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30 juillet 2025
LE COEUR BATTANT DE DAKAR
Jadis surtout résidentiel, aujourd’hui très commerçant, le boulevard du Général-de-Gaulle a toujours été le théâtre des grandes célébrations et manifestations populaires
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 12/12/2019
Tantôt le boulevard du Général-de-Gaulle résonne des cris de joie et des chants qui célèbrent une victoire des Lions de la Teranga à la Coupe d’Afrique des nations. Tantôt il s’embrume de jets de pierres et de gaz lacrymogènes. Comme en 2011, lors des manifestations contre la modification de la Constitution et la volonté d’Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat.
Comme en mai dernier, quand une foule compacte s’est élevée contre les violences faites aux femmes, ou, le mois suivant, lors de la marche organisée pour réclamer plus de transparence dans la gestion des hydrocarbures. « Pour les Sénégalais, ce boulevard est l’espace des expressions libres, de l’indépendance. S’ils viennent manifester ici, c’est parce que cette artère est un symbole de l’histoire de notre pays et de notre identité », explique l’urbaniste Babacar Ndoye, professeur au Collège universitaire d’architecture de Dakar (Cuad).
Le pouls de la capitale
Depuis sa construction, en 1959, c’est sur le boulevard du Général-de-Gaulle que l’on prend le pouls de la capitale. Et ce n’est pas un hasard s’il accueille chaque année, le 4 avril, le défilé de la fête nationale, sous l’œil protecteur du lion de l’obélisque, édifié en 1960 en souvenir de l’accession du pays à l’indépendance. En plein cœur historique et physique de la ville, cette vaste artère s’élance sur 1,5 km, depuis l’obélisque de la place de la Nation, au nord, jusqu’à l’entrée de la commune de Dakar-Plateau, au sud.
Elle est bordée, à l’est, par le quartier résidentiel de Gibraltar (à l’origine créé pour les hauts fonctionnaires du Sénégal indépendant), et, à l’ouest, par la populaire commune de la Médina, qui fut le premier quartier indigène de la ville. Les « allées du Centenaire », selon le surnom qu’ont donné les Dakarois au boulevard, forment le centre névralgique autour duquel ont été aménagés les différents quartiers de la capitale, dans toute leur diversité, après l’Indépendance.
Les abords lotis du « Centenaire » étaient en effet censés être le point de départ du Dakar imaginé par Léopold Sédar Senghor. « Les plans d’urbanisme, à partir de ceux dessinés en 1946 par les colons, prévoyaient une expansion au-delà du Plateau, au-delà du Centenaire et de la Médina, jusqu’à Mbour et Thiès », rappelle Babacar Ndoye. Un développement stoppé net par l’austérité économique qui s’impose dès les années 1980 dans le pays.
« Les ajustements structurels ont mis un coup de frein à la planification de l’habitat, les constructions anarchiques ont poussé un peu partout, et ce quartier a commencé à se transformer », regrette Mouhamedine Diène. Le regard fixé sur les façades bigarrées du boulevard, ce Dakarois retraité se souvient avec émotion des maisons uniformes, blanches à volets gris, comme celle dans laquelle il s’était installé en 1965 avec son père, administrateur civil. « À l’époque, ce quartier ressemblait à une petite ville française, tant pour son esthétique que pour sa planification. »
Marché chinois
Aujourd’hui, « le Centenaire » bat un autre pavillon. En témoignent l’agence de voyages, les restaurants et les innombrables échoppes chinoises qui ont pris d’assaut le boulevard. « Entre 1990 et 2000, les premiers occupants du Centenaire ont pris leur retraite. Par contrainte économique, beaucoup ont dû louer une partie de leur logement afin de le conserver », explique Babacar Ndoye.
Une aubaine pour les commerçants chinois, qui, alors que la commune du Plateau est saturée, trouvent à louer au Centenaire des espaces centraux à bas prix. Sans oublier que les trois marchés desservis par le boulevard – Colobane au nord, Tilène à l’ouest et Sandaga au sud –, qui en font un carrefour idéal pour les échanges commerciaux, ainsi que sa proximité avec la zone industrielle de Bel-Air (au nord-est), la zone portuaire (sud-est) et la zone tertiaire de Dakar-Plateau (sud).
Si, sur le boulevard De-Gaulle, désormais surnommé « marché chinois », la frénésie commerciale arrange les détaillants sénégalais, qui partagent volontiers un bout de trottoir avec les grossistes chinois auprès desquels ils se fournissent, elle n’est pas du goût de tous. « Le commerce a phagocyté les espaces extérieurs, les trottoirs sont occupés par les stocks de marchandises, et les piétons poussés sur la route. Les habitants des premières heures se sentent dépossédés », déplore l’urbaniste Babacar Ndoye. « L’arrivée des commerces a complètement changé le cadre de vie », renchérit Mouhamedine Diène, qui regrette la verdure et le calme du quartier de son enfance – qu’il a quitté il y a trente ans.
par Jean-Marc Four
ET S'IL ÉTAIT TEMPS POUR LA FRANCE DE SE RETIRER DU SAHEL ?
Plus les jours passent, plus la situation rappelle celle de l’Afghanistan : une guerre sans fin, impossible à gagner. Où une armée extérieure cherche, sans succès, à former une armée locale face à un opposant qui ne cesse de gagner du terrain
Franceinter |
Jean-Marc Four |
Publication 12/12/2019
Une nouvelle attaque djihadiste a fait 71 morts, au Niger, au Sahel : 71 soldats de l’armée nigérienne. Dans la foulée, Emmanuel Macron a reporté le sommet prévu lundi prochain à Pau avec les pays africains du G5 Sahel. Alors question simple: et s’il était temps de se retirer de la zone ? C'est "le monde à l'envers".
Exactement : Et si on arrêtait les frais ? Et si on pliait bagage ? Franchement, beaucoup d’arguments plaident pour la marche arrière toute. Parce qu’il est très loin, le temps, en 2013 où les blindés de l’opération Serval étaient accueillis au Mali par des drapeaux français au bord des routes.
Six ans plus tard, la situation militaire non seulement ne s’arrange pas mais elle se dégrade. Quelques jours après la mort de 13 soldats français, les affrontements d’hier au Niger sont révélateurs. L’armée nigérienne a beau être un peu plus aguerrie que ses voisines du Mali et du Burkina, elle a quand même fait l’objet d’une attaque en règle de la part des Islamistes : nombreux, organisés. 71 soldats tués en moins de trois heures. C’est énorme. Le mot « terrorisme » n’est d’ailleurs plus vraiment adapté. Dans cette région du Liptako Gourma, autour des trois frontières Mali / Burkina / Niger, c’est d’une guerre dont il s’agit. Avec un ennemi qui possède un projet politique structuré.
