A la sortie de la réunion de la zone Franc, le 11 octobre 2019 à Paris, l’on en sait un peu plus sur les modalités pratiques provisoires de la future monnaie unique ouest-africaine
Financial Afrik |
Daniel Djagoué |
Publication 14/10/2019
A la sortie de la réunion de la zone Franc, le 11 octobre 2019 à Paris, l’on connaît un peu plus sur les modalités pratiques provisoires de la monnaie Eco. Des 15 pays de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), seuls 8 remplissent les critères de convergence fixés par les Etats membres. Il s’agit des pays de l’Union économique et monétaire Ouest-Africaine comme a eu à le rappeler le ministre béninois des Finances, Romuald Wadagni, par ailleurs président du conseil des ministres de l’UEMOA, qui s’est exprimé à la suite de son homologue français, Bruno le Maire, pour qui c’est aux Etats africains membres de “prendre l’initiative” sur les réformes de la zone Franc.
Dans son propos, l’argentier béninois a précisé que les pays membres ont pris leurs initiatives… “Nous sommes engagés depuis plusieurs années sur un programme de monnaie unique au sein de la CEDEAO. Les pays de l’UEMOA agissant en bloc se sont dits prêts à basculer dans la monnaie unique en 2020”.
Dans cette approche graduelle, les paramètres techniques et, notamment, les questions de taux de change resteraient identiques. Autrement dit, “l’Eco évoluera dans un premier temps sur la base d’un régime de change fixe”, a précisé le ministre.
L’approche graduelle ne remet pas en cause les caractéristiques de l’Eco définies sur un régime de change flexible. “Mais tant que l’ensemble des 15 pays de la CEDEAO ne seront pas tous prêts, ces paramètres techniques ne seront pas applicables”, a encore ajouté le ministre en pesant ses mots et en rappelant à plusieurs reprises que le régime de l’eco est à terme flexible.
En clair, la monnaie unique de la CEDEAO qui sera gérée par une banque centrale fédérale sera, tout comme c’est actuellement le cas avec le Franc CFA, indexée provisoirement sur l’euro le temps que les autres pays (à savoir le Nigeria, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée et la Gambie), rejoignent le projet commun. “L’Eco sera une monnaie flexible ainsi que l’ont défini les chefs d’Etat de la CEDEAO”, assure Romuald Wadagni. Le Franc CFA (XOF) semble vivre ses derniers jours.
"L'AFRIQUE N'EST UN PRIX À GAGNER OU À PERDRE POUR AUCUNE PUISSANCE ÉTRANGÈRE"
Samedi dernier, à l’occasion de la World Policy Conference qui s’est tenue à Marrakech (Maroc), Kagame a prononcé un discours fort, appelant ses pairs africains à prendre leurs « responsabilités »
Pour le président rwandais, Paul Kagame (photo), l’Afrique ne doit plus être considérée comme la récompense d’une lutte d’influence entre les puissances étrangères. Samedi dernier, à l’occasion de la World Policy Conference qui s’est tenue à Marrakech (Maroc), le dirigeant a prononcé un discours fort, appelant ses pairs africains à prendre leurs « responsabilités ».
« L'Afrique n'est le prix à gagner ou à perdre pour personne. Pas du tout. Il est de notre responsabilité, en tant qu'Africains, de prendre en charge nos propres intérêts et de développer notre continent à son plein potentiel. En fait, cela a toujours été le principal problème. Nous attendons depuis bien trop longtemps, en fait depuis des siècles », a-t-il déclaré.
Cette déclaration fait écho à un contexte africain marqué par la multiplication d’annonces d’investissements, ces dernières années, par la Chine et par les autres puissances économiques mondiales telles que la France, le Japon, les Etats-Unis ou la Russie. Pour justifier leurs nouveaux investissements, ces dernières soulignent souvent leur intention de « rattraper un retard par rapport à la concurrence chinoise », ou de« contrer l’influence de Pékin » sur un continent prévu pour connaître, selon la majorité des analystes, un véritable décollage économique au cours des prochaines années.
