L'INSÉCURITÉ ROUTIÈRE EST-ELLE UNE FATALITÉ AFRICAINE ?
Le fatalisme déroutant qui prévaut face à l’hécatombe sur les routes du continent est d’autant plus incroyable qu’elle se double d’un refus obstiné de chercher des solutions
Jeune Afrique |
Gilles Olakounlé Yabi |
Publication 31/01/2020
Son nom ne vous dira rien sauf si vous êtes proche de la Gambie. Elle s’appelait Jaha Sise Sawaneh, jeune journaliste et activiste engagée dans la défense des droits humains et de la paix. C’est en revenant d’une visite dans sa ville natale le 9 octobre pour participer à des efforts de médiation communautaire qu’elle a trouvé la mort dans un accident de circulation. L’accident qui s’est produit à 170 kilomètres de Banjul, la capitale gambienne, aurait été provoqué par la crevaison d’un pneu sans doute à pleine vitesse. En plus de la journaliste, deux autres passagers n’ont pas survécu.
Chaque accident de la route a son histoire, sa cause principale, ses causes secondaires formant ensemble un tragique concours de circonstances. Et personne ne rêve du « zéro accident de la route », même dans les pays les plus riches, dotés des infrastructures routières les plus modernes, des parcs automobiles les plus récents, des législations les plus élaborées et des administrations les plus à même de les appliquer.
Fatalisme et refus de chercher des solutions
Mais nous sommes en Afrique confrontés à une situation particulièrement grave : la conjonction des pires statistiques d’accidents meurtriers de la route, de l’accueil des nouvelles récurrentes de morts stupides de jeunes avec une incroyable dose de fatalisme et d’un refus obstiné de chercher des solutions pour freiner l’hécatombe.
J’avais en tête d’écrire cette tribune l’année dernière, quelques jours après le décès brutal de deux personnalités respectées de la société civile et de la recherche universitaire au Mali. Un professeur d’anthropologie réputé et un brillant et prometteur expert des questions de gouvernance, tous très engagés dans la recherche de solutions à la grave crise dans laquelle état plongé leur pays. Fauchés tous les deux dans un accident de route entre Ségou et Bamako.
Je n’avais eu aucune information sur les circonstances précises de l’accident et sur ses causes mais le fait était là : on continuait à perdre toutes les semaines des enfants, des jeunes et des moins jeunes dans des accidents en grande partie évitables.
Au-delà de l’ampleur des accidents graves, c’est le fatalisme avec lequel on tourne vite la page par un apaisant « Paix à son âme », « Rest in perfect peace » ou « Qu’Allah l’accueille en son paradis » qui est déroutant.
Certes, il n’y a plus rien à faire pour ramener ceux qui nous ont quittés. Mais peut-être devrions-nous interroger davantage les décès qui relèvent de déterminants sur lesquels nous pouvons agir et nous fixer comme objectif de réduire drastiquement chaque année le nombre de destins brisés et de familles éplorées.
De nombreux pays l’ont fait. Selon le plus récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la sécurité routière publié en décembre 2018, le nombre de décès enregistrés par accident de la route avait baissé dans 48 pays entre 2013 et 2016. Cela n’a pas été le fait du hasard, mais d’un ensemble de mesures visant à réduire le nombre des accidents et leur gravité.
Ce rapport confirmait que l’Afrique avait les plus mauvaises statistiques de toutes les régions du monde, avec un taux de décès sur la route de 26 pour 100 000 habitants. Trois fois plus élevé qu’en Europe. Dans la deuxième région la plus dangereuse pour les usagers de la route, l’Asie du Sud-Est, le chiffre était de 20,7 pour 100000 habitants.
Corruption et impunité
En observant au quotidien la circulation routière dans les grandes villes ouest-africaines, le comportement des usagers apparaît de manière incontestable comme un déterminant majeur de l’ampleur des accidents, de concert avec l’état des véhicules et celui des routes.
Il ne s’agit pas seulement des excès de vitesse ou des effets de l’alcool au volant mais d’une ignorance absolue de l’existence des autres usagers : arrêts brutaux au milieu de la route juste pour discuter avec un ami, oubli systématique du clignotant pour signaler un changement de direction, téléphone scotché à l’oreille voire écriture de SMS en étant au volant, non-respect des règles de priorité, et de toute autre règle prévue par le code de la route.