Une guerre impossible à gagner
Et plus les jours passent, plus la situation rappelle celle de l’Afghanistan : une guerre sans fin, impossible à gagner. Où une armée extérieure cherche, sans succès, à former une armée locale face à un opposant qui ne cesse de gagner du terrain. Les 4500 soldats de l’opération française Barkhane ne sont pas en cause. Ils n’ont juste pas les moyens de gagner cette guerre. Il y a 6 ans, ils étaient perçus comme une armée de libération. Ils sont de plus en plus perçus comme une armée d’occupation. Et c’est logique. Plus le temps va passer, plus ils vont s’entendre dire « rentrez chez vous ». Donc autant partir.
Le retour du sentiment anti-français
Ça c’est pour l’aspect strictement militaire. Après il y a l'aspect politique et là aussi la marche arrière se plaide aisément. La question politique, c’est : quel est le but de guerre ? Et il n’est plus très clair. C’est une conséquence de l’échec militaire. Du coup, au Mali, au Burkina, au Niger, des voix s’élèvent désormais pour dénoncer une présence française néocoloniale. Un jour c’est un dirigeant politique, un autre un chef religieux. Une autre fois encore un artiste, comme le chanteur Salif Keita. Le soupçon s’installe, sur d’éventuelles intentions cachées de la France, des visées sur les ressources minières. Voire un grand complot où Paris serait même l’allié des jihadistes : sur ce thème, les « fake news » pullulent sur les réseaux sociaux au Mali.
Tout cela se nourrit évidemment des plaies mal refermées de la période coloniale. Et aussi de certaines maladresses politiques françaises. A quoi je pense quand je dis maladresses ? Je vais vous donner trois exemples :
- Les Maliens ne comprennent pas pourquoi la ville de Kidal au Nord reste contrôlée par la France et n’est pas rendue à l’armée malienne. En fait, Paris y redoute des représailles contre les Touaregs du MNLA mais du point de vue malien, c’est une atteinte à la souveraineté nationale.
- Deuxième exemple : au Sahel, la France envisage d’appeler en renfort l’armée du Tchad, parce que c’est la seule véritable armée de la région. Sauf que ses méthodes expéditives font peur aux populations locales.
- Troisième exemple : la réunion du G5 initialement prévue à Pau lundi prochain. Plusieurs pays « invités » y ont surtout vu une « convocation » de Paris, l’ancienne puissance coloniale. Maladroit.
Si on ajoute à tout ça, le coût faramineux de l’opération (des centaines de millions d’euros), oui on se demande ce qu’il y a encore à gagner à rester sur place.
Les effets en chaine d'un éventuel retrait
Donc on s’en va ? Et bien non. Il n’y a rien à gagner à rester. Mais il y a beaucoup à perdre à partir. C’est tout le problème. Partir, ça voudrait dire quoi ?
Premièrement laisser le champ libre aux djihadistes (Etat Islamique, Al Qaida, Boko Haram). Vu l’état des armées locales, ces groupes auraient tôt fait de prendre le contrôle du Mali ou du Burkina. Voire de menacer, plus au Sud, le Bénin ou la Côte d’Ivoire. Partir, ça impliquerait aussi laisser le champ libre à d’autres acteurs étrangers, par exemple la Russie, déjà bien présente plus à l’Est en République Centrafricaine. Enfin un succès djihadiste entrainerait sans aucun doute des exodes massifs de population, donc un afflux de réfugiés vers l’Europe.
On se résume : rester est une mauvaise solution. Mais ça demeure probablement… la moins mauvaise.
UNE CRIMINALISATION DU VIOL À DEMI-MESURE
« Il n’y a pas de relèvement du délai de prescription qui empêche les victimes de pouvoir porter plainte et se faire reconnaître d’abord en tant que victime et ensuite de commencer à être réparée. »
En Conseil des ministres le 27 Novembre passé, le président Macky Sall avait annoncé un projet de loi devant criminaliser le viol. Une nouvelle qui avait été bien accueillie par les militants de cette cause. Le projet de loi (lire l’intégral) est prêt. Le ministre de la Justice devra le présenter aux députés. La nouveauté est la qualification de l’infraction c’est-à-dire de viol simple et de viol aggravé. Selon l’expert en droit pénal Abdoulaye Santos Ndao, « elle devient une loi pénale de fonds plus sévère qui aggrave la qualification de l’infraction ». Mais l’article 320 définit toujours le viol comme : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Une disposition qui ne change pas car l’emprisonnement reste de 5 à 10 ans. Le viol devient toutefois un crime si des circonstances aggravantes ont été établies. En d’autres termes, cette « nouvelle loi n’en fait pas un crime sauf lorsque le viol est suivi de la mort de la victime. », lit-on dans l’exposé des motifs.
En plus des dispositions relatives à l’article 432, dans ce présent projet, « le viol est puni à une réclusion criminelle de dix à vingt ans sans possibilité de réduction au-dessus du minimum :
– s’il a entrainé une mutilation, une infirmité permanente ou s’il est commis par séquestration ou par plusieurs personnes
– si l’infraction est commise sur un enfant au-dessous de 13 ans ou sur une personne particulièrement vulnérable en raison de son état de grossesse, de son âge avancé, ou de son état de santé ayant entrainé une déficience physique et psychique. » La détention pourra aller jusqu’à la perpétuité dans ces cas. Cette loi sur le viol passe d’une peine délictuelle à une peine criminelle dans le but de protéger les mineurs et les personnes sans défense.
La prescription, le principal hic
Il aurait pu être parfait si ce projet de loi prenait « en considération les conséquences psychologiques sur une vie entière de la personne violée » selon la psychologue Khaira Thiam qui estime que la mouture telle que présentée « ne punit pas à la hauteur de la gravité de l’acte ». Au Sénégal, la prescription en matière de viol est de 3 ans. Ce qui veut dire que vous avez 3 ans pour porter l’affaire devant la justice. Au-delà ce n’est plus possible. Un bémol dans ce projet de loi relevé par la psychologue pour qui, « il n’y a pas de relèvement du délai de prescription qui empêche les victimes de pouvoir porter plainte et se faire reconnaître d’abord en tant que victime et ensuite de commencer à être réparée. ». 3 années, une marge jugée petites car « les victimes peuvent mettre entre 12 et 20 ans à oser parler de ce qui leur est arrivé et cela d’autant plus lorsque la victime mineure a pu être contrainte de vivre avec son agresseur et contrainte par le groupe familial au silence. Alors que ça n’est pas son souhait et qu’elle a besoin pour se construire que la société puisse lui dire que son agresseur n’avait pas à faire ce qu’il lui a fait »ajoute-t-elle.
Désormais la balle est dans le camp des députés de l’Assemblée pour revoir certains points notamment le relèvement du délai de prescription. Même s’il faut noter certaines avancées qui visent à durcir la répression du viol. Un texte qui prévoit également de nouvelles sanctions au sujet des violences commises contre les enfants.