Relevant que le commerce contribue grandement à la performance de l’économie de chaque pays, M. Kagame a indiqué que la recherche d’un avantage comparatif conduit généralement à des gains en termes de compétitivité et de richesses. C'est pourquoi, ajoute-t-il, « il est si important pour l'Afrique de s'unir en tant que région. Les obstacles internes aux voyages et au commerce en Afrique continuent de diminuer, bien qu'il reste encore beaucoup à faire ».
Par ailleurs, le chef de l’Etat rwandais a montré le contraste entre les tendances commerciales à l’échelle mondiale et celles qui ont actuellement cours sur le continent africain. D’après lui, les intentions protectionnistes affichées par plusieurs puissances économiques, telles que les USA ou le Royaume-Uni, ne sont pas partagées par les pays du continent noir. Un contraste qui s’exprime par le récent lancement de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), mais également par d’autres projets comme celui de la revitalisation du Fonds pour la paix de l'Union africaine.
« Les barrières s'élèvent, la confiance disparaît. Si je puis me permettre de généraliser, ce pessimisme ne résonne pas en Afrique. Il y a une détermination à vivre une vie meilleure pour nous-mêmes », a déclaré Paul Kagame, saluant les progrès réalisés par les pays africains dans les domaines de la santé, de la connectivité, de la gouvernance et des revenus.
PAR Thierno Alassane Sall
32 ANS APRÈS L'ASSASSINAT DE SANKARA, LES MÊMES DÉMONS HANTENT LES PALAIS AFRICAINS
A Dakar, un vieil ancien président et son successeur soldent leurs comptes personnels pour mieux asservir un peuple qui n'en peut plus de chômage, de misère et de corruption après deux décennies de prédation de la "famille" libérale
Vivant, il était l'idôle de la jeunesse africaine. Assassiné, il fut consacré mythe vivant.
Sa vie ressemble à celle des personnages des livres saints, avec une tragédie christique: il avait vu venir la trahison et la mort, il a préféré la subir que d'entrainer son peuple dans un conflit dont il pourrait ne pas se relever.
Sankara fut donc martyrisé en plein jour, avec ses compagnons d'infortune. Il leur avait pourtant dit: "ne vous en mêlez pas, c'est moi qu'ils veulent".
Ils, c'était Ligani, Zongo, Diembéré et surtout Compaoré. Les deux premiers n'ont pas eu un sort plus glorieux que celui de Judas ou de Brutus. Ils furent abattus comme du gibier par les deux autres comparses désormais addicts au sang.
Salués par toutes les puissances d'Afrique ou d'ailleurs comme un rectificateur ou un refondateur, Compaoré fit du Burkina Faso l'Etat-major des guerres sales de la sous-région: Le Libéria et ses atrocités innommables, la Sierra Leone et sa litanie de mains coupées et, plus incroyable encore, la puissante et opulente Côte d'Ivoire. Houphouët et les autres avaient semé le vent en conspirant contre Sankara, la tempête balaye l'Afrique de l’Ouest depuis. La Guinée y échappa de peu, disposant d'une armée solide même commandée par l'impotent Lansana Conté mais surtout parce que c'est une Terre de refus. L'illusion d'un Compaoré faiseur de paix tint le temps d'une rose. Le parrain avait introduit les rebelles dans la forteresse qui trouvaient gites et couverts à Ouagadougou, devenue un marché d'otages. Mais il y a un temps pour la tromperie et un temps pour payer l'addition : le Burkina Faso est victime à son tour des guerres que Compaoré exportait dans la sous-région.
Compaoré se terre à Abidjan où il ne compte pas que des amis pour y avoir attisé et entretenu une rébellion. Ses jours sont meublés de prévisions sombres sur un futur insondable, ses nuits hantées des fantômes des Norbert Zongo, des Thomas Sankara.