C’est tous les jours dans nos capitales que l’inconscience de la mise en danger des autres se donne à voir. Ces comportements ne tuent pas dans la majorité des cas, les villes embouteillées limitant la vitesse et la violence des chocs. Mais sur les routes nationales et sur les nouvelles voies rapides dont nous sommes si fiers, des comportements irresponsables, les dépassements dangereux notamment, mettent fin à un nombre insupportable de vies.
En matière de sécurité routière comme dans tant de domaines, le duo infernal que forment la corruption et l’impunité, en ruinant autant la qualité des routes que le civisme et le sens des responsabilités, continue d’éteindre définitivement de jeunes lumières africaines.
EN GUINÉE, UNE FEMME UTILISÉE COMME BOUCLIER HUMAIN PAR DES POLICIERS
Des policiers guinéens ont été filmés à leur insu par un vidéaste amateur, le 29 janvier, en train d’utiliser une femme comme bouclier humain, à Conakry. Un homme, qui a recueilli la femme après la scène, raconte ce qu’il s’est passé
Les Observateurs de France 24 |
Alexandre Capron |
Publication 30/01/2020
Des policiers guinéens ont été filmés à leur insu par un vidéaste amateur, le 29 janvier, en train d’utiliser une femme comme bouclier humain, dans la commune de Ratoma, à Conakry, capitale de la Guinée. Un homme, qui a recueilli la femme après la scène, raconte ce qu’il s’est passé et donne des nouvelles de la victime.
La vidéo dure un peu plus de trois minutes. Elle montre une femme retenue par un policier, accompagné de trois autres. Ils font face à plusieurs jeunes Guinéens, le 29 janvier, lors d’une nouvelle manifestation contre le possible troisième mandat du président Alpha Condé.
Les trois policiers placent la femme devant eux pour se protéger de jets de pierre et l’emmènent avec eux sur plusieurs mètres avant de la traîner au sol. La scène se termine dans la confusion après un tir de l’un des policiers.
La rédaction des Observateurs de France 24 a pu identifier le lieu exact de la scène dans le quartier de Wanindara 3. Une photo envoyée par un habitant de la zone permet de reconnaître le même arbre ou les mêmes maisons.
La vidéo, récupérée et postée par Abdourahmane Bah, un habitant du quartier Wanindara 3, a été vue plus de 350 000 fois sur Facebook en moins de 24 heures. Il a recueilli la victime après avoir entendu des cris dans la rue.
"C’est une dame qui travaille au marché Enco 5 comme femme de ménage, à quelques centaines de mètres de là. Elle était venue dans le quartier car elle avait appris le matin même qu’un enfant d’une de ses proches avait été blessé au pied lors des manifestations. Elle venait donc rendre visite à la famille de cet enfant, mais elle ne connaissait pas bien le quartier, car elle vit dans un autre quartier de Conakry.
Elle est tombée sur ces policiers, qui lui ont alors dit de rester avec eux, car il y avait des jeunes non loin. Mais c’était un piège, puisque rapidement, les policiers l’ont gardé avec eux pour faire face à ces personnes qui leur lançaient des pierres. Les policiers n’avaient plus de gaz lacrymogènes, et garder cette femme avec eux, c’était le seul moyen qu’ils avaient pour se protéger des pierres. Ils ont voulu négocier avec les manifestants par ce moyen, mais les jeunes ont refusé."
"La femme n’était pas enceinte, mais a un bébé en bas âge"
Après avoir été trainée sur plusieurs mètres, les policiers ont finalement abandonné la femme par terre, et se sont enfuis vers l’avenue Le Prince [route principale du quartier, NDLR]. Nous avons recueillis la femme qui était très choquée. Ses vêtements étaient couverts de boue, ma mère lui a donné de nouveaux habits pour qu’elle puisse partir. Cette femme n’était pas enceinte, comme on a pu le voir écrit ici ou là. Mais elle a un bébé de six mois [ainsi que 4 autres enfants, selon le site Guinéematin qui a pu l'interviewer, NDLR], et elle a eu très peur d’être blessée ou tuée dans les affrontements. Elle a de nombreuses plaies au genou.
Ce qu’il s’est passé est inacceptable. C’est la première fois que je vois un tel comportement avec une femme de la part des policiers, ça prouve que même les femmes ne sont pas épargnées. Depuis le début des manifestations, mon quartier est l’un des plus réprimés, et la présence des forces de l’ordre est permanente. On ne se sent pas en sécurité.
La rédaction des Observateurs de France 24 a pu confirmer l’identité de la victime, qui a témoigné auprès de médias guinéens dont GuinéeMatin. Cette dernière a indiqué être traumatisé par l’événement, et avoir une "douleur à son pied droit".