DIAMNIADIO ET LE SPECTRE DES ABERRATIONS URBANISTIQUES
Macky Sall s’est lancé dans une course contre la montre pour construire le nouveau pôle urbain de Diamniadio. Mais les concepteurs du projet devront éviter de reproduire les erreurs qui ont rendu la capitale difficilement vivable
C’est un clip vidéo onirique de deux minutes et trente secondes. Réalisé pour le compte de la République du Sénégal par le groupe Teylium, de l’homme d’affaires Yerim Sow, il met en scène, en images 3D, ce à quoi pourrait ressembler dans quelques années la ville nouvelle de Diamniadio, cette annexe de la capitale dont Macky Sall a fait l’un des piliers de son double mandat présidentiel, dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE).
Pour qui connaît Dakar la folklorique, ses multiples ruelles ensablées, ses cars rapides hors d’âge, ses charrettes à cheval circulant sur les avenues, ses petits commerçants devenus maîtres des trottoirs, ses artères maigrelettes asphyxiées par les embouteillages, ses talibés mendiant à chaque carrefour, ses égouts à ciel ouvert…, ce spot peut faire sourire.
Car Diamniadio se donne à voir comme une cité high-tech, irréprochable, où rien ne dépasse. Une métropole revue de fond en comble, dans laquelle « les règles d’urbanisme sont respectées et les signes extérieurs de pauvreté que nous traînons derrière nous comme un boulet sont éliminés au profit d’une vision structurée du petit commerce », conformément aux vœux de l’architecte Pierre Goudiaby Atepa.
Gazon à l’anglaise
Dans cette ville nouvelle encore virtuelle, les pâtés de maisons sont strictement délimités, les bâtiments et les infrastructures – ultramodernes – paraissent harmonieusement conçus, les artères sont larges et la circulation fluide, les habitations respectent un strict cahier des charges… Et, surtout, de multiples espaces verts s’y insèrent : ici des cocotiers majestueux bordant les avenues, là de vastes étendues de gazon taillé à l’anglaise ; le tout miroitant dans les eaux d’un majestueux lac artificiel.
Pour l’heure, il ne s’agit encore que d’un rêve. Mais, de part et d’autre de l’autoroute à péage qui relie désormais le centre-ville de Dakar à l’aéroport international Blaise-Diagne, les grues de chantier s’activent à en faire une réalité. Pour les autorités, outre la volonté affichée de désengorger une capitale devenue invivable sous le poids de la croissance démographique et de l’exode rural, l’objectif tient en quelques mots : « Nous voulons réussir à Diamniadio ce qui a été raté à Dakar », résume Abdou Karim Fofana.
Nommé ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique en avril, l’ancien directeur général de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’État (AGPBE) suit le projet depuis son origine.
Les bases du cœur de ville
Force est de constater que la première phase du projet n’a pas traîné. Entre 2014, date du lancement officiel des travaux, et février 2019, date de la réélection de Macky Sall à la présidence, de nombreuses infrastructures ont poussé en un temps record sur cette terre argileuse qui complique le travail des bâtisseurs : le Centre international de conférences Abdou-Diouf (Ciad), un hôtel Radisson Blu, un palais omnisports – le Dakar Arena, qui scintille de mille feux à la nuit tombée –, une zone économique truffée d’entrepôts, une cité ministérielle – dont une partie est déjà opérationnelle, qui accueille divers départements dits techniques, etc.
« Durant ces cinq premières années, nous avons posé les bases du cœur de ville, poursuit Abdou Karim Fofana. Des immeubles de logement ont été construits, mais il reste du travail pour rendre opérationnels la voirie, les réseaux d’eau et d’électricité, ainsi que les transports, avec l’entrée en service du TER. » Quant aux entreprises, elles commencent à affluer dans cet eldorado qui devrait comporter, à terme, un pôle économique multiforme, vivier de dizaines de milliers d’emplois.
Malgré les promesses ambitieuses des promoteurs de la ville nouvelle, certains architectes s’interrogent mezza voce sur la pertinence d’un projet qui semble perpétuer l’hypertrophie de la capitale, dont le pays est depuis longtemps affligé. La région de Dakar concentre en effet plus de 23 % de la population alors qu’elle représente moins de 0,3 % du territoire.
« En tant qu’urbaniste et aménageur, il me semblerait plus utile de décentraliser davantage, de rééquilibrer les projets d’infrastructures à l’échelle du territoire, notamment en désenclavant le sud du pays, argumente l’un d’entre eux. Cela développerait chez les Sénégalais de l’intérieur un sentiment d’appartenance au pays, tout en nous permettant de nous rapprocher des pays voisins autrement que par le verbe. »
« Cette hypertrophie, subie, est désormais inexorable », reconnaît Abdou Karim Fofana. Mais le défi qui se pose à nous est de l’aménager au mieux, ajoute le ministre de l’Urbanisme. Le Sénégal n’avait pas les moyens d’aménager une annexe de la capitale à 300 km de Dakar. Nous disposons désormais d’un aéroport international, à Diass, qui sera bientôt relié à Dakar par un TER, lequel desservira toute la grande banlieue. Nous avons conçu Diamniadio en tenant compte de nos moyens du moment. »
Un credo: le « fast track »
Si Macky Sall apparaît comme le principal artisan politique du projet, existe-t-il un concepteur global de ce chantier tentaculaire ? Aucun de nos interlocuteurs n’a jamais entendu parler d’une personne qui aurait pensé ce que deviendra Diamniadio dans cinquante ou cent ans.
« La Délégation générale du pôle urbain de Diamniadio et du lac Rose [DGPU, directement rattachée à la présidence] fait office de maître d’œuvre », précise Abdou Karim Fofana, dont le prédécesseur au ministère de l’Urbanisme, Diène Farba Sarr, en est désormais le patron.
Et d’ajouter que cette ville nouvelle a été l’occasion pour le chef de l’État de mettre en pratique son credo : le fast track, une méthode qui a pour ambition de compresser le calendrier des projets présidentiels. « Diamniadio est basée sur une volonté politique, elle-même fondée sur une analyse anticipative : Dakar souffre d’une démographie galopante et d’un urbanisme déstructuré, il fallait donc agir sans attendre. C’est ensuite que nous avons lancé différentes études correctives », poursuit le ministre.
