SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
18 juillet 2025
par Felwine Sarr
MULTIPLE PHOTOS
ROUGE IMPÉRATRICE, LES CONTOURS D’UN JOUR QUI VIENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Le nouveau livre de Léonora Miano est une préfiguration d’un possible vers lequel le Continent s’achemine inéluctablement, en dépit du fracas du jour et des ricanements des sceptiques - C'est une oeuvre monumentale
Rouge impératrice est une œuvre monumentale. Elle tient à la fois du roman d’anticipation, du texte politique, de la fresque amoureuse et de la fable poétique. Léonora Miano y dessine les contours d’une Afrique unifiée dans sa presque totalité, forte et épanouie, devenue sa puissance propre et qui rayonne au-delà de ses frontières. Ce territoire, nommé Katiopa, a mené ses Chimurenga, ses luttes de libération et les a remportées. Il s’est libéré de ses aliénations tant externes qu’internes. La première Chimurenga, qui fut conceptuelle, lui permit de penser et d’imaginer les formes qu’il donnerait à ce nouvel espace unifié : son mode de gouvernement fondé sur sa conception de la participation et de la délibération, ses formes sociétales, urbanistiques et architecturales, son rapport au temps et sa relation au reste du monde. Dès l’exergue, c’est une invitation à rêver qui nous est faite par l’entremise d’une sentence de Toni Morrison. Au seuil de la pensée, l’imagination ; en somme, une reconquête du champ des possibles par le rêve, l’imagination et la pensée.
Anticiper la libération et la liberté. La penser, la concevoir, la rêver et surtout l’imaginer. Lui donner le visage concret d’un espace qui abolit ses frontières internes et qui intègre la diversité de ses cultures dans une organisation sociale fondée sur un rapport repensé à ses traditions et à ses ressources symboliques. A Katiopa, les noms des nzela, des avenues et des places sont choisies avec soin, elles portent ceux des figures glorieuses de l’histoire du Continent, de ses résistances et de ses accomplissements : l’Avenue Rei Amador en hommage au leader du soulèvement des esclaves de Sao Tome-et Principe en 1595, la place Mmanthatisi du nom d’une reine courageuse du peuple Tlokwa, le Nyerere Hall, l’avenue Ménélik II, etc. L’aménagement des villes, ses transports urbains, ses murs végétalisés couverts de verrières, ses jardins minéraux, prennent en compte la manière d’habiter la ville des Katiopiens ainsi que le soin devant être apporté au vivant. Les derniers immeubles en béton de la ville sont des vestiges évoquant un temps ancien, cette époque où le Continent était perclus de mimétisme, incapable de configurer ses mondes à la mesure de sa créativité et de ses élans.
Rouge Impératrice est un roman sur la rémission et la liberté recouvrée, l’épanouissement, le rayonnement et la puissance. Se pose alors à Katiopa la question de la consolidation de cette liberté récemment acquise, encore fragile et pouvant être minée par les Sinistrés, qui bien que minoritaires, peuvent insidieusement instiller le venin de la sédition et de la désintégration du corps social Katiopien. Ces Sinistrés que la détresse identitaire a mis sur les routes de l’exil, sont des Fulasi qui viennent d’une contrée nommée Pongo et qui avait jadis assujetti le Katiopa, démembré ses terres, pillé ses richesses, minoré ses cultures, imposé sa langue et ses régimes de sens. Le sort qui leur sera réservé divise les membres de l’Alliance qui gouverne le Katiopa. Certains estiment que ce groupe qui cultive la nostalgie d’une puissance révolue et qui refuse de se mêler aux Katiopiens est irréformable et finira tôt au tard par réanimer la fureur destructrice qui l’habite. D’autres, parmi lesquels Boya, dont les travaux universitaires portent sur cette population marginale, estiment que l’on pourrait leur offrir le choix de s’intégrer à Katiopa, car non seulement ils ne constituent plus un danger, mais le rapport aux Sinistrés dit plus sur la fragilité des Katiopiens devant leur propre passé et la persistance du trauma que leur mise en relation avec ceux qui débarquèrent un jour de Pongo, leur a causé.
Se pose ici la sempiternelle et délicate question de l’identité, de la part intime de soi affectée par l’autre ; de l’odeur incrustée du frère à la peau duquel l’on s’est longtemps frotté et souvent piqué. La part de nous-mêmes devenue autre qu’il faut affronter. Toute la question de l’entaille qui saigne encore, même si l’on s’est soustrait de l’emprise de l’autre. Comment définitivement cautériser la plaie ? Le défi lancé à Katiopa par cette situation, est celui d’être au meilleur de soi-même et de traiter ces Sinistrés avec humanité, mais aussi et surtout de se réinventer.
Les personnages principaux du roman, Boya, la rouge impératrice et Ilunga qui dirige l’Alliance sont des êtres accomplis qui font l’expérience d’une histoire d’amour forte et généreuse. Des êtres qui s’aiment à partir de leur part lumineuse, loin de l’anthropophagie mutuelle que ce sentiment souvent autorise. C’est une méditation sur la relation, le compagnonnage et le lien qui nous est proposée. Mais aussi, à travers le personnage d’Ilunga, la figure d’une masculinité saine et sereine, doublée de celle d’un leader éclairé à l’abnégation sans failles, est posée en exemple pour une Continent qui cruellement en manque.
Toutes les questions qui traversent l’œuvre prolifique de Léonora Miano sont reprises dans ce corps organique et vivant qu’est Rouge Impératrice. Elles y arrivent à maturité et y sont portées à incandescence par une auteure qui a atteint la vertigineuse maitrise de son esthétique et de sa puissance créatrice. De ce vertige d’ailleurs, elle s’enivre un peu en le déployant sur 600 pages d’un long et foisonnant roman, mais sans longueur aucune. Les sillons qui ont traversé son œuvre romanesque : l’humanité des subsahariens, la complexe question de l’identité, les spiritualités et métaphysiques africaines, les rapports entre féminité et masculinité, la puissance du féminin, sont ici reprises et ravivées par une réflexion arrivée au faîte de sa densité. On y retrouve aussi des lieux connus de son univers romanesque comme Vieux pays où des aînées-femmes initient des femmes aux mystères du féminin.