Les trois policiers aux arrêts
Nous avons également échangé avec le ministre de la Sécurité publique, Albert Damantang. Il a affirmé que trois policiers avaient été mis aux arrêts. Il a ajouté qu'un quatrième, présent avec eux, n'avait pour l'heure pas été identifié. Selon lui, ces policiers seront présentés à un conseil de discipline et prochainement sanctionnés.
En guise de défense, le policier aurait affirmé avoir vu la dame "donner des pierres aux jeunes", raison pour laquelle il l'a d'abord interpellée, une version qu'on "ne peut pas corroborer à ce stade" a dit le ministre. Il a par ailleurs renouvelé ses excuses à la victime, comme il l’avait fait dans cette vidéo publiée sur Facebook, et a affirmé qu'elle serait reçue par la ministre de l'Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l’Enfance Mariama Sylla après avoir échangé avec elle par téléphone.
De son côté, François Patuel, chercheur à Amnesty International sur la Guinée, estime que cette vidéo est un exemple supplémentaire des abus de la police guinéenne :
"Cette scène d’une femme utilisée comme un bouclier humain contrevient à plusieurs pactes internationaux signés par la Guinée. L'exposition volontaire de personnes à des souffrances ou blessures est une grave violation des droits humains. Mais cela s’inscrit dans une tradition d’impunité pour les violations commises par les forces de sécurité : depuis 2010, plus d’une centaine de personnes ont été tuées dans le contexte de manifestations.
Malgré les plaintes déposées par les familles, un seul policier a été condamné. Sa hiérarchie directement responsable n’a pas été inquiétée."
Les abus policiers se multiplient en Guinée depuis fin 2019, alors que les protestations ne faiblissent pas contre le projet de nouvelle Constitution qui permettrait à Alpha Condé de se représenter pour un troisième mandat. Le 14 janvier, une vidéo montrant un homme âgé être malmené par la police avait déjà suscité l’indignation.
OUATTARA RÉPOND A LA ZMAO
Le président ivoirien a balayé jeudi les critiques du Nigeria et plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest anglophones qui ont dénoncé à Abuja la décision de remplacer le franc CFA par l'Eco, assurant que la date de juin 2020 tenait toujours
Le président ivoirien Alassane Ouattara a balayé jeudi les critiques du Nigeria et plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest anglophones qui ont dénoncé à Abuja la décision de remplacer le franc CFA par l'Eco, assurant que la date de juin 2020 tenait toujours. "C'est une intoxication pure et simple. Il n'y a que 5 pays qui se sont retrouvés (à Abuja) sur les 15 de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) (...)
La majorité des pays n'a pas été à cette réunion. Ce n'était pas une réunion des chefs d'Etat mais de ministres et gouverneurs", a déclaré M. Ouattara."Ce que nous avons décidé au niveau des chefs d'Etat, notre volonté c'est de mettre l'Eco en 2020", a-t-il ajouté, précisant qu'il y avait des "conditions"."La première condition c'est de réunir les (cinq) critères de performance: déficit de -3%, dette de moins de 70%, faible inflation etc... (...)
Pour le moment, il n'y que 4 ou 5 pays dont la Côte d'Ivoire qui remplissent ces critères", a-t-il poursuivi, soulignant que le processus devait être "graduel"."Cinq, huit, dix pays (respectant les critères) peuvent se mettre ensemble", a-t-il dit ajoutant que d'autres pouvaient ensuite les rejoindre à l'image de la zone Euro commencée à 11 et qui comprend 19 pays aujourd'hui."Nous voulons faire les choses par étapes. Nous ne voulons pas de précipitation mais nous ne voulons pas non plus que les pays qui ne respectent pas les critères de convergence bousculent le processus", a-t-il conclu dans une claire allusion au Nigeria.
Les six pays de la Zone monétaire ouest-africaine (WAMZ) avaient dénoncer "la déclaration visant à renommer unilatéralement le franc CFA en Eco d'ici à 2020", le 16 janvier à Abuja.Huit pays francophones d'Afrique de l'Ouest, qui utilisent le franc CFA, avaient annoncé fin décembre leur décision de remplacer leur monnaie commune par l'"Eco" et de rompre ainsi les liens très controversés avec la France, ancienne puissance coloniale, qui accueillait notamment la moitié de leurs réserves de changes en échange de la convertibilité du CFA avec l'euro.