Sankara lui est entré dans la Légende : comme ces personnages plus grands que nature, il a fait de la Haute Volta, un pays pauvre presqu'inconnu, le Burkina Faso, la Mecque des jeunesses africaines de l'époque. Il a fait de simples bandes de coton le Faso Danfani que le Président Kaboré arbore fièrement au G7. Il a mis en mouvement un peuple qui a pris son destin en main, se construisant son chemin de fer, se creusant des lacs artificiels... Tel Moïse guidant son peuple de forçats pour en faire une Nation biblique.
32 ans presque jour pour jour après la disparition de Sankara le 15 octobre 1987, les mêmes démons hantent les palais africains. A Dakar, un vieil ancien président et son successeur soldent leurs comptes personnels pour mieux asservir un peuple qui n'en peut plus de chômage, de misère et de corruption après deux décennies de prédation de la "famille" libérale. Ils font COSA NOSTRA pour transformer l'or noir du Sénégal en rente pour quelques initiés et malédiction pour le reste.
En Guinée, le président Condé se pose en Alpha et Oméga d'un peuple qui a tout connu : le tragique avec Sékou "Boiro" Touré, le burlesque mortifère avec Daddis "show" Camara. A Conakry, la litanie sans fin des morts après chaque manifestation se poursuit face à la perspective d'un troisième mandat de Condé. L'Afrique semble un bâteau ivre.
Mais tant qu' il y aura des Sankara...
par Biram Senghor
LETTRE OUVERTE AUX PRÉSIDENTS FRANÇAIS ET SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est urgent d'honorer la mémoire des Tirailleurs. Il faut offrir à chacun d'eux une sépulture décente et leur attribuer la mention « Mort pour la France ». Il faut restituer à leurs ayants-droit les soldes et indemnités spoliées
Fils de feu M'Bap Senghor, Tirailleur sénégalais tué par l'armée coloniale française le 1er décembre 1944 à Thiaroye (Sénégal), je me suis résolu à vous adresser cette lettre ouverte après avoir, depuis les années 70, demandé des explications à l’État français sur les circonstances de la mort de mon père. Sous la présidence de François Mitterrand, le chef de Cabinet du ministre de la Défense, Charles Hernu, s'est ému de ma situation sans pouvoir m'apporter d'explication. Depuis 2015, je n'ai pas reçu le moindre retour à mes courriers au ministère de la Défense puis des Armées me contraignant à saisir la justice alors que le mensonge d’État a été mis au jour par des recherches historiques.
Le 1er décembre 2019, où et comment allons-nous commémorer le 75ème anniversaire de la mort violente de mon père à Thiaroye ? Lors du 70ème anniversaire, le président Hollande, devant les tombes anonymes du cimetière militaire de Thiaroye, a reconnu non pas le massacre mais uniquement que les ex-prisonniers de guerre, dont un certain nombre avaient rejoint la Résistance après leur évasion des Frontstalags situés en France, devant être démobilisés à la caserne de Thiaroye, n'avaient pas perçu leur dû et que les armes des militaires français s'étaient retournées contre eux. Il s'agissait d'automitrailleuses et non des fusils des tirailleurs du service d'ordre. Alors que l'État français a fait croire durant 70 ans que les victimes étaient enterrées dans les tombes anonymes, en 2014, le président de la République a contredit le chiffre officiel de 35 tirailleurs morts en annonçant au moins 70 victimes et que l'endroit de leur sépulture demeurait mystérieux.
Les archives consultables, reflets du récit officiel mensonger, ont été remises au Sénégal sous forme numérisée en novembre 2014, mais ne sont toujours pas mises à disposition ni des autres États africains issus du démantèlement des ex AOF et AEF pourtant copropriétaires de ces archives, ni des historiens et autres chercheurs africains ou étrangers, et encore moins des populations du continent et de sa diaspora !