Ce roman porté par une puissante écriture et un souffle poétique, incarné dans la belle histoire d’amour de Ilunga et de Boya, peut aussi être lu comme un programme politique dans lequel Léonora Miano nous donne à voir, le vieux rêve de tous les panafricanistes, comment on construit l’unité politique du continent Africain, sa puissance rayonnante et bienfaisante ; comment y arrive-t-on ? Par quelles épreuves passe-t-on ? Quel type de qualités cette entreprise exige-t-elle de ses bâtisseurs ? La patiente et longue œuvre de reconquête de soi et de ses espaces.
Ne nous laissons cependant pas méprendre, ce livre ne relève pas de l’uchronie, ni de la fable contrefactuelle. Il n’est pas un possible non-advenu que l’on narre avec un brin de regret. Il est une préfiguration d’un possible vers lequel le Continent s’achemine inéluctablement, en dépit du fracas du jour et des ricanements des sceptiques. Ceux qui sont habités par cette vérité fragile, malgré les ronces du chemin, y travaillent dès à présent. Ce sont des êtres intermédiaires qui savent que la victoire se construit sur les ruines encore fumantes. Léonora Miano est de ceux-là. De sa puissante imagination est sorti un Continent dont elle redresse l’échine et analyse, difficultés d’un tout autre ordre, les problèmes que pose sa puissance retrouvée. Les figures archétypales qui naissent sous sa plume : Ilunga, Boya, Kabeya, Igazi, Zama, Ndabezitha, nous indiquent la texture des êtres dont l’Afrique a besoin pour mener à bien cette entreprise. A nous désormais, nous susurre la romancière, de nous atteler à les édifier.
Est désormais venu le temps ou la réalité d’une Afrique libérée de ses servitudes se dessine dans l’espace du langage, de la fiction et de la pensée. Ceci signifie que cette Afrique-là est proche, qu’elle occupe désormais l’une des multiples antichambres du réel, et celle-ci menace d’éclore dans la réalité des jours qui viennent, lorsque ses enfants l’ayant désormais pleinement entrevu, retrousseront leurs manches et s’y attèleront.
Rouge impératrice est en lice pour le Prix Goncourt 2019. S’il n’était question que de qualité littéraire, ce livre mérite amplement toutes les distinctions. Il sera intéressant d’observer comment ce jury accueillera la proposition politique que ce roman contient. Quelle que soit l’issue de cette joute littéraire, Rouge Impératrice a déjà atteint son sommet du Kilimandjoro. Il est une contribution essentielle à notre œuvre d’émancipation et dessine les contours d’un jour qui inexorablement monte.
PAR Sidy DIOP
AMOUR PATERNEL !
On pourra toujours reprocher à Lamine Diack d’avoir impliqué sa famille dans la gestion de l’athlétisme mondial, mais que dire de ce fils qui a perçu 3,5 millions de dollars du Qatar et qui laisse son père barboter dans la mare de la justice française ?
Entendu par le juge français, Van Ruymbeke, en juin dernier dans le cadre de l’affaire de corruption qui le cloue sur le sol français depuis plusieurs mois, Lamine Diack a failli s’arracher les cheveux. Les pratiques de son fils, Papa Massata, pour qui il a accepté de tout endosser au point de passer pour un otage aux yeux de l’opinion sénégalaise, l’ont complétement retourné.
« Après coup, je me dis que j’aurais dû plus surveiller mon fils et d’autres. En lisant le dossier, je découvre certaines choses, je tombe des nues.»
On pourra toujours reprocher à Lamine Diack d’avoir autant impliqué sa famille dans la gestion de l’instance mondiale d’athlétisme, mais que dire de ce fils qui a perçu la somme de 3,5 millions de dollars du Qatar et qui laisse son père barboter seul dans la mare de la justice française ?
Diack-père se dédouane : « Mon fils était un des meilleurs au monde en matière de marketing ». Il n’y a rien de plus doux à entendre que le discours d’un père qui loue son fils.
PAR Alassane Aliou Fèré MBAYE
L'ANTIPATRIOTISME CONTAGIEUX
L’insensibilité de certains gouvernants africains face au drame qui se déroule sous leurs yeux, en plus de produire la désespérance, engendre un individualisme presque légitime et ce que l’on pourrait appeler l’émiettement de l’effort collectif
Un journaliste africain, blanchi sous le harnais, rencontré quelque part dans le monde, attirait l’attention de son inexpérimenté confrère que je suis sur notre rapport à la patrie. Illustrant son propos d’exemples tirés de son instructif parcours et de son espace de sens, il m’interloque en me disant ceci : « ces gens-là (les Japonais), ils aiment leur pays. Le mien, l’inconduite de certaines autorités publiques m’en ont détourné ».
Impuissant face à la « divinité détestable », pour ainsi nommer le président de la République de son pays, au pouvoir depuis plus de trois décennies, il n’a pas trouvé mieux à faire que d’envoyer son frère et son fils aîné en Europe pour s’y fabriquer un destin moins tragique que celui promis aux jeunes du gangréné bled. En attendant de trouver une porte de sortie à sa fille ! « Ils n’ont aucun avenir ici », assure-t-il, comme pour apporter un soulagement à sa détresse. J’ai même été tenté de croire, un instant, qu’il ne s’agissait-là que de creux propos d’un pourfendeur désenchanté feignant le désespoir pour justifier sa haine de la patrie.
Je fus encore surpris de le voir béer d’étonnement lors d’une discussion à trois avec un ancien volontaire japonais. Celui-ci, ayant alors voulu « être utile à l’humanité », avait pris l’option de vivre, pendant un moment, dans un village africain réputé dangereux à cause des colonies d’insectes. Cette altruiste âme asiatique, qui a quitté son confort pour venir en aide à des populations happées par le sort, fut à son tout éberlué d’entendre le journaliste africain lui avouer : « tu as consenti un sacrifice que moi, originaire de ce patelin, je ne suis pas prêt à accomplir ». Le coupable est tout trouvé : « je ne vais pas me tuer à faire un travail dévolu à un gouvernement apathique. S’occuper de ma famille est déjà une charge écrasante ».