Des travaux sur le long-terme
« Le défi auquel se heurte un tel projet est que le temps nécessaire pour qu’une ville existe réellement est bien plus long que le temps électoral », souligne notre architecte-aménageur. Et d’évoquer les travaux d’urbanisme menés au Maroc. « La contrainte temporelle n’y est pas la même : lorsque le roi intervient sur un projet de ce genre, il a plusieurs décennies devant lui. Et il sait qu’il transmettra ensuite le flambeau à son fils. Il fera donc tout pour que ce soit dans de bonnes conditions. »
Quid de cette contrainte pour Macky Sall, qui achèvera son second mandat en 2024, à un moment où Diamniadio ne sera encore qu’un embryon ? Son successeur pourrait-il revenir sur l’ambition de l’actuel président ? Abdou Karim Fofana ne veut pas le croire. « Les Sénégalais sont rationnels, assure-t-il. Et la construction de Diamniadio est désormais irréversible. »
LES SENEGALAIS INVITENT LE PRESIDENT MACKY A METTRE DE L’ORDRE DANS LA REPUBLIQUE
Une chose est sûre : les sorties intempestives ainsi que le débat de caniveau entre Yakham Mbaye et Moustapha Cissé Lô commencent par exacerber les populations qui invitent le chef de l’Etat à siffler la fin de la récréation.
Le président de la République peine toujours à mettre de l’ordre dans son parti. Conséquence : le désordre qui y prévaut se répercute jusqu’au sommet de l’Etat. Une chose est sûre : les sorties intempestives ainsi que le débat de caniveau entre Yakham Mbaye et Moustapha Cissé Lô commencent par exacerber les populations qui invitent le chef de l’Etat à siffler la fin de la récréation.
Les faits sont devenus récurrents au sein du parti au pouvoir où les responsables ne cessent de se battre par voie de presse. Le dernier déballage nauséabond en date a eu pour acteurs le directeur général du quotidien gouvernemental « Le Soleil », Yakham Mbaye, et le premier vice-président de l’Assemblée nationale, par ailleurs président du Parlement de la Cedeao, Moustapha Cissé Lo. Entre les deux, les arguments ont volé très bas et il y a eu un véritable débat de caniveau. Ulcérées par les multiples sorties ordurières de Moustapha Cissé Lo mais aussi par les révélations nauséabondes de Yakham Mbaye, les Sénégalais, ébahis, se bouchent les oreilles.
Et interpellent le chef de l’Etat afin qu’il mette de l’ordre dans son parti et, par ricochet, dans l’Etat. Abibatou thiam tient une gargote sur la route qui mène au lieudit Darou Salam vers le marché de Diamaguène. Chaque jour, la vendeuse de petit déjeuner reçoit des clients dès les premières heures de la matinée. Tout près d’elle, un groupe de femmes d’âge mûr a pris place sur un blanc. Ici on discute de tout et de rien.
Macky Sall appelé à siffler la fin de la récréation !
Vêtu d’un boubou blanc, tasse de café à la main, journal posé sur ses jambes, le vieux Matar Ndiaye accepte de se confier. Pour lui, il n’y a que des irresponsables qui peuvent se comporter comme les deux responsables de l’APR. C’est-à-dire, copieusement en public, faire des menaces etc. « Comment peut-on avoir au sein de nos institutions des gens aussi irresponsables ? Moustapha Cissé Lo, c’est parce qu’il est un membre du pouvoir, qu’il se croit tout permis.
Vraiment, ces gens abusent de leur appartenance au parti au pouvoir. Sans doute que d’autres le font, mais c’est lui (Ndlr : Moustapha Cissé Lo) que j’entends dans les radios et lis dans les journaux. Il n’épargne même pas ses camarades de parti. S’il y a des responsables qui ont été limogés pour s’être prononcés sur un éventuel troisième mandat du président Macky Sall en 2024, lui je crois qu’il n’a pas peur de la réaction de ce dernier. Il dit détenir les noms de trafiquants de drogue. Qu’est-ce que le procureur de la République attend pour l’interroger ?» s’indigne le vieux Matar Ndiaye âgée d’une soixantaine d’années. Il invite le peuple à ne plus confier ce pays à des insulteurs et des incapables qui ne sont intéressés que par leurs intérêts crypto-personnels. Ils sont nombreux à partager l’avis du vieux Ndiaye.
Selon de nombreux interlocuteurs, le parti au pouvoir est très mal organisé et ressemble à une armée mexicaine, où tout le monde est chef et où tout est permis et autorisé. Ce qui fait dire à ce gérant de point de transfert d’Orange Money qu’« on nous leurre avec de beaux discours. Notre pays est loin de connaitre une gouvernance sobre et vertueuse. Il y a des choses très nébuleuses avec ce régime. Je suis également étudiant à la Faculté des lettres des sciences humaines-(Flsh) à l’Ucad, rien ne m’échappe. Des gens sont épinglés par des corps de contrôle comme l’Ofnac et on continue de leur confier des postes » s’indigne notre interlocuteur.
Selon cet étudiant, l’arrestation de Guy Marius Sagna et ses camarades qui marchaient contre la hausse du prix de l’électricité constitue une grande injustice. « Si leur marche est considérée par le pouvoir comme un acte d’indiscipline, jusqu’au sein de l’appareil d’Etat, on compte des indisciplinés à l’instar de Yakham Mbaye et Cissé Lo qui n’ont pas leur place dans l’appareil d’Etat », éructe de rage ce jeune étudiant et gérant d’un kiosque de transfert d’argent.
Trouvé dans un arrêt de bus à Diacksao, dans la même commune de TivaouaneDiack-Sao, Moustapha Diakhoumpa attend un moyen de transport pour se rendre à son lieu de travail. Après moult hésitations, il soutient qu’ « une République ne se gouverne pas avec une bande d’irresponsables. Le président de la République Macky Sall doit rappeler à l’ordre ses éléments, Moustapha Cissé Lo et Yakham Mabaye. Tout comme Sonko qui dit détenir des preuves sur l’affaire des 94 milliards, la révélation de Moustapha Cissé Lo par rapport aux trafiquants de drogue mérite quand-même d’être élucidée. Cette affaire est extrêmement grave et peut porter atteinte à la sureté de la République », dit Moustapha Diakhoumpa tout en avouant n’avoir plus confiance au régime en place.
"SI LA FRANCE RETIRE BARKHANE, LE MALI ET LE BURKINA SE TRANSFORMERONT EN SOMALIE"
Serge Michailof, ancien Directeur de l'AFD, livre son inquiétude sur la situation au Sahel, à quelques jours du sommet qui doit réunir à Pau les présidents Emmanuel Macron et les chefs d'état du G5-Sahel
Franceinfo Afrique |
Michel Lachkar |
Publication 12/12/2019
Serge Michailof estime que la situation est grave, qu'il faut changer d'approche, reconstruire rapidement les armées burkinabè et malienne et laisser Barkhane en seconde ligne pour éviter un enlisement des soldats français au Sahel.
Parcourant l'Afrique depuis 50 ans, ancien directeur des opérations de l'Agence française de Développement (AFD) et de la Banque mondiale, actuellement à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), Serge Michailof nous livre son inquiétude sur la situation au Sahel, à quelques jours du sommet qui doit réunir à Pau les présidents Emmanuel Macron et les chefs d'état du G5-Sahel.
Franceinfo Afrique : l'armée française peut-elle quitter le Mali ? Pourra-t-elle tenir encore quinze ans comme le demandent certains généraux ?