Si la France a une part d'Afrique en elle, elle doit alors aider le Sénégal à exhumer les corps de sans doute plus de 300 victimes dont des blessés achevés à l'hôpital principal de Dakar. Les autorités françaises ont fait croire que 400 des plus de 1600 rapatriés qui avaient quitté la métropole le 5 novembre 1944 n'avaient pas embarqué à l'escale de Casablanca pour diminuer leur nombre et camoufler le réel bilan des victimes du massacre.
Cette indispensable exhumation permettra de nous approcher de la vérité et de décharger la mémoire des morts par l'aboutissement du procès en révision de ceux condamnés pour un crime qu'ils n'ont pas commis : il n'y a jamais eu de rébellion armée au camp de Thiaroye, mais bien un massacre prémédité d'hommes libres qui ne réclamaient que leurs justes droits. C'est ce crime de masse que l'État français a voulu dissimuler.
Ils ont tous été spoliés de leur solde de captivité et de leur prime de démobilisation restées depuis dans les caisses de l'État français qui a fait croire que les rapatriés avaient perçu l'intégralité de leurs soldes. Les réclamations étaient légitimes.
Aucun État ne peut laisser ses propres soldats, ceux qui se sont battus pour que la France reste un pays libre, dans des fosses communes. Thiaroye, plus qu'une dette de sang, est une dette du déshonneur, une ignominie qu'il est plus que temps de laver en tournant le dos au mensonge d’État.
Le 4 octobre 2019, le Conseil d’État a rejeté ma requête demandant à voir le motif caviardé d'une sanction infligée à un officier particulièrement compromis dans le massacre et amnistié. Ce n'est pas un argument juridique qui m'est opposé mais un simple obstacle matériel. Le motif ne peut pas, en effet, être effacé par une amnistie afin de respecter les droits des tiers victimes, mais les magistrats ont estimé : « En l’absence d’obligation pour l’administration d’établir un nouveau document, en procédant à la suppression des occultations qui y ont été portées, afin de répondre à une demande de communication d’archives publiques, le ministre de la défense a pu légalement refuser de faire droit à la demande de M. Senghor » alors que les progrès techniques permettent de voir le motif sans altérer le document. Cet arrêt du Conseil d’État m'éloigne davantage de la vérité et de la justice. La saisine de la Commission des Droits de l'Homme est envisagée.
J'attends également des jugements pour l'attribution de la mention « Mort pour la France » à mon père en lieu et place du qualificatif déshonorant de « déserteur » et pour obtenir réparation pour toutes les souffrances endurées par ma famille. Comment l'État français peut-il arguer de la prescription alors qu'il a menti sur ce drame pendant tant d'années ?
Messieurs les présidents de la France et du Sénégal, mais aussi du Mali, de Guinée, de Côte d'Ivoire, du Bénin, du Burkina Faso, du Togo etc. il est urgent, au-delà des discours, d'honorer la mémoire de ces soldats africains, engagés volontaires ou non, venus pour défendre la France et son territoire mais, paradoxalement, morts par les armes de l'armée coloniale française sur le sol africain.
Il faut offrir à chacun d'eux une sépulture décente et leur attribuer la mention « Mort pour la France » en les nommant grâce à la liste des victimes ; il faut innocenter par un procès en révision ceux condamnés à tort et les réhabiliter et enfin il faut restituer à leurs ayants-droit les soldes et indemnités spoliées.
C’est dans l’espoir que cet ultime appel à votre responsabilité et à votre devoir de veiller à un traitement égal de tous les êtres humains, sans aucune distinction de race ou d’ethnie, de genre ou d’origine, de classe ou de caste, de nationalité, de religion ou de conviction, ne sera pas vain. La réponse attendue ne peut être que l'exhumation des corps dont celui de mon père M'Bap Senghor.
Diakhao, Fatick (Sénégal), le 15 octobre 2019
Biram Senghor, 81 ans, est Adjudant-Chef de Gendarmerie à la retraite
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DANS L'ENFER DE BOKO HARAM
Le journaliste Seidik Abba, dans son ouvrage “Voyage au coeur de Boko Haram”, fait témoigner des combattants repentis. Ils éclairent sur les profils des combattants, la brutalité des chefs et l’économie de guerre qui permet de financer la secte
Créée en 2002, la secte de Boko Haram a basculé dans la violence armée en 2009 et a fait près de 27 000 morts au Cameroun, au Niger, au Nigeria et au Tchad. Peu d’observateurs ont pu pénétrer ce groupe terroriste pour rendre compte de son fonctionnement.