L’insensibilité de certains gouvernants africains face au drame qui se déroule sous leurs yeux, en plus de produire la désespérance, engendre un individualisme presque légitime et ce que l’on pourrait appeler l’émiettement de l’effort collectif. Car, en réalité, celui-ci n’est soutenu que par cet apaisant sentiment que ceux qui président à la destinée du peuple sont motivés par ce désir ardent d’assurer son bien-être. Mais, le plus tragique dans la rupture de ce contrat de confiance et de cet élan de foi est l’altération du rapport à la patrie qui finit par n’être qu’une abstraction comme la cessation de la vie l’est, quelquefois, chez le môme. L’amour de la patrie galvanise, libère l’énergie d’un peuple préparé à répondre aux défis de son temps et de l’avenir. Malheureusement, ce patriotisme ne se manifeste qu’aux heures d’ivresse collective. Notre quotidien n’est point empreint de cette haute conscience de la chose commune parce qu’un ressort s’est cassé depuis belle lurette. Et pour plusieurs raisons. L’une d’elles, au-delà du « formatage des esprits » et de la trajectoire historique, me semble être la relation qu’entretiennent l’administration, en tant que sphère partagée et de prestation de services, ceux qui l’incarnent et le citoyen.
La réalité est que tous les usagers ne jouissent pas des mêmes privilèges selon qu’ils soient d’une obédience ou d’une autre, affiliés à une coterie ou démunis de toute accointance. Le policier qui se mue en racketteur ne fait pas que trahir la mission pour laquelle il est payé. Il est en rupture avec la patrie et la puissance publique finit par inspirer de la répugnance à celui qu’il dépouille en se prévalant de sa fonction viciée par son antipatriotisme. Il en est de même de l’officier d’état civil, du douanier, du ministre de la République, du député…qui, par leurs comportements, sont susceptibles de rompre ou de pervertir le rapport du citoyen à la patrie. C’est pourquoi, le Programme d’appui à la modernisation de l’administration lancé, en août dernier, est une louable initiative mais il ne saurait en résulter une large satisfaction sans une conscience claire de la responsabilité incombant à chacun dans ce combat collectif.
AUDIO
"LE LIVRE NE CIRCULE PAS EN AFRIQUE"
L’écrivain tchadien Sosthène Mbernodji revient sur les difficultés de l'édition et de la distribution des romans africains
Comme dans les autres pays africains au sud du Sahara, les écrivains tchadiens rencontrent eux-aussi des difficultés pour promouvoir leurs œuvres. Ceux-ci déplorent l’absence de politique des pouvoirs publics pour les aider à promouvoir la littérature.
C'est ce que regrette l'écrivain et professeur de français Sosthène Mbernodji qui est aussi animateur de l’émission "Café littéraire" sur la radio FM Liberté à N'Djamena, une station partenaire de la Deutsche Welle. Sosthène Mbernodji est aussi directeur du festival littéraire "le souffle de l’Harmattan" qui aura lieu du 18 au 20 décembre 2019 à N’Djaména.
"BOKO HARAM A BASCULÉ DANS LA CRAPULERIE ET LE GRAND BANDITISME"
Le journaliste Seidik Abba, auteur d’un ouvrage sur la secte islamiste nigériane, a rencontré de nombreux combattants repentis
Le Monde Afrique |
Laureline Savoye |
Publication 17/10/2019
Créée en 2002, Boko Haram a basculé dans la violence armée en 2009 et fait près de 27 000 morts au Cameroun, au Niger, au Nigeria et au Tchad. Peu d’observateurs ont pu pénétrer les rangs de la secte islamiste fondée par le prédicateur nigérian Mohammed Yusuf et rendre compte de son fonctionnement. En décembre 2016, le gouvernement nigérien a lancé l’opération « Repentir contre pardon » : 233 combattants repentis se sont rendus et ont atterri dans la ville de Goudoumaria, située à près de 1 200 km au sud-est de Niamey, où se trouve un centre de déradicalisation, de formation professionnelle et de réinsertion sociale des déserteurs de Boko Haram.
Les volontaires ont accepté de répondre aux questions du journaliste nigérien Seidik Abba. Leurs récits, rassemblés dans un livre, Voyage au cœur de Boko Haram (ed. L’Harmattan, 2019, avec Mahamadou Lawaly Dan Dano), éclairent les profils des combattants, les tactiques de combat, la brutalité exercée par les chefs, l’enfer vécu par les soldats et l’économie de guerre qui permet de financer les actions du mouvement djihadiste.
Quels sont les profils de ces combattants ?
Seidik Abba Ils sont très variés. Certains ont été embrigadés par hasard lors d’attaques de villages, nombreux ont rejoint le groupe terroriste, faute de perspectives dans leur région, voulant fuir la pauvreté et poursuivant le rêve de s’enrichir. Enfin, d’autres ont adhéré à l’islam prôné par la secte mais l’idéologie du début a beaucoup évolué.
Quelle orientation a pris la secte ?
A l’origine, la secte s’était bâtie sur le rejet d’un enseignement de l’islam qu’elle disait perverti par l’occidentalisation. Boko Haram rendait l’éducation occidentale responsable de la mauvaise gouvernance au Nigeria et du climat de corruption. Le discours avait valu une grande adhésion dans les populations reculées et paupérisées. Puis le mouvement a complètement perdu son âme et s’est mis à commettre des exactions contraires aux valeurs islamiques. Boko Haram a basculé dans la crapulerie et le grand banditisme. On nous a rapporté que les combattants de la secte attendaient les fidèles à la sortie de la mosquée pour les égorger. Comment parler de défense de l’islam ? Boko Haram s’est également spécialisée en attaques thématiques : un village est pris d’assaut pour ramener de la nourriture, de l’argent ou encore des médicaments. Cette radicalisation a fait perdre de son prestige à l’organisation.