L'annonce surprise avait été faite par le président ivoirien Alassane Ouattara lors d'une visite à Noël de son homologue français Emmanuel Macron, au lendemain d'un sommet de la Cédéao qui avait encouragé les efforts visant à mettre en place une monnaie unique ouest-africaine d'ici à juillet.
DAARA J EN LUTTE CONTRE LE CAPITALISME
Quatre ans après Foundation, les deux rappeurs, Faada Freddy et Ndongo D, reviennent avec Yaamatele, un nouvel opus forgé entre Dakar, Paris et Kinshasa. Sur ses pistes, ils militent pour l’écologie et s’adressent aussi bien aux peuples qu’aux puissants
Quatre ans après Foundation, les deux rappeurs sénégalais de Daara J Family, Faada Freddy et Ndongo D, reviennent avec Yaamatele, un nouvel opus forgé entre Dakar, Paris et Kinshasa. Sur ses pistes, ils s’insurgent contre le capitalisme, militent pour l’écologie, et s’adressent, en wolof, en français et en anglais, aussi bien aux peuples qu’aux puissants. Pour eux, le rap, hérité des griots, est vecteur d’éducation. Encore une fois, avec Daara J Family, on est à bonne école !
RFI Musique : Que signifie le titre de ce disque, Yaamatele ?
Ndongo D : Yaamatele, c’est un personnage comique d’un dessin animé des années 1980, Onze pour une coupe : un robot, avec une grosse télé à la place du ventre. Depuis, dans le jargon de rues, au Sénégal, on utilise son nom pour désigner les personnes droguées à leurs écrans – télés, ordinateurs, téléphones portables. Notre titre-parabole dénonce cette addiction.
Faada Freddy : Aujourd’hui, tout est tellement digitalisé qu’on en perd notre humanité. Parfois, dans une maison, un membre de la famille regarde la télé dans la chambre, l’autre dans le salon…Et pour communiquer, ils s’envoient des SMS ! Les gens passent tant de temps agglutinés à leurs écrans, qu’ils en oublient de vivre ! Et puis, sur leurs appareils, arrivent tout un flux d’infos non triées : l’annonce de guerres, de décès tragiques, au milieu de bimbos aux seins nus… Le danger, c’est de devenir insensible à tout !
ND : En Afrique, il y aura bientôt 660 millions de smartphones. Même les grands-pères, dans les villages les plus reculés, possèdent ces outils numériques. Désormais, ce ne sont plus les politiciens qui gouvernent le monde, mais Facebook ou WhatsApp. D’ailleurs, les réseaux sociaux s’imposent comme des armes politiques puissantes, dont se sont servi Trump ou Bolsonaro pour arriver au pouvoir. Nous ne demandons pas aux jeunes d’abandonner leurs smartphones, mais d’adopter un recul critique face aux contenus.
Le dessin sur votre pochette de disque représente cette addiction…
FF : Oui, il révèle un arbre à palabres. Auparavant, tout le monde se réunissait autour de lui et de l’odeur d’un thé brûlant, pour s’offrir des moments de discussion, des temps d’échange et de partage. Sur la pochette, dans des lueurs crépusculaires, on voit désormais ces gens obnubilés par leurs écrans. Sur les branches de l’arbre, pendent des smartphones, tels des parasites ! En Afrique, on est même en train de perdre notre culture de l’oralité. Avant, un griot entraînait sa mémoire à garder l’art de la parole... Aujourd’hui, il cherche ses références sur Internet.
ADN, le titre d’ouverture de votre disque, s’avance comme un hymne écologique. Pourquoi ?
ND : Comme beaucoup, nous sommes profondément préoccupés par l’avenir de la planète. Déjà, en 2012, on avait sorti ce titre, Niit (qui signifie "observer de près avec une torche") et nous avions tourné le clip dans la plus grosse décharge de Dakar. Au Sénégal, il commence à y avoir une fragile prise de conscience. Quelques hommes politiques – un ou deux sur dix –, dont le ministre de l’Hygiène Publique, tâtonnent pour trouver des solutions écologiques. Et puis, il y a des initiatives, des mouvements comme Sénégal Ney Set ("Que le Sénégal soit propre") avec lequel nous collaborons.
FF : Au fil de nos voyages, nous croisons des gens qui partagent les mêmes angoisses, sur la déforestation et la pollution. Ainsi, j’ai pu échanger avec le Brésilien Almir Surui, le chef de la tribu Paiter Surui, en Amazonie. Les autochtones sont menacés de mort parce qu’ils protègent la forêt ; ils sont bousculés par les gros industriels qui veulent les faire disparaître. En Afrique, je citerais l’exemple de Kigali, qui interdit le plastique sur son sol : une des solutions vers une planète plus saine…
Vous rappez depuis vingt ans. Qu’est-ce qui a changé depuis vos débuts ?
