexaminer nos options économiques qui, comme nous l’avons argumenté ailleurs, ne vont pas dans le sens de la résilience systémique parce découlant de choix de l’Etat ou de partenaires étrangers plutôt que de la diversité des PMEs du secteur informel et de pôles régionaux à autonomiser.
Dans l’intérim, il est important de savoir qu’un problème systémique n’est pas un problème sectoriel ou multisectoriel aux éléments constituants identifiables car variables. De ce fait, on ne peut pas faire l’inventaire exhaustif des éléments constitutifs d’un problème systémique d’ordre macroéconomique. C’est dans la diversité des réactions appropriées qu’un système résilient revient plus rapidement à son état antérieur.
Dès lors, la réponse systémique doit être immédiate et d’abord macroéconomique. Dans le cas du Sénégal, et des pays de l’UEMOA, cette réponse ne peut être que budgétaire. La banque centrale ne doit pas être sollicitée ni par les Etats, ni par les banques, sans recadrage budgétaire car tout soutient des banques ou de la banque centrale sera in fine budgétaire dans notre cadre monétaire actuel. Des crédits non performants refinancés par la banque centrale pour permettre aux banques de financer des pertes d’entreprises affectées ne peut se faire qu’avec la garantie de l’Etat, ce qui nous ramène à un double problème budgétaire (celui du bilan de la banque centrale et de celui des banques). Cette liquidité, la banque centrale ne peut pas non plus la soutenir sans les réserves de change correspondantes que seuls les Etats peuvent aller chercher pour ne pas hypothéquer la reprise après la crise. Tout ceci devrait nous suffire comme preuve qu’il y a urgence à adopter la monnaie ECO UEMOA en 2020, à la flexibiliser, et à donner à la BCEAO une autonomie d’objectif sur le taux de change.
Il faut donc par l’endettement de l’Etat immédiatement mobiliser les ressources qui nous sont disponibles au Fonds Monétaire International en la circonstance, et qui peuvent aller à plus de 150 milliards, en ce qui nous concerne, et qui n’ajouteront qu’environ 1 pourcent du PIB à notre dette. Ces montants en réserves de change permettront par ailleurs à la banque centrale de soutenir un volume supplémentaire de titres d’états en FCFA et atténuer l’impact sur la demande globale, notamment du secteur des services. La mise en œuvre d’un nouveau cadre budgétaire doit être immédiate en ne réduisant pas notamment les crédits budgétaires en cours d’exécution jusqu’à plus de visibilité. L’utilisation appropriée de cette liquidité découlant d’un déficit budgétaire plus élevé que prévu par les citoyens assurera la bonne distribution sans que la bureaucratie d’Etat et le lobbying n’en déterminent la destination. Cette option devrait être celle des libéraux.
Dans un contexte où l’état et la BCEAO cherchent à accélérer l’inclusion financière des populations, l’Etat a là une autre opportunité. L’allocation d’un montant forfaire (25 000 CFA) à 3 millions de sénégalais, à travers des comptes de monnaie électronique (orange money, freecash, etc.) à souscrire par les récipiendaires, représenterait 75 milliards des montants mobilisables au FMI. Ceci devrait se faire avec des incitatifs d’utilisation des montants alloués sous forme électronique au niveau des opérateurs. Pour la mise en œuvre, il suffirait d’allouer des titres à ces sociétés qui ne les liquéfieront qu’au besoin dans les banques et à travers elles à la BCEAO qui détiendrait la contrepartie en devises mobilisées par les Etats. Cette politique de transferts de cash est actuellement mise en œuvre par plusieurs pays pour soutenir la demande globale sans ciblage particulier. Cette option est également plus libérale et plus juste envers les populations qui toutes contribuent à la soutenabilité de notre dette, pas seulement les entreprises. La diversité des réactions des entreprises et des individualités et leur capacité d’adaptation à la crise au fur et à mesure qu’elle se déroule n’est pas à sous-estimer. Il faut donc éviter de trop centraliser la réaction gouvernementale, pour soutenir la résilience de notre système économique.