Les témoignages décrivent une atmosphère de guerre interne, qu’en est-il exactement ?
Il y a une guerre à différents niveaux. Il existe une rivalité sanglante entre les deux ailes : celle plus brutale d’Aboubakar Shekau, retranchée dans la forêt de Sambissa [nord-est du Nigeria], et celle de Habib Yusuf Al-Barnaoui, le fils du fondateur de la secte radicale Boko Haram basée dans le lit du lac Tchad. Cette deuxième aile est plus en lien avec l’Etat islamique (EI), auquel Boko Haram a prêté allégeance en 2015, et soumet régulièrement des décisions au califat. C’est d’ailleurs l’EI qui aurait envoyé l’ordre d’exécuter Maman Nur[bras droit de Habib Yusuf et idéologue de la secte), après que les membres du mouvement l’accusent d’avoir demandé de l’argent à la Croix-Rouge.
Au sein des deux ailes, les chefs de cantonnement et de quartiers s’affrontent régulièrement dans des règlements de comptes très violents.
Cette violence n’épargne pas les combattants ?
Des témoignages prouvent le caractère brutal et la violence inouïe vécus par les combattants. Il suffit d’observer le sort réservé aux morts au combat. Leurs corps sont abandonnés sur place. Les tribunaux organisent des procès expéditifs à l’issue desquels des mains sont amputées à la machette sans aucune anesthésie puis le bras plongé dans de l’huile bouillante. Les recrues sont entraînées au maniement des armes. Chaque balle perdue équivaut à dix coups de fouet… Nous savons aujourd’hui que de nombreux combattants cherchent à s’enfuir, mais ils sont pris en otages. Ceux qui ont tenté de le faire ont été exécutés pour l’exemple. Le programme « Repentir contre pardon » est arrivé à point nommé et il a permis de récupérer 233 repentis en peu de temps. Si l’opération avait été poursuivie, on aurait pu en récupérer des milliers d’autres.
Quel est le sort réservé aux femmes et aux enfants ?
Le mouvement cible particulièrement les femmes et les filles lors des attaques de villages car elles ont une valeur marchande. Elles peuvent être revendues aux combattants qui en ont les moyens ou servent d’appâts aux nouvelles recrues. On les offre comme des « packages de bienvenue ». Celles qui ne sont pas mariées sont « parquées » dans des endroits dédiés et abusées par les combattants. Les plus jeunes sont endoctrinées pour commettre des attentats-suicides sur les marchés.
Qui croit encore au mouvement ?
La plupart des témoignages d’anciens combattants expriment de l’amertume et de la désillusion. Les repentis ont le sentiment qu’on a abusé d’eux. Seuls les chefs aujourd’hui trouvent leur intérêt dans la poursuite du mouvement. Les butins de guerre leur sont rapportés et ils sont chargés de le redistribuer à leur guise aux combattants.
Quelles sont les ressources du mouvement ?
Boko Haram s’autofinance à 90 %. Certains combattants sont affectés à l’agriculture, d’autres à la pêche et leur production est revendue, tout comme le bétail qui est volé. Boko Haram a ses propres banquiers et des commerçants qui versent tous leurs gains à ses chefs. Une économie souterraine s’est développée. La secte travaille avec des fournisseurs pour s’approvisionner en carburant, en pièces détachées pour les voitures, en médicaments et en nourriture. Selon moi, il faut s’attaquer à cette économie de guerre pour affaiblir Boko Haram.
La stratégie menée actuellement est-elle efficace ?
Je ne pense pas qu’on parviendra à les éradiquer avec des chars et des avions. L’ennemi est invisible. Les combattants sont cachés dans la population. Pour moi, il faut dégarnir les effectifs du groupe terroriste en impliquant les chefs traditionnels. Si on ne change pas de stratégie, la secte survivra encore une bonne dizaine d’années.
POURQUOI LES SÉLECTIONS AFRICAINES PRIVILÉGIENT-ELLES L'EUROPE POUR LES MATCHS AMICAUX
Une fois de plus, plusieurs sélections africaines ont choisi la France pour la deuxième date FIFA de la saison. Une démarche justifiée par des critères logistiques, économiques, mais aussi sportifs
Jeune Afrique |
Alexis Billebault |
Publication 17/10/2019
De nombreuses sélections africaines de football ont tendance à privilégier l’Europe, et surtout la France, pour organiser des stages et des matchs amicaux. Une démarche justifiée par des critères logistiques, économiques, mais aussi sportifs.
Pourquoi jouer un Burkina Faso-Gabon à Saint-Leu-la-Forêt, en région parisienne, comme cela a été le cas jeudi 10 octobre ? Une fois de plus, plusieurs sélections africaines ont effectivement choisi la France pour la deuxième date FIFA de la saison, à un mois du coup d’envoi des qualifications de la CAN 2021. L’Algérie, la Guinée, la RD Congo, les Comores, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Togo, le Cap-Vert, le Burkina Faso et la Guinée équatoriale ont ainsi effectué tout ou partie de leur préparation dans l’Hexagone, en profitant pour organiser des matchs amicaux.
D’autres, comme le Maroc, l’Égypte, la Tunisie, le Niger et plusieurs équipes d’Afrique de l’Est (Kenya, Éthiopie, Rwanda) ou d’Afrique australe (Afrique du Sud, Lesotho) ont cependant préféré rester chez elles. Explications.