Serge Michailof : je pense sincèrement que si demain l’armée française quitte le Mali, le pays se transformera en Somalie, qu’il en sera de même du Burkina et que les pays côtiers, comme la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo, rencontreront de grandes difficultés au plan sécuritaire. En revanche, je ne la vois pas tenir quinze ans ni même trois ans sans changer radicalement de posture.
En premier, je crains que la France n'ait perdu la bataille de la communication sans l’avoir livrée. Habilement travaillées, les opinions publiques urbaines au Mali et au Burkina sont désormais très hostiles à la présence militaire de la France. C'est devenu un vrai problème. Des foules avaient acclamé les soldats de Serval, mais les véhicules de l’armée française sont désormais régulièrement caillassés au Mali. Le chanteur malien Sélif Keita a diffusé sur Youtube une délirante diatribe antifrançaise qui a été vue des millions de fois. Nous sommes confrontés au syndrome du US go home que nous avons connu en France dans les années 50. Quant à l'opinion rurale, l’échec de l’éducation publique et les financements, depuis quarante ans par l'Arabie saoudite, de milliers de mosquées et d’écoles coraniques ont réussi à convertir au salafisme une population qui pratiquait jusque-là un islam soufi modéré.
La position de l’armée de l’ancien colonisateur risque dans ce contexte de devenir politiquement très difficile. De toute manière, il lui faut engager une bataille de communication en se rappelant que seules des voix africaines seront entendues.
L'armée française doit-elle se mettre en retrait ?
Elle doit se mettre en deuxième ligne, en soutien des forces africaines. D’abord, parce qu’il est impossible d’imaginer au XXIe siècle qu’une force occidentale puisse stabiliser un pays africain en proie à une guerre civile. Car c'est une guerre qui se livre au Sahel. Le terme terroriste est absurde. Nous avons affaire à des ennemis qui ont un projet politique pour le Sahel et qui font preuve d’une grande intelligence pour tenter de le mettre en œuvre. Les armées africaines de la région doivent être en première ligne. Ce sont elles qui vont devoir reconquérir leur pays dont une bonne part est maintenant contrôlée par un ennemi. Evidemment, pour cela, elles doivent être équipées des mêmes standards que nos propres troupes et commandées par des officiers choisis sur la base du mérite. Il n’y a pas d’alternative.
Pour se mettre en retrait, il faut d'abord former les armées du Sahel ?
Le problème se pose essentiellement au Mali, où l’armée a depuis longtemps eu la réputation d’être une pétaudière, et au Burkina où les bérets rouges, garants du régime et force plus solide que l’armée, ont été licenciés après l’éviction du président Compaoré. Sans réintroduire dans leurs armées, comme c’est le cas au Sénégal, une gestion moderne des ressources humaines fondée sur une sélection au mérite et non sur les seuls liens familiaux, ethniques ou politiques, il est inutile d’espérer reconstruire ces armées.
Est-il possible de remettre de l’ordre dans l’armée malienne ?
C'est essentiellement un problème de volonté politique. Si ce n’est pas possible, nous avons perdu la guerre au Sahel. Dans l’immédiat, le problème est la démoralisation de l’armée malienne tant par suite de sa désorganisation que par ses défaites et ses pertes. Elle a perdu plus de 150 hommes en deux mois. A Indelimane, 49 de ses soldats ont été tués et le reste de la compagnie a été blessé ou a disparu dans un combat en plein jour. Ces soldats maliens mal armés et mal commandés affrontent de jeunes jihadistes très bien armés, galvanisés par la religion et encadrés par des combattants aguerris. Le risque est une débandade de cette armée.
Une première urgence est que les armées malienne et burkinabè cessent leurs exactions contre les populations civiles, et en particulier les Peuls. Ces exactions jettent les jeunes dans les bras des jihadistes. Les Peuls, c’est une population de 60 millions de personnes réparties sur une dizaine de pays. Veut-on partir en guerre contre ce peuple ?
Cela passe par une solution politique, mais laquelle ? La bonne gouvernance ne se décrète pas...
Au Burkina comme au Mali, le problème principal est l’absence de leadership, de rigueur et de sérieux à la tête de ces pays. C’est, je pense, un problème de génération. La difficulté est que la dégradation de la situation au Mali et au Burkina est si rapide qu’elle ne permet pas d’attendre quatre ou cinq ans une éventuelle relève politique. Le président malien vient d’être réélu et le président burkinabè Kaboré a toutes chances d’être réelu en 2020. Il reste à espérer qu’ils laissent une large délégation de pouvoir à des Premiers ministres de qualité. Mais le président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keïta, NDLR) en a usé quatre lors de son premier mandat…
Et qu'en est il de la corruption ?
Dans ces pays qui, comme le Burkina et le Mali, ont longtemps été des enfants chéris des donateurs internationaux, ces derniers financent et surveillent la plupart des secteurs, qu’il s’agisse des secteurs sociaux ou économiques. Contrairement aux idées reçues, les possibilités de corruption sont assez limitées dans ces domaines car, lorsque les bailleurs sont sérieux, les marchés sont verrouillés.
Le secteur qui reste le plus intéressant, c’est le domaine de la sécurité où personne de l’extérieur n’ose venir mettre son nez. Le résultat est que les acquisitions de matériel sont souvent décidées en fonction du volume de certains "dessous de table", sans souci de la cohérence des acquisitions avec les besoins. Dans certains cas particulièrement visibles, comme l’achat, sur le budget de la défense malien peu après l’invasion jihadiste de 2013, d’un avion présidentiel, accompagné de la disparition d’un pourcentage du règlement, le FMI proteste. Dans les cas les plus graves, les soldats ne sont plus payés, car les officiers prélèvent directement l’argent de la paye dans le sac de billets qui parvient vide au bout de la chaîne de commandement.
AÏDA MBODJ REJETTE LA PROCEDURE DE VOTE SANS DEBAT
Les députés ont adopté hier sans débat le budget du Ministère des Forces armées. Mais les députés Aïda Mbodj et Nango Seck ont rejeté cette procédure de vote pour le Ministère en question.
Les députés ont adopté hier sans débat le budget du Ministère des Forces armées. Mais les députés Aïda Mbodj et Nango Seck ont rejeté cette procédure de vote pour le Ministère en question.