Le journaliste Seidik Abba, dans son ouvrage “voyage au coeur de Boko Haram”, fait témoigner des combattants repentis. Ils éclairent alors sur les profils des combattants, les tactiques de combat, la brutalité exercée par les chefs et l’économie de guerre qui permet de financer les actions de la secte.
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COMMENT REPENSER CETTE GAUCHE MORIBONDE ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Hamidou Anne, un des invités de la prochaine émission Sans Détour, expose dans cette bande annonce, sa thérapie pour sortir la Gauche de sa mort clinique. Il évoque également le concept de construction démocratique par les peuples
Mame Lika Sidibé et Youssouf Ba |
Publication 14/10/2019
Comment relever le défi de l’unité de la Gauche ? Comment la Gauche doit s’y prendre pour constituer une alternative à la faillite du néo libéralisme ? Quel profil de leader pour incarner les idéaux de Gauche ? Éléments de réponse avec Hamidou Anne, analyste politique et écrivain, comptant parmi les éditorialistes de la prochaine édition de l'émission Sans Détour.
Au micro de Mame Lika Sidié, l'auteur de "Panser l'Afrique qui vient" aux Éditions Présence Africaine, évoque par ailleurs la question de la violence en Afrique du Sud et le concept de la construction démocratique par les peuples.
Regardez cette première bande annonce de Sans Détour, la grande émission télé de SenePlus produte en partenariat avec l'école d'image numérique Sup'Imax.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
DÉPUTÉS, INTESTINS SILENCIEUX DU PALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Macky Sall qui a tant souffert des manœuvres et intrigues de la place Soweto, dirige une coalition qui ramène la démocratie parlementaire aux années sombres de notre histoire politique
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 14/10/2019
Une Assemblée nationale puissante et dynamique a un rôle essentiel à jouer en démocratie. Elle doit être un rouage démocratique essentiel à l’élaboration des lois, un contrôle de la politique gouvernementale par les députés. C’est un contre-pouvoir. C’est aussi le lieu sacro-saint où les différentes sensibilités politiques confrontent leurs idées à travers les débats et les échanges féconds. Cette confrontation des idées politiques communes ou contradictoires installe en profondeur la culture démocratique, celle où la prise de parole qui génère le compromis et la négociation n’est pas seulement une procédure, technique d’arbitrage, mais aussi une valeur légitimatrice des délibérations.
Mais au Sénégal, les députés vivent sur une autre planète. A la place d’une véritable institution parlementaire, on a une Assemblée obsolète, coûteuse, opaque et sans véritable utilité sustentant des godillots, des comploteurs, des délinquants fiscaux qui refusent de payer leurs impôts et qui répugnent tout contrôle par les corps habilités. Ce sont eux qui, refusant de changer leurs mœurs, coutumes et privilèges, font tout pour que l’Assemblée conserve sa mauvaise réputation séculaire. Aujourd'hui, elle est ravalée au rang de simple chambre d’enregistrements et d’applaudissements résolue à jouer un rôle de caisse de résonance politique. Ainsi face à une Assemblée nationale soumise et une institution judiciaire atone, le tout-puissant exécutif peut tout se permettre. Son omnipotence sur le pouvoir législatif et son emprise sur la justice fragilisent notre démocratie. Talon d’Achille de la République, l’Assemblée nationale sénégalaise n’a jamais été un contre-pouvoir mais un pour-le-pouvoir. Elle a toujours été un appendice du pouvoir exécutif, une chambre d’exécution politique de tous les opposants ou partisans de la majorité empêcheurs de tourner en rond. Par conséquent, notre Parlement est nu, comme l’enfant disait dans le conte d’Andersen « le roi est nu ».