Limiter les déplacements
La majorité des joueurs évoluent dans les championnats européens ou en Afrique du Nord. Les dates FIFA débutent en général le dimanche soir, pour s’étirer jusqu’au mardi. « Quand vous avez beaucoup d’internationaux qui jouent en Europe, il sera beaucoup plus facile de les réunir rapidement à Paris plutôt qu’à Libreville ou Yaoundé, explique à Jeune AfriquePatrice Neveu, le sélectionneur des Panthères gabonaises – dont l’équipe a affronté le Burkina Faso en Île-de-France (1-0, le 10 octobre), puis le Maroc à Tanger (3-2, le 15 octobre). Un joueur qui évolue par exemple à Moscou ou à Athènes se rendra facilement en France. Il n’aura pas à subir deux ou trois escales pour arriver en Afrique. Comme les rassemblements sont assez courts, cela nous permet de travailler de manière efficace. Car quand vous organisez un stage en Afrique, les joueurs arrivent en ordre dispersé, en raison des problèmes liés à des questions de transport. »
Les fédérations ont pris l’habitude de confier à des agents agrées par la FIFA l’organisation des stages et la planification de matchs amicaux. « Quand il y a plusieurs sélections africaines présentes dans un périmètre proche, il est plus facile de leur proposer des adversaires, justifie Youssef Haijoub, directeur de McSport et agent de matchs certifié. Il n’est pas toujours aisé d’organiser des matchs en Afrique entre deux sélections du continent, le plus souvent en raison des liaisons aériennes qui n’existent pas entre certains pays. Et c’est encore plus délicat de faire venir des sélections européennes ou sud-américaines. […] L’avantage de se préparer en Europe est avant tout de limiter les déplacements et donc la fatigue des joueurs. »
Moins de fatigue et de risque de blessures
Les entraîneurs des clubs européens voient plutôt d’un bon œil les sélections africaines se préparer sur le Vieux Continent. C’est le cas de Stéphane Jobard, le coach de Dijon (Ligue 1), qui compte dans son effectif neuf internationaux africains (le Sénégalais Gomis, les Marocains Aguerd, Mendyl et Chafik, le Congolais Muzinga, les Gabonais Ndong et Ecuele Manga, le Cap-verdien Tavares et le Bissau-guinéen Baldé).
« Ils partent moins loin, reviennent plus vite et moins fatigués. Je me rappelle que Tavares, pour revenir du Lesotho, avait voyagé 48 heures, dans des vols à bas-coût, alors que Dijon avait un match de championnat trois jours plus tard », se souvient l’entraîneur.
Ces déplacements moins longs favorisent également les bonnes relations entre les clubs et les sélections. « Il est évident qu’un coach sera moins inquiet s’il sait que son international ivoirien va jouer un match à Paris plutôt qu’à Abidjan, car il va le récupérer plus vite, moins fatigué et moins impacté par les conditions climatiques. On sait aussi que les terrains, en Afrique, ne sont pas toujours en bon état, ce qui augmente le risque de blessures », ajoute Stéphane Jobard.
Revers de la médaille : les longs déplacements en Afrique pour des matchs amicaux s’accompagnent régulièrement de nombreux désistements. Ainsi, le Mali a enregistré une dizaine de forfaits avant le match perdu le 13 octobre en Afrique du Sud (1-2).
Une facture moins élevée
Quand les internationaux doivent rejoindre leur sélection, les frais de déplacement sont entièrement à la charge de la fédération, et donc de l’État quand cette dernière dépend à 100 % des finances publiques, comme cela est souvent le cas en Afrique. « Le prix des billets d’avion pour rejoindre l’Afrique peut se révéler très coûteux. Avec des stages en France, la facture est forcément moins élevée. L’économie se retrouve surtout à ce niveau, étaye Joe Kamga, directeur de la société OneGoalPro, basée à Bruxelles et qui organise des matchs et des stages. Ce sont surtout celles qui ont une grande majorité de joueurs évoluant en Europe qui choisiront le Vieux Continent. L’autre avantage, c’est d’avoir un choix relativement large au niveau des installations hôtelières et des terrains d’entraînement. »
Les agents de matchs peuvent facilement négocier des tarifs auprès des établissements hôteliers, en réservant des séjours (chambres, repas) de plusieurs jours pour des délégations d’environ trente personnes. « Je vais vous prendre un exemple précis, confie à Jeune AfriqueAugustin Senghor, le président de la Fédération sénégalaise de Football (FSF). Quand on fait un stage à Dakar, il faut payer les frais de transport des 23 joueurs, auxquels il faut ajouter les frais des membres du staff technique qui vivent en France. Au total, on atteint environ 90 000 euros. Si on se rassemble à Paris, on divise la facture par trois. On a l’habitude d’aller dans un hôtel à Roissy. Certes, c’est un peu plus cher qu’à Dakar – autour de 10 % – mais on reste tout de même gagnants en étant en France », explique le dirigeant.
« Frustrant » pour les supporteurs locaux
Les supporteurs ivoiriens, camerounais ou sénégalais, doivent de plus en plus fréquemment se contenter des matchs qualificatifs pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) ou la Coupe du monde pour voir de près les joueurs. Inversement, ce sont ceux de la diaspora installés en France et dans des pays limitrophes qui se voient offrir la possibilité d’assister à des matchs amicaux, lesquels sont le plus souvent retransmis sur les chaînes nationales.
« Cela compense en partie, admet Hervé, un supporteur des Éléphants basé à Abidjan. C’est évidemment frustrant, car dans l’année, on va peut-être voir deux ou trois fois grand maximum la sélection à domicile. C’est peu, mais je peux comprendre aussi que ce soit plus facile d’organiser des amicaux en Europe. Pour les supporteurs, c’est très important de voir nos joueurs, et pas seulement lors d’un match. C’est un peu une tradition d’essayer d’aller les voir à leur hôtel, de les approcher », s’amuse-t-il.
Les fédérations cherchent toutefois à préserver les joueurs des sollicitations extérieures, et les stages en Europe facilitent cette démarche. « Quand les sélections sont en Afrique, il est beaucoup plus difficile de contrôler les choses, admet un ancien international africain. Les joueurs sont très sollicités par les familles, les amis. Et certains ont parfois tendance à prendre des libertés avec le règlement de la sélection pour aller voir leurs proches. Quand vous avez six ou sept jours pour travailler, ce n’est pas idéal. »
PAR MOUBARACK LO
LE MAGAL, MOTEUR DU DÉVELOPPEMENT DE TOUBA
Une étude, menée sous ma direction en 2011-2012, à la demande du Comité d’organisation a permis de faire plusieurs constats : le Magal possède un caractère multidimensionnel
Une étude, menée sous ma direction, en 2011-2012, à la demande du Comité d’organisation du Magal de Touba, a permis de faire plusieurs constats : Le Magal possède un caractère multidimensionnel.
