PLUS DE 100 MILLIARDS DÉPENSÉS PAR L'ADMINISTRATION MACKY POUR L'ACHAT DE VÉHICULES
Le montant décaissé pour les dépenses de véhicules de 2012 à 2018, s’élève à 119 milliards de Francs CFA - Pour l’année 2019, le montant est estimé à 3,490 milliards de francs CFA
e-media |
Aliou Diouf & Pape D. DIALLO |
Publication 12/12/2019
C’est une révélation du ministre des Finances et du Budget, de passage ce jeudi, devant les députés pour faire examiner son projet de budget au titre de l’exercice 2020. Interpellé sur la question de l’achat des véhicules de l’administration publique, Abdoulaye Daouda Diallo a révélé qu’il ressort des statistiques à sa disposition que le montant décaissé pour les dépenses de véhicules de 2012 à 2018, soit lors du premier mandat de l’actuel président de la République, s’élève à 119 milliards de Francs CFA.
Puis, poursuit-il, pour l’année 2019, le montant est estimé à 3,490 milliards de francs CFA. Quant aux prévisions de 2020, c’est un montant de 6,6 milliards de francs CFA qui est affecté à l’achat des véhicules, dont 1 milliard de francs CFA pour la Direction du matériel et du transit administratif (DMTA).
Au cumul, ce montant dépasse la barre des 125 milliards F CFA, avec un total de 129,09 milliards F CFA depuis le début de l’exercice du pouvoir par Macky Sall. Ce qui veut dire qu’en moyenne, l’Etat dépense environ 14,34 milliards F CFA par an rien que pour l’achat de véhicules de l’administration sénégalaise. Des chiffres qui donnent le tournis.
Lors d’une réunion du Conseil des Ministres tenue le 17 avril dernier, le chef de l’Etat appelait à une rationalisation de l’utilisation du parc automobile de l’administration sénégalaise. Macky Sall invitait ainsi son Premier ministre d’alors, Mouhamad Boun Abdallah Dionne, à se pencher sur un nouveau dispositif règlementaire portant sur les conditions d’acquisition, d’affectation, d’utilisation et de cession des véhicules de l’administration.
Une semaine plus tard, le quotidien national, Le Soleil, révélait que depuis 2000, le secteur public et parapublic avait acquis pas moins de 20 000 véhicules, au coût unitaire moyen de 25 millions F CFA environ, portant l’enveloppe globale sur cette période à la rondelette somme de 500 milliards F CFA, avec une moyenne de 40 milliards F CFA dépensés par an pour le carburant...
par Ndeye Fatou Ndiaye
L’ÉMIRAT GAZIER, LA BM ET LE FMI
Le clan présidentiel s’est aménagé un état dans l’État ! À l’Assemblée Nationale s’opère le déballage indécent d’une gouvernance mafieuse - Faut-il rappeler qu’on nous avait promis l’autosuffisance en riz pour 2017 ?
La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International viennent de délivrer des satisfecit à la gouvernance de Macky Sall. Ils dépeignent le Sénégal comme un oasis, où les gens sont heureux, dans le meilleur des mondes ! Ce paradis tropical est certes une réalité pour tous ceux impliqués dans les affaires Petrotim-Petrosen, Tosyali, Suez, Prodac et autres, les épinglés dans les dossiers des corps de contrôle d’État. Dossiers restés sans suite. Le gâteau pour tous a été ingurgité par ceux-là, ces observateurs sont venus s’assurer constater que le taux d’absorption est excellent. Le clan présidentiel s’est aménagé un état dans l’État ! Une sorte d’émirat déterminé à se perpétuer, et cette dynastie d’user de tous les moyens pour détourner le regard du goorgorlu, en réprimant sans état d’âme toute velléité de contrecarrer leur plan.
Le Sénégal des « beaux villages au clair ruisseau », aux belles plages, aux océans poissonneux, aux hommes de valeur que le griot chantait n’est plus que l’ombre de lui-même. Des barrières infranchissables se sont dressées au fil du temps entre le peuple et ceux qui disent lui « vouloir du bien ». En maintenant les mêmes règles du jeu, cette kleptocratie a réussi à gouverner le pays soixante ans durant. Le système se perpétue à travers ses clones. Pendant ce temps, le peuple désabusé ne croit plus qu’il puisse exister d’autres espèces de gouvernants que ceux-là qu’il a vu défiler pendant si longtemps. Il semble résigné. Cependant, il n’a pas cessé d’aspirer à une éducation publique de qualité, à du travail digne, à un système de santé publique performant pour tous, à un cadre de vie agréable dans un environnement sain, au minimum nécessaire pour vivre dignement sa vieillesse, même si on n’a jamais été salarié. Nos concitoyens veulent vivre décemment. Désespérés et fatigués dans cette vaine quête de vie meilleure, beaucoup observent un silence, leur manière de traduire une colère contenue grandissante !