«Je crois que cette fois-ci, nos forces de défense, avec leur bravoure, compte tenu du contexte, ont besoin d'un débat. Je crois que l'hopital Principal, avec le plateau qu'il est en train de servir, mérite qu'on débatte de ce département, pour qu'on puisse demander au ministre des Finances de renforcer cet hôpital. Je crois que ce débat est nécessaire pour ce corps d'élites qui a fait ses preuves. Je suis convaincue que le débat est nécessaire, pour ce corps d'élites qui a accueilli des femmes. Surtout la Gendarmerie à hauteur de 5%. Et qui envisage de mettre une présence féminine de 10% en 2025. Je demande à ce corps de renforcer les femmes. Le débat est aussi nécessaire pour rendre hommage à nos forces de défense », a souligné Aïda Mbodj. Mais il faut dire que ses tentatives de défendre sa position n'a pas fait l'unanimité puisqu'il n'y a eu qu'un Nango Seck pour l'appuyer sur ce point. Les autres membres de l'Assemblée en ont plutôt profité pour la huer et l'empêcher de s'exprimer. Sa proposition a ainsi été refutée par ses collègues. Mais l'ordre a été vite rétabli par le Président de l'Assemblée nationale Moustapha Niass qui souligne que jusqu'ici, la procédure est définie telle quelle par le règlement intérieur.
Lorsqu'un député émet une proposition, le Président est tenu de demander s'il y a un avis contraire. Une fois que l'avis contraire est demandé, nous procédons à un vote de l'Assemblée qui est souveraine », a rappelé Moustapha Niass, avant de soumettre aux députés la proposition de voter le Budget du Ministère des Forces Armées sans débat. Ce qui a été fait par la majorité des députés.
LE MEDICAMENT NEUROGIL RETIRE DU MARCHE
Dans une note circulaire publiée hier, la Direction de la Pharmacie et du Médicament (Dpm) a annoncé le retrait du médicamentneurogil-75.
Dans une note circulaire publiée hier, la Direction de la Pharmacie et du Médicament (Dpm) a annoncé le retrait du médicamentneurogil-75. Cela dit, le patron de la Dpm, Pr Yérim Mbagnick Diop, a démenti l’information selon laquelle le médicament présenterait des dangers.
Vendredi dernier, une note a été envoyée à toutes les officines du pays pour interdire la commercialisation d’un médicament appelé Neurogil. Ce médicament soigne les lésions des nerfs, les sciatiques, les lombalgies etc. Interpellé sur les causes du retrait de ce médicament du marché, le Directeur de la Pharmacie et du Médicament se montre rassurant.
En effet, Pr Yérim Mbagnick Diop estime que le médicament a été retiré pour défaut de qualité d’un lot. «La législation nous permet de retirer des lots, s’il y a des problèmes de pharmaco vigilance. C’est pour une protection des populations, mais ce n’est pas un produit dangereux comme l’ont soutenu certains», assure-t-il avant d’ajouter que la décision de retrait n’a pas été faite en catimini. «C’est une action normale dans le système de réglementation pharmaceutique légale. Heureusement que nous avons les moyens de faire un retrait en cas de complication», clame-t-il.
D’ailleurs, il tient à souligner que le médicament pourra revenir après vérification. «Après les investigations, il pourra bien revenir, car c’est un médicament très utile. Nous voulons juste nous assurer de la bonne qualité du médicament», dit-il avant de renseigner que c’est le médicament qui a été retiré mais pas la molécule. «Il soigne les douleurs neuro-fatigue, les sciatiques, les lombalgies. C’est un médicament très utile. C’est le médicament que nous avons retiré mais pas la molécule. Nous allons faire les contrôles qualité et de vérification ; après, il peut revenir. C’est juste une mesure conservatoire», soutient-il.
ÇA GALERE EN MAURITANIE!
Les premières opérations de rapatriement officiel de réfugiés ont commencé effectivement en 2008 après la signature de l’accord tripartite suivi de la mise en place d’une commission tripartite (HCR, Mauritanie, Sénégal).
Officiellement, d’après les chiffres du rapport sur le profil migratoire du Sénégal en 2018 produit par l’agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ansd) et l’organisation Internationale pour les Migrations (OIM), ils sont 24.000 réfugiés à avoir jusque-là bénéficié du programme de rapatriement volontaire. a ce nombre, s’ajoutent les premiers retours organisés par les associations de réfugiés au Sénégal en 1995 et ceux effectués individuellement sans passer par aucune organisation. Quoi qu’il en soit, ils sont nombreux à galérer en Mauritanie.
Les premières opérations de rapatriement officiel de réfugiés ont commencé effectivement en 2008 après la signature de l’accord tripartite suivi de la mise en place d’une commission tripartite (HCR, Mauritanie, Sénégal). Des dispositions techniques et organisationnelles pratiques ont été prises pour faciliter ces opérations et l’installation de plus de 20.000 rapatriés négro-mauritaniens dans les différents sites choisis au niveau des régions frappées par les évènements «sanglants» de 1989. Pour autant, le retour de ces ex-réfugiés chez eux a été pour la plupart une grande désillusion.
Et les conclusions du rapport de la mission de l’Association du Barreau Américain, Initiative Etat de Droit en Mauritanie (ABA ROLI) effectuée du 06 au 12 octobre 2016 à Boghé sont révélatrices de cette situation. La mission s’était rendue dans le village de Houdallaye qui compte environ 4000 habitants essentiellement composés de populations rapatriées victimes des évènements de 1989 entre la Mauritanie et le Sénégal. D’après le rapport ABA ROLI, ces populations constituent 541 familles de rapatriés et 30 familles de populations autochtones (village d’accueil) qui vivent d’élevage et de petit commerce. Et les conclusions sont les suivantes : « Les populations de retour sont frustrées, certaines même regrettent d’avoir accepté volontairement ce retour pour la simple raison que les promesses d’une vie meilleure ou acceptable n’ont pas été tenues par l’Etat mauritanien qui en est le principal responsable. Les rapatriés vivent une situation de marginalisation corolaire d’une mauvaise gestion administrative engendrant l’absence d’état civil pour beaucoup d’entre eux surtout les enfants. Certaines familles n’ont presque pas de papiers d’état civil et n’ont pas accès aux services administratifs et judiciaires détenus entièrement par des responsables maures blancs qui font ce que bon leur semble pour marginaliser ces négro-mauritaniens victimes des évènements de 89. Certains vont jusqu’à parler de racisme d’Etat imposé par un système de gouvernance politique en place. (…)
Les pratiques déloyales des agents de l’état civil montrent qu’il manque une volonté réelle et manifeste de l’Etat de mettre fin à cette situation de marginalisation. La preuve, les agents administratifs s’adonnent dans l’impunité, à ce genre de pratique discriminatoire consistant à vouloir marginaliser à dessein ces populations dans tout le processus d’enrôlement en leur ôtant leurs droits sacro-saints d’obtenir des pièces d’état civil leur permettant de jouir de leurs droits civiques. Ce qui constitue à n’en pas douter, une violation de leurs droits. (…) Plusieurs rapatriés risquent fort bien de devenir des apatrides faute d’état civil.»