L’étude a identifié sept dimensions pour le Magal : (i) une dimension spirituelle, une dimension festive et sociale, (iii) une dimension socioculturelle, (iv) une dimension économique, (v) une dimension infrastructurelle, (vi) une dimension éducative, (viii) une dimension internationale et diplomatique.
Les chiffres du magal
Le Magal mobilise, pendant deux jours et demi, plus de 4 millions de personnes. Le comptage des véhicules entrées à Touba lors du Magal (dont le nombre total, y compris les rotations, est estimé à 110.000 véhicules) a permis d’approximer le total de participants au Magal de 2012, à 3 millions 90 mille personnes, y compris les habitants de Touba et Mbacké. Cette enquête renouvelée en 2017 a permis d’estimer le nombre de participants à 4,12 millions de personnes. Ceci donne du sens à la décision du Président Wade, confirmée par le Président Sall, de faire du Magal un jour férié, comme promue par moi-même auprès du Président Wade.
L’âge moyen des participants adolescents et adultes (plus de 15 ans) au Magal se situe autour de 32 ans. Et 84% des pèlerins de 2017 avaient déjà participé plus de trois fois au Magal. Près de deux pèlerins sur trois entrent à Touba par les portes de Mbacké et de Ngabou, et 29% d’entre eux passent par Darou Mouhty. 59% des pèlerins sont des hommes, contre 41% de femmes.
A court terme, le Magal génère une augmentation du volume d’activité de plusieurs secteurs économiques nationaux et un apport de richesses dans le tissu économique local. Les résultats des enquêtes menées à Touba montrent que le Magal entraîne des changements importants dans les dépenses des participants à l’événement. En moyenne, le ménage type qui participe au Magal consomme, pour chacun des trois jours de l’événement, l’équivalent de 45.000 F CFA par jour, soit quinze fois plus que la dépense journalière, en temps normal, d’un ménage moyen sénégalais. L’alimentation constitue un élément essentiel dans le budget des ménages à Touba durant le Magal (plus de deux tiers du budget utilisé par les ménages enquêtés y sont consacrés). L’habitude des achats des ménages durant le Magal est caractérisée par la forte présence de la viande (plus de 47% des dépenses alimentaires) (viande de bœufs, chameaux, moutons, chèvres, poulets). D’autres postes de dépenses liés à l’alimentation sortent par leur importance, comme les jus de fruits, sodas et eaux (près de 13% des dépenses alimentaires), le riz et les autres céréales (un peu plus de 11%, le sucre (5%), les produits d’assaisonnement (4,5%), les huiles végétales (4% environ), les produits laitiers et de pâtisserie (4% environ). Le deuxième poste de dépenses concerne les matériels de services (25% des dépenses des ménages), suivi des transports et équipements (8%).
A long terme, le Magal favorise le développement et la modernisation de la ville de Touba. Dans un souci d’anticiper les besoins futurs des pèlerins dans leur diversité, plusieurs travaux ont été réalisés au cours de ces dernières décennies ou sont en cours de réalisation à Touba : constructions de routes, électrification, construction de la seconde résidence Khadîm Rassoul, rénovation de la Grande Mosquée, réhabilitation des forages, construction de centres de santé, renforcement de la disponibilité en eau, etc,.
Modernisation de Touba
Grâce au Magal, la ville de Touba se modernise donc, ce qui a donné naissance à une nouvelle grande ville qui s’impose de manière inattendue dans le paysage urbain sénégalais et suscite de nouveaux enjeux. Au regard de ces constats, plusieurs recommandations ont pu être formulées, visant à renforcer le rôle moteur du Magal dans le développement de Touba.
Au niveau économique : Développer la production agro-pastorale autour de Touba, y compris à travers la promotion de la petite irrigation, en tenant compte des besoins en viande, en céréales et en fruits et légumes exprimes par les ménages lors du Magal .
2. Promouvoir la création d’industries et de micro-industries autour de Touba, en se fondant sur les besoins des ménages lors du Magal, en mettant en place une Zone économique spéciale autour de Touba.
3. Promouvoir, à travers une campagne de communication, la consommation des produits locaux par les ménages lors du Magal (jus locaux, céréales locales, etc.)
4. Promouvoir le tourisme religieux en tenant compte de la culture locale : promotion de la restauration rapide, des boutiques d’art mouride (Makhtoumé, Baye Lahad, Souhaibou, babouches,…)
5. Créer, sur l’initiative du Khalife général des Mourides, un Holding « Touba Corporation », qui initierait des projets industriels, agricoles et commerciaux et y prendrait des parts.
6. Mettre en place un réseau de Micro-finance islamique inspirée de la doctrine mouride.
7. Mettre en place, toute l’année et durant le Magal, à Touba et partout au Sénégal, un réseau de commerce solidaire bâti sur les valeurs du mouridisme.
8. Mettre en place des instituts de formation professionnelle à Touba. Au niveau de l’aménagement global de Touba.
9. Mettre en place une Délégation spéciale chargée de l’Organisation des Grands événements religieux au Sénégal, du type du Magal. En effet, tandis que la Mecque qui attire pratiquement le même nombre de pèlerins que le Magal a déjà défini sa ligne de sécurité, Touba n’a pas encore toutes les infrastructures pour prendre en charge les évènements religieux.
10. Intégrer dans les schémas directeurs et plans de développement de la ville sainte les nombreuses fonctions de la ville : religieuse, universitaire, pèlerinage.
11. Mettre en place une Agence nationale chargée de l’aménagement et de gestion de Touba métropolitaine
12. Régler, définitivement et de manière efficace, les questions liées à l’alimentation en eau et l’assainissement de la ville de Touba. Concernant l’eau, des équipements d’osmose inverse d’une capacité de 50.000 litres par heure permettraient de fournir une eau salée à toute la population de Touba. A moyen terme, une solution de transfert d’eau pourra être établie.