La colère ira crescendo, alimentée par cette République bâtie en dépouillant le peuple année après année. Ce sentiment naît des disparités qui augmentent avec les mesures injustes adoptées au nom des statistiques macro-économiques dont la seule finalité est de donner au Sénégal un meilleur classement par les agences de notation et les bailleurs institutionnels. C’est comme si le sénégalais qui vit dans le pays n’était pas en mesure d’évaluer l’évolution de son pouvoir d’achat ou de ses conditions de vie. Cette colère est aussi le fruit de l’arrogance de ceux qui expliquent que les difficultés en question ne sont que le fruit de l'imagination d'opposants jaloux, puisque nombre d’entre eux vivent des lendemains d’élection présidentielle qui déchantent. Ces citoyens voient les prix des denrées de première nécessité flamber, l’essence, les transports, le ciment et l’électricité empruntent la même pente inflationniste amorcée par le riz, le poisson, l’huile, les légumes et autres produits.
Ils sont en colère quand à l’Assemblée Nationale s’opère le déballage indécent d’une gouvernance mafieuse, sous leurs yeux, ce qui permet aux politiciens et amis du président de vampiriser la chaîne de valeurs de l’agriculture. Faut-il rappeler qu’on nous avait promis l’autosuffisance en riz pour 2017 ? Qu’en cette fin 2019 six départements sont menacés de famine ? Les sénégalais découvrent que ce haut lieu de la République abrite des faux-monnayeurs, délinquants qui à l’occasion osèrent donner des leçons. Mieux, cette Institution dispose d’un budget qu’elle utilise à sa guise, sans rendre de compte. Les maux sont si nombreux qu’il est devenu banal d’en apprendre davantage, chaque jour et de toute sorte.
La colère ne s’estompera pas, ni sous la répression policière, ni par la manipulation de la justice, ni même avec la complaisance monnayée des « partenaires » pour assurer un semblant de stabilité économique. Au contraire, à la léthargie observée depuis le hold-up électoral du 24 février 2019, succédera une tempête dont la lame de fond rassemblera tous les laissés pour-compte et sonnera le glas de cette mascarade de gouvernance en en balayant les acteurs, prématurément, bien avant le terme, dans un scénario qu’ils n’auraient jamais imaginé.
Mme Diop Blondin Ndeye Fatou Ndiaye est membre de la Plateforme Avenir Sénégal Bii Ñu Bëgg
AUDIO
COMMENT EXPLIQUER UNE ATTAQUE DE SI GRANDE AMPLEUR À INATES AU NIGER ?
L’attaque a duré des heures, toutes les communications étaient coupées, et il a fallu attendre le soir pour que les militaires nigériens puissent donner l’alerte
Le choc au Niger, ébranlé par une nouvelle attaque jihadiste. Pour la deuxième fois en six mois, ils s’en sont pris à la base militaire d’Inates, dans la fameuse zone des trois frontières, où se rejoignent le Niger, le Mali et le Burkina Faso.
L’attaque a duré des heures, toutes les communications étaient coupées, et il a fallu attendre le soir pour que les militaires nigériens puissent donner l’alerte. Le bilan est très lourd : au moins 71 soldats tués, c’est l’attaque la plus meurtrière. Comment les groupes jihadistes ont-ils réussi une attaque d’une telle ampleur ? Quels sont leurs moyens, leur stratégie, leurs objectifs ?
Aujourd’hui, avec Siriworo, celle qui se définit comme une « activiste culturelle » et une « boulimique de culture » veut, comme le souhaitait Senghor, démocratiser les arts
Jeune Afrique |
François-Xavier Freland |
Publication 12/12/2019
Coupe afro, taille de guêpe et talons hauts… Tout Dakar connaît la silhouette pétillante d’Aïsha Dème. À 44 ans, l’ex-présidente de la plateforme Music in Africa dirige désormais Siriworo (« étincelle », en wolof), la première agence d’ingénierie culturelle du pays, qu’elle a fondée en 2017.