LES REFUGIES ONT LEUR «ROBIN DES BOIS»
Trois ans après cette mission d’ABAROLI, le problème subsiste encore. Pourtant, dans l’accord tripartite le gouvernement mauritanien s’était engagé à adapter les structures administratives, aux niveaux central et régional, qui sont nécessaires à la mise en œuvre du retour des réfugiés dans la sécurité et la dignité, et à leur pleine réinsertion juridique, sociale et économique au sein de la communauté nationale. II s'engageait à délivrer aux réfugiés rapatriés mauritaniens et à leurs enfants, tous les documents d'état civil auxquels ils ont droit, et de mettre à jour en conséquence les registres d'état civil. Mais en Mauritanie, tous les ex réfugiés s’accordent à dire que ce programme de retour est un échec cuisant. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux sont revenus au Sénégal. La plupart n’a pas supporté les promesses non tenues en plus des tracasseries liées à l’obtention des documents d’identité. I. Sow est un ex-réfugié revenu au pays. Malgré sa désillusion, il n’a pas baissé les bras. Pour aider ses frères, il répare l’injustice par l’injustice. Il utilise tous les moyens en sa possession pour aider les réfugiés mauritaniens de retour comme ceux établis à l’étranger qui souhaitent revenir. Son téléphone ne cesse de sonner durant notre entretien.
Monsieur Sow, qui se présente comme un «Robin des Bois» pour les réfugiés, se confie : «Si quelqu’un a des problèmes pour se faire recenser et obtenir des documents d’identité, je l’aide. C’est vrai qu’il me rétribue. Mais je le fais plus pour réparer une injustice.»Téméraire, il n’hésite pas à corrompre à l’administration pour satisfaire ses clients, avoue t-il. Sa conviction, l’administration est corrompue. Et comme injustement on prive à des gens leur nationalité, lui aussi, il n’hésite pas à négocier pour décanter les situations. Pour accélérer les procédures, il corrompt l’administration particulièrement le personnel de l’Agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés. «Je connais bien le circuit. L’administration mauritanienne est corrompue. Je travaille le plus souvent avec les réfugiés établis en France et partout en Europe. Je les aide. Etant réfugié comme eux par le passé, je suis sensible à leur situation», soutient-il. Marié, papa de 4 enfants et formateur en langue nationale, I. Sow effectue en même temps le travail de courtage dans le domaine de l’immobilier. Si aujourd’hui, il passe beaucoup de temps à régler les problèmes de papiers des réfugiés ; c’est parce que le gouvernement mauritanien, de par les procédures et les documents demandés, compliquent la tâche aux réfugiés.
LE MEMORANDUM DU REVE
SI Sow préfère emprunter des voies peu orthodoxes pour combattre l’administration, Souleymane Lo, ex-contrôleur des Douanes déporté, président du Regroupement des Victimes des Evènements de 1989-1991 (REVE) mise lui sur le plaidoyer. Membre fondateur du Forum des Organisations Nationales de Droits Humains (Fonadh), Monsieur Lo est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs de la lutte pour le respect des droits des ex-réfugiés. D’ailleurs, avec ses camarades de l’Association des réfugiés mauritaniens au Sénégal, il avait initié les premiers retours volontaires en 1995 sans l’implication des Etats et du HCR. Juste après le dégel entre la Mauritanie et le Sénégal, ils ont entamé des négociations avec les autorités de la Républiques islamique de Mauritanie. Il se remémore : «Dans les camps de réfugiés à l’époque, on était partagé entre les radicaux qui voulaient utiliser les armes pour rentrer de force dans notre pays et les démocrates comme moi qui prônaient le dialogue et la négociation.» Finalement, à travers ce programme initié par l’association des mauritaniens au Sénégal, 15.000 réfugiés sont retournés au pays. Selon Souleymane Lo, ils avaient trouvé sur place 30.000 autres réfugiés qui étaient revenus individuellement en utilisant leurs propres canaux. Malgré la désolation et le non-respect des engagements de la Mauritanie, ils sont restés pour essayer d’imposer à l’Etat le respect de leurs droits. Depuis, à la moindre occasion, ils ne manquent pas de rappeler à l’Etat mauritanien ses engagements. Le 22 avril dernier, le Regroupement des victimes des évènements de 1989/1991 (REVE) qu’il dirige a sorti un mémorandum pour faire le point sur les revendications.
A en croire le sieur Lo, tous les rapatriés du Sénégal sont concernés qu’ils soient rentrés soit par le Programme Spécial de Réinsertion Rapide (Psir) ou d’une manière spontanée appelée «moylu koota (Ndlr : rentrez vite en Puular)» et ceux qui sont rentrés par l’accord tripartite entre la Mauritanie, le Sénégal et le HCR. Dans le document publié et adressé aux autorités mauritaniennes, il est écrit : « 30 ans durant, les victimes continuent de souffrir de pauvreté, d’oubli et d’humiliation. (…) Concernant la régularisation des fonctionnaires et agents de l’Etat, sur 1159 victimes recensés comme appartenant à la Fonction publique, 985 cas ont été traités soit par leur mise à la retraite par limite d’âge ou réintégrés dans leur fonction. Et sur ces 985, les 70 victimes réintégrées entre 1992 et 95 n’ont pas bénéficié de l’indemnisation symbolique pour le préjudice moral. Les agents auxiliaires de l’Etat victimes n’ont pas jusqu’à présent bénéficié de pension de retraite au niveau de la CNSS.»
Poursuivant, Souleymane Lo et ses camarades estiment que le dossier des fonctionnaires victimes retardataires reste bloqué au niveau de la Direction de la Fonction publique et du ministère de l’Economie et des Finances. Et que la majeure partie des fonctionnaires victimes réintégrée est mise à l’écart. Sans compter le fait que la régularisation n’a pas tenu compte de la reconstruction de carrière des fonctionnaires en raison de la date du licenciement ou de la révocation (1989). Toujours dans le mémorandum, il est écrit : «pour ce qui est des établissements publics, 14 sur 16 établissements ont, procédé à l’indemnisation de leurs agents, mais refusent catégoriquement d’effectuer le versement des cotisations à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour le paiement éventuel des pensions des retraités victimes et des agents réintégrés. Le dossier des ex-employés de la société Mauritanienne des Industries du Sucre (SOMIS) et de l’Union des Banques de Développement (UBD) est bloqué au niveau du ministère de l’Economie et des Finances. Le dossier des ex-employés d’Air Mauritanie et l’Asecna n’a pas encore été traité.» Entre autres doléances, loin d’être exhaustives, le REVE 89/91 exige des solutions durables pour leur réinstallation dans la vie économique et sociale, par l’accès à la propriété foncière, l’obtention de documents d’état civil, y compris pour les enfants.
L'APR EN LAMBEAUX ?