FF : Dès l’origine, on a tâché de transmettre une parole qui pouvait élever les esprits. Nos parents respectifs étaient instituteurs. On avait en nous ce bagage-là pour prôner l’éducation. D’où notre nom, Daara J : l’école de la vie. Et notre responsabilité s’est accrue avec la notoriété. Depuis vingt ans, ce qui a changé et s’est empiré, c’est cette maladie qui ronge le monde : la globalisation et le capitalisme mondial. Aujourd’hui, la valeur d’un être humain se mesure à son compte en banque. Son bonheur, à son sourire posté sur Instagram. Nous sommes aussi dans une ère de l’ultra-communication, qui peut friser le mensonge. Même pour faire la guerre, on use de la communication. Nous, en tant que colibri, nous faisons notre part. Et en tant que rappeurs, nous tâchons de réinvestir une parole digne de sens.
Quelle est la situation au Sénégal ?
ND : Au niveau culturel, la situation évolue positivement. Il y a par exemple la Biennale des Arts…Beaucoup d’artistes continuent de repousser les limites. Mais là où ça coince, c’est au niveau des politiques, au service du capitalisme… Ca gâche tout ! Tu fais des beaux châteaux de cartes, et ils s’écroulent instantanément. Dans un titre comme Jotna, par exemple, on parle de la mainmise sur les économies en Afrique…
FF : On s’adresse aussi aux dirigeants. Avant de signer un accord, on leur dit : "prenez le temps de réfléchir. Ne voyez pas uniquement vos intérêts, vos amitiés personnelles. Pour protéger un lobby, vous sacrifiez toute une génération sur 50 ou 70 ans. Réfléchissez !". Dans Jamono, on parle au peuple, à tous ces jeunes Africains qui cherchent l’Eldorado en Europe, au péril de leur vie. Comme le dit l’écrivaine Fatou Diome, ils se jettent dans le "ventre de l’Atlantique" en emportant leurs rêves. A ces voyageurs du désespoir, je dis : "Vous partez chercher le diamant, mais vous oubliez que vous êtes assis dessus".
Derrière vos lyrics, votre musique a aussi évolué… Comment ?
FF : On a composé entre Kinshasa, Paris et Dakar. On est sortis de notre zone de confort ! Ainsi, au Congo, on a été inspirés par la rumba, avec des compositeurs comme Kratos. On mélange et ça donne Chaka Zulu, une certaine transe ! A Paris, on a travaillé avec Manu Sauvage qui collabore avec Youssoupha ou Arthur H.
ND : On a effectué un travail de recherche : comment faire pour que nos musiques parlent aux nouvelles générations, sans tomber dans la copie de la tendance, par nature éphémère ?
FF : En gros, on a forgé une musique équilibrée, qui garde ses racines. Je convoque souvent la métaphore de l’arbre : quand les "temps" viennent, les feuilles changent, mais les racines demeurent toujours, qu’importent les saisons ! Et puis, même si on travaille énormément sur nos lyrics et la musique, on essaie aussi de se laisser porter par la vibe, de ne pas tout contrôler, pour recevoir la magie de l’univers.
Comment se porte aujourd’hui le hip hop au Sénégal ?
FF : Le pays regorge de talents. Avec Internet et les home studios, les jeunes s’organisent. Ils osent aller de l’avant, sans attendre que les grosses maisons de disques les produisent. Ils créent leurs affaires, ils nous demandent des conseils…
ND : Il faut que ça devienne une industrie, au même niveau que les pays anglophones, portée par des investisseurs.
De toute façon, le hip-hop vient d’Afrique !
FF : Bien sûr ! C’est ce que nous expliquions dans notre album Boomerang, en 2003. Pour preuve, tous les précurseurs du rap américains avaient des noms africains, Afrika Bambaataa et la Zulu Nation en tête ! Le hip hop trouve directement sa source dans le griotisme, cet art rythmique de la parole. Il y a justement une vidéo qui circule sur le net, où Quincy Jones explique à Kendrick Lamar que le hip hop vient d’Afrique. On est ultra fiers !
Vous pensez que le rap et plus largement la musique, peut-être une solution ?
FF et ND : Evidemment ! On est souvent bien plus écoutés que des politiciens !
par Oumou Wane
MACKY SALL, L’EMPÊCHEMENT PERMANENT !