Cette hyper-urbaine, qui a réveillé les nuits de la capitale pendant des années en partageant ses bons plans, ses idées de sorties, de concerts et d’expositions, vient pourtant d’une famille rurale originaire d’un village du Saloum, près de la frontière gambienne.
Aïsha Dème est née et a grandi à Dakar. Élève studieuse au lycée Lamine-Gueye, c’est en allant voir jouer la pièce Lu eup turu (« trop c’est trop »), avec Awa Sène Sarr, au théâtre Sorano, au Plateau, qu’elle prend conscience de sa passion pour les arts et la culture.
La voix de la jeunesse
Comme beaucoup de jeunes de son âge, elle fréquente régulièrement, dans les années 1990, le centre culturel français, où elle aime passer des heures à lire et à relire Cheik Anta Diop, Victor Hugo, Daniel Pennac et, surtout, les auteurs contemporains ouest-africains : Boubacar Boris Diop ou Ken Bugul.
C’est aussi là, quelques années plus tard, qu’elle croise la génération Galsen (« Sénégal », en verlan) et ses rappeurs – Positive Black Soul, Daara J, Faada Fredy, Pee Froiss, Rapadio… –, dont la plupart s’engageront en 2011 dans le mouvement Y’en a marre pour protester contre le président Abdoulaye Wade. L’objectif est alors de faire entendre la voix de la jeunesse pour faire bouger politiquement et culturellement un Sénégal qui a trop longtemps regardé en arrière et un Dakar qui manque de cinémas, de théâtres, de salles de concert…
Alors qu’elle est informaticienne dans une banque, Aïsha Dème démissionne en 2009 à l’occasion de la préparation du Festival mondial des arts nègres à Dakar (qui se tiendra en décembre 2010). Avec son ami Alassane Dème, qui rentre des États-Unis, elle crée le webzine agendakar.com (qui a fermé en 2014). Elle y passait au crible une foule d’évènements culturels passionnants, dont nombre étaient jusqu’alors ignorés s’ils n’entraient pas dans les radars de la culture institutionnelle. « Le site a explosé, car nous apportions beaucoup d’informations vérifiées en temps réel, c’était une révolution au Sénégal. »
« Bons plans »
Aujourd’hui, avec Siriworo, celle qui se définit comme une « activiste culturelle » et une « boulimique de culture » veut, comme le souhaitait Senghor, démocratiser les arts. « La culture ne doit pas être élitiste, elle doit être étudiée à l’école. Elle est génératrice d’emplois. Elle peut éviter à nos jeunes d’avoir envie de prendre la pirogue… Tous les samedis, je tweete pour donner envie aux gens de sortir. »
Aïsha Dème accompagne aussi nombre de projets artistiques (expositions d’arts visuels, concerts, rendez-vous de poésie, soirées slam, festivals, etc.) et continue d’échanger ses « bons plans culture » sur les réseaux sociaux. Elle y est très active, notamment pour inciter les Sénégalaises, qui, selon elle, « se sont un peu endormies sur leurs lauriers depuis les glorieuses générations féministes des indépendances », à s’impliquer davantage dans l’éducation et la culture.
LE COEUR BATTANT DE DAKAR
Jadis surtout résidentiel, aujourd’hui très commerçant, le boulevard du Général-de-Gaulle a toujours été le théâtre des grandes célébrations et manifestations populaires
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 12/12/2019
Tantôt le boulevard du Général-de-Gaulle résonne des cris de joie et des chants qui célèbrent une victoire des Lions de la Teranga à la Coupe d’Afrique des nations. Tantôt il s’embrume de jets de pierres et de gaz lacrymogènes. Comme en 2011, lors des manifestations contre la modification de la Constitution et la volonté d’Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat.
Comme en mai dernier, quand une foule compacte s’est élevée contre les violences faites aux femmes, ou, le mois suivant, lors de la marche organisée pour réclamer plus de transparence dans la gestion des hydrocarbures. « Pour les Sénégalais, ce boulevard est l’espace des expressions libres, de l’indépendance. S’ils viennent manifester ici, c’est parce que cette artère est un symbole de l’histoire de notre pays et de notre identité », explique l’urbaniste Babacar Ndoye, professeur au Collège universitaire d’architecture de Dakar (Cuad).