13. Renforcer l’éclairage public de Touba
14. Mettre en place, progressivement, des Autoroutes à quatre voies : Thiès-Touba (déjà réalisée), Kaolack-Touba et Kébémer –Touba ; Au niveau de l’organisation pratique du Magal
15. Mieux faciliter le séjour des pèlerins à travers un meilleur accueil et une bonne organisation
16. Assurer une meilleure organisation de la circulation et de la sécurité dans Touba, durant le Magal, pour mieux lutter contre les vols et la congestion des routes
17. Maitriser l’inflation dans le secteur du transport, à travers une meilleure régulation du secteur
18. Renforcer et moderniser les capacités du transport ferroviaire vers Touba lors du Magal (augmentation des wagons et des rotations)
19. Renforcer la couverture médicale de qualité et mieux sensibiliser les participants au Magal sur l’hygiène
20. Multiplier les toilettes publiques dans toute la Ville de Touba, durant le Magal
21. Assurer une meilleure organisation du commerce (cantines, vendeurs à la sauvette) lors du Magal
22. Veiller à un bon aménagement des Foirails de Touba, en les dotant de toutes les commodités (eau potable, toilettes, éclairage, arrosage pour éviter la poussière, poste de sécurité fixe, ;etc.)
23. Instaurer un endroit commun où les « kurels » des différents Dahiras peuvent faire des prestations
24. Veiller à la propreté de la ville après le Magal.
25. Au niveau éducatif, mettre en place des instituts et écoles de formation professionnelles et techniques, y compris pour les sortants des daaras. Au niveau culturel
26. Mieux mettre en valeur, dans les medias (notamment les télévisions), le rôle du Magal comme vitrine pour promouvoir les bons comportements, l’entraide et le culte du travail chez les populations
27. En dehors du Magal, organiser des expositions itinérantes, au Sénégal et à l’étranger, sur l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba et de ses descendants, et créer un film DVD, sur la base de l’exposition culturelle faite lors du Magal.
LE NJAXAS BAYE FALL EN VOGUE CHEZ LES JEUNES PÈLERINS À TOUBA
Cette tenue emblématique des disciples mourides ayant prêté allégeance à Cheikh Ibra Fall, lui-même disciple de Cheikh Ahmadou Bamba est aujourd’hui largement revisité par les jeunes pèlerins, à l’occasion de la 125e édition du Grand Magal
Le ‘’njaxas’’, tenue emblématique des ‘’baye fall’’, les disciples mourides ayant prêté allégeance à Cheikh Ibra Fall, lui-même disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme, est aujourd’hui largement revisité par les jeunes pèlerins, à l’occasion de la 125e édition du Grand Magal de Touba.
Dans la capitale du mouridisme envahie par de nombreux pèlerins venus des quatre coins du Sénégal et du monde, ils ne passent guère inaperçus. Ces ‘’Baye Fall’’, qui sont pour la plupart des jeunes, ont tenu ainsi à pas être en reste pour la commémoration du départ en exil en 1895, au Gabon, de Cheikh Ahmadou Bamba, pour s’être opposé pacifiquement à l’occupation coloniale. Toujours fidèles à leur code vestimentaire, ils se sont habillés en tenue traditionnelle Baye Fall, ces tissus en patchwork dont ils ne se séparent presque jamais.
A la veille de cette grande manifestation religieuse célébrée ce jeudi, ces milliers de jeunes qui ont déjà pris d’assaut cette ville sainte située à quelque 200 km de Dakar, ont ainsi comme qui dirait rivalisé d’ardeur pour troquer les vêtements de grande marque, habituellement prisés, contre le boubou ‘’Baye Fall’’.
Mais ils ont pour cela, ajouté une touche de modernité en repoussant les limites du code vestimentaire du mouvement fondé par Cheikh Ibra Fall, qui se limitait uniquement aux boubous et toges vestimentaires auxquels sont assortis la ceinture autour de la taille ainsi que des bracelets et amulettes.
Chemises, blousons, djellabas, sarouels, costume africain et couvre-chef, sont entre autres les nouvelles tendances chez de nombreux jeunes pèlerins, croisés sur les grandes artères de Touba, rythmées par les déplacements des milliers de pèlerins qui convergent vers la grande mosquée de Touba.
Rencontré au quartier Darou Marnane, situé à quelques encablures de ce grande édifice religieux aux sept minarets, Vieux Diack, la vingtaine, habillé en pantalon chemise ndjaxas explique qu’‘’un mouride doit se reconnaître dès le premier regard, par son accoutrement’’.
‘’C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de porter le +njaxas Baye Fall+, une tenue typiquement mouride pour montrer mon appartenance […]’’, lance ce pèlerin originaire de la ville de Thiès, les deux mains fièrement serrées autour de la ceinture de taille, un accessoire qu’il dit avoir acheté à Touba.
Amy Ciss, qui a elle revêtu une taille basse en patchwork, explique que la tendance actuelle est en grande partie liée à la commercialisation d’un nouveau tissu wax produit au Sénégal.
Il s’agit d’un tissu en coton sur fond noir, patché de quadrilatères en couleurs, épousant fidèlement les motifs ‘’njaxas’’.
Ce tissu, vendu à mille francs le mètre, fait en cette période du Magal, les affaires des vendeurs de tissus, surtout ceux de Touba.
‘’Ici, on rend grâce à Dieu car le wax +njaxas+ se vend comme de petits pains au point que certains d’entre nous sont confrontés à une rupture de stocks’’, confie Nogaye Samb, une vendeuse de tissus rencontrée au marché Touba Darou Marnane.
Elle indique que sa clientèle est en grande partie constituée de jeunes, garçons comme filles. L’engouement pour ce tissu s’explique, selon elle, par son prix accessible. Il y a aussi qu’il s’adapte à tous les styles, ajoute-t-elle.
‘’Avant, pour confectionner une tenue Baye Fall, il nous fallait collecter plusieurs morceaux de tissus et faire preuve d’imagination et de créativité pour les assembler ensuite’’, rappelle quant à lui Lamine Ndiaye, un tailleur de profession.