Le président qui n’est pourtant qu’au début de son second mandat, se bat seul ou presque contre une horde de détracteurs et d’affabulateurs obsessionnels qui n’ont de cesse de croiser le fer avec lui
Plébiscité il y a moins d’un an par la grande majorité des Sénégalais, le président Macky Sall qui n’est pourtant qu’au début de son second mandat, se bat seul ou presque contre une horde de détracteurs et d’affabulateurs obsessionnels qui n’ont de cesse de croiser le fer avec lui. Rien ne lui est épargné !
Entre ses opposants politiques naturels qui le harcèlent par leur virulence, leur insistance et parfois leur violence. Ceux de son propre camp qui pensent représenter à eux seuls un courant au sein de l’APR, pleurant un siège en ébène ou un tabouret doré à l’or fin. Ceux chez qui fait rage le débat autour du troisième mandat et qui spéculent déjà sur son successeur, malgré les mises en garde du président lui-même. Ceux qui, mais c’est peine perdue, font des accusations pour décrédibiliser son action politique. Ceux qui, conspirateurs cachés, l’assurent de leur soutien. Ceux qui, bénis hier, sont honnis aujourd'hui. Ceux qui le regardent avec méfiance dès qu'il s'agit d'argent. Ceux qui disent que sa vision se limite à Diamniadio…
À ces frustrés, s’en ajoutent d’autres qui, n’ont pas assez accès au chef de l’État et se pensent pourtant calibrés pour les gros cigares.
Mais nous dans tout cela, on n’en peut plus ! Fantasmes et ambitions nous tuent ! Dieu merci, les effets ambivalents de l'horizon électoral ne semblent pas affecter la conduite des politiques publiques. Car enfin, comment la vision de Macky Sall pourrait-elle déjà se trouver à l'épreuve des temporalités électorales.
Nous aurions tout à y perdre. Observons sa force de travail, sur tous les chantiers et dans tous les domaines et imaginons ce que cela pourrait être s’il ne devait pas lutter en permanence contre ce volcan en constante éruption.
Après Lomé ce mois-ci et le Royaume-Uni, le chef de l’Etat Macky Sall s’est envolé pour la Suisse, où il prit part au Forum économique mondial de Davos non sans un certain leadership. « Je prends part au Forum de Davos, pour évoquer les enjeux climatiques, économiques et sociaux qui doivent intégrer nos plans de développement »… « C’est en faisant dialoguer l’ensemble des acteurs politiques et la société civile que nous ferons face aux grands défis de ce siècle », a-t-il écrit via son compte Twitter.
Dans le monde entier la parole de notre président est crédible et écoutée. Il n’y a bien qu’ici chez nous que l’on aime casser du Macky sous prétexte que ce dernier refuse d’être l’otage de son propre clan, y-compris de ceux qui ont combattu avec lui dans l'opposition et qui attendent qu’il leur rende la monnaie de leur pièce.
Pour espérer succéder au président de la République, tous ceux-ci devront prendre un autre ascenseur, celui de la sociale démocratie.
Car les temps ont changé et le système a le devoir de promouvoir des hommes et des femmes nouveaux pour assurer le renouvellement politique. Personnellement, j’ai apprécié par exemple le discours de la présidente du Mouvement national des femmes de l’Alliance pour la République (APR) : «Attention les hommes, les femmes foncent sur vous ! Elles arrivent avec l’intention de prendre les mairies, car il est temps qu’elles soient portées à la tête de nombreuses mairies lors des prochaines locales», a déclaré samedi Ndèye Saly Diop Dieng.
Mais revenons à notre président Macky Sall et soyons objectifs. Nous qui l’avons élu et plébiscité pour nous gouverner, cessons de lui mettre des bâtons dans les roues et ayons ensemble l’audace de faire progresser les esprits, de dialoguer pour construire la cité. À commencer par nettoyer devant nos portes.
S’agissant par exemple de la mobilisation citoyenne lors des prochaines journées nationales du nettoiement, prévues le 1er février 2020, donnons à nos villages et nos communes l’appui nécessaire et récoltons les fruits de notre travail.
Il y a tant à faire pour gérer des urgences multiples, particulièrement économiques et sociales dans notre pays, que continuer d’empêcher en permanence sa bonne gouvernance, serait suicidaire. Alors, pour mettre fin à cette guerre des clans et de positionnement à l’extérieur comme au sein du pouvoir, que chacun prenne d’abord un siège et vienne s’asseoir à la table du dialogue national.