Le pouls de la capitale
Depuis sa construction, en 1959, c’est sur le boulevard du Général-de-Gaulle que l’on prend le pouls de la capitale. Et ce n’est pas un hasard s’il accueille chaque année, le 4 avril, le défilé de la fête nationale, sous l’œil protecteur du lion de l’obélisque, édifié en 1960 en souvenir de l’accession du pays à l’indépendance. En plein cœur historique et physique de la ville, cette vaste artère s’élance sur 1,5 km, depuis l’obélisque de la place de la Nation, au nord, jusqu’à l’entrée de la commune de Dakar-Plateau, au sud.
Elle est bordée, à l’est, par le quartier résidentiel de Gibraltar (à l’origine créé pour les hauts fonctionnaires du Sénégal indépendant), et, à l’ouest, par la populaire commune de la Médina, qui fut le premier quartier indigène de la ville. Les « allées du Centenaire », selon le surnom qu’ont donné les Dakarois au boulevard, forment le centre névralgique autour duquel ont été aménagés les différents quartiers de la capitale, dans toute leur diversité, après l’Indépendance.
Les abords lotis du « Centenaire » étaient en effet censés être le point de départ du Dakar imaginé par Léopold Sédar Senghor. « Les plans d’urbanisme, à partir de ceux dessinés en 1946 par les colons, prévoyaient une expansion au-delà du Plateau, au-delà du Centenaire et de la Médina, jusqu’à Mbour et Thiès », rappelle Babacar Ndoye. Un développement stoppé net par l’austérité économique qui s’impose dès les années 1980 dans le pays.
« Les ajustements structurels ont mis un coup de frein à la planification de l’habitat, les constructions anarchiques ont poussé un peu partout, et ce quartier a commencé à se transformer », regrette Mouhamedine Diène. Le regard fixé sur les façades bigarrées du boulevard, ce Dakarois retraité se souvient avec émotion des maisons uniformes, blanches à volets gris, comme celle dans laquelle il s’était installé en 1965 avec son père, administrateur civil. « À l’époque, ce quartier ressemblait à une petite ville française, tant pour son esthétique que pour sa planification. »
Marché chinois
Aujourd’hui, « le Centenaire » bat un autre pavillon. En témoignent l’agence de voyages, les restaurants et les innombrables échoppes chinoises qui ont pris d’assaut le boulevard. « Entre 1990 et 2000, les premiers occupants du Centenaire ont pris leur retraite. Par contrainte économique, beaucoup ont dû louer une partie de leur logement afin de le conserver », explique Babacar Ndoye.
Une aubaine pour les commerçants chinois, qui, alors que la commune du Plateau est saturée, trouvent à louer au Centenaire des espaces centraux à bas prix. Sans oublier que les trois marchés desservis par le boulevard – Colobane au nord, Tilène à l’ouest et Sandaga au sud –, qui en font un carrefour idéal pour les échanges commerciaux, ainsi que sa proximité avec la zone industrielle de Bel-Air (au nord-est), la zone portuaire (sud-est) et la zone tertiaire de Dakar-Plateau (sud).
Si, sur le boulevard De-Gaulle, désormais surnommé « marché chinois », la frénésie commerciale arrange les détaillants sénégalais, qui partagent volontiers un bout de trottoir avec les grossistes chinois auprès desquels ils se fournissent, elle n’est pas du goût de tous. « Le commerce a phagocyté les espaces extérieurs, les trottoirs sont occupés par les stocks de marchandises, et les piétons poussés sur la route. Les habitants des premières heures se sentent dépossédés », déplore l’urbaniste Babacar Ndoye. « L’arrivée des commerces a complètement changé le cadre de vie », renchérit Mouhamedine Diène, qui regrette la verdure et le calme du quartier de son enfance – qu’il a quitté il y a trente ans.
par Jean-Marc Four
ET S'IL ÉTAIT TEMPS POUR LA FRANCE DE SE RETIRER DU SAHEL ?
Plus les jours passent, plus la situation rappelle celle de l’Afghanistan : une guerre sans fin, impossible à gagner. Où une armée extérieure cherche, sans succès, à former une armée locale face à un opposant qui ne cesse de gagner du terrain
Franceinter |
Jean-Marc Four |
Publication 12/12/2019
Une nouvelle attaque djihadiste a fait 71 morts, au Niger, au Sahel : 71 soldats de l’armée nigérienne. Dans la foulée, Emmanuel Macron a reporté le sommet prévu lundi prochain à Pau avec les pays africains du G5 Sahel. Alors question simple: et s’il était temps de se retirer de la zone ? C'est "le monde à l'envers".