Le parti au pouvoir donne l’impression d’un navire qui prend l'eau de toutes parts. Le Témoin, par le biais du décryptage d’éminents analystes politiques, s’est intéressé aux contours et ramifications de cette tension interne qui secoue le régime en place
D’un coté, les déballages et menaces de révélations ont fini d’indisposer la République jusqu’à son plus haut niveau. De l’autre, la riposte apportée sous forme de révélations terrifiantes a rendu l’opinion publique bouche bée. Le parti au pouvoir, l’APR, donne l’impression d’un navire qui fait eau de toutes parts. Le Témoin, par le biais du décryptage d’émi- nents analystes politiques, s’est intéressé aux contours et ramifications de cette tension interne qui secoue le régime en place.
Les voici encore surgir au devant de la scène ! Deux hommes aux gâchettes faciles, et deux hommes, surtout, lourdement armés. Acteurs principaux du feuilleton de déballages qui bouleverse l’harmonie républicaine et indispose les citoyens, Yakham Mbaye, DG du quotidien national « Le Soleil », et Moustapha Cissé Lo, vice-président de l’Assemblée nationale et président du parlement de la CEDEAO. Ils continuent de déverser, sur la place publique, les ordures de la gestion des affaires de la cité. Le tonitruant député pointe sans trembler le sommet de l’Etat où se nicheraient, selon lui, de hautes personnalités qui s’activeraient dans le trafic de drogue. Pis, il présente le président de la République, Macky Sall, comme un « traitre », en tout cas un ingrat, laissant en rade ses anciens compagnons de lutte après avoir accédé au pouvoir. «Il ne me parle plus, la première dame non plus. Il refuse de me recevoir», s’es-t-il lamenté en se plaignant d’avoir été privé de semences et d’engrais, lui l’opérateur arachidier depuis des décennies. Lui, surtout, le membre fondateur de l’APR exclu de l’Assemblée nationale par le régime du président Wade pour avoir choisi de suivre un certain Macky Sall dans sa traversée du désert. Et ne voilà-t-il pas que ce sont ceux-là mêmes qui voulaient égorger Macky Sall qui l’entourent aujourd’hui, qui le flattent et bénéficient de ses faveurs ? La contre-attaque ne s’est pas faite attendre. Foudroyante.
Selon Yakham Mbaye, patron du quotidien gouvernemental, s’il y a un ingrat, c’est bien Moustapha Cissé Lô « El Pistoléro ». Après avoir bénéficié, par le chantage et dans des conditions opaques, d’un marché d’intrants agricoles d’un volume de 4531 tonnes. Vous avez bien lu ! Et avoir été indemnisé royalement pour le manque à gagner subi durant le temps qu’il a traversé le désert avec Macky Sall. Faut-il appeler à la rescousse les forces d’interposition de l’ONU ? Une chose est sûre : dans les ar- canes du pouvoir, ça chauffe ! Ainsi, selon l’analyste politique et docteur en communication Momar Thiam, le parti au pouvoir vit actuellement en son sein « un terrorisme verbal qui risque de conduire vers l’effondrement des piliers de l’Etat lui- même ». La sortie au vitriol du Dg du « Soleil » et cadre de l’APR a été décryptée par lui. «Quant il s’est agi du cas de Sory Kaba et de l’affaire Petro Tim avec la sortie scanda- leuse d’El Hadj Kassé, c’est Yakham qui était allé au front. Et aujourd’hui, dans l’urgence de mettre fin aux étalages de Cissé Lo, c’est lui encore qui est sorti par un discours qui, à l’évidence, est bien préparé. Ce qui dénote une stratégie de communication concoctée au plus sommet du pouvoir», explique le spécialiste en science politique et directeur de l’institut des Hautes études en information et commu- nication (HEIC).
Poussant son diagnostic plus loin, Momar Thiam estime que Yakham Mbaye, dans sa forme de communication avec des preuves à l’appui, joue le rôle de messager qui semble préparer l’opinion publique à une éventuelle décision de sanction venant du chef de l’Etat à l’encontre du mis en cause (Ndlr, Moustapha Cissé Lô). « Le décret de limogeage du ministre El Hadj Kassé suite à sa sortie incriminant le frère du président constitue un cas d’école », rappelle l’ancien consul du Sénégal à Bordeaux. Que pense-t-il de la posture d’attaque du député Cissé Lo et de ses menaces de révélations fracassante ? De l’avis de Momar Thiam, « il y a une entorse aux vertus et principes de la bonne gouvernance dans ce conflit interne à l’APR. Car, quand une personnalité de la trempe de Moustapha Cissé Lo, président du parlement de la CEDEAO, fait de telles révélations en interpellant le procureur de la République sur des pratiques de mafia de drogue, c’est la crédibilité de notre justice qui est mise en jeu. C’est pourquoi, la non auto-saisine du procureur pour faire la lumière sur cette affaire va contribuer à mettre à nu la fragilité de la justice sénégalaise». Par ailleurs, en observateur averti de la scène politique nationale, Momar Thiam voit dans cette querelle entre Yakham Mbaye et El Pistolero, un reflet de la lutte de positionnement pour le leadership futur du parti au pouvoir. Et à en croire le directeur de l’Heic, « l’actualité d’hier et d’aujourd’hui nous montre que certains sont amenés à remettre en cause l’autorité du président de la République dans ce contexte qui marque surtout le dernier tournant de son magistère si toutefois il ne se présente pas pour un troisième mandat. » Et d’ailleurs, estime le diplômé en sciences po de l’Université de Bordeaux, « c’est pourquoi, il y a des suspicions qui font état de personnages tapis dans l’ombre et qui jouent un rôle de leviers ».
Assane Sambe : «il y ades risques d’implosion dans l’APR »
Trois facteurs sont fondamentaux pour éclairer la lanterne sur le pugilat politique qui fait rage actuellement dans le parti au pouvoir. Telle est l’approche déclinée par l’analyste politique Assane Samb, interrogé par « Le Témoin ». « D’une part, l’APR ne fonctionne non pas comme une structure politique mais plutôt comme un mouvement de soutien autour d’une personne. Cela peut s’expliquer par le fait que ce parti est arrivé prématurément au pouvoir après sa création sans une organisation solide. D’autre part, il y a une énorme frustration à l’interne liée au fait que beaucoup parmi les responsables n’arrivent pas à concevoir que des transhumants bénéficient de postes stratégiques au détriment de membres dits de la première heure comme eux », ajoute notre interlocuteur. Poursuivant son analyse, Assane Samb relève l’existence de velléités d’implosion dans l’APR. Il les justifie par « la position ambigüe du prési- dent Macky Sall sur ses intentions de se présenter ou non à la présidentielle de 2024 ». Cette attitude «constitue un moyen pour lui de canaliser ses troupes. C’est parce qu’il ne veut pas une guerre de succession ouverte qu’il dit ne pas vouloir se prononcer sur la question d’un éventuel troisième mandat. Et en disant cela, le président ne s’adressait qu’à ses camarades de parti. Car il y a de réels risques d’implosion de l’APR. Et si jamais il quittait le pouvoir, ce serait pire que ce qui a été noté dans le parti de Wade après sa chute », avertit le consultant Assane Samb.