De tout temps, les députés de la nation n’ont jamais joué le rôle que leurs mandants attendent d’eux : animer la vie démocratique par le débat contradictoire, contrôler l’action gouvernementale en toute indépendance sans subir la pesanteur ou l’influence du camp auquel on appartient. Au contraire, on a transformé l’Assemblée en un lieu de règlement de compte entre députés d’un même clan ou d’anéantissement de la minorité parlementaire. Elle est aussi un lieu d’acquisition de comptes. Au moment où l’Etat en crise financière procède à des ajustements et des économies parcimonieuses dans tous les domaines, les godillots, eux, créent trois nouvelles commissions qui auront des incidences économiques en termes de salaire, de véhicules, de crédit et de carburant. En sus, il ne serait pas surprenant qu’une de ces commissions soit confiée en guise de récompense au groupe parlementaire du PDS dont le leader vient de sceller ses retrouvailles avec le chef de la majorité. Il n’est pas exclu non plus que les escrocs politiques qui se font appelés non-inscrits puissent bénéficier à court terme d’un groupe parlementaire avec ses avantages matériels et pécuniaires. Ce qui veut dire qu’une opération de domestication de l’opposition parlementaire est en train d’être concoctée au sein de l’institution de Soweto. Et les prodromes sont déjà visibles lors de la plénière blanchissant Mamour Diallo, accusé d’un détournement de 94 milliards. Des députés libéraux, qui ont, dans un passé récent, combattu et voué aux gémonies la commission d’enquête parlementaire de Bennoo, ont béni les conclusions du rapport non sans reprocher à Sonko ses accusations sans preuve.
Aujourd’hui, le débat parlementaire fécond a déserté la place Soweto pour céder la place à la profusion des insultes. Faute de produire un discours instructif et constructif pour le bien des populations, nos déshonorants honorables députés s’illustrent par des scènes pugilistiques et des insultes obscènes. Voilà la face hideuse de l’Assemblée nationale avec ses godillots alimentaires toujours au service de sa Majesté et jamais du côté du peuple dont ils sont dépositaires des suffrages.
L’Assemblée nationale du Sénégal a écrit les pages les plus sombres de notre histoire politique. Les majorités mécaniques cautionnent systématiquement, les yeux fermés, les desiderata du Prince et de son gouvernement. Les projets de lois les plus impopulaires et les propositions de lois les plus scélérates sont votés sans remise en cause. La loi Ndiadiar Sène sous Abdou Diouf, la mise en accusation du Premier ministre Idrissa Seck, les amendements Moussa Sy et Aminata Tall, la loi Ezzan, la loi Sada Ndiaye sous le magistère de Wade en sont quelques exemples patents.
En décembre 1962, le président Léopold Sédar Senghor exécute politiquement Mamadou Dia, chef du Conseil gouvernemental, accusé de fomenter un putsch, en instrumentalisant les députés godillots qui n’ont pas hésité pas à voter une motion de censure contre son gouvernement. Pourtant, le Mawdo a voulu combattre les députés délinquants qui, non seulement, avaient voté une loi pour augmenter leur salaire dans un contexte de sacrifice et d’édification de notre jeune nation souveraine, mais avaient contracté des dettes auprès d’une banque de l’Etat sans vouloir procéder au remboursement obligatoire. La situation de confusion qui s’en est ensuivie entre l’Union progressiste sénégalaise (UPS) et l’Assemblée nationale a permis à Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal et valet des Français, de se débarrasser définitivement de Dia le patriote.
Cette même Assemblée, sous le règne du président Abdou Diouf, sera manipulée par le superpuissant Jean Collin pour anéantir son adversaire de même parti. Il faut préciser que, dans le dessein d’affaiblir l’opposition d’alors, le président Abdou Diouf avait instauré aux législatives de 1983 la règle des 15% pour l’institution d’un groupe parlementaire. C’est ainsi que le parti d’Abdoulaye Wade, qui avait obtenu 8 députés sur 120, n’avait pas pu disposer de groupe parlementaire. Et le PS régna en maître absolu à l’Assemblée sans opposition parlementaire.
En 1984, Habib Thiam est victime des manœuvres, sur fond d’un contentieux des années 70, de Jean Collin qui a « marrionnettisé » une bande de députés socialistes sous sa coupe pour pousser aux orties l’alors président de l’institution parlementaire. Le même procédé est utilisé par la même personne en décembre 1988 pour se défaire de Daouda Sow successeur d’Habib Thiam au perchoir. Son crime : avoir demandé, après des élections législatives catastrophiques, un nouvel organigramme du PS qui écarterait Jean Collin de sa position de numéro 2 officieux du parti. On a souvenance de l’agacement des députés libéraux qui, sous la conduite de Boubacar Sall, ont quitté l’hémicycle en vitupérant le comportement des socialistes : « nous ne sommes pas à la maison du PS ». En l’espace de cinq ans, les problèmes relatifs à la réorganisation hiérarchique du PS ont eu comme conséquences dommageables la défenestration de deux présidents de l’Assemblée nationale, victimes de la toute-puissance de Jean Collin.
Ces intrigues et manœuvres ont refait surface sous le règne d’Abdoulaye Wade quand Youssou Diagne, premier président de l’Assemblée de la première alternance démocratique, est contraint à la démission le 12 juin 2002, après avoir perdu les locales dans son fief de Ngaparou. Six ans après, l’alors président de la 11e législature, Macky Sall, accusé d’avoir voulu auditionner le fils du président de la République, patron de l’Anoci, est sacrifié sur l’autel de la haine vindicative et des jeux de positionnement de ses frères ennemis de parti.
Voilà aujourd’hui que Macky Sall, qui a tant souffert de ces manœuvres et intrigues de la place Soweto, dirige une coalition qui ramène la démocratie parlementaire aux années sombres de notre histoire politique. La première loi scélérate et liberticide votée sous la 12e législature le 29 juin 2015, c’est celle relative à la constitution d’un groupe parlementaire sur la base de 15% alors qu’Abdoulaye Wade l’avait ramenée à 10 députés en 2000. La seconde est la tenue en bride des députés dans leur groupe d’origine au risque de grossir le rang des non-inscrits.
Aujourd’hui, le Parlement va institutionnaliser une déontologie pour affermir les sanctions disciplinaires contre les députés absentéistes et leurs écarts de conduite. Mais en réalité, cette réforme vise l’attitude d’Ousmane Sonko qui a refusé de déférer à la convocation de la Commission d’enquête. Pourtant, le samedi 1er décembre 2018, 129 députés apéristes à l’exception d’un seul, avaient procrastiné le vote du budget de Pape Abdoulaye Seck, ministre de l’Agriculture pour assister à l’investiture de Macky Sall candidat de Bennoo Bokk Yaakaar à la présidentielle, sans grief.
Cette commission d’enquête qui a rendu ses conclusions blanchissant Mamour Diallo prouve à suffisance qu’à l’Assemblée nationale, les hommes et femmes de la majorité avec leur alter ego collabos de l’opposition qui y siègent, faute de devenir des députés du peuple, se sont transformés en « de simples digéreurs, intestins silencieux de la bouche du Palais », pour reprendre le mot du président du groupe communiste français, André Chassaigne.
AU MOINS UN MORT EN GUINÉE PENDANT LA MOBILISATION CONTRE UN TROISIÈME MANDAT DE CONDÉ
La quasi-totalité des quartiers périphériques de Conakry a été la proie d'affrontements entre groupes dressant des barricades, incendiant des pneus, et gendarmes répliquant par des tirs de gaz lacrymogène, mais aussi à balle réelle
Au moins un adolescent a été tué lundi à Conakry, selon un médecin, dans des heurts dans plusieurs quartiers entre les forces de sécurité massivement déployées et des milliers d'opposants à un troisième mandat de l'actuel président Alpha Condé.
La quasi-totalité des quartiers périphériques de Conakry a été la proie d'affrontements entre petits groupes éclatés dressant des barricades, incendiant des pneus, lançant des pierres, et policiers et gendarmes répliquant par des tirs de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes, mais aussi à balle réelle, a rapporté un correspondant de l'AFP.
Le centre, siège de la présidence, des ministères et des ambassades, placé sous protection, présentait un air de ville fantôme avec ses magasins fermés.
Dès les premières heures de cette journée à hauts risques dans un pays coutumier des protestations et des répressions violentes, des centaines de gendarmes et policiers se sont employés à éteindre le moindre foyer de contestation, comme à Cosa, un fief de l'opposition, a constaté un correspondant de l'AFP.
"Il faut les empêcher de se rassembler, aucun attroupement n'est autorisé", criait sur un ton menaçant un des officiers dirigeant l'opération.
Les troubles ont néanmoins agité les faubourgs.
Un adolescent de 16 ans a été tué et quatre personnes gravement blessées par des tirs des forces de l'ordre dans le quartier de Sonfonia Gare, a dit à l'AFP le docteur Bella Diallo qui les a fait évacuer. Deux autres jeunes ont été blessés par balle dans un autre quartier, Wanidara, ont indiqué deux journalistes et un médecin s'exprimant sous couvert d'anonymat pour leur sécurité.
Aucune confirmation de la mort de l'adolescent, Mamadou Lamarana Bah, n'a été obtenue de la police.
Pour son père Tély Oury Bah, il "a été froidement abattu par un agent de la force publique, armé par l'Etat guinéen".
- Opposants sous surveillance -
"Je ne peux même pas aller voir le corps à la morgue de l'hôpital puisqu'il n'y a pas de passage, les routes sont bloquées", s'est-il ému. "Je m'en remets à Dieu le Tout Puissant, je ne pardonnerai jamais aux policiers et gendarmes qui prennent les armes contre la population, ni à leurs commanditaires", a-t-il proclamé.
Les activités étaient paralysées dans plusieurs autres villes où les écoles ont renvoyé les élèves chez eux, ont indiqué des habitants et des journalistes sur place.
La tension n'a cessé de monter depuis l'appel à la manifestation lancé il y a une semaine par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC). Cette coalition rassemblant des partis d'opposition, des syndicats et des membres de la société civile s'oppose farouchement à une révision de la Constitution évoquée par le pouvoir.
Elle permettrait à Alpha Condé, 81 ans, de se présenter fin 2020 pour un troisième mandat, alors que la Constitution en limite actuellement le nombre à deux. L'opposition s'attend à ce qu'il officialise bientôt la tenue d'un référendum constitutionnel. Fin septembre, il avait demandé aux Guinéens de s'y "préparer".
L'opposition dénonce un projet de coup d'Etat institutionnel et la dérive "dictatoriale" de celui qui fut lui-même un opposant historique ayant connu la prison pour son engagement contre différents régimes autoritaires, avant de devenir le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest.
Au moins une vingtaine d'opposants ont été arrêtés depuis samedi, selon le FNDC.
Policiers et gendarmes ont pris position lundi près des domiciles du chef de l'opposition et président de l'Union des fores démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, et du président de l'Union des forces républicaines (UFR), Sidya Touré, interdisant aux journalistes d'approcher.
L'intransigeance affichée de part et d'autre avant la mobilisation susctitait des inquiétudes: selon l'opposition, une centaine de manifestants ont été tués par les forces de l'ordre depuis l'arrivée au pouvoir d'Alpha Condé en décembre 2010. Les autorités parlent quant à elles d'une douzaine de policiers ou militaires tués lors de manifestations au cours de cette période.
Le gouvernement a prévenu qu'il ne cèderait "pas le moindre centimètre carré au règne de l'anarchie", affirmant que la mobilisation n'avait pas été dûment déclarée et était donc illégale.