Habillés en t-shirt et ‘’saroul njaxas’’, Daniel Rodriguez Calvo et Maider Kuadra, deux touristes rencontrés aux abords de la Grande Mosquée, soutiennent que la confection de ce genre de tissu pourrait rendre la tenue Baye Fall plus universelle. Cela pourrait ainsi favoriser l’essor de l’industrie textile nationale, estiment-ils.
Mais pour ces stylistes designers espagnols venus étudier la mode sénégalaise, ‘’cette expansion pour être effective et porter ses fruits, devra toujours refléter l’âme et le symbolique, à l’origine du njaxas’’.
L'ÉDUCATION DEVIENT UNE PRIORITÉ POUR LES MOURIDES
Un complexe universitaire est en chantier à Touba. Après la construction de la mosquée Massalikoul-Jinane de Dakar en septembre, c’est la prochaine étape d’une politique de grands travaux
Au Sénégal, ce jeudi 17 octobre est un jour férié, pour célébrer le Grand Magal de Touba, la fête religieuse la plus importante pour les Mourides, qui commémore le départ en exil du fondateur de la confrérie, Cheikh Amadou Bamba. La décision d’en faire un jour férié remonte à 2012, sous la présidence d’Abdoulaye Wade.
Signe de son influence politique, mais aussi économique grandissante, l’éducation devient une priorité pour la confrérie religieuse mouride : un complexe universitaire est en chantier à Touba, ville sainte des Mourides, à 200 km à l’est de Dakar. Après la construction de la mosquée Massalikoul-Jinane de Dakar en septembre, c’est la prochaine étape d’une politique de grands travaux.
Trois bâtiments
Trois bâtiments sont en train de sortir de terre, après la pose de la première pierre en décembre 2018. Ce projet, c’est un souhait du fondateur de la confrérie Mouride, selon le professeur Mor Faye, membre de la commission enseignement supérieur : « C’est un projet très ancien qui tient à cœur à Cheikh Ahmadou Bamba qui est de construire à Touba un centre académique de rayonnement mondial. »
Sur un site de trente hectares, le complexe devrait comprendre à terme un pôle d’enseignement islamique, des facultés de technologies et sciences agronomiques, une mosquée, une bibliothèque, ou encore un planétarium pour un budget estimé à 37 milliards de francs CFA (plus de 56 millions d’euros), entièrement financé par les contributions des fidèles. Same Bousso, membre du comité de pilotage : « Le disciple le moins nanti peut mettre une pièce en guise de contribution, en nature, en fer, en ciment, en béton. Chacun donne ce qu’il a. »
Financement indépendant de l'État
Un financement indépendant de l’État et un programme éducatif propre : la confrérie revendique son autonomie. Et même si le mouridisme est très spécifique au Sénégal, l’université vise des étudiants étrangers. Une manière aussi de faire face à l’islam radical pour le professeur Mor Faye : « L’éducation est forcément un rempart face aux dérives qu’on constate aujourd’hui. »
À terme, l’université compte accueillir 10 000 étudiants et elle a lancé son opération de communication : une exposition est dédiée au projet à deux pas de la Grande Mosquée.
CONDÉ A-T-IL TRAHI LES DÉMOCRATES AFRICAINS ?
"On s’attendait à ce que lui qui a connu les affres de la dictature, ne le fasse pas. Il est arrivé au pouvoir relativement âgé et Il a dû composer avec le système qu’il a trouvé en place et ce système a fait de lui quelqu’un d’autre"
DW Afrique |
Georges Ibrahim Tounkara |
Publication 17/10/2019
Alpha Condé, dont le deuxième mandat s'achève en octobre 2020, a souvent contesté la pertinence de la limitation du nombre de mandats en Afrique - deux maximum en Guinée. Début septembre, il a chargé son Premier ministre de conduire des consultations sur une possible révision de la Constitution, qui ont été boycottées par les principaux partis d'opposition. Le pays est sous tension.
Alpha Condé est l’opposant historique aux différents pouvoirs qui se sont succédé en Guinée depuis l’indépendance en 1958. L’opposant à Sékou Touré, à Lansana Conté et à Moussa Dadis Camara.
Il a connu l’exil et la prison dans son combat pour une Guinée libre et démocratique. En 2010, quand Alpha Condé accède au pouvoir, les Guinéens espèrent qu'il sera l'homme du renouveau.
Aujourd’hui, avec le débat en cours, l’opposant historique devenu président, trahit les idéaux pour lesquels il s'est battu. C’est du moins ce qu’affirme Boubacar Sanso Barry, éditorialiste au Djély.com : "C’est certainement une trahison. On s’attendait à ce que lui qui a connu les affres de la dictature, qui les a subis, ne le fasse pas. Il est arrivé au pouvoir relativement âgé et Il a dû composer avec le système qu’il a trouvé en place et ce système a fait de lui quelqu’un d’autre."
Alpha Condé comme d'autres présidents
Mathias Hounkpe est politologue et administrateur du programme de gouvernance politique à l’Open society initiative for west Africa (OSIWA). Pour lui, Alpha Condé est en train de détruire l’estime que de nombreux Africains avaient encore pour lui : "Alpha Condé fait partie pour nous de ceux qui ont combattu pendant des décennies pour la démocratie et les droits de l’homme dans nos pays. Et cela nous fait mal de voir que par son silence, il contribue à jeter une sorte d’opprobre sur cet héritage qu’on voudrait bien garder de lui."
Pour Gilles Yabi, analyste politique et président du groupe de réflexion WATHI, Alpha Condé prouve qu’il n’est pas différent de la plupart de ses homologues en Afrique : "Ce ne serait pas la première fois qu’on aurait sur le continent une personnalité qui aurait pris des engagements sur la démocratie et les droits de l’homme et qui à l’exercice du pouvoir, aura montré des variations par rapport à ces principes. A l’exercice du pouvoir, on a vu un Alpha Condé avec un mode de gestion assez autoritaire et des pratiques politiques qu’on a connues auparavant et qu’il dénonçait."
Le président guinéen pourrait s’exprimer dans les jours qui viennent en réponse aux manifestations qui secouent le pays et ont fait au moins six morts.