Exactement : Et si on arrêtait les frais ? Et si on pliait bagage ? Franchement, beaucoup d’arguments plaident pour la marche arrière toute. Parce qu’il est très loin, le temps, en 2013 où les blindés de l’opération Serval étaient accueillis au Mali par des drapeaux français au bord des routes.
Six ans plus tard, la situation militaire non seulement ne s’arrange pas mais elle se dégrade. Quelques jours après la mort de 13 soldats français, les affrontements d’hier au Niger sont révélateurs. L’armée nigérienne a beau être un peu plus aguerrie que ses voisines du Mali et du Burkina, elle a quand même fait l’objet d’une attaque en règle de la part des Islamistes : nombreux, organisés. 71 soldats tués en moins de trois heures. C’est énorme. Le mot « terrorisme » n’est d’ailleurs plus vraiment adapté. Dans cette région du Liptako Gourma, autour des trois frontières Mali / Burkina / Niger, c’est d’une guerre dont il s’agit. Avec un ennemi qui possède un projet politique structuré.
Une guerre impossible à gagner
Et plus les jours passent, plus la situation rappelle celle de l’Afghanistan : une guerre sans fin, impossible à gagner. Où une armée extérieure cherche, sans succès, à former une armée locale face à un opposant qui ne cesse de gagner du terrain. Les 4500 soldats de l’opération française Barkhane ne sont pas en cause. Ils n’ont juste pas les moyens de gagner cette guerre. Il y a 6 ans, ils étaient perçus comme une armée de libération. Ils sont de plus en plus perçus comme une armée d’occupation. Et c’est logique. Plus le temps va passer, plus ils vont s’entendre dire « rentrez chez vous ». Donc autant partir.
Le retour du sentiment anti-français
Ça c’est pour l’aspect strictement militaire. Après il y a l'aspect politique et là aussi la marche arrière se plaide aisément. La question politique, c’est : quel est le but de guerre ? Et il n’est plus très clair. C’est une conséquence de l’échec militaire. Du coup, au Mali, au Burkina, au Niger, des voix s’élèvent désormais pour dénoncer une présence française néocoloniale. Un jour c’est un dirigeant politique, un autre un chef religieux. Une autre fois encore un artiste, comme le chanteur Salif Keita. Le soupçon s’installe, sur d’éventuelles intentions cachées de la France, des visées sur les ressources minières. Voire un grand complot où Paris serait même l’allié des jihadistes : sur ce thème, les « fake news » pullulent sur les réseaux sociaux au Mali.
Tout cela se nourrit évidemment des plaies mal refermées de la période coloniale. Et aussi de certaines maladresses politiques françaises. A quoi je pense quand je dis maladresses ? Je vais vous donner trois exemples :
- Les Maliens ne comprennent pas pourquoi la ville de Kidal au Nord reste contrôlée par la France et n’est pas rendue à l’armée malienne. En fait, Paris y redoute des représailles contre les Touaregs du MNLA mais du point de vue malien, c’est une atteinte à la souveraineté nationale.
- Deuxième exemple : au Sahel, la France envisage d’appeler en renfort l’armée du Tchad, parce que c’est la seule véritable armée de la région. Sauf que ses méthodes expéditives font peur aux populations locales.
- Troisième exemple : la réunion du G5 initialement prévue à Pau lundi prochain. Plusieurs pays « invités » y ont surtout vu une « convocation » de Paris, l’ancienne puissance coloniale. Maladroit.
Si on ajoute à tout ça, le coût faramineux de l’opération (des centaines de millions d’euros), oui on se demande ce qu’il y a encore à gagner à rester sur place.
Les effets en chaine d'un éventuel retrait
Donc on s’en va ? Et bien non. Il n’y a rien à gagner à rester. Mais il y a beaucoup à perdre à partir. C’est tout le problème. Partir, ça voudrait dire quoi ?
Premièrement laisser le champ libre aux djihadistes (Etat Islamique, Al Qaida, Boko Haram). Vu l’état des armées locales, ces groupes auraient tôt fait de prendre le contrôle du Mali ou du Burkina. Voire de menacer, plus au Sud, le Bénin ou la Côte d’Ivoire. Partir, ça impliquerait aussi laisser le champ libre à d’autres acteurs étrangers, par exemple la Russie, déjà bien présente plus à l’Est en République Centrafricaine. Enfin un succès djihadiste entrainerait sans aucun doute des exodes massifs de population, donc un afflux de réfugiés vers l